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      Le RN et les médias – Je t’aime, moi non plus

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 18 April, 2023 - 03:30 · 6 minutes

    Quelle mouche a bien pu piquer l’animateur Christophe Dechavanne ? Depuis plusieurs mois, le désormais chroniqueur dans la nouvelle émission de Laurent Ruquier fait son coming out politique, revendiquant fièrement ses idées de gauche.

    Lorsqu’on évoque son rapport à la politique, il est difficile de ne pas penser au sulfureux numéro de « Ciel mon Mardi » du 6 février 1990, 56 ans après les manifestations d’extrême droite de 1934 à l’origine de la chute du second gouvernement Daladier. L’ambiance est électrique. Pour cause : le thème de la soirée n’est autre que le nazisme, avec à la clef une bagarre puis une émeute sur le plateau et une nuit de violence aux abords du studio. Une séquence culte à laquelle l’animateur n’hésite pas, trois décennies plus tard, à rattacher le 21 avril 2002 et le traitement médiatique du Front national.

    La semaine dernière, ce sont Samuel Étienne et Jean Massiet qui ont évoqué sur France 5 leur refus de traiter le Rassemblement national comme les autres partis.

    Le rapport du Rassemblement national aux médias est un authentique sujet de thèse.

    Depuis plus d’un demi-siècle, plusieurs centaines de travaux lui ont été consacrés. Parmi eux, on peut citer celui de Safia Dahani, aujourd’hui maître de conférences à Science Po Toulouse, qui a soutenu l’an dernier une thèse sur l’institutionnalisation du parti lepeniste. Avant cela, la docteure en science politique a écrit sur la médiatisation du Front national , fondée sur des relations complexes.

    Une hostilité contreproductive

    L’hostilité du milieu envers le parti d’extrême droite n’est pas un secret. Plusieurs sondages rappellent régulièrement l’orientation d’une presse française subventionnée jusqu’au gavage. L’exemple le plus parlant est le sondage fait auprès des salariés de Libération quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2017 : Benoît Hamon obtenait 47 % d’intentions de vote , alors qu’un salarié sur 5 du journal s’apprêtait à voter pour Jean-Luc Mélenchon.

    Cette hostilité est réciproque et l’histoire des rapports des médias au parti lepéniste en est truffée d’illustrations.

    Et ces illustrations débutent dès 1985, un an après la naissance médiatique du Front national lors de l’émission « L’Heure de vérité ». Cette année signe l’interdiction de Jean-Marie Le Pen de l’antenne d’Europe 1 après que le premier a attaqué nommément plusieurs journalistes sur fond de sous-entendus dont le président du Front national était déjà accoutumé lors de la traditionnelle fête BBR du Bourget. Il faudra attendre 1988 pour qu’André Dumas le réinvite sur la station à l’occasion de ce que Jean-Pierre Elkabbach qualifie désormais de « fessée ».

    Vingt-deux ans plus tard, la prise de présidence du parti par Marine Le Pen a créé un effet de nouveauté rendant le Front national « bankable » , au point qu’en 2016, la candidate du parti devient l’invitée de Karine Le Marchand dans une émission de variétés. Cette invitation fera dire au journal belge Le Soir que « des verrous ont sauté ».

    L’année suivante, une trentaine de médias signent une pétition contre la décision du Front national de « choisir les médias autorisés à suivre Marine Le Pen ».

    En 2018, l’idéologue de la campagne victorieuse de Donald Trump, Steve Bannon, fera siffler les médias lors du congrès du Front national.

    Un questionnement en deux temps

    Ces quelques faits illustrent une problématique que les médias se posent depuis maintenant 40 ans : les journalistes doivent-ils couvrir le Front national comme ils couvrent les autres partis ?

    Ce débat a connu deux phases : la première, dans les années 1980, venait de la nouveauté de l’émergence du parti dans le paysage électoral, de Dreux en 1983 aux 35 députés élus en 1986 avec pour point d’orgue l’affaire du « détail » ; la seconde phase, à partir de 2010, tira son objet du lissage et de la crédibilisation du discours du parti sous l’ère mariniste.

    En vérité, comme le rapportait Slate en 2015, la question semble davantage être portée par une opposition entre un journalisme militant et un journalisme professionnel , citant par exemple les difficultés rencontrées par Marine Turchi, Thomas Legrand, Abel Mestre et David Doucet dans leur mission face à l’incompréhension ou la défiance de certains confrères.

