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      Intégration de la Suède et de la Finlande à l’OTAN : l’envers du décor

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Saturday, 22 April, 2023 - 15:09 · 14 minutes

    Sans véritable discussion dans la presse et au parlement, sans opposition organisée, la Finlande a rejoint l’OTAN depuis le 4 avril, et la Suède est en bonne voie pour lui emboîter le pas. Alors que la Suède avait soumis au vote populaire l’adhésion à l’Union européenne et à la zone euro, elle n’a pas même envisagé d’organiser un référendum sur l’OTAN. Comme une évidence. Il s’agit pourtant d’une rupture historique avec des décennies de neutralité. Et pour la Suède, d’un rejet définitif d’une tradition de non-alignement actif. Ce consensus au sein des élites s’explique – si l’on met de côté les intérêts économiques de l’industrie de l’armement – par le signal envoyé aux marchés. En rejoignant l’OTAN, la Suède et la Finlande promettent d’enterrer pour de bon leur modèle social-démocrate. Article de Lily Lynch publié sur la New Left Review , traduit pour LVSL par Piera Simon-Chaix .

    Depuis l’invasion de l’Ukraine on lit partout – et jusqu’à l’outrance – une citation de Desmond Tutu : « si vous êtes neutres dans les situations d’injustice, c’est que vous êtes du côté de l’oppresseur ». Dans de nombreux sommets , cette phrase a été mobilisée afin d’enjoindre les États à abandonner leur neutralité et à s’aligner derrière l’OTAN. Peu importe que « l’oppresseur » auquel Desmond Tutu faisait référence ait pu être l’Apartheid sud-africain – un régime dont on oublie un peu vite qu’il avait été soutenu par l’Alliance militaire atlantique. Mais la période actuelle, en Russie comme en Occident, semble être caractérise par une amnésie constamment réalimentée.

    La Finlande et la Suède ont fait le choix de renier leur politique de neutralité, observée de longue date. L’adhésion à l’OTAN de la Finlande (depuis le 4 avril 2023) et de la Suède (en cours) peut être qualifiée avec exactitude d’ historique . La Finlande maintenait sa neutralité depuis sa défaite face à l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, suite à laquelle elle avait signé, en 1948, un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle. La Suède, pour sa part, avait mené d’innombrables guerres contre la Russie entre le seizième et le dix-huitième siècle, mais s’était arrangée pour se tenir éloignée des conflits postérieurs à 1814. Adhérer à l’OTAN équivaut à rejeter une tradition centenaire qui a contribué à définir l’identité nationale de ce pays.

    La couverture médiatique de la campagne pour l’adhésion à l’OTAN a été euphorique. Si, en Suède, un débat virulent quoique limité a eu lieu, en Finlande les voix discordantes n’ont eu aucune place. Alors que le pays demandait son adhésion à l’OTAN, la Une du journal le plus lu de Finlande, Helsingin Sanomat , présentait l’image de deux silhouettes bleues et blanches (les couleurs de la Finlande) embarquées dans un drakkar et se propulsant à la rame vers un horizon illuminé, où s’élève, tel un soleil, l’étoile à quatre branches de l’OTAN. L’embarcation en bois laisse derrière elle une structure sombre qui la domine, ornée d’une étoile rouge. Impossible d’être plus clair… sauf peut-être si l’on consulte l’édition en ligne du grand quotidien suédois Dagens Nyheter , qui affichait au même moment des pop ups de l’emblème de l’OTAN se transformant en signe de paix…

    Les termes du débat médiatique étant ainsi posés, il n’est pas surprenant que le soutien à l’adhésion à l’OTAN ait été si important : il était d’environ 60 % en Suède et 75 % en Finlande lorsque ces pays l’ont requise. Néanmoins, un regard plus attentif porté sur les segments démographiques révèle quelques fissures dans ce récit.

    Pour la presse atlantiste, « la question de l’OTAN » reflète une évolution générationnelle : les « jeunes » seraient davantage favorables à l’adhésion, par opposition à leurs parents qui seraient, semble-t-il, seraient désespérément attachés à une position démodée de non-alignement. « Fermement opposée, il y a à peine quelques semaines, à un quelconque premier pas en direction de l’OTAN », écrivait l’ancien premier ministre suédois devenu un groupie des think-tanks libéraux, Carl Bildt, « [la classe politique] est confrontée à une compétition opposant une génération plus âgée à une autre plus jeune, qui pose sur le monde un regard plus frais. »

    En réalité, c’est strictement l’inverse que l’on observe : en Suède, le segment démographique le plus opposé à l’adhésion est celui des jeunes hommes de 18 à 29 ans. Nulle surprise à cela : il s’agit de la tranche de la population qui serait appelée à participer à toute éventuelle excursion militaire !

    Certains des plus ardents défenseurs de l’OTAN se trouvent parmi les dirigeants d’entreprises. En avril 2022, le président finnois organisait une « réunion secrète sur l’OTAN » à Helsinki. Parmi les personnes conviées, le milliardaire suédois Jacob Wallenberg – dont les holdings familiaux cumulés équivalent à un tiers du marché boursier de son pays.

    Contrairement au présupposé selon lequel l’agression russe aurait induit un consensus en faveur de l’OTAN en Suède, des voix discordantes ont vu le jour. Le 23 mars 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine, 44 % des jeunes interrogés étaient favorables à l’adhésion et 21 % défavorables. Deux mois plus tard, 43 % d’entre eux se prononçaient toujours pour une entrée dans l’OTAN, tandis que 32 % s’y opposaient désormais – une augmentation non négligeable.

    En Finlande, les enquêtes d’opinion allaient dans le même sens. Un sondage du Helsingin Sanomat décrit le partisan-type de l’OTAN comme une personne éduquée, d’âge moyen ou plus, de sexe masculin, cadre, d’un salaire d’au moins 85 000 € par an et votant à droite, alors que l’opposant-type a moins de 30 ans, est travailleur ou étudiant, gagne moins de 20 000 € par an et se situe à gauche.

    Certains des plus ardents défenseurs de l’adhésion à l’OTAN se trouvent parmi les dirigeants d’entreprises suédois et finlandais. En avril 2022, le président finnois Sauli Niinistö organisait une « réunion secrète sur l’OTAN » à Helsinki. Parmi les personnes conviées, on pouvait compter le ministre des Finances suédois Mikael Damberg, des représentants militaires de haut rang et des personnalités influentes des milieux entrepreneuriaux suédois et finlandais. On pouvait y croiser le milliardaire suédois Jacob Wallenberg, dont les holdings familiaux cumulés constituent jusqu’à un tiers du marché boursier de son pays. Il participe régulièrement aux conférences Bilderberg – institution élitaire dédiée à la diffusion de la bonne parole atlantiste et néolibérale. C’est sans surprises que de tous les entrepreneurs présents, Wallenberg ait été l’un des plus fervents partisans de l’OTAN. .

