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      Cour des comptes : la France au bord du défaut de paiement

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 14 March, 2023 - 04:30 · 6 minutes

    Quelle gestion de l’eau demain ? Alors que la France a connu ces derniers jours son record de nombre de jours sans averses, l’idée de repenser la gouvernance de l’eau ressort des profondeurs du débat public. Après l’affaire du bassin de Sainte-Soline , le dernier rapport annuel de la Cour des comptes publié ce vendredi pointe une organisation illisible.

    Le très sec hiver que vient de connaître l’Hexagone, avec notamment des mesures de restrictions d’eau dans certains départements, a mis en lumière des conflits d’usages dans une France à l’organisation différenciée selon le secteur géographique et la taille du plan d’eau.

    Cet enjeu, dans un pays en pointe sur la question agricole et nucléaire – deux secteurs parmi les plus gourmands en eau – est fondamental.

    Cependant, cela n’est rien à côté de l’état des finances publiques et de la décentralisation, au cœur de ce même rapport des magistrats financiers.

    Ce rapport de 572 pages, publié en plein examen de la réforme des retraites, pointe une situation budgétaire exsangue dans un contexte de décentralisation inachevée.

    Le texte est salué par le Sénat, chambre des territoires, qui réclame depuis longtemps des avancées sur ces deux fronts.

    Une décentralisation inexistante

    La Cour des comptes fait ici un bilan de 40 ans de décentralisation. Une décentralisation démarrée officiellement en 1982 mais qui ne semble jamais avoir réellement commencé , et ce n’est pas le Sénat qui dira le contraire. Plusieurs sénateurs ont ainsi noté que près de 930 maires ont démissionné de leur poste depuis 2020, soit presque 3 % des édiles que compte l’Hexagone.

    Dans un contexte de surenchère normative, s’ouvriront ce 16 mars les états généraux de la décentralisation présidés par le président du Sénat Gérard Larcher et qui pourraient déboucher sur une charte d’encadrement des normes cosignée par le gouvernement.

    Prenons le pari que cette charte a très peu de chances d’être signée. Si elle l’est, elle ne portera aucune révolution. Si par miracle elle en contient une, elle ne sera pas appliquée. Si elle l’est, cela prendra des années.

    Bref, l’histoire de la prise de décision politique française ne rend en rien optimiste sur cette charte s’apparentant d’avance à une opération de communication.

    Un scénario « à la grecque »

    Les magistrats financiers ont aussi et surtout évoqué le statut de la dépense publique française.

    Avec un déficit public de 5 % et une dette représentant 111 % du PIB, la Cour des comptes note une hausse des dépenses publiques de 3,5 % en 2022. Cette situation ne devrait pas s’inverser cette année, faisant de la France un des pires élèves budgétaires de la zone euro, avec l’Espagne, l’Italie et la Grèce, à laquelle les magistrats financiers n’hésitent pas à comparer la France.

    En cause : la politique du « quoiqu’il en coûte », démarrée officiellement avec la pandémie mais qui date en réalité de plusieurs dizaines d’années du fait du poids des dépenses sociales .

    La politique de lutte contre la pandémie aurait ainsi coûté 37,5 milliards d’euros. Aujourd’hui, malgré les appels à la fin de cette dispendieuse politique, les différentes mesures contre l’inflation ont coûté aux contribuables français la somme de 25 milliards d’euros en 2022 auxquels devraient s’ajouter cette année 12 milliards, soit un total de 37 milliards d’euros.

    Encore une fois, la Cour des comptes se fait l’écho du Sénat, qui pointe depuis longtemps cette situation en demandant 15 milliards d’euros d’efforts au gouvernement.

    82 euros par mois et par foyer

    Pour prendre un niveau de comparaison qui parlera à chacun, faisons un petit calcul.

    La France compte 38 millions de foyers fiscaux correspondant généralement à un ménage ou une famille.

