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      L’État feint d’être le berger pour nous manger : enjeux sur nos données 2/3

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 04:10 · 4 minutes

    Article disponible en podcast ici .

    Nos données sont convoitées. Dans le dernier article , j’ai analysé l’économie derrière la violation de notre vie privée et les acteurs qui font vivre cet écosystème.

    Il est temps de s’intéresser aux États car leur jeu est trouble au plutôt double. Bien évidemment qu’ils souhaitent nous espionner mais ils ne veulent pas qu’un autre gouvernement le fasse. Et par-dessus tout, il ne va pas être espionné.

    Ce grand bluff donne une chorégraphie mondiale où les États tentent de s’accaparer un monopole sur les données des citoyens et les moyens de chiffrement.

    Si vous souhaitez savoir comment protéger sa vie privée, je vous renvoie vers une de mes vidéos sur le sujet.

    Monopole sur les données

    L’ espionnage par le gouvernement n’a de limite que la technologie. Avec l’avènement d’internet et les réseaux sociaux, on peut dire que la limite a disparu. Le gouvernement peut espionner l’ensemble de ses citoyens, leurs conversations, leurs déplacements ou leurs transactions.

    Le gouvernement chinois offre un showroom de ces nouvelles technologies pour espionner ses citoyens sans pouvoir être espionné en retour. C’est le signe d’une dérive autoritaire : l’État demande toujours plus de transparence pour ses citoyens, tout en augmentant l’opacité et le secret dans ses affaires.

    Cette dérive apparaît aussi aux États-Unis qui ont lancé un espionnage massif de la population avec la NSA . Et qui poursuit violemment toute personne révélant les secrets d’État tels Julian Assange ou Edward Snowden .

    La France n’est pas en reste, la loi renseignement de 2015 oblige les fournisseurs d’accès internet à analyser les connexions de leurs utilisateurs et à garder l’historique un an.

    Au même moment où les impôts utilisent les photos satellites pour traquer les piscines des Français, le maigrichon patrimoine d’Emmanuel Macron ne semble pas lever de doute alors qu’il déclarait lui-même avoir gagné des millions chez Rotschild.

    Durant le covid, les Français devaient être scannés pour aller au restaurant alors que Macron prenait toutes ses décisions dans le secret des conseils de défense.

    Les JO de Paris semblent l’excuse toute trouvée pour pousser le saccage de notre vie privée en France. On envisage déjà de collecter nos empreintes pour aller aux stades ou de généraliser la caméra de surveillance avec reconnaissance faciale . J’espère qu’au moment où le citoyen réclamera les enregistrements, ils ne vont pas disparaître comme les récentes émeutes aux Stades de France .

    Les États veulent nos données mais ils les veulent pour eux uniquement. Alors que le gouvernement américain ne voyait aucun mal à la collecte de données par Google ou Facebook, il est vent debout contre celle du chinois Tiktok .

    Pareil pour Huawei , interdit aux États-Unis, car la Maison Blanche ne veut pas d’appareil chinois dans son infrastructure réseau. Les États-Unis savent très bien le pouvoir d’écoute quand on exporte son matériel dans les réseaux des voisins. L’affaire Snowden a montré que le matériel américain Cisco était vérolé par la NSA , afin d’espionner les réseaux télécoms étrangers.

    Les États veulent le monopole sur l’espionnage des citoyens. Ne comptez pas sur un gouvernement pour protéger votre vie privée.

    Monopole sur le chiffrement

    L’objectif des États est donc d’espionner… mais sans être espionné ! Ils se retrouvent dans une course infinie pour concevoir des outils de chiffrement et les casser…

    Par exemple, la NSA, reconnue comme le nouvel œil de Moscou, est aussi en charge de certifier les algorithmes de chiffrement. Un département de la NSA a par exemple sélectionné le chiffrement AES comme nouveau standard en 2001. Et depuis ce jour, un autre département essaye de le craquer.

    L’affaire Snowden a aussi montré que la CIA dépense de l’argent pour corrompre le réseau TOR , un outil pour brouiller ses traces sur internet et ainsi naviguer plus anonymement. Le réseau TOR que la CIA essaye de corrompre a été initialement conçu et financé par United States Naval Research Laboratory, pour ses besoins personnels.

    Un autre exemple à Bruxelles : la Commission européenne pousse depuis plusieurs années à interdire les messageries chiffrées comme ProtonMail, Telegram ou Signal.

    Ce même Telegram est utilisé par l’équipe d’Emmanuel Macron . Et ce même ProtonMail que l’ UE a financé dans son plan Horizon 2020.

    Il est évident que le fonctionnaire qui a financé ProtonMail n’est pas le même qui pousse l’interdiction de messagerie chiffrée. Mais oui, l’Europe a besoin d’éviter la surveillance américaine et finance des projets européens pour se passer de Google ou Microsoft. Et oui, l’Europe souhaite espionner ses citoyens.

    Contrairement au monopole sur la vie privée, le monopole sur le chiffrement est impossible. Soit votre chiffrement est inviolable pour tout le monde (même pour vos citoyens), soit il est faible pour tout le monde y compris pour vous.

    Espionner sans être espionné n’est pas possible technologiquement… ou presque.

    L’informatique quantique rebat les cartes. D’un côté les ordinateurs quantiques sont capables de casser le chiffrement actuel ; de l’autre l’internet quantique permet un nouveau chiffrement incassable.

    Les États investissent donc massivement dans cette technologie ( cf précédent article ). Le vainqueur pourra espionner sans être espionné, du moins pour un temps.

    Dans le viol de notre vie privée par les gouvernements, les limites sont technologiques. L’informatique a rendu ces limites quasi infinies. Heureusement l’informatique apporte aussi des outils pour protéger sa vie privée.

    Dans le prochain article, nous verrons comment la technologie peut mettre fin au saccage.

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      Retraites : les grandes illusions des Français

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 February, 2023 - 04:20 · 5 minutes

    Entretenir les Français dans l’illusion : c’est aujourd’hui toute la gauche politique et syndicale qui utilise ce moyen pour manipuler l’ opinion publique .

    Les derniers sondages indiquent que plus de 70 % des Français s’opposent à la réforme des retraites . Cet indicateur confirme l’évolution d’un demi-siècle de refus du réel et de surestimation des capacités de la politique. Les illusions des Français sont de trois ordres : politique, économique, historique.

    L’addiction à la politique

    Pour les militants de gauche, « tout est politique ».

    Ceux qui prétendent « ne pas faire de politique » sont immédiatement considérés comme « de droite ». Droite et gauche, conservateurs et progressistes, voilà les critères essentiels de l’univers de la gauche, comme si l’humanité se résumait au politique. Cette survalorisation du collectif, du pouvoir et du conflit par rapport à l’individuel, à l’échange et au consensuel caractérise toute la gauche mais s’accentue fortement à l’extrême, qui instrumentalise la radicalité pour instaurer une lutte permanente.

    Concrètement, il s’agit de laisser entendre que la politique a la capacité de changer la société et qu’il suffit de lutter pour obtenir. Lutter contre qui ? Contre ceux qui gouvernent ou qui dominent : les gouvernants et les dirigeants d’entreprise principalement. Bien évidemment, cela ne fonctionne pas puisqu’une structure n’est pas réductible à des individualités et qu’elle se caractérise par la permanence. Changer le monde, c’est une affaire de très long terme. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », disait La Fontaine. La gauche l’oublie volontiers pour mobiliser ses troupes. Au risque de mentir.

    L’exemple le plus emblématique de l’impuissance politique au cours de ces cinquante dernières années concerne le chômage. Mitterrand de 1981 à 1995, Jospin de 1997 à 2002, Hollande de 2012 à 2017 ont fait du recul du chômage un élément essentiel de leurs promesses politiques. Mais ils ont échoué à le faire reculer. Jusqu’à 1979, le taux de chômage se situait au-dessous de 5 % de la population active. À la fin du règne mitterrandien en 1995, il était à plus de 10 %. Il atteignait encore 8 % en 2002, au moment de la défaite présidentielle de Jospin. Pendant le quinquennat de Hollande, il reste constamment autour de 10 %. Il est aujourd’hui à 7 %, première éclaircie véritable depuis 1979.

    Les mensonges de la gauche dans ce domaine n’ont visiblement pas eu d’effet. L’addiction des Français à la politique est trop forte. Ils en sont gravement dépendants.

    L’illusion égalitariste

    Après la politique, tournons-nous vers l’économie.

    Le dernier degré de la démagogie a été atteint ces derniers mois en France avec ce thème dominant : « Les riches doivent payer ». De multiples débats médiatiques ont eu lieu pour déterminer si les grandes fortunes pourraient financer. Quelles grandes fortunes ? Financer quoi ? Les réponses deviennent floues. On cite évidemment Bernard Arnault, président du groupe LVMH. Très original. Quant aux besoins de financement, tout y passe : la transition énergétique, la dépendance des personnes âgées, l’hôpital, etc.

    Il est assez pédagogique de présenter au grand public la propension égalitariste par une caricature simpliste : prendre quelques milliards aux grandes fortunes permettrait de payer telle ou telle dépense. Mais en s’arrêtant là, le sujet n’est même pas abordé. Certains vont plus loin dans la médiocrité et considèrent que la richesse est immorale. C’est le cas de Manuel Bompard , dirigeant de LFI. Si la richesse est immorale, pourquoi ne suit-il pas d’illustres exemples de pauvreté altruiste : Vincent de Paul, l’abbé Pierre, mère Teresa, Gandhi ? Pourquoi aspire-t-il au pouvoir qui entraîne richesse ou au moins aisance financière ?

    Thomas Piketty lui-même, à la fin de son livre, Le capital au XXI e siècle , précise que seul un impôt mondial à taux élevé sur le capital permettrait de limiter l’accumulation capitalistique. Un impôt national entraînerait seulement une fuite des capitaux et un appauvrissement. D’une manière plus générale, il semble clair qu’une orientation égalitariste par la contrainte normative est très désincitative. Elle décourage les initiatives et fait fuir les créatifs.

    La France de gauche reste pourtant furieusement attachée à la marche vers l’égalité économique. Elle est totalement obsédée par l’argent de ceux qui en gagnent. Son unique horizon : leur en prendre un maximum pour s’arroger les bénéfices politiques de la redistribution . Quel beau programme !

    Le dieu État

    L’État a joué un rôle majeur en France pour configurer la nation.

    De Saint Louis à Charles de Gaulle, en passant par Louis XIV et Napoléon, les figures magnifiant la puissance publique ne manquent pas. Une solide administration a été mise en place progressivement, qui tient aujourd’hui le pays face à l’inconsistance de nombreux politiciens. L’avènement du socialisme au XX e siècle a conduit à renforcer considérablement la dimension économique et sociale de cette administration et à instiller dans les esprits l’idée de toute-puissance économique de l’État.

    Pour beaucoup de nos concitoyens, la distinction entre État et société devient floue. La société est perçue comme la matière première qu’une énorme machine étatique doit transformer en produit fini. D’où la réglementation pathologiquement minutieuse de chaque acte de la vie sociale. Vendre, louer, contracter, créer une entreprise ou une association, prêter, donner, léguer supposent le contrôle tatillon du Big Brother étatique, des cerfa par milliers.

    Et les Français en redemandent. Ils voient des « vides juridiques » partout et exigent qu’ils soient comblés au plus vite. Les politiciens relaient leurs demandes et la technocratie publique élabore un filet réglementaire aux mailles de plus en plus serrées. Les Français n’ont aucune conscience du fait que le fameux vide juridique représente leur liberté contractuelle. Celle-ci s’amenuise sous la chape de plomb normative.

    Se réveiller !

    Dans un tel contexte, l’inconscience absolue des opposants à toute réforme du système de retraites ne doit pas surprendre. Les dirigeants syndicaux et politiques ne font qu’exploiter un terrain fertile. La plupart des manifestants et grévistes n’ont aucune idée des évolutions démographiques en cours et d’un vieillissement de la population mondiale qui n’a aucun précédent historique depuis que le monde est monde. La toute petite réforme des retraites en cours en 2023 ne sera donc pas la dernière car sa modestie ne permettra pas de faire face à la réalité sociale de 2050. Les grandes illusions des Français, si précieuses pour la gauche, devront se dissiper. Le réveil sera difficile.

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      Réformes : faut-il se limiter à la réforme des retraites ? (1)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 03:40 · 14 minutes

    La réforme des retraites est sur le devant de la scène. Élisabeth Borne a présenté le plan du gouvernement qui est un énième plan de sauvetage qui ne résoudra rien. Comme dans le cas de la Sécu.

    La présomption fatale

    Les politiciens se croient d’un autre limon que le commun des mortels. Le commun des mortels en est convaincu aussi et a abandonné la souveraineté sur sa vie pour se jeter pieds et poings liés entre les mains avides des politiciens.

    Le gouvernement veut confondre « le gouvernement et la société ». Il pense que s’il n’agissait pas rien ne se ferait.

    Or le politicien ne dispose que d’un nombre restreint d’informations. C’est un être humain comme les autres. Une autorité centrale ne peut pas tout savoir, ni tout connaître pour décider de tout de manière infaillible et saine. D’autres qu’elle peuvent agir avec bien plus de pertinence.

    Pour gouverner malgré ses faiblesses constitutionnelles l’autorité centrale décide donc:

    • d’isoler un problème, ici les retraites, et de le traiter à part ;
    • de sélectionner un certain nombre d’informations qui lui conviennent pour les traiter dans son intérêt.

    L’État se mêle de tout

    Dans les médias, on a entendu des personnes se plaindre que l’État leur impose ses choix et contrôle leur vie en leur infligeant une réforme des retraites dont elles ne veulent pas. C’est un début de prise de conscience. Il faut aller jusqu’au bout.