    Un rapport dont nous observons aujourd’hui les conséquences car toutes ces gesticulations n’empêchent pas le parti d’extrême droite d’exploser le plafond de verre et de tutoyer le pouvoir.

    Un parti aseptisé et anticapitaliste

    Cette question est largement liée à la nature idéologique du Rassemblement national.

    Or, cette nature a fortement évolué et ce y compris sur les fondamentaux du parti, qu’il s’agisse de l’immigration ou de l’Europe, où le parti est passé d’un arrêt total à de simples questions de soldes migratoires et de l’européisme au souverainisme dans les années 1980, en passant par la soumission à référendum des sujets les plus polémiques.

    Mais le point le plus évident de ce changement programmatique reste l’économie. Profondément anticommuniste, le Front national s’était démarqué entre 1980 et 2007 par un programme économique de droite classique.

    L’accession de Marine Le Pen à la tête du parti, nourri par les succès de celui-ci auprès d’un électorat ouvrier, l’a rapidement amené à promouvoir des politiques interventionnistes de redistribution.

    Un républicanisme presque acquis

    Un point particulier n’a jamais été sujet à évolution : la question institutionnelle.

    Point rare pour un parti d’extrême droite, le Front national a toujours été dans une posture pro-parlementaire, sans doute électoralement justifiée.

    Cette posture participe du rapport du parti à la question républicaine. Il y a quelques jours, j’évoquais dans ces mêmes colonnes le front républicain anti-NUPES qui émerge aujourd’hui en France. Un front républicain basé sur la question de l’égalité des citoyens mais également des acquis républicains et notamment le bloc de constitutionnalité, servant de référence idéologique aux républicains d’aujourd’hui. Or, fort d’un soutien à la légalité républicaine depuis 30 ans et d’autant plus depuis cette année, le parti mariniste ne remet en cause qu’à la marge certains textes de ce bloc.

    Au final, débordé à sa droite par un mouvement zemmourien, le Rassemblement national n’est aujourd’hui qu’une France insoumise légaliste et nationaliste, soit quelque chose d’assez proche de ce que les journalistes de Libération doivent mettre dans l’urne les dimanches de votes.

    Cette évolution pose enfin la question des dangers d’une liberté d’expression hémiplégique.

    Les dangers d’une liberté à géométrie variable

    Louis Antoine de Saint-Just était un révolutionnaire fanatique, soutien de Robespierre et de la Terreur. Il sera l’inspirateur de la très constructiviste déclaration des droits de l’Homme de 1793 et initiera notamment la loi des suspects permettant d’arrêter n’importe quel individu soupçonné de ne pas être suffisamment révolutionnaire. Un joyeux personnage qui estimait qu’il ne pouvait y avoir « de libertés pour les ennemis de la liberté ». Cet éphémère président de la Convention nationale finira guillotiné par le monstre qu’il a contribué à créer.

    Voilà de quoi nous mettre suffisamment en garde sur la tentation d’une liberté à géométrie variable. Un petit calcul d’autant plus dangereux lorsqu’il touche une liberté aussi centrale dans notre société que celle de l’information.

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      Chasse à l’homme contre la liberté d’expression

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 14 March, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Ce n’est pas la première, ni la dernière fois. Des extrémistes mus par la plus intolérable des intolérances s’en prennent à des étudiants de droite qui avaient organisé une conférence à l’Université de Grenoble. Grenoble, décidément… C’est déjà dans l’IEP de la même ville que des censeurs aux méthodes dignes d’un Tribunal révolutionnaire s’étaient attaqués à un enseignant de civilisation allemande, faisant régner leur terreur, toujours avec le même fond de haine et de violence. Niant la liberté d’expression, lorsqu’elle ne va pas dans leur sens (unique).

    Museler les voix dissidentes

    Dans un article de 2018, je faisais le point sur la liberté d’expression mal en point . Sujet hélas intarissable, puisque les choses en la matière ne s’arrangent pas véritablement, loin s’en faut. Une fois encore, l’actualité nous donne l’occasion de l’illustrer.

    De quoi est-il question ?

