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      À quoi bon compter les femmes ?

      news.movim.eu / Numerama · Sunday, 12 November - 11:02

    Si on ne propose pas de nouveaux modèles de production et de médiatisation, à quoi bon compter les femmes dans les industries dominées par les hommes ? [Lire la suite]

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      Voitures électriques : la France voit enfin le verre à moitié plein

      news.movim.eu / Numerama · Sunday, 29 October - 06:50

    Après des années à s'apitoyer sur son sort, l'industrie automobile française a enfin retrouvé de la combativité. Numerama était présent à la journée de la filière auto pour en tirer cet édito, publié dans la newsletter du jeudi 26 octobre. [Lire la suite]

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      La première usine spatiale au monde est désormais en orbite

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Monday, 19 June, 2023 - 13:30

    varda-158x105.jpg l'usine pharmaceutique orbitale de Varda

    Varda Space Industries espère que ce lancement va marquer le début d'une nouvelle ère dans de nombreuses branches de l'industrie.

    La première usine spatiale au monde est désormais en orbite

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      Bilan économique : la France est sur une mauvaise pente

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 04:00 · 9 minutes

    On se souvient de la grave crise grecque en 2009. L’endettement du pays était devenu considérable et l’agence de notation Fitch avait abaissé sa note en dessous de A. C’était la première fois qu’une telle dégradation survenait dans un pays européen.

    Il s’ensuivit une panique en Europe. La zone euro fut jetée dans la tourmente et le FMI, la BCE et la Commission européenne durent intervenir à trois reprises. On imposa à la Grèce des mesures drastiques qui conduisirent au pouvoir en 2015 le parti anti austérité d’Alexis Tsipras . Après six années de crise le PIB se trouva réduit d’un quart et le taux de chômage monta jusqu’à 25 %. La Grèce se remit très difficilement de cette crise : il y eut plusieurs plans de sauvetage et le bilan social fut catastrophique.

    Il semble que la France se trouve sur la même pente que celle qui a conduit la Grèce à la faillite , avec une crise ayant duré de 2010 à 2015. Il avait même été envisagé sa sortie de l’Europe et de la zone euro.

    Pour l’instant la notation de l’agence Fitch classe la France en AA , ce qui est tout à fait honorable, mais avec la mention « perspective négative » ; sachant que la première catégorie comprend AAA, puis AA, et ensuite A, la France a tout simplement reculé d’un cran. Vient ensuite la catégorie des B avec à nouveau trois degrés différents ; puis enfin la catégorie F.

    Pourquoi craindre que le pays se trouve engagé sur la même pente dangereuse que la Grèce ?

    Il convient de distinguer d’un côté les éléments qui ont un caractère causal, c’est-à-dire de nature à expliquer la dégradation de l’économie du pays, et de l’autre ceux qui en sont la conséquence mais ne constituent pas moins des freins au redressement d’une économie mal engagée.

    Pour marquer les étapes de la dégradation de l’économie française, les points de repère seront la Suisse, un pays exemplaire à l’économie très dynamique et parfaitement équilibrée, ainsi que la moyenne de l’OCDE. Les données statistiques seront celles fournies par la Banque mondiale, pour l’année 2021, afin d’avoir des séries homogènes.

    Les éléments à caractère causal

    Nous retiendrons essentiellement les critères suivants :

    • Les dépenses en Recherche et Développement
    • Les taux d’industrialisation
    • Les taux de population active
    • Le solde de la balance commerciale
    • La durée de la vie active

    Les taux de R&D des pays

    Des dépenses de Recherche et Développement importantes caractérisent les pays développés qui investissent pour préparer leur avenir. Elles permettent de rester dans le peloton de tête grâce à l’innovation.

    Dépenses de R&D en pourcentage du PIB

    • Suisse….. 3,15 %
    • OCDE….. 2,96 %
    • France…. 2,35 %
    • Grèce…… 1,50 %

    Le taux d’industrialisation

    L’industrie est un élément clé pour créer de la richesse dans un pays depuis la première révolution industrielle. Des trois secteurs de l’économie , à savoir l’agriculture, l’industrie et les services (selon la classification de Colin Clark) c’est celui où le progrès technique augmente le plus vite. Le secteur secondaire est un secteur à forte valeur ajoutée et fournit aux pays l’essentiel de leurs exportations. Les taux d’industrialisation de la France et de la Grèce sont très faibles, ces deux pays sont les plus désindustrialisés de tous les pays européens.

    Taux d’industrialisation en pourcentage du PIB, y compris la construction

    • Suisse….. 24,6 %
    • OCDE….. 22,3 %
    • France…. 16,7 %
    • Grèce…… 15,3 %

    Le taux de population active

    On entend par taux de population active la proportion entre les personnes en emploi ainsi que les chômeurs, et la population totale.

    Taux de population active en pourcentage de la population

    • Suisse…… 57,0 %
    • OCDE…… 49,2 %
    • France….. 46,1 %
    • Grèce……. 43,5 %

    Le solde de la balance commerciale

    Les exportations réalisées par un pays présentent un double avantage : elles accroissent les marchés des entreprises locales et fournissent les devises permettant de financer les importations. Leur volume dépend de la nature et de la qualité de la production du pays et du dynamisme de ses entreprises.

    Solde de la balance commerciale en pourcentage du PIB

    • Suisse……………………  119 %
    • Union européenne….     0 %
    • France…………………… – 1,9 %
    • Grèce…………………….. – 7,7 %

    Durée de la vie active

    La durée de la vie active dépend de l’âge d’entrée dans la vie professionnelle et de l’âge de cessation d’activité professionnelle déterminé en fonction de l’âge légal de départ à la retraite.

    Durée de la vie active

    • Suisse………………….. 42,6 ans
    • Union européenne… 35,6 ans
    • France………………….. 35,0 ans
    • Grèce……………………. 33,2 ans

    Tous les graphiques ci-dessus montrent que la France se situe systématiquement à mi-chemin entre les moyennes OCDE et la Grèce. On aurait préféré qu’elle se place à gauche, entre les moyennes OCDE et la Suisse.

    Les éléments induits à caractère aggravant

    Les dépenses publiques

    On constate toujours dans les pays à l’économie en difficulté que les dépenses publiques sont importantes en regard du PIB. Les besoins de la population sont là et il faut les satisfaire : éducation, santé, appareil judiciaire, entretien et création des infrastructures, sécurité… et les PIB n’étant pas à la hauteur de toutes ces exigences, le taux des dépenses publiques est élevé.

    Dépenses publiques en pourcentage du PIB

    • Suisse…… 20,1 %
    • OCDE…… 34,9 %
    • France….. 51,9 %
    • Grèce……. 58,5 %

    Les prélèvements obligatoires

    Pour couvrir ses dépenses l’État procède à ce que les économistes appellent des « prélèvements obligatoires ». Ceux-ci sont de plus en plus importants à mesure qu’augmentent les dépenses publiques.

    Prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB

    • Suisse…… 28,5 %
    • OCDE…… 34,2 %
    • France….. 47,6 %
    • Grèce……. 42,3 %

    La France se situe donc déjà au-dessus du niveau de la Grèce.

    Taux de chômage

    La conséquence d’une économie qui fonctionne mal est une proportion élevée de la population au chômage : la France est bien dans ce cas. Selon les estimations du BIT le pays compte 2 252 000 chômeurs ; les catégories A, B et C de Pôle emploi en totalisent un nombre bien plus élevé soit 5 163 000 chômeurs sensés être en recherche active d’emploi. Le taux est bien plus élevé que celui calculé par le BIT.