    En France l’État se mêle de tout, depuis la naissance jusqu’à la mort. Il confisque la vie des gens, détruit leur projet de vie : vie familiale, vie professionnelle, vie privée, enseignement, santé, retraites etc. Rien ne lui échappe. Il est totalitaire par nature.

    Le système de retraite ne peut être abordé sans tenir compte du contexte.

    « L’écosystème » : la spoliation légale

    Comme le problème du système de santé ou n’importe quel problème social ou économique, le problème des retraites doit tenir compte de l’écosystème, c’est-à-dire de l’organisation sociale qui est la nôtre (organisation politique et économique, fonctionnement et culture de la société etc.).

    Le défaut essentiel n’est pas paramétrique, ni financier, ni matériel, ni démographique, (déséquilibre cotisants/retraités). La cause des difficultés du système de retraite en France est plus profonde et d’ordre moral : il est fondé sur ce que Bastiat désigne sous le terme de « spoliation légale ».

    Tout notre système socio-économique repose sur elle. Or, le vol est injuste même s’il est légal. À partir du moment où le système est bâti sur l’injustice il ne peut être efficace, ni pour le système de retraite, ni pour l’organisation sociale, ni pour l’économie.

    Son injustice implique sa nocivité. Elle a des conséquences sur le fonctionnement de la société, sur les rapports entre les individus. La société est divisée entre ceux qui subissent et ceux qui profitent de cette spoliation. C’est une société conflictuelle par essence et dont l’effondrement socio-économique est inévitable. Nous le vivons quotidiennement.

    Pour que les systèmes sociaux fonctionnent, dans le cas qui nous occupe pour que des retraites soient servies, qu’elles soient durablement correctes et certaines, (en tout cas autant que notre fragile condition humaine peut le permettre) il faut :

    • des conditions matérielles de prospérité et d’abondance,
    • la condition éthique de la fin du vol légal.

    Ces deux conditions sont liées.

    Les conditions pour la prospérité et l’abondance sont immuables : liberté économique, capitaux abondants, libre choix du projet de vie, responsabilité personnelle, énergie fiable, abondante et bon marché, population motivée, instruite et cultivée, harmonie sociale.

    La condition éthique est le respect des droits naturels individuels universels : liberté, propriété, personnalité.

    Sans cet écosystème favorable, que le système soit la répartition ou la capitalisation, leurs performances respectives possibles ne seront pas optimales. Cependant, force est de reconnaître qu’un des choix favorise la prospérité et l’harmonie, il est synergique, tandis que l’autre y porte atteinte, il est antagonique.

    Le système par répartition

    À la Libération la France a choisi un système socio-économique socialiste . Pour les retraites ce sera la répartition. Tous les gouvernements l’ont maintenu malgré ses défauts pour les ménages et à cause de ses avantages pour le pouvoir (contrôler et soumette les populations).

    Il est vendu à la population comme organisant la solidarité intergénérationnelle et garantissant à chacun une retraite décente.

    Pour les libéraux adeptes de la philosophie de Frédéric Bastiat il n’en est rien.

    Il organise la spoliation intergénérationnelle, les actifs par les retraités, les générations à naître par les futurs retraités et il ne garantit rien du tout. La preuve : les réformes se succèdent pour le « sauver ». Élisabeth Borne le reconnaît : l’objectif est de « sauver notre système par répartition ». Il n’est pas de faire en sorte que chacun bénéficie d’une bonne retraite au sein d’une économie performante et d’une société harmonieuse. Il est judicieux de faire le parallèle avec la Sécurité sociale que les réformes ont pour but de sauver, pas de mieux soigner les gens. Ce qui prouve que l’unique objectif du système de protection sociale est de survivre.

    Aucun plan de sauvetage n’a été un succès. C’est pourquoi le système doit régulièrement mettre à jour certains de ses paramètres (qui cotise, qui en bénéficie, âge de départ, durée de cotisation etc.). Chaque mise à jour est ce que l’on appelle de manière totalement inappropriée, une « réforme des retraites ».

    Pas de prévoyance

    Le système par répartition déresponsabilise. Il a mis fin à la prévoyance qui est de la responsabilité de chacun. Dans le cas de la « protection sociale », l’honneur d’une personne consiste à assumer elle-même, par sa prévoyance, le risque santé, retraite, chômage, dépendance et à ne pas laisser la collectivité voler autrui pour subvenir à ses besoins. La répartition est un d’égoïsme foncier : c’est le droit de vivre aux crochets des autres et après moi le déluge.

    La répartition a mis à mal la véritable solidarité intergénérationnelle qui voulait que les enfants s’occupent de leurs parents et les parents de leurs enfants. La solidarité ne peut être que volontaire, sinon elle n’est que du vol légal.

    Dans le cas qui nous occupe il faut avoir en tête que la solidarité consentie existe : les retraités « privilégiés » ou non, viennent souvent en aide à leurs enfants qui sont dans une situation économique moins favorable que la leur. Et ils constituent la majorité de la force vive du bénévolat.

    Aucun contrat

    La retraite par répartition ne repose sur aucun contrat, tout comme la Sécurité sociale. Elle est soumise au bon vouloir ou aux caprices des politiciens. Elle n’a aucune pérennité en ce qui concerne sa date d’attribution, ni son montant. Même pour les personnes à la retraite la pension perçue n’est pas garantie.

    Aujourd’hui dans le débat, des arguments accusent les retraités actuels d’être des « privilégiés » par rapport aux actifs ou aux futurs retraités.

    Il leur est reproché d’être aisés, d’avoir pour la plupart de bonnes retraites. Mais ils profitent d’un système qu’ils n’ont pas choisi mais qui leur a été imposé.

    Ils ont été actifs pendant les années de prospérité économique où tout était « plus facile ». Tant mieux pour eux mais ils n’y sont pour rien. Au passage cela souligne l’importance de l’écosystème, la nécessité d’une prospérité économique pour servir des retraites correctes.

    Il leur est reproché de percevoir une retraite décente en période de vaches maigres, de peser sur des actifs qui sont moins nombreux, et sur l’économie. Ce qui est le fondement du système par répartition.

    En foi de quoi ils devraient être encore être mis à contribution pour les retraites. Ils devraient faire des sacrifices par solidarité. Après avoir été spoliés toute leur vie active au profit des personnes retraitées, en échange de la promesse d’un droit à avoir une retraite financée elle aussi par la spoliation des actifs, il leur est expliqué froidement qu’ils doivent continuer à être spoliés au profit des futurs retraités. C’est la spoliation perpétuelle. C’est la logique, la conséquence inévitable d’un système pourri à la base, d’une pyramide de Ponzi décidée à la Libération par des politiciens.

    Pyramide de Ponzi

    La répartition est une pyramide de Ponzi qui ne survit que sous réserve qu’il y ait des nouveaux entrants en permanence. D’où obligation d’entrer et absence de libre choix. C’est un système fermé et incapable de s’adapter.

    Cette organisation n’engendre aucune épargne. Comme pour la Sécurité sociale les sommes collectées sont immédiatement dépensées. Or dans une économie saine, les investissements ne peuvent se faire qu’à partir de l’épargne : soit la sienne par apport personnel, soit celle des autres par l’intermédiaire d’un emprunt, ou d’une association, ou d’un actionnariat. Sinon l’économie est malsaine car financée par la fausse monnaie et la fuite dans une dette sans limite.

    Cette pyramide de Ponzi pousse à toujours rechercher des nouvelles personnes à spolier, preuve supplémentaire que la spoliation légale implique la division du pays en catégories antagonistes. Pour des raisons démographiques macro-économiques le système par répartition implique une immigration de masse pour entretenir le cheptel des cotisants. Parce que massive, cette immigration a aussi des conséquences néfastes pour le pays.

    À ce propos il est souvent opposé à l’immigration de masse une politique familiale et nataliste.

    Dans un régime par répartition les enfants sont considérés comme de futurs cotisants. Faire des enfants dans le but de les spolier arrivés à l’âge adulte, au profit de leurs parents est pervers. Les enfants ne sont pas une vulgaire masse taxable en devenir, un matériau inerte à formater et à intégrer dans la mécanique sociale dirigée par une autorité centrale.

    Une politique familiale n’est pas incompatible avec une gestion libérale. Elle n’est pas limitée à ce que l’on croit habituellement, aux allocations et subventions. Une politique familiale performante commence par un terrain favorable avec prospérité et abondance, ne serait-ce que pour disposer de logements vastes et abordables, d’établissements d’enseignement sûrs et de qualité, de travail, de moyens de déplacements adaptés (carburants bon marché, grandes voitures avec une large autonomie…) etc.

    Lutte de tous contre tous

    Le système par répartition recherche inlassablement qui voler. Il nuit à l’économie, il détruit les incitations productives. Les individus ne sont pas incités à être productifs, ni prévoyants. Au contraire, la logique du système veut que, par « les luttes », les groupes obtiennent une plus grosse part de la spoliation légale. Les luttes ne sont pas contre un patronat « exploiteur », ni contre « les riches », contrairement à ce que les adeptes de la lutte des classes marxiste racontent. Elles sont contre leurs semblables, contre les autres. L’harmonie sociale ne peut exister.

    La réforme Borne n’y échappe pas. Chaque catégorie épargnée par le couperet de la réforme (40 % des gens selon elle) bénéficie de facto d’un régime spécial. Régime financé par ceux qui tombent sous le coup de la réforme. Autrement dit, ces personnes qui voient leur âge de départ retardé et leur durée de cotisation allongée, non seulement cotiseront pour financer les personnes actuellement à la retraite, mais aussi pour financer les retraites de ceux qui échapperont à la réforme. Elle pérennise l’injustice.

    La retraite par répartition crée des régimes spéciaux et une usine à gaz pour tenir compte des cas particuliers, pénibilité , invalidité, carrières longues, etc. C’est singer le marché pour acheter des voix. Ces régimes spéciaux s’ajoutent aux régimes spéciaux officiels .

    Les pénuries

    Dans une économie socialiste les pénuries sont partout.

    La pénurie de main-d’œuvre touche quasiment tous les secteurs de la vie du pays. La gestion lamentable des épidémies de covid n’a pas arrangé les choses. Ces pénuries sont aggravées par la retraite couperet qui exclut du marché du travail des personnels expérimentés et en bonne santé.

    La pénurie qui nous intéresse ici est la pénurie de personnels pour s’occuper des personnes âgées, à domicile ou en institution, les métiers du soin : aides-ménagères, aides-soignantes, infirmières, médecins… Elle concerne aussi tous les artisans : électriciens, plombiers, maçon, taxis…

    Pour atténuer l’effet néfaste de la retraite couperet il a été créée une autre usine à gaz : le cumul emploi retraite . Dans ce cas les cotisations versées seront perdues pour la personne qui cumule et si il y a exemption de charges elles seront perdues pour les régimes de retraite.

    Les conditions de travail difficiles ne se limitent pas à celles que subissent les employés, les ouvriers, les artisans. Difficultés physiques ou psychiques inhérentes au métier ou à la profession (charges lourdes, travail nocturne etc.) et qui passionnent politiciens et syndicats. À ce sujet il faut remarquer que l’un des motifs mis en avant pour maintenir un âge de départ à la retraite bas est que beaucoup de personnes usées par travail pénible décèdent avant 62 ans. Le bon sens aurait voulu que l’on s’attache d’abord à leur permettre d’améliorer leur espérance de vie en bonne santé. Cela aurait nécessité l’étude de l’impact du travail mais aussi de l’alimentation, de l’hygiène de vie, des conditions de logements, de la culture de soins etc.

    La pénibilité du travail doit inclure l’épuisement devant les tracasseries étatiques. Pas seulement l’épuisement moral induit par la disparition des incitations productives mais la destruction de la motivation liée à la politique étatique coercitive et tatillonne qui complique tout. L’État crée des conditions de travail très pénibles. L’instauration des désincitations à produire que constituent les réglementations étouffantes , les énormes prélèvements sociaux obligatoires (payer pour pouvoir travailler), la terrible progressivité de l’impôt sur le revenu, le sort fait aux entrepreneurs, n’incitent pas les gens concernés à continuer.

    D’où le retrait anticipé du marché du travail d’entrepreneurs, d’indépendants expérimentés et en bonne santé qui cessent leur activité avant d’avoir atteint le nombre de trimestres leur permettant de bénéficier de la retraite à « taux plein ». Cela signifie que l’aspect financier n’est pas tout. Les conditions de travail sont tellement démoralisantes que l’argent ne pèse pas lourd dans la balance. Ces départs sont de l’entière responsabilité de l’État.

    Le dirigisme, l’absence de liberté économique, les désincitations à produire sont aussi à l’origine d’une pénurie de travail : le chômage. À son tour il entraîne une perte de cotisation sociale. C’est le serpent qui se mord la queue.

    Les fraudes

    La spoliation légale induit des fraudes, soit pour échapper à ses conséquences, soit pour en profiter plus que ce qui est réglementairement dû. Plus il y a de spoliation légale (de règlements) plus il y a de fraudes. Plus la société est réglementée plus il existe une synergie des fraudes. Le système de protection sociale français et très réglementé de distribution de droits sociaux, favorise les fraudes.

    La disparition des incitations productives favorise également les fraudes et le travail libre, non déclaré. Leur produit alimente l’économie souterraine et entre dans le PIB . Mais il n’alimente pas la spoliation légale et n’approvisionne donc pas les retraites par répartition et la Sécurité sociale.