    Prenons maintenant les deux principaux impôts : la TVA et l’impôt sur le revenu. Ces recettes rapportent respectivement 186 et 80 milliards d’euros par an. En théorie, tout foyer paie la TVA dès lors qu’il effectue un acte de consommation, représentant donc une pression fiscale de 4900 euros par foyer. De l’autre côté, seuls 16,5 millions de ces ménages sont imposables à l’impôt sur le revenu et paient en moyenne 4850 euros par an à ce titre auxquels s’ajoute donc le même montant en TVA.

    En tenant compte de ces éléments, les 37,5 milliards d’euros de la politique sanitaire ont coûté l’équivalent de 980 euros de TVA par foyer ou 2279 euros d’impôts sur le revenu par foyer imposable. Ces sommes sont similaires s’agissant du coût des mesures anti-inflation.

    En se limitant uniquement à la TVA, en tant qu’impôt s’appliquant à tous quels que soient les revenus, le covid et l’inflation auront coûté près de 82 euros par mois et par foyer depuis 2020, que vous soyez au RSA, assistant commercial ou dentiste.

    Une traînante loi de programmation

    En guise de solution, la Cour des comptes appelle à une loi de programmation des finances publiques afin de trouver une trajectoire cohérente avec une réduction du déficit à 3 % du PIB en 2027.

    Cependant, cette même loi de programmation a été rejetée début octobre par l’Assemblée nationale et fait aujourd’hui l’objet d’une étude en commission mixte paritaire.

    Or, la France est depuis de nombreuses années tributaire des taux d’emprunts, et une simple hausse de 1 % coûterait au contribuable français la somme de 31 milliards d’euros, soit une moyenne de 456 euros par Français et 1900 euros par foyer imposable.

    La menace du défaut de paiement

    Un mot est toutefois étrangement absent de ce rapport : celui de « faillite », soit la contrainte, pour une personne physique ou morale, de vendre ses actifs pour payer un passif bien trop important.

    Or, un État ne saurait faire faillite puisqu’une grande partie de ses biens sont inaliénables et ne peuvent donc être cédés.

    Si la faillite est impossible, tel n’est pas le cas des défauts de paiement, c’est-à-dire l’incapacité pour un État d’honorer ses créances.

    Ce défaut peut être provoqué par une cause externe, comme la soudaine baisse d’un cours, à la manière du pétrole (Mexique 1982, Venezuela 2017) ou des matières premières en général (Russie 1998). Dans le cas français, la hausse des taux d’intérêts pourrait parfaitement faire l’affaire.

    En général, le défaut de paiement est déclenché soit par un moratoire sur la dette nationale, c’est-à-dire un report de remboursement, comme l’ont fait la Russie et l’Argentine, soit par le refus, par le pays en question, n’honorer certains engagements financiers, comme la Grèce en 2015.

    Les réformes de la dernière chance

    Les conséquences d’un tel défaut sont de trois ordres.

    Premièrement, le pays n’est plus autorisé à emprunter sur les marchés. À titre d’exemple, la Russie a attendu 12 ans après son défaut de paiement avant de pouvoir emprunter à nouveau sur les marchés.

    Deuxièmement, le pays fait généralement face à une grave crise économique, sociale, politique, voire diplomatique. Les traitements des fonctionnaires, aides sociales et subventions ne peuvent plus être versés tandis que les partenaires internationaux se détournent et perdent confiance.

    Troisièmement, le FMI intervient généralement en contrepartie d’un engagement à suivre les réformes drastiques que le pays n’a jamais eu le courage de faire durant plusieurs années voire décennies.

    De quoi se permettre une petite touche d’optimisme dans un désespoir budgétaire. Il est en effet fort peu probable que nos élus prennent les choses en main tant que le pire n’est pas arrivé…

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      Les vœux affligeants d’Emmanuel Macron

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 6 January, 2023 - 04:00 · 3 minutes

    Un article de l’Iref-Europe

    Voilà de longues années que nous analysons les vœux de nos présidents de la République successifs. Et depuis lors, nous avons employé le terme « affligeant » quel que soit le titulaire de la fonction. Notre article pour cette année ne se distinguera pas des précédents.

    Satisfecit pour 2022 !

