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      La capitalisation peut sauver nos retraites

      Pascal Salin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:00 · 5 minutes

    Par Pascal Salin.

    La détermination du montant de sa retraite est évidemment fondamentale pour tout individu puisqu’elle conditionne son niveau de vie une fois ses activités productives terminées.

    C’est pourquoi on peut comprendre que le projet de réforme du système des retraites élaboré par le gouvernement français retienne considérablement l’attention de l’opinion publique et suscite même des grèves très importantes . Il serait certes fondamental que les réformes envisagées contribuent à une amélioration du système des retraites et l’on peut en douter à bien des points de vue.

    Mais il existe une caractéristique de ce projet : il a été clairement affirmé, par exemple par Emmanuel Macron , qu’il n’était pas question de renoncer à un système de retraite par répartition. Comme on le sait bien, il existe deux méthodes principales d’élaboration des retraites : la répartition et la capitalisation.

    La capitalisation devrait être préférée pour les raisons que nous allons voir. Mais il n’est peut-être pas inutile d’évoquer tout d’abord un aspect purement formel de cette question.

    Répartir ou capitaliser

    En effet, compte tenu de la pensée dominante en France, le terme même de répartition parait attractif. Il correspond en effet à ce que l’on considère malheureusement en France comme une activité fondamentale de l’État, à savoir la redistribution des revenus .

    Et il est d’ailleurs vrai que la politique de retraite par répartition contribue un peu à la redistribution des revenus, par exemple parce que des privilèges sont accordés aux salariés de la SNCF ou de la RATP ; mais aussi parce que le projet de réforme – pourtant supposé être universel – semble prévoir des inégalités de régime, par exemple des montants minimaux de retraite ou des restrictions des montants de retraite alloués aux cadres.

    Par ailleurs il se peut que le terme de capitalisation suscite des réactions négatives parce qu’il évoque des activités financières – souvent considérées comme critiquables en France – ou même parce qu’il pourrait évoquer le terme de capitalisme , alors que la pensée dominante lui est généralement hostile !

    Une retraite imposée et incertaine

    Dans un système de répartition, on distribue chaque année des montants de retraite qui sont très proches des montants de cotisations prélevés au cours de la même année. Ceci signifie évidemment qu’aucune garantie ne peut être donnée aux cotisants quant au montant des retraites qu’ils pourront recevoir dans le futur.

    L’équilibre entre les recettes et les dépenses dépend de plusieurs facteurs, en particulier la pyramide des âges , l’âge de la retraite, l’espérance de vie (donc la durée des retraites).

    Il en résulte des incertitudes relatives au fonctionnement du système de répartition. Ceci est parfaitement lisible dans le projet de réforme actuel puisqu’il s’agira d’un système de retraite à points et qu’il est bien précisé que le montant de retraite obtenu en fonction des points accumulés par un individu durant sa vie active dépendra de la valeur du point que le gouvernement déterminera chaque année en fonction des exigences d’équilibre financier.

    La capitalisation, une retraite libre et responsable

    La retraite par capitalisation, pour sa part, présente en particulier un avantage fondamental, à savoir qu’elle repose sur la responsabilité personnelle : un individu sait que le montant de sa retraite sera d’autant plus élevé qu’il aura fait davantage d’efforts d’épargne au cours de sa vie active.

    Le montant de sa retraite dépend de lui et non de ce qu’il pourra obtenir des autres. Mais pour que cette responsabilité personnelle soit parfaite il conviendrait aussi qu’il puisse choisir librement l’âge de sa retraite au lieu qu’il soit imposé par les pouvoirs publics. Chacun pourrait alors décider d’épargner et de travailler plus ou moins longtemps.

    Il existe, bien sûr, beaucoup de modalités possibles d’un système de retraite par capitalisation.

    Certes il est concevable qu’ un système public de retraites repose sur la capitalisation . Mais si l’on veut tenir compte de l’extrême diversité des individus, des différences concernant leurs emplois et leurs besoins, il conviendrait, bien sûr, non pas d’imposer un régime universel à tout le monde, comme le prévoit le projet de réforme actuel (qui par ailleurs n’est pas un système de capitalisation), mais bien au contraire de permettre la concurrence entre toutes sortes de systèmes privés.

