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      Le cercle vicieux du quiet quitting et du déclin de l’organisation

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 15 March, 2023 - 03:40 · 5 minutes

    Le « quiet quitting » est la nouvelle expression en vogue. Elle décrit le fait pour des employés de quitter leur entreprise discrètement, sans faire d’esclandre, sans même parfois prévenir. Un jour, ils ne sont plus là. Ce n’est pas simplement un problème de ressources humaines car il peut mettre en danger toute l’organisation et entraîner son déclin à plus ou moins court terme. Il constitue donc un enjeu stratégique.

    Pour comprendre ce qui est en jeu, on peut utiliser les travaux d’Albert Hirschman, auteur du fameux Défection et prise de parole . Hirschman étudie la loyauté des individus à une institution. Il observe qu’une personne insatisfaite a trois options : elle peut soit prendre la parole et protester, soit se taire et supporter l’insatisfaction, soit faire défection, c’est-à-dire partir sans protester.

    Prendre la parole et protester a un coût qui peut parfois être très important. Lorsque nous sommes dans un restaurant médiocre et que le chef nous demande si tout va bien, il est bien plus simple pour nous de répondre Oui avec un grand sourire que de lui dire la vérité. Nous serons partis dans quelques minutes pour ne plus jamais revenir ; à quoi bon se lancer dans un échange où il est probable que le chef prendra mal nos observations ?

    Nous n’avons pas intérêt à investir dans la relation, le coût perçu est trop élevé. Sans le savoir, le chef se prive d’un feedback précieux pour améliorer sa prestation.

    Dans d’autres contextes, la prise de parole peut être durement pénalisée. C’est évidemment le cas dans les régimes dictatoriaux et à un moindre degré dans certaines organisations. Beaucoup d’entre elles ne veulent objectivement pas de prise de parole malgré leurs affirmations. Ainsi ce consultant me racontait qu’un de ses clients menait des sondages très réguliers sur l’ambiance de ses collaborateurs, et que ces sondages étaient anonymes. Le fait que ces sondages soient anonymes, lui fis-je remarquer, ne dit-il pas tout ? Ne faut-il pas implicitement reconnaître qu’il y a un risque à parler pour garantir l’anonymat ? C’est pour cela que la défection est plus intéressante.

    La défection est plus intéressante

    Elle l’est d’autant plus que depuis quelques années, les portes de sortie se sont développées.

    Désormais, changer d’employeur n’est plus vu comme une tare. On peut également rejoindre une startup ou se lancer comme indépendant. En résumé, le grand changement de ces dernières années est que les bons éléments disposent désormais de nouvelles options à la fois faiblement risquées et potentiellement très intéressantes. Le coût de prise de parole reste élevé tandis que le risque lié à la défection diminue, et son gain potentiel augmente. Pas étonnant que le « quiet quitting » ait le vent en poupe.

    Mais on ne peut pas toujours partir facilement, comme dans un restaurant. Certains employés insatisfaits auront du mal à trouver un autre emploi. Le risque peut être d’autant plus élevé qu’ils ont par ailleurs des contraintes financières (prêt immobilier par exemple). Quand on n’est pas un « bon élément » (au sens où on trouverait facilement autre chose), on reste coincé dans une organisation non performante. On ne peut pas prendre la parole car c’est trop risqué et on ne peut pas partir car c’est également trop risqué. Pas étonnant qu’il s’en déduise une forte frustration et une aliénation vis-à-vis de l’organisation : on voit celle-ci à la fois comme la cause de sa misère et comme une bouée de sauvetage.

    Le cercle vicieux du quiet quitting et du déclin de l’organisation

    C’est ainsi que se met en place un cercle vicieux très dommageable pour l’organisation.

    À tout moment, il existe un niveau de performance acceptable pour les membres. Si ce niveau baisse, les plus performants deviennent insatisfaits. Ils ont alors deux options : prendre la parole ou partir. Si le coût de prise de parole est jugé élevé, cette option est abandonnée et ils partent. Privée de ses meilleurs éléments, l’organisation voit à nouveau son niveau de performance baisser d’un cran.

    Cette baisse de performance rend insatisfaite une nouvelle cohorte de membres, les plus performants après le départ des précédents et le cycle se répète. Il s’accélère même car rapidement ne restent que ceux qui ne peuvent pas aller ailleurs. Les meilleurs éléments sont partis depuis longtemps. La probabilité qu’il y ait prise de parole diminue avec le temps et donc la possibilité pour l’organisation de réagir aussi. Elle est prise dans une spirale de déclin, elle se vide littéralement de sa substance. Chaque cycle rend plus difficile son redressement.

    Ce qui était au début un problème de ressources humaines est devenu un problème stratégique, mais lorsque la prise de conscience de la nature stratégique du problème se produit, il est généralement trop tard.

    Briser le cercle vicieux

    Un cercle vicieux est par définition difficile à briser. Au bout d’un moment, ceux qui restent ne sont ni disposés ni capables de prendre la parole de façon constructive. Ceux qui le pouvaient sont partis.

    Pour la direction générale la seule façon pour s’en sortir est de recréer un contexte pour ce faire. Il faut agir de façon déterminée pour que la prise de parole redevienne possible et intéressante. Elle doit s’engager de façon crédible et cet engagement doit être la base du recrutement de nouveaux employés qui s’inscriront dans cette posture de vérité, et en priorité des leaders.

    « Il n’est de richesse que d’hommes » disait Jean Bodin . Les stratèges feraient bien de ne pas oublier cette leçon de sagesse.

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      Les JO 2024 face aux nouvelles mobilités aériennes urbaines électriques

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 March, 2023 - 03:40 · 1 minute

    Redon Agglomération fait partie des 500 premières collectivités labellisée s Terre de Jeux 2024 par le  comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

    Objectif : faire du territoire une base arrière des Jeux et accueillir des délégations françaises et étrangères qui souhaiteraient venir s’entraîner durant l’Olympiade 2024.

    Si le rayonnement des Jeux Olympiques de Londres a profité à Dinard comme base arrière sur la côte  d’Émeraude en 2012, le pays de Redon peut pleinement s’inspirer de recommandations qui figurent  dans un rapport intitulé : « Paris 2024 : just deliver the Games ».

    On ne dira jamais assez l’effet majeur et transformateur d’un tel événement sur l’image qu’un pays  projette vers le monde, mais aussi sur l’image qu’un territoire industriel peut construire de lui-même.