    Il faut bien reconnaître que ces fraudes, estimées colossales, arrangent l’État . En effet elles permettent d’expliquer que le système est intrinsèquement bon, qu’elles entraînent des difficultés financières éventuelles. Elles laissent un peu de jeu dans la mécanique sociale rigide et évitent l’explosion… pour le moment. Elles fournissent une recette miracle à ceux qui veulent sauver les retraites par répartition ou la Sécurité sociale : supprimer les fraudes. Ce qui évite d’aborder le fond du problème.

    Les politiciens ont réussi à faire croire aux Français que cette mouscaille était un « trésor national » à défendre à tout prix. Et à rejeter la responsabilité de leur échec inévitable sur les Français retraités ou non, trop riches, trop égoïstes, trop feignants, trop peu nombreux…

    Il existe une autre possibilité.

    À suivre.

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      « Les institutions populaires sont issues de conflits violents » – Entretien avec Nicolas Da Silva

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 19 January, 2023 - 18:18 · 40 minutes

    Alors que l’actualité sociale est marquée par la grève des médecins libéraux et par l’obstination d’Emmanuel Macron à faire passer sa réforme des retraites, nous nous sommes entretenus avec Nicolas Da Silva, auteur de La bataille de la Sécu . Une histoire du système de santé (La Fabrique, 2022). Maître de conférences en sciences économiques à l’université Sorbonne Paris Nord, spécialiste de la médecine libérale et du système de santé français, Nicolas Da Silva développe dans cet entretien l’opposition qu’il dresse entre l’État social et la Sociale, à savoir l’auto-organisation des travailleurs. Il insiste sur les moments historiques fondateurs de ces deux traditions de protection sociale, nées du conflit, et sur leurs évolutions récentes, marquées par des réformes politiques et financières qui prouvent que la bataille pour la Sécu n’est pas terminée…

    LVSL : Vous faites de la distinction entre l’État social et la Sociale le cœur de votre ouvrage. Comment les définissez-vous et sur quels fondements cette opposition repose-t-elle ?

    Nicolas Da Silva : Cette opposition entre les politiques sociales portées par l’État et les politiques sociales portées par les intéressés eux-mêmes – ce que je nomme la Sociale – est le résultat de mon propre parcours intellectuel. En effet, pour comprendre ce qui m’a amené à faire cette distinction, il faut revenir à mon point de départ en tant qu’économiste institutionnaliste. J’ai été formé, à l’université et en tant que citoyen, à cette idée que la Sécurité sociale était un bien commun à défendre, principalement contre le processus de marchandisation. Si elle était à défendre, c’est parce que malheureusement, depuis trente ou quarante ans, des politiciens conduisaient une mauvaise politique à la tête de l’État et dès lors, il suffirait de changer de politiciens pour changer de politique.

    C’est d’ailleurs dans cette perspective que je fais ma thèse d’économie, à travers laquelle je m’intéresse à des dispositifs particuliers de régulation de la médecine de ville. Je montre que ces dispositifs ne fonctionnent pas, ou très mal, et que pourtant, les gouvernements s’entêtent à les mettre en place. À ce moment-là, je pense que le rôle de l’économiste critique est d’avertir sur les risques de la marchandisation, de redonner de la légitimité à l’intervention de l’État et de montrer quels dispositifs peuvent permettre au système de santé de relever les défis contemporains. Ce n’est que progressivement que je commence à renouveler ma façon de penser mon objet de recherche. Je ne me demande plus « est-ce que ça marche ? » mais « quelles ont été les conditions pour imposer une institution qui marche – la Sécu – et pourquoi ce qui était possible autrefois ne l’est plus aujourd’hui ? ». L’enjeu pour moi devient la genèse des institutions et non leur efficacité.

    « Pourquoi ne serions-nous pas capables, aujourd’hui, d’étendre la Sécu, alors qu’elle a été créée et développée à des périodes bien plus critiques et de pauvreté extrême ? »

    De là vient ma curiosité historique. Bien que je ne sois pas historien de formation et que je n’utilise pas la méthode historique de façon aussi rigoureuse que mes collègues de cette discipline, je me pose la question de l’histoire parce que je me rends bien compte que dans le contexte actuel, nous sommes face à un grand paradoxe : pourquoi ne serions-nous pas capables, aujourd’hui, d’étendre la Sécu, alors qu’elle a été créée et développée à des périodes bien plus critiques et de pauvreté extrême ?

    Au fil de mes recherches et de mes lectures de l’historiographie, je me rends compte qu’il y a deux grandes façons de raconter cette histoire. La première, relativement traditionnelle, insiste sur l’idée d’une croissance du rôle de l’État dans la vie publique à partir de la Révolution française, qui va s’opposer au marché et essayer de réguler les conflits entre travail et capital. Je tiens d’emblée à signaler que cette vision est à mon avis tout à fait légitime, du point de vue académique et historique. Néanmoins, je n’adhère plus à cette vision car j’observe que c’est que ce n’est pas en conquérant l’État que les politiques sociales progressistes commencent à naître. C’est au contraire en contestant deux rapports sociaux de domination que sont le capital et l’État que naissent ces politiques sociales. Plutôt que d’opposer marché et État comme on le fait traditionnellement en sciences sociales, je pose l’hypothèse que ce sont des alliés irréductibles l’un à l’autre.

    Pourquoi opposer l’État social et la Sociale ? Car ce que j’observe, à différents moments de l’histoire, c’est que très tôt se pose la question de l’intervention de l’État dans le champ de la politique sociale et très tôt s’exprime un refus des élites politiques d’investir ce champ. Évidemment, de leur côté, les élites économiques, le capital en particulier, refusent aussi de mettre en place des politiques sociales, alors que les conditions de travail, dans le contexte de l’industrialisation, sont de plus en plus difficiles et de plus en plus dangereuses. Face à ce double refus, que font les travailleurs urbains et ruraux ? Ils ne se résignent pas, ils ne demandent gentiment la permission de créer des politiques sociales et des institutions de protection sociale, ils le font par eux-mêmes. C’est sans doute ce que j’ai trouvé le plus incroyable, notamment à travers la création des premières mutuelles ouvrières.

    LVSL : Justement, vous accordez à la mutualité une place d’autant plus importante dans votre ouvrage qu’elle est selon vous révélatrice de la lutte entre la Sociale et l’État social. Ce dernier va tout faire pour se réapproprier l’esprit mutualiste dans un but de maintien de l’ordre établi. Dans sa préface, Bernard Friot la qualifie même de « cheval de Troie particulièrement efficace du couple État social/capital ». Comment cette évolution des mutuelles, d’un outil de subversion à un outil d’intégration à l’ordre social, s’opère-t-elle ?

    N. D. S. : À la suite de la Révolution française, la mutualité est une institution qui démontre toute l’originalité et la détermination du mouvement ouvrier. Les travailleurs s’auto-organisent contre les entreprises capitalistes qui les exploitent et contre l’État qui leur interdit de se réunir, à la suite des lois d’Allarde et Le Chapelier de 1791 et d’une série de dispositions empêchant les classes populaires de s’organiser politiquement. Ces dernières sont même fortement réprimées lorsqu’elles dérogent à cette interdiction.

    Les sociétés de secours mutuel sont très ambivalentes parce qu’il y a cette dimension subversive de l’ordre établi, mais il n’y a pas que cela. Comme le montre par exemple l’historien Bernard Gibaud, il y a aussi une dimension davantage liée à la pratique du pouvoir des dominants. C’est-à-dire qu’on va utiliser des sociétés de secours mutuels pour calmer les revendications ouvrières. C’est le cas par exemple dans les mines, où les accidents du travail sont très importants et suscitent de nombreuses agitations ouvrières. Le préfet ou bien le patron peuvent décider de mettre en place une société de secours mutuel qui va prendre en charge les travailleurs blessés, avec pour objectif de calmer les revendications qui pourraient menacer l’ordre social. Suivant les pas de Bernard Gibaud ou de Michel Dreyfus, j’accorde également beaucoup d’importance au décret napoléonien de 1852 qui entame une réappropriation par l’État de la mutualité subversive. C’est progressivement que la mutualité va être donc vidée de sa subversion.

    Dès ses origines, la mutualité peut donc à la fois être subversive de l’ordre établi ou bien chercher à le reproduire. Ses évolutions ont été telles qu’aujourd’hui, l’esprit subversif de la mutualité a complètement disparu. La Fédération nationale de la Mutualité française qui représente la grande majorité des mutuelles en France, n’a plus aucun objectif politique. Elle avance deux arguments principaux pour justifier son existence et sa singularité par rapport aux sociétés d’assurance capitalistes : elle ne fait pas de profit et est gouvernée de façon démocratique. Ces deux éléments seraient au cœur de son identité, de son originalité. Or, quand on regarde dans le détail ce qui se passe aujourd’hui, pour plusieurs raisons liées principalement à la mise en concurrence des complémentaires santé, la Mutualité française est contrainte à se comporter comme des assureurs privés à but lucratif. Aujourd’hui, la mutualité sert simplement d’excuse pour ne pas remettre en cause les complémentaires santé.

    « Il y a une histoire glorieuse de la mutualité. Mais elle ne doit pas être instrumentalisée pour nous aveugler sur le présent. »

    Je répète que je ne pense pas pour autant qu’il faille rejeter en bloc toute la mutualité. Même après la création du régime général de la sécurité sociale en 1945-1946, donc après l’épisode vichyste où la mutualité, au niveau national, validait complètement le régime, il y avait encore des mutuelles ouvrières faisant des choses extraordinaires. Je pense notamment aux travaux de Benoît Carini-Belloni, qui montrent à quel point, par exemple, la Mutualité ouvrière des Bouches-du-Rhône a construit tout un réseau de centres de santé pour faire de la médecine autrement. Ces militants ont construit une alternative crédible à la médecine libérale et à ses défauts les plus insupportables. Il y a une histoire glorieuse de la mutualité. Mais elle ne doit pas être instrumentalisée pour nous aveugler sur le présent.

    Pour en revenir à l’opposition entre l’État social et la Sociale, en matière de santé, ce qui compte n’est pas simplement la quantité d’argent que l’on y met. Il faut aussi se demander qui détient et exerce le pouvoir de décision. La distinction que j’opère est essentiellement sur cet aspect-là. Avec la Sociale, nous sommes dans le champ de l’auto-gouvernement, dans le sens où ce sont les intéressés eux-mêmes, qui décident à des niveaux différents, quitte à se fédérer. Le régime général de la sécurité sociale se fonde dans cet esprit, puisque ce sont avant tout les intéressés eux-mêmes qui gèrent les caisses et qui détiennent ainsi un pouvoir de décision sur la politique de santé et d’accès aux droits. Pour ce qui est de l’État social, le centre de décision réside dans les mains du gouvernement et des institutions traditionnelles de l’État.

    « C’est parce que l’État se réapproprie le pouvoir sur la Sécurité sociale progressivement après 1945 qu’il peut plus facilement en organiser la réforme d’un point de vue économique. »

    Évidemment, tout l’enjeu de la distinction entre l’État social et la Sociale est que celui qui détient le pouvoir va pouvoir orienter la politique publique. C’est parce que l’État se réapproprie le pouvoir sur la Sécurité sociale progressivement après 1945 qu’il peut plus facilement en organiser la réforme d’un point de vue économique. L’instauration du régime général de la Sécurité sociale avait imposé à l’État une situation de double pouvoir, où il devait négocier avec les ouvriers. Grâce au contrôle et à la gestion par les intéressés eux-mêmes des caisses, l’État ne pouvait pas faire ce qu’il voulait.

    Ainsi, on comprend mieux pourquoi l’État a rapidement fait de la liquidation de ce double pouvoir l’une de ses priorités. Les premières réformes de la Sécurité sociale ne sont pas économiques, elles ne concernent pas son financement mais son organisation. Elles visent à se réapproprier le pouvoir, notamment à travers les ordonnances Jeanneney en 1967, qui suppriment les élections des administrateurs de caisses par les salariés et instaure le paritarisme, de telle sorte que les représentants des salariés, qui pesaient pour 75% des membres des caisses, ne sont plus que 50%, à égalité avec ceux du patronat. Ce dernier peut désormais imposer ses vues en s’alliant au syndicat le plus complaisant. De même, c’est le cas avec les ordonnances Juppé en 1995-1996, qui étatisent encore davantage la Sécurité sociale en soumettant son budget à un vote annuel du Parlement avec le Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

    LVSL : En parallèle de l’opposition entre la Sociale et l’État social, vous en proposez une autre entre public et étatique. Là encore, sur quoi cette opposition repose-t-elle et dans quelle mesure n’est-elle pas potentiellement un piège tendu par les libéraux ?

    N. D. S. : L’idée de distinguer le public de l’étatique est totalement liée à l’idée de distinguer la Sociale et l’État social. Le public, dans le livre, est défini d’une façon assez simple : c’est la protection sociale obligatoire. Celle-ci peut être soit contrôlée par l’État, auquel cas, c’est de l’étatique, soit par les intéressés eux-mêmes, auquel cas c’est la Sociale. Mais cette opposition concerne bien plus que la Sécurité sociale en tant que mode de financement des soins de santé. Elle concerne les producteurs eux-mêmes comme l’hôpital ou la médecine de ville. Historiquement, l’hôpital devient public parce que l’Église, qui s’en occupait durant plusieurs siècles, perd progressivement son pouvoir après la Révolution de 1789. L’hôpital est alors mis sous la tutelle des communes, disposant d’un fort pouvoir local – un pouvoir public mais qui n’est pas étatique.