    Taux de chômage (BIT)

    • Suisse….. 5,3 %
    • OCDE….. 6,3 %
    • France…. 8,1 %
    • Grèce…… 14,8 %

    Endettement du pays

    Dans une économie dysfonctionnelle et donc à la création de richesse insuffisante, les États s’endettent pour boucler leurs budgets annuels. Le coût de la dette les alourdit chaque année un peu plus.

    Endettement du pays en pourcentage du PIB

    • Suisse…… 20,9 %
    • France….. 113,0 %
    • OCDE…… 129,3 %
    • Grèce……. 197,1 %

    Le cas de la France : attention danger !

    Le problème est que lorsqu’un processus de détérioration de l’économie s’installe il s’entretient de lui-même et le pays entre dans un cycle pernicieux. C’est précisément ce qui se produit en France depuis une vingtaine d’années. Tous les ratios se dégradent d’année en année. Les dépenses sociales ne cessent de croître régulièrement, d’où une augmentation constante des dépenses publiques et pour y faire face un accroissement constant des prélèvements obligatoires ; ceux-ci n’étant jamais suffisants, le recours régulier à de l’endettement est nécessaire et ne cesse d’augmenter.

    Les pouvoirs publics sont incapables de rompre ce cercle vicieux. Nous en arrivons au point où ce processus a atteint ses propres limites. Les prélèvements obligatoires étant parvenus à des niveaux insupportables il n’y a plus d’autre solution pour les pouvoirs publics que d’augmenter encore davantage la dette. C’est ce qui se produit dans notre pays : elle est passée de 2380 milliards d’euros à la fin de 2019 à 2916 milliards à la fin de 2022, soit un accroissement de 536 milliards en trois ans.

    Il faut comprendre quelle est l’origine du phénomène, ce que les pouvoirs publics ont été très longs à saisir et sans être certain qu’ils aient véritablement pris conscience du cercle vicieux dans lequel ils se trouvent enfermés.

    L’origine du problème est la grave dégradation du secteur secondaire, le secteur industriel . Les effectifs de l’industrie sont passés de 6,5 millions de personnes à la fin des Trente glorieuses à 2,7 millions aujourd’hui. Le secteur industriel français ne concourt plus que pour 10 % à la formation du PIB (chiffre hors construction), alors que ce taux devrait se situer à 18 % environ. En incluant la construction dans le secteur secondaire, il faut ajouter 5 à 6 points aux précédents ratios.

    Les pouvoirs publics se sont laissés piéger par la thèse d’évolution des trois secteurs de l’économie développée par Jean Fourastié dans son livre Le grand espoir du XX e siècle paru en 1949. Cet économiste a travaillé sur des séries longues et a raisonné nécessairement en termes d’emplois et non de valeur ajoutée. Certes, les effectifs du secteur industriel se réduisent mais en termes de valeur ajoutée il est toujours présent du fait que la valeur ajoutée par employé a fortement progressé. Cela a été mal compris et dans les universités a très vite enseigné qu’une économie moderne n’est plus constituée que par les activités de services. Les sociologues qui ont mal compris Jean Fourastié ont diffusé très vite le concept de « société postindustrielle », lequel s’est installé solidement dans les esprits, jusque chez les dirigeants du pays.

    Pour redresser la situation, il n’y a pas d’autre solution que de procéder au redressement du secteur industriel mais l’environnement n’est guère favorable : guerre en Ukraine, coût très élevé de l’énergie en Europe.

    De plus, en initiant l’ Inflation Reduction Ac t (IRA), le gouvernement de Joe Biden va subventionner les entreprises américaines en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, un budget de 369 milliards de dollars est prévu pour les épauler.

    À Bruxelles, Thierry Breton prépare une riposte : il évoque un plan à hauteur de 2,5 % ou 3 % du PIB de l’Europe des 27.

    Nous n’en sommes pas là : pour l’instant, les entreprises industrielles quittent l’Europe et la France est particulièrement affectée par ce mouvement.

    L’entreprise singapourienne REC Solar qui devait fabriquer en Moselle des panneaux photovoltaïques renonce à son projet pour se tourner vers les États-Unis.

    Le Chinois Quechen qui devait installer une usine à Marseille pour produire de la silice pour les fabricants européens de pneumatiques jette l’éponge .

    Le groupe industriel Safran qui devait créer un nouveau site de production près de Lyon pour les freins carbone destinés à l’aéronautique suspend son projet d’investissement.

    Le secteur industriel français est loin de se redresser et le plan « France 2030 » lancé en octobre 2021 par Emmanuel Macron « pour répondre aux grands défis de notre temps » est un dispositif complètement sous-dimensionné.

    Il serait souhaitable de ne pas en arriver à une situation à la grecque.

    Nombreux sont ceux qui n’ont plus les moyens d’accéder aux soins, des hôpitaux ont dû interrompre momentanément leur activité, les cas d’ infections au virus HIV ont augmenté de 50 % et le paludisme est réapparu en Grèce . Le port du Pirée a été vendu aux Chinois et celui de Thessalonique a été cédé à un consortium. Quatorze aéroports régionaux ont été repris par un groupe allemand. Et selon une étude britannique, depuis le début de la crise le nombre des suicides a doublé .

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      Le « made in China » n’a plus la cote dans la tech américaine

      news.movim.eu / Numerama · Thursday, 5 January, 2023 - 15:28

    Chine

    Dell et HP planchent sur une sortie de leur production hors de Chine. D'autres groupes, américains essentiellement, cherchent aussi à se relocaliser ailleurs, au moins en partie. Certains ont déjà sauté le pas. [Lire la suite]

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      La politique industrielle n’a pas amené la prospérité à l’Asie

      Mises Institute · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 2 January, 2023 - 04:15 · 5 minutes

    Par Lipton Matthews.

    La politique industrielle est présentée avec ardeur par les démocrates et les conservateurs comme un outil permettant de rajeunir l’économie américaine . Certains affirment que l’innovation s’essoufflera si les États-Unis n’appliquent pas une politique industrielle aux principaux secteurs. La réussite des pays d’Asie de l’Est est souvent citée pour étayer les arguments en faveur de la politique industrielle , mais les défenseurs de cette politique ont vendu une histoire simpliste.

    S’il est parfois noté qu’il existe une corrélation entre les taux de croissance élevés et les investissements en matière de politique industrielle, ce n’est pas le cas. Au cours des années 1980, le Japon était l’enfant modèle de la politique industrielle et beaucoup craignaient que l’absence de politique industrielle ne relègue les États-Unis au rang de pays de seconde zone. Mais ces prédictions apocalyptiques se sont révélées fausses. Au lieu d’éclipser l’Amérique, le Japon est entré dans un long marasme économique .

    Au lieu de propulser la croissance économique en Asie de l’Est, la politique industrielle a été coûteuse et s’est soldée par plusieurs échecs. Au Japon, par exemple, les industries qui ont été soutenues par la politique industrielle n’ont pas réussi à devenir compétitives au niveau mondial. L’exploitation du charbon a bénéficié d’un soutien considérable des années 1950 aux années 1960 mais elle a décliné des années 1950 aux années 1970. La production est passée de cinquante-quatre millions de tonnes métriques en 1954 à dix-neuf millions de tonnes métriques en 1978.

