• Co chevron_right

      Les trois égarements de la démocratie

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 28 January, 2023 - 04:00 · 3 minutes

    La démocratie n’a pas toutes les vertus qu’on lui prête habituellement ; encore convient-il de la définir avec précision, car « les mots sont traîtres et finissent par désigner des réalités bien différentes de celles qu’on leur avait auparavant assignées » Ainsi des dictatures ont-elles été appelées « républiques démocratiques ».

    Au-delà de ces extrêmes la démocratie contemporaine se fourvoie de trois manières.

    Les dérives de la démocratie

    La première consiste à croire, comme le faisait Jean Baechler, que la démocratie est un système inné dans l’être humain : démocratie « anthropologique », « le naturel se trouve naturellement réalisé ».

    Ainsi la démocratie ne serait-elle qu’une transposition au niveau du grand nombre des relations qui unissent les Hommes : ils ont connu « le face-à-face perpétuel et le coût nul des coalitions ». Cet optimisme a été celui des Occidentaux quand ont disparu un certain nombre de dictatures : la démocratie s’imposera d’elle-même, naturellement.

    Chantal Millon s’élève contre cette naïveté : « Il semble bien que la nation ne soit pas nature, mais culture ».

    Certes la culture peut s’exporter : certains pays feront l’économie d’un apprentissage culturel 1 .

    « Cela signifie d’abord que nous ne pouvons pas exporter la démocratie comme on passe à un ami une application informatique, ou comme on lui prête une clé à molette. Cela signifie ensuite qu’il nous faut constamment faire l’effort de maintenir la démocratie chez nous, car si on cesse de la surveiller, elle retombera inévitablement dans l’ autocratie ou dans la hiérocratie. »

    « Le deuxième égarement consiste à vouloir étendre à l’infini les catégories, ou les « vertus » de la démocratie ».

    Puisque la démocratie c’est la liberté et l’égalité, mettons de la liberté et de l’égalité partout : faisons voter les écoliers, que les soldats élisent les officiers, qu’il n’y ait plus de chef de famille ou de professeur. La démocratie comme « souveraineté du peuple » ne s’applique qu’au sein de la grande société dont on suppose que tous les membres sont dotés d’une dose de raison comparable, et n’ont pas à être particulièrement compétents. À l’inverse, « dans les petites sociétés, les décisions sont en général affaire de maturité (la famille) ou de compétences (armée, école, entreprise etc.). »

    Dans les « démocraties extrêmes » (Dominique Schnapper) contemporaines, la liberté et l’égalité se croient sans limites intrinsèques. Le courant woke représente une démocratie déréglée où l’on réclame l’égalité et la liberté pour toutes les minorités quelles qu’elles soient, quels que soient leur mérite, leurs revendications, et même leur absurdité – tout cela au nom de la démocratie. »

    Le troisième égarement est certainement le plus grave.

    Il consiste à soumettre toute question importante à la foule des gens ordinaires. Mais pourquoi les gens ordinaires seraient-ils, par leur seule masse, capables de trancher des questions importantes ? Le dérapage est vite présent : le peuple allemand face à Hitler. Aujourd’hui, aux États-Unis, on en arrive à considérer comme démocratique toute proposition « progressiste » (par réaction contre le conservatisme de Trump).

    « La vraie démocratie ne serait plus le régime de la souveraineté populaire, mais le régime qui accepte les idées progressistes. Viktor Orban, parce qu’il a inscrit dans sa constitution que le mariage est un contrat entre un homme et une femme, et autres décrets du même genre, n’est plus considéré en Europe comme un démocrate – quoique ces décisions soient portées par la souveraineté populaire. Le gouvernement polonais est considéré comme anti-démocratique, non pas vraiment parce qu’il détourne la justice (ce que font aussi tous nos gouvernements), mais parce qu’il a une idée de l’IVG en particulier et de la famille en général qui n’est pas du tout conforme au progressisme régnant. Par ailleurs, toute une littérature de sciences politiques a vu le jour ces deux dernières décennies, montrant qu’on ne peut plus aujourd’hui accepter n’importe quelle décision populaire – toute décision populaire doit être validée, pour acquérir sa légitimité, par la doxa régnante. »

    Sur le web

    1. Des « autrichiens » comme Hayek ou Mises diraient que la culture consiste aussi à définir des institutions (règles du jeu social) propices à la liberté. Ce progrès institutionnel est le fruit d’un processus évolutif d’essais et d’erreurs. Il n’a rien de « naturel »