    Progressivement, des lois, notamment en 1941, commencent à transférer le pouvoir sur l’hôpital des communes vers le gouvernement, le ministère puis les agences de santé qui en dépendent. On observe là aussi une situation de pouvoirs multiples dans l’hôpital public : le pouvoir de plus en plus faible des communes, face au pouvoir croissant de l’État et, entre les deux, celui des professionnels de santé, qui ont pu jouer par le passé un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui dans l’organisation des hôpitaux. Le public ne se réduit donc pas à l’étatique. Au contraire, avec la Sociale, on peut désirer plus de public et, simultanément, moins d’étatique.

    LVSL : Pour autant, ne semble-t-il pas compliqué voire illusoire de concevoir un hôpital public sans aucune intervention de l’État, et plus largement un secteur public obligatoire, pour reprendre la Sécu, sans garantie de cette obligation par l’État et par la force de la loi ?

    N. D. S. : Je ne conteste pas du tout le fait historique qu’il y a un État en France, qu’il est fort et que, par l’usage ou la menace de l’usage de la violence, il permet de faire respecter la loi. En revanche, j’essaie de mettre en évidence que les lois écrites et votées par le gouvernement et le Parlement ont souvent pour origine le mouvement social – la Sociale. Évidemment, le cadre légal est validé par l’État, mais cela ne signifie pas que ce dernier en soit forcément à l’origine et qu’il le dirige.

    « Ce n’est pas l’État qui se charge de la mise en œuvre des ordonnances, mais bien les milliers de personnes issues de la CGT qui vont constituer ces fameuses caisses du régime général de la sécurité sociale, au niveau local, régional et national. Ce sont ces militants qui le font, et non l’État. »

    Les ordonnances d’octobre 1945, qui portent création de la Sécurité sociale, ne sont que de l’encre sur du papier. Elles font suite au contexte de la guerre totale, avec un mouvement de résistance à l’État collaborateur important. Des projets de réforme des assurances sociales de 1928-1930 circulent dans les ministères à la veille de la guerre et des discussions avancées se déroulent sous Vichy. Là aussi, ce n’est que de l’encre sur du papier. Les ordonnances doivent leur naissance non pas tant à une volonté étatique ou bureaucratique qu’à un contexte politique et social nouveau. De plus, ce n’est pas l’État qui se charge de la mise en œuvre des ordonnances, mais bien les milliers de personnes issues de la CGT qui vont constituer ces fameuses caisses du régime général de la Sécurité sociale, au niveau local, régional et national. Ce sont ces militants qui le font, et non l’État.

    Enfin, l’idée selon laquelle on ne fait rien sans l’État est selon moi une idée qui nous mutile du point de vue de la pensée et de l’action. Au contraire, il faut penser l’existence d’une pluralité de pouvoirs, y compris des pouvoirs qui peuvent s’exercer contre l’État. Le public, c’est-à-dire le fait qu’on puisse organiser des choses obligatoires comme la Sécurité sociale, comme l’existence d’un hôpital, n’implique pas nécessairement que le pouvoir de décision soit centralisé au niveau de l’appareil étatique. On le voit dans les hôpitaux ou dans les caisses de Sécurité sociale.

    LVSL : La conception de l’État qui apparaît dans votre livre le réduit tout de même régulièrement à un outil de domination. Or, l’État est le résultat d’un long processus de construction historique, qui évolue au fil des périodes et qui est aussi le lieu d’expression de rapports de force entre des valeurs et des intérêts divergents. Dès lors, ne concevez-vous pas la possibilité d’un État émancipateur, véritable garant de l’intérêt général et en même temps de transformations sociales qui seraient souhaitables ?

    N. D. S. : Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un livre théorique, ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas réfléchi aux questions théoriques en amont. Mon arrière-plan théorique s’oppose justement à la coutume qu’on a en sciences sociales de considérer que l’État est un champ de bataille. C’est une conception partagée par de nombreux courant progressistes, qui considèrent l’État comme le lieu de cristallisation de différents intérêts, dont la conquête est possible par le camp du travail. D’ailleurs, je trouve que les collègues qui mobilisent ce cadre théorique pour penser leurs objets de recherche font un travail très souvent remarquable. Je n’ai aucune intention d’entrer dans des querelles théoriques qui n’intéressent personne. Je propose un autre regard et le soumets au jugement.

    Je pose une hypothèse peu habituelle lorsqu’elle concerne l’État mais très traditionnelle lorsqu’elle concerne d’autres rapports sociaux. Elle consiste à dire que l’État est un rapport de domination, une modalité de l’exercice du pouvoir politique, mais qu’il y en a d’autres, potentiellement meilleures. Je ne formule pas une théorie de l’État. Je conserve simplement cette hypothèse en arrière-fond, et je la pose de la même façon qu’on pose souvent l’hypothèse selon laquelle le capital est un rapport d’exploitation qui est problématique et dont il faut se débarrasser sans développer pour autant toute une théorie du capital. Dans le livre, je m’intéresse en particulier à deux rapports sociaux de domination, l’un étant l’État, l’autre le capital, et je pose l’hypothèse que ce sont deux rapports sociaux de domination qu’il peut être utile de dépasser.

    « L’enjeu est de sans cesse dépasser le progrès d’hier, en pensant de nouvelles formes politiques encore plus avancées. »

    Quand le capital, lien de dépendance impersonnelle, a remplacé le servage, lien de dépendance personnelle, ce fut un progrès. Les théories socialistes, communistes ou encore anarchistes considèrent cette évolution comme un progrès, tout en imaginant d’autres rapports sociaux de production, encore plus émancipateurs. C’est sur cette base que se fondent toutes les critiques radicales du capitalisme, qui ne cherchent pas tant à le changer, à le réguler, qu’à en sortir. Je procède de la même façon pour l’État que pour le capital. Évidemment, l’État moderne est un progrès par rapport à l’absolutisme, puisqu’il instaure un pouvoir politique impersonnel qui n’est pas lié à la personne du Roi. L’État né de la Révolution française est un progrès par rapport à l’État absolutiste. L’enjeu est de sans cesse dépasser le progrès d’hier, en pensant de nouvelles formes politiques encore plus avancées.

    J’observe dans le champ de la protection sociale que les travailleurs auto-organisés peuvent produire des institutions publiques non-étatiques qui, sous beaucoup d’aspects, sont un progrès par rapport à l’État. J’ai bien sûr conscience qu’avoir ce type de discours, à une époque où se multiplient les prises de position libertarienne, peut sembler peu stratégique. Néanmoins, si je le tiens malgré tout, c’est parce que les politiques sociales progressistes, dans le champ de la santé notamment, n’ont jamais été le produit de la conquête de l’appareil d’État ou d’un État social bienveillant.

    « Heureusement que l’État social existe encore et que le capital n’a pas tout emporté. […] S’il est indéniable que l’État est une institution de la prédation, il a développé au cours du temps des logiques de protection. Paradoxalement, la protection est la meilleure technologie de prédation. »

    Dire que la Sociale est supérieure à l’État social n’implique pas de nier l’importance des politiques sociales portée par l’État. Heureusement que l’État social existe encore et que le capital n’a pas tout emporté. Je m’inscris dans l’approche théorique développée par Mehrdad Vahabi sur l’État prédateur. S’il est indéniable que l’État est une institution de la prédation, il a développé au cours du temps des logiques de protection. Paradoxalement, la protection est la meilleure technologie de prédation. Comme l’éleveur de bétail qui prend soin de son cheptel pour ensuite mieux l’exploiter, l’État développe des politiques sociales généreuses pour que son action prédatrice soit plus facilement acceptée. On ne peut pas séparer la main droite de la main gauche de l’État. Pendant le confinement de 2020, le gouvernement a largement étendu les droits sociaux mais c’était pour éviter toute remise en cause de son pouvoir. Il fallait protéger l’ordre social de la rébellion.

    LVSL : Dans votre ouvrage, vous insistez à juste titre sur le fait que l’histoire de la protection sociale, et en particulier celle du régime général de la sécurité sociale mis en place en 1945-1946, est une histoire de conflits. Qui cette histoire opposait-elle et sur quels éléments principaux ces conflits portaient-ils ?

    N. D. S. : Le livre entreprend de distinguer deux grands types de conflits : les conflits sociaux d’une part, au sens classique de la lutte des classes ; les conflits armés d’autre part. Loin de l’idée courante selon laquelle la Sécu et plus largement les institutions de la protection sociale sont le produit du consensus, j’insiste sur le fait que les grands moments de l’histoire de la protection sociale sont des moments très conflictuels. La création des mutuelles intervient à la suite de la Révolution. Le fameux décret de 1852 fait suite à la Révolution de 1848. En réalité, comme le montre le sociologue Numa Murard, en France, avant 1914, l’État social n’existe que dans les débats. Au niveau économique, la part des dépenses publiques accordée à la protection sociale est identique en 1914 à celle de la Révolution de 1789 (environ 10%).

    Il faut des moments de grande conflictualité pour observer des changements significatifs dans l’ordre de la protection sociale. En m’appuyant sur des travaux en sciences sociales, notamment de politistes et d’historiens, je montre que l’État social naît véritablement en France avec les guerres mondiales. Que ce soit dans le cadre de la préparation de ces guerres, dans la conduite de ces guerres ou encore du fait de leurs conséquences, la place de l’État dans l’économie change, de telle sorte que ce qui était autrefois impossible devient possible.

    « Après la guerre, la création d’une assurance publique obligatoire pour couvrir les risques santé et vieillesse ne fait plus débat. Le consensus ne vient pas de la qualité de l’argumentation des députés mais des conditions politiques et sociales créées par le conflit mondial. »

    Alors que l’idée d’une politique de santé étatique est en débat depuis la Révolution française, il faut attendre la fin de la Grande guerre pour que les paroles laissent place aux actes. Après la guerre, la création d’une assurance publique obligatoire pour couvrir les risques santé et vieillesse ne fait plus débat. Le consensus ne vient pas de la qualité de l’argumentation des députés mais des conditions politiques et sociales créées par le conflit mondial. S’il faut attendre 1928-1930 pour que les lois d’assurance sociales soient votées, ce n’est pas en raison d’une opposition de l’État mais à cause de l’opposition des médecins et des mutualistes supposés mettre en œuvre la loi. En résumé, les guerres changent la place de l’État dans l’économie et rendent légitime son intervention là où auparavant elle ne semblait ni légitime ni nécessaire.

    Pour ce qui est de la naissance du régime général de la sécurité sociale en 1945-1946, les historiens montrent qu’il n’y a aucune opposition au fait de donner plus d’argent pour les politiques sociales après la guerre. Le débat public actuel donne l’impression que les historiens sont d’accord pour dire que la Sécu est née d’un grand consensus national. En fait, quand on lit leurs travaux dans le détail, notamment Bruno Valat et son Histoire de la Sécurité sociale , on se rend compte que dès le début, il y a un grand désaccord sur la question du pouvoir : est-ce que cette organisation va être laissée aux mains des maîtres d’antan, qui géraient les institutions de protection sociale d’avant 1945 ? Est-ce qu’on donne plus de pouvoir à l’État ? Ou bien, est-ce qu’on va faire ce qu’on a finalement fait, à savoir donner le pouvoir aux intéressés directement ?

    L’enjeu du conflit social se situe donc à ce niveau-là en 1945. Tout le monde est d’accord pour réformer le système de sécurité sociale d’avant-guerre et pour lui attribuer plus d’argent, mais personne n’est d’accord pour savoir qui va diriger la nouvelle institution. La CGT, comme avant-guerre, veut diriger elle-même, en tant qu’organisation représentative des travailleurs. Son mot d’ordre est alors « un homme une voix ». En face, les anciens maîtres des institutions sociales veulent garder leur pouvoir, et maintenir des formes de paternalisme social. Qui veut d’un régime général aux mains des intéressés ? Le patronat ne veut pas du pouvoir des ouvriers, donc il s’oppose. La mutualité veut garder son pouvoir sur les assurances sociales, donc elle s’y oppose. Le clergé veut lui aussi conserver son pouvoir, notamment sur les caisses d’allocations familiales, donc il s’y oppose. Les assureurs privés perdent le bénéfice de la gestion des accidents du travail, donc ils s’y opposent. Même les médecins libéraux, qui tiennent à leurs libertés d’exercice et ne veulent pas être gouvernés par la CGT, s’y opposent.

    Du point de vue des organisations politiques, le MRP chrétien-démocrate cherche à sauver ce qu’il peut de la mutualité, tout comme la SFIO socialiste, notamment avec le vote de la loi Morice en 1947. Finalement, l’existence de la mutualité aujourd’hui est le produit d’une résistance opiniâtre au régime général. Cela montre donc bien les enjeux du conflit. Que ce soit Colette Bec, Bernard Friot ou Bruno Valat, tous disent que dès le début, il y a des victoires, des concessions ou des défaites. Le conflit est le maître mot.

    LVSL : Par rapport à la question du pouvoir, et en parallèle des mobilisations sociales, pensez-vous que le régime général de la Sécurité sociale aurait pu être réalisé de cette façon sans la présence d’un personnage comme Ambroise Croizat au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, et plus largement sans la présence de dirigeants cégétistes et communistes dans les instances étatiques ? N’est-ce pas une réalisation à mettre au crédit de la stratégie de neutralisation et de subversion de l’appareil d’État employée à l’époque par les communistes ?

    N. D. S. : C’est une question piège. J’aurais envie d’y répondre en disant que c’était important, mais pas décisif. Je le dis sans minorer le rôle de Croizat et d’autres militants ou dirigeants du mouvement ouvrier qui étaient dans les instances décisionnaires officielles, ou même à l’Assemblée. Ce sont des gens incroyables. Quand on regarde à quel point ils se battent dès le début, alors qu’il n’y a aucune unanimité, aucune union nationale, pour défendre le régime général avant même qu’il n’existe, on ne peut être qu’admiratif de ces combats. Cependant, ce qu’ils font, ils peuvent le faire car un mouvement social déterminé à changer la société met le feu aux poudres.