    Rappelons que les vœux du 31 décembre ont commencé à être politisés avec François Mitterrand . L’exercice a depuis lors consisté à se féliciter des brillants résultats de l’année en cours, prélude aux projets non moins resplendissants de l’année à suivre. Les vœux du 31 décembre 2022 prononcés par Emmanuel Macron s’inscrivent dans la tradition.

    Le chef de l’État commence par se congratuler de sa mirifique présidence en 2022, emplie de succès que tout le monde a pu contempler, tant sur le plan intérieur que sur les plans européen et international, avec notamment plus de règlementation et d’impôts, une croissance soutenue, une inflation maîtrisée et un chômage au plus bas. Il est vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même et que, hormis quelques affidés et flatteurs en cours, nul ne pourrait se rengorger. Emmanuel Macron n’ose tout de même pas parler dans cette partie de son discours de la dette publique…

    La « refondation » renouvelée pour 2023

    Après cet utile rappel des victoires passées et en cours, notre président offre sa vision pour 2023 -car un « grand homme » sous la Ve République a toujours une grande vision-, en continuité avec ses allocutions antérieures : refonder la France « par notre travail et notre engagement », anaphore qui apparaît dans la partie centrale de son discours.

    Une analyse lexicale, fût-elle superficielle, n’est pas inutile. D’un côté, les mots négatifs : corporatisme, discriminations, division. De l’autre, les mots ou les expressions positifs, dans l’ordre des plus cités aux moins cités : travailler, unité, collectif, solidaire, nation, égalité, protection, refonder, transformer, écologique, planification écologique, productif, services publics. Le terme « liberté » est mentionné une seule fois et encore vers la fin du texte.

    Comment va s’effectuer la « transformation » chère à Emmanuel Macron ?

    Le terme d’État n’est jamais utilisé, ce qui est rare chez lui, mais les mots de France ou de nation, plus encore le « nous » s’y substituent. Les années précédentes, c’était le « moi je » qui régnait mais en cette période de majorité relative à l’Assemblée nationale, il est sans doute préférable d’éviter cette locution. Le point essentiel est la « consolidation de nos régimes de retraite par répartition » et la transmission du « modèle social » français, la « refondation de nos grands services publics ». Traduisons : rien ne changera au fond, aucune véritable réforme ne sera lancée.

    Heureusement, notre État providence continue de veiller : il n’est pas question de mettre fin « au quoi qu’il en coûte » puisque le tombereau de gratifications, de secours et autres subventions continuera de s’abattre sur notre pays. L’homme politique débonnaire, le monarque républicain, l’implacable visionnaire lance expressément aux assistés que nous sommes : « Vous aurez des aides » !

    Des finances publiques à la dérive

    Quant aux finances publiques, la « société plus juste sur le plan social » se traduira par « pas plus d’impôts » -donc nullement par moins d’impôts alors même que notre pays est champion ou vice-champion du monde des prélèvements obligatoires. Elle ne se traduira pas « en léguant plus de dette » aux générations futures- donc nullement par moins de dette publique. Pas un mot bien entendu de la décroissance du budget de l’État. Autrement dit, la prétendue « refondation » macronienne est vouée à l’échec et elle doit se comprendre comme une politique d’affichage, à l’image du macronisme.

    Nous pouvons donc prédire, malheureusement avec beaucoup d’assurance, qu’après les cinq années perdues du premier mandat d’Emmanuel Macron, nous sommes bien entrés dans les cinq années perdues du second quinquennat. C.Q.F.D..

    Sur le web

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      Budget 2023: les communes tentent de résoudre une équation financière insoluble

      news.movim.eu / Mediapart · Tuesday, 4 October, 2022 - 14:58


    Étouffées financièrement par l’inflation et peu aidées par l’État, les maires se demandent s’ils pourront boucler leur prochain budget sans avoir à fermer des services publics.
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      Comptes publics 2019 : Non, M. Darmanin, nos finances n’étaient pas saines

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 30 April, 2020 - 10:18 · 7 minutes

    Par Nathalie MP Meyer.

    Je vous le disais dans un précédent article , le ministre du budget Gérald Darmanin s’est félicité récemment de ce que le gouvernement pouvait « dépenser quasiment sans compter » en temps de Covid-19 « parce que nos finances publiques étaient saines » ( vidéo , à partir de 10′ 10″).

