• Co chevron_right

      Travail : la grande évasion

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 6 December, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    La notion de « fuite devant la monnaie » est familière aux économistes.

    Celle de « fuite devant le travail » pourrait bientôt s’imposer dans le champ de leur réflexion au vu de la situation de pénurie de main-d’œuvre observée dans de nombreux secteurs et de l’émergence de comportements sociaux dévalorisant l’effort.

    Cherche conducteur de tramway désespérément

    On sait que l’hôtellerie et la restauration peinent à attirer des candidats . Mais on observe aussi des difficultés aiguës de recrutement de professeurs, de soignants, de soudeurs, d’électriciens, de plombiers, de menuisiers et même de conducteurs de transport en commun que les opérateurs ont de plus en plus de mal à trouver .

    On en est arrivé au point où une compagnie comme Keolis, une filiale de la SNCF, est réduite à embaucher des étudiants et des jeunes retraités pour conduire ses tramways en Île-de-France. Dans une annonce parue sur son site le 22 novembre dernier elle propose des contrats à durée indéterminée à temps partiel pour transporter les passagers sur la ligne T9 qui relie Paris à Orly.

    Outre ses offres de primes et de treizième mois, l’entreprise s’engage formellement à trouver l’« organisation de travail la mieux adaptée (aux) contraintes personnelles » des nouvelles recrues, une promesse tout à fait en phase avec l’esprit du temps. Comme le montrent de nombreuses enquêtes internationales reprises par l’ASMP, dans leur grande majorité les salariés français attendent énormément de leur travail sans être toujours disposés à donner beaucoup en échange. C’est ce que confirment les résultats d’une enquête récente menée par la fondation Jean Jaurès.

    Génération flagada

    Publiée le 21 novembre dernier, elle s’intitule « Les jeunes et l’entreprise : quatre enseignements . »

    Selon son auteur, Jérémie Peltier, la crise sanitaire a marqué un tournant, « un moment d’interrogation sur le travail, sur la qualité de vie au travail, sur la place du travail dans la vie des individus. Il y a eu comme une relativisation de la place du travail dans la vie des jeunes. Il est moins statutaire, moins identitaire. Il y a une dimension sacrificielle qui existe beaucoup moins qu’avant ».

    Il est en effet frappant de constater que pour la majorité des 18-24 ans (certains encore étudiants, d’autres ayant un emploi), l’entreprise est avant tout « un lieu du vivre ensemble », une entité ayant pour mission de s’engager dans la défense de la planète , un outil pour faire avancer certaines causes (égalité homme/femme, lutte contre les discriminations)

    Pour 40 % d’entre eux le rôle principal d’une entreprise est de favoriser l’épanouissement de ses membres, c’est-à-dire de leur donner les moyens « d’acquérir la plénitude de leurs facultés intellectuelles et physiques » tout en leur permettant de mener une vie de famille épanouie.

    La valeur qui leur donne le plus envie de rejoindre un employeur est dans 57 % des cas « le respect ». Si leurs valeurs personnelles ne sont pas respectées, nombre d’entre eux croient dans les vertus du quiet quitting , attitude consistant à systématiquement en faire le moins possible. Manifestement les positions de David Graeber estimant que 80 % des emplois sont des bullshit jobs n’ayant aucun sens ont cheminé dans les esprits. Cela n’empêche nullement les sondés de déclarer que leur principale attente vis-à-vis de leur employeur est d’être bien payé.

    À l’évidence, il leur échappe qu’une entreprise est avant tout un lieu de production de biens et de services, que comme toute organisation elle impose des contraintes à ses membres et qu’un travail hautement productif est la condition sine qua non de la prospérité. Voyant dans l’entreprise un outil de développement personnel, il est logique qu’ils critiquent leurs ainés en estimant qu’ils ont beaucoup trop sacrifié leur vie privée à leur vie professionnelle. C’est pourtant au travail des générations passées qu’ils doivent les conditions matérielles d’une existence bien plus douce qu’autrefois.

    La France, une URSS qui aurait réussi ?

    On peut raisonnablement faire l’hypothèse que ces attitudes et ces comportements ne sont pas sans lien avec le degré très élevé de socialisation de notre économie : très faibles coûts des études universitaires, gratuité de nombreux services publics, omniprésence de l’État providence, multiplicité des aides et des revenus sociaux.

    Dans ce contexte la France se rapproche désormais dangereusement d’une situation à la soviétique où les gens ne sont plus motivés à travailler.

    Dans la défunte URSS où chacun était autoritairement affecté à un emploi, le chômage était inexistant.  Mais en l’absence de motivation au travail et d’innovation, les gains de productivité étaient très faibles et le pouvoir d’achat stagnait à un très bas niveau dans un contexte de pénurie généralisée. Ce cercle vicieux nous menace aujourd’hui, à l’heure où le rêve d’un pays sans usine tourne au cauchemar. Il y a une quarantaine d’année nos élites ont de fait enclenché une série de décisions qui nous ont conduit là où nous sommes arrivés, un pays déserté par l’industrie et peuplé de personnes allergiques au travail, un pays autrefois sûr de lui mais aujourd’hui surendetté.