    De toute façon, je suis incapable de dire que si cela aurait été différent avec ou sans la présence de communistes dans les instances étatiques. Je ne suis pas voyant. Ce que j’observe néanmoins est que leur enjeu à l’époque n’est pas d’abord la conquête du pouvoir d’État, parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent l’obtenir. L’un des aspects historiques que j’ai appris en faisant ces recherches est qu’évidemment, le contexte d’après 1945 est plus favorable qu’en 1939, mais qu’il n’y a pas du tout de grande majorité ouvrière capable de conquérir l’appareil d’État. L’enjeu est donc de prendre ce qu’il y a à prendre.

    Toujours est-il que cette attitude est à replacer dans un cadre stratégique plus général du Parti communiste, de la CGT et d’une grande partie du mouvement social qui est moins souvent citée dans l’ouvrage mais qui reste attachée à des formes de mobilisations anciennes, à tendance anarchiste, dont l’enjeu principal n’est pas la conquête du pouvoir d’État pour le pouvoir État, mais de changer la société. Là encore, il me semble qu’il faut distinguer la conquête de l’appareil d’État de la conquête du pouvoir politique, qui ne se réduit pas à l’appareil d’État. Cela signifie tout simplement que le but du mouvement social n’est pas de « gérer » les institutions de la domination mais de les détruire.

    « La prise de pouvoir d’État peut être au mieux un moyen, mais en aucun cas un objectif en soi. L’enjeu n’est pas de diriger l’État et de discipliner les capitalistes, il est de construire des formes politiques et économiques alternatives. »

    Dans le livre, je ne discute pas de l’hétérogénéité du mouvement social notamment quant à son rapport à l’État. Faut-il le conquérir ou le dépasser ? Par l’usage des moyens légaux ou par la force ? Je regroupe cette hétérogénéité sous le concept d’auto-organisation. C’est bien entendu une simplification critiquable mais elle prend son sens lorsque l’on compare le mouvement social d’alors avec le nôtre. Dans le contexte actuel, les forces politiques qui se disent progressistes n’ont pour seul horizon que la prise du pouvoir de l’appareil d’État pour réguler le capitalisme. Cela tranche nettement avec les pratiques des organisations politiques et syndicales qui naissent à la fin du XIX e siècle dont le but est d’en finir avec le capitalisme et pour qui l’appareil d’État est au mieux un moyen pour y parvenir mais certainement pas une fin en soi. C’est ce sur quoi je souhaite insister avec cette opposition entre l’État et la Sociale : la prise de pouvoir d’État peut être au mieux un moyen, mais en aucun cas un objectif en soi. L’enjeu n’est pas de diriger l’État et de discipliner les capitalistes, il est de construire des formes politiques et économiques alternatives. C’est comme cela que sont nées les institutions que nous chérissons.

    LVSL : Dans ce cadre-là, ne faut-il pas voir davantage la Sociale et l’État social tels que vous les définissez comme les deux pôles d’un continuum de prise en charge de la protection sociale par le public ?

    N. D. S. : Je comprends que cela puisse sembler binaire. Évidemment, je présente cette opposition de façon idéale-typique, pour penser la réalité concrète et les tendances historiques. Croizat, qui pour moi représente la Sociale, est au gouvernement, il y a donc bien des passerelles, des aspérités. J’imagine que cette présence au gouvernement puisse être prise comme un argument à l’encontre de ma thèse centrale qui est de dire que l’État social et la Sociale ne sont pas la même chose, et que justement on peut conquérir l’État. Mais, comme je l’ai déjà dit, la présence au gouvernement ne parait pas l’élément le plus important permettant d’expliquer l’avènement du régime général. D’ailleurs, des personnages politiques bien intentionnés, communistes ou non, il y en a eu beaucoup dans les gouvernements. Cela n’a jamais été suffisant ou nécessaire pour insuffler le progrès social.

    Pour prendre un autre exemple, les élites du Welfare , qui travaillent actuellement dans les institutions de la protection sociale à des niveaux hiérarchiques élevés, doivent appliquer la politique anti-sociale désastreuse du gouvernement, alors qu’elles sont souvent contre ces dynamiques à l’œuvre. Un jour ou l’autre, elles pourraient sans doute faire leur métier différemment, si toutefois le contexte politique venait à changer. À l’instar de Pierre Laroque, impliqué dans la mise en œuvre des assurances sociales avant-guerre, membre du cabinet du ministre du Travail du premier gouvernement de Vichy avant d’en être révoqué pour ses origines juives, et qui joue un rôle important à la Libération en tant que premier directeur de la Sécurité sociale.

    On trouve des personnes formidables dans l’État à toutes les époques et elles réalisent toujours un travail utile lors des périodes de progrès. Mais ce n’est pas leur présence dans l’État qui explique le changement institutionnel. C’est beaucoup plus la contestation de l’État par la Sociale qui leur permet de jouer un nouveau rôle.

    LVSL : Votre ouvrage s’intéresse enfin aux évolutions récentes des politiques publiques de santé. Vous analysez notamment le nouveau management public comme un produit à part entière de l’État social, et non pas tant comme un outil du néolibéralisme, notamment à travers le recours à une forme de capitalisme sanitaire…

    N. D. S. : Je n’utilise pas le mot néolibéralisme dans mon ouvrage, de telle sorte qu’il n’y apparaît que lorsque je mobilise certaines références bibliographiques. Si je ne l’utilise pas, c’est parce qu’il y a une tendance à résumer beaucoup d’analyses académiques au « tournant des années 1980 », alors que ce que montrent les spécialistes du sujet c’est qu’il y a une archéologie du néolibéralisme qui commence en fait bien avant ces fameuses années 1980. Ce qui me gêne le plus dans le concept de néolibéralisme n’est pas les analyses des auteurs qui le mobilisent mais certains usages militants. Tout se passe comme si le monde d’avant le néolibéralisme était un monde désirable, fait de consensus et de prospérité, un monde tragiquement évanoui du fait des crises pétrolières des années 1970. Tout cela est bien entendu une fable : l’après-guerre est une période très conflictuelle et l’exploitation d’alors n’a rien à envier à la situation actuelle.

    « Il faut en finir avec l’idée d’une période des « Trente Glorieuses » et d’un régime fordiste qui aurait été une ère de concorde sociale relative ayant permis le développement d’institutions auxquelles nous sommes tous très attachés. »

    Si je n’utilise pas ce concept, ce n’est pas parce que je le trouverais mauvais, mais parce qu’en fait, je n’en ai pas besoin. Je souhaite avant tout montrer que l’opposition aux politiques sociales portées par le régime général est inscrite dès la naissance-même du régime général. Il n’y a pas de grand tournant idéologique à partir des années 1970 ou 1980, par lequel on se serait rendu compte que la Sécurité sociale coûte trop cher. Tout cela n’existe pas et comporte un aspect mythologique, puisque dès le début, de nombreuses forces politiques, idéologiques et sociales s’y sont fortement opposées. Il faut en finir avec l’idée d’une période des « Trente Glorieuses » et d’un régime fordiste qui aurait été une ère de concorde sociale relative ayant permis le développement d’institutions auxquelles nous sommes tous très attachés.

    Je ne pense pas qu’il soit pertinent d’être nostalgique de cette période. Ce qui pose problème à ce moment-là comme aujourd’hui n’est pas tant le type de capitalisme (fordiste ou néolibéral) mais le capitalisme. Cela n’enlève rien à l’importance des travaux sur les différentes formes du capitalisme. Je les trouve essentiels. Il s’agit simplement de changer la focale et de parler du capitalisme plutôt que des variétés du capitalisme. À quoi servirait une lutte victorieuse contre le néolibéralisme si elle conduisait à une autre forme de capitalisme ?

    Que se passe-t-il après 1945 ? À partir du moment où l’État se réapproprie le régime général de la sécurité sociale, alors il a les mains libres pour faire ce qu’il veut. Le pouvoir politique sur le système de santé permet de changer son économie. On observe que dès 1945-1946, il n’y a pas de la part de l’État une volonté claire de privilégier la production publique de soins par rapport à la production capitaliste. Un bon exemple de cette ambiguïté est le cas des cliniques. À partir de 1945, il est beaucoup plus facile par la législation de construire des cliniques privées à but lucratif que de construire des hôpitaux.

    Aujourd’hui, si la sphère du capitalisme sanitaire se développe aussi rapidement et efficacement, c’est parce que l’État a réussi à se réapproprier politiquement la Sécu et que se réappropriant complètement la Sécu, il a les mains libres et peut faire ce qu’il veut (sans parler des multiples conflits d’intérêts régulièrement révélés). L’État social est aux manettes, c’est lui qui décide de la politique, et la politique qu’il mène aujourd’hui repose sur l’acceptation qu’il faut une sphère publique importante. La sphère publique, même si elle est en train de reculer sur divers aspects, existe encore, car du point de vue statistique, l’État social existe encore. En revanche, il a complètement changé de principe d’organisation.

    « Au fond, l’État social cherche à favoriser ses alliés politiques. Au XIX e siècle, cela pouvait être le clergé, les médecins ou encore les mutuelles. Aujourd’hui, c’est davantage le capital. »

    Par rapport à la santé, ce discours se traduit par l’idée qu’il faut une politique de santé publique généreuse, mais pour les plus pauvres seulement, ou les plus malades, ou là où ça n’est pas rentable. Et on va développer le capital ailleurs, avec des complémentaires santé et des cliniques privés, ou avec des dépassements d’honoraires. Au fond, l’État social cherche à favoriser ses alliés politiques. Au XIX e siècle, cela pouvait être le clergé, les médecins ou encore les mutuelles. Aujourd’hui, c’est davantage le capital. Et c’est vrai dans plusieurs secteurs, autres que la santé.

    LVSL : Vous écrivez également que la crise actuelle du système de santé n’est pas tant une crise financière qu’une crise politique. En quoi cette crise politique consiste-t-elle et quelles seraient vos préconisations pour y remédier ?

    N. D. S. : Il est évident qu’une production publique de santé satisfaisante demande beaucoup de moyens financiers, et que ceux-ci peuvent venir à manquer. Néanmoins, pour toutes les raisons évoquées dans le livre, le premier problème n’est pas financier mais politique. La politique sanitaire de l’État social produit des gabegies terrifiantes de telle sorte que l’on pourrait économiser des sommes conséquentes. Il serait contre-productif de dire qu’il n’y a aucune économie à faire. Il faut regarder qui produit quoi, dans quelles conditions. C’est en ce sens-là que je dis que la crise est politique.

    Par exemple, les complémentaires santé sont un véritable gouffre financier. Un rapport rendu en 2022 par le Haut Comité sur l’Avenir de l’Assurance Maladie estime les économies réalisées si la Sécurité sociale prenait en charge le ticket modérateur à la place des complémentaires. Pour rappel, le ticket modérateur est la part du prix administré qui n’est pas remboursée par la Sécurité sociale. Sur les 25 euros de votre consultation, la Sécurité sociale vous rembourse 70%, et les 30% restants qui constituent le ticket modérateur sont en général pris en charge par les complémentaires (sans compter un euro qui reste à votre charge). Selon ce rapport, les économies annuelles seraient de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. Pour donner un ordre de grandeur, le Ségur de la santé sur son volet investissement pour l’hôpital proposait 13 milliards sur dix ans. Une telle mesure permettrait donc de faire un Ségur de la santé tous les deux ans et demi.

    « Les complémentaires santé ne reposent sur aucune rationalité économique. »

    Comment l’expliquer ? Tout simplement parce que les complémentaires santé sont beaucoup moins efficaces que la Sécurité sociale. Ce sont des ordres de grandeur qu’il faut avoir en tête car ils permettent de démontrer que le problème n’est pas d’abord financier. Tout le monde sait que cela coûte un « pognon de dingue », pour reprendre une expression devenue populaire. Des hauts-fonctionnaires, qui ne sont pas du tout connus pour être des radicaux, signent régulièrement des tribunes pour dire que cette politique sanitaire n’est pas rationnelle. Je pense notamment à une tribune citée dans l’ouvrage, dans laquelle Martin Hirsch et Didier Tabuteau prennent position publiquement pour dire que les complémentaires santé ne reposent sur aucune rationalité économique.

    Mais dans le champ politique, les complémentaires santé sont aussi des soutiens. Les liens entre les élites politiques et les assurances privées à but lucratif, les mutuelles et les instituts de prévoyance sont nombreux. Il est donc délicat politiquement d’ôter à tous ces soutiens leur part du gâteau. Le secteur des complémentaires santé est une économie de rente à l’abri de la concurrence et de la critique démocratique… le tout au détriment du plus grand nombre.

    Cette économie de rente, ou ce capitalisme politique comme je l’appelle dans le livre, se donne aussi à voir avec l’industrie pharmaceutique et la financiarisation de la Sécurité sociale. Nous pourrions faire des économies très importantes, mais on le refuse pour des raisons politiques. Bien entendu, il faut des investissements massifs dans l’hôpital public, dans les centres de santé, dans les maternités, etc. Mais le premier problème n’est pas l’argent, c’est le pouvoir de décision. Parce que si l’on a plus d’argent, mais que cela sert à enrichir l’industrie pharmaceutique sur le dos des patients et de la Sécu, cela ne sert à rien.

    LVSL : Pour gagner cette bataille de la Sécu, pour regagner ce pouvoir de décision que vous venez d’évoquer, quel rôle jouent les imaginaires liés à la Sociale, les représentations que l’on se fait de cette histoire populaire ? Que ce soit dans des productions culturelles, par l’éducation populaire ou encore dans les médias, quelle est, selon vous, l’importance de mener cette bataille dans le champ culturel et quelles pistes souhaiteriez-vous peut-être partager, pour atteindre ce but ?