    Au cours des semaines qui ont précédé la demande suédoise d’adhésion à l’OTAN, le Financial Times prédisait que les prises de position de la dynastie Wallenberg allaient « peser lourdement » sur le parti social-démocrate au pouvoir – sur lequel elle exercerait une influence considérable.

    Au sommet d’Helsinki, les personnalités officielles du gouvernement suédois ont été averties que leur pays allait devenir moins attractif pour les capitaux étrangers s’il demeurait « le seul État d’Europe du Nord à ne pas adhérer à l’OTAN ». Une telle prophétie, associée à des avances notables de la Finlande, a joué un rôle décisif dans la décision du ministre de la Défense Peter Hultqvist de changer son fusil d’épaule et de pencher en faveur de l’Alliance. Le journal suédois l’ Expression a affirmé que la réunion laissait transparaître une mainmise du milieu affairiste bien plus importante qu’imaginée auparavant sur les décisions prises en matière de politique extérieure.

    Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les entreprises sont aussi investies. Le géant suédois de l’industrie de la défense, Saab, s’attend à tirer des profits considérables de l’adhésion à l’OTAN. L’entreprise, dont la famille Wallenberg est actionnaire majoritaire, a vu le prix de ses parts doubler depuis l’invasion russe. Son PDG Micael Johansson a ouvertement affirmé que l’adhésion de la Suède à l’OTAN ouvrirait de nouvelles possibilités pour Saab dans les domaines des missiles de défense et de la surveillance. L’entreprise s’attend à des gains faramineux, dans un contexte où les Européens augmentent leurs dépenses de défense – le rapport du premier trimestre révèle que les bénéfices d’exploitation ont déjà augmenté de 10 % par rapport à l’année précédente.

    Les médias ont fréquemment affirmé que l’adhésion de la Finlande et de la Suède signifierait que ces pays rejoindraient enfin « l’Occident ». Une telle rhétorique n’a rien de nouveau. Peu de temps avant l’adhésion du Monténégro à l’Alliance, le Premier ministre Milo Đukanović avait affirmé que le clivage était « civilisationnel et culturel ».

    L’influence considérable exercée par les dirigeants d’entreprise sur la question de l’OTAN contraste avec celle du public lambda. Même si la Suède a tenu un référendum sur chaque décision importante prise au cours de son histoire récente — adhésion à l’UE, adoption de l’euro –, aucune consultation des citoyens sur la question de l’OTAN n’est prévue. La personnalité politique la plus en vue à avoir appelé à un vote était la dirigeante du parti de gauche Nooshi Dadgostar, mais sa proposition a été courtoisement enterrée. Le gouvernement, qui craignait un rejet de l’adhésion à l’OTAN une fois calmée l’hystérie qui entoure la guerre, a donc opté pour une forme de « stratégie du choc », imposant ses ambitions politiques à une période où l’Ukraine faisait encore les gros titres.

    En Finlande, cependant, l’OTAN a rencontré peu d’opposition au sein du grand public. La fibre nationaliste a été sollicitée, et les opposants à l’adhésion accusés de négliger la sécurité du pays. C’est ainsi que le Parlement a voté à une écrasante majorité en faveur de l’adhésion en mai 2022, avec 188 parlementaires favorables et seulement 8 opposants. Parmi les huit irréductibles, l’un d’entre eux est membre du parti populiste de droite Finns, un autre est un ancien membre de ce même parti, et les six restants font partie de l’alliance de gauche. Les dix autres députés de l’alliance de gauche ont cependant voté en faveur de l’adhésion. L’un des représentants du parti est même allé jusqu’à proposer une nouvelle législation qui criminaliserait les tentatives d’influencer l’opinion publique en faveur d’une puissance étrangère : un précédent qui pourrait théoriquement entraîner des poursuites pour toute critique à l’encontre de l’OTAN.

    Recep Tayyip Erdoğan a mis un coup de frein dans cette course effrénée. En accusant la Suède et la Finlande d’être des « incubateurs » de la terreur kurde, le président turc est parvenu à ralentit le processus d’adhésion de la première – mais a fini par lâcher du lest sur la seconde (l’adhésion à l’Alliance nécessite l’approbation unanime de tous les États membres). En cause : le refus de la Finlande et de la Suède d’extrader 33 membres du PKK et du mouvement güleniste, ce dernier étant accusé d’avoir fomenté en 2016 un coup d’État sanglant. Il a également exigé que la Suède lève son embargo sur les armes, imposé en réaction aux incursions turques en Syrie en 2019.

    La question kurde a réémergé sur la scène politique suédoise. Lorsque les sociaux-démocrates ont perdu leur majorité parlementaire en 2021, la Première ministre Magdalena Andersson s’est trouvée contrainte de négocier directement avec une parlementaire kurde, ancienne combattante des Peshmergas, Amineh Kakabaveh, dont le vote allait décider du sort du gouvernement. En échange de son soutien, Kakabaveh avait demandé à ce que la Suède accorde son soutien aux YPG en Syrie, ce qui avait été accepté. En 2022, Kakbaveh avait flétri ce « renoncement » face à Erdoğan et menacé de retirer son soutien au gouvernement.

    Aucune personnalité n’avait incarné la solidarité internationale des sociaux-démocrates suédois comme le premier ministre Olof Palme. Des photographies le montrent en train de fumer un cigare aux côtés de Fidel Castro, et il est demeuré dans les mémoires pour avoir fustigé le bombardement de l’armée américaine sur Hanoï et Haiphong – les comparant à « Guernica, Ordaour, Babi Yar, Katyn, Lidice, Sharpeville [et] Treblinka ».

    Nombreux sont ceux qui craignent que le gouvernement passe un accord privé avec Erdoğan, dont un échange de militants kurdes et de dissidents turcs contre la levée du veto à l’adhésion pourraient constituer les termes. Dans le même temps, le président croate, Zoran Milanović, avait fait preuve d’une audace croissante, soulevant un nouvel obstacle quoique de moindre importance : il promettait de bloquer l’adhésion de la Suède et de la Finlande à moins d’un changement de la loi électorale de Bosnie-et-Herzégovine, en vue de mieux représenter les Bosniens croates…

    Les médias de ces pays, reconduisant une rhétorique de « choc des civilisations » digne de Samuel Huntington, ont fréquemment affirmé que l’adhésion de la Finlande et de la Suède signifierait que ces pays rejoindraient enfin « l’Occident ». Une telle rhétorique n’a rien de nouveau. Peu de temps avant l’adhésion du Monténégro à l’Alliance, en 2007, le Premier ministre Milo Đukanović, avait affirmé que le clivage n’était pas centré autour de l’OTAN, mais d’enjeux « civilisationnels et culturels ».