    La pénurie d’électricité qui nous menace de coupures à répétition cet hiver est un symptôme de plus de cette évolution funeste. Si le parc nucléaire dont nous avons hérité du travail et des impôts des générations précédentes est dans un si lamentable état, c’est le fruit d’une politique énergétique délibérée. L’industrie nucléaire où nos entreprises ont jadis brillé a été jugée à l’aune de critères politiques et moraux biaisés : trop centralisée, trop polluante, trop dangereuse, il fallait impérativement réduire son emprise. Aujourd’hui nos centrales fonctionnent à la moitié de leur potentiel. Pour les remettre en état il faut faire appel à des soudeurs étrangers en grande partie américains car nous avons négligé de former le personnel compétent.

    En misant tout sur les services et la création d’emplois tertiaires, en accablant l’industrie de taxes trop lourdes et de normes environnementales trop contraignantes, on l’a laissé filer à l’étranger. Exit donc l’industrie qui pue, qui pollue, qui est mauvaise pour la planète, cette entité mystérieuse dont il faut aveuglément « prendre soin ».

    En revanche, la finance a prospéré enrichissant au passage tant de nos anciens hauts fonctionnaires passés avec armes, bagages et pantoufles dans le privé. Cette caste a donné un très mauvais exemple en cumulant de très hautes rémunérations, des parachutes dorés, des retraites chapeaux et autres moyens d’enrichissement rapide. Après des décennies d’économie dirigée, ce qui a émergé de cette fusion entre la haute administration et les milieux d’affaires c’est un capitalisme de connivence pas si lointain de celui qui s’est imposé en Russie dans l’ère post soviétique.

    Le grand public a retenu que le travail n’était pas le meilleur moyen d’améliorer sa condition, que l’idéal était de trouver un moyen de faire fortune très vite et très jeune et que si on n’y parvenait pas il restait le loto.

    Une apathie dangereuse

    La population active se compose aujourd’hui en majorité de personnes du tertiaire effectuant si possible en télétravail des tâches de plus en plus dématérialisées. Dans cet environnement, elles tendent à perdre le contact avec les réalités économiques de base, d’autant plus que l’enseignement d’économie qu’ils ont pu recevoir a été le plus souvent indigent . Cela les incline à croire dans les vertus de l’argent magique et dans la toute-puissance de l’État pour les protéger en dernier ressort.

    Si on se tourne vers le passé, la chute de l’ex-URSS devrait pourtant leur donner toutes les raisons d’en douter. Une économie qui ne fait pas de gains de productivité et dont la production n’est pas compétitive est vouée à s’effondrer.

    Si on se tourne vers l’avenir, le tableau n’est pas plus rassurant.

    Comme souvent, une œuvre de science-fiction permet de s’en faire une idée. Dans Zardoz , un film de 1973, John Boorman met en scène une société d’individus vivant éternellement jeunes dans un univers où ils sont protégés de tout et même de la mort grâce à une intelligence artificielle. Mais, avec le temps, ils ont fini par sombrer dans l’apathie et leur bulle est détruite par des brutes venues du monde extérieur.

    Pendant que nous nous querellons pour savoir s’il faut ou non travailler plus longtemps ou constitutionnaliser l’IVG , la Chine s’arme massivement, les États-Unis se réindustrialisent à grande vitesse en utilisant tous les leviers de leur hégémonie et la Russie post-soviétique envahit ses voisins…

    • Co chevron_right

      Cinquième frein à l’entreprise : les syndicats

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 8 March, 2021 - 04:35 · 4 minutes

    réforme syndicats

    Par Claude Goudron.

    En pleine crise sanitaire et économique, après une année 2020 terrible dont les conséquences sur l’emploi se profilent dans les prochains mois, une mobilisation de tous les Français est indispensable… Pendant ce temps-là, la CGT lance plusieurs préavis de grève .

    Un syndicalisme politisé

    Il y a longtemps que le syndicalisme français n’a plus comme priorité la défense des intérêts des salariés mais celle de sa propre organisation.

    Si ce n’est pas encore devenu un parti politique le Syndicat français, dans sa grande majorité, s’est affilié à un parti politique et n’hésite plus à donner des consignes de vote à ses adhérents.

    C’est donc normal que, comme les partis politiques, les syndicats attirent de moins en moins d’adhésions, déjà les plus faibles parmi les pays européens : 80 % en Suède, 25 % en Allemagne et 8 % chez nous dont une majorité dans les services publics .

    Une représentativité obsolète

    En effet, la représentativité de nos syndicats date de l’après-guerre avec la circulaire du 28 mai 1945 qui, entre autres, intégrait « l’attitude patriotique pendant l’occupation » même si, sur ce point on peut relever que la CGT bras armé du parti communiste manquait de patriotisme pendant le pacte germano-soviétique.

    Aujourd’hui ce critère n’existe plus mais a laissé, pendant de nombreuses années, se développer les syndicats qui dominent toujours le syndicalisme français : la CGT, FO, CFTC (qui deviendra la CFDT en 1964) et CFE CGC.

    Toute nouvelle entité syndicale ne provenant pas d’une évolution ou d’un éclatement d’un de ces quatre dinosaures aura du mal à émerger.

    Un financement complexe et opaque

    Il est vrai qu’avec un taux de syndicalisation aussi bas, les cotisations des adhérents, soit 190 millions d’euros, ne suffisent pas et représentent, selon le rapport Perruchot , en moyenne 5 % des 4 milliards d’euros que les syndicats coûtent à la collectivité.