    Marcel Quercia, inventeur du briquet à gaz et de la saga Flaminaire à Redon, a aussi fondé l’aérodrome  de la ville. Il en était le premier président. D’origine italienne, son père, Janvier Quercia était le  descendant de Jacomo de la Quercia, professeur de Michel-Ange.

    Les JO 2024 comme occasion de faire rayonner le pays

    Mobilité, tourisme et attractivité seront les clés du succès des Jeux Olympiques en 2024 qui feront la  fierté de notre pays.

    Il y a quelques mois avait ainsi lieu à Pontoise (Île-de-France) l’ inauguration du premier Vertiport intégré, épicentre de nouvelles mobilités aériennes durables. Les démarches administratives sont en cours pour implanter cinq vertiports à horizon 2024 en Île-de-France. Dans le domaine médical, les  groupes Aéroports de Paris et RATP travaillent avec l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour évaluer l’usage d’aéronefs légers au service de trois besoins de transports : le transport de  matériel biologique, de blessés légers ou de médecins spécialisés.

    Ces mobilités d’avenir sont-elles expérimentables dans le pays de Redon ?

    Grâce à son aérodrome, pôle historique autour des nouvelles mobilités aériennes, il est possible de regrouper une trentaine d’acteurs industriels, académiques ou réglementaires pour répondre à l’ensemble des enjeux à venir : aéronefs, opérations, infrastructures, gestion de l’espace aérien, acceptabilité.

    Voici quelques nouvelles que nous pouvons utiliser. Maintenant, architectes, ingénieurs et étudiants  en mobilité de demain : commencez à expérimenter.

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      Comment gérer l’argent ; le triste cas des athlètes qui font faillite

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 13 February, 2023 - 03:50 · 5 minutes

    Par Lipton Matthews.

    L’absence d’une équipe solide est une recette pour l’échec organisationnel, et ceux qui ont l’intention d’exceller dans les affaires – ou dans tout autre secteur – doivent investir dans la gestion. Si l’on considère que de nombreux athlètes professionnels font faillite peu après leur retraite, ils constituent un groupe qui pourrait grandement bénéficier d’équipes de gestion financière de qualité. Les athlètes d’élite gagnent des millions de dollars en peu de temps mais peu parviennent à faire fructifier leurs gains pour créer de la richesse. Une enquête menée par le Global Financial Literacy Center a révélé que 16 % des joueurs de la National Football League (NFL) déclarent leur faillite dans les douze années suivant leur départ à la retraite. Ce qui est tout à fait surprenant, c’est que certains athlètes la déclarent dès deux ans après leur retraite.

    Les résultats de l’étude ont également montré que les stars de la NFL étaient tout aussi susceptibles de faire faillite que les autres joueurs de la NFL. Les chiffres de la faillite sont tout aussi décourageants pour les joueurs de basket-ball. Les recherches révèlent que les joueurs de la National Basketball Association (NBA) qui déposent le bilan le font dans les 7,3 ans suivant leur retraite et que 6,1 % de tous les joueurs de la NBA font faillite dans les quinze ans suivant leur départ de la profession. Ce traumatisme émotionnel peut conduire à la détresse. Des recherches indiquent que 78 % des joueurs de la NFL connaissent des difficultés financières deux ans après leur retraite .

    La mauvaise gestion des finances est la stratégie la plus facile pour s’appauvrir. Les athlètes professionnels peuvent éviter les calamités financières en investissant dans un meilleur conseil financier. Il y a une grande différence entre la gestion d’un athlète junior et celle d’une superstar qui gagne des millions de dollars par an. Un professionnel qui gère un athlète junior pourrait être un excellent gestionnaire, mais la transition vers le statut d’élite exige des personnes ayant une plus grande expertise.

    En affaires, un manager doit posséder les compétences nécessaires. Il n’a pas besoin d’être votre ami. Les athlètes de haut niveau ont besoin de managers d’élite pour les aider à gérer une richesse stratosphérique. Si un manager n’a pas d’expertise dans la gestion d’athlètes ou d’entreprises à succès, il n’est pas apte à gérer un athlète d’élite. Les athlètes qui parviennent à développer leurs empires sont peu enclins à recourir aux services d’amateurs.

    Magic Johnson attribue son succès au fait d’avoir investi dans des personnes compétentes plutôt qu’à la « sagesse » des membres de sa famille et de ses vieux amis. Pablo S. Torre dépeint Johnson comme un homme d’affaires sérieux dans un article mettant en lumière les échecs des athlètes professionnels :

    « Johnson a commencé par admettre qu’il ne connaissait rien aux affaires et a demandé conseil à des hommes tels que l’agent hollywoodien Michael Ovitzand et Peter Guber. Aujourd’hui, il reçoit des appels quotidiens de joueurs vedettes… et les interrompt s’ils proposent de s’en remettre à leur famille ou à leurs amis. »

    La stratégie de Johnson est encore plus pertinente à la lumière du récent scandale financier impliquant la disparition de plus de douze millions de dollars détenus par la légende du sprint Usain Bolt dans la société d’investissement jamaïcaine Stock and Securities Limited (SSL). S’adressant aux journalistes, l’avocat de Bolt, Linton Gordon, soutient que la Financial Services Commission (FSC) devrait être tenue responsable de l’incident car elle n’a pas exercé une surveillance adéquate :

    « Ils devraient en porter la responsabilité dans une certaine mesure, sinon entièrement, car pendant tout ce temps ils ont gardé le silence et n’ont pas alerté le public, y compris M. Bolt, sur le fait que la société ne fonctionnait pas conformément à la loi. Cela fait maintenant 10 ans qu’ils disent avoir signalé cette société au public. S’il l’avait su, il aurait retiré son argent et n’aurait plus déposé de demande. »

    Il est facile de blâmer le régulateur, mais cette débâcle révèle les lacunes des conseillers financiers de Bolt. Il n’avait pas besoin de savoir que SSL avait été jugée douteuse il y a des années, car ce sont ses conseillers qui auraient dû l’en informer. Il y a quelques années, j’ai assisté à un événement au cours duquel des collègues investisseurs ont affirmé que SSL était irrécupérable. Les dirigeants de Bolt n’étaient pas au courant. De plus, la Jamaïque est connue pour la faiblesse et la fraude institutionnelles, il est donc un peu étrange qu’un homme de la stature de Bolt ait stocké autant d’argent dans une institution jamaïcaine pour commencer.