    Il est néanmoins curieux – et révélateur – de retrouver un même orientalisme en Scandinavie. Un commentateur marqué à gauche avait alors écrit qu’en rejoignant l’OTAN, la Suède devenait enfin « un pays occidental normal », avant de se questionner sur une éventuelle abolition, par le gouvernement, du Systembolaget , le monopole d’État sur l’alcool. On comprend ainsi ce que « rejoindre l’Occident » signifie réellement : se lier à un bloc dirigé par les États-Unis et dissoudre de manière incrémentale les institutions socialistes qui demeurent – un processus déjà entamé depuis des décennies.

    L’abandon du principe de neutralité s’inscrit dans une évolution de la signification de l’ internationalisme , en particulier pour la gauche des pays nordiques. Au cours de la Guerre froide, les sociaux-démocrates suédois défendaient un principe de solidarité internationale à travers leur soutien aux mouvements de libération nationale. Aucune personnalité n’avait incarné cette approche comme Olof Palme, que des photographies montrent en train de fumer un cigare aux côtés de Fidel Castro, et qui est demeuré dans les mémoires pour avoir fustigé le bombardement de l’armée américaine sur Hanoï et Haiphong – les comparant à « Guernica, Ordaour, Babi Yar, Katyn, Lidice, Sharpeville [et] Treblinka ».

    À l’époque de l’effondrement de la Yougoslavie, dans les années 1990, cet « internationalisme actif » a été reconceptualisé en rien de moins que la « responsabilité de protéger » mise en avant par l’OTAN. En vertu de cette logique, l’ancien clivage entre pays exploiteurs et exploités a été remplacé par une nouvelle ligne de fracture, entre États « démocrates » et « autocrates ».

    Pour autant, davantage que cet « internationalisme » dévoyé, c’est la « menace russe » qui a été agitée pour convaincre les populations de rejoindre l’OTAN. Bien que la Russie soit en difficulté face à un adversaire bien plus faible que la Suède et la Finlande, et qu’elle s’avère incapable de tenir la capitale avec des troupes ayant subi de lourdes pertes, elle constituerait une menace imminente pour Stockholm et Helsinki.

    Ainsi, dans ce climat de psychose, les menaces – sans doute plus concrètes – à l’encontre des systèmes sociaux nordiques que représenterait une adhésion à l’OTAN ont été ignorées : disparition de l’État-providence, privatisation et la marchandisation de l’éducation, accroissement des inégalités et affaissement du système de santé universel. Dans leur course pour s’aligner sur « l’Occident », les gouvernements suédois et finlandais ont fait montre de bien moins d’empressement pour remédier à de telles crises sociales…

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      Finlande : une nouvelle ère ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 02:50 · 8 minutes

    Par Cyrille Bret.

    L’année qui vient de s’écouler a propulsé la Finlande à une place qu’elle évite d’ordinaire : l’avant-scène de la politique européenne.

    En quelques jours, du 2 au 4 avril 2023, la République nordique est sortie de sa discrétion coutumière : lors des élections législatives, elle a changé de majorité au Parlement et remplacé au poste de Premier ministre la sociale-démocrate Sanna Marin, au pouvoir depuis fin 2019 à la tête d’une coalition de centre gauche, par le conservateur Petteri Orpo, chef du parti de droite Coalition nationale.

    Le surlendemain, la Finlande a officiellement rejoint l’OTAN , devenant ainsi le 31 e membre de l’Alliance et aussi celui qui possède, de loin, la plus longue frontière commune avec la Russie (1340 km), ce qui, dans le contexte actuel constitue un enjeu majeur pour la protection des frontières externes de l’UE et de l’Alliance : la zone de contact OTAN-Russie double en longueur , passant de 6 % à 12 % des frontières de la Russie.

    La double décision de tourner la page du gouvernement Sanna Marin, très visible en Europe depuis le début de l’invasion de l’Ukraine et surtout de rompre avec 75 ans de neutralité a placé ce pays de 5,2 millions d’habitants au centre de l’attention internationale.

    Après une année 2022 très intense, 2023 sera-t-elle celle d’un tournant historique, qui fera d’Helsinki un centre de gravité politique et stratégique pour l’UE et l’OTAN ? La Finlande cherchera-t-elle à peser davantage en Europe ou bien reviendra-t-elle à une politique nationale plus introvertie ?

    L’entrée dans l’OTAN, une rupture géopolitique majeure

    La primature de la trentenaire Sanna Marin a connu une dernière phase très active et très médiatisée en Europe.

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    Dès l’hiver 2021, elle a adopté une posture extrêmement ferme à l’égard de la Russie, se plaçant à l’avant-garde stratégique de l’UE aux côtés des États baltes (en particulier l’Estonie de Kaja Kallas ) et de la Pologne de Mateusz Moraviecki.

    La position du gouvernement Marin n’a pas manqué de panache : on l’a dit, le pays partage une très longue frontière terrestre avec son puissant voisin ; il est confronté depuis une décennie à des incursions russes dans ses espaces aérien, terrestre, maritime et cyber ; ses eaux territoriales se trouvent à proximité immédiate de la Flotte de la mer Baltique basée à Kronstadt et Saint-Pétersbourg. Et surtout, en entrant dans l’OTAN, la Finlande sort de sept décennies et demie marquées par la « finlandisation » ( horresco referens à Helsinki), cette politique de neutralité que lui avait imposée l’URSS en 1948 , quatre ans après sa défaite dans la Guerre de continuation qui l’avait privée d’une de ses régions historiques, la Carélie, annexée par l’URSS et appartenant aujourd’hui à la Russie.

    La Finlande devient le 31ᵉ membre de l’OTAN • France 24, 7 avril 2023.

    L’adhésion à l’OTAN constitue une rupture majeure pour le pays : le voici désormais protégé par l’Article 5 , dit d’assistance mutuelle, du Traité de l’Atlantique nord, et engagé dans un processus de remilitarisation significatif.

    Il entend se séparer physiquement de la Russie par un mur dans la partie la plus vulnérable de sa frontière . Ce mur a une portée politique et symbolique tout autant que militaire. En effet, la Finlande redoute de subir une instrumentalisation des migrants semblable à celle mise en œuvre en 2021 par la Biélorussie pour faire pression sur la Pologne . Elle entend également marquer aux yeux de Moscou l’inviolabilité physique de cette frontière pour éviter les « grignotages territoriaux » que l’on constate en Géorgie depuis 2008. L’intérêt strictement militaire du mur est plus limité : la progression de troupes russes serait ralentie mais pas stoppée.