    Des études de référence sur la politique industrielle au Japon montrent que la distribution des ressources était en grande partie une activité politique qui profitait aux entreprises liées et favorisait une atmosphère de corruption. En outre, de nouvelles recherches continuent de jeter le doute sur l’efficacité de la politique industrielle au Japon. Selon une étude de la National Foundation for American Policy, les politiques industrielles n’ont eu aucun effet sur la productivité des industries les plus dynamiques du Japon entre 1955 et 1990.

    Les résultats révèlent qu’une quantité disproportionnée d’efforts gouvernementaux a été consacrée aux industries à croissance lente et en déclin. Richard Beason, dans son étude , expose les défauts de la politique industrielle en soulignant le succès des industries qui ont reçu un soutien limité :

    « Les industries que nous associons au Japon pendant la période de forte croissance, les machines électriques (la plupart du secteur « tech »), les machines générales (la plupart des industries de biens d’équipement) et le secteur des équipements de transport (qui comprend les automobiles) étaient généralement vers le bas en termes de soutien gouvernemental entre 1955 et 1990. La politique gouvernementale a agi comme un obstacle pour les secteurs à croissance rapide parce que ces secteurs avaient des taux d’imposition effectifs plus élevés que les secteurs à croissance lente. »

    En outre, d’autres recherches sur le sujet ont montré que la politique industrielle n’a pas modifié la structure sectorielle de l’industrie ou les taux de changement de la productivité dans les pays d’Asie de l’Est. Même sans politique industrielle, les pays d’Asie de l’Est connaîtraient une croissance. Comme le Japon, la Corée du Sud est présentée comme une réussite de la politique industrielle, mais les taux de croissance indiquent que ce pays a connu plus de succès au cours des décennies où les politiques gouvernementales étaient sectoriellement neutres.

    Dans un bulletin sur le développement économique, Arvind Panagariya affirme que les inconvénients de la politique industrielle sont généralement ignorés par ses partisans :

    « Lorsque les critiques revendiquent le succès du ciblage industriel, ils évitent totalement la discussion de la décennie cruciale de 1963-1973. Ils se concentrent plutôt sur la décennie suivante, au cours de laquelle la Corée s’est lancée dans l’industrie lourde et chimique (ICH). Mais le taux de croissance de 1974 à 1982 est en fait tombé à 6,9 %. De plus, vers la fin de cette période, l’économie a été confrontée à une grave instabilité macroéconomique, qui a abouti à l’abandon de l’effort en faveur de l’industrie lourde et chimique et à la restauration d’un régime politique neutre. Cela a permis au pays de retrouver un taux de 8,7 % entre 1983 et 1995. »

    Bien qu’un document de 2021 affirme que la productivité du travail des industries et des régions ciblées a augmenté plus rapidement que celle des industries et des régions non ciblées, avec le temps, ces gains se sont érodés en raison d’une mauvaise répartition des ressources. Sans politique industrielle, la productivité des industries ciblées aurait été de 40 % supérieure en 1980. Il s’avère que la création d’un environnement commercial favorable est la meilleure politique industrielle. Si le gouvernement sud-coréen n’avait pas réussi à éliminer les obstacles aux exportations, la Corée du Sud n’aurait pas établi une industrie de la beauté florissante.

    Pour Taïwan, les observateurs notent qu’en l’absence de capitaux privés, le financement public a permis de lancer le commerce. Dans les années 1980, cependant, il est devenu évident pour les décideurs que les avantages des politiques industrielles avaient un coût considérable pour l’économie . Les examens des politiques industrielles à Taïwan ont montré qu’elles ont conduit à l’ émergence de groupes d’intérêt politiquement liés qui ont souvent résisté à l’innovation et aux nouvelles techniques de gestion.

    Pourtant, malgré les données sur les déficiences de la politique industrielle, nombreux sont ceux qui font pression pour une intervention. En fait, les universitaires attribuent le miracle est-asiatique à des niveaux élevés de capital humain et à des réformes du marché. Les politiques industrielles ont évidemment coïncidé avec le succès des pays d’Asie de l’Est mais elles n’ont jamais été la cause de la prospérité.

    Sur le web

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      Le complexe de l’industrie (3) : retour à la Realpolitik

      David Zaruk · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 December, 2022 - 04:00 · 15 minutes

    Un article du Risk-Monger .

    Première partie de cette série ici .
    Seconde partie de cette série ici .

    Ceux qui souffrent dans le froid et l’obscurité ne se collent pas à des œuvres d’art.
    Ceux qui ont faim se moquent bien qu’un gourou ait sanctifié les graines avant de les semer.
    Les familles qui ont du mal à joindre les deux bouts apprécieraient une nouvelle usine en ville.
    Les politiciens qui prêchent leur vision de la vertu devant une minorité de militants n’auront pas beaucoup de soutiens.

    Après 30 ans à gaspiller les dividendes de la paix, à désindustrialiser les économies et à ignorer les faits et les preuves dans leurs politiques guidées par l’idéologie, les dirigeants occidentaux commencent à réaliser qu’ils doivent prendre des décisions difficiles en faisant un compromis entre les rêves de mondes parfaits pour demain et une meilleure réalité aujourd’hui.

    Après deux années de pandémie mondiale, une crise énergétique en Europe, l’insécurité alimentaire mondiale et l’inflation, nous ne pouvons plus continuer à promettre à un public docile le mythe du risque zéro , de l’ argent gratuit et un monde d’arcs-en-ciel et de papillons.  Les dirigeants doivent revenir à une gestion des risques où tout le monde n’obtient pas forcément ce qu’il veut mais pourrait obtenir ce dont il a besoin.

    Ceci est la troisième partie d’une série sur le complexe de l’industrie.

    L’activisme écologiste est devenu une idéologie inflexible qui a intégré dans son dogme une philosophie stricte anti-industrie, anticapitaliste et décroissante au point que l’industrie a été délégitimée ( comme l’industrie du tabac ) du dialogue politique par des rhétoriciens intolérants . En s’imposant astucieusement aux acteurs de la réglementation comme étant des politiques vertueuses, les militants écologistes ont poussé sans relâche les consommateurs et les économies (en particulier en Europe) au bord du gouffre. Donner tout ce qu’ils veulent à des extrémistes n’est pas une bonne stratégie dans une démocratie libérale mais les acteurs de la réglementation semblent à présent avoir les mains liées par tout une série d’outils et de concepts qui rendent la résistance difficile. Ces dogmes fondamentalistes ne peuvent être désarmés que par un retour au réalisme pragmatique dans la politique occidentale.

    Les politiques de vertu idéaliste doivent être vues pour ce qu’elles sont : de mauvaises démarches politiques au mauvais moment.

    Il est temps de revenir à la Realpolitik

    Il est temps que les acteurs de la réglementation se fassent pousser une paire pour affronter ces voix effrontées de répugnance moralisatrice et d’intolérance en provenance des quartiers militants.

    Il est temps qu’ils fassent leur boulot : prendre des décisions difficiles et gérer les risques plutôt que promettre un monde de risque zéro à un public docile qui en est arrivé à attendre des solutions simples à des problèmes complexes. Il est temps de revenir à la Realpolitik faire le meilleur choix parmi une liste d’options et de circonstances plutôt que de continuer à faire de fausses promesses qui devront être payées par d’autres.

