Par Gabrielle Dubois.
Plus nous nous familiarisons avec nos histoire, culture et littérature françaises, plus nos racines s’enfoncent et se solidifient, et plus nous nous fortifions et nous grandissons.
Alors, le 31 octobre, il n’est pas interdit de creuser une citrouille et de manger des bonbons, non ! Mais le 1 er novembre, remémorons-nous que c’est jour de fête, et le 2 novembre, souvenons-nous des vies passées qui ont forgé nos vies présentes.
S’ouvrir à d’autres coutumes, oui ; y oublier notre mémoire, non.
Le 1er novembre, c’est la Toussaint
Le 1er novembre, c’est la Toussaint . C’est la fête de tous les saints, ces hommes et ces femmes proches de nous par leur cheminement, leurs doutes, leurs questionnements… en un mot : leur humanité. Ces chercheurs de la lumière, qui l’ont trouvée et l’ont partagée.
La sainteté n’est pas une voie réservée à une élite. Le pape Jean-Paul II nous l’a fait comprendre en béatifiant et canonisant un grand nombre de personnes, Témoins de l’amour de Dieu.
Le 2 novembre, c’est la commémoration des défunts
Le 2 novembre, le lendemain de la Toussaint, c’est la commémoration des défunts, jour qui nous invite à prier pour les morts et à leur demander de prier pour nous.
Au XIIIe siècle, Rome inscrivit ce jour de commémoration sur le calendrier de l’Église universelle. La conviction s’est établie que les vivants ont à prier pour les morts. Mais n’oublions pas qu’on peut aussi leur demander de prier pour nous et de s’associer aux difficultés de notre vie.
Un vaste mouvement de solidarité spirituelle
Ce jour-là, le 2 novembre, les chrétiens sont invités à participer à un vaste mouvement de solidarité spirituelle. Rien de mortifère ou déprimant : le souvenir d’une personne a autant de facettes que la personne elle-même. Pour les croyants, c’est un vrai témoignage de foi dans la résurrection et la vie éternelle.
Pour cux qui doutent, cette solidarité spirituelle est un lien fort au-delà du temps et de l’espace qui nous rattache à nos racines proches ou lointaines. En évoquant les défunts avec nos descendants, ce lien nous permet de ne pas les laisser perdus, sans attaches. Voici d’ailleurs quelques belles évocations d’illustres défunts.
Victor Hugo honore la mémoire de Théophile Gautier :
Je te salue au seuil sévère du tombeau.
Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau.
Va ! Meurs ! la dernière heure est le dernier degré.
Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré :
Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime.
Tu vas sentir le vent sinistre de la cime
Et l’éblouissement du prodige éternel…
Alexandre Dumas honore la mémoire de Gustave Doré :
« Il fallait la disparition subite de Gustave Doré pour causer un nouvel étonnement au milieu de toutes les choses qui nous étonnent à cette heure. Mais ces choses passeront et l’œuvre de cet infatigable ne passera pas…
Soyons respectueux pour ceux qui, comme Doré, n’ayant vécu que cinquante ans, ont pu donner, pendant quarante, le plus grand exemple qu’on puisse donner aux hommes, celui du travail incessant, de la passion de l’Idéal et de l’acharnement à le poursuivre. »
Maupassant se souvient de son cher Flaubert :
« Plus la mort du pauvre Flaubert s’éloigne, plus son souvenir me hante, plus je me sens le cœur endolori et l’esprit isolé. Son image est sans cesse devant moi, je le vois debout, dans sa grande robe de chambre brune, qui s’élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases qu’il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s’il les prononçait encore.
Je sens d’une façon aiguë la hideuse monotonie des événements et des choses, et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait, comme personne, ce sens des philosophes qui ouvre, sur tout, des horizons, vous tient l’esprit aux grandes hauteurs d’où l’on contemple l’humanité entière. »
Théophile Gautier en mémoire de son ami Balzac :
« La postérité a commencé pour Balzac ; chaque jour il semble plus grand. L’édifice qu’il a bâti s’élève à mesure qu’on s’en éloigne. Le monument n’est pas achevé, mais, tel qu’il est, il effraye par son énormité, et les générations surprises se demanderont quel est le géant qui a soulevé seul ces blocs formidables et monté si haut cette Babel où bourdonne toute une société. »
Flaubert pleure son « cher maître George Sand » :
« Il fallait la connaître comme je l’ai connue pour savoir tout ce qu’il y avait de féminin dans ce grand homme, l’immensité de tendresse qui se trouvait dans ce génie. Elle restera une des illustrations de la France et une gloire unique…
Cette mort de ma vieille amie m’a navré. Mon cœur devient une nécropole où il reste pourtant de la place pour les vivants. Comme le vide s’élargit. Il me semble que la Terre se dépeuple. C’est une raison pour tenir davantage à ceux qui restent, pour aimer encore plus ceux qu’on aime. »
Article publié initialement 2 novembre 2019