    En quatre ans, une évolution rapide sous l’effet de la guerre en Ukraine

    La rupture extérieure s’appuie sur une évolution politique intérieure.

    Qu’on mesure le contraste entre la Finlande de 2019 et celle de 2023 : la campagne électorale des législatives du 14 avril 2019 avait été centrée sur des problématiques internes, comme la réforme du système de santé, la lutte contre le chômage et les controverses sur le multiculturalisme nourries par le nationaliste Parti des Finlandais . Et la présidence finlandaise de l’UE (second semestre 2019) avait placé au premier plan la transparence des institutions européennes et la protection du climat, sous l’égide du très consensuel slogan « Europe durable – avenir durable ».

    Le contraste est saisissant quatre ans plus tard : la Finlande de 2023 s’est affirmée comme l’un des acteurs majeurs de la réponse européenne à l’agression russe contre l’Ukraine. Elle a transféré à cette dernière pour 760 millions d’euros d’équipements militaires et a constamment milité pour l’adoption de sanctions plus dures contre la Russie. Ses entreprises, longtemps en symbiose avec le voisin russe, se désengagent . Alors que la candidature du pays à l’OTAN avait longtemps divisé les Finlandais, l’agression de l’Ukraine par la Russie a rallié une large majorité d’habitants à cette option. Si bien que durant la campagne les débats sur la Russie, l’Ukraine et l’OTAN ont eu un impact limité car un consensus transpartisan s’est instauré sur ces sujets . Même le Parti des Finlandais, hostile à une adhésion à l’OTAN depuis sa création, s’est rallié à l’atlantisme.

    C’est dans ce contexte que les électeurs ont rétrogradé les Sociaux-Démocrates à la troisième place en sièges au Parlement (43 sièges) tout en leur confiant trois sièges de plus que lors de l’élection législative de 2019, derrière les conservateurs (48 sièges, soit un gain de dix sièges) et derrière le Parti des Finlandais (46 sièges, soit un gain de sept sièges).

    La défaite de Sanna Marin est à relativiser dans sa portée géopolitique : les Finlandais n’ont pas rejeté la ligne atlantiste de son gouvernement, partagée par son successeur Petteri Orpo, qui doit plutôt sa victoire au scepticisme de la population sur les ambitieux projets d’investissements publics du gouvernement sortant.

    À l’issue d’une année de guerre en Ukraine et de campagne électorale, la Finlande n’est plus un nain politique condamné à la discrétion par sa position géographique. Elle a diffusé sa vision de la géopolitique européenne en affirmant que la neutralité avait cessé d’être une assurance-vie pour devenir une vulnérabilité . Est-ce à dire que l’Union doit désormais se préparer à l’émergence d’un nouveau poids lourd politique en son sein ? Pas nécessairement. En réalité, bien des signes laissent penser qu’un « retour à la normale » – c’est-à-dire à une posture plus discrète – s’annonce à Helsinki.

    Vers un « retour à la normale » ?

    Sur le plan international, après la procédure d’adhésion à l’OTAN, marquée par d’âpres négociations avec la Turquie , dernier pays de l’Alliance à donner son feu vert à l’adhésion d’Helsinki, la Finlande va tout faire pour montrer qu’elle reprend le fil de sa doctrine de sécurité nationale traditionnelle.

    Adhérente depuis 1994 au Partenariat Pour la Paix lancé par l’OTAN, elle a participé chaque année depuis cette date à des exercices militaires avec les Alliés en Baltique ( BALTOPS ). Son effort de défense – c’est-à-dire le rapport entre son budget militaire et le PIB – va assurément croître ; mais la Finlande rappelle régulièrement qu’elle n’a jamais désarmé pour engranger les « dividendes de la paix » : même avant d’intégrer l’OTAN, elle avait conservé des effectifs consistants et effectué des acquisitions militaires ambitieuses , entretenant également une Base industrielle et technologique de défense (BITD) dotée de fleurons tels que Patria .

    Autrement dit, par son entrée dans l’OTAN, elle rompt avec une « finlandisation » qu’elle a toujours récusée… mais au sein de l’Alliance, elle adoptera un profil bas, soulignant la continuité entre le Partenariat pour la paix et l’adhésion pleine et entière à l’Alliance, de façon à ne pas attiser la réaction russe . Celle-ci ne s’est pas fait attendre : Moscou a déclaré qu’elle accentuerait son effort militaire dans la zone de contact avec la Finlande et souligné que la Finlande devait d’attendre à supporter les conséquences de son choix.

    La ligne pro-ukrainienne de Sanna Marin ne sera pas remise en cause mais Petteri Orpo se concentrera avant tout sur les questions intérieures . La formation du nouveau gouvernement s’annonce déjà ardue , si bien que le pays retournera dans les prochaines semaines à une politique partisane très classique, se montrant moins présent sur la scène politique internationale .

    En somme, après une longue année d’extraversion contrainte, la Finlande semble tentée par un retour à sa discrétion politique coutumière et à ses préoccupations internes. La tentation du « pour vivre heureux, vivons cachés » est souvent forte à Helsinki. Les révolutions politiques y semblent immédiatement tempérées par une tendance à l’introversion… Mais en renonçant à sa neutralité et en rejoignant l’Alliance atlantique au moment où celle-ci est aux prises avec son puissant et belliqueux voisin russe, la Finlande a franchi un Rubicon : même si Helsinki cherche désormais à adopter une posture plutôt apaisante envers la Russie, le « pays des mille lacs » sait que plus rien ne sera comme avant.

    Cyrille Bret , Géopoliticien, Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      « L’OTAN a tout à gagner avec nous » : la Finlande, un nouveau champion cyber dans l’Alliance

      news.movim.eu / Numerama · Tuesday, 4 April, 2023 - 06:32

    La Finlande, nouveau membre de l'OTAN, est l'un des États les mieux formés au numérique et à la cyber en Europe. Reportage à Helsinki, où Numerama s'est rendu pour comprendre ce qui différencie cette nation nordique des autres pays dans ce domaine. [Lire la suite]

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      Respirer l’herbe fraiche fait du bien à la santé mentale

      news.movim.eu / Numerama · Tuesday, 17 January, 2023 - 10:48

    Une étude finlandaise met en évidence un lien entre la visite d'espaces naturels et la santé -- mentale en particulier. La causalité entre les deux données reste à préciser, mais ces travaux apportent leur pierre à l'édifice des recherches sur ce sujet. [Lire la suite]

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      OTAN : le retournement de veste spectaculaire des sociaux-démocrates suédois

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Sunday, 15 January, 2023 - 17:41 · 14 minutes

    Historiquement, la gauche suédoise s’est toujours opposée à une adhésion à l’OTAN. La guerre en Ukraine est cependant venue rebattre les cartes. La possibilité d’une adhésion à l’Alliance a gagné en popularité et les sociaux-démocrates suédois ont changé leur fusil d’épaule – au grand dam de nombre de leurs partisans. Aujourd’hui, la question semble réglée : à peine le débat sur l’intégration à l’OTAN a-t-il été ouvert qu’il était clôturé. Ce virage a impliqué des sacrifices dans les principes diplomatiques de la Suède, historiquement opposée à la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan. Article de Filippa Ronquist , traduit par Piera Simon-Chaix et édité par William Bouchardon.