    Certains disent que la FSC doit être tenue responsable du détournement de l’argent de Bolt, mais la FSC a rédigé un rapport que les dirigeants de Bolt auraient vu s’ils avaient fait des recherches. De plus, dans un pays où les agences sont fréquemment compromises par la politique, il est possible que le FSC n’ait pas suspendu les opérations de SSL parce qu’il était contraint par des acteurs malhonnêtes. Les dirigeants de Bolt auraient dû faire preuve de perspicacité en recommandant à la superstar de limiter ses investissements jamaïcains et en sollicitant les services de grandes sociétés de gestion de patrimoine comme UBS Wealth Management ou Baird.

    L’étude de cas d’Usain Bolt démontre que même les athlètes ayant de bons managers ne devraient jamais hésiter à se mettre à niveau lorsque leurs employés ne sont pas équipés pour relever des défis plus importants. L’argent est difficile à gagner, mais avec un mauvais gestionnaire, il est facile à perdre. Par conséquent, les athlètes désireux de conserver leur argent doivent investir dans la bonne équipe ou en subir les conséquences.

    Traduction Contrepoints

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      Réussir, et après ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    Dans l’entreprise, surtout les grandes, mais aussi les autres, la réussite consiste à gravir les échelons, à être nommé à des postes de plus en plus élevés dans la hiérarchie toujours pyramidale de l’entreprise. Certains salariés passent leur vie à ce jeu, jusqu’à atteindre les sommets et à se demander ensuite ce qu’ils vont faire de leur vie.

    Mais cette « réussite » acquise échelon par échelon, c’est aussi le meilleur moyen d’ancrer des croyances qui peuvent justement empêcher d’aller plus loin. C’est le sujet du livre, et la spécialité de la pratique professionnelle de Marshall Goldsmith , expert coach en leaders qui ont réussi, pour les aider à aller plus loin, ce qu’il appelle « de la réussite à l’excellence ». Il permet de comprendre pourquoi certains n’arriveront jamais à se sortir de cette « réussite » sans pouvoir aller au-delà. Parce qu’il le dit dans le titre le l’édition originale en anglais : What got you here won’t get you there .

    Ces croyances sont au nombre de quatre et il est facile de les observer quotidiennement dans les comportements autour de nous ou en nous-mêmes si nous sommes concernés par cette griserie de la réussite.

    Première croyance : j’ai réussi

    Comment ne pas croire que la réussite n’est due qu’à l’habileté et au talent de celui qui a réussi ?

    D’où sa croyance intime qu’il possède les talents et habiletés qui en font un gagnant qui va continuer à gagner. Cela se remarque facilement dans les histoires qu’il aime bien raconter : celles de ses réussites, des contrats qu’il a gagnés, de grandes réalisations. Même lorsqu’il nous parle des réussites collectives d’une équipe, il garde cette conviction que sa contribution était quand même plus significative que ne pourraient le laisser entendre les faits.

    Cette croyance n’est pas si négative ; elle peut nous donner envie de prendre des risques, d’entreprendre. Mais elle peut aussi être un obstacle lorsqu’elle conduit certains à se comparer systématiquement aux autres en comme le dit Marshall Goldsmith, « faisant pencher la balance en leur faveur ».

    Deuxième croyance : je peux réussir

    C’est la conséquence logique de la croyance précédente.

    « C’est une autre façon de dire : je suis certain que je peux réussir ».

    C’est la manie de ceux qui ont connu le succès de croire qu’ils ont en eux la capacité de toujours réussir, que grâce à leurs talents ou leurs ressources intellectuelles, ils peuvent toujours faire basculer une situation en leur faveur. Leur croyance, c’est que le succès est un « gain » résultant de leur habileté, même lorsque ce n’est pas le cas, et qu’il y a toujours un lien entre ce qu’ils ont accompli et la position qu’ils occupent, même si rien ne démontre ce lien.

    L’erreur dans ce type de croyance c’est « Je réussis. J’adopte tel comportement. Donc je réussis à cause de ce comportement ! ». Alors que c’est peut-être l’inverse : ils réussissent parfois en dépit de ce comportement. Pas facile alors de les faire changer de comportement.

    Troisième croyance : je réussirai

    « C’est une façon de dire : j’ai la motivation qu’il faut pour réussir ».

    « Si j’ai réussi fait référence au passé, et je peux réussir au présent, alors je réussirai fait référence à l’avenir » .

    C’est cet optimisme inébranlable qui persuade que le succès est un dû à celui qui a réussi.

    Mais le revers de la médaille c’est de mettre la pression sur ses collaborateurs en leur faisant faire des promesses ou fixer des objectifs que même les plus dévoués ne parviendront pas à tenir. Cette attitude systématique peut même aller jusqu’à un surmenage des effectifs et une équipe qui s’affaiblit, obtenant de moins en moins de résultats.

    Quatrième croyance : je choisis de réussir

    C’est la croyance qui fait croire à ceux qui réussissent que ce qu’ils font résulte d’un choix personnel.

    Le risque, ici, est ce qu’on appelle la « dissonance cognitive » et que Marshall Goldsmith décrit ainsi :

    « C’est l’écart entre ce que nous croyons dans notre esprit et ce que nous vivons ou voyons dans la réalité. Plus nous voulons croire que quelque chose est vrai, moins il est probable que nous acceptions de croire que le contraire est vrai, même lorsque tout prouve que nous avons tort ».

    À lire Marshall Goldsmith, on comprend que ces quatre croyances cumulées peuvent faire de nous une personne moyennement, voire pas du tout appréciée de ses collaborateurs et de son entourage.

    Et comme ces croyances sont bien ancrées, il est très difficile d’en faire changer. D’où cette grande difficulté de passer de la réussite à l’excellence, c’est-à-dire de devenir un leader entraînant pour les autres, capable de développer l’intelligence collective et la puissance des équipes.