    Ainsi, dans un système de capitalisation parfaitement libre, un individu peut choisir lui-même les placements de son épargne ou recourir à un fonds d’investissement. Il peut envisager de consommer uniquement les rendements de son capital lors de sa retraite (et donc de léguer le capital qu’il possèdera encore lors de son décès) ou de consommer progressivement tout son capital (en faisant un pari sur la durée de sa retraite).

    Dans un système parfaitement libre – ce qui serait souhaitable – il y aurait nécessairement un grand nombre d’entreprises gestionnaires des retraites et proposant des systèmes différents les uns des autres. On est loin d’une telle situation avec l’actuel projet de réforme.

    Il convient enfin de souligner que l’un des avantages considérables des systèmes de retraite par capitalisation consiste aussi en ce qu’il en résulte un montant d’épargne beaucoup plus élevé. Or, parce qu’elle permet de financer l’investissement, l’épargne est un facteur important de la croissance ; c’est ce que l’on a constaté par exemple au Chili , un des premiers pays à avoir adopté la retraite par capitalisation : il y a eu une augmentation considérable du taux d’épargne et un taux de croissance considérablement plus élevé que dans tous les autres pays d’Amérique latine.

    Article initialement publié en décembre 2019.

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      Du mystère des syndicats au syndicalisme libéral

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 7 January, 2023 - 04:30 · 12 minutes

    Un article de la Nouvelle Lettre.

    Je me fais un devoir de dissiper le malentendu que mon article sur le syndicat « libéral » des contrôleurs de la SNCF a créé.

    Je n’ai évidemment aucune sympathie pour cette poignée de cheminots qui ont arbitrairement pris des centaines de milliers de Français en otages . Mais il ne faut pas plaisanter avec les choses sérieuses et j’ai eu le tort de faire de l’humour avec ce qui a été considéré comme un scandale aux yeux de la majorité des gens. De la sorte, mon article a pu faire scandale à son tour.

    Cela dit, je prends maintenant un risque considérable car il n’est pas bon de dire du mal des syndicats et des syndicalistes : leur puissance interdit de dénoncer leur nuisance.

    En 1981, avec mes collègues « nouveaux économistes » Bertrand Lemennicier et Henri Lepage nous avons proposé aux Presses Universitaires de France le manuscrit d’un travail de nature scientifique et universitaire sur le syndicalisme. Nous avions suggéré pour titre de l’ouvrage Le mystère des syndicats , puisque nous nous posions la question de savoir d’où vient le pouvoir considérable détenu par une minorité de personnes sur l’ensemble de la population, sur l’économie, sur le chômage, sur la croissance. Une question qui n’était pas nouvelle dans les sciences sociales : d’éminents intellectuels (dont plusieurs prix Nobel) se l’étaient posée aux États Unis, en Angleterre et dans les pays scandinaves, où le syndicalisme occupait une place plus importante encore qu’en France. Au fond, notre travail était banal…

    Mais l’éditeur, pourtant bien conscient de la qualité de notre manuscrit, a refusé le titre que nous avions proposé : inconvenant et agressif sans raison, il fallait lui préférer Cinq questions sur les syndicats , politiquement correct.

    Car la puissance des syndicats est maintenant institutionnalisée dans le système démocratique des pays libres : voilà pourquoi on associe syndicalisme et liberté et cela vaut interdiction de le remettre en cause.

    Sans réécrire un ouvrage qui garde malgré ses imperfections un intérêt très actuel, je voudrais résumer les « cinq questions » qu’il faut se poser pour percer le « mystère des syndicats » :

    1. Pourquoi des syndicats ?
    2. Droit du travail ou droit au travail ?
    3. Les syndicats ont-ils une influence sur le chômage, les crises ?
    4. Apportent-ils quelque chose à la démocratie ?
    5. Syndicalisme et liberté sont-ils compatibles ?

    Pourquoi des syndicats ?

    Question historique mais aussi idéologique et économique. Le prestige des syndicats est né de la critique du capitalisme et repose sur un postulat : le travail échappe aux lois du marché.