    Dans ces 4 milliards d’euros, dont 1,34 milliards dans la fonction publique, sont intégrés les équivalent temps plein mis à disposition de nos syndicats, estimés à 50 000 dont 14 000 pour la fonction publique .

    Dans un système aussi opaque il est très difficile de quantifier exactement ces financements. Faut-il y ajouter celui des comités d’établissement tenu à plus de 75 % par les syndicats, lorsque l’on sait que le seul budget du Comité d’entreprise d’EDF atteint le demi-milliard d’euros (7 % de la masse salariale) avec un effectif dépassant les 5000 employés ?

    Un record européen des jours de grève

    Avec le taux de syndicalisation le plus bas la France est le pays qui compte, et de loin, le plus grand nombre de jours de grève pour 1000 salariés :

    Suisse 1
    Allemagne 16
    Royaume-Uni 21
    France 118

    C’est dire que l’entreprise, directement et indirectement,  finance ce qui est devenu son plus grand ennemi !

    Syndicats et droits acquis

    Une des particularités du combat syndical en France est ce fameux « droit acquis ».

    Je ne remets pas en cause le droit des syndicats à revendiquer des avancées sociales et pécuniaires mais contrairement aux syndicats allemands autrement plus constructifs, une baisse même temporaire de ces conquêtes en temps de crise est pratiquement inenvisageable, un jusqu’au-boutisme qui a souvent conduit à la liquidation de l’entreprise qu’il représente.

    On peut mettre au même titre les contreparties exigées systématiquement lorsque, dans de rares cas, l’administration fait un geste envers les entreprises, geste qui souvent n’est qu’un juste retour sur une des spécialités du pays consistant à entraver sa compétitivité.

    Syndicalisme et libéralisme

    Dans un précédent article j’ai évoqué l’inversion du sens des mots et la dénonciation par nos syndicats du « libéralisme à la française » qui serait à l’origine de tous nos maux. C’est une contre-vérité qu’il nous faut absolument dénoncer.

    La France est un pays étatiste qui applique, avec ses prélèvements obligatoires confiscatoires, l’inverse du système économique libéral. Et si vous, syndicats salariés, n’êtes pas satisfaits de cette situation c’est le libéralisme que vous devriez défendre.

    Syndicalisme patronal

    On peut lui reprocher deux choses.

    En premier lieu d’accepter un financement public même partiel qui ne peut le rendre que tributaire du bon vouloir de nos gouvernements (à noter que son nouveau président Geoffroy Roux de Bézieux milite pour en sortir).

    En second, et c’est pour moi très important, le manque de combativité pour exiger de nos gouvernants une diminution drastique des contraintes, taxes et impôts dont la France est devenue championne toutes catégories confondues, ceci afin de retrouver une compétitivité perdue !

    En conclusion

    Encore une fois un alignement de nos syndicats sur le modèle allemand devient urgent et impératif si nous voulons sortir de cet engrenage mortifère !

    • Co chevron_right

      Luc Themelin : « Notre présence internationale fait notre réussite »

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    luc themelin

    Par Guillaume Périgois.

    Spécialiste de l’électrique et des matériaux avancés, présent dans 35 pays, Mersen déploie 55 sites industriels et 16 centres de R&D dans ses domaines d’expertise (graphite, carbure de silicium, composants électriques).

    Ayant développé un ensemble de matériaux et de solutions pour faciliter la conduction, le stockage, l’isolation de l’énergie électrique et la protection des équipements dans des environnements hostiles, Mersen fournit les industries de l’énergie renouvelable et conventionnelle, de l’électronique, de la chimie et des transports – de l’automobile au spatial.

    Créée en 1891 à Pagny-sur-Moselle, l’entreprise plus que centenaire a aujourd’hui 6800 collaborateurs et a réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont les deux-tiers hors d’Europe.

    Contrepoints : Quel est l’impact de la COVID-19 sur le groupe Mersen ?

    Luc Themelin : Le choc le plus important est derrière nous. Mersen réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie. Nos activités en Chine et sur le reste du continent ont été touchées en février 2020. Le groupe fonctionne historiquement de manière décentralisée : nous suivions l’évolution de nos activités au quotidien mais les équipes de notre dizaine d’usines locales ont su gérer la pandémie. L’essentiel des perturbations a duré un mois.

    La pandémie a ensuite atteint l’Europe à la mi-mars. Que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, avec l’appui du siège pour l’approvisionnement en masques, ce sont à nouveau les équipes locales qui ont géré au mieux la situation en suivant les différentes mesures mises en place par leurs gouvernements respectifs.

    Le résultat est que, du point de vue du groupe, nous avons toujours eu 85 % de nos usines qui tournaient tout au long de la crise. Quand la situation était mauvaise en Europe, elle était meilleure en Asie.

    La demande a bien sûr baissé et notre chiffre d’affaires s’est contracté de 20 % en avril et en mai mais Mersen a su amortir et gérer la pandémie. L’étalement géographique de nos marchés et la décentralisation de notre prise de décision ont été nos meilleurs atouts.

    Malgré la préférence relative des Français pour la baisse des barrières commerciales , le pays est parfois présenté comme rétif à l’ouverture internationale. La dimension globale de Mersen est un atout en temps de pandémie, mais qu’en est-il en temps normal ?