    Marshall Goldsmith a recensé les vingt habitudes, les mauvaises habitudes de ceux qui ont réussi et qui les empêchent d’aller plus loin. Toutes ces habitudes ne sont pas réunies dans une même personne et certaines sont moins néfastes que les autres. Tout est question de dosage. Mais toutes concernent des problèmes interpersonnels qui peuvent être agaçants en milieu professionnel, et peuvent ruiner notre réputation. Ce sont tous ces problèmes qui, malgré la « réussite », empêchent d’être admirés et aimés, et peuvent décourager les autres. Ce sont les habitudes qui rendent bien solitaires ces personnes qui ont réussi et se retrouvent entourées de collaborateurs et relations qui ne les supportent pas.

    Toutes ces habitudes tournent autour de l’information et de l’émotion.

    L’information : celle que l’on garde pour soi ou le genre de remarques pour doucher les propositions des autres, comme « ça ne marchera pas », « je le savais déjà », commencer ses phrases systématiquement par « Non », « Mais » ou « Cependant », vouloir toujours en rajouter (« c’est une bonne idée, mais ce serait mieux si tu… »).

    Parce que nous croyant plus intelligent que tout le monde, toutes ces habitudes nous font toujours en rajouter et répondre pour étaler notre intelligence. Nous pouvons croire que cela permet d’éduquer les autres, de les inspirer, alors que cela provoque au contraire les frustrations et le découragement.

    L’émotion : ce sont ces habitudes qui nous font mettre en colère un peu trop souvent, qui nous font omettre d’exprimer notre reconnaissance ou de dire simplement « Merci », qui nous font revendiquer des honneurs que nous ne méritons pas vraiment, qui nous font refuser d’exprimer des regrets.

    Les conseils de Marshall Goldsmith pour sortir de ces habitudes ont l’air simples : avant de s’exprimer, et lorsque nous partageons de l’information ou de l’émotion, il suffit de se demander si elle est appropriée et si elle est bien dosée .

    À tous ceux qui ont réussi et qui traînent ces mauvaises habitudes, parfois même sans s’en rendre compte, qui les empêchent d’aller plus loin, l’auteur adresse un message d’espoir :

    « Vous êtes ici.

    Vous pouvez choisir votre destination.

    Le voyage commence maintenant. »

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      « On n’a pas le choix » ou la démission du stratège

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 03:30 · 5 minutes

    L’importance des ruptures auxquelles nous sommes parfois soumis et le côté impératif de certaines d’entre elles peut nous empêcher de penser sereinement et nous amener à conclure que nous n’avons pas le choix de telle ou telle action.

    C’est pourtant faux. On peut même arguer que plus la rupture est importante, plus la crise est pressante, plus le stratège doit éviter de tomber dans le piège de la voie unique. Les organisations qui survivent aux crises sont en effet celles qui, précisément, trouvent une réponse originale et créative aux défis auxquels elles sont confrontées. « On n’a pas le choix », c’est la démission du stratège.

    L’exemple de Kodak et Fuji

    À partir de la fin des années 1990, Kodak est de plus en plus confronté à la rupture du numérique qui rend ses films argentiques inutiles.

    Pour tous les experts en stratégie et les analystes, c’est une évidence : Kodak doit basculer vers le numérique. Mais l’entreprise hésite à mettre en péril son activité historique. C’est un cas classique de dilemme de l’innovateur mis en évidence par le chercheur Clayton Christensen : miser sur la rupture au risque de sacrifier son activité historique sans être certain de réussir ou défendre cette dernière le plus longtemps possible au risque de rater la rupture.

    Finalement, après des années de tergiversations, Kodak tranchera pour le numérique mais trop tard et l’entreprise fera faillite en 2012.

    Pourtant, le choix du tout numérique était-il si évident ? Loin s’en faut. Comment le sait-on ? En observant ce qu’a fait son concurrent de toujours , le japonais Fuji. Confronté à la même rupture, en crise aiguë en 2007, Fuji se pose et se demande : « Qui sommes-nous? » Réponse : « Nous sommes des chimistes, donc le monde de la photo numérique n’est pas pour nous. » À partir de là, Fuji va abandonner le marché de la photo en gérant intelligemment le déclin de son activité films argentiques tout en se redéployant dans des activités liées à la chimie comme la cosmétique ou la pharma.

    Ce cas illustre bien les dangers de la posture selon laquelle « On n’a pas le choix ». Car on a toujours le choix, même si souvent les choix ne sont pas forcément visibles et si l’un d’entre eux nous est présenté comme évident et impératif. Or, c’est précisément l’enjeu de la stratégie de résister aux pressions institutionnelles et aux fausses évidences, pour identifier, ou mieux, créer un choix souhaitable. L’enjeu de la stratégie, c’est précisément d’éviter le « On n’a pas le choix », ou pire encore « Il faut faire comme les autres. » La capacité de Fuji à éviter ces deux écueils est remarquable et a permis à l’entreprise d’être aujourd’hui florissante alors que Kodak a disparu.

    Générer des choix souhaitables, un acte créatif

    La théorie entrepreneuriale de l’effectuation souligne l’importance de substituer une logique de contrôle à une logique de prédiction.

    Autrement dit, elle souligne que si l’on ne contrôle pas forcément ce qui nous arrive (crise, épidémie, guerre, évolutions de marché, etc.), on peut néanmoins contrôler la façon d’y répondre et en particulier la façon dont on peut en tirer parti. Elle souligne ainsi la part importante de créativité face à l’événement inattendu sur lequel on n’a pas la main.

    Lorsque madame Tao , une chinoise quasi-analphabète et sans aucune formation, se retrouve à la rue avec ses deux enfants suite à la mort brutale de son mari, elle pourrait se dire qu’elle n’a pas de choix autre que devenir mendiante. Or, ce n’est pas ce qu’elle fait. Elle se débrouille pour se procurer du riz et vend des portions aux étudiants de son quartier pour gagner quelques centimes. Par sa créativité, elle échappe ainsi à la fausse évidence de devenir mendiante. Vendre des portions de riz, ce n’est pas très original en Chine mais cela suffit à ouvrir une brèche dans la fausse évidence. De fil en aiguille, elle finira par ouvrir un restaurant puis à produire une sauce épicée aujourd’hui vendue dans le monde entier. Star de l’entrepreneuriat en Chine, elle a simplement refusé l’idée qu’elle n’avait pas le choix. La faussement modeste madame Tao a ainsi compris quelque chose qui semble échapper à nombre de stratèges, qui est que leur rôle est de trouver une réponse créative aux défis auxquels est confrontée l’organisation. Une organisation qui conclut « On n’a pas le choix » abdique sa capacité stratégique. Elle se conforme au modèle dominant, ce qui est la voie la plus sûre vers le déclin.