    D’une information dont je prends connaissance ce jour en parcourant simplement rapidement la presse. Des groupuscules d’extrême gauche ont – une fois n’est pas coutume – « empêché une conférence organisée par le syndicat étudiant UNI et intimidé les militants de droite ». Recourant aux pratiques que l’on peut qualifier d’habituelles des organisations prétendument « antifascistes » , dont on ne connaît que trop la propension à recourir à des méthodes pouvant s’inspirer justement de ce qu’ils seraient censés dénoncer. C’est-à-dire la violence, la haine, les menaces, la censure, l’intolérance, l’impossibilité du dialogue et du débat, la chasse à l’homme, la terreur. Excusez du peu ! Pour des donneurs de leçons, bravo !

    Je m’exprime ici en tant que simple observateur puisque je ne suis pas de droite (et encore moins de gauche, j’y reviendrai). C’est la liberté d’expression qui me préoccupe. J’ignore quelles positions défend l’UNI et je ne veux pas vraiment le savoir mais je constate que certains entendent contrôler la parole, déniant à ceux qu’ils qualifient – comme nous y sommes habitués, car les étiquettes sont toujours bien commodes lorsqu’on veut catégoriser, décrédibiliser et faire taire – « d’extrême droite ». Y compris pour une conférence qui, semble-t-il, ne portait pas directement de message politique.

    Le maire de Voiron, contraint de reporter la conférence qu’il devait donner (c’était lui l’invité), écrit à juste titre que « ces menaces sont l’expression d’une toute petite minorité, de jeunes très radicaux qui décident que toute formation politique, au-delà du centre gauche est d’extrême droite et qu’on peut la faire taire par la violence ». Ce qui rejoint bien ce que nous sommes habitués à constater avec les gens situés très à gauche, qui sont dotés d’une conception bien à eux et très étriquée de l’échelle politique et du droit de s’exprimer.

    Liberté d’expression ?

    Si je ne suis pas « de droite », comme je le disais plus haut, et peu porté sur la politique en raison de toute la perversité et la fausseté qu’elle induit , je suis encore moins « de gauche », les gens de gauche ayant toujours cette aptitude à avoir « la main sur le cœur » en théorie (mais pas toujours en pratique) et me semblant trop souvent intolérants (sans le vouloir et sans en être conscients), alors même qu’en théorie ils défendent toutes les valeurs qui devraient être celles de la tolérance, de la liberté d’expression, du dialogue, du débat. Cela dit, je ne généralise pas non plus car je connais de nombreuses personnes de sensibilité de gauche (à commencer par la plupart des personnes que je fréquente quotidiennement et de mes amis) et cela ne me dérange aucunement, surtout lorsque c’est sincère et que ces personnes n’ont pas de véritable engagement politique. Mais force est de constater que les personnes de gauche ont du mal à supporter ce qui n’est pas « de gauche », ayant une tendance à le caricaturer et à le rejeter manu militari. Pour ma part, je ne parle pratiquement jamais de politique (et écris très rarement sur des sujets de politique). Quant aux personnes engagées « à droite », il apparaît inexorablement qu’elles ne parviennent pas vraiment à « guérir du complexe de gauche », pour paraphraser partiellement le titre d’un ouvrage de Thierry Wolton déjà brièvement présenté ici.

    Toujours est-il que beaucoup de personnes, de gauche en particulier, ont un problème avec la liberté d’expression. Les exemples sont hélas légion, et trop nombreux pour que nous puissions en dresser un inventaire. À titre d’illustrations, nous pouvons citer – outre les exemples traditionnels maintes fois présentés ici à travers entre autres l’évocation des ouvrages de Sonia Mabrouk , Eugénie Bastié , Fatiha Agag-Boudjahlat , André Perrin , François Sureau , qui fourmillent d’exemples – quelques faits récents de l’actualité.

    Comme ces syndicalistes qui menaçaient les élus partisans de la réforme des retraites de « s’occuper d’eux », on s’en souvient ; ou toute cette agitation détestable dont ont fait preuve des élus de la NUPES , toujours au moment de l’examen de la réforme des retraites, donnant un triste spectacle à l’Assemblée et ailleurs, mêlant à l’agitation permanente les insultes, menaces, diffamations et tout ce qu’il y a de plus déplorable dans la vie politique, ce à quoi s’ajoute de manière plus générale une hystérisation de la vie politique .

    Sans oublier cet épisode particulièrement fâcheux et déplorable de cette ministre de la Culture qui entendrait museler les chaînes de télévision qui n’ont pas l’heur de lui plaire . Où va-t-on !