    Or la Cour des Comptes a publié mardi 28 avril dernier son rapport sur le budget de l’État en 2019, c’est-à-dire la période précédant immédiatement l’épidémie. Fait marquant : le déficit de l’­État s’est creusé plus que jamais et sa dette a continué à grimper. Vous avez dit « sain » ?

    L’État central flanqué de sa foultitude d’agences constitue de loin le plus gros morceau de notre puissance publique. Aussi, la tendance à la détérioration budgétaire qu’on observe chez lui en 2019 est un excellent indicateur de la décadence globale de nos finances publiques.

    Mais les transferts fréquents qu’il entretient avec les deux autres composantes de nos comptes publics que sont les collectivités territoriales (régions, départements, communes, etc.) et les administrations de sécurité sociale tendent à fausser la situation de chaque entité prise séparément. En 2019 justement, l’État a transféré une portion supplémentaire de TVA aux administrations de sécurité sociale afin de compenser l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales.

    C’est pourquoi il me semble préférable de s’intéresser à l’ensemble des comptes publics plutôt qu’à la part État seule pour se faire une idée tangible de la santé effective de nos finances nationales et pour se comparer utilement à nos voisins de l’Union européenne.

    Fin mars, l’INSEE a justement divulgué sa première évaluation des comptes publics 2019, sachant qu’une publication révisée portant sur la période 2017-2019 interviendra à la fin du mois de mai.

    Il ressort de cette publication que le déficit public repart effectivement à la hausse après être descendu à 2,5 % en 2018 , niveau qu’on n’avait pas vu en France depuis 2007. En 2019, il atteint à nouveau 3 %, soit la limite autorisée par le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne (UE).

    Ou plutôt feu la limite, car avec la crise économique générée par les confinements anti Covid-19, le pacte en question a été suspendu jusqu’à nouvel ordre. Mais il était toujours valable en 2019 et la plupart des pays de l’UE n’ont eu aucun mal à s’y tenir. En réalité, nombreux sont les pays qui parviennent depuis plusieurs années à équilibrer leurs comptes, voire même à dégager des excédents budgétaires.

    En moyenne dans l’UE et dans le sous-ensemble zone euro, le déficit public s’est fixé à 0,6 % du PIB en 2019 . Alors que Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Irlande et 12 autres pays sont en excédent, seuls deux États membres affichent un déficit égal ou supérieur à 3 % : la France… et la Roumanie !

    On se doutait bien que les 17 milliards lâchés pour apaiser la révolte des Gilets jaunes ainsi que le renoncement à réduire les effectifs de la fonction publique allaient finir par avoir leur petit impact.

    Et de fait, ce sont bel et bien les dépenses publiques qui dérapent, aussi bien en frais de fonctionnement qu’en prestations sociales et en subventions (voir tableau INSEE ci-dessous, cliquer pour agrandir) :

    En 2019, elles ont augmenté de 2,6 %, soit une croissance de 1,5 % en tenant compte de l’inflation à 1,1 %, ce qui constitue une accélération par rapport à la faible hausse de l’année 2018.

    Mais la réalité est nettement plus préoccupante, car si l’on raisonne hors charge d’intérêts de la dette, laquelle a considérablement baissé en raison de la politique de taux bas orchestrée par les banques centrales, les dépenses publiques augmentent de 3,1 %, soit 2 % en valeur déflatée (mention en rouge de ma main dans le tableau).

    En face, les recettes publiques, c’est-à-dire essentiellement les prélèvements obligatoires composés des impôts et des cotisations sociales, se sont stabilisées. Elles progressent de 1,3 % en euros courants, soit une quasi stabilité une fois déflatées. On voit bien l’impact (notamment) de la bascule du CICE en baisse de charges sociales : au total, ces dernières reculent de 4,4 % en euros courants quand les impôts augmentent de 4 %.

