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      Le nouveau gouverneur de Pennsylvanie met fin au culte des diplômes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 25 January, 2023 - 03:40 · 5 minutes

    Par Scott Shackford.

    Si le premier acte d’un nouveau gouverneur donne le ton de son administration, Josh Shapiro, le gouverneur de Pennsylvanie, a clairement indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’aider les organismes gouvernementaux de réglementation et d’éducation à renforcer les exigences en matière de licences et de diplômes pour les personnes à la recherche d’un emploi.

    Le Démocrate Shapiro a prêté serment mardi. Son premier décret publié mercredi a été d’annoncer l’ouverture de milliers d’emplois du gouvernement de Pennsylvanie aux personnes sans diplôme universitaire.

    « À compter d’aujourd’hui, 92 % de tous les emplois du Commonwealth ne nécessitent pas un diplôme de quatre ans, ce qui équivaut à peu près à 65 000 emplois. Conformément à l’engagement de cette administration de mettre l’accent sur les compétences et l’expérience, les offres d’emploi commenceront par l’expérience équivalente requise au lieu d’un diplôme universitaire, dans la mesure du possible. »

    Pour les 8 % d’emplois restants, il ordonne au secrétaire d’administration de la Pennsylvanie d’examiner lesquels pourraient être révisés pour permettre à l’expérience pratique de servir de substitut à un diplôme universitaire.

    Monsieur Shapiro a déclaré mercredi :

    « Chaque Pennsylvanien devrait avoir la liberté de tracer sa propre voie et avoir une réelle opportunité de réussir. Il devrait pouvoir décider de ce qui est le mieux pour lui – qu’il veuille aller à l’université ou entrer directement dans la vie active – et non pas que l’on décide pour lui ».

    Il n’est pas anodin que M. Shapiro choisisse cette voie après avoir battu à plate couture le sénateur républicain Doug Mastriano lors des élections de novembre. Les liens étroits du Parti démocrate avec les syndicats de l’éducation et les administrations des collèges signifient souvent que les politiciens font pression pour que davantage d’étudiants aillent à l’université. La réponse typique des Démocrates à la demande croissante de diplômes universitaires sur le marché du travail (et à l’augmentation des coûts de l’université) a été des programmes fiscalement irresponsables tels que l’annulation des prêts et l’augmentation des subventions gouvernementales (jusqu’à la gratuité de l’université ), injectant davantage d’argent des contribuables dans le système et dans les poches de ceux qui le contrôlent.

    Il est donc remarquable qu’un gouverneur démocrate se retourne et dise : « Vous savez quoi ? Nous n’avons pas besoin d’envoyer tout le monde à l’université pour qu’ils réussissent. » Le premier acte de Shapiro a attiré l’attention positive de Nate Hochman à la National Review qui apprécie les contre-mesures au problème très réel de « l’inflation des diplômes » aux États-Unis.

    L’augmentation de la part des emplois américains qui requièrent un diplôme universitaire de quatre ans est en partie due à l’abandon des industries basées sur la main-d’œuvre physique au profit des économies de l’information et de la connaissance. Mais elle est également due à une tendance culturelle et politique erronée et souvent toxique qui consiste à considérer les diplômes universitaires comme une condition préalable à la participation à la vie publique américaine. Les technocrates du centre-droit et du centre-gauche partent souvent du principe erroné que l’objectif central de la politique d’éducation américaine devrait être d’inscrire le plus grand nombre possible de jeunes Américains dans des programmes de quatre ans plutôt que d’ouvrir d’autres voies et modèles de réussite.

    Une étude largement citée de la Harvard Business School datant de 2017 explique comment les employeurs (publics et privés) ont de plus en plus exigé des diplômes d’études supérieures aux candidats à des emplois, même lorsqu’ils ne sont pas requis et que les travailleurs exercant déjà à ce poste ne sont pas diplômés. Le rapport prend pour exemple le poste de superviseur des travailleurs de la production. Les chercheurs ont examiné les offres d’emploi actuelles pour cet emploi et ont constaté que 67 % d’entre elles exigeaient un diplôme universitaire pour être prises en considération. Mais ils ont également constaté que seulement 16 % des personnes qui occupaient déjà ce poste étaient diplômés. Toutes ces personnes faisaient-elles un travail pour lequel elles n’étaient pas qualifiées ? Probablement pas.

    La décision de Shapiro fait suite à des réformes similaires de l’ancien gouverneur du Maryland, Larry Hogan, et de l’actuel gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, tous deux Républicains, ce qui souligne une fois de plus l’importance du fait qu’il s’agit du premier acte majeur de Shapiro. Sans surprise, l’affilié CBS de Pittsburgh rapporte que le chef de la majorité républicaine du Sénat de l’État, Joe Pittman, est satisfait de l’acte de Shapiro, déclarant que « le décret du gouverneur Shapiro visant à élargir les possibilités d’emploi pour les postes au sein du gouvernement de l’État est un pas dans la bonne direction. »

    Hochman aimerait voir d’autres gouverneurs adopter ou même s’inspirer de cette victoire politique facile :

    « Par exemple, pourquoi ne pas exiger que les contractants du gouvernement éliminent les pratiques inutiles et lourdes en matière d’accréditation ? Ou bien accorder des allégements fiscaux et d’autres incitations aux entreprises privées qui les suppriment ? »