    Le 8 novembre 2022, Ulf Kristersson, Premier ministre suédois nouvellement élu, s’est rendu en Turquie. L’objectif de ce déplacement, alors que la Suède vient d’entamer son processus d’adhésion à l’OTAN, est de s’attirer les faveurs du Président turc Recep Tayyip Erdoğan. De nombreux Suédois ont été marqués par une image symbolique de cette visite : un gros plan sur la main de Kristersson, minuscule et déformée, broyée par la poigne d’Erdoğan jusqu’à virer rouge vif, est devenu viral.

    Le soutien aux Kurdes sacrifié pour entrer dans l’OTAN

    Lorsque la Suède a officiellement effectué sa demande d’adhésion à l’Alliance militaire, en mai dernier, de nombreux pays de l’OTAN ont chaleureusement accueilli l’idée de sa participation. Difficile d’en dire autant de la Turquie, qui n’était guère enthousiaste. Les relations turco-suédoises ont en effet rarement été au beau fixe ces dernières décennies, la Turquie ayant toujours désapprouvé le soutien accordé par la Suède aux Kurdes et à leur lutte pour l’indépendance. Dans la mesure où chaque État-membre de l’OTAN dispose d’un droit de veto à l’adhésion d’un nouveau membre, Erdoğan a clairement indiqué son intention d’y avoir recours contre la Suède, qu’il accuse de soutenir des mouvements terroristes en Turquie.

    L’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie.

    Il a fallu attendre plusieurs semaines pour qu’Erdoğan revienne sur sa position, contre des concessions importantes. Finalement, un accord tripartite entre la Turquie, la Suède et la Finlande (les deux pays scandinaves ayant déposé leur demande d’adhésion en même temps) a été trouvé en juin. Celui-ci prévoit que les deux Etats d’Europe du Nord mettent un terme au soutien octroyé aux Unités de protection du peuple (YPG), la milice majoritairement kurde en Syrie, et au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le parti en lutte pour l’autonomie kurde dans les régions du Sud-Est de la Turquie et du Nord de l’Irak.

    Les deux pays ont également accepté d’accélérer le traitement des nombreuses demandes d’extraditions de la Turquie, qui concernent pour la plupart des Kurdes accusés de terrorisme ou d’association avec le PKK. Enfin, la Suède et la Finlande ont entériné la relance des exportations d’armes en direction de la Turquie « dans le cadre de la solidarité de l’Alliance ». Cette décision met un terme à l’embargo sur les armes que la Suède et la Finlande imposaient à la Turquie depuis 2019, date à laquelle les deux pays nordiques avaient refusé de continuer à produire des licences d’exportation d’armes vers la Turquie, suite à son offensive militaire contre les positions kurdes en Syrie.

    Le message adressé aux Kurdes, qu’ils se trouvent en Suède ou ailleurs, est clair : l’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie. Pour les nombreux Kurdo-Suédois membres du Parti social-démocrate ou de la gauche suédoise au sens large, il s’agit d’une trahison particulièrement cruelle. À peine deux ans auparavant, la ministre sociale-démocrate des Affaires étrangères de Suède, Ann Linde, publiait un tweet de soutien aux Kurdes et enjoignait la Turquie à retirer ses troupes du nord de la Syrie. Il y a encore un an, le gouvernement social-démocrate ne parvenait à se maintenir au pouvoir qu’en passant un accord avec la députée indépendante Amineh Kakabaveh , une ancienne combattante kurde des peshmergas.

    Par un concours de circonstances improbable, Kakabaveh avait été exclue du Parti de gauche (gauche radicale) et s’était retrouvée propulsée dans une position où elle était en mesure de faire et de défaire les majorités parlementaires. Les sociaux-démocrates n’ont alors eu d’autre choix que de quémander son vote tandis qu’en retour, la députée exigeait un soutien sans faille à l’indépendance kurde. Il en a résulté un accord entre la députée et le Parti, signé en novembre 2021. Suite à celui-ci, Erdoğan a alors accusé la Suède d’accueillir des terroristes kurdes « même au Parlement ». Mais tout a changé à partir de 2022. En août, Ann Linde comparait le drapeau du PKK à celui de Daech, tout en assurant à la Turquie que l’accord passé avec Kakabaveh était devenu caduc en juin, à l’issue de la session parlementaire suédoise.

    Le lent rapprochement de la Suède et de l’OTAN

    Sur le plan moral, la Suède paye donc un lourd tribut pour son adhésion à l’OTAN. En retour, elle espère obtenir de l’Alliance des garanties de sécurité que le statut d’État non-aligné ne lui donnait jusqu’alors pas la possibilité d’obtenir. C’est bien sûr l’aggravation de la situation sécuritaire en Europe depuis la guerre en Ukraine qui est convoquée pour appuyer l’idée que la Suède ne peut plus se passer de telles garanties. En effet, lorsqu’il est devenu clair, au printemps dernier, que la Finlande envisageait d’adhérer à l’OTAN [1], beaucoup de Suédois ont estimé que leur pays n’avait d’autre option que d’imiter son voisin, un partenaire militaire et stratégique majeur.

    La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN.

    Si le revirement est particulièrement fort au cours de la dernière année, le rapprochement entre la Suède et l’OTAN a débuté il y a déjà une trentaine d’années. Depuis les années 1990, la Suède a graduellement accru sa coopération avec l’OTAN en participant à des missions et à des exercices conjoints, notamment au Kosovo, en Afghanistan et en Libye. La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États-membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN [2]. Suite au traité de Lisbonne et à ses propres engagements unilatéraux, la Suède est de toute façon déjà tenue de soutenir la plupart des membres de l’OTAN en cas d’attaque (avec quelques exceptions notables, notamment les États-Unis, le Canada et la Turquie). Refuser l’adhésion à l’OTAN dans de telles circonstances n’aurait donc, selon certains, guère de sens. En effet, la Suède supporte déjà concrètement une grande partie des coûts et des risques associés à l’adhésion à l’OTAN (la Russie voit déjà clairement que la Suède s’est rangée parmi ses adversaires), sans pour autant recevoir de garanties de sécurité en retour.