    M me MP, me disent mes contradicteurs, souriez : les prélèvements obligatoires n’augmentent pas, vous devriez être contente ! Eh bien, oui et non, avec un net penchant pour le non. Dans un contexte de déficit chronique, une stabilisation des prélèvements, et encore mieux une baisse des prélèvements, n’est une bonne nouvelle que si elle s’accompagne d’une baisse des dépenses publiques. Ce qui ne fut pas du tout le cas en 2019, comme on l’a vu. Il en résulte forcément plus de dette publique, donc plus de prélèvements décalés dans le futur.

    On apprend donc sans surprise que la dette publique a augmenté de 65 milliards d’euros en 2019 pour atteindre un encours de 2 380 milliards d’euros, soit plus de 98 % du PIB, contre une augmentation de 56 milliards l’année précédente. Rappelons que les règles prudentielles de l’Union européenne qui avaient cours avant la crise du Covid-19 stipulaient que la dette publique ne devait pas excéder 60 % du PIB…

    Comme d’habitude, j’ai récapitulé les valeurs évoquées ci-dessus dans mon tableau des comptes publics depuis 2007 (attention, certaines années moins représentatives politiquement ou économiquement ont été éludées). Nouveauté de l’année, je l’ai complété d’un petit graphique permettant de visualiser rapidement les évolutions du déficit public et de la dette.

    Tableau récapitulatif
    des principales données de nos finances publiques 1 2

    Sources : INSEE , Eurostat, Presse pour 2020 – Mise à jour : 28 avril 2020.
    Unités : Habitants en millions – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB.
    Note : Les comptes 2019 sont provisoires et les chiffres 2020 sont des prévisions.

    2007 2009 2012 2015 2017 2018 2019 2020
    Habitants 64,0 64,7 65,7 66,4 66,8 66,9 67,0
    Inflation 1,5% 0,1% 2,0% 0,0% 1,0% 1,6% 1,1%
    Croissance 2,3% -2,2% 0,0% 1,2% 2,2% 1,6% 1,3% -8,0%
    PIB 1 946 1 939 2 087 2 181 2 295 2 353 2 426
    Dép. publ. 991 1 068 1 151 1 249 1 292 1 314 1 349
    En % PIB 50,9% 55,1% 55,2% 57,0% 56,4% 55,7% 55,6%
    Pré. oblig. 819 793 913 971 1 038 1 060 1 070
    En % PIB 43,2% 42,1% 43,8% 44,5% 45,2% 45,0% 44,1%
    Déf. Publ. -50,3 -143,8 -98,2 -79,7 -63,6 -59,5 -72,8
    En % PIB -2,7% -7,5% -4,8% -3,6% -2,9% -2,5% -3,0% -9,0%
    Dette pub. 1 210 1 489 1 855 2 101 2 259 2 315 2 380
    En % PIB 63,8% 78,1% 90,2% 95,6% 98,4% 98,4% 98,1% 115%

    Le graphique ci-dessous reprend les données de croissance, déficit public en % du PIB et dette publique en % du PIB du tableau ci-dessus. L’échelle correspondant à la croissance et au déficit est à gauche et celle correspondant à la dette publique est à droite :

    Le profil des comptes publics français est assez clair :

    · En 2007, la croissance française fut de 2,3 %, niveau qu’on n’a jamais retrouvé depuis. Le déficit public est revenu dans les clous des 3 % et la dette publique dépassait à peine les 60 % recommandés. Tous les espoirs étaient permis…

    · En 2008, patatras, crise des subprimes. La croissance s’effondre, et dès 2009, le déficit plonge à 7,5 % et la dette bondit à 78 % du PIB, pour atteindre 90 % en 2012.

    · Les années suivantes sont un long effort pour redresser les comptes publics, ce que les gouvernements de MM. Sarkozy et Hollande parviennent péniblement à faire en ayant exclusivement recours à des hausses fiscales et aucune baisse de dépense, contrairement à la plupart des autres pays développés.

    · En 2018, le déficit public est ramené à 2,5 % du PIB, soit son niveau approximatif d’avant crise, mais il reste élevé comparativement à nos voisins européens et il continue à générer de la dette.