    La Realpolitik a rarement été utilisée dans les discussions politiques depuis la fin de la guerre froide. En vérité l’Occident a profité des dividendes de la paix depuis la chute du mur de Berlin qui a permis aux dirigeants occidentaux de poursuivre leurs idéaux sans compromis, payer pour les conséquences de mauvaises décisions et faire comme si le lait et le miel allaient couler indéfiniment. Cette hégémonie occidentale ne connaissait que peu de menaces lointaines et les électeurs se sont mis à espérer recevoir tout ce qu’ils voulaient. Et nous pouvions nous l’offrir (… jusqu’à la pandémie).

    Ce n’est pas un nouveau concept.

    Le terme Realpolitik a été utilisé plusieurs décennies avant Bismarck (couramment considéré comme le père de la Realpolitik ). Il a été développé par Ludwig von Rochau qui a essayé d’introduire les idées libérales des Lumières après 1848 dans un monde politique qui était intégré dans une dynamique de pouvoir culturel moins rationnelle, nationaliste et religieuse (assez semblable au dogme vert qui anime beaucoup de sphères politiques occidentales aujourd’hui).

    La Realpolitik est souvent mieux comprise par ce qu’elle n’est pas : il s’agit de décisions qui ne sont pas prises seulement sur des bases idéologiques et morales. En d’autres termes, la Realpolitik désigne des décisions pragmatiques fondées sur le meilleur résultat possible et des compromis (quelque chose que les dirigeants doivent faire lorsqu’ils doivent affronter des réalités désagréables). Les idéologues peuvent tranquillement ignorer les faits lorsqu’ils imposent leur pouvoir, mais les Realpolitikers suivent la meilleure science disponible tout en faisant appel à la raison.

    • En politique agricole, la stratégie européenne de la Ferme à la Fourchette est fondée sur l’idéologie et la morale (selon laquelle le bio est moralement mieux et ne repose pas sur l’industrie). Mais au vu de la hausse des prix alimentaires et des menaces sur la sécurité alimentaire mondiale, une stratégie plus pratique et rationnelle qui se concentrerait sur une intensification durable pourrait être un meilleur choix.
    • Dans les débats sur l’énergie, les dirigeants européens ont stupidement donné à leur minorité bruyante et militante ce qu’elle voulait (la fermeture de réacteurs nucléaires et l’abandon des combustibles fossiles) sans alternative pragmatique ou plan rationnel de transition. Un Realpolitiker n’aurait pas arrêté les centrales nucléaires avant que la transition énergétique soit bien accomplie.

    Il y a une tendance à défaire certaines des stratégies les plus stupides et purement idéologiques du Pacte Vert mais l’Europe devra peut-être attendre que des idéologues aveugles et intransigeants comme Frans Timmermans aient tranquillement quitté la scène de l’UE. Pour les consommateurs européens ce ne sera jamais trop tôt.

    La précaution contre la Realpolitik

    Le principe de précaution est très attrayant pour la vision du monde d’un idéologue qui n’acceptera rien hormis la perfection.

    Selon la version de la précaution de l’Agence européenne de l’environnement (l’inversion de la charge de la preuve), si une technologie, une substance ou un produit n’est pas prouvé comme étant sûr, alors il faut prendre des précautions. La sûreté et la certitude sont des absolus et certaines voix en appellent vite à la précaution pour des expositions minuscules à des dangers suspectés (voyez la campagne contre les perturbateurs endocriniens). Les preuves factuelles ou la raison ne sont pas nécessaires pour justifier des décisions idéologiques fondées sur la morale.

    Mais devons-nous laisser la perfection être l’ennemie du bien ?

    La précaution a mené au retrait de beaucoup de technologies et substances hautement efficientes car les régulateurs exigeaient une sûreté à 100 %. Dans certains cas, comme l’interdiction du traitement des semences par certains insecticides néonicotinoïdes pour éviter une apocalypse imaginaire des abeilles , les alternatives ont été pires que la substance interdite et de nombreux agriculteurs ont tout simplement abandonné les cultures vulnérables comme le colza ; ce qui a aggravé la situation des abeilles.

    J’ai expliqué que nous devrions viser une meilleure sûreté plutôt que la sûreté. L’amélioration de la sûreté est quelque chose que les gestionnaires de risques de l’industrie peuvent mesurer et pour laquelle ils peuvent se démener, alors que la sûreté est un idéal émotionnel qui ne peut être ni mesuré ni a fortiori atteint.

    Nous n’atteindrons jamais la sûreté mais nous pouvons nous efforcer d’être plus sûrs. Voilà où une approche de Realpolitik plus pragmatique réussirait mieux que toute aversion arbitraire au risque. Nous avons vu l’effondrement des approches précautionneuses de risque zéro après deux années de confinements Covid-19 qui ont détruit des communautés et des économies tout en augmentant les problèmes de santé mentale et de violence domestique. Aujourd’hui nous avons accepté que nous devons vivre avec un certain nombre d’infections à coronavirus et les décisions sont devenues plus pragmatiques, tournées vers les risques et rationnelles. Nous ne serons pas sûrs à 100 % mais nous nous efforcerons de l’être davantage.

    La Realpolitik reconnaît le fait qu’un monde parfait n’est qu’un doux rêve.

    Libérés de l’entrave de la recherche de la sûreté absolue, nous travaillons sur la gestion des risques en réduisant l’exposition à un niveau aussi réduit que raisonnablement possible (atteignable) et nous rendons le monde (les produits, les substances, les systèmes…) meilleur – plus sûr. Nous visons un monde où les risques sont plus faibles pour plus de monde et non pas le risque zéro pour tout le monde. Nous devons tourner le dos à l’état d’esprit fondamentaliste des militants et adopter une approche plus industrielle, plus scientifique (comme en voit en bonne gestion de produit) : de l’amélioration continue, des itérations permanentes et du raffinement technologique.

    Symptômes de la précautionnite maladie causée par la peur et l’ignorance :

    • Aversion au risque
    • Vision idéaliste simpliste d’un monde parfait
    • Peur irrationnelle de l’incertitude
    • Croyance que d’autres peuvent garantir la sûreté
    • Approche passive des défis (phobie de l’innovation)

    Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer avec cette idéologie de luxe de la sûreté absolue, codifiée dans cette approche précautionneuse basée sur le danger, de la réglementation. Nous avons besoin de produits chimiques qui désinfectent, de pesticides capables de protéger les plantes, de plastiques qui évitent les risques d’intoxication alimentaire et de sources d’énergie qui permettent de garder la lumière allumée.

    Les interdictions générales par précaution, fondées sur des idéologies étroites (comme l’exigence irrationnelle de produits exclusivement naturels) et des restrictions arbitraires (par exemple qui excluent de faire intervenir des entreprises) créent des pénuries et de la misère que nous ne devrions pas imposer aux plus vulnérables.

    Dialoguer avec ceux qui font les choses

    Ceux qui font de la Realpolitik ne devraient pas être dissuadés de dialoguer avec des acteurs industriels en particulier lorsqu’ils ont accès à des solutions technologies essentielles. Ils ne tolèreraient pas l’approche de tabassage moralisateur des idéologues – le fait d’exclure les parties prenantes avec le plus de possibilités et de capacités.

    Imaginez un peu, lorsqu’on a commencé à montrer démontrer l’efficacité relative des premiers vaccins covid, si les États avaient déclaré que les entreprises ne devaient pas être impliquées dans leur développement et leur mise en œuvre. Cela aurait été pure stupidité. Et pourtant c’est exactement le genre d’absurdité qu’on entend de la part des agro-écologistes qui exigent que les technologies de recherche provenant de l’industrie soient exclues des pratiques agricoles dans les pays en développement. Je suppose qu’il faudra davantage de famines avant que la Realpolitik revienne dans le discours sur l’agriculture.