    Derrière le syndicalisme il y a Marx et la lutte des classes : d’un côté le propriétaire exploiteur et de l’autre le prolétaire exploité. Le syndicalisme est la réponse à cette injustice. Le travail, source de toute richesse dans la pensée marxiste héritée de Ricardo (qui se réclamait lui-même à tort d’Adam Smith) n’est pas rémunéré à sa juste valeur parce que l’employeur impose des salaires inférieurs pour se gaver de profit. Le déséquilibre semble inéluctable : l’un des contractants a le temps et l’argent pour lui, l’autre doit accepter les conditions qui lui sont offertes. C’est un déséquilibre entre offre et demande, donc la loi du marché est inapplicable, le salaire n’est pas un prix et le travail n’est pas une marchandise.

    Évidemment ces idées sont devenues courantes, même si elles n’ont aucune consistance réelle :

    Le travail n’est pas le seul facteur de production

    Il y a non seulement le capital, c’est-à-dire l’investissement d’une richesse existante née d’une activité durable mais aussi et surtout l’art d’entreprendre, c’est-à-dire de comprendre quels sont les biens et services que l’on peut proposer pour mieux satisfaire les besoins de la communauté. Ce dernier facteur, considéré longtemps comme « résiduel » a en réalité un poids croissant dans la valeur de la production.

    Il y a autant de salaires que d’individus

    Le « capital humain » (la personnalité de la personne employée) a une importance considérable dans la rémunération perçue. Cette importance varie avec la formation, l’âge, l’expérience, la qualification.

    Il ne saurait y avoir de salaire unique, l’égalitarisme efface la personne et gomme l’utilité des efforts.

    Droit du travail ou droit au travail ?

    Le syndicalisme serait une réponse à l’injustice et la défense du faible contre le fort. Le contrat individuel serait nécessairement asymétrique, ainsi faut-il lui substituer le contrat collectif. Ainsi va naître un « droit du travail » qui échappe à la logique contractuelle qui met habituellement en relation deux individus égaux. Le syndicat devient alors « partenaire social », il va détenir progressivement le monopole de la négociation salariale. Pour des raisons évidentes il est plus juste que la négociation se situe au niveau le plus élevé : pas celui de l’entreprise où l’emprise de l’employeur est la plus forte, ni même au niveau de la branche d’activité où le corporatisme demeure, mais au niveau national (ou « confédéral »).

    Ce droit du travail collectiviste explique la démarche syndicale fondée sur le cartel de l’embauche :

    L’intérêt des travailleurs syndiqués

    Ils ont intérêt à bloquer l’embauche de nouveaux salariés qui seraient prêts à accepter des salaires inférieurs et seraient accueillis à bras ouverts par les employeurs.

    Le syndicat détient le monopole de la représentation salariale

    Il aura pour « partenaire » les instances patronales qui sont organisées autour des grandes sociétés ; petites et moyennes entreprises s’aligneront sur les contrats collectifs.

    La représentativité du syndicat n’est garantie que par la loi

    Peu importe le nombre des adhérents. Dans certains pays (États-Unis) les salariés sont prêts à payer des cotisations syndicales élevées pour garantir des salaires élevés. Dans d’autres pays (comme la France) le financement des syndicats provient d’autres sources mais elles doivent être discrètes dans les entreprises privées. Le rapport Perruchot (2010-2011) sur le financement des syndicats par le patronat n’a jamais été examiné par le Parlement. Par contraste, les salariés du secteur public bénéficient d’un statut à vie et la pérennité des syndicats est assurée par les finances publiques.

    Le droit du travail est contraire à l’État de droit

    En effet, il prive les individus de la possibilité de passer librement un contrat. Le propre du contrat est de concilier des intérêts opposés, c’est la catallaxi 1 : transformer en accord des situations conflictuelles.

    De la sorte, c’est la fermeture du marché du travail qui résulte de l’action syndicale.

    Le droit du travail supprime le droit au travail (conçu comme la possibilité d’accéder à un emploi) : celui qui n’est pas représenté syndicalement n’a aucune chance d’être embauché. L’emploi ne saurait être « précaire », puisqu’il implique des salaires inférieurs et une concurrence sauvage entre candidats à l’emploi. Donc, la porte de l’emploi par CDD ou CDI est fermée.

    Les syndicats ont-ils une influence sur le chômage, sur les crises ?

    Les syndicats défendent leur action en prétendant œuvrer pour le plein emploi et pour la stabilité économique. Ici le marxisme se marie avec le keynésianisme : des salaires plus élevés stimulent la demande, les carnets de commandes des entreprises se remplissent et les emplois sont créés.