    Il serait préférable que le gouvernement ne joue aucun rôle dans la détermination du niveau d’éducation qu’un employeur privé exige de ses employés potentiels. Il existe des signaux du marché qui peuvent réellement aider à résoudre le problème de « l’inflation des diplômes », comme le note l’étude de Harvard :

    « Le fait de rechercher des diplômés de l’enseignement supérieur rend de nombreux emplois de qualification moyenne plus difficiles à pourvoir, et une fois embauchés, les diplômés de l’enseignement supérieur présentent des taux de rotation plus élevés et des niveaux d’engagement plus faibles. »

    Il existe des moyens pour les entreprises de reconnaître un déséquilibre dans les demandes de titres de compétences qui ne nécessitent pas du tout l’intervention des gouverneurs ou des législateurs. Lorsque nous discutons de l’élimination des décrets gouvernementaux oppressifs en matière de titres de compétences, ne les remplaçons pas par d’autres types d’exigences.

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      Trop de fonctionnaires, c’est trop d’impôts

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 19 January, 2023 - 04:10 · 3 minutes

    Clémenceau disait :

    « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ».

    En effet plus il y a de fonctionnaires, plus il y a d’ impôts . Diminuer le nombre des fonctionnaires est un moyen efficace pour diminuer les impôts.

    Mais ce n’est pas facile. Car les fonctionnaires savent défendre leurs avantages : emploi à vie, études supérieures gratuites (et même rémunérées), avancement à l’ancienneté, temps de travail réduit, retraites avancées et plus élevées (75 % de la moyenne des six derniers mois contre 50 % des dix meilleures années ; régime exclusif de capitalisation pour les primes), logements publics attribués en priorité, vacances subventionnées, etc.

    Pour défendre ces privilèges il faut minimiser les statistiques sur le nombre de fonctionnaires. Le chiffre le plus cité sur le nombre total des fonctionnaires est de 5,6 millions.

    Ce chiffre est faux.

    Il exclut de la fonction publique les salariés des « opérateurs de l’État » qui, sans être officiellement fonctionnaires, bénéficient des privilèges cités ci-dessus : personnel des universités et grandes écoles publiques , d’organismes de recherche comme le CNRS ou le CEA, de la météo, de Pôle emploi, des musées, des agences régionales de santé, etc. Leur nombre est fourni par une annexe au budget de l’État consacrée aux opérateurs de l’État : 492 000 pour le budget 2023.

    Des salariés comme ceux de la Sécurité sociale et des établissements d’enseignement privé sous contrat qui bénéficient d’avantages proches de ceux des fonctionnaires sont aussi exclus des statistiques.

    Une autre annexe au budget en donne une estimation pour 2023, sous la rubrique « organismes privés à financement public prédominant » : 2 % de l’emploi total, soit 560 000.

    En 2009 cette annexe donnait pour cette catégorie 2,7 % de l’emploi total, soit 200 000 de plus et 1,4% en 2015, soit 170 000 de moins. Ces fluctuations montrent qu’il n’est pas facile d’estimer le nombre des salariés d’organismes privés à financement public prédominant, en particulier pour les associations, qui emploient 1,8 million de salariés, les plus importantes étant financées à plus de 50 % par les pouvoirs publics.

    On arrive ainsi à un total de 5,6 + 0,49 + 0,56 = 6,65 millions.

    Une partie des salariés de La Poste et d’Orange (anciennement France-Telecom) bénéficient d’un statut de fonctionnaire sans être inclus dans les statistiques de la fonction publique.

    On pourrait y ajouter le personnel des entreprises détenues à 100 % par l’État, comme EDF , la SNCF , la RATP .

    Au total l’emploi public français peut être estimé à plus de 7 millions.

    Les fonctionnaires allemands sont 4,5 millions, ce qui correspondrait pour la France, à population égale, à 4,5 x 67/83 = 3,6 millions, soit une différence de 3,4 millions avec la France.

    Certes les deux pays sont différents et les comparaisons difficiles. Mais les autoroutes sont publiques en Allemagne, comme la distribution d’eau, l’assainissement et la plupart des maisons de retraite. Ce qui justifierait un plus grand nombre de fonctionnaires.

    La différence avec la France s’explique notamment par le temps de travail des fonctionnaires français : plus court dans la semaine, dans l’année et dans la vie avant la retraite, au total inférieur d’environ 30% à celui des fonctionnaires allemands.

    Pour combler une partie de cette différence il faudrait aligner les horaires et retraites de nos fonctionnaires sur ceux des Allemands. On pourrait alors réduire les effectifs. D’après l’INSEE en tenant compte des renouvellements de contrats la France embauche chaque année 450 000 fonctionnaires. Un gel des embauches, comme l’ont fait les Anglais, les Canadiens, les Italiens, rapprocherait nos effectifs de fonctionnaires de ceux des Allemands.

    Alors, comme le constatait Clemenceau, les impôts pourraient baisser.

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      Hausse des salaires des fonctionnaires le 1er juillet, une première depuis 5 ans

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 28 June, 2022 - 08:00 · 1 minute

    Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.

    SALAIRES - Bonne nouvelle pour les fonctionnaires. Le salaire des 5,7 millions d’ agents publics va être revalorisé de 3,5% dès le 1er juillet, a annoncé ce mardi 28 juin le ministère de la Fonction publique à l’AFP.

