-
Co
chevron_right
Euthanasie : après le serment d’Hippocrate, le serment d’hypocrite ?
PABerryer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 17 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes
Alors qu’un comité discute de l’euthanasie en court-circuitant la représentation nationale, il serait intéressant de se demander quels seraient les impacts d’une telle légalisation. L’étude des pays européens l’ayant fait le permet et j’ai pu en faire l’expérience à l’occasion d’un séjour aux Pays-Bas.
Lors de mes études, j’ai eu la chance de bénéficier du programme Erasmus. J’ai donc passé une année à l’Université d’Utrecht en 2009/2010. De façon tout à fait ordinaire, il m’a fallu aller chez le coiffeur de temps à autre. Le salon dans lequel je me rendais était tenu par une jeune professionnelle avec laquelle je tâchais de pratiquer mon anglais. Au cours d’un de nos échanges, elle m’apprit que ses parents venaient lui rendre visite quelques jours. Je m’enquis alors de savoir d’où ils venaient et je fus surpris d’apprendre qu’ils résidaient en Allemagne et n’avaient aucune attache particulière avec ce pays. Ce n’est que plus tard que j’ai compris la raison de cette situation.
Le débat sur l’euthanasie en France revient à échéance plus ou moins régulière, en particulier lors de cas médiatisés pour manipuler l’opinion publique, « l’émotion l’emportant toujours sur la raison » comme l’énonçait le grand propagandiste du Komintern Willi Münzenberg. Mes recherches sur le sujet m’ont conduit sur l’information suivante : depuis la légalisation de l’euthanasie aux Pays-Bas, en 2001, beaucoup de Néerlandais âgés avaient émigré en Allemagne tant et si bien que dans certaines localités frontalières le néerlandais était devenu la langue la plus courante. Pour le dire autrement, les Néerlandais craignant d’être euthanasiés contre leur gré préféraient s’exiler.
Relation de confiance et euthanasie
Il faut savoir que les médecins jouent un rôle important dans la procédure d’euthanasie (diagnostic, réalisation/supervision de l’acte). Ce que traduit cet exil est la perte de confiance des anciens dans la médecine et le système mis en place. De fait, en étudiant un peu le sujet, l’on se rend vite compte qu’aucun des pays ayant légalisé l’euthanasie n’a réussi à le faire sans erreurs ou dérives. En matière d’euthanasie, une dérive est un meurtre. Dès lors, il est peu surprenant d’assister à cette érosion dans la confiance envers les médecins.
Cette perte de confiance a des conséquences dramatiques. La relation de confiance entre un médecin et son patient est un des piliers fondamentaux de la démarche médicale. C’est grâce à cette confiance que je crois aux compétences de mon médecin et à son souci de bien me soigner. Si sa vision de mon bien-être peut éventuellement impliquer mon décès, alors je ne lui ferais pas confiance. Cela aura un impact conséquent sur la capacité des médecins à soigner une population. Déjà qu’après le covid, la confiance dans le corps médical n’est pas brillante, une telle légalisation ne fera qu’empirer les choses.
Enfin, il faut rappeler qu’avant d’exercer tout médecin prête le serment d’Hippocrate . Ce texte est le fondement de la déontologie médicale détaillant les devoirs et engagements d’un médecin envers ses patients. Il fait partie de ces jalons qui ont simplement rendu la médecine possible. L’euthanasie est en contradiction totale avec ce dernier. Si jamais le processus engagé par Macron va jusqu’à son terme, il faudra avoir le courage de renoncer à ce serment devenu hypocrite. Cela en vaut-il la peine ?
Serment d’origine (Traduction Littré) :
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille, je la laisserai aux gens qui s’en occupent.
Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »
Serment actuel (2012) :
« Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque. »