    Nous sommes dans un monde en crise, ardemment désireux de solutions innovantes à de graves problèmes. L’innovation implique de la prise de risque, des itérations et de l’amélioration continue.  L’approche industrielle et capitaliste récompense la pensée innovante alors que l’état d’esprit précautionneux déteste toute incertitude que de telles innovations pourraient apporter. Les dirigeants actuels à Bruxelles, obsédés par leur myopie de « sauver le monde » avec leur Pacte Vert ne sont pas les bonnes personnes pour nous mener hors de cette crise qu’ils ont eux-mêmes créée.

    L’an dernier nous avons observé ce que j’espérais être le dernier soubresaut de l’esprit de précaution qui domine notre pensée réglementaire.

    Au début du déploiement du vaccin Covid-19 plusieurs cas de thromboses pouvaient être associés au vaccin. Des acteurs de la réglementation, y compris le vice-président de la Commission européenne Paolo Gentiloni, ont appelé à la suspension de la vaccination par mesure de précaution, en particulier du vaccin AstraZeneca, jusqu’à ce que les citoyens soient certains de la sûreté du vaccin. En raison des avantages de celui-ci et de la lassitude des confinements, une réaction politique plus pragmatique a été adoptée (en noyant les protestations des partisans de la précaution mais un peu tard pour AstraZeneca). Qui aurait profité des bienfaits des technologies des vaccins mRNA si deux horribles années de pandémie ne nous avaient pas réveillés de notre somnolence précautionneuse ? La même technologie est maintenant envisagée pour traiter certains cancers. Faut-il l’interdire ?

    Le retour à la Realpolitik est un retour à la gestion des risques qui tourne le dos à plusieurs décennies de gestion de l’incertitude par de la précaution à risque zéro. Une telle approche politique prévaut lorsqu’on est cruellement en manque et que le besoin de solutions innovantes étouffe toutes les peurs irrationnelles causées par l’incertitude. Quelques malchanceux peuvent subir les conséquences d’un vaccin mais une approche pratique de gestion des risques examinera ces risques dans une perspective rationnelle et continuera à chercher à les réduire.

    En réalité nous n’aurons jamais les moyens de satisfaire les exigences d’un monde parfait de ces idéologues de la précaution – des fanatiques moralisateurs opulents qui supposent que tout le monde mérite de profiter des bienfaits dont ils jouissent.  Mais à présent les factures s’empilent et appellent des solutions pratiques et résolues.  Le temps est arrivé en effet de quitter l’ère des politiques menées par la vertu et de revenir à la Realpolitik.

    Comment nettoyer ce bourbier

    Comme les lecteurs de mon blog le savent, je fais clairement le lien entre la montée de l’utilisation du principe de précaution avec l’hégémonie des militants et la disparition progressive des politiques favorables à l’innovation.

    Ce mouvement va main dans la main avec le discours anti-industrie qui pousse les sociétés occidentales vers un environnement réglementaire post-capitaliste décroissant. Mais les crises actuelles de l’énergie, de l’alimentation et de la santé publique ont percé un trou béant dans le ballon des campagnes militantes, dégonflant leur idéalisme. Comment faire maintenant pour remettre la Realpolitik au centre de la pensée politique ?

    J’ai expliqué par ailleurs que l’industrie devrait se lever et quitter la table des négociations de l’UE sur la réglementation à moins que la Commission européenne introduise des procédures équitables appliquées uniformément à toutes les parties prenantes. J’ai aussi appelé à l’écriture d’un livre blanc qui formulerait une direction claire pour une démarche de gestion des risques (à l’heure actuelle il semble que le principe de précaution soit considéré à tort comme le seul outil de gestion des risques).  Nous avons besoin d’une analyse post-covid des échecs du principe de précaution et du rôle des avis scientifiques. Nous devrions aussi définir des lignes directrices et mener une évaluation concernant le niveau d’influence que nous pouvons permettre à certaines ONG au sein de la démarche réglementaire. Trop souvent aujourd’hui, nous laissons des groupes qui représentent moins de 10 % de l’électorat européen dicter une grande partie de la politique européenne… sans égard pour les intérêts de l’industrie, des consommateurs ou la réalité économique.

    L’industrie doit aussi se défendre elle-même.

    Les campagnes de dénigrement contre des entreprises, contre le capitalisme et contre des solutions innovantes ont besoin d’être contrées. Les entreprises sont restées trop longtemps silencieuses pendant que des fanatiques dépourvus d’éthique répandent des mensonges et agissent contre elles. Ce que l’industrie considérait comme une bataille diplomatique est maintenant devenu du défaitisme timide.  Leur science doit être examinée sur la base des faits et des données et non pas sur sa source de financement. Lorsque les attaques contre l’industrie se transforment en excuses faciles pour les politiciens, alors ces bateleurs doivent être interpellés pour cela ; ils doivent savoir qu’il y a des conséquences à la mise en œuvre de procédures et de décisions allant à l’encontre des intérêts des consommateurs et de l’économie, qui vont contre la raison et ne font que renforcer leurs idéologies haineuses et destructrices .Les acteurs de l’industrie doivent être moins polis et diplomates.  Être respecté ne fait pas gagner de points dans l’arène politique.

    L’Europe devient moins compétitive, moins ouverte à la recherche, moins productive et elle subit des échecs sur de nombreux fronts industriels. Les entreprises font face à des coûts et des contraintes non nécessaires, beaucoup s’en vont et produisent ou font de la recherche dans d’autres régions du monde, les consommateurs payent plus cher et obtiennent moins en retour. Les agriculteurs travaillent plus dur pour des rendements plus faibles (et des importations alimentaires en hausse). L’Europe est en déclin car de mauvaises politiques sont enracinées dans une idéologie anti-industrie, anti-technologie et anti-croissance.

    Avec les menaces économiques, sociales et environnementales actuelles, il n’est plus temps de tolérer des écologistes dogmatiques haineux et à l’esprit fermé. Nous avons besoin que nos dirigeants reviennent à la Realpolitik – qu’on n’a pas vu depuis les années 1980 – des solutions pragmatiques, de la pensée créative et des compromis entre esprits ouverts.

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      Comment désindustrialiser notre production alimentaire ?

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 16 December, 2022 - 17:44 · 24 minutes

    Alors que la réindustrialisation est devenue une priorité des gouvernements, le secteur agro-alimentaire paraît au contraire sur-industrialisé. Contrairement à d’autres domaines où elle a bradé ses fleurons, la France compte d’ailleurs plusieurs géants mondiaux dans ce domaine, avec Danone, Bonduelle ou Lactalis. Or, cet état de fait pose désormais de nombreuses difficultés, que ce soit en matière de qualité, de santé, d’impact écologique ou de bien-être animal. Alors que de nombreuses voix prône la relocalisation plutôt que le libre-échange, il apparaît de plus en plus que la reconquête d’une souveraineté alimentaire doit s’appuyer sur un vaste mouvement de désindustrialisation. Un timide mouvement en ce sens a déjà débuté sur quelques produits, mais le processus promet d’être long.