    Ces 3,5%, qui constituent selon le ministère la plus forte hausse en pourcentage depuis 37 ans, “s’additionnent” à l’augmentation moyenne d′1,5% constatée chaque année sur les traitements des fonctionnaires et contractuels. Ils représentent, de même source, un coût total de 7,5 milliards d’euros réparti entre l’État et les collectivités.

    “1 mois après ma nomination, je m’engage à prendre des décisions fortes pour protéger le pouvoir d’achat des agents de la #FonctionPublique . Elles sont le fruit de mes échanges avec les représentants des organisations syndicales & des employeurs des trois fonctions publiques”, s’est félicité le ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques Stanislas Guérini .

    “L’augmentation du point d’indice de 3,5%, additionnée aux augmentations individuelles moyennes de 1,5% par an représente donc une progression moyenne de 5% de la rémunération des agents de la fonction publique”, détaille-t-il.

    >Plus d’informations à suivre...

    À voir également aussi sur le Huffpost: Salaires, retraites, urgence écologique, contre Macron...: voici pourquoi ils manifestent ce 1er-mai

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      « Nous Français, avons la meilleure administration du monde »

      Pierre-Joseph d’Haraucourt · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 03:40 · 5 minutes

    Par Pierre-Joseph d’Haraucourt.

    En 1980, le secrétaire d’État à la fonction publique, Jacques Dominati , estimait que nous possédions, nous Français, la meilleure administration du monde. La preuve : des délégations étrangères défilaient sans cesse dans notre pays pour prendre modèle.

    Quarante années plus tard, son lointain successeur ne pourrait tenir les mêmes propos sans déclencher l’hilarité générale, les nombreux exemples récents étant suffisamment éloquents.

    Que s’est-il donc passé ?

    Comme dans toute organisation, il faut s’intéresser à ce qui se passe en haut de la pyramide.

    Jusque dans les années 1970, les jeunes gens ambitieux avaient comme modèles ces grands fonctionnaires qui avaient reconstruit la France après la Seconde Guerre mondiale puis qui l’avaient modernisée.

    Pour ne citer que quelques exemples : Louis Armand pour le transport ferroviaire, Pierre Guillaumat pour le pétrole et l’énergie atomique, Pierre Massé pour l’électricité, Paul Delouvrier pour les infrastructures et les villes nouvelles, Maurice Lauré pour la banque, plus tard Gérard Théry pour les télécommunications. Tous étaient de véritables bâtisseurs. Ils alliaient expertise technique et même scientifique, créativité et compétence managériale. On pouvait les qualifier au risque de l’oxymore, d’entrepreneurs publics.

    On cherche en vain aujourd’hui chez les hauts fonctionnaires ce type de profils emblématiques. Récemment, l’un d’entre eux, un des plus capés, Jean-Pierre Jouyet, qui a occupé tous les postes prestigieux de la République, vient de publier ses mémoires, L’envers du décor .

    On s’attendait à ce qu’un acteur et témoin privilégié de ce calibre remette en perspective tous les événements qu’il a vécus, les missions qu’il a ou aurait menées à bien, et en livre les clés pour mieux les comprendre. Hélas, il ne s’agit que de chroniques de Cour.

    Les étudiants des années 2010 qui ont encore le sens de service public n’ont plus de modèles à qui ils pourraient s’identifier.

    Les raisons connues de cette baisse de niveau

    Les privatisations, les délégations de service public, les conséquences de la RGPD de 2007 – excellente initiative sous-estimée, les résultats ne pouvant s’apprécier que sur le long terme- sont souvent mises en avant. Elles sont parcellaires.

    D’abord, en 40 ans, les différences de rémunérations entre les secteurs publics et privés se sont considérablement accrues. La mondialisation des grandes entreprises aidant, les salaires et autres avantages financiers des PDG se rapprochant des standards mondiaux, il a bien fallu faire de même pour leurs collaborateurs et de proche en proche, pour l’ensemble de l’encadrement supérieur.

    Par ailleurs, l’État, et c’est une bonne chose, s’est progressivement mué de maître d’œuvre à maître d’ouvrage. L’exemple de la Délégation Générale de l’Armement, administration de qualité qui a permis le renouveau de la production d’armement français sous les Quatrième et Cinquième Républiques est éclairant. De producteur et concepteur d’armes avec ses usines, laboratoires et centre d’essais, elle est devenue maitre d’ouvrage, c’est-à-dire spécificateur d’armes et de systèmes d’armes.

    À noter d’ailleurs que ce désengagement bienvenu de l’État ne s’est pas accompagné d’une baisse des effectifs de la fonction publique mais c’est un autre sujet, abondamment traité par les contributeurs de Contrepoints.

    Imaginons donc le cas d’un jeune ingénieur de l’armement.

    Il a le choix entre rester à la DGA, pour définir, spécifier, suivre les délais et les coûts des systèmes dont il est en charge, bref rester au balcon, ou se faire embaucher dans le privé pour contribuer à les réaliser dans les bureaux d’étude et les usines, et cela pour un salaire très supérieur à son traitement et avec une satisfaction intellectuelle supérieure. Si, de plus, il a le sens du service public, il pourra à juste titre considérer qu’il y sert mieux la collectivité nationale.