    S’ils sont bien rodés, les arguments en faveur de l’adhésion méritent d’être nuancés. Les sanctions économiques très fortes et les importantes défaites militaires encourues par la Russie ont largement réduit sa capacité à mener une guerre conventionnelle. De plus, en dépit du choc que représente l’invasion de l’Ukraine, les velléités de la Russie d’envahir les pays de son voisinage étaient déjà évidentes depuis l’invasion de la Géorgie en 2008 et de la Crimée et de l’est de l’Ukraine en 2014. Si l’attaque à grande échelle lancée contre l’Ukraine en février 2022 a certes constitué une surprise pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout car elle a mis en évidence le fait que Vladimir Poutine était prêt à courir des risques bien plus importants qu’on ne le supposait.

    Un argument plus solide, utilisé notamment pour convaincre les Suédois de gauche opposés à l’OTAN qui ne considèrent pas que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait entraîné une hausse de la menace sécuritaire pour la Suède, est qu’une adhésion à l’Alliance constituerait un acte de solidarité à l’égard de la Finlande et des autres États baltes. Pour beaucoup, c’est justement en se refusant à entrer dans l’OTAN que la Suède adopterait une attitude moralement contestable. Néanmoins, le prix à payer pour une telle solidarité avec la Finlande et les États baltes est celui d’une rupture de la solidarité suédoise avec les Kurdes.

    Clôture du débat sur l’OTAN

    Pour la gauche suédoise, à peine le débat sur l’adhésion à l’OTAN avait-il commencé qu’il était déjà clôturé. Le Parti social-démocrate, le plus grand mouvement de gauche en Suède, a joué un rôle central dans ce processus. Historiquement, ce parti avait toujours été favorable à la politique de non-alignement militaire traditionnelle de la Suède [3].

    Début mars 2022, le Parti social-démocrate, à l’époque au gouvernement, repoussait encore fermement les avances de l’OTAN. Mais la situation a brutalement évolué. Le 16 mars, les sociaux-démocrates ont désigné un groupe de travail sur les questions de sécurité, en charge d’analyser la situation sécuritaire de la Suède et ses options politiques suite à l’invasion russe en Ukraine. Le 22 avril, ils initiaient un « dialogue interne » au sein du parti sur les questions de sécurité. Le 13 mai, le groupe de travail sur la sécurité a publié ses conclusions , où l’adhésion à l’OTAN est décrite comme une option avantageuse pour la Suède. Le 15 mai, les sociaux-démocrates se prononcent en faveur de l’adhésion . Trois jours plus tard, la Suède déposait sa demande officielle d’adhésion, en même temps que la Finlande.

    Le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections.

    Un revirement aussi rapide, en quelques semaines à peine, sans débat ni vote, sur une politique de non-alignement défendue depuis des décennies, a constitué un choc brutal pour de nombreux membres du parti. Mais c’est exactement ce que l’on pouvait être en droit d’attendre des sociaux-démocrates. Le Parti social-démocrate suédois (SAP), l’un des partis politiques les plus prospères de l’Europe post-Seconde Guerre mondiale ( de 1932 à 2022, le SAP n’a été que 17 ans dans l’opposition , ndlr), est structuré selon un centralisme vertical. Au moment où un revirement de l’opinion s’est fait sentir – les sondages d’opinion de mars montraient qu’une majorité de Suédois se prononçait, pour la première fois, en faveur d’une adhésion à l’OTAN – et à l’approche de nouvelles élections, les sociaux-démocrates n’ont pas tardé à réagir.

    La direction du parti craignait de perdre des électeurs tentés par la droite en s’opposant à l’adhésion à l’OTAN. À l’inverse, l’adhésion ne présentait qu’un faible danger sur le plan électoral : tout électeur déçu par ce revirement se tournerait vers le Parti de gauche ou les Verts, des petits partis sur lesquels les sociaux-démocrates s’appuient de toute façon pour former des coalitions. L’un des risques à être un parti prospère est, semble-t-il, la tendance à évoluer à l’aveugle, en suivant des stratégies électorales à court terme. Néanmoins, le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections. Même si leur positionnement favorable à l’adhésion à l’OTAN a entraîné une légère hausse des intentions de vote lors de la campagne, le bloc de gauche s’est trouvé incapable de former un gouvernement de coalition. À présent, la Suède est dirigée par une coalition de quatre partis de droite, dont le plus important est celui des démocrates suédois, un parti aux origines néonazies.

    La gauche non-alignée en difficulté

    Le Parti de gauche et les Verts ont conservé leur position anti-OTAN, mais leur critique de l’Alliance n’a pas été particulièrement virulente ni contraignante. Les deux partis sont, dans une certaine mesure, limités par le fait que les sociaux-démocrates sont, et ont toujours été, leur unique moyen d’accéder au pouvoir. Plusieurs figures des écologistes se sont publiquement prononcés en faveur de l’OTAN, tandis que le Parti de gauche ne s’est pas manifesté outre mesure pour critiquer l’Alliance lors de la campagne, comme si sa demande d’un référendum sur l’OTAN n’était plus d’actualité. Le Parti de gauche s’est également mis dans une position difficile en votant contre l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine en février, une décision accueillie avec indignation, y compris par des sections de la gauche anti-OTAN. Face aux critiques, la direction du parti a finalement changé de position quelques heures avant le vote .

    Le Parti de gauche et les Verts avaient intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates.

    Mais à ce stade, le mal était déjà fait. Pour le grand public, la solidarité de la gauche avec l’Ukraine se cantonne à des discours sans substance. Au cours des mois qui ont suivi, il est devenu de plus en plus difficile de se positionner en faveur d’un soutien à l’Ukraine tout en demeurant farouchement opposé à l’OTAN. Sans oublier que de nombreux activistes et personnalités politiques de gauche étaient trop occupés à lutter contre les néonazis dans leur propre pays pour s’inquiéter du rôle joué par la Suède vis-à-vis de l’impérialisme américain ou du nationalisme turc sur la scène internationale.

    La demande d’adhésion de la Suède auprès de l’OTAN a ouvert une plaie béante au sein de la gauche suédoise. Cette plaie semble pourtant s’être déjà refermée, comme si rien ne s’était passé. Le Parti de gauche et les Verts avaient de toute façon intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates. Avec l’accord tripartite signé entre la Turquie et le nouveau gouvernement de droite, qui est encore moins opposé que les sociaux-démocrates à l’extradition des Kurdes vers la Turquie, les obstacles à l’adhésion de la Suède à l’OTAN sont de moins en moins nombreux.