    Sur le plan plus individuel, énoncer « On n’a pas le choix », c’est user d’un argument d’autorité pour interdire toute objection. C’est la phrase préférée des experts et des idéologues quand ils parlent aux gueux comme nous (ou des hauts fonctionnaires comme j’en ai fait moi-même l’expérience récemment). Elle permet de clore le débat d’entrée de jeu pour se focaliser sur une solution toute faite. « On n’a pas le choix », veut en effet souvent dire « On n’a pas le choix autre que ma solution », et derrière : « On n’a pas de choix autre que ma façon de penser et de voir le problème. »

    C’est penser que le problème est simple, qu’il ne fait pas en lui-même l’objet de débat, et que la solution sera simple aussi. Or, que ce soit le covid, l’inflation, les ruptures de chaîne logistique ou le changement climatique, les défis sont des phénomènes très complexes qui ne sont pas réductibles à un simple problème résoluble par une solution simple.

    Dans un monde complexe et incertain, on devrait passer plus de temps à proprement définir le problème qu’à se jeter sur une solution toute faite et faussement évidente.

    Pensez en stratège

    Alors la prochaine fois qu’on vous jette un « On n’a pas le choix » à la figure, ayez simplement le réflexe de vous dire « Si, on a le choix » pour échapper à l’enfermement et à la voie unique du conformisme si rassurant. Pensez en stratège et demandez-vous quel autre choix vous pourriez faire émerger. Ne soyez pas Kodak, soyez Fuji.

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      Entrepreneurs, votre idée ne vaut rien… ou presque !

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 2 November, 2022 - 03:35 · 7 minutes

    Le monde de l’entrepreneuriat est obsédé par l’idée géniale.

    Cette obsession se traduit par une conception du processus dans lequel la création d’une entreprise nécessite une grande idée, qui va être ensuite mise en œuvre dans une phase dite d’exécution. S’ensuivent des concours d’idées dans les entreprises, des séminaires d’idéation (sic!), et autres activités sans intérêt mais ludiques. En fait, l’idée de départ ne compte pas… ou quasiment pas. Mais alors comment faire pour lancer un business original ?

    Ikea est sans aucun doute l’une des entreprises les plus innovantes, qui a révolutionné le monde de la maison. Comment a-t-elle commencé ? Hé bien à l’origine, Ikea est une épicerie ! Elle est créée en 1943, et ce n’est que dix ans plus tard qu’elle commencera à vendre des meubles en kit.
    L’idée de départ d’ Airbnb ? Gonfler un matelas pour permettre à un invité de dormir dans le salon.

    Certains entrepreneurs reprennent des idées déjà existantes.

    Le réseau social existait déjà avant Facebook, il s’appelait mySpace. A priori Facebook n’apporte rien de nouveau, comme le remarque d’ailleurs Zuckerberg dans le film Social Network . D’autres font peu ou prou le même produit que leur concurrent direct : Pepsi est né quelques années après Coca Cola, et gagne depuis beaucoup d’argent en vendant un produit quasi-identique. Après tout, les bonnes idées courent les rues. Nous avons tous plusieurs idées par jour, mais la plupart d’entre nous n’en font rien. Certains, au contraire, agissent pour leur donner corps, et c’est ce qui fait la différence.

    Si vous pensez avoir une idée géniale, alors probablement 200 personnes, voire 2000, dans le monde ont la même. Bonne chance. Le concours ne se gagne pas sur l’originalité de l’idée.

    Mais alors sur quoi ?

    Ce qui compte, c’est l’exécution ?

    Très souvent, j’entends comme réponse que ce qui compte c’est l’exécution.

    On passe ainsi d’un extrême à l’autre : de « l’idée est primordiale » à « l’idée ne compte pas » .

    Mais la distinction entre idée et exécution ne traduit pas bien la dynamique du projet entrepreneurial. Elle suppose implicitement que l’idée ne changera pas. On a une première séquence où on produit l’idée, suivie d’une seconde où on va la mettre en œuvre. C’est une pensée très cartésienne : d’un côté l’idée, de l’autre la mise en œuvre.

    C’est parfois vrai dans les projets visionnaires : Elon Musk se réveille un jour avec l’idée d’ envoyer des gens sur Mars . C’est une idée banale, très ancienne, et il va consacrer les 40 années suivantes de sa vie à essayer de la réaliser.

    Mais rares sont les projets aussi clairement découpés, où l’idée de départ ne change pas. La réalité dynamique du projet entrepreneurial est plutôt caractérisée par une dialectique entre idée et exécution. C’est notamment le cas en incertitude.

    Une vision alternative : l’idée comme matière première de l’entrepreneur

    Pour mieux saisir la notion d’idée et la rendre moins stérile, il faut en changer la façon de voir.

    Une idée n’est pas une œuvre d’art figée au début de l’action entrepreneuriale et exposée dans une vitrine, une sorte d’étoile polaire située loin de nous, un plan dessiné par un architecte puis réalisé par artisans. Une idée, c’est de la matière première. C’est cette matière première que l’entrepreneur va travailler. Souvent, l’idée de départ est très basique (une épicerie). Parfois même, il n’y a pas d’idée du tout : Hewlett Packard et Sony, deux très grandes réussites du XXe siècle, ont été créées sans aucune idée de départ, simplement parce que des amis voulaient « faire quelque chose ensemble » . C’est l’action qui, peu à peu, va faire émerger une idée, ou un bout d’idée. L’idée est donc beaucoup plus le produit de l’action entrepreneuriale que son point de départ. Mais surtout elle évolue avec le temps. L’idée d’Ikea ne naît pas en un jour, mais germe durant les dix années qui s’écoulent depuis la création.

    Comment évolue-t-elle ? L’effectuation, la logique d’action des entrepreneurs , suggère que le rôle des parties prenantes est primordial.

    Imaginons un entrepreneur qui a l’idée de développer un gadget bleu en plastique. Il a beaucoup travaillé l’idée et la trouve géniale. Plein d’énergie, il va rencontrer un client potentiel. Celui-ci lui dit : « J’aime beaucoup votre gadget, mais je le voudrais en vert et en bois » .

    L’entrepreneur a quatre possibilités.