    · 17 novembre 2018 : début de la crise des Gilets jaunes et plongeon assumé dans un regain de dépenses publiques. Première conséquence, le déficit 2019 remonte à 3 % et la dette publique persiste à flirter avec les 100 % suivant les trimestres.

    C’est à ce moment très peu maîtrisé de nos finances publiques que la crise du Covid-19 nous surprend. Après le plongeon de 2019, nous voilà bien partis pour la noyade de 2020. Et aucune raison qu’on s’en sorte plus rapidement que de la crise de 2008 dont nous n’étions en fait même pas encore sortis !

    Alors non, M. Darmanin, nos finances publiques n’étaient pas « saines » et nous n’avons absolument pas les moyens de « dépenser quasiment sans compter » comme on le fait actuellement. Ça promet.

    Sur le web

    1. Pour les définitions des principales grandeurs de nos comptes publics, on pourra se reporter à l’article : Budget 2016 : opérations de contes à comptes -17 sept. 2015.
    2. L’INSEE révisant ses données en continu, ce tableau présente plusieurs petites différences avec mes tableaux antérieurs.
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      Contre le coronavirus, pas un manque d’argent mais une mauvaise gestion

      Nicolas Marques · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 April, 2020 - 03:35 · 6 minutes

    manque

    Par Nicolas Marques.

    Nous vivons une crise sanitaire de grande ampleur, avec des professionnels de santé en première ligne et des situations terribles dans les maisons de retraite et établissements médicaux. La tentation est de pointer du doigt le manque de moyens financiers. Mais si les engorgements se multiplient, on ne peut pour autant pas dire que l’argent manque en France. Des pays s’en sortent mieux que nous, avec des finances publiques mieux gérées illustrant en fait une meilleure allocation des ressources.

    L’excuse du manque de moyens

    Pour certains la crise actuelle serait l’illustration du manque de moyens dédiés à la santé en France voire à une trop grande rigueur financière. Or, si l’on constate que les moyens font cruellement défaut à certains endroits, la situation est malheureusement bien plus complexe, comme le montre l’analyse comparée des difficultés françaises et des succès sud-coréens ou allemands.

    En dépit de nos 1300 milliards d’euros de dépenses publiques par an, dont 610 milliards au titre de la Sécurité sociale, nous avons quinze fois plus de décès qu’en Corée du Sud, avec 47 morts par million d’habitants aujourd’hui. Pourtant, les Français dépensent 56 % de plus que les Coréens pour leur santé, l’Hexagone investissant dans la santé 3,1 points de PIB de plus que la Corée du Sud.

    Avec moins de moyens, les Coréens ont fait trois fois plus de tests que nous , sur une plus petite population. Cela leur a permis de cibler les restrictions de mouvements sur les seuls malades et lieux contaminés. De ce fait, leur économie peut fonctionner, avec des frontières encore ouvertes. Pourtant, la Corée du Sud proche de la Chine a été touchée six jours plus tôt que la France.

    Même si l’épidémie est à un stade moins avancé outre-Rhin, on constate d’ores et déjà des décalages tout aussi criants. L’Allemagne consacre comme la France 11,2 % de son PIB à la santé.

    Lorsqu’on considère les dépenses de santé par habitant, elle investit 21 % de plus que nous, son économie étant plus florissante que la nôtre. Son niveau de préparation est sans rapport au nôtre. Nos voisins ont pratiqué cinq fois plus de tests, soit 410 000 depuis le 9 mars , et disposeraient de 28 000 lits en réanimation.

    Résumer les difficultés que nous rencontrons dans la lutte contre la pandémie à un manque de moyens, c’est donc passer à côté d’une réalité dérangeante : l’importance des dépenses n’est pas un gage de qualité.

    La rigueur n’est pas l’ennemie de la santé

    Bien au contraire, elle permet de mobiliser les moyens de façon intelligente et coordonnée, là où ils font la différence. C’est vrai en temps normal, comme en période de crise. Ce n’est pas un hasard si les Coréens et les Allemands ont, par ailleurs, des excédents budgétaires, avec des dépenses et dettes publiques raisonnées. Bons gestionnaires financiers, ils sont aussi de bons gestionnaires sanitaires.