    À partir de 35 ans, les meilleurs fonctionnaires sont dans le privé

    Tous les DRH le savent. À plus de 35 ans, les meilleurs des fonctionnaires sont dans le privé. Bien sûr, cette appétence pour le privé ne concerne pas ceux en charge du régalien : militaires, diplomates, préfets, policiers, magistrats, professeurs, etc. Mais dans ces cas, il s’agit souvent de vocations, de métiers parfois prestigieux avec de vrais pouvoirs.

    Ce constat ne concerne pas non plus les fonctionnaires passés dans le privé et qui reviennent plus tard pour occuper de très hautes fonctions dans le cœur du réacteur nucléaire de l’exécutif.

    Face à cela, certains libéraux s’en félicitent. Cela ne peut que contribuer à l’affaiblissement de la sphère étatique. Mais c’est oublier que si ces fonctionnaires en place n’ont plus la capacité à avoir un rôle de locomotives, ils conservent néanmoins le pouvoir d’empêcher ou de ralentir.

    Il y a peu de solutions évidentes. Augmenter les rémunérations serait illusoire et aurait un effet boule de neige sur l’ensemble de la grille salariale de la fonction publique. Pas vraiment opportun !

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration

    Einstein disait qu’un problème sans solution est un problème mal posé. C’est vrai dans le domaine des sciences dures ; dans celui des organisations humaines, beaucoup moins. En tout cas, il est plus important d’essayer de trouver des solutions à celui-ci que de vouloir à tout prix revenir sur les principes de l’article 6 la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 postulant que « tous les citoyens sont également admissibles à tous emplois publics et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration, sentiment maintenant partagé par la majorité de nos concitoyens.

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      Bureaucratie contre terrorisme : le match perdu d’avance

      Claude Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 22 October, 2020 - 03:15 · 7 minutes

    Par Claude Robert.

    En France, le déni de la classe politico-médiatique est tel qu’évoquer la montée de l’insécurité a toujours soulevé les qualificatifs les plus méprisants du moment. Avec l’évidente multiplication des actes, parmi lesquels la récente et abjecte décapitation d’un professeur , ce problème d’insécurité est à présent bien plus qu’encombrant. Mais comment, chez notre élite administrative qui n’a qu’une vision très distanciée, la collision avec le réel pourrait-elle provoquer un choc opérationnel ?

    Ce choc n’aura vraisemblablement pas lieu. Pour deux raisons aussi dramatiques l’une que l’autre :

    • la capacité de déni de notre caste au pouvoir atteint des sommets vertigineux, des sommets à la hauteur desquels l’idéologie remplace l’objectivité, la rhétorique et les symboles remplacent l’action ;
    • le profil même des membres de cette caste, tous issus d’une sélection et d’une cooptation dangereusement endogames, constitue le rempart le plus solide contre toute prise de conscience salutaire.

    L’élite politique française, ou la fuite dans la dialectique

    Ces quelques postures choisies parmi tant d’autres en disent tellement long :

    -au lendemain de l’attentat de Trèbes, le président Emmanuel Macron s’affiche dans les salons de l’Elysée en compagnie de l’Imam du Danemark ;

    -à peine élu ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti visite les prisons pour s’assurer des bonnes conditions de détention de nos prisonniers ;

    -très récemment, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin évoque dans une interview la menace des suprémacistes blancs.

    En toute logique, le comportement de Macron, Dupont-Moretti et Darmanin devrait s’interpréter de cette façon :

    -les minorités musulmanes sont victimes de violences de la part de la population française historique et il est donc important de montrer un exemple d’ouverture et de tolérance ;

    -la France maltraite ses prisonniers, voire remplit ses prisons de façon abusive, pour un oui pour un non, il est donc urgent de mettre fin à ces injustices ;

    -en France, deux camps s’affrontent avec une égale violence : les suprématistes blancs et les islamistes, il ne s’agit surtout pas d’en punir un plus que l’autre.

    Or, dans le premier cas, les auteurs du carnage n’étaient pas du tout des chrétiens. Dans le second, à force de ne pas vouloir stigmatiser certaines minorités et par manque de moyens, la France semble n’enfermer des détenus que lorsqu’elle ne peut vraiment pas faire autrement.

    Enfin, dans le troisième, il n’y a aucune menace émergente de ce type-là, si ce n’est dans l’imagination d’un ministre qui, pour des raisons idéologico-politiques, ne veut surtout pas chatouiller la susceptibilité d’une communauté qu’il ne faut pas nommer.

    Plus tard, les livres d’histoire feront certainement beaucoup rire (ou pleurer) sur cette actuelle propension à ne pas vouloir regarder la réalité en face, et à lui affubler des qualificatifs les plus fantasques afin d’en dissimuler les aspérités.

    N’est-il pas incroyable en effet que dans son discours sur le projet de loi contre ce qu’il qualifie de « séparatisme islamique », début octobre, le président n’ait même pas prononcé une seule fois le mot « immigration » ?

    Quant à cette appellation de « séparatisme », n’est-ce pas du camouflage pur et dur ? Ce que le Larousse définit comme une « tendance à sortir d’un ensemble national et à former une entité politique distincte de l’État d’origine » n’a en effet rien à voir avec les tentatives d’imposer la loi religieuse et la terreur en remplacement de la loi de la république.

    Quelle est donc la nature des motivations du gouvernement ? Ménager l’électorat musulman ? Dissoudre les ferments de la nation française au sein d’un ensemble multiculturel chaotique ? En découdre avec les traditions chrétiennes bourgeoises qui faisaient l’art de vivre du pays ?