    Non, les emplois ne sont pas créés, cela se prouve statistiquement, mais surtout cela s’explique économiquement.

    Le chômage a diminué dans les pays où la pression des syndicats a été amoindrie

    Les politiques de Thatcher (les mineurs) et Reagan (les contrôleurs aériens) ont assuré durablement le plein emploi mais elles ont été abandonnées ensuite pour des raisons politiques, que j’évoquerai plus loin.

    L’indemnisation du chômage

    Il a fallu compenser l’action syndicale en mettant en place l’indemnisation du chômage : privés de leur droit au travail les personnes sont prises en charge par les finances publiques, c’est-à-dire les contribuables.

    La croissance s’entretient d’elle-même

    C’est ce qu’explique la Loi de Say . Les entreprises proposent des biens et services qui correspondent à l’attente des consommateurs : la production crée des débouchés pour des activités innovantes. Par contraste Hayek dénonce le « mal investissement » : les fonds publics vont à des usages non marchands et entretiennent gaspillages, privilèges et corruption. Jacques Rueff parlait de la distribution de « faux droits » : un pouvoir d’achat distribué sans contrepartie réelle, un droit sur le travail des autres.

    Les déficits publics conduisent à l’inflation

    Comme toujours, « trop de monnaie chasse après trop peu de biens ».

    Les crises économiques et sociales naissent de l’interventionnisme croissant des pouvoirs publics

    Roosevelt a prolongé et aggravé la crise ouverte en 1929 par Hoover qui a voulu éviter l’effondrement boursier né de la spéculation à Wall Street (elle-même anéantie par le retrait des fonds américains en Allemagne). La crise de 2007 a été provoquée par les subprimes imaginées par Bill Clinton pour encourager les banques à financer l’achat de logements pour des personnes à faible solvabilité. Elle a été aggravée par G.W.Bush qui invite la Federal Reserve à refinancer les banques en difficulté ; et prolongée à partir de 2008 par Obama, Sarkozy et tous les « relanceurs » qui croient sortir de la crise avec les déficits budgétaires.

    Les syndicats apportent-ils quelque chose à la démocratie ?

    Voici finalement la vraie question.

    Et la vraie réponse est donnée par l’étude des « décisions publiques » ( public choice ) : la classe politique a pour objectif majeur et permanent le calendrier électoral, les partis veulent conserver ou acquérir le pouvoir à l’occasion des prochains votes.

    Or, les syndicats sont des alliés très efficaces dans ce jeu électoral. Ils ne sont pas tellement des agents électoraux mais ils ont une influence sur le climat politique par leurs initiatives : les manifestations, les grèves, les couvertures médiatiques. Leur action contribue à influencer ceux qui vont penser que tout va à peu près bien (pouvoir d’achat maintenu, moins de chômage) ou que tout va très mal (inflation, désordre). La balance est donc entre confirmer les dirigeants ou les remplacer.

    Les artisans du public choice vont également démontrer que le jeu électoral, surtout dans les situations de bipartisme, est très serré : c’est finalement « l’électeur médian », celui qui n’a pas d’opinion bien arrêtée, qui peut changer l’issue du scrutin. « La République doit être gouvernée au centre » disait Valery Giscard d’Estaing . En écho, Emmanuel Macron met la droite et la gauche « ensemble et en même temps ».

    On peut réellement se demander ce que devient la démocratie quand le pouvoir est attribué à des candidats qui ne représentent qu’une infirme partie de l’électorat. On peut même s’interroger, comme le faisait Benjamin Constant , sur l’erreur fondamentale qui consiste à voir la démocratie comme la loi de la majorité (« le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » de Lincoln) au lieu de la tenir pour la protection de la minorité et de la plus petite minorité qui soit, celle de l’individu. Pouvoir d’une caste ou protection des droits individuels ? Constant opposait ainsi la « démocratie des anciens » (Athènes) et la démocratie des modernes (États-Unis de 1777) 2 .

    Syndicalisme et liberté sont-ils compatibles ?

    Je ne veux pas conclure cet article sur une note négative.