    Il peut conclure que ce n’est pas le bon client pour son gadget et essayer d’en trouver un autre (démarche de segmentation) ; il peut agir en visionnaire et essayer de convaincre le client qu’il se trompe, et que c’est bien d’un gadget bleu en plastique dont il a besoin.

    Dans les deux cas, il refuse de changer son idée.

    Mais il peut aussi décider que, comme le client est roi, il va modifier son produit et revenir voir celui-ci dès que possible (démarche d’adaptation) avec un gadget vert en bois. Il accepte de changer son idée pour s’adapter à la demande du client.

    Enfin, dernière possibilité, l’entrepreneur peut s’asseoir avec le client potentiel et discuter avec lui de ce qu’ils pourraient faire ensemble. Peut-être qu’après cette discussion, ils décideront de faire ensemble un gadget rouge en métal. Ici, l’idée est co-créée. L’entrepreneur s’engage à la réaliser tandis que le client s’engage en retour, par exemple, à en acheter 10 d’avance ou à fournir gratuitement le métal nécessaire. Une fois cela réalisé, l’entrepreneur recommence la même démarche. Ici, l’idée est le produit du processus entrepreneurial.

    Pour reprendre les termes de l’effectuation , l’idée est comme un patchwork fait de différentes pièces de tissu, les apports de chaque partie prenante, et ce patchwork est retravaillé chaque fois qu’une nouvelle partie prenante s’engage dans le projet. C’est ainsi que l’idée évolue au cours du temps. C’est ce qui fait qu’une idée relativement simple peut, itération après itération, devenir une grande idée. Mais avec cette approche, la « grande » idée ne sera pas juste une idée abstraite dans la tête de l’entrepreneur. Elle sera déjà un objet social ancré dans la réalité, pour laquelle des parties prenantes se seront engagées.

    On voit à quel point l’action fait évoluer l’idée qui suscite l’action en retour. On est loin de la séparation cartésienne entre idée et exécution. C’est de l’action créative.

    Qu’est-ce qu’une bonne idée ?

    À cette aune là, qu’est-ce qu’une bonne idée ?

    En fait, c’est une mauvaise question. Il n’y a pas de bonne idée dans l’absolu. Une idée est bonne quand on réussit à la faire accepter par les parties prenantes soit de façon statique (j’ai une idée, et les autres l’adoptent), soit de façon dynamique (je co-construis mon idée au fur et à mesure des engagements de parties prenantes). Être seule(e) dans sa chambre avec une idée qu’on pense géniale est peut-être satisfaisant mais ne vous avance pas à grand-chose, même si elle l’est vraiment.

    La problématique de l’entrepreneur n’est donc pas d’avoir une bonne idée puis une bonne stratégie pour l’exécuter. Encore moins de privilégier l’exécution parce qu’elle serait plus importante que l’idée. Les deux sont inséparables. L’idée est un objet social qui se développe par l’action de l’entrepreneur avec les parties prenantes. Elle s’ancre progressivement dans la réalité au travers de contrats, produits, services, associés, employés, etc. tout en évoluant.

    Si tout se passe bien, au bout d’un moment l’idée n’évolue plus, elle s’est traduite en un modèle d’affaire réalisé. Alors, voyez votre idée comme une matière première, agissez pour lui donner corps, acceptez de la faire évoluer par des partenariats intelligents, et surtout, agissez.

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      Pourquoi votre entité innovation de rupture ne va nulle part

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 31 October, 2022 - 03:50 · 6 minutes

    Le besoin des entreprises de répondre aux nombreuses ruptures de leur environnement les amène souvent à créer une entité spécifiquement consacrée à cette question. Le nom peut varier, mais ces entités innovation rencontrent très souvent le même problème : leurs belles idées ne donnent pas grand-chose sur le marché, quand elles atteignent cette étape. Comme souvent, cela tient à la façon dont elles sont conçues et au modèle qui sous-tend leur activité.

    J’avais il y a quelques semaines l’occasion d’intervenir dans une très belle ETI industrielle. Elle a une longue tradition d’innovation, mais celle-ci se perd un peu. L’entreprise estime que sa capacité à lancer de nouvelles activités et à renouveler ses activités actuelles s’est largement émoussée avec le temps. Mais elle a réagi. Suite à cette prise de conscience, elle a créé une entité innovation de rupture . Celle-ci travaille en amont sur des nouvelles technologies, se concentre sur les phases de R&D et va jusqu’au prototype. Puis elle passe la main au marketing qui prend le relai pour amener le produit au marché. Rien que de très classique.

    Mais force est de constater que, malgré des moyens importants au regard de la taille de l’entreprise et un soutien fort de la direction, les résultats sont décevants. Plus spécifiquement, des projets intéressants sont développés mais ils ne sont que difficilement amenés au marché. Il semble que quelque chose bloque, mais quoi ? C’est un cas très courant. Des discussions avec les responsables de ce type d’entités laissent souvent apparaître une récrimination à l’endroit du marketing et des commerciaux, qui se résume à « On leur apporte des projets très innovants, et ils n’en font rien. »

    Où est le problème ?

    Innovation de rupture : un problème de modèle

    En fait, le problème est lié au modèle même de l’approche , et il est double.

    Cette approche traduit une conception linéaire du développement de nouveaux produits

    On part d’une idée, on étudie la faisabilité, puis on développe un prototype, on conduit une phase de test et de mise au point, puis on amène au marché en commençant par un plan d’affaire. Dans les marchés établis, pour une innovation incrémentale, cela peut fonctionner. Une fois la demande validée, on peut dérouler le processus en étant à peu près certain qu’il n’y aura pas de surprise majeure qui viendra le perturber.

    Mais en situation de rupture, il en va tout autrement.

    On avance dans une très forte incertitude, et les cas de figure peuvent varier considérablement : on peut avoir une super technologie dont on ne sait pas quoi faire, et dont le domaine d’application n’émerge pas clairement. On peut avoir un refus des clients qui ne voient pas l’intérêt de notre idée, ce qui en bloque le développement d’entrée de jeu. On peut rencontrer de gros problèmes techniques dans le développement qui peuvent amener à devoir repenser tout ou partie du projet.

    Loin d’être un déploiement linéaire, une ligne droite bien tracée le long des rails, séparant nettement la conception de la mise en œuvre, le projet est beaucoup plus proche d’un tourbillon, où les dimensions techniques et commerciales se mélangent, et les retours en arrière sont multiples. Autrement dit, le modèle mental d’un tel projet n’est pas un développement de produit par la R&D, mais un projet entrepreneurial où toutes les dimensions sont présentes, à des degrés divers, en permanence.