    Plus que les budgets, il semble que ce soit la stratégie qui, une fois de plus, fasse la différence. Les expériences coréenne et allemande montrent l’importance de l’anticipation et la combinaison de tous les moyens disponibles. En France, tout laisse à penser que ces aspects ont fait défaut.

    Il est probable qu’ont été laissées de côté ou exposé des ressources précieuses, de façon inadéquate voire irrespectueuse. Depuis plusieurs semaines, nous avons vécu un enchaînement sidérant . Il a débuté avec un rationnement du matériel de base – gels hydroalcooliques, masques et autres matériels de protection – mais aussi des tests de dépistage. Ces mesures malthusiennes ont limité l’efficacité des gestes barrière de base, surexposé les personnels de santé et les malades au risque d’infection et de dissémination du coronavirus.

    Cela a réduit l’efficacité de l’effort collectif et créé des situations dramatiques dans les hôpitaux et les Ehpad. Les services médicaux publics sont engorgés, ce qui a nécessité le confinement de la population , sans que pour autant la situation soit sous contrôle.

    Le secteur privé a été bridé par l’État

    Parmi les raisons qui expliquent nos difficultés et les succès coréens et allemands, l’aptitude à optimiser les moyens disponibles, de façon pragmatique. Les Coréens ont pris soin d’intégrer le secteur privé dans la lutte contre la pandémie, qu’il s’agisse de déployer massivement les tests de dépistage ou de traiter les malades dans des établissements à 90 % privés. Les Allemands se sont appuyés sur leur industrie et sa capacité à développer des tests.

    En France, on pâtit, au contraire, et depuis longtemps des réticences des autorités publiques à intégrer les praticiens et établissements privés, mais aussi les industriels. Les généralistes libéraux ont été exposés à la maladie, sans masques. La biologie de ville s’est pendant de longues semaines vu refuser le droit de pratiquer des tests, faute de disposer de l’ accréditation nécessaire .

    Même la chaîne de distribution de matériel médical a été paralysée. Les contrôles des prix et réquisitions ont réduit les incitations économiques à produire davantage ou importer les gels hydroalcooliques et les masques de protection manquants. Un gâchis humain aussi bien qu’économique.

    Table: Institut économique Molinari Source: Johns Hopkins au 30 mars 2020 (https://coronavirus.jhu.edu/map.html), OCDE (dépenses de santé) & FMI (dépenses, déficit et dette publique) année 2018 Get the data Created with Datawrapper

    Source: Johns Hopkins au 30 mars 2020 (https://coronavirus.jhu.edu/map.html), OCDE (dépenses de santé) & FMI (dépenses, déficit et dette publique) année 2018 Get the data Created with Datawrapper.

    Le temps du bilan viendra

    Nous devrons un jour avoir le courage d’accepter que les pays qui s’en sortent le mieux du point de vue sanitaire, Corée du Sud et Allemagne, sont aussi les plus efficaces d’un point de vue économique. Ces pays ont une fiscalité plus raisonnable, sont en plein emploi, ont des comptes publics excédentaires.

    Cela leur permet d’agir en bon ordre, là où nous sacrifions des hommes et des femmes comme notre économie. Notre étrange défaite rappelle celle de mai 1940, la France s’écroulant en raison d’un défaut de stratégie et de coordination et non à cause d’un manque de moyens.

    Il n’est pas encore temps de faire le bilan de cette pandémie, mais une chose est d’ores et déjà certaine : il conviendra de faire le travail d’introspection nécessaire et de passer en revue nos façons de dépenser et de faire. Nous avons poussé au maximum en France la démarche consistant à toujours compter sur plus de budgets publics.

    Nous n’avons pas été aussi brillants lorsqu’il s’agissait d’optimiser l’allocation des budgets au sein des structures publiques et l’articulation entre l’offre publique, privée non lucrative et privée à but lucratif. L’expérience montre que cela ne nous aide pas à surmonter les crises de façon plus sereine. Cela ne nous aide pas, non plus, à préserver l’économie française, ce qui accentue nos fragilités au lieu de les réduire.

    Sur le web