    Luc Themelin : Nous sommes des internationaux convaincus. Historiquement, nous nous sommes implantés en Allemagne et aux États-Unis dès les années 1900. Nous avons dix usines en France dont les exportations couvrent le marché européen.

    Nos usines chinoises n’ont pas été créées en lien avec la fermeture d’une usine française. Il n’y a pas de crainte de délocalisation en interne. Nos usines en Asie desservent leur marché régional. Quand il y a une restructuration, c’est parce que le marché local évolue ou que la demande baisse.

    Les Français ne sont pas contre l’international. Notre marché domestique est relativement restreint : si les entreprises industrielles françaises vivent, c’est grâce à la demande internationale.

    Il faut comprendre que tourner le dos à l’international, c’est rester à la marge des évolutions technologiques. Mersen est bien placé sur les innovations en semi-conducteurs aux États-Unis ; les machines sont exportées en Chine et en Corée, ce qui booste nos ventes.

    Pour une industrie, ne pas être à l’international, c’est perdre ses clients année après année et se condamner à disparaître. Il faut capter l’innovation là où elle est et être implanté où les marchés sont dynamiques.

    Et ce n’est pas seulement bénéfique au niveau régional. Pour prendre l’exemple des nouveaux semi-conducteurs, l’innovation a démarré d’une société américaine et s’accélère grâce à une industrie de véhicules électriques très dynamique aux États-Unis (Tesla).

    Mais le marché mondial étant de plus en plus gros, cette entreprise américaine ne peut répondre seule à la demande. Ces cinq dernières années, deux entreprises – l’une allemande et l’autre franco-italienne – ont démarré la production de ces éléments.

    Étant donné que Mersen travaille avec la société américaine depuis 25 ans, nous sommes prêts avant nos concurrents à livrer aussi ces sociétés européennes. En ayant démarré dans un marché en amont, nos équipes peuvent réagir tout de suite quand il évolue ou quand il se crée ailleurs.

    L’aéronautique est un autre exemple. Mersen collabore depuis longtemps avec le français Safran, l’européen Airbus et l’allemand Liebherr. Cela nous a permis d’être plus performant aux États-Unis. Et peut-être un jour en Asie quand cela arrivera.

    L’environnement règlementaire actuel gêne-t-il le développement international de Mersen ?

    Luc Themelin : Les règles ne sont pas toujours les mêmes partout. Les lois apparaissent d’abord à Bruxelles plutôt qu’à Washington ou Beijing, bien sûr. Et l’Europe est plus stricte en rejetant certaines consolidations d’entreprises européennes entre elles. Les entreprises allemandes paient beaucoup moins de charges que les entreprises françaises, ce qui ne nous aide pas.

    Mais l’important est d’avoir des espaces ouverts avec les mêmes règles, sans aide de l’État, en Asie, en Europe et ailleurs. A partir du moment où les règles du jeu sont établies et respectées, il n’y a pas de soucis dans la compétition à l’international. J’ai suffisamment fait de sport pour ne pas aimer les gens qui ne suivent pas les mêmes règles.

    Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation est publié par Librairal et est gratuitement accessible.

    • Co chevron_right

      Livre : Économie mondiale, prospérité locale

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 10 February, 2021 - 14:05 · 3 minutes

    économie

    Par Guillaume Périgois.

    Réactions à la pandémie, repli commercial américain entamé sous Donald Trump et prolongé par Joe Biden, montée des populismes hostiles à l’ouverture des frontières : le monde semble séduit par l’isolationnisme.

    La France n’est pas en reste : ses extrêmes conspuent la mondialisation et les investissements étrangers y sont régulièrement torpillés par Bercy pour mieux « protéger ».

    Mais protéger qui et de quoi ?

    Car voilà le paradoxe : la France doit 60% de son PIB au commerce international et ses régions sont conquérantes dans la mondialisation.

    Telle est la thèse du nouvel essai « Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation » signé par le spécialiste du développement Guilhem Delon-Saumier et publié gratuitement par Librairal ce mois-ci.

    6 millions d’emplois en France

    Le commerce extérieur de la France représente en effet 60% de son Produit Intérieur Brut (PIB) et plus de 6 millions d’emplois, soit un actif sur cinq. Huit entreprises exportatrices sur 10 ont moins de 20 salariés.

    La France est aussi le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe. Et ces investissements ne sont pas réservés aux grandes métropoles puisque plus de 4 investissements étrangers sur 10 sont réalisés dans des villes de moins de 20 000 habitants.

    Les régions Grand-Est et Auvergne-Rhône-Alpes championnes dans la mondialisation

    L’essai s’intéresse particulièrement aux deux régions de province les plus ouvertes au commerce international.

    Industrie pharmaceutique, industrie lourde, agriculture : la région Grand-Est est la championne de l’export. Et sur 12 500 entreprises exportatrices, plus de la moitié sont des PME/PMI.

    L’Auvergne-Rhône-Alpes brille par ses investisseurs étrangers, notamment dans l’industrie 4.0 et la santé. Plus d’un salarié sur deux y est employé par une entreprise multinationale.

    Les Français plus favorables au libre-échange que protectionnistes

    Nombreux sont ceux qui prétendent que la mondialisation tracasserait les Français à tel point que ceux-ci seraient fortement isolationnistes.

    Rien de plus faux. La population française est divisée sur la question, avec une majorité préférant le libre-échange.