    J’ai en effet bénéficié d’une chance inouïe dans ma carrière universitaire : de 1968 à 1981 j’ai partagé ma vie professionnelle entre la Faculté et les entreprises. Comme d’autres professeurs j’ai pensé que 1968 marquait la fin des mandarins et j’ai failli démissionner ; mais le hasard m’a fait rencontrer des entrepreneurs et des personnalités qui m’ont demandé de m’intéresser à la formation économique du personnel, fortement endoctriné par la propagande cégétiste hostile à toute harmonie dans l’entreprise. L’ ignorance économique et comptable des Français donnait à la CGT une clientèle toute trouvée. Mais à cette époque de nombreux syndicalistes ne partageaient pas la doctrine syndicale révolutionnaire et comprenaient la nécessité d’un dialogue social pacifié. C’était le cas en particulier d’André Bergeron, à la tête de Force Ouvrière, vice-président du Conseil Économique et Social. Du côté patronal, plusieurs chefs de grandes entreprises étaient séduits par les idées de participation, j’ai même mené des études avec l’Association pour la Participation dans l’Entreprise.

    Ma chance a donc été de rencontrer (avec mon équipe de formateurs aixois) pendant plus de dix ans le personnel (et plus souvent les ouvriers et employés que les cadres) et les syndicalistes (tous syndicats confondus, y compris la CGT ). Les leçons que je tire de cette expérience sont les suivantes :

    Aucune entreprise ne ressemble à une autre

    Par exemple la pratique de la participation voire même de la cogestion (la mitbestimmung allemande) varie considérablement suivant la taille, l’activité, etc. Dans ces conditions, une loi pour l’organiser (Debré) n’a aucun sens, c’est encore la volonté politique de centraliser, uniformiser, au prétexte de progrès social. Le progrès social doit s’accommoder avec la liberté d’entreprendre et d’échanger.

    Favoriser les initiatives personnelles

    Beaucoup d’entreprises ont réussi en faisant davantage de place aux initiatives personnelles : travail enrichi, boîtes à idée et suggestions, individualisation des tâches, formation, etc. Le collectivisme n’entraîne au contraire que le tribalisme et le despotisme. Il existe donc un goût du travail personnel bien fait, contrarié il est vrai par les lois socialistes et démagogiques qui ont souvent désappris le travail et magnifié la paresse.

    Le besoin de connaître l’économie

    C’est une attente généralisée, des syndicalistes très engagés sont capables de faire la distinction entre économie et politique.

    Ma conclusion se ramène donc à un principe libéral de base : le respect de la diversité, l’importance de l’épanouissement des capacités personnelles, le respect des autres. Oui,  il peut y avoir un syndicalisme libéral !

    Sur le web

    1. Ludwig von Mises, L’action humaine
    2. Mais en revanche Tocqueville ne croyait pas que le gouvernement représentatif puisse perdurer même aux États-Unis. Il avait raison à mon sens.
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      SNCF : stop aux grèves traditionnelles de Noël !

      Claire Libercourt · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 21 December, 2022 - 04:10 · 2 minutes

    Parmi les traditions de Noël , il y en a bien une dont les Français pourraient se passer, c’est bien les grèves dans les transports publics. Sans surprise, cette année, la SNCF sera au rendez-vous pour gâcher les fêtes et injecter un peu de stress supplémentaire dans les départs en vacances des usagers. Cette fois-ci, c’est Sud Rail qui se tâte pour prolonger un peu les congés des contrôleurs pour Noël et le jour de l’an. Les deux préavis posés par le syndicat d’inspiration marxiste qui pour l’instant n’ont pas été levés laissent planer le doute sur le bon fonctionnement des services publics au pire moment possible.

    Début décembre, Sud-Rail et la CFDT avaient conduit une grève qui a eu pour effet d’annuler 60 % des TGV, ce qui peut expliquer la nervosité des usagers aujourd’hui.

    Prendre en otage les usagers

    « Nous n’avons pas envie d’embêter les gens pendant la période des fêtes. Si les gens sont pénalisés à Noël, c’est entièrement la faute de la direction » a déclaré un membre du collectif gréviste sous couvert d’anonymat à nos confrères du journal Les Échos . Regardez ce que nos patrons nous obligent à faire : prendre en otage les usagers pour négocier chaque année des augmentations de salaire en leur tordant le bras. C’est terrible…

    Depuis sa création en 1947 la SNCF a fait grève chaque année . Les arrêts de travail des contrôleurs et des cheminots coûtent extrêmement chers au contribuable. La dette SNCF est d’environ 46 milliards, et les différents plans de sauvetage proposés par l’État se sont traduits par l’accroissement de la dette publique. Dernièrement, la Macronie a mis 35 milliards sur la table pour tenter de juguler le déficit structurel de l’entreprise publique.