    Pour la gauche suédoise, qu’elle soit favorable ou non à l’OTAN, la nouvelle situation nécessite à présent un changement de perspective. L’une des objections les plus solides que la gauche suédoise oppose à l’OTAN est que l’Alliance ne remplit pas le rôle de défense collective qu’elle prétend jouer. De trop nombreuses missions de l’OTAN, comme les opérations en Afghanistan et en Libye, ont tellement dérogé à leur objectif initial que les prétentions de l’Alliance ne sont plus que des écrans de fumée.

    La Suède comme la Finlande sont en général fermement opposées au recours aux forces militaires de l’OTAN dans des opérations en dehors des frontières de l’Alliance pour des raisons qui ne sont pas étroitement liées à l’autodéfense collective (même s’il faut noter que les deux États ont participé aux opérations en Afghanistan, et que la Suède était présente en Libye). Aux yeux de certains, l’intégration probable dans l’Alliance atlantique permettra à la diplomatie de la Suède et de la Finlande de contrecarrer ses menées militaires… à moins qu’elle n’entraîne l’érosion de leur autonomie décisionelle.

    Notes :

    [1] La Finlande partage une frontière de 1 340 km avec la Russie et le souvenir de l’invasion soviétique de 1939 demeure un événement important dans la culture nationale.

    [2] A l’exception de la Finlande et de la Suède, en cours d’adhésion, seuls l’Autriche et l’Irlande sont membres de l’UE mais pas de l’OTAN.

    [3] Si la Suède se déclarait jusqu’à récemment non-alignée, la neutralité a elle été définitivement enterrée en 1995 lors de l’adhésion de la Suède à l’Union européenne. Les deux statuts ne signifient pas la même chose : la neutralité implique de ne prendre aucune position dans aucun conflit, tandis que le non-alignement suppose seulement de ne pas être membre de tel ou tel camp.

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      Otan: la Turquie lève son veto à l'entrée de la Suède et de la Finlande

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 28 June, 2022 - 20:05 · 2 minutes

    Otan: la Turquie lève son veto à l'entrée de la Suède et de la Finlande (Le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan, son homologue finlandais Sauli Niinisto et la Première ministre suédoise Magdalena Andersson et leurs ministres des Affaires étrangères respectifs. Par AP Photo/Bernat Armangue) Otan: la Turquie lève son veto à l'entrée de la Suède et de la Finlande (Le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan, son homologue finlandais Sauli Niinisto et la Première ministre suédoise Magdalena Andersson et leurs ministres des Affaires étrangères respectifs. Par AP Photo/Bernat Armangue)

    INTERNATIONAL - Obstacle depuis la mi-mai à l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan, la Turquie a fini par lever son veto ce mardi 28 juin au soir, ont annoncé l’Alliance et les trois pays.

    “Je suis ravi d’annoncer que nous avons un accord qui ouvre la voie à l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’Otan” et qui répond aux “ inquiétudes de la Turquie sur les exportations d’armes et sur la lutte contre le terrorisme”, a déclaré le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg.

    Les pays de l’Otan vont donc pouvoir “inviter” officiellement mercredi ces deux pays nordiques à rejoindre l’Alliance, a-t-il ajouté.

    Un ”élan puissant” à l’unité occidentale

    Cet accord, confirmé en premier lieu par la présidence finlandaise, est intervenu après plusieurs heures de discussions, dans le palais des congrès où se déroule le sommet jusqu’à jeudi, entre le président turc Recep Tayyip Erdogan , son homologue finlandais et la Première ministre suédoise, avec Jens Stoltenberg comme médiateur.

    À l’issue de ces négociations, les trois dirigeants ont signé cet accord en présence du secrétaire général de l’Otan. L’adhésion de la Suède va “renforcer la sécurité de la Suède et du peuple suédois dans cette période trouble”, s’est félicitée la Première ministre suédoise Magdalena Andersson.

    Le feu vert turc à leur entrée dans l’Otan donne un ”élan puissant” à l’unité occidentale, a déclaré un haut responsable de la Maison blanche.

    Pour le Premier ministre britannique Boris Johnson, “l’adhésion de la Suède et de la Finlande va rendre notre brillante alliance plus forte et plus sûre”.

    À voir également sur Le HuffPost: Guerre en Ukraine: Les coulisses du départ des militaires français en Roumanie

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      « L’OTAN a tout à gagner avec nous » : la Finlande, un champion cyber déterminé à entrer dans l’Alliance

      news.movim.eu / Numerama · Tuesday, 28 June, 2022 - 09:54

    La Finlande est l'un des États les mieux formés au numérique et à la cyber en Europe. Le pays nordique met en avant cet atout dans sa candidature à l'OTAN. Reportage à Helsinki, où Numerama s'est rendu pour comprendre ce qui différencie la Finlande des autres pays dans ce domaine. [Lire la suite]

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      Guerre en Ukraine: Le gaz russe coupé en Finlande, "feu intense" sur le Donbass

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 21 May, 2022 - 08:43 · 5 minutes

    Photo prise le 12 mai 2022 montrant des tuyaux de gaz à l'usine de Gasum à Raikkola en Finlande. Photo prise le 12 mai 2022 montrant des tuyaux de gaz à l'usine de Gasum à Raikkola en Finlande.

    GUERRE EN UKRAINE - L’aciérie Azovstal, dernier bastion défendu par les forces ukrainiennes à Marioupol, est passée vendredi sous contrôle russe . Dans le même temps, l’approvisionnement en gaz naturel de la Finlande par la Russie a été interrompu ce samedi 21 mai.

    Au 87e jour de la guerre en Ukraine, le Donbass est toujours sous le feu des des bombardements russes et les forces ukrainiennes constatent “des signes d’aggravation”. Le HuffPost fait le point sur la situation.

    • La Russie coupe ses livraisons de gaz à la Finlande

    Le géant russe de l’énergie Gazprom a annoncé ce samedi avoir suspendu toutes ses livraisons de gaz à la Finlande , conséquence du refus d’Helsinki de le payer en roubles.

    Gazprom n’ayant pas reçu de paiement en roubles de la compagnie énergétique publique finlandaise Gasum à la date butoir du 20 mai, a “complètement arrêté ses livraisons de gaz”, a affirmé le groupe russe dans un communiqué. Le groupe russe indique avoir fourni 1,49 milliard de mètres cube de gaz naturel à la Finlande en 2021 soit les deux tiers de la consommation du pays.