    On ne saura sans doute jamais. Une chose est sûre cependant : à l’instar de ses prédécesseurs, mais avec un bien meilleur talent de magicien du verbe, Macron n’a pas vraiment fait la démonstration d’un immense pragmatisme face à la montée de l’insécurité. Ce sont encore et toujours les postures idéologiques qui prévalent.

    Et à chaque nouveau coup de boutoir d’un réel toujours plus désagréable, car nous sommes pris dans un processus d’escalade, la classe politico-médiatique nous gratifie d’un déferlement toujours plus exubérant de symboles : hommages posthumes, funérailles nationales, éloges enflammés, minutes de silence, cérémonies de commémoration, décorations et honneurs rétroactifs exceptionnels… Faut-il pourtant le rappeler : rien ne permet de ressusciter les victimes. Lorsque le crime a été commis, il est tout simplement trop tard.

    L’élite politico-médiatique française, ou la toxique endogamie

    Il y a déjà plus de 40 ans, Michel Crozier , sociologue des organisations, fustigeait ce qu’il appelait « la sélection de l’élite française ». Lui-même ancien juré de l’ENA, il avait déclaré : « je n’ai jamais rencontré des étudiants aussi fermés intellectuellement » et militait pour sa « fermeture immédiate ». Cela se passait à la fin des années 70 !

    Depuis, l’école existe toujours. Elle administre avec luxe, calme et volupté le puissant déclin industriel du pays, ce pays qui a perdu la moitié de son industrie en à peine plus de 20 ans, ce pays qui est passé de la 5 ème à la 25 ème place mondiale en matière de richesse per capita. Non seulement rien a changé depuis les propos de Michel Crozier, mais le premier président à s’être engagé à mettre un terme à cette école aux résultats funestes ne cesse de s’entourer de ses diplômés. L’un chasse l’autre, notamment chez ses premiers ministres successifs.

    L’inclination pour l’administration est telle que Macron se targue de vouloir réformer la « sélection de la haute fonction publique ». Ainsi, devons-nous comprendre que le pilotage du pays doit rester l’apanage du fonctionnaire.

    Il n’est même pas venu à l’idée du président d’imaginer une absence de filière, ce qui permettrait pourtant d’assurer une totale diversité des profils… Et avec un peu de chance, la possibilité de recruter des personnalités de la société civile, sur la base de leur réussite en entreprise, meilleur gage d’une quelconque efficacité !

    Quasi courtelinesque, ce déterminisme administratif est hélas profondément enraciné dans les mentalités du pouvoir. L’actuel ministre de l’économie n’avait-il pas lui aussi évoqué la fermeture de l’ENA pour… la remplacer par une autre école ? N’ayant jamais connu rien d’autre, la caste qui dirige le pays ne peut envisager que ce fameux canal historique unique d’accession au pouvoir.

    Ce canal permettant à n’importe quel diplômé en administration de se retrouver très rapidement au sommet de l’Etat sans jamais avoir été confronté au management des hommes, à la concurrence internationale, aux problématiques de Recherche & Développement, de disparités de coûts de main d’œuvre, de conflits sociaux et culturels au sein d’une même organisation…

    Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’aujourd’hui, l’activité principale de la planète consiste en une espèce de guerre économique dans laquelle la course à l’enrichissement est le sport favori de la quasi-totalité des nations, entreprises et individus. Comment, dans cette course pourtant débridée, un pays dirigé par des profils administratifs comme la France pourrait-il s’en sortir ? La trajectoire qui est la nôtre depuis 40 ans nous en fournit la réponse indiscutable.

    Alors, maintenant qu’une guerre terroriste à composante religieuse fait également rage sur notre territoire, comment ces mêmes profils administratifs, qui n’ont d’ailleurs rien voulu voir arriver, trouveraient-ils tout d’un coup la solution ?

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      Fonctionnaires : plus utiles aux autres que les autres ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 May, 2020 - 03:45 · 8 minutes

    fonctionnaires

    Par Nathalie MP Meyer.

    Étonnant et « émouvant » article , la semaine dernière, dans Les Échos Start, le site du quotidien Les Échos dédié aux jeunes qui entrent dans la vie active : dans sa rubrique « Travailler mieux » , ce qui ne manque pas d’une certaine ironie qui s’ignore, le média lance l’idée que la crise du Coronavirus, en renforçant le rôle de l’État et des collectivités locales, pourrait redonner ses lettres de noblesse à l’ambition de devenir fonctionnaire.

    Étonnant, parce qu’avec le recul sur la gestion de l’épidémie dont on dispose maintenant, on n’est pas franchement frappé par l’état de préparation et la réactivité avec lesquels les pouvoirs publics ont abordé la crise sanitaire.

    On a plutôt le sentiment que les solutions en matière de masques, de gel hydroalcoolique, de respirateurs, de visières etc. sont d’abord venues d’initiatives privées petites ou grandes, même s’il s’est trouvé abondance d’esprits grincheux à droite et à gauche pour y trouver à redire.

    Et « émouvant », parce que malgré les lourdeurs bureaucratiques, salariales et managériales dont la liste assortie de multiples exemples constitue quand même la moitié de l’article, les jeunes professionnels interrogés par le journaliste des Échos Start confient tous avoir choisi la voie de la fonction publique « pour se rendre utiles ».