    Selon un sondage OpinionWay pour Contrepoints commandé pour la publication de cet essai, 37% des Français estiment en effet que les barrières commerciales devraient être baissées (et 13% de manière unilatérale), 31% pensent qu’il faudrait les maintenir ou les augmenter et 29% sont sans opinion.

    « Il faut faire le point sur la réalité de notre commerce extérieur afin de rappeler que les partisans du libre-échange ne sont pas moins patriotes que les protectionnistes de tous horizons politiques » lance l’économiste et éditorialiste Jean-Marc Daniel dans la préface de l’ouvrage.

    COVID-19 : relocaliser ou diversifier ?

    La crise de la Covid-19, en ayant durement frappé l’économie
    internationale, a fait naître des doutes sur la capacité de notre pays à assurer la sécurité et la stabilité de ses approvisionnements.

    Pourtant, dans le contexte actuel de pandémie et de crise économique, les politiques commerciales de repli protectionniste augmentent les prix et créent des pénuries.

    L’autosuffisance n’est pas la solution selon l’auteur, Guilhem Delon-Saumier. Mieux vaut une plus grande diversité de sources d’approvisionnement afin d’avoir des voies de substitution en cas de défaillance d’un partenaire commercial, tout en maintenant les gains obtenus par l’intégration économique mondiale.

    Chiffres et exemples à l’appui, ce nouvel essai remet l’église hexagonale au milieu du village mondial. Laissons notre coq chanter !

    « Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation » est publié par Librairal et est gratuitement accessible en cliquant sur ce lien.

    • Co chevron_right

      SOS entreprises ! Des pistes pour sortir de l’impasse

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    Par Claude Goudron.

    Le prêche dans le désert ne suffit plus, c’est un véritable SOS que je lance en m’attaquant à nos dirigeants et monsieur Macron en particulier pour non-assistance à entreprises en danger de mort.

    Oui les termes sont forts, mais pas du tout exagérés, je le rabâche article après article depuis 20 années. Nos entreprises, industrielles particulièrement, sombrent dans la totale indifférence de nos gouvernants, les seuls ayant le pouvoir de prendre des mesures trop longtemps reportées.

    Le poids écrasant de la fiscalité des entreprises

    Nous venons d’être classés par la Banque mondiale 141ème sur 141 pour le poids de la fiscalité !

    Sur leurs résultats commerciaux les entreprises françaises sont taxées à 61 % alors que la moyenne européenne est à 40 %. Ce qui signifie que, contrairement aux affirmations et autosatisfactions de Bruno Le Maire, l’écart continue à se creuser avec nos principaux partenaires.

    Les principaux fleurons de nos entreprises sont en danger sur le sol français.

    SANOFI : numéro deux mondial mais incapable de fournir un vaccin avant la fin espérée de la pandémie, va supprimer 1000 emplois sur les 25 000 en France, alors qu’elle investit dans le reste du monde où sont employées déjà 75 000 personnes.

    Peugeot et Renault : leur production sur le territoire français est revenue au niveau de l’année 1975. La chute est de 65 % par rapport à son pic de 2004. Le secteur automobile est passé du deuxième au cinquième rang européen.

    Alcatel, Pechiney, Alstom , Lafarge, Arcelor etc. : deux entreprises du CAC 40 sur cinq sont sous contrôle étranger, ainsi qu’un nombre important de PME & ETI.

    Carrefour : premier employeur de France, sur le point d’être racheté par l’entreprise canadienne Couche-Tard avec un chiffre d’affaires deux fois moins important mais qui vaut deux fois plus en bourse.

    Danone : un statut franco-français d’ entreprise à mission tente de faire machine arrière toute après avoir chuté de 20 % en bourse.

    Le pire est à venir

    Faute d’avoir pu pendant 20 ans engranger des fonds propres, ce sont 30 % des entreprises qui envisagent de mettre la clé sous la porte.

    Pendant 20 années nos gouvernants ont mis la tête dans le sable et par lâcheté ont refusé d’ affronter les syndicats pour qui l’entreprise n’est qu’un ennemi à combattre par tous les moyens, même au détriment de ceux qu’ils sont censés défendre.

    C’est à dose homéopathique que la France fait des réformes alors que d’autres pays, comme l’Allemagne par exemple, les ont mises en œuvre et le font encore en utilisant les grands moyens.

    L’écart ne peut donc qu’augmenter et le décrochage du pays est inéluctable jusqu’à sortir de l’Histoire si nous ne réagissons pas immédiatement.

    Les réformes connues de tous

    Sortie du principe de précaution de notre Constitution, baisse drastique des dépenses sociales et de fonctionnement permettant une baisse de 50 % des charges sur nos entreprises. À terme, cette baisse ne grèvera pas les finances de l’État. L’augmentation du nombre d’entreprises conjuguée à l’arrêt des délocalisations, favoriseront la création d’emplois, augmentant ainsi le nombre de cotisants et réduisant le coût du traitement du chômage.

    Ce n’est qu’à ce prix que les startups françaises se développeront sur notre territoire.

    Le « quoi qu’il en coûte » dans ces réformes est tout aussi indispensable que celui du financement des conséquences du Covid.

    Ils le savent tous, mais comme la pérennisation de leur carrière compte davantage que l’avenir du pays, ils ne font rien.

    • Co chevron_right

      Faire la peau à la bureaucratie : et si c’était la mauvaise question ?