    Plus qu’un poids mort économique, les transports en commun agissent comme un levier politique entre les mains des syndicats qui n’hésitent pas à entretenir un rapport de force pour conserver leurs privilèges. Dans cette histoire, les usagers sont les dindons de la farce, à la fois bénéficiaires de services intermittents, hors de prix et qui fonctionnent uniquement par leur exploitation fiscale.

    Et si pour Noël, on demandait la privatisation de la SNCF ? Certaines traditions nationales ne méritent vraiment pas d’être entretenues.

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      La ligne SNCF Paris-Limoges et la limite d’une éthique militante du changement

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 11 December, 2022 - 03:40 · 7 minutes

    Les grands défis de transformation du monde continuent de poser la question de savoir comment ils peuvent être relevés.

    Ceux qui ont principalement voix au chapitre de nos jours sont les militants qui nous interpellent sur les enjeux et qui influencent la prise de décisions importantes. Pourtant le militantisme, parce qu’il est principalement incantatoire et peu soucieux des conséquences de ces décisions, se révèle le plus souvent contre-productif.

    C’est ce qu’illustre les déboires de la ligne de train Paris-Limoges.

    La lettre est cinglante. Elle est signée par Benoît Coquart, PDG de Legrand, géant mondial de l’équipement électrique et elle est adressée à la direction de la SNCF. Dans celle-ci, M. Coquart fait part très directement de sa surprise et de son exaspération face aux changements intervenus sur la ligne entre Paris et Limoges, où l’entreprise est basée, sans aucune concertation, qui s’ajoutent aux dysfonctionnements et retards fréquents. Il s’interroge ouvertement sur la possibilité pour son entreprise de rester à Limoges. L’enjeu est de taille : avec Michelin , elle est en effet l’une des rares entreprises du CAC40 à être basée en province.

    Cette lettre est importante et pas seulement parce que Legrand est une entreprise d’habitude connue pour sa discrétion mais parce qu’elle met en lumière les limites d’un discours politique militant dominant ces dernières années.

    Le naufrage des transports en commun, désastre écologique

    C’est avéré, le système de transport en commun en France se dégrade à tous les étages.

    Dans sa lettre, le PDG de Legrand évoque les nombreux dysfonctionnements de la ligne Paris-Limoges (trains annulés, retards, modifications d’horaires sans concertation). Chacun d’entre nous peut évoquer les mêmes problèmes sur sa ligne de choix.

    À l’heure où j’écris ces lignes, la circulation est suspendue pour deux heures sur la ligne R (Paris-Montargis) suite à une panne de train. Sur cette ligne, comme sur tant d’autres, les problèmes sont récurrents . On le sait, le coût induit est considérable : outre le stress pour les voyageurs, ceux-ci sont de plus en plus amenés à partir plus tôt et donc à perdre du temps pour se prémunir contre un retard ou une annulation.

    Les problèmes des lignes de RER et de celles du métro parisien sont connus et font régulièrement la Une des journaux. Les voyageurs sont exaspérés. On n’ose même pas évoquer ceux des lignes de bus, englués dans l’immobilisme du trafic parisien qui ne doit rien aux voitures et tout aux choix municipaux.

    Et le problème n’est pas limité à Paris.

    Je fais partie de ceux qui essaient le plus possible de prendre les transports en commun. La semaine dernière en arrivant à Lyon, je voulais prendre le bus C6 qui relie la gare de Part-Dieu au campus de l’emlyon. Mon train arrive à 9 h 55 et l’application m’indique que le prochain bus est à 10 h 02.

    Parfait me dis-je ! Sauf qu’arrivé à l’arrêt, le système d’information m’indique qu’en fait le prochain bus sera à 10 h 20. L’application donne donc des informations incorrectes. Mais surtout, j’ai déjà 20 minutes de retard. Puis arrive 10 h 20 et toujours pas de bus. Le système indique « à l’approche » pendant dix bonnes minutes. Le bus arrivera finalement à 10 h 29. Alors que j’avais pris de la marge, j’arriverai donc à mon rendez-vous avec seulement une petite minute d’avance ; pas le temps de préparer. La prochaine fois ? Je prendrai un taxi bien sûr.