    On comprend donc que pour eux, l’autre grande forme de travail, à savoir la marchande, c’est-à-dire celle du chiffre d’affaires et du profit, ne permet pas de se rendre utile aux autres et à la société en général.

    Pour le dire dans les mots d’Axel, l’un des jeunes en question :

    Je n’avais plus envie de me lever chaque matin en me disant « allons faire augmenter un chiffre d’affaires » .

    Il n’y a évidemment aucun mal à préférer travailler dans la fonction publique et il n’y a évidemment aucun mal à ne pas se sentir fait pour la vente et le commercial, surtout si l’on n’aime pas le produit que l’on doit vendre, comme cela semble avoir été le cas pour Axel.

    Mais la formulation du « se lever chaque matin » qui entretient un rapport direct avec le sens qu’on souhaite donner à sa vie laisse poindre une forme de dénigrement moral des activités marchandes qui tombe assez mal quand on sait à quel point la fonction publique est loin d’être ce havre de désintéressement et de dévouement exemplaires fantasmé par l’esprit étatique français.

    Si la conscience professionnelle existe et peut pousser parfois à l’excellence, l’absence de mise en concurrence, l’extension bureaucratique permanente ainsi que la sécurité de l’emploi à vie ne sont guère de nature à stimuler l’ardeur au travail :

    Effectifs pléthoriques comparativement à nos voisins ( 5,64 millions d’agents en 2018), absentéisme élevé , laxisme dans les horaires de travail, appropriation des moyens de l’État au profit des petites affaires privées de certains agents, propension aux fiascos informatiques par centaines de millions d’euros, grand n’importe quoi dans la gestion des fonds européens , faible productivité et piètre qualité des services rendus – tout ceci est connu, documenté et mille fois dénoncé dans de multiples rapports qui s’empilent à la Cour des comptes ou au Sénat.

    Tout ceci est connu mais ne compte pas. L’esprit étatique aime d’autant plus à s’octroyer une supériorité morale et une palette infinie d’intentions distinguées en faveur du bien commun et de la justice sociale qu’elles lui permettent de mettre ses politiques à l’abri de toute critique, quels que soient les résultats, puisque finalement, de façon assez pratique pour les hommes de gouvernement, c’est l’intention qui compte.

    Une intention naturellement généreuse du côté de l’État qui a été incapable de gérer convenablement un stock stratégique de masques alors que c’était de sa responsabilité en tant que détenteur du monopole de la santé et de la Sécurité sociale ; et une intention naturellement sombre et intéressée du côté des groupes privés de la grande distribution qui se sont mis en état de fournir des masques en abondance à leurs clients dès qu’ils en ont eu l’autorisation.

    Or comme le remarquaient déjà Montesquieu en 1748, Turgot en 1759 ou Adam Smith en 1776, non seulement l’intérêt particulier agit en faveur de l’intérêt général, mais il agit mieux que toute intervention étatique – l’affaire des masques en est une illustration aussi récente qu’évidente :

    « Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers. » ( Montesquieu , De l’esprit des Lois )

    « L’intérêt particulier abandonné à lui-même produira toujours plus sûrement le bien général que les opérations du gouvernement. » (Turgot)

    « Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, (l’homme) travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » (Adam Smith, Richesse des nations, Livre 4, chapitre 2 )

    On ne demande pas à nos fournisseurs d’avoir de bonnes intentions à notre égard. On leur demande d’avoir des résultats, c’est-à-dire de nous fournir des produits et des services d’une qualité telle que nous serons d’accord pour les acheter à un certain prix qui les satisfera également. Adam Smith à nouveau :

    Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attention qu’ils accordent à leur propre intérêt. ( Richesse des nations , Livre 1, Chap. 2 )

    L’intérêt du boucher ou du boulanger, c’est de vendre le plus de viande ou de pain possible au prix le plus élevé possible compte tenu de la concurrence , donc de donner le plus de satisfaction possible à leurs clients : aller chercher les meilleurs troupeaux, les meilleures farines, etc.

    Voilà comment l’intérêt des premiers s’aligne parfaitement sur l’intérêt des seconds et voilà pourquoi la recherche du chiffre d’affaires (et du profit , qui est l’indice d’une bonne utilisation des ressources par l’entrepreneur) n’est pas l’horreur économique décrite par les étatistes mais l’indice qu’on a été utile à ses clients.

    Il se trouve que l’hebdomadaire LSA (Libre Service Actualité) daté d’hier 21 mai 2020 donnait la parole à 18 salariés d’entreprises du secteur de l’agro-alimentaire telles que Bel (fromagerie), Fleury Michon (charcuterie) ou encore Roc’hélou (biscuiterie) pour recueillir le témoignage de ceux qui « font tourner les usines » qui ont approvisionné les Français pendant le confinement anti Covid-19.