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 27 January, 2021 - 03:30 · 7 minutes

    bureaucratie

    Par Philippe Silberzahn.

    J’étais interrogé il y a quelques jours par une journaliste au sujet de la bureaucratie qui, semble-t-il se développe beaucoup dans les grandes entreprises et empoisonne leur existence, ralentissant leur fonctionnement et démobilisant leurs collaborateurs. Certes, l’enjeu est d’importance à l’heure de la crise où tout le monde doit être sur le pont dans un environnement qui change rapidement. Mais je ne crois pas qu’attaquer la bureaucratie soit la bonne approche.

    Gary Hamel , un gourou du management des années 1990, veut faire la peau à la bureaucratie. Qui serait contre ? Je ne connais personne qui aime la bureaucratie. Et pourtant, cette approche est problématique.

    D’une part parce que le vocabulaire est guerrier, et que les organisations ont trop souffert de ce type d’impératif qui reflète des modèles mentaux viciés à la base : ici, celui selon lequel la bureaucratie est un mal et qu’il peut être combattu à condition d’être courageux et de trancher ce qui doit être tranché. La violence de la posture nourrit sa propre défaite qui ne viendra malheureusement qu’après beaucoup de souffrances et de dégâts causés à l’organisation et à ceux qui y travaillent.

    D’autre part parce que l’utilisation du mot bureaucratie de façon explicitement péjorative est un jugement de valeur, ce qui est toujours un très mauvais point de départ dans un diagnostic organisationnel. Car la bureaucratie a des avantages, c’est ce qu’a montré le sociologue Max Weber il y a longtemps : des règles claires, identiques pour tous, la prédictabilité des décisions, la capacité à faire fonctionner de très grandes organisations, entre autres.

    La sociologie moderne, notamment avec les travaux de Michel Crozier et Ehrard Friedberg, nous a en outre appris depuis longtemps que si une situation de gestion persiste, c’est qu’elle présente un intérêt et qu’elle répond à un besoin d’une partie au moins de l’organisation et de ses membres.

    La bureaucratie : un symptôme, avant d’être une cause

    Il y a quelques temps, j’intervenais auprès d’une grande entreprise industrielle qui menait un grand projet de transformation avec un objectif de simplification de son fonctionnement.

    « Nous étouffons sous les procédures » , me disait son responsable. « Par exemple, le moindre projet, si petit soit-il, doit avoir un comité de pilotage. Il faut simplifier tout ça! »

    Et pourtant, toutes les tentatives de simplification avaient échoué et ce bien que toutes les parties prenantes m’aient assuré qu’elles voulaient absolument réduire la bureaucratie. Et donc tout le monde devenait fou : la bureaucratie se développait, tout le monde était contre, mais rien ne changeait et elle continuait sa course folle.

    Dans notre ouvrage Stratégie modèle mental , Béatrice Rousset et moi avons abordé cette question et montré que dans ces situations, il faut remonter à la source du phénomène qui semble inextricable. Il y a quelque chose qui bloque, et ce quelque chose ce sont les modèles mentaux, c’est-à-dire les croyances individuelles et collectives de l’organisation. Vue sous cet angle, la bureaucratie, ou ce qu’on nomme bureaucratie, est le produit d’une certaine façon de penser, et c’est elle qu’il faut mettre en lumière.

    Un atelier a permis de montrer que cette entreprise a une très forte culture industrielle et s’est bâtie autour de la notion d’expertise. Les managers sont pour la plupart ingénieurs de formation et voient leur fonction comme une fonction d’expertise : un manager, parce qu’il (ce sont en majorité des ils) est le chef, est un expert, et un expert doit avoir réponse à tout.

    La terreur absolue de ces managers est d’être pris en défaut, de ne pas savoir répondre à une question dans une réunion et donc d’être déconsidéré par leurs collègues, tout aussi terrorisés qu’eux. Cette terreur a développé un manque de confiance et une peur de l’échec, qui a entraîné un besoin de se protéger à tout prix. La bureaucratie, mot qui ici qualifie le développement de procédures apparemment inutiles, est la réponse de ces managers à leur besoin de protection. Le comité de pilotage d’un projet existe pour mouiller les collègues et faire en sorte que si échec il y a, celui-ci soit collectif.

    Autrement dit, la bureaucratie est une réponse parfaitement rationnelle des managers à leur modèle mental de peur.

    Le miroir aux alouettes de la simplification

    Avec ce qui précède, on comprend donc pourquoi les efforts de simplification échouent. Si vous dites à un manager que désormais il pourra gérer son projet tout seul, la panique le saisit. Ce n’est pas du tout ce qu’il veut, même si par ailleurs il déteste cette bureaucratie qui le mine jour après jour, comme un fumeur qui sait que le cancer le guette mais qui ne peut renoncer à sa cigarette.

    Si vous simplifiez en exigeant des réunions plus courtes, les managers en feront deux au lieu d’une. Et donc les entreprises qui suppriment les strates d’organisation et les processus superflus se font des illusions car ces strates et ces processus jugés superflus remplissent en fait une fonction, et que cette suppression se heurtera au mur de l’immunité organisationnelle. Vue comme une agression et une mise en danger, elle fera l’objet d’une résistance qui, il faut insister là-dessus, sera parfaitement rationnelle. Le problème n’est pas le processus superflu ; le problème est ce qui donne naissance à ce processus. Vous appuyez sur l’accélérateur (la simplification) tout en ayant le pied sur le frein (le modèle mental bloquant).