    N. D. S. : Indépendamment des conflits d’interprétation qu’on peut avoir, sur l’utilité de conquérir le pouvoir d’État ou non, le gros enjeu est de mettre en évidence le fait que ce n’est pas en attendant la bienveillance des classes dominantes que les classes dominées ont réussi à imposer des politiques sociales progressistes. Le conflit est un moteur du changement institutionnel bien plus puissant que le débat parlementaire ou l’expertise.

    Ce n’est pas en quémandant, en suscitant la pitié ou la bienveillance d’autrui, que la situation matérielle des classes dominées s’est améliorée. Les institutions sociales les plus populaires proviennent d’un conflit extrêmement violent. Le conflit est un moteur du changement institutionnel bien plus puissant que le débat parlementaire ou l’expertise. Diffuser cette idée-là peut faire réfléchir beaucoup de gens et amener à faire évoluer les stratégies militantes.

    En termes de productions culturelles permettant de diffuser les imaginaires liés à la Sociale, il y a évidemment le film de Gilles Perret qui porte ce titre de La Sociale , un film extraordinaire, qui joue d’ailleurs sur cette ambivalence entre le conflit et le consensus. Des films et autres productions de ce type peuvent diffuser beaucoup plus facilement et efficacement ces représentations positives de la lutte des classes que des ouvrages souvent moins accessibles. Si ce livre et plus largement les travaux sur lesquels ils s’appuient peuvent nourrir ce type d’initiatives j’en serai forcément heureux.

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      La faillite de l’étatisme

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 2 January, 2023 - 04:30 · 9 minutes

    Les collapsologues ont tout à fait raison : nous vivons bien une période d’Apocalypse, à la nuance près que ce n’est pas la planète qui s’effondre, c’est l’État qui part en totale déconfiture.

    En quarante ans de « néolibéralisme » (entendez par là en quarante ans de soviétisation menée par des fils à papa parisiens pourris gâtés) la France s’est propulsée avec vigueur et confiance dans une trajectoire menant tout droit dans le mur.

    Le prétendument meilleur système de santé au monde est en fait un dispensaire qui ne tient que par miracle et par l’abnégation de plus en plus rare de soignants au bord de l’effondrement.

    Le pays des Lumières s’enfonce dans les classements sur l’éducation. L’illettrisme a doublé en un siècle et est passé de 3 % en 1914 à 7 % selon les derniers chiffres officiels .

    L’agriculture, fondement du pays des 54 appellations de fromage, des grands vins et des restaurants étoilés est mourante . Le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux, le nombre d’exploitations par quatre.

    L’ industrie a été divisée par deux , enregistrant le plus fort recul de la zone euro.

    Et on pourrait ainsi continuer la liste : la dégradation de l’état des routes , les délais indignes des procédures judiciaires

    Mais depuis deux ans, les choses ne font que s’accélérer. À ces problèmes lancinants se dégradant inexorablement mais suffisamment lentement pour que l’on puisse s’y adapter ou trouver des excuses, sont venues se superposer des crises de plus en plus violentes ayant toutes la même origine : l’incurie de l’administration et du gouvernement censés avoir la charge de les régler.

    L’État inflationniste

    La crise de l’énergie et l’inflation nous font presque regretter le folklore de la comédie covid. Le pire étant sans aucun doute que l’État n’a toujours pas compris qu’il en est responsable et qu’il continue avec vigueur et ardeur à aggraver chaque jour la crise.

    Dernière bêtise en date : le chèque bois énergie .

    Jusqu’à aujourd’hui, la France était le premier pays en Europe à utiliser le bois comme source d’énergie. N’en doutons pas, maintenant que l’État a porté son attention sur le secteur et fourré ses petits doigts boudinés dans l’affaire, le secteur ne va pas tarder à péricliter.

    Le bois de chauffage est un sous-produit de l’exploitation forestière. Pour l’instant. Le marché s’est régulé tout seul, que ce soit le marché des granulés ou des bûches, sans avoir d’impact sur l’exploitation forestière qui reste largement dominée par les plantations à long terme en vue de valoriser les grumes utilisées principalement en construction et dans les diverses industries.

    Le gouvernement précédent avait déjà commencé à s’intéresser au secteur. Résultat : une augmentation de 14 % du prix du bois de coupe en un an. Le prix du bois de chauffage avait bien sûr suivi. Les subventions déversées par le nouveau chèque vont comme de toute bonne logique aller encore augmenter les prix.

    Les mécanismes en présence

    Ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre ! Depuis la mise en place d’un système monétaire décorrélé d’une matière de référence, trois éléments fixent les prix :

    Premièrement : la disponibilité de monnaie « déblocable » comparée à la quantité de monnaie « exigible » par les divers impôts et taxes. Si vous ne payez pas les impôts, les taxes, les cotisations obligatoires… vous allez en prison. Ce n’est pas plus compliqué que cela : vous n’avez pas le choix.

    Cette demande d’argent confère de la valeur à la monnaie en obligeant les individus et les entreprises à vendre des actifs ou à moduler leurs investissements en fonction de la ponction fiscale.

    Deuxièmement : la disponibilité de la monnaie « débloquée », comparée aux actifs « bloqués » et qui est fixée par les taux d’intérêts, le prix à payer pour obtenir de la monnaie échangeable, mais également par la création de rentes, d’obligations d’État qui donnent lieu à intérêts et deviennent disponibles dès qu’elles arrivent à terme.

    Cette offre d’argent réduit la valeur de la monnaie par le mécanisme d’intérêt qui conduit à une augmentation du volume de monnaie.

    Enfin, troisièmement : l’équilibre des prix fixé par les capacités de remplacement. C’est ce que l’on a longtemps appelé « le marché », mais qui est en fait une interconnexion des prix plus ou moins fluide selon la liberté et la capacité d’échange qui se résume dans deux lois : l’effet de substitution et l’effet de revenu .

    Ce dernier mécanisme, microéconomique alors que les deux premiers sont macroéconomiques, agit comme une espèce de matelas amortisseur ou de réseau qui interconnecterait tous les prix les uns avec les autres et les rendraient tous dépendants.

    Le leurre des subventions

    Normalement, tout ce système s’équilibre « naturellement » : l’argent exigé pour les taxes est dépensé par l’État, les placements financiers créent de la valeur qui vient compenser l’augmentation monétaire liées aux intérêts, les consommations se déplacent en fonction des solutions disponibles et amortissent les variations et les variations de demande, de disponibilité et de rentabilité…

    Normalement…

    Reprenons notre bois de chauffage. L’équilibre des prix du pellet et de la bûche est issu de nombre de facteurs qui vont borner ses prix. Bien plus que la disponibilité des produits, c’est la valeur « chauffage » qui va fixer le prix du bois : la quantité de chaleur restituée comparée aux autres moyens de chauffage.

    Imaginons que chaque foyer disposerait à la fois d’une pompe à chaleur (électrique), d’une chaudière au fuel, d’une chaudière à gaz et d’un poêle bouilleur. Clairement, il est logique d’allumer le moyen de chauffage qui donne le meilleur résultat en fonction de la météo et qui lui coûte le moins cher, par exemple le poêle à bois la journée, la pompe à chaleur la nuit pendant les heures creuses sauf pendant les nuits très froides où il est plus économique de faire fonctionner une chaudière au gaz, etc.

    Bien sûr cette situation est imaginaire. Mais dans la réalité, il est loin d’être rare que le poêle ne soit pas couplé à des radiateurs électriques, à une pompe à chaleur ou une chaudière. Même si on n’est pas à 100 % de capacité de substitution d’une source d’énergie par une autre, cet effet de substitution se concrétise à l’échelle macroscopique du pays et s’opère de proche en proche dans d’autres substitutions pour se diffuser à l’ensemble du système de prix : le prix du bois de chauffage va influencer le prix du bois de construction (et inversement), qui va influencer le prix des poutres en bois, qui va influencer le prix des poutres en métal, qui va influencer le prix du fer, qui va influencer le prix des automobiles, qui va influencer le prix des téléviseurs, etc.

    À la moindre variation, le système de prix va se rééquilibrer tout seul (plus ou moins rapidement il est vrai) et la subvention du prix de la bûche et du pellet sera au bout du compte équilibrée par tout une séries de glissement d’autres prix. Ce système est à somme nulle car ce n’est pas lui qui fixe la valeur globale, il ne fait qu’équilibrer un système dont la « somme » doit correspondre à la quantité de monnaie collectée et dépensée par l’État dans son budget de fonctionnement.

    Le fait de subventionner le chauffage au bois ne va donc pas impacter uniquement les foyers à bas revenus se chauffant uniquement au bois, mais tous les prix. En fin de compte, les seuls résultats tangibles auront été de déséquilibrer certains prix (et de créer des problèmes ou des aubaines pour certaines filières) et surtout d’augmenter la quantité de monnaie en circulation et donc de créer de l’inflation : l’effet d’aubaine sur le bois de chauffage se traduira vite en désillusion par l’augmentation d’autres prix.

    L’État inflationniste

    C’est l’équilibre du budget de l’État qui détermine la valeur de l’argent que celui-ci émet pour payer son fonctionnement. On a cru que l’interdiction faite à l’État d’imprimer du papier allait empêcher cette maladie chronique de l’endettement des finances publiques qui a maintes fois créé des crises financières catastrophiques et fait chanceler les souverains et ce depuis la plus ancienne Antiquité .

    Le fameux « système libéral » dénoncé par tous les vendeurs d’illusion a permis une incroyable période de stabilité et de développement économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en donnant la possibilité à l’État de faire disparaître sa création monétaire dans le système bancaire et ainsi d’éviter d’interférer dans l’économie.

    Mais c’était sans compter l’incompétence et l’inconséquence de certains dirigeants et de certains pays, particulièrement la France, qui ont utilisé cette aubaine pour faire n’importe quoi, en particulier pour subventionner des secteurs entiers de l’économie jusqu’au moment où la bulle explose ou que l’État se retrouve au bout de ces capacités de cavalerie, risque qui peut arriver à tout moment.

    Le chauffage au bois vient d’entrer dans la longue liste des secteurs économiques étatisés, non pas par nationalisation, mais par mise en dépendance à l’argent public, après l’immobilier : crise de 1991 en France , crise des subprimes aux USA en 2008… le système de protection sociale en déficit chronique depuis sa création et qui peut s’écrouler à tout moment comme en Grèce en 2010 , les transports…

    Crise à venir

    Le paquebot de l’étatisation de l’énergie est lancé à pleine vitesse avec à la proue les fameuses énergies renouvelables et la lutte donquichottesque contre le thermomètre, façons élégantes de nommer des machines à détourner l’argent public et à créer de la dette souveraine et donc de l’inflation sous forme larvée ou sous forme de bulles. Cette inflation conduira sans aucun doute à une gigantesque crise de l’énergie dans les années à venir, si elle n’a pas déjà commencé.

    Il devient de plus en plus évident que les États-Nation, créés au XIX e siècle sur le modèle de l’État providence imaginé par Bismarck, sont amenés à disparaître ou pour le moins à se transformer radicalement, car dans l’état actuel des choses, ils amènent bien plus de problèmes que de solutions : quand ce ne sont pas les guerres mondiales, ce sont les crises économiques, sanitaires ou sociales mondiales, quand ce n’est pas tout en même temps.

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      La liberté est-elle un projet libéral ?

      Christophe Didier · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 December, 2022 - 03:50 · 9 minutes

    Un des principes fondamentaux autour duquel se regroupent les libéraux est celui de la liberté individuelle.

    Il serait donc logiquement en tête des arguments que porterait un candidat libéral à une élection. Ce serait pourtant une assez mauvaise idée.

    Un principe assez difficile à expliquer et à défendre

    On vous renverra souvent les objections suivantes.

    Objection 1 : nous avons déjà la liberté individuelle . C’est vrai, si nous mettons de côté les confinements, contraintes administratives, codes et autres lois qui finalement ne donnent pas l’impression de briser cette liberté. Il suffit d’en parler autour de soi pour constater que la plupart de vos interlocuteurs n’y verront pas beaucoup d’inconvénients. Pas plus tard que ce midi, sur une chaîne de grande écoute (malheureusement), l’idée de couper l’électricité pendant deux heures était présentée comme « pas si grave ». Ce n’est d’ailleurs effectivement pas si grave.

    Objection 2 : si on laisse un totale liberté individuelle , les gens feront n’importe quoi. Cet argument est appuyé par la désormais incontournable preuve par l’exemple devenue tellement utilisée qu’elle a remplacé l’enquête journalistique. Nous avons tous en mémoire des personnes faisant n’importe quoi malgré un cadre que l’on peut qualifier de « très présent », à tout le moins. Ces exemples n’ont pas d’autre objectif que de laisser penser : imaginez ce qui se passerait si nous réduisions les règles ?

    Objection 3 : moi ça va, mais les autres… ce qui sous-entend que le Français moyen n’est pas très malin, il a besoin d’un cadre strict pour vivre, comme un enfant.

    Ces objections sont difficiles à contrer mais il existe un concept plus simple à expliquer et plus intéressant d’un point de vue politique car beaucoup moins flou que celui de la liberté.

    La liberté de choix

    Ce concept est bien plus important qu’il n’y paraît.

    La liberté n’est pas ce que je peux faire ou ne pas faire mais le choix qui s’offre à moi quand je dois prendre une décision.