    L’industrie agro-alimentaire traverse t-elle une mauvaise passe ? Cette année Buitoni , Kinder ou encore le géant de la glace Häagen-Dazs ont été au cœur de scandales sanitaires . Des affaires à répétition qui jettent le soupçon sur la qualité de la production des grands groupes. Plus encore, leur gestion a démontré le pouvoir acquis par cette industrie, qui semble les mettre au-dessus de tout contrôle. Avec un mouvement de reprise du contrôle de notre alimentation, ceci pose la question de la désindustrialisation de ce secteur ultra-industrialisé.

    La France est un pays de tradition agricole, et l’agro-industrie y constitue le premier secteur industriel en termes d’emplois et de chiffre d’affaires. Au point que notre pays se trouve mieux placé dans les exportations de produits transformés que de produits bruts. Il en exporte deux fois plus, contribuant à une amélioration de la balance commerciale. La France comprend notamment de grands groupes de transformation, qui représentent, de fait, une part de notre compétitivité à l’échelle internationale.

    Rang de la France dans les exportations mondiales par type de produit en 2020. Source : “LES PERFORMANCES À L’EXPORT DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES – Situation en 2020”, France Agri Mer

    Longtemps, ce modèle représentait l’avenir. Porté par les économies d’échelle et la standardisation des produits, le secteur alimentaire pouvait proposer des aliments toujours moins chers. Son développement s’accompagnait d’un vaste mouvement d’urbanisation (et donc d’éloignement vis-à-vis de la production agricole) et de diminution du temps et du budget consacré à la cuisine.

    Autant de tendances aujourd’hui bousculées par une attention portée sur la santé, et en son cœur à la qualité de l’alimentation, et à un mode de vie plus maîtrisable. Par ailleurs, la montée des préoccupations environnementales, de la thématique du bien-être animal ou encore la quête d’authenticité dans un monde de plus plus uniforme contribuent elles aussi à remettre en cause le modèle, certes toujours dominant, de l’agro-industrie. Enfin, les préoccupations autour de la souveraineté alimentaire devraient continuer de croître dans les prochaines années , étant donné le contexte de crise alimentaire mondiale, l’alimentation représentant un levier géopolitique.

    Pour clarifier un débat qui souffre des caricatures, il ne s’agit pas de remplacer un modèle par un autre, mais plutôt de revenir à un certain équilibre. Longtemps, la priorité a été donnée à une production au service de l’industrie de transformation. Ainsi, même dans le monde bio, le plus avancé sur le sujet, la transformation touche 50 % des producteurs . Cela a produit un grand déséquilibre entre les producteurs et l’industrie que les lois Egalim (2018 et 2022) ne sont toujours pas parvenues à rééquilibrer. Au point de faire naître des projets d’ Egalim 3 .

    La marche vers la désindustrialisation de l’alimentation doit s’entendre en réponse à plusieurs problématiques posées par l’intensification du modèle actuel. Tout d’abord, elle permet par la qualité de la production ou la différenciation des produits de contrer la baisse tendancielle du budget des ménages consacrés à l’alimentation, premier facteur de la détresse financière des agriculteurs. Cela ne signifie pas pour autant que toute transformation est à bannir, la transformation à la ferme étant apparue pour de nombreux producteurs comme un moyen de compléter leur revenus.

    Part des agriculteurs classés en agriculture biologique qui pratiquent la vente directe en 2016. Cité dans : Mathieu Béraud. Motivations et déterminants des producteurs en circuits courts alimentaires de proximité : Quels effets sur les pratiques de production ? : Rapport réalisé dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial ”Imaginons ensemble un projet alimentaire territorial pour le sud de la Meurthe et Moselle”. [Rapport de recherche]

    Aller vers un modèle plus artisanal

    Le premier problème de l’industrialisation de la production alimentaire est celui de la standardisation des produits. La simplification et l’efficacité des processus industriels exigent en effet de réduire la gamme des produits et d’en simplifier la fabrication. L’existence de méga-usines à échelle européenne garantit que plusieurs marchés alimentaires soient couverts par un produit quasi-unique. Or, revenir à des productions de plus petite échelle permet notamment d’envisager un retour au goût différencié et à des recettes différentes. Ainsi, ces productions ont souvent été en avance sur certaines demandes. Les produits sans gluten par exemple, qui n’intéressaient pas au départ les industriels faute d’un marché suffisant. Ou plus généralement concernant la présence d’allergènes dans les produits. Il s’agit désormais, à travers des goûts originaux, d’un véritable marqueur de différenciation vis à vis de l’industrie, privilégiant l’expérience à la consommation.

    La désindustrialisation répond aux excès du modèle actuel, déjà bien identifiés.

    Cette exigence s’inscrit dans un mouvement général de scepticisme à l’égard de la mondialisation. En parallèle de la concentration de la production, les industriels n’ont pas manqué de découper la chaîne de valeur. Diviser la production à travers le monde permet de bénéficier des avantages de chaque pays. Ceci conduit à une spécialisation des modèles agricoles, qui créent une pression forte sur la culture vivrière. Cette préoccupation s’est trouvée renforcée par le contexte de guerre et les alertes sur le risque de pénurie. La France, grande puissance agricole, a redécouvert sa vulnérabilité sur certains produits élémentaires comme la moutarde ou l’huile.

    La contrainte écologique vient également heurter la logique d’un système où un produit peut faire plusieurs milliers de kilomètres avant de se trouver dans les rayons. Ainsi une étude menée pour le Projet CECAM, conduite par le CNRS, conclut que les importations d’aliments représentent 77 % du trafic lié à la production agricole. Sans compter que les produits importés ne répondent pas aux mêmes exigences écologiques. Aussi, les échanges alimentaires sont un vrai point de fragilité des traités de libre-échange . Même au niveau européen , où l’on continue pourtant de signer des accords de libre-échange, on reconnaît que ces traités tendant à fragiliser les producteurs européens i .

    Empreinte énergétique et empreinte carbone des principaux produits transformés en France. Source : L’empreinte énergétique
    et carbone de l’alimentation en France de la production à la consommation

    Le principe de la désindustrialisation obéit également à un intérêt sanitaire. Dans les faits, il n’est pas possible de conclure que l’industrialisation ait conduit à de plus grands risques sanitaires . Le développement des conserves et des surgelés par exemple, a permis de grandes avancées en matière de préservation des aliments qui réduisent les risques de consommer des produits avariés. En revanche, les scandales récents viennent rappeler plusieurs faits élémentaires. Tout d’abord, avec des productions à grande échelle, l’impact d’un défaut a des conséquence plus grandes. Les fréquents rappels de produits ii viennent nous le rappeler. Ensuite, la question des scandales alimentaires vient rappeler le déséquilibre croissant entre les multinationales et les pouvoirs publics. Ceci explique les accommodements accordés aux grandes marques pour communiquer sur les défauts sanitaires. Enfin, la concentration de la production ne favorise pas visiblement la conduite des contrôles. Au contraire d’une production industrielle et anonyme, de petites unités de production permettent elles un contrôle social plus affirmé par leur environnement proche

    Le cas le plus probant de ce dernier principe est celui des abattoirs . Cette étape charnière de la production de viande incarne les risques de la sur-industrialisation pour le bien-être animal. Avec 125 établissements fermés en moins de 10 ans, et 20 établissements qui représentent 50 % de la production, le secteur est toujours plus concentré. Or celui-ci est régulièrement frappé par les scandales de maltraitance et d’ hygiène , sans parler des conditions de travail désastreuses pour les employés.