    Ou encore cette jeune actrice que je ne connaissais pas et contre qui je n’ai rien de particulier (puisqu’il semblerait qu’ensuite elle se présente en victime de ceux qui seraient tentés de dire du mal d’elle) qui n’hésite pas quant à elle à accuser le gouvernement d’être « composé de violeurs » et d’en appeler à l’avènement du communisme, faisant fi des « Inventaires du communisme » tels que François Furet par exemple en dressait un aperçu (même si je ne lui nie pas le droit de le faire, mais peut-être pas en usant de cette violence verbale et de cette haine qu’elle déverse à travers ses propos violents : « renverser le capitalisme », « imposer le rapport de force », « exiger », « leur monde de merde », et autres douceurs à replacer bien entendu dans leur contexte).

    Le détournement sans complexe du vocabulaire

    À propos de vocabulaire, nos amis de gauche si pleins de tolérance et d’assurance sans fard sur ce que veut le peuple, n’hésitent jamais – pas à une contradiction près – à manier sans outrecuidance un langage qui peut faire sourire quand on observe leurs propres méthodes et dont on peut être surpris que personne ne le relève véritablement.

    À l’encontre de leurs adversaires ou plus précisément de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux et les idées qu’ils veulent à tout prix imposer, ils ont l’art et la manière de recourir à un vocabulaire qui paraît inversé : combien de fois ne les entend-on parler du « mépris » dont fait preuve le gouvernement, quand ce n’est le « passage en force », le « refus de la discussion » (après des mois et des années de palabres, rencontres, et discussions de travail, on a de la peine à le croire), et tout un langage dont ils ont le secret. Personnellement, cela me fait sourire (jaune) à chaque fois. On discutera « quand ils auront retiré leur projet », un gouvernement « obtus » (eux ne le sont pas), etc. (les tracts syndicaux regorgent de formules plus paradoxales les unes que les autres).

    La réalité est celle d’idéologies mortifères et protéiformes , dont l’intolérance, les idées radicales et le refus du dialogue réel, rendent plus proche du fascisme qu’ils ne le pensent . Chez beaucoup d’entre eux, la démocratie n’est que de façade et leurs prétentions dopées à coups d’argent magique , au sein d’un monde mu par « l’économie du diable » sont perverties par l’ignorance et le culte de la médiocrité.

    Alors, continuerons-nous à tolérer l’intolérable et l’intolérance ou parviendrons-nous à restaurer la liberté d’expression dans ce qu’elle a de plus cher et de plus fondamental au regard des droits humains ?

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      Pour l’extrême gauche, la liberté est toujours pour demain

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 November, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    Les grandes illusions idéologiques (marxisme, fascisme, nazisme) ont à peu près disparu. Mais une radicalité de gauche (écologisme radical, intersectionnalité, wokisme, racialisme, dévoiement du féminisme) est apparue, qui n’a apparemment aucune des caractéristiques des anciennes idéologies.

    Il s’agit de mouvances intellectuelles disparates que la notion d’intersectionnalité permet d’unifier. En récupérant le concept d’analyse systémique à des fins purement politiciennes, l’intersectionnalité étudie les interrelations entre les facteurs de domination. Le capitalisme , le colonialisme, le racisme, le patriarcat se conjugueraient au détriment de dominés : travailleurs, non-Blancs ou racisés, migrants, femmes, etc.

    Des contradictions fondamentales

    Mais il ne suffit pas de prétendre qu’il existe un système de domination pour rassembler. Cette extrême gauche reste donc hétérogène structurellement et hétéroclite intellectuellement. Elle est traversée de contradictions majeures concernant les travailleurs, les femmes, les Blancs.

    Voici quelques exemples de ces contradictions ou approximations.

    Il faut élever le niveau de vie des travailleurs, mais sans croissance économique car la croissance nuit à l’environnement et à la biodiversité. Il est donc nécessaire de « prendre aux riches » pour donner aux pauvres, autrement dit redistribuer, vieille antienne socialiste. Mais l’expérience historique prouve qu’appauvrir massivement les riches par un processus révolutionnaire a toujours appauvri la société entière. Seule la croissance enrichit l’ensemble de la population.

    La libération des femmes suppose que celles-ci accèdent effectivement à tous les postes de responsabilité et bénéficient de la même liberté que les hommes dans tous les domaines. Les progrès ont été considérables depuis un siècle, mais uniquement en Occident. Rappelons que le pantalon était interdit aux femmes dans l’espace public en France au XIXe siècle. Cependant, pour la radicalité de gauche, il ne faut surtout pas stigmatiser les femmes voilées , pourtant victimes du patriarcat le plus archaïque. Bien qu’affublées d’une tenue vestimentaire de propagande idéologique en faveur de l’islamisme, les femmes voilées doivent pouvoir accéder à toutes les fonctions dans les pays occidentaux : médecine, enseignement, magistrature, etc.