    Par exemple, vous préférez avoir le choix entre plusieurs médecins ou toujours le même qui vous est imposé, même s’il est mauvais ? Vous préférez choisir un établissement scolaire qui correspond aux attentes de votre enfant ou suivre la carte scolaire décidée… Par qui d’ailleurs ?

    Restons d’abord au niveau du quotidien du citoyen lambda. Ma dernière conversation avec mes amis de gauche portait sur le libéralisme et sa promesse de liberté. Nous sommes en pleine crise énergétique et arrive sur la table le sujet du moment.

    Je cite :

    « Donc, d’après toi, les gens devraient avoir le choix de leur fournisseur d’énergie, d’eau, faire jouer la concurrence ? Pourtant l’eau est absolument indispensable, vitale et de très haute valeur sociétale. Moi je pense, dit mon ami de gauche, que l’eau et l’électricité devraient être un bien public, national, pour lequel tout le monde en France devrait payer le même prix. D’ailleurs, ajoute-t-il, il n’y a aucune raison objective à ce que le prix de l’eau ou de l’électricité soit différent d’une ville à l’autre. »

    Je ne suis pas spécialiste mais il a sûrement raison. Globalement l’adduction et le traitement de l’eau, sauf cas particulier, me paraît être un processus technique reproductible à l’identique à peu près partout et donc facturable au même prix. Mais je laisserai les spécialistes venir éclairer notre lanterne.

    L’intéressant de cette conversation c’est la position libérale face à cette situation. Doit-on laisser l’eau et l’énergie au marché ou les réguler nationalement pour que chacun en profite avec équité et égalité ?

    La liberté de choix permet de répondre à cette question.

    Avons-nous le choix de notre fournisseur d’eau ? Non. Il est impossible de brancher trois fournisseurs d’eau par maison et donc de laisser le choix au consommateur.

    Même pour l’énergie, je ne crois pas que l’on soit un traître à la cause libérale si on décide que le marché de l’électricité n’est pas un marché libre . Les investissements à venir sont gigantesques, complexes à rentabiliser à des tarifs acceptables par tous. Et de toute manière nous obtiendrons un marché qui n’en sera pas vraiment un mais plutôt un partage des capacités de production. Partant du principe que l’électricité ne se stocke pas, difficile d’en faire un marché libre et non contraint.

    Là encore, il n’y aura pas trois boutons à la maison pour chacun des fournisseurs. On se retrouve un peu dans la situation des transports publics théoriquement mis en concurrence mais qui ne sont en fait que délégués pour un temps donné. C’est assez logique d’ailleurs pour les lignes de TER ou les bus, je ne vais pas choisir mon TER entre trois fournisseurs, je prends celui en fonction de mon heure d’arrivée à destination, quel que soit le transporteur. A contrario, si je pars en vacances ou pour un voyage d’affaires aux USA, je peux modifier mes horaires de voyage pour profiter des services d’une compagnie aérienne plutôt qu’une autre. D’ailleurs ce système fonctionne très bien sur la ligne TGV Paris-Lyon. Dans ce cas, l’offre est effectivement équitable et un choix s’offre au client.
    Pour rester sur le dossier énergie, on a laissé le sujet des éoliennes au secteur privé subventionné ce qui est un non-sens industriel. La localisation des éoliennes n’est pas liée à l’offre et la demande mais à la quantité de vent, ce qui en fait une utilité qui doit être implantée là où le vent souffle le plus.

    La liberté de choix offre la liberté au client et au citoyen. Avoir le choix est un des éléments clés de la liberté individuelle. La vocation d’un gouvernement libéral sera de multiplier ces possibilités de choix et de les créer là où objectivement elles apporteront un confort nécessaire ; en redonnant le choix d’accès aux services publics par exemple. Arrêter la marche forcée vers les applications et offrir le choix du présentiel ou du distanciel.

    Trop de choix peut réduire la liberté

    Choisir, c’est faire le choix de la frustration, décider une direction plutôt qu’une autre et donc se priver de certaines possibilités offertes par l’autre solution. Apprendre à gérer ces frustrations, c’est grandir, devenir adulte et devenir libre. Sans ce processus, on reste éternellement insatisfait à moins d’imaginer un monde entièrement débarrassé de toute contrainte.

    Alors un gouvernement libéral devra aussi limiter certains choix.

    Par exemple, la double nationalité : on a une nationalité et pas deux. C’est trop facile de jouer sur les deux tableaux.

    Le pantouflage : un fonctionnaire qui part pour le privé ne redevient pas fonctionnaire et inversement. Un conseiller politique du ministre part définitivement dans le privé. Sans billet retour. Au passage, un gouvernement libéral devra très sérieusement réduire le nombre de ces conseillers, très sérieusement étant un très sérieux euphémisme. Ça règlera le problème du pantouflage, il y aura beaucoup de pantoufles et peu de pieds.

    Autre situation : un entrepreneur qui fait des choix ne peut pas venir réclamer de l’argent à l’État en cas d’erreur. Dans un monde libéral les décisions sont le seul fait des individus qui doivent donc en supporter les conséquences. Le seul moyen de compenser peut être l’assurance privée, pas l’argent du contribuable.

    Pour parvenir à cette possibilité de choix l’éducation doit redevenir une priorité : pas en termes de moyens, car elle est déjà le plus gros budget de la nation mais en termes d’investissement du personnel, d’implication des établissements et de projets innovants. La liberté de décision doit être redonnée aux établissements . Même les classements aux résultats doivent être supprimés car ils conditionnent le comportement. Si l’État fait confiance à ses fonctionnaires pour assurer leur mission, le contrôle peut être réduit très fortement.

    Pour choisir il faut être informé. Le rôle d’un gouvernement libéral n’est pas d’informer ses citoyens mais de garantir que cette information est équitable et disponible.

    Sans le soutien permanent de l’État à « l’information », la recherche d’informations individuelle devient capitale. L’information du citoyen relève de sa propre responsabilité et l’autonomie de décision qu’entraîne l’autonomie de l’information lui redonne cette liberté. Avec les risques que cela comporte mais vivre libre c’est aussi vivre avec le risque de se tromper.

    Cette manière de voir va à l’encontre des deux principaux systèmes actuellement proposés aux Français lors des élections : la social-démocratie macronienne qui propose de protéger les Français et le néocommunisme basé sur la planification d’État.

    D’un côté un État nounou qui occupe le rôle d’adulte que la population souhaite lui déléguer.

    De l’autre un État organisateur qui prend la place des citoyens et les relègue au rang d’exécutant.

    Un État libéral devra redonner le pouvoir de décision au peuple. La période de transition sera longue tant l’opération d’infantilisation a été efficace mais elle est nécessaire. La croyance fondamentalement fausse des régimes dirigistes est de croire et faire croire que la centralisation fonctionne.

    C’est faux. La centralisation fonctionne quand l’objectif et les solutions sont connus, éprouvés et simples. Pour tout le reste, le plus efficace est le bouillonnement créatif de la liberté, l’essai-erreur qui conduit à trouver une solution innovante.

    On parle beaucoup en ce moment de quiet quitting , de démobilisation et de démotivation des Français. Ils seraient les effets des confinements et l’angoisse de la guerre en Ukraine. C’est faux. La démotivation française est l’effet collatéral de l’infantilisation et de la déresponsabilisation. Le retour de la décision individuelle permettra aussi le retour de la motivation.

    Dans tous les cas, laisser la décision à l’individu réduira drastiquement la quantité de lois votées chaque année en réservant le travail législatif aux lois sociétales et en arrêtant d’utiliser le temps de débat pour des questions que chacun pourra prendre en charge.

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      Violence du pouvoir : faut-il désespérer de l’homme ?

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 November, 2022 - 04:15 · 5 minutes

    Des trois grandes passions humaines, le pouvoir, l’argent et l’amour, c’est la passion du pouvoir et de la puissance qui provoque le plus de ravages : conflits sociaux, révolutions, guerres, génocides.

    La politique apparaît ainsi comme le mal nécessaire permettant de cantonner cette passion , de l’empêcher de virer à la folie. Elle y parvient médiocrement puisque les autocraties prolifèrent, les démocraties doutent d’elles-mêmes et la guerre est une constante. La paix n’a jamais régné sur l’ humanité entière. Ici ou là, les hommes se sont toujours battus et exterminés.

    De la pureté initiale aux compromis politiques

    Le destin des hommes relève du tragique par leur incapacité à atteindre collectivement la sagesse.

    Il existe des sages dans l’humanité mais l’humanité elle-même n’est pas sage. Il lui faut des défis et des performances, des conflits et des victoires. Après une première phase d’aspiration à la pureté, les religions dérivent vers la complaisance envers le pouvoir. Le christianisme en est un exemple. La figure de Jésus-Christ parcourant la Judée avec ses apôtres, demandant la justice et cherchant à faire le bien, est celle d’un sage charismatique qui dérange le pouvoir romain. « Un anarchiste qui a réussi » disait de lui André Malraux.

    Malheureusement, cette réussite conduit à l’institutionnalisation d’une religion et à des compromis parfois inavouables avec le pouvoir politique. L’unité n’est même pas possible au sein d’une religion. Catholiques et protestants, chiites et sunnites en sont souvent arrivés à se haïr et à s’entretuer.

    Dominer par la violence

    Quant au pouvoir lui-même, il n’est qu’une aspiration à la domination toujours plus complète sur autrui.

    Pouvoir politique obtenu par la violence, la ruse ou l’élection, pouvoir économique obtenu par l’accumulation de capitaux, pouvoir des hommes sur les femmes obtenu par la tradition ancestrale du patriarcat, pouvoir des humains sur les animaux, qu’ils assimilent juridiquement à des choses alors qu’il suffit de côtoyer quotidiennement un chien ou un chat pour comprendre qu’il est pétri d’émotions semblables à celles que nous ressentons nous-mêmes.

    La croissance du pouvoir détermine la croissance des violences. La Shoah, le Goulag, l’Holodomor sont les exterminations les plus féroces de notre histoire car le pouvoir politique a accumulé au XX e siècle une puissance jamais atteinte auparavant. Les guerres anciennes s’accompagnaient de pillages, de viols, de tortures et de massacres mais les moyens disponibles ne permettaient pas d’exterminer en peu de temps des millions d’êtres humains. Notre technologie est aujourd’hui capable de déclencher l’apocalypse nucléaire et d’altérer peu à peu le milieu naturel terrestre en le rendant impropre à notre survie. La violence à l’égard de notre environnement est la plus sournoise car elle est justifiée par l’amélioration de nos conditions de vie. Nous avons volontairement oublié que la Terre est notre royaume et notre prison. Nous ne pouvons atteindre aucun autre lieu nous permettant de vivre dans l’univers.

    Dominer par le contrôle généralisé

    La croissance du pouvoir est concomitante du développement scientifique et technologique.

    La technologie nous offre une vie plus confortable et plus longue, l’espérance de vie à la naissance ne cessant d’augmenter. Mais elle est aussi au service du pouvoir et lui permet de disposer de bases de données gigantesques et donc d’une capacité de contrôle jamais atteinte auparavant. Les individus eux-mêmes collaborent désormais activement à la surveillance des tous leurs faits et gestes. L’exemple le plus saisissant est fourni par la fiscalité. Les professionnels doivent saisir eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’un expert-comptable toutes les données concernant leur activité afin de permettre les contrôles administratifs. Cette évolution est aussi largement amorcée pour les particuliers qui sont désormais nombreux à établir leur déclaration de revenus sur le site internet du gouvernement.

    Il n’est pas anodin que l’on soit parvenu à faire admettre que le chemin de la démocratie véritable passe par la route de la servitude. Les recettes fiscales et sociales sont nécessaires au fonctionnement de l’État-providence et par conséquent des contrôles efficaces doivent exister. Moins arbitraire par la mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judicaire), l’État devient omniscient par les informations dont il dispose et donc presque omnipotent face à un individu isolé ne maîtrisant pas une telle complexité. L’État a renforcé son pouvoir à un degré inédit et accru la dépendance de la personne humaine à son égard. Big Brother est en construction.

    Défiance envers le pouvoir, confiance en l’Homme

    La passion du pouvoir et son incessante croissance pourraient nous faire désespérer des Hommes.

    Il ne le faut pas. Il suffit d’observer leur histoire à grandes enjambées pour s’en convaincre. En partant de leurs grottes paléolithiques, les Hommes ont conquis la Terre entière, construit des royaumes et des empires, créé des modèles dits scientifiques pour tenter de comprendre leur univers et s’analyser eux-mêmes. Ils ont utilisé leur savoir pour améliorer leur condition. Ils sont capables d’idéaliser pour espérer et ils ont inventé le bonheur et l’amour qui n’existent que dans leur esprit et leur cœur, mais qui existent.

    Leur violence est le stigmate de leur faiblesse. S’ils ne peuvent se départir de la tentation du mal, ils aspirent à se diriger vers le bien. L’art et la spiritualité, qui n’est pas nécessairement associée à une religion instituée, permettent de s’en convaincre. N’oubliez jamais les Vierges sublimes de Raphaël, les paysages idylliques de Claude Lorrain, n’oubliez ni la flèche des églises qui pointe vers le ciel ni la sérénité parfaite des monastères. N’oubliez pas de retrouver parfois votre regard d’enfant : « Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point » (Évangile selon Marc 10:15,29)

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      Et si notre modèle social adoré était en fait l’artisan de nos difficultés ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 24 November, 2022 - 05:00 · 5 minutes

    Les rapports de notre propre Cour des comptes comme ceux des grands organismes économiques internationaux se suivent et se ressemblent : la France doit impérativement mettre un terme à sa fuite en avant dans la dépense publique, les déficits et la dette.