    Cette approche se veut disruptive sans pour autant avoir une définition concrète et opérante de la notion de rupture

    Très souvent, ces entités entendent par rupture une technologie nouvelle. La rupture est ici associée au degré de changement technique. C’est d’ailleurs pour cela qu’on continue à utiliser l’expression impropre de « technologie de rupture ». Or, le caractère disruptif ou non est donné par la conformité au modèle d’affaires de l’entreprise. Lorsque Apple lance un nouveau MacBook avec une puce M2 considérablement plus puissante que ses machines précédentes, c’est un bijou de technologie, très en avance sur ses concurrents, mais c’est une continuité parfaite avec son modèle, qui consiste à vendre des ordinateurs. Il n’y a pas de rupture.

    Inversement, EasyJet est une rupture pour Air France sans la moindre technologie nouvelle. Le lancement de Nespresso dans les années 1990 est un autre exemple de rupture : alors que son modèle d’affaire de Nestlé consiste à vendre des paquets de cafés via les circuits de grande distribution, elle doit pour Nespresso mettre au point une machine à café et ouvrir des magasins en propre, ce que l’entreprise n’a jamais fait. Le modèle d’affaires est très largement différent, il suppose une nouvelle proposition de valeur, un nouveau modèle de profit, de nouvelles ressources, de nouveaux processus et de nouveaux modèles mentaux.

    La rupture c’est un nouveau modèle d’affaire

    Partant de la définition « disruptif = nouveau modèle d’affaires partiellement ou totalement différent de l’existant », on comprend pourquoi les entités innovation de rupture rencontrent des difficultés : elles mettent l’accent sur la technologie en supposant que « le marketing et le commercial suivront » et que le nouveau produit trouvera naturellement sa place dans le modèle de distribution actuel.

    Or, rien n’est plus faux.

    Si vous êtes un commercial chez Kodak dans les années 1990, votre métier c’est de vendre des films argentiques via un réseau de distribution géré au millimètre. Si la R&D arrive avec un appareil photo numérique qui coûte 30 000 euros (prix de l’époque) et vous demande de le vendre, vous êtes désemparés. D’une part, ce ne sont pas vos compétences, et d’autre part, votre réseau (grande distribution) n’est pas le bon. Sans compter que tous les efforts que vous devriez faire pour vendre l’appareil se feraient au détriment de la vente de films. Il y a donc conflit de modèle de distribution ce qui pénalise à la fois votre marché actuel et le lancement de l’innovation de rupture.

    Un modèle entrepreneurial

    L’entité innovation de rupture doit repenser son propre modèle . Elle doit se considérer comme un incubateur d’activités, et elle doit concevoir celles-ci de bout en bout . Si son innovation est en conformité avec le modèle d’affaires (innovation dite continue), alors elle pourra s’appuyer sur le réseau de distribution actuel. Si, en revanche, l’innovation est en rupture, elle doit concevoir un nouveau modèle d’affaires et déterminer ce qui peut être partagé avec le modèle actuel (par exemple, une plateforme SI) et ce qui doit être différencié.

    En somme, l’entité est là pour concevoir de nouveaux modèles d’affaires, pas juste jouer avec de nouvelles technologies. Son modèle doit être celui de l’entrepreneuriat, pas de la R&D.

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      Les marchés ne sont pas parfaits, mais le gouvernement est encore pire

      Véronique de Rugy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 03:10 · 5 minutes

    Par

    On m’a récemment rappelé une vérité profonde sur le marché libre et les prix qui se trouvent en son centre. Malheureusement, cette vérité est souvent négligée à la fois par les détracteurs de l’économie de marché et par les économistes comme moi. Cette vérité toute simple est que le système de prix fonctionne grâce et seulement grâce à un ensemble d’institutions qui favorisent la coopération entre nous.

    En tant qu’économiste, j’ai l’habitude de défendre l’idée que les marchés libres, bien qu’imparfaits, constituent une meilleure alternative que l’intervention de l’État.

    Cela donne quelque chose comme ça :

    Le système de prix du marché libre ainsi que la concurrence des vendeurs pour les clients et des consommateurs pour les bonnes affaires jouent un rôle essentiel dans la collecte et le traitement des informations sur notre économie, qui sont dispersées parmi des millions d’acheteurs et de vendeurs. Les prix qui en résultent sont une mesure de la valeur que les gens accordent aux biens et aux services .

    Si on poursuit l’argument, dans un marché concurrentiel qui fonctionne bien, ces rapports critiques sur les prix nous indiquent les façons les plus avantageuses d’utiliser les produits finis et les services, les biens intermédiaires, les matières premières et – ce qui est important – le temps et le talent humains, et incitent les entrepreneurs à produire ce que nous voulons le plus intensément et le plus efficacement possible. En termes économiques, les prix transmettent des informations sur les raretés et sur les substitutions incrémentielles créatrices de richesse.

    Il s’agit d’un système époustouflant où, comme nous l’a rappelé le politologue français Frédéric Bastiat il y a plusieurs décennies, bien que personne ne le planifie, « Paris est nourri tous les jours » .

    C’est là qu’intervient Samuel Gregg et son formidable nouveau livre, The Next American Economy . Les arguments de Gregg en faveur du marché libre vont au-delà de l’argument économique classique.

    Il écrit :

    « Les arguments en faveur des marchés libres impliquent l’enracinement d’une telle économie dans ce que certains de ses fondateurs les plus influents pensaient être le destin politique de l’Amérique, à savoir une république commerciale moderne. »

    Il ajoute :

    « Politiquement, cet idéal incarne l’idée d’un État autonome dans lequel les gouvernés sont régulièrement consultés ; dans lequel l’utilisation du pouvoir de l’État est limitée par des engagements forts envers le constitutionnalisme, l’État de droit et les droits de propriété privée ; et dans lequel les citoyens adoptent consciemment les habitudes et les disciplines spécifiques nécessaires pour soutenir une telle république. »

    Oui ! J’aime à croire que je suis un grand défenseur des marchés, mais chaque fois que j’omets ces derniers points, je sabote ma propre cause.

    Des termes comme « marchés concurrentiels » donnent l’impression d’un processus sans cœur. Mais l’aspect le plus important de ce processus concurrentiel est la coopération.