    La défense systématique des minorités exclut le peuple juif, pourtant fortement minoritaire si on le compare numériquement aux musulmans. L’ islamo-gauchisme cultive une forte ambiguïté face au terrorisme islamiste qui le conduit vers l’antisionisme puis, de proche en proche, vers l’antisémitisme.

    Les Blancs sont historiquement les principaux prédateurs des ressources naturelles car ils appartiennent généralement aux peuples riches. Ce sont des dominateurs et des colonialistes à combattre. Mais la démocratie et les concepts de liberté politique et économique sont nés dans les sociétés blanches d’Occident. Le « mâle blanc dominateur » a donc inventé la liberté.

    De la lutte pour la justice à l’instauration de la terreur

    Il faut aller plus loin et mettre en évidence la fascination historique pour les pouvoirs forts de l’extrême gauche. Elle se réclame de la justice et de l’égalité mais n’accorde à la liberté qu’une place modeste. Lorsqu’elle accède au pouvoir, la liberté disparaît totalement. C’est le règne de la terreur, de la dictature ou du totalitarisme.

    Voici quelques exemples historiques.

    Sous la Révolution française de 1789, la bourgeoisie au pouvoir entendait bâtir un monde nouveau et plus égalitaire dans lequel les ordres (noblesse, clergé, tiers état) auraient disparu. On ne peut que souscrire à ce projet, mais les révolutionnaires les plus extrémistes, rassemblés dans le Club des Jacobins, admirent que la terreur était nécessaire pour réaliser ce projet. Quelques guillotinés innocents ne devaient pas compter puisqu’il s’agissait surtout de ci-devant nobles. Les droits de la défense, l’instruction objective et contradictoire devaient donc être écartés au profit de tribunaux d’exception multipliant les condamnations à mort.

    La révolution russe de 1917, fondée idéologiquement sur le marxisme-léninisme, offre un autre exemple. Le marxisme -léninisme comporte un élément majeur : la dictature du prolétariat. Pour parvenir à la société sans classes et éradiquer la bourgeoisie exploiteuse des travailleurs, une phase de dictature avec parti unique est nécessaire. La liberté ne peut en effet exister vraiment que lorsque le mal a été vaincu et c’est au Parti communiste et à lui seul de s’en charger. Cela donne l’URSS, le Goulag et ses millions de morts, l’Holodomor en Ukraine et à nouveau ses millions de morts.

    Mao Tsé-toung ou Mao Zedong (1893-1976) entendait libérer la Chine des chaînes ancestrales. Il parvient à conquérir le pouvoir en 1949. Son action se fonde sur l’idéologie marxiste-léniniste mâtinée de réflexions personnelles. On qualifiera cette idéologie de maoïsme . L’ambition de libération du peuple chinois aboutit après sept décennies de pouvoir à la société la plus totalitaire de la planète avec la Corée du Nord.

    Consternante duplicité

    La consternante duplicité de l’extrême gauche n’a évidemment pas disparu aujourd’hui. Elle se réclame de la liberté mais la réduit à néant dès que possible. Cette constante historique de la radicalité de gauche subsiste dans le wokisme , l’intersectionnalité, le féminisme et l’ écologisme . Les plus extrémistes considèrent toujours que la liberté d’autrui est un obstacle à la mise en œuvre de la doxa.

    Ainsi, la cancel culture (culture de l’annulation) consiste à livrer à la vindicte publique une personnalité parce qu’elle pense ou agit mal. Les réseaux sociaux numérisés jouent le rôle principal dans la diffusion des invectives et menaces. De grands intellectuels français ( Alain Finkielkraut , Pascal Bruckner , Michel Onfray , etc.) ont été cloués au pilori médiatique et ont parfois dû se défendre en justice. Mais le temps de la justice se compte en années et celui des médias en jours. La justice arrive trop tard.