    Des salariés seraient certainement bien surpris d’apprendre qu’ils ne se rendent pas assez utiles, car tous expliquent comment leur structure déjà très sensibilisée aux questions d’hygiène en temps normal a rapidement mis en place les gestes barrière et a adapté sa production et sa logistique. Par exemple :

    Travailler dans l’industrie agro-alimentaire dans une période aussi complexe est un défi permanent, mais c’est aussi une expérience humaine et professionnelle très forte. Dès le premier jour de la crise, mon métier, la supply chain (logistique d’approvisionnement), a été l’un des maillons essentiels aux côté des usines, cela a été notre moteur et nous en sommes fiers. (Maria José Tabar, directrice Supply Chain, Bel France)

    On a coutume d’admirer les médecins, les infirmiers, les professeurs. Les deux premiers sauvent des vies, les seconds font accéder les enfants au savoir, c’est évidemment admirable. Les politiciens et les fonctionnaires disent qu’ils se dévouent au bien commun dans l’optique de faire du monde a better place . Tout aussi admirable (mais non dénué d’une certaine forme d’autoritarisme – autre sujet).

    Mais médecins, professeurs, politiciens vivent-ils seulement du bonheur de la mission accomplie et d’eau fraîche ? Eux aussi doivent manger, se vêtir, se loger, se déplacer. Eux aussi partent en vacances, vont au spectacle et font du sport. Eux aussi utilisent un ordinateur ou un téléphone portable. En réalité, dans une économie d’échange, chacun dans son domaine et à son niveau contribue à se rendre utile aux autres.

    L’idée qu’il y aurait ceux qui se rendent utiles (fonction publique) et ceux qui font du chiffre d’affaires (secteur marchand) relève d’une vision manichéenne très en vogue en France mais sans rapport avec la vie réelle.

    Du reste, d’où viendraient les impôts qui paient les fonctionnaires et leurs ambitieux projets solidaires et sociaux s’il n’y avait pas quelque part quelqu’un qui produisait du chiffre d’affaires , c’est-à-dire qui contribuait à la création de richesse résultant de l’échange de biens et services entre personnes libres de leurs choix économiques ?

    On peut détester l’idée d’avoir à courir après le chiffre d’affaires et vouloir un métier qui permettra d’y échapper, mais on ne peut passer sous silence le fait que tout, absolument tout ce qui assure notre vie sociale et économique, est payé au départ par le chiffre d’affaires des activités marchandes.

    On ne peut passer sous silence que ce sont les hommes et les femmes du chiffre d’affaires qui créent de la richesse tandis que l’État français, secondé par sa police et la force de lois fiscales et sociales spécialement taillées pour satisfaire sa voracité sans limite, se contente d’en accaparer sans risque une part chaque année plus importante – 46 % du PIB en 2018, un record mondial – pour se rendre « utile » aux autres.

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      3 maladies bien françaises qui pèsent lourd dans le budget

      Rémy Prud'homme · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:20 · 5 minutes

    dépense publique

    Par Rémy Prud’homme.

    La dépense publique est plus importante en France qu’ailleurs, relativement au PIB. Cependant, la qualité des services publics y est plus faible qu’ailleurs. La crise du Covid-19 le montre : tous les pays ont eu à faire face, au même moment, à la même maladie ; mais dans tous les pays (sauf l’Italie, l’Espagne et la Belgique), elle a tué, par rapport à la population, moins, généralement beaucoup moins, qu’en France.

    L’enquête PISA qui mesure avec des tests impartiaux le niveau des collégiens en mathématiques, en sciences, et en compréhension de texte, place nos écoles au vingtième ou trentième rang des pays testés, quelque part entre la Slovénie et le Portugal. Ce qui est vrai de la santé et de l’éducation l’est également de la justice, de la sécurité, ou de l’emploi.

    Au moment où la crise économique générée par un confinement plus long qu’ailleurs va porter cette dépense publique de 57 % du PIB bien au-delà de 65 %, il faut essayer de comprendre ce paradoxe de la dépense publique française.

    La courbe de Laffer appliquée à la dépense publique

    Une analogie avec la courbe de Laffer peut nous aider à représenter le phénomène. Arthur Laffer , s’intéressant à aux recettes publiques, représente les recettes fiscales en fonction des taux d’imposition.

    Avec un taux zéro, les recettes sont égales à zéro. Avec un taux de 100 % elles sont également égales à zéro. Entre les deux, une courbe plus ou moins parabolique atteint un maximum pour un certain taux présenté comme optimal. C’est la représentation graphique d’un vieux principe fiscal : les hauts taux tuent les totaux.

    Cette courbe, conçue pour les recettes budgétaires, peut être utilisée pour les dépenses budgétaires. Remplacez sur l’axe des x, « taux d’imposition » par « taux de dépense » (en % du PIB), et sur l’axe des y, « recettes publiques » par « services publics », et vous avez une description du lien entre montant de la dépense publique et quantité/qualité des services publics.

    La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre les services publics (comme la santé ou l’éducation), mais de déterminer le montant de dépenses qui va nous donner le plus de ces services publics. La courbe montre que peut venir un moment où davantage de dépenses publiques produit moins, et pas davantage, de services publics.

    Comment est-ce possible ? On peut évoquer trois pistes, trois virus, trois maladies.

    La précautionite : empêcher les autres de mal faire

    La première est la précautionite. De plus en plus, l’action publique ne consiste pas à bien faire, mais à empêcher le reste de la société de mal faire. Elle prend la forme de règles, de normes, de contraintes, d’autorisations, de prescriptions, de préalables, d’interdictions. L’image des avions pleins de masques bloqués par les douanes est un symbole de cette maladie.

    La délocalisation de l’industrie pharmaceutique a semble-t-il été motivée autant ou davantage par des différences de contraintes que par des différences de salaires, par Nicolas Hulot plus que par Philippe Martinez.