    En effet, une coopération massive se produit quotidiennement dans le monde entier. Par exemple, prenez la chemise que vous portez. Elle est peut-être faite de coton du Texas et de fil du Canada, cousue au Vietnam et expédiée dans un véhicule assemblé au Japon.

    Imaginez la confiance que suscite un tel système coopératif. C’est en partie le résultat, comme l’explique Gregg, de l’existence de droits de propriété : l’autorité exclusive de déterminer comment une ressource est utilisée. Allez-vous vendre votre temps de travail à Apple ou à John Deere ? Dépenserez-vous votre revenu pour une Toyota ou une Harley ? Tout cela repose sur l’État de droit, qui confère à chacun la sécurité de ses droits de propriété. La loi doit être claire, connue et stable.

    Aucun partisan sérieux du libre-échange ne croit que les marchés sont parfaits. Nous ne sommes pas des utopistes. Malheureusement, les marchés parfaits et la concurrence parfaite sont souvent le point de départ des manuels d’économie. Ce point de départ amène beaucoup de gens à conclure que lorsque les conditions ne sont pas parfaites, le meilleur plan d’action pour une correction est l’intervention de l’État. C’est faux.

    Non seulement l’État lui-même est imparfait, comme chacun peut le constater, mais le marché est un processus qui permet de trouver et de corriger les erreurs. Une imperfection du marché est une occasion pour les entrepreneurs d’en tirer profit.

    Comme Arnold Kling l’a récemment écrit : « Les marchés échouent. Utilisez les marchés. » C’est parce que, ajoute Kling, « l’innovation entrepreneuriale et la destruction créatrice tendent à résoudre les problèmes économiques, y compris les défaillances du marché ».

    Cela ne signifie pas que l’État ne joue aucun rôle en dehors de la protection des droits de propriété mais que la foi dans l’intervention de l’État doit être tempérée par la reconnaissance de ses propres défauts, notamment sa tendance à favoriser un groupe de personnes par rapport à un autre et son incapacité à s’adapter lorsque les politiques échouent ou que les circonstances changent.

    En fin de compte, lorsque nous parlons du marché libre, il s’agit d’un raccourci pour désigner une combinaison d’institutions qui permettent aux gens de coopérer, de se tolérer mutuellement, de vivre en paix et de s’épanouir.

    Comme nous le rappelle Gregg, tous ces éléments font partie de la quintessence de ce que le président George Washington envisageait pour la nouvelle nation qu’il dirigeait et qu’il décrivait comme « une grande nation, une nation respectable et une nation commerciale ».

    Traduction Contrepoints

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      SOS entreprises ! Des pistes pour sortir de l’impasse

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    Par Claude Goudron.

    Le prêche dans le désert ne suffit plus, c’est un véritable SOS que je lance en m’attaquant à nos dirigeants et monsieur Macron en particulier pour non-assistance à entreprises en danger de mort.

    Oui les termes sont forts, mais pas du tout exagérés, je le rabâche article après article depuis 20 années. Nos entreprises, industrielles particulièrement, sombrent dans la totale indifférence de nos gouvernants, les seuls ayant le pouvoir de prendre des mesures trop longtemps reportées.

    Le poids écrasant de la fiscalité des entreprises

    Nous venons d’être classés par la Banque mondiale 141ème sur 141 pour le poids de la fiscalité !

    Sur leurs résultats commerciaux les entreprises françaises sont taxées à 61 % alors que la moyenne européenne est à 40 %. Ce qui signifie que, contrairement aux affirmations et autosatisfactions de Bruno Le Maire, l’écart continue à se creuser avec nos principaux partenaires.

    Les principaux fleurons de nos entreprises sont en danger sur le sol français.

    SANOFI : numéro deux mondial mais incapable de fournir un vaccin avant la fin espérée de la pandémie, va supprimer 1000 emplois sur les 25 000 en France, alors qu’elle investit dans le reste du monde où sont employées déjà 75 000 personnes.

    Peugeot et Renault : leur production sur le territoire français est revenue au niveau de l’année 1975. La chute est de 65 % par rapport à son pic de 2004. Le secteur automobile est passé du deuxième au cinquième rang européen.

    Alcatel, Pechiney, Alstom , Lafarge, Arcelor etc. : deux entreprises du CAC 40 sur cinq sont sous contrôle étranger, ainsi qu’un nombre important de PME & ETI.

    Carrefour : premier employeur de France, sur le point d’être racheté par l’entreprise canadienne Couche-Tard avec un chiffre d’affaires deux fois moins important mais qui vaut deux fois plus en bourse.

    Danone : un statut franco-français d’ entreprise à mission tente de faire machine arrière toute après avoir chuté de 20 % en bourse.

    Le pire est à venir

    Faute d’avoir pu pendant 20 ans engranger des fonds propres, ce sont 30 % des entreprises qui envisagent de mettre la clé sous la porte.

    Pendant 20 années nos gouvernants ont mis la tête dans le sable et par lâcheté ont refusé d’ affronter les syndicats pour qui l’entreprise n’est qu’un ennemi à combattre par tous les moyens, même au détriment de ceux qu’ils sont censés défendre.

    C’est à dose homéopathique que la France fait des réformes alors que d’autres pays, comme l’Allemagne par exemple, les ont mises en œuvre et le font encore en utilisant les grands moyens.

    L’écart ne peut donc qu’augmenter et le décrochage du pays est inéluctable jusqu’à sortir de l’Histoire si nous ne réagissons pas immédiatement.

    Les réformes connues de tous

    Sortie du principe de précaution de notre Constitution, baisse drastique des dépenses sociales et de fonctionnement permettant une baisse de 50 % des charges sur nos entreprises. À terme, cette baisse ne grèvera pas les finances de l’État. L’augmentation du nombre d’entreprises conjuguée à l’arrêt des délocalisations, favoriseront la création d’emplois, augmentant ainsi le nombre de cotisants et réduisant le coût du traitement du chômage.

    Ce n’est qu’à ce prix que les startups françaises se développeront sur notre territoire.

    Le « quoi qu’il en coûte » dans ces réformes est tout aussi indispensable que celui du financement des conséquences du Covid.

    Ils le savent tous, mais comme la pérennisation de leur carrière compte davantage que l’avenir du pays, ils ne font rien.