    Le cas-type le plus médiatisé aujourd’hui concerne des hommes accusés d’abus sexuels à l’égard de femmes. La domination masculine a, de fait, conduit à des comportements masculins abusifs et violents au cours de notre histoire. Ils persistent aujourd’hui et il convient de saisir la justice des nombreuses questions passées sous silence dans le passé. Mais les féministes les plus radicales vont plus loin et voient parfois l’homme comme une sorte d’ennemi à combattre qu’il convient d’annihiler médiatiquement.

    Avant toute intervention judiciaire et débat contradictoire sur la base de preuves, la réputation de l’homme est détruite. La justification donnée est la suivante : il faut passer par la manière forte pour obtenir des résultats. Quelques injustices éventuelles, la mise en cause d’un innocent, sont la condition de la libération complète des femmes. La violence du patriarcat justifie la violence des femmes. Il s’agit d’une guerre avec des dégâts collatéraux.

    L’écologie radicale se manifeste par des occupations illégales (à Notre-Dame-Des Landes , pendant des années pour empêcher la construction d’un aéroport), des manifestations violentes accueillant les professionnels de la provocation (black-blocs), des atteintes aux biens ( terrains de golf , tableau dans les musées , statues dans l’espace public, etc.). Cette très petite minorité cherche à imposer par la violence le thème de la décroissance économique dans le débat public. Elle est antitechnicienne et souhaite placer le progrès scientifique et donc toute recherche sous contrôle politique. Elle peut être antispéciste et refuser aux humains un statut différent de celui des animaux.

    On pourrait multiplier les exemples.

    Pour l’extrême gauche, la liberté est toujours une belle promesse qu’il faudra réaliser dans un avenir indéterminé. En attendant ce jour, il appartient aux militants d’éliminer sans faillir tous les obstacles à l’avènement de l’eden idéologique. L’autoritarisme politique et la violence consubstantielle permettent de lutter contre le mal et de cheminer vers la réalisation de l’idéal. Derrière cette construction, il n’y a qu’une réalité : la volonté de monopoliser le pouvoir politique et d’annihiler tous les opposants. On imagine ce dont cette extrême gauche occidentale serait capable si elle parvenait au pouvoir. Il se trouverait sans doute parmi ses leaders un Robespierre , un Staline , un Poutine ou un Xi Jinping .

    La radicalité politique est incompatible avec la liberté.

    Elle se réclame d’ailleurs surtout de l’égalité et veut l’instaurer par la contrainte. Ce privilège accordé à l’égalité s’explique : la liberté n’est pas conciliable avec une idéologie rigide prétendant détenir a priori les meilleures solutions car il faut alors éliminer les opposants. Les utopies égalitaristes peuvent être divertissantes dans la sphère purement intellectuelle, mais il ne faut jamais chercher à les mettre en œuvre. La liberté suppose le pragmatisme car elle est toujours imparfaite, toujours à construire et toujours à découvrir. Elle n’est pas un idéal lointain mais une réalité toute relative du présent, le bien le plus précieux et le plus fragile.

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      Législatives 2022: Jean-Luc Mélenchon est-il d'extrême gauche?

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 17 June, 2022 - 04:30 · 1 minute

    POLITIQUE - “Les extrêmes.” Cette expression est dans la bouche de nombreux responsables de la Macronie pour désigner le Rassemblement national... et désormais l’Union écologique et sociale, la NUPES , avant le second tour des élections législatives dimanche 19 juin.

    Pas un jour ne passe sans qu’un ministre, un candidat, ou une personnalité de poids disent tout le mal qu’ils pensent de cette nouvelle union populaire formée autour de Jean-Luc Mélenchon . Une entité “d’anarchistes” prônant le “désordre” ou la “soumission” à la Russie ou aux idées “antisémites”. Rien de moins.

    Selon eux, le tribun de 70 ans serait donc un représentant de l’extrême gauche en France, au même titre que Marine Le Pen à l’extrême droite. On a même entendu l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, mettre les deux sur le même pied d’égalité après sa défaite au premier tour dans le Loiret.

    Mais peut-on présenter les choses ainsi? S’il est certain que Marine Le Pen, dans ses références, sa vision du monde ou son programme demeure d’extrême droite , les choses sont bien plus complexes pour Jean-Luc Mélenchon de l’autre côté de l’échiquier politique, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête de l’article . Son parcours, comme son projet, montrent qu’il appartient au courant de la gauche radicale bien davantage que celui incarné, aujourd’hui, par Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud.

    A voir également sur Le HuffPost : Mélenchon, Premier ministre? À Toulouse, ces militants n’y croient plus beaucoup