    Qu’on s’illusionne tous collectivement au point de voir dans cette folle cavalcade de notre modèle économique et social l’aboutissement sublime de la solidarité , de l’égalité et du « quoi qu’il en coûte » propre à une France supérieurement juste et généreuse ne change rien à l’affaire. Faute de procéder enfin et en profondeur à de vraies réformes structurelles, le pays manquera de marges de manœuvre budgétaires pour encaisser les chocs à venir ; il verra ses services publics se dégrader encore plus et il s’enfoncera pour longtemps dans une atonie économique désastreuse pour la prospérité de ses habitants.

    Aujourd’hui, c’est le FMI qui nous le dit. Dans un rapport publié lundi dernier (21 novembre 2022), il suggère à la France de mettre un frein au « quoi qu’il en coûte » tous azimuts, de mieux cibler ses aides et de faire baisser son déficit dès l’an prochain afin de commencer à stabiliser la dette et non pas attendre 2024 comme prévu par le gouvernement (le déficit resterait plongé à 5 % du PIB en 2023 comme en 2022).

    Si rien n’est fait, le FMI prévoit que la France se retrouverait avec un déficit de 5 % toujours en 2027 (et non 3 % comme espéré par Bercy) et donc avec une dette désespérément calée sur une trajectoire de hausse, tandis que dans le même temps la zone euro reviendrait en moyenne à 2,5 % de déficit et l’Allemagne à 0,5 % (voir graphe extrait du site Les Échos ).

    Quelles actions prendre pour contrecarrer cette évolution déprimante et appauvrissante ? Toujours les mêmes, ressassées depuis des années par l’Union européenne , l’OCDE ou la Cour des comptes , mais perpétuellement oubliées, reportées ou négligées.

    Compte tenu de la « pression fiscale déjà élevée » qui prévaut en France, ce sont les dépenses qu’il faut absolument réduire, les courantes, les exceptionnelles et les structurelles. Et cela passe inéluctablement par une réforme des retraites, une réforme de l’assurance chômage, une « rationalisation » des aides fiscales et sociales, une« rationalisation » des effectifs de la fonction publique et une « rationalisation » de l’organisation de nos nombreuses administrations. Ajoutons les lourdeurs persistantes de notre marché du travail qu’il conviendrait de lever ainsi que les faiblesses scolaires criantes de nos élèves qu’il faudrait réparer de toute urgence.

    À utiliser ainsi à plusieurs reprises le terme de « rationalisation », ne dirait-on pas que le FMI suggère sans le dire que la France évolue dans un système parfaitement irrationnel ? Probablement pas. Même les acteurs publics ne parlent que de rationaliser leurs actions et d’introduire de l’efficience dans le service public. Même notre Cour des comptes n’envisage nullement de remettre en cause notre modèle économique et social. Ses remontrances récurrentes n’ont d’autre objectif que de l’amender afin d’en assurer la pérennité.

    C’est pourtant exactement ce que je pense ; nous vivons, la France vit dans l’irrationalité la plus totale.

    Rappelons à toutes fins utiles qu’en 2021, la France a terminé l’année avec un taux de dépenses publiques sur PIB de 59 % , un taux de prélèvements obligatoires de 44,3 % , un taux de déficit public de 6,5 % et un taux de dette publique de 113 % , soit un niveau particulièrement élevé, parfois le plus élevé du monde développé pour toutes ces grandeurs ( ici comparaison OCDE sur les dépenses publiques en 2020). Ce n’est pas pour rien que la France est connue pour être la championne du monde des taxes et des dépenses. Ce n’est pas pour rien qu’on a vu surgir la colère des premiers Gilets jaunes .

    Rappelons que son taux de chômage, le plus bas depuis longtemps, mais néanmoins le double de celui de ses grands voisins, se situe aux alentours de 7,4 % contre 3 à 3,5 % pour l’Allemagne et les Pays-Bas.

    Rappelons que tous les tests internationaux sans exception placent la France à la traîne de ses pairs quant au niveau éducatif des élèves. Rappelons en outre que la dégringolade des connaissances et des compétences observée dans nos écoles depuis plus de 30 ans affecte les enfants de tous les milieux socioprofessionnels dans un nivellement par le bas des plus trompeurs.

    Rappelons enfin que notre système de santé, quoique allant de plan de sauvetage en plan de sauvetage qui se comptent en centaines de millions d’euros, est perpétuellement en crise et de moins en moins attractif pour les soignants. Les pénuries de médicaments ne sont pas rares et les délais pour obtenir des rendez-vous chez les spécialistes s’allongent.

    Et bien sûr, pas question, ou si peu, d’aller chercher de l’éducation, de la santé ou des formules de retraite en dehors de nos monopoles étatiques, au nom de cet état d’esprit « collectif » issu du Conseil national de la Résistance qui serait moralement si supérieur à l’initiative privée et à la prise de responsabilité individuelle.

    Résultat des courses, plus la France dépense, plus elle s’enfonce. Plus elle porte haut les valeurs de solidarité et de justice sociale, plus elle est injuste . Plus elle redistribue, plus elle est en réalité inégalitaire. Plus elle est stratège, plus les ratés industriels s’accumulent. Plus elle veut protéger les citoyens, plus elle les infantilise . Tel est le douloureux paradoxe français.

    D’où la question : et si notre modèle économique et social adoré était en fait le principal artisan de nos difficultés ? Voici le débat qui aurait dû prendre la première place lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle. Voici le débat que je n’hésite pas à qualifier de civilisationnel et qu’il faudra bien lancer un jour. Mais aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, on préfère examiner le cas crucial de l’abolition de la corrida . Vous parlez d’une révolution ! Ça promet.

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      Dérives sectaires : n’oubliez pas la plus grande des sectes

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 23 November, 2022 - 12:00 · 7 minutes

    La stupéfaction est totale : on apprenait il y a quelques jours que la France, pourtant pays du miel et du lait, serait le terreau fertile à l’apparition de certaines sectes et autres groupuscules louches à caractère sectaire. C’est en tout cas ce que s’est époumoné à dire la mission interministérielle dédiée, la Miviludes, dans un récent rapport dont il a rapidement été question dans tous les médias grand public .

    Pire encore : ces dérives sectaires seraient même en pleine augmentation dans le pays, à tel point qu’entre deux restrictions supplémentaires de liberté pour le peuple et l’une ou l’autre gabegie financière grotesque, le gouvernement entend fermement lutter contre ce nouveau fléau en instaurant un numéro vert pardon un Grenelle des Sectes des « assises des dérives sectaires et du complotisme ».

    Hé oui, pouf, comme ça et avec une décontraction assez caractéristique d’un pouvoir sans plus aucune retenue, vous aurez noté l’apparition du mot « complotisme » en même temps que « dérives sectaires », la Miviludes ayant vu ses missions subitement gonfler de ce nouveau domaine : la France, cornaquée par le Mozart de la Finance, va donc se lancer dans une lutte âpre (mais nécessaire, il va de soi !) contre les sectes et les complotistes qui la gangrènent.

    Coïncidence pratique : c’est aussi ce que vont faire d’autres pays occidentaux comme la Nouvelle-Zélande ou le Canada ou tous ceux qui expliquent à quel point « la démocratie est en danger » à cause de ces dérives sectaires et ces théoriciens de conspirations toutes plus farfelues les unes que les autres. Dans ce tableau, on s’étonnera de la briéveté du ministère de la Vérité du « Conseil de gouvernance de la désinformation » américain qui n’a pas survécu plus de six mois. On se rassurera en se disant que ce n’est que partie remise, à l’évidence et devant l’insistance des autres pays à mettre en place ce genre d’institutions.

    Bien évidemment, il n’y a pas de doute à avoir : en ouvrant ainsi clairement et ouvertement la chasse contre les sectes, les gouvernements occidentaux entendent en réalité assez évidemment lutter contre les complotistes, c’est-à-dire les non-conformistes et toutes ces mouvances gluantes ayant le mauvais goût de ne pas prendre les informations officielles pour argent comptant.

    Il n’y a en fait aucune coïncidence lorsque cette lutte renouvelée contre les sectes correspond aussi au moment où les médias grand public remettent deux sous dans le bastringue éculé de la « lutte contre la désinformation » et où les politiciens commencent à réfléchir à muscler leurs contre-offensives contre les vilains mal-pensants .

    N’en doutez pas, tout ceci participe d’une véritable mobilisation des troupes gouvernementales et médiatiques contre l’effritement des opinions publiques par des déviants qui refusent de rentrer dans le moule. Et le mélange du sectarisme et du complotisme ne tient pas du hasard : si on y réfléchit deux minutes, on constate que ceux qui interprètent les faits communément disponibles d’une façon différente des réseaux officiels (sanctionnés par le gouvernement et les médias de grand chemin) peuvent parfois être jugés suffisamment intéressants pour s’attirer des suiveurs, des disciples qui se chargent ensuite de relayer leurs analyses et leurs conclusions, rarement syntonisées avec les messages (et les buts) de la propag l’information officielle.

    Alors rebaptisés gourous, ces vilains complotistes ou désinformateurs tombent – de façon fort pratique – dans la cible de ces actions anti-sectes. Habile.

    Évidemment, pour bien border juridiquement l’affaire, les gouvernements n’ont pas tardé à définir ce qu’est une secte. Une lecture attentionnée de l’article Wikipedia consacré à la question permet de dégager les grands points saillants de cette définition : une secte est juridiquement définie comme un groupe disposant d’une organisation pyramidale du pouvoir centralisé aux mains d’une personne (un gourou) ou d’un collège restreint de dirigeants, qui pratique la manipulation mentale de ses adeptes, l’extorsion de fonds, cherche à exclure toute doctrine différente, s’inscrit en rupture de l’environnement d’origine des membres, peut atteindre leur santé physique et psychique, recherche à embrigader les enfants, provoque assez souvent des troubles à l’ordre public et collectionne les démêlés judiciaires.

    Or, à la lecture de cette définition, quelque chose apparaît assez clairement : la plus grosse secte qui sévit actuellement en France n’est certainement pas celle qui est la plus combattue, au contraire. Pourtant, aucun doute possible : quasiment par définition, l’État français remplit tous les critères et les dérives des deux dernières années accroissent encore le sentiment que l’augmentation des dérives sectaires constatées provient bien de lui en premier lieu.

    En effet, est-il utile de revenir sur l’actuelle centralisation du pouvoir entre les mains d’un énarque de plus en plus difficilement contrôlable ? Doit-on évoquer la multiplication (artificielle) des collèges d’apparat pour les décisions les plus iniques et loufoques qui se sont succédé ces dernières années ?

    Est-il vraiment nécessaire de revenir sur les manipulations mentales qui ont eu lieu pendant cette période, la multiplication des injonctions paradoxales, l’alternance visible des périodes de relâchement et celles de privation, les messages contradictoires et les interdictions ou obligations complètement loufoques dont on peut, pour l’essentiel, retracer la naissance dans les petits papiers de cabinets de conseils payés (par le contribuable) pour manipuler l’opinion publique dans le sens désiré ?

    Est-il utile de rappeler que le chef de l’État entend depuis plus de deux ans faire entrer le peuple français (de gré ou de force) dans un « monde d’après » en véritable rupture avec le « monde d’avant » ? Comment ne pas voir là ce projet de rupture que toute secte mettrait en place pour durablement sectionner les liens des membres avec la réalité du monde extérieur ?

    L’extorsion de fonds n’a jamais été aussi visible qu’actuellement où les finances de l’État français sont catastrophiques. Depuis les taxes (rappelez-vous qu’elles représentent plus de la moitié des prix de l’essence à la pompe , par exemple) et impôts jusqu’aux milliards distribués pour différentes causes qui violent toutes le bon sens ou les besoins fondamentaux du peuple français, est-il question d’autre chose que d’un véritable racket actuellement mis en place par la Macronie ?

    L’exclusion de toute doctrine différente est précisément l’action actuellement engagée pour réduire les « complotistes » au silence : la Vérité ne peut être partagée, elle ne peut provenir que des porteurs officiels de la lumière gouvernementale.

    Pour ce qui est des atteintes à la santé physique ou psychique du peuple français, nul besoin de détailler. Chacun a payé, paie et paiera lourdement dans sa chair et dans son âme cette période qui s’est ouverte avec l’arrivée de Macron au pouvoir – les Gilets Jaunes s’en souviennent encore –  s’est poursuivie avec la distribution d’injections miracle et continue actuellement avec les mantras permanents de crise énergétique ou de catastrophe climatique inéluctables.

    Cette secte étatique, pieuvre malfaisante qui infuse maintenant toute la société française, s’est aussi attelée, comme toute secte, à embrigader les enfants qu’elle prétend éduquer. On en voit chaque jour le résultat calamiteux.

    Sans surprise, par les décisions qui ont été prises et qui continuent de s’enchaîner avec un rythme inquiétant, cette secte provoque bien des troubles à l’ordre public (repensez-y lorsque le courant sera interrompu en plein hiver) et collectionne les démêlés judiciaires qu’elle n’a aucun mal à écraser puisque la Justice, c’est elle.

    En somme, lorsque l’État explique lutter contre les sectes, il ne cherche qu’une chose : en luttant contre des concurrents, il ne cherche qu’un monopole sur son marché, par la force s’il le faut.

    Cependant, rassurez-vous : ce constat posé, il est évident qu’absolument personne n’en tirera la moindre conclusion. Aucune action ne sera entamée, aucune remise en question ne sera envisagée. Et tout comme dans d’autres sectes, les membres actuels de l’Église de l’État Macronien Millénariste et Catastrophile iront jusqu’au bout. Il ne pourra y avoir d’autre voie, celle choisie par le Gourou étant la seule juste et bonne.

    gouvernement relation abusive - contrainte psychologique et émotionnelle

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