    L’erreur consiste donc à poser le problème en termes de bureaucratie et la solution en termes de simplification . Quand vous pensez bureaucratie, les managers entendent protection . Quand vous parlez de simplification ils entendent danger et ils ont raison.

    Dans notre exemple, la solution a consisté à exposer le modèle mental profond « Un manager est un expert qui doit avoir réponse à tout » pour amener les participants à le questionner.

    Puis nous avons identifié quelques occasions où un manager pouvait essayer un modèle alternatif, par exemple : « Un manager est un coordinateur qui s’appuie sur l’expertise des autres » .

    Ces occasions ont été choisies de façon qu’elles soient sans impact important en cas d’échec (qu’elles représentent des pertes acceptables). De fait, un manager qui n’est plus saisi par la peur de ne pas savoir répondre à une question technique ressentira moins le besoin de se protéger par des mesures bureaucratiques. On ne guérit pas la fièvre, mais la source de la fièvre. Et surtout, on la guérit en partant d’une posture de reconnaissance et de respect de ce qui est, ici la peur des managers.

    Au-delà, nous avons mis en lumière un modèle mental encore plus profond qui a trait à la confiance. En l’occurrence ici, l’organisation avait laissé diminuer la confiance accordée aux managers avec le temps, ce qui était l’une des sources de leur peur et de la démultiplication des procédures. La notion de confiance est donc apparue comme un sujet majeur sur lequel l’organisation devait travailler.

    Deux choses en conclusion

    Cesser de proposer des solutions simplistes basées sur l’identification d’un coupable ou d’un mal « facilement curable à condition qu’on s’en donne les moyens. » Cela revient à prendre les collaborateurs des organisations pour des imbéciles ou des poules mouillées, ce qu’ils ne sont assurément pas. Si c’était aussi simple, ils l’auraient déjà fait.

    Les phénomènes organisationnels sont intrinsèquement compliqués ; là encore la sociologie nous l’a abondamment montré depuis bien longtemps. Des recommandations simplistes voire naïves comme « limiter les réunions à 1 heure » ou « réduire les niveaux organisationnels » ne prennent pas du tout en compte la réalité organisationnelle et n’iront nulle part.

    Remonter à la source des comportements qui peuvent sembler aberrants mais qui sont en fait rationnels. Et cette source, ce sont les modèles mentaux, nos croyances profondes. L’exposition de ces croyances et leur ajustement respectueux est la seule façon de remettre l’organisation en mouvement.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Commissariat au Plan : les conseils de Bayrou aux entreprises

      Michel Albouy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 27 December, 2020 - 04:45 · 7 minutes

    plan bayrou

    Par Michel Albouy, professeur émérite des universités.

    François Bayrou a été nommé le 3 septembre 2020 Haut-Commissaire au Plan par le Président Macron. Avec cette nomination, le Président de la République jouait coup double : il occupait l’emploi du temps de l’ombrageux Béarnais et en même temps il relançait la nostalgie de la planification à la française.

    Selon Wikipédia, François Bayrou après son baccalauréat en lettres classiques a poursuivi des études dans une classe préparatoire littéraire à Bordeaux puis à l’université Bordeaux-III. Il obtient l’agrégation de lettres classiques en 1974. Voilà pour la formation qui n’a rien à voir avec les entreprises ou l’économie.

    Depuis l’âge de 30 ans (il en a bientôt 70) il n’a fait que de la politique, enchaînant tous les postes que la République pouvait offrir (ministre, député européen, président de Conseil général, maire, président de parti politique, etc.) à l’exception de celui de la présidence de la République. Il a quand même réussi à être nommé ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice, mais il n’y est resté qu’un mois et 4 jours (17 mai-21 juin 2017), grâce à son ralliement à celui qui allait devenir président de la République, Emmanuel Macron.

    Ce petit rappel est juste là pour montrer que notre nouveau Commissaire au Plan n’a vraiment rien à voir avec son illustre prédécesseur : Pierre Massé. En effet, Pierre Massé appartient à cette génération de grands serviteurs de l’État qui a conduit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la reconstruction de la France et favorisé l’expansion des Trente glorieuses.

    La foi dans le progrès et dans la science, une rigueur au service de l’État ou des grandes entreprises publiques, constituent les fils directeurs de son existence. Nommé Commissaire Général du Plan par le Général de Gaulle en 1959 il a marqué durablement de son empreinte la planification à la française. Président d’Électricité de France de 1965 à 1969 il a contribué à moderniser le management de cette grande entreprise publique.

    Mais Pierre Massé, ingénieur de l’École polytechnique et scientifique, n’était pas qu’un homme d’action au service de l’État et de ses grandes entreprises mais également un intellectuel et un chercheur ayant exercé une influence considérable dans la gestion publique.

    Il a du reste publié des ouvrages scientifiques d’économie. Bref, rien à voir avec monsieur Bayrou qui n’a publié que des ouvrages historiques dont son best-seller Henry IV, le roi libre .

    Retour sur la planification à la française

    Le premier Plan de modernisation et d’équipement, élaboré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fut un plan de renaissance économique. Il s’agissait de remettre en marche l’appareil productif du pays et de combler les retards techniques de la France.