    Ces problèmes sont en partie dus à des processus industrialisés, anonymisés et fondés sur le rendement, qui imposent une séparation entre le producteur et l’abattoir. En outre, pour de nombreux éleveurs, la perte de contact avec l’étape de l’abattoir constitue un déchirement, ceux-ci étant particulièrement attachés à leur bêtes. Les abattoirs mobiles constituent sans doute une réponse intéressante. Ils permettent tout à la fois de traiter de petites unités dans le respect du bien-être animal, même si leur développement reste encore timide.

    Plus profondément, l’essentiel des producteurs s’étant tourné vers une transformation locale se réjouissent du contact retrouvé avec les consommateurs, qui sont également des voisins. Ce rapprochement permet également une meilleure compréhension du processus de production et de ses contraintes. Un lien qui endigue les débats stériles souvent fondés sur une méconnaissance du secteur. En se réappropriant le cycle de production, le consommateur perçoit en effet mieux les contraintes qui lui sont inhérentes.

    Dans le contexte de crise énergétique et de risque de pénurie, des productions à plus petite échelle apparaissent aussi comme une solution.

    Enfin, dans le contexte de crise énergétique, la production de masse, très gourmande en énergie, se trouve directement menacée. Les professionnels du secteurs, confrontés aux réglementations européennes, ont d’ores et déjà tiré la sonnette d’alarme. Se profilent alors le risque de défaillances et de pénurie, au moins sur certains produits. En effet, le secteur agro-alimentaire représentait 14 % de la consommation du secteur industriel, avec une dépendance croissante au gaz.

    La désindustrialisation présente à ce titre plusieurs avantages. Tout d’abord, une production moins concentrée et reposant sur des modes de production plus variés permet plus de flexibilité, en l’absence d’investissements massifs à rentabiliser. Toutefois, les petits producteurs ne sont pas complètement à l’abri de la menace. Les plus exposés sont ceux qui n’ont pas encore atteint leur point d’équilibre, et qui risquent en outre de se trouver écartés des mécanismes de soutien public.

    La désindustrialisation, une voie déjà suivie

    Depuis les années 2000, les voies de la désindustrialisation sont donc empruntées par plusieurs catégories de producteurs. Parce que diffus et progressif, ce mouvement est pourtant mal identifié. Ainsi, certains produits, devenus familiers, sont sortis du moule industriel. Explorer le développement de ces filières permet de mieux saisir les leviers pour effectuer une désindustrialisation de ce secteur.

    L’exemple le plus flagrant de produit ayant réussi ce tournant, par le nombre de producteurs qu’elle a fait apparaître, est sans conteste la bière. À ce jour, on compte 2 394 producteurs de bière artisanale en France. Ces brasseurs proposent plus de 10.000 références , couvrant 70 % de la consommation nationale. Ce tournant a mis fin à l’hégémonie de deux grandes marques industrielles sur ce produit, les fameux « packs » de supermarchés. La boisson était notamment pénalisée par son image véhiculée par les chansons de Renaud ou la caricature de Chirac. Ainsi, le marché de la bière, en déclin constant depuis 30 ans, a retrouvé la croissance depuis 2014.

    Le renouveau de la bière artisanale doit être appréciée sous plusieurs angles. Tout d’abord, la désindustrialisation a fait renaître la subtilité du goût de ce produit, les producteurs ayant joué sur la variété des gammes. Ceci a permis de faire passer la bière d’un produit standard de grande distribution à un produit de dégustation, considéré comme plus savoureux.

    L’exemple des bières artisanales montrent le foisonnement possible d’une production qui a redressé un marché en déclin.

    Ce changement s’est accompagné d’un fort ancrage territorial, notamment dans les zones rurales. Il n’est désormais plus une région qui propose son propre houblon. Aussi, malgré une forte concurrence, le marché préserve une forte dimension artisanale : 30 % des producteurs sont des micro-brasseries, sortant en moyenne 150hl des cuves. Enfin, le regain de la dégustation est adossée à une consommation collective, et festive, notamment lors des concerts et festivals. Le regain de la consommation du produit s’est allié à un renouveau de la façon de consommer, privilégiant la bière en pression à la bouteille. Ce foisonnement de production bénéficie encore de solides perspectives. En effet, les importations de bière restent encore supérieures à nos exportations, le déficit commercial atteignant 300 M€ pour l’année 2019.

    Carte de France des brasseries artisanales – consultation au 9 juillet 2022. Source : DMB Brasserie

    De même, la production de miel a connu un fort essor ces dernières années. Ainsi, le nombre de producteurs déclarés a augmenté de 74 % entre 2015 et 2020, porté principalement par les petits apiculteurs qui alignent moins de 50 ruches. Cette montée en puissance est facilitée par l’absence de transformation et la facilité de travail de ce produit naturel, qui repose sur des normes sanitaires encore souples facilitant l’émergence de petites productions. Ainsi, plus de 85 % des producteurs qui ont moins de 150 ruches conditionnent eux-mêmes leur miel. Commercialement, 45 % de la production s’écoule en vente directe. En complément, 7 % sont dédiés à l’auto-consommation ainsi qu’aux dons. Cet essor des essaims a permis, en parallèle d’une offre standardisée, de proposer une variété de produits, reflétant les plantes pollinisées, en fonction des essences locales.

    Le développement du miel local a bénéficié de la facilité de son conditionnement, mais aussi de la mauvaise image des produits importés.

    L’intérêt pour cette production, amorcée avant le confinement, provient également de la mauvaise image associée aux produits importés de Chine. En particulier, l’ ajout de sirop au produit, désormais largement connu, a contribué à faire reculer fortement les importations. La Chine représentait ainsi 22 % des importations en 2015, et plus que 7 % quatre ans plus tard. Enfin, il faut souligner que les produits liés au miel (cire, gelée…) représentent encore une part marginale des revenus des producteurs (entre 3,5 % et 7,8 % du chiffres d’affaires selon la taille de l’exploitation), ce qui constitue un futur axe de développement.

    Le dernier marché qu’il est utile d’analyser est celui de la pâte à tartiner. Les français sont les champions de la consommation de ce produit, 300.000 pots étant consommés chaque jour. Ceci explique l’implantation de l’une des plus grandes usines du monde en Seine et Marne. Longtemps dominant, le géant italien Ferrero (fabricant du Nutella) a été victime d’une mauvaise publicité, liée à l’emploi de l’huile de palme, et à l’appétit de puissants concurrents : ses parts de marché sont passées de 85 % en 2013 à 65 % en 2019, dans un contexte de hausse globale des ventes . En effet, la moitié des consommateurs ont réduit, si ce n’est abandonné, la consommation de ce produit en raison du scandale associé.

    Le marché de la pâte à tartiner, pour le moment très concentré, suscite la gourmandise de concurrents de tout niveau.

    Or, cette ouverture à la concurrence a permis à de petites productions locales de se faire une place aux côtés des grandes marques qui cherchent également à investir ce marché. Elles ont su capitaliser sur un créneau bio, sans huile de palme, en développant également de nouvelles recettes et en utilisant des circuits alternatifs de distribution. Ce dernier cas est significatif, car les différents concurrents, tout en mettant en avant leur spécificité, ne peuvent totalement s’éloigner du goût ou de l’aspect standardisé du produit original. Le défi de ces producteurs est désormais de ne pas atteindre une échelle industrielle dans la compétition avec des mastodontes de l’agro-alimentaire qui se sont invités dans ce rayon.