    Après le début de l’opération militaire russe en Ukraine le 24 février et l’imposition de sanctions occidentales, le président russe Vladimir Poutine avait réclamé le 31 mars aux acheteurs de gaz russe de pays “inamicaux” de payer en roubles depuis des comptes en Russie sous peine d’être privés d’approvisionnements.

    Le gaz naturel ne représente toutefois que 8% de l’énergie consommée en Finlande et le pays nordique a indiqué compter sur d’autres sources d’approvisionnement. Une semaine plus tôt, la Russie avait déjà coupé sa livraison d’électricité à la Finlande, peu de temps après que Helsinki ait officialisé sa volonté d’adhésion à l’Otan dans le contexte de la guerre en Ukraine

    • Le Donbass sous “un feu intense”

    Après avoir échoué à prendre Kiev et Kharkiv, la deuxième ville ukrainienne (nord-est), la Russie concentre ses efforts militaires dans l’Est et le Sud. Moscou cherche notamment à conquérir totalement le Donbass , partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses.

    “Les forces d’occupation russe mènent un feu intense sur toute la ligne de front”, a déclaré le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense Oleksandre Motouzianyk, ajoutant que la situation “montrait des signes d’aggravation”.

    Carte de la situation en Ukraine au 20 mai à 7 heures GMT. Carte de la situation en Ukraine au 20 mai à 7 heures GMT.

    “C’est l’enfer” dans le Donbass, où est en cours une bataille d’artillerie lourde, avait déclaré jeudi soir le président ukrainien. Ses services ont signalé vendredi matin des bombardements sur un axe allant du nord-est au sud du pays.

    Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a de son côté assuré que la conquête de la région de Lougansk, qui avec celle de Donetsk constitue le Donbass, était “presque achevée”.

    A Lozova, une ville de l’Est, au moins huit personnes dont un enfant ont été blessées par une frappe de missile russe sur un centre culturel fraîchement reconstruit, ont annoncé vendredi des responsables ukrainiens.

    • Pas une reddition mais un “sauvetage” à Azovstal

    Le complexe sidérurgique Azovstal à Marioupol, ultime poche de résistance dans ce port stratégique sur la mer d’Azov, est “passé sous le contrôle complet des forces armées russes” après la reddition des derniers soldats ukrainiens, a indiqué vendredi soir le porte-parole du ministère russe de la Défense, précisant que la nouvelle avait été transmise au président russe Vladimir Poutine.

    “Le commandement militaire supérieur a donné l’ordre de sauver les vies des militaires de notre garnison et d’arrêter de défendre la ville”, avait affirmé dans la journée dans une vidéo sur Telegram le commandant du régiment Azov, Denys Prokopenko, un large pansement au bras droit et le gauche tuméfié, depuis ce qui semblait être un local souterrain.

    Kiev récuse le terme de reddition, Volodymyr Zelensky évoquant “le sauvetage de nos héros”. L’armée russe a publié vendredi soir des images qu’elle a présentées comme étant celles de la fouille de combattants ukrainiens désarmés par des soldats russes.

    Des membres du service des forces armées ukrainiennes, qui se sont rendus à l'aciérie assiégée d'Azovstal à Marioupol, assis dans un bus, lors de leur arrivée sous escorte de l'armée pro-russe dans la colonie d'Olenivka dans la région de Donetsk ce vendredi 20 mai.  Des membres du service des forces armées ukrainiennes, qui se sont rendus à l'aciérie assiégée d'Azovstal à Marioupol, assis dans un bus, lors de leur arrivée sous escorte de l'armée pro-russe dans la colonie d'Olenivka dans la région de Donetsk ce vendredi 20 mai.

    L’Ukraine espère échanger des prisonniers de guerre mais la Russie a fait savoir, visant implicitement le régiment Azov, qu’elle considérait une partie d’entre eux comme des combattants “néonazis”. Le Comité international de la Croix-Rouge a exhorté les deux parties à lui accorder l’accès aux prisonniers de guerre et aux internés civils, “où qu’ils soient détenus”.

    • Pour Zelensky, la diplomatie comme seul moyen d’arrêter la guerre

    La guerre en Ukraine ne peut prendre fin que par des biais “diplomatiques”, a assuré ce samedi 21 mai le président ukrainien Volodymyr Zelensky, alors que les négociations entre Moscou et Kiev sont dans l’impasse. ”La guerre “sera sanglante, ce sera des combats, mais elle prendra fin définitivement via la diplomatie” , a-t-il déclaré lors d’un entretien à une chaîne télévisée ukrainienne.

    “Il y a des choses que nous ne pourrons pas atteindre qu’à la table des négociations. Nous voulons que tout revienne (comme avant)”, ce que “la Russie ne veut pas”, a-t-il ajouté, sans donner plus de détails. Mardi, un conseiller du président ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, avait indiqué que les pourparlers entre Moscou et Kiev étaient “en pause” , estimant que Moscou ne faisait preuve d’aucune “compréhension” de la situation.

    Le lendemain, le Kremlin avait accusé l’Ukraine d’“absence totale de volonté” de négocier avec la Russie pour mettre fin à l’invasion de l’Ukraine, lancée le 24 février.

    À voir également sur Le HuffPost: Ce lapsus de George W. Bush entre Irak et Ukraine n’est pas passé inaperçu

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      Guerre en Ukraine: la Suède va aussi demander à adhérer à l'Otan

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 16 May, 2022 - 13:27

    La Première ministre suédoise Magdalena Andersson, à droite, et le chef du Parti modéré, Ulf Kristersson, lors d'une conférence de presse à Stockhom où le gouvernement suédois a décidé de demander son adhésion à l'OTAN. La Première ministre suédoise Magdalena Andersson, à droite, et le chef du Parti modéré, Ulf Kristersson, lors d'une conférence de presse à Stockhom où le gouvernement suédois a décidé de demander son adhésion à l'OTAN.

    GUERRE EN UKRAINE - Stockholm suit Helsinki. La Suède va demander son adhésion à l’Otan , a annoncé officiellement ce lundi 16 mai la Première ministre Magdalena Andersson, évoquant une nouvelle ”ère” pour le pays scandinave dans le contexte de la guerre en Ukraine .

    “Le gouvernement a décidé d’informer l’ Otan de la volonté de la Suède de devenir membre de l’alliance”, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse. “Nous quittons une ère pour entrer dans une nouvelle”, selon la dirigeante suédoise.

    Plus d’informations à venir...

    À voir également sur Le HuffPost : Ukraine: l’armée française ravitaille des avions de l’Otan en plein vol, au-dessus de la Pologne