    Autour de moi, de telles anecdotes se multiplient. Chacun en a vécu. On pourrait en écrire des pages et des pages.

    Quand on se paie de mots

    Comment expliquer cette incurie généralisée alors qu’on sait qu’il n’y aura pas de « transition écologique » sans un réseau de transport en commun efficace ?

    C’est que nous vivons dans un monde où les paroles comptent davantage que les actes . On se paie de mots, on multiplie les slogans et les mesures symboliques, on interdit plus qu’on ne construit ou qu’on ne répare. Pourquoi ? Parce que c’est facile et que ça rapporte davantage en termes de prestige social.

    Le sociologue américain Saul Alinsky, très engagé dans la lutte pour les droits civiques à partir des années 1930, estimait il y a cinquante ans que le premier devoir de celui qui veut vraiment changer le monde est d’accepter la réalité aussi déplaisante soit-elle.

    Il écrivait :

    « En tant qu’organisateur, je pars de là où le monde est, tel qu’il est, et non tel que je le voudrais. Que nous acceptions le monde tel qu’il est n’affaiblit en rien notre désir de le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être — il est nécessaire de commencer là où le monde est si nous voulons le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être. Cela signifie travailler dans le système. »

    De façon très intéressante, on retrouve cette idée de plonger dans le réel dans la posture entrepreneuriale de l’effectuation, décrite par la chercheuse Saras Sarasvathy .

    À trente ans d’écart, le sociologue de gauche et l’entrepreneuse capitaliste disent la même chose : si vous voulez changer le monde, plongez dans la réalité, ne vous payez pas de mots et ne faites de leçon de morale à personne.

    Alinsky distinguait ainsi deux types d’activistes : ceux qui veulent se donner bonne conscience (en gros, les militants) et ceux qui veulent vraiment changer le monde (en gros, les politiques).

    On retrouve cette distinction faite il y a un siècle déjà par un autre sociologue, Max Weber , qui distinguait entre deux éthiques : l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité.

    Dans Le savant et le politique , il écrivait ainsi :

    « Il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » -, et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. »

    Or, depuis quelques années, le politique est devenu un militant.

    Les décisions se succèdent qui ignorent volontairement les conséquences de ses décisions. On ferme les centrales nucléaires au nom de l’écologie en ignorant, ou feignant d’ignorer que pour l’instant rien ne peut les remplacer, sauf peut-être du charbon qui est une catastrophe écologique . La pureté évangélique est fièrement affichée, cela semble suffire au militant, et les conséquences sont catastrophiques, ce dont il se fiche. La catastrophe énergétique que nous vivons actuellement devrait constituer une leçon de chose, au sens du principe éducatif consistant à partir d’un objet concret pour faire acquérir à l’élève une idée abstraite.

    Or le politique-militant fait tout le contraire : il part d’une idée abstraite et veut plier le réel à sa volonté.

    Il ne s’agit pas de dire que la solution aux dysfonctionnements du réseau de transport en commun est simple. C’est même tout le contraire. Aux slogans simplistes, il faut substituer un véritable investissement dans la complexité de la situation. Mais ça nécessite du travail. Ce n’est pas vendeur sur BFM. Ce n’est pas glamour et ça n’augmente pas votre compte de vertu. La transformation du monde est un travail de longue haleine sur la réalité du terrain, pas un exercice de comm.

    Nécessité de deux renversements importants

    Les errements récents illustrés par la lettre de Legrand appellent à deux renversements importants.

    Le premier, inspiré de Max Weber, est que le politique doit revenir à une éthique de responsabilité, ne prenant pas de décision sans que les conséquences de celle-ci soient étudiées avec soin.

    Le second, inspiré de Saul Alinsky et de la posture entrepreneuriale, est d’abandonner une posture idéaliste incantatoire pour un investissement sincère et concret dans la réalité complexe du monde.

    Sans ces deux renversements, les catastrophes se succéderont et les conséquences, notamment sociales et politiques, seront considérables.

    Sur le web