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      Réforme de la haute fonction publique : une révolution à petits pieds

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 November, 2022 - 04:00 · 3 minutes

    Alors que les comptes des deux campagnes du président de la République font l’objet de l’attention médiatique, les accusations d’enjambement des conseillers habituels au profit du cabinet américain sonnent d’une façon particulière dans un contexte où le gouvernement entame le deuxième volet de sa réforme de la haute fonction publique.

    Une réforme qui pourrait bien être la plus importante des deux quinquennats Macron. Après les cahiers de doléances et le Grand débat national , la réforme de la haute fonction publique s’apparente à un nouvel acte de républicanisme aux airs de révolution à petits pieds.

    Une conséquence des Gilets jaunes

    De treize corps à un seul. La nouvelle était préparée.

    Le 25 avril 2019, c’est un président de la République en pleine crise des Gilets jaunes qui prend la parole pour clôturer le Grand débat national . Appelant à une réforme ambitieuse de la haute fonction publique, Emmanuel Macron s’apprête à lancer la mission Thiriez destinée à revoir de fond en comble le recrutement, la formation et la carrière des hauts fonctionnaires.

    Sortir d’une logique de corps

    Ce projet de fusion des corps constitue le deuxième volet de la réforme de la haute fonction publique initiée par l’ ordonnance du 2 juin 2021 mettant fin à l’École nationale d’administration ( ENA )au profit de l’ Institut national du service public (INSP).

    Le volet intègrait également la création de 74 classes préparatoires pour les boursiers et une fin du fameux classement de sortie à l’horizon 2024.

    Toujours en juin, Amélie de Montchalin, alors ministre en charge de la question, évoquait déjà davantage de mobilité des hauts fonctionnaires.

    À ce volet recrutement et formation s’ajoute donc un volet carrière présenté par l’ancien élève de HEC et ministre de la Transformation et de la Fonction publique Stanislas Guérini le 23 novembre dernier, alors que cinq décrets et trois arrêtés étaient publiés au Journal officiel. L’objectif est alors simple : unifier les corps et les rémunérations dont la part variable augmentera à hauteur de 30 % par la fin de la logique de corps au profit d’une logique de métiers avec une entrée en vigueur le 1er janvier prochain.

    Le projet ne devrait toutefois pas concerner les polytechniciens, officiellement du fait de leur situation de concurrence avec le secteur privé.

    Sans surprise, la réforme a provoqué des remous au sein des corps constitués, allant jusqu’à une grève des diplomates craignant la potentielle politisation et l’incompétence des nouvelles recrues.

    Républicanisme, acte III

    Les causes de cette refonte sont pourtant connues : la lourdeur administrative et l’anachronisme de cette institution. Deux qualificatifs révélés par la crise liée au covid et le droit en vigueur datant de 1945 et institué dans un contexte n’ayant plus aucun rapport avec la France contemporaine.

    Mais à ces causes purement pratiques s’ajoute le paramètre idéologique.

    La réforme de la haute fonction publique s’inscrit en effet dans l’ADN idéologique même du chef de l’État : le républicanisme. La fusion des corps et la logique de métiers n’est que l’étape supplémentaire de centralisation et de mise en pièce des rentes d’État. Après les privilèges d’Ancien régime, la République a produit sa propre caste. L’étape suivante, nous l’avons désormais sous les yeux. Une étape qui constitue certes une avancée mais qui reste sujette à difficultés, notamment lorsqu’on regarde de l’autre côté du Rhin voire de l’Atlantique, où les haut fonctionnaires sortent généralement des universités et non d’écoles spécifiques.