    Au lieu d’opter pour un développement modéré (saupoudrage) de l’ensemble des branches économiques il a été décidé d’investir massivement dans six activités de base : charbon, électricité, acier, ciment, machinisme agricole, et transports.

    Avec le deuxième Plan, de 1954 à 1957 inclus s’est étendu cette fois à l’ensemble des activités économiques de façon à favoriser une croissance harmonisée et à produire mieux en augmentant la qualité. Les objectifs du deuxième plan ont été dans l’ensemble dépassés.

    Le troisième Plan (1958-1961) visait essentiellement à réaliser la stabilité monétaire et l’équilibre des paiements extérieurs. Il visait également à préparer l’économie française à s’ouvrir dans le cadre du marché commun. C’est au cours de ce plan qu’une dévaluation du franc a été opérée de façon à rendre plus compétitive notre économie.

    Avec le quatrième Plan (1962-1965) l’accent est mis davantage sur les conditions de vie liées notamment à l’éducation, à la santé, à la culture et à l’urbanisation. Il apparaît à cette époque que la poursuite des réalisations sociales serait facilitée par la mise en œuvre progressive d’une politique des revenus dont l’étude sera accélérée avec l’amplification de la redistribution.

    Les choix effectués ont permis, à l’époque, de faire en sorte que la France participe largement à la seconde révolution industrielle symbolisée par la conquête de l’atome, l’essor de l’électronique, la construction de grands barrages et d’aciéries modernes, la fabrication d’un avion à réaction innovant comme La Caravelle, la réalisation d’ouvrages d’arts remarquables comme le pont de Tancarville, etc.

    C’est cette période heureuse qui reste dans les mémoires des Français et dont beaucoup ont la nostalgie en ce début de XXIe siècle.

    Mais la France de 2020 n’est pas celle de 1950 et le Commissariat général au plan non plus

    Ce qu’il était possible et nécessaire de faire dans les années 1950, n’est plus de mise en 2020. Tout a changé. La France, ses entreprises et ses industries, sont insérées dans la concurrence internationale et il ne s’agit plus de reconstruire des routes et des ponts sur notre territoire, une tâche qui ne dépendait que de nous.

    La tâche aujourd’hui est beaucoup plus complexe, sauf à vouloir isoler notre pays et son économie de la mondialisation ; bref à se replier sur lui-même. Aujourd’hui, les vrais acteurs de l’économie ne sont plus les États, sauf dans les pays communistes comme la Chine, mais les entreprises privées cotées sur les marchés financiers et soumises à la concurrence internationale.

    Dans ces conditions, que peut faire notre Haut-Commissaire au Plan ? Passons sur le fait que ses collaborateurs sont bien moins nombreux que ceux des entreprises de conseil stratégique et qu’il n’a aucun levier opérationnel, sauf sa force de persuasion, pour influencer les politiques publiques.

    Alors, que lui reste-t-il ? Le verbe. Ça tombe bien car c’est sa formation académique.

    C’est ainsi qu’il entonne, à sa sauce, les poncifs du genre : « Il faudra mettre fin au court-termisme des gouvernements depuis plusieurs décennies ».

    Ah le court-termisme, s’il n’existait pas il faudrait l’inventer. C’est commode le court-termisme, il permet de critiquer avec un soupçon d’intellectualisme économique les pratiques des autres décideurs.

    Car lui, monsieur Bayrou, n’a jamais fait de court-termisme… Il a toujours eu une vision à long terme (on la cherche encore à l’Éducation nationale avec les résultats de nos élèves) et il va dire maintenant aux entreprises ce qu’il faut faire pour échapper à la tyrannie des marchés financiers (un monde qu’il ne connait pas) et pour se projeter à long terme.

    Ce faisant, l’élu du Béarn assume un discours bien loin de l’esprit « start-up nation » de la campagne du candidat Macron 2017, appelant au retour déjà plusieurs fois annoncé, mais jamais réalisé, de « l’État stratège ».

    Pour Bayrou , « les responsables d’entreprises pensent seulement à leur entreprise, et c’est normal. On a abandonné l’idée de les regrouper autour d’un projet national, collectif, de reconquête industrielle » .

    Eh oui, penser à son entreprise ce n’est pas suffisant, il faut que l’État aide à les regrouper pour reconquérir nos marchés perdus et réfléchir à 30 ans. Quand on sait que l’État est lui-même incapable de gérer des stocks de masques à un an, on ne peut que se pincer en entendant de telles déclaration tonitruantes.

    À défaut de penser le futur, notre Haut-Commissaire a promis avec des accents dignes de l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, de nouvelles études sur la stratégie de reconquête de l’appareil productif français dans le monde de l’après-Covid.

    Il faut donc « qu’ un organisme d’État identifie les domaines de reconquête et fédère les acteurs autour des efforts partagés nécessaires ».

    Attendons de voir ce qui sortira du laboratoire d’idées de François Bayrou, mais on peut raisonnablement douter d’une nouveauté. Pour être vraiment moderne il faudrait qu’il ose faire un vrai bilan des freins et des charges qui plombent nos entreprises, et puis surtout qu’il propose et que le gouvernement mette en œuvre des mesures qui seront difficiles à prendre car impopulaires pour véritablement redresser notre industrie.

    Ce n’est pas d’aides nouvelles ou de conseils à 30 ans dont ont besoin nos entreprises mais de plus de libertés.