    L’administrativite : empêcher de faire son travail

    L’administrativite est une autre maladie qui affecte la production des services publics. Parkinson avait montré que l’administration fonctionne et grossit indépendamment de ses finalités ; par exemple, le nombre de fonctionnaires du ministère anglais de la Marine est au cours des années inversement corrélé au nombre des vaisseaux de Sa Majesté.

    James Buchanan a expliqué que les bureaucrates, comme tous les agents économiques, sont motivés par leur intérêt propre , qui implique l’augmentation de leurs budgets ; cette observation, qui fait depuis toujours le fond de la conversation des cafés du Commerce, lui a valu un prix Nobel d’économie.

    L’actualité nous a appris que plus du tiers des agents des hôpitaux français ne voient jamais un malade . S’ils faisaient des cocottes en papier, il n’y aurait que demi-mal ; mais ils travaillent dur, à organiser, orienter, contrôler, surveiller, etc. et finalement empêcher médecins et infirmières de faire leur métier.

    Un autre symbole : l’Hôtel-Dieu à Paris. Cet hôpital était depuis Saint-Louis consacré à soigner des malades ; il a été en partie vidé de ses praticiens pour faire place à l’administration des hôpitaux et à un projet immobilier.

    La politisationite : l’État s’occupe de tout, partout

    Un troisième virus, pas le moins paralysant, est la politisationite. Les politiciens veulent s’occuper de tout : de la recherche, de la solitude, de la culture, de l’alimentation, du sport, des entreprises, de la reconstruction de Notre-Dame de Paris comme de Boko Haram, et des masques.

    Dans un monde de plus en plus complexe et incertain, leur temps et leurs connaissances sont limités ; plus ils les étalent sur un champ d’intervention large, et plus la couche est mince – et insuffisante. Le tout-politique est alors le tout-superficiel. Les politiques ont, comme disait ma grand’mère, « les yeux p’us gros que l’ventre » . Ils le savent parfois, et mettent leur talent à le cacher, derrière de belles phrases ou de vilains mensonges.

    Ce déficit de gestion est en France encore aggravé par le jacobinisme . La crise du covid-19 l’a bien montré, puisque les régions et les départements, qui ne sont pourtant pas des parangons d’efficacité, ont fait mieux que l’État.

    Notre État, qui est obèse parce que malade, et inefficace parce que obèse, s’apprête à prendre une dizaine de kilos : cela n’est pas très rassurant.

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      ERAFP : la pépite que la réforme des retraites ne devrait pas brader

      Cécile Philippe · tests.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 December, 2019 - 04:30 · 2 minutes

    Par Cécile Philippe.

    Dans le cadre de la réforme des retraites, l’Établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) serait amené à être dissous dans le régime universel. Or, cet établissement – né de la réforme Fillon de 2003 – est une pépite française, un des rares exemples de prévoyance publique bien pensée. Il devrait, au contraire, être étendu au privé.

    L’ERAFP ne dit pas ce qu’il fait et c’est peut-être pour cela qu’il n’a pas pu servir de modèle dans le débat sur les retraites. Que fait-il exactement ? Il ajoute à la retraite de base des fonctionnaires – financée par nos impôts – un complément retraite qui se bonifie grâce au rendement généré par le placement des cotisations sur les marchés financiers. Grâce aux dividendes et plus-values, il allège le coût de financement des retraites du public.

    Un moyen d’alléger le coût des retraites du public

    En dissolvant cette institution dans un régime universel fondé exclusivement sur la répartition, nous nous privons d’un moyen puissant d’alléger le coût lié au financement des retraites du public. Or, c’est la question n°1 en France. Car pour payer l’ensemble des retraites aujourd’hui en France, il faut prélever en impôts et charges sociales 14,9 % du PIB.

    Ceci a un impact délétère sur la compétitivité française, le chômage et les déficits. Dans la mesure où il n’est plus possible d’augmenter la pression fiscale  – c’est même l’inverse que les pouvoirs publics organisent pour lutter contre le chômage -, il n’y a en répartition pure pas d’autre alternative que de baisser le niveau des pensions et/ou retarder l’âge de la retraite et/ou faire des déficits.

    Toutes les combinaisons ont été testées les unes après les autres, mais en bout de ligne elles ne font qu’organiser plus ou moins intelligemment le rationnement pour tous. Il y aurait pourtant moyen de desserrer la contrainte, en s’appuyant sur les expériences réussies de placement financier de nos institutions de retraite comme l’ERAFP, le Fond de réserve des retraite ou l’Agirc-Arcco.

    Nous avons besoin d’institutions vertueuses comme l’ERAFP

    Nous n’avons pas besoin d’un régime universel pour gérer le rationnement, mais plutôt de nous appuyer sur les bonnes pratiques de notre système riche d’institutions responsables et vertueuses.

    Il faudrait permettre à l’ERAFP de proposer ses prestations au privé, ou susciter la création d’un équivalent par l’Agirc-Arrco, pour profiter de ce que le capitalisme a de meilleur : des rendements du capital positifs sur le long terme.

    Pour aller plus loin, lire l’étude de l’Institut économique Molinari/Contrepoints : Retraites françaises, sortir de l’impasse, préparer l’avenir , p.36 « L’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique : la pépite bradée ? »