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      Indexation des salaires sur l’inflation : une mesure nocive

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 8 November, 2022 - 04:00 · 5 minutes

    Bruno Le Maire a tout à fait raison de refuser l’indexation des salaires sur l’inflation. Le problème est de savoir s’il sera entendu par le gouvernement.

    Un peu d’histoire récente

    Afin de démontrer la nocivité de l’indexation des salaires sur l’inflation, il suffit de faire un retour aux années 1960-1980. En voici les conséquences.

    En 1967, l’inflation en France était maîtrisée à 2,7 % mais a commencé à déraper l’année suivante pour atteindre 13,7 % en 1974.

    Que s’est donc-t-il passé ?

    Tout d’abord, les grèves de mai 68 ont eu pour conséquence une augmentation sensible des salaires ayant amené une première augmentation de l’inflation à 6,5 % en 1966 entraînant un blocage des crédits et la faillite de nombreuses PME. Mon père en a été victime en 1969 malgré un carnet de commandes en forte hausse.

    Ensuite, vint le premier choc pétrolier de 1973 . L’augmentation du prix du pétrole a eu pour conséquence une sensible augmentation des salaires, soit environ 20 %, suivie d’une hausse de l’inflation qui atteindra 13,7 % en 1973.

    Enfin, vint le deuxième choc pétrolier de 1979 . Après une accalmie jusqu’en 1978, de 9,1 % l’augmentation est remontée de nouveau à 13,6 % en 1980 avec là également une nouvelle hausse des salaires d’environ 20 %.

    J’ai bien connu cette période puisque c’est en 1980 que j’ai acheté ma première maison avec un prêt au plus haut taux d’emprunt jamais atteint depuis, soit 18 % !

    Quelle conclusion en tirer ?

    Jusqu’à ce jour, point de choc pétrolier, seulement des fluctuations. De 1986 à 1996 l’inflation a fluctué de 1,7 % à 3,6 % ; elle est passée de 0 % en 2015 à 2,1 % jusqu’à nos jours avec un exceptionnel 2,8 % en 2008. Mais nous pouvons affirmer qu’elle a été contenue.

    Le salaire moyen sur les vingt dernières années a été en moyenne augmenté de 2,6 % par an. Il a à peu près suivi l’augmentation de la productivité qui a été en moyenne de 2 %.

    Qu’en est-il aujourd’hui ?

    La productivité ne progresse plus, voire régresse et l’inflation s’envole, surtout depuis les problèmes d’approvisionnement en énergie.

    Le prix du pétrole s’envole mais également celui du gaz et dans une moindre mesure des matières premières. Jamais ce nouveau choc n’a été aussi rapide et aussi violent. L’inflation se situe entre 10 et 20 % dans une majorité de pays et atteint plus de 70 % en Turquie et au Brésil, et jusqu’à 210 % au Venezuela .

    Si nous indexons les salaires sur l’inflation nous entrons dans ce que les économistes nomment la « boucle inflation salaire » ou « spirale inflationniste » qui s’auto alimente et n’a plus de limites.

    L’augmentation du salaire est considérée comme un droit acquis sauf à accepter une réduction de ce salaire en cas de retournement de situation : aucun gouvernement ne s’y frottera.

    Conséquences d’un tel scénario

    Elles seraient considérables.

    Hausse du chômage

    Avec un chômage 4 points au-dessus de la moyenne européenne, la France est déjà le mauvais élève de la classe. Une indexation automatique aggraverait cette situation et le pays retrouverait des taux nettement au-delà de 10 % avec des conséquences désastreuses pour son économie.

    Augmentation des taux d’intérêts

    Certes, les taux d’intérêts suivent l’inflation avec un temps de décalage. Nous en avons déjà la preuve cette année puisque le taux à 10 ans est passé de 1 % en début d’année à 2,8 % actuellement. Nous assisterions donc à une baisse sensible des investissements aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises qui, contrairement aux allemandes, n’ont que peu de capacité d’autofinancement.

    Dépréciation de la monnaie

    Avec une perte actuelle de 20 % de la valeur de l’euro par rapport au dollar, le pays paie 20 % plus cher le prix du pétrole et d’une majorité des matières premières importées, ce qui correspond aux 30 centimes de la subvention de l’État sur le carburant avec une application limitée à la fin de l’année.

    Amputation de la valeur du patrimoine des Français

    L’inflation détruit d’autant la valeur d’un bien. Les premières victimes seraient les propriétaires de patrimoine, et donc les retraités en premier lieu.

    Insoutenabilité de la dette

    Pour chaque point de taux supplémentaire, ce sont 30 milliards d’euros supplémentaires à 10 ans du coût des intérêts de la dette qui va prochainement dépasser les 60 milliards d’euros annuels. Ils exploseront très rapidement et la mise sous tutelle du FMI et de la BCE deviendra inéluctable avec une situation à la grecque puissance dix.

    Quelle solution ?

    L’augmentation des prix en général, et de l’énergie en particulier, ne peut pas être assumée par une majorité de Français à faible et moyen revenu.

    Tout d’abord un regret, et ce n’est pas faute de l’avoir réclamé depuis deux décennies : les gouvernements successifs n’ont pas engagé la réduction drastique des dépenses de l’État qui dépassent les 57% du PIB (en forte augmentation) alors que la moyenne de la zone euro est inférieure à 52 % (en baisse). Ce sont donc 5 points de PIB soit plus de 110 milliards d’euros qui se seraient ajoutés au pouvoir d’achat des Français et donc auraient permis de mieux encaisser la situation actuelle.

    Ce n’est malheureusement pas le cas et nous ne disposons que de deux solutions :

    1. Des aides ciblées d’État pour les plus démunis avec comme corollaire une augmentation de l’endettement.
    2. Une augmentation du temps de travail des Français qui travaillent 30 % de moins que les Allemands, ce qui couvrirait largement le coût de l’inflation actuel et serait une sensible augmentation du pouvoir d’achat lorsque le pays sera revenu à la normale.

    Il faut donc bannir absolument toute indexation de la hausse des salaires sur l’inflation, y compris le SMIC.