    Remonter les chaînes de valeur

    Ces différents cas, qui visent à illustrer une dynamique, font ressortir des caractéristiques communes qui facilitent la désindustrialisation des productions. Tout d’abord, elles se basent sur un conditionnement simple qui facilite le transport et la conservation. La gestion d’une production de taille réduite impose en effet la possibilité d’un stockage des produits pour répondre à la demande. Le cas le plus emblématique étant celui du miel, qui n’est pas périssable. Par ailleurs, le conditionnement en petits formats permet d’envisager un prix unitaire acceptable pour le consommateur malgré un prix de revient au kilo plus élevé que celui des produits industriels. Enfin, il est indéniable que chacun des trois produits a pu bénéficier d’une image négative du produit industrialisé.

    En complément, ces produits répondent pour l’essentiel a un « achat plaisir » : il s’agit d’achats plus ou moins exceptionnels, mais associés à un plaisir de la dégustation. Ceci justifie d’accepter un prix d’achat plus élevé que la moyenne, ou bien de prendre le temps de chercher un producteur à proximité. La réussite de la coopérative « C’est qui le patron ? », qui s’est inscrite dans les circuits de la grande distribution, offre néanmoins un contre-exemple sur les produits du quotidien. Grâce à la promesse d’une juste rémunération du producteur, la marque est devenue leader sur la vente du litre de lait en dépit d’un prix légèrement supérieur à la concurrence.

    Il ne faut pas négliger les sérieux obstacles qui handicapent les petites unités de production.

    Toutefois, cette stratégie de reconquête de la souveraineté alimentaire voit son développement bridé par de sérieux obstacles. Tout d’abord, les économies d’échelle offertes par un prix de revient moins élevé permettent une compétitivité-prix immédiate. Cet avantage apparaît d’autant plus précieux dans un contexte d’inflation. En effet, les dépenses d’alimentation constituent la première variable d’ajustement face aux dépenses contraintes. Bien que la crise énergétique pourrait rendre relativement plus compétitive la production artisanale, elle risque de souffrir de son image de produits haut de gamme, voire hors de prix.

    En outre, la production en unités réduites présente une difficulté d’appariement entre l’offre et la demande. En effet, la production se trouve limitée par des capacités réduites et peut faire face à une demande très variable. Ceci réduit également la visibilité du producteur sur ses ventes, une difficulté que cherche à corriger le système d’ AMAP . Enfin, cette activité exige d’un producteur à s’engager dans une activité de commercialisation. Or ce basculement exige du temps et des compétences spécifiques. Le producteur/commerçant se retrouve ainsi face à des arbitrages constants, de temps comme de moyens consacrés à chacune de ces activités.

    Pour remédier à ces obstacles, des leviers peuvent être activés au niveau local, afin de favoriser la souveraineté alimentaire. Tout d’abord, le constat doit être fait que, hormis au travers d’associations, la production/transformation reste isolée. Le producteur se retrouve avec la charge de la commercialisation pour sa propre production. Or, regrouper des producteurs d’un même produit, sans effacer les spécificités, permet de proposer une offre plus pérenne permettant de répondre des demandes régulières, ou de grands volumes. D’autre part, la commercialisation croisée entre producteurs d’un même territoire pourrait faciliter l’accès des consommateurs aux produits et peut être source d’économies, notamment en matière de transports. Deux leviers importants pour démocratiser les productions locales et artisanales.

    Préserver la souveraineté, un enjeu pour les pouvoirs publics

    Par ailleurs, les collectivités locales ont la possibilité d’offrir un débouché aux productions locales, grâce à la restauration collective. Au delà de l’enjeu de santé publique, la démarche présente l’intérêt d’offrir une demande significative et régulière aux producteurs. La place des produits locaux reste cependant bien plus importante dans les programmes électoraux que dans les cantines. Fin 2021, ils ne représentaient que 10 % des produits consommés . L’objectif légal – 50 % de produits locaux et issus de l’agriculture biologique en 2022 – apparaît hors d’atteinte. Ceci vient rappeler que les lois fixant des objectifs ne peuvent faire l’économie de contraintes ou de crédits pour se concrétiser. En l’espèce, les élus sont peu suspects de mauvaises volontés. En revanche, ils sont confrontés à des difficultés logistiques, pour respecter les contraintes sanitaires et de la commande publique, qui impose la mise en concurrence pour les achats publics.

    Dès lors, le rôle de l’État apparaît incontournable. Tout d’abord pour mettre en relation et permettre la structuration de filières. À ce stade, les fonds alloués aux produits locaux se bornent à subventionner la formation des employés de la restauration collective publique ou à la création d’un futur label « cantine de qualité ». Une fois de plus, l’État préfère accompagner des initiatives individuelles, au lieu d’impulser un mouvement. Par exemple au travers des directions agricoles des préfectures.

    La place des produits locaux reste cependant bien plus importante dans les programmes électoraux que dans les cantines.

    Rassembler les acteurs et poursuivre une vraie stratégie de souveraineté conduirait à identifier les blocages pour y apporter une réponse commune. Tandis qu’au niveau national, l’État s’engagerait à réviser les règles d’achats publics pour introduire une exception alimentaire. Pour l’heure, cette mission incombe aux collectivités locales, au travers des « Projets alimentaires territoriaux », dont le bilan serait prématuré. Toutefois, en reposant sur les ressources locales, cette démarche risque de favoriser les territoires les mieux dotés, au détriment de ceux qui en auraient sans doute le plus besoin.

    Enfin, il est possible d’effectuer un vrai travail concernant les filières pour lesquelles la couverture des besoins nationaux est la plus fragile. Les données des douanes permettent d’avoir une vue d’ensemble sur la balance commerciale alimentaire de la France. Hormis certains produits très spécifiques, difficilement substituables, le cacao ou bien le whisky écossais, certains peuvent être ciblés. Il ressort des principaux postes de déséquilibre un déficit important sur les produits nécessaires à l’industrie agroalimentaire (matières grasses, amandes douces, soja…). En complément, certains produits, bien identifiés, souffrent d’une concurrence européenne forte (tomates, avocats). Ces éléments, permettent de prioriser les productions pour lesquelles il existe une solide demande interne et des marges de souveraineté.

    Quel modèle d’alimentation pour demain?

    Dans un récent rapport , le sénateur LR Laurent Duplomb s’inquiète de la possible perte d’influence de l’agriculture française. Il note en particulier l’échec d’une stratégie de montée en gamme de la production, associée à une ouverture des frontières. Un tel calcul favorise uniquement les produits de masse issus d’une agriculture aux standards écologiques et sanitaires dégradés. Facteur aggravant, entre 10 % et un quart des produits importés ne répondent pas à nos normes et sont possiblement dangereux. Le budget alloué au contrôle sanitaire, limité à 10 M€, est trop faible pour contenir ces risques.

    La stratégie alimentaire de la compétitivité ne fonctionne pas. Il faut désormais changer de modèle.

    Ce constat oblige à recentrer la stratégie qualitative poursuivie par l’agriculture française. Il convient désormais de privilégier le bien-être de la population à une stratégie commerciale, tournée vers la rentabilité. Sans quoi, le secteur devra se calquer sur les modèles hyper-industrialisés et concentrés, comme aux États-Unis ou au Brésil. Bien qu’aucun responsable politique ne prône officiellement ce modèle, la logique de la compétitivité y mène droit. Pour conjurer ce modèle, des options fortes doivent être assumées. Tout d’abord, prendre un virage protectionniste, en se fixant un objectif minimum de souveraineté sur les produits de l’alimentation. C’est-à-dire en acceptant une approche souple du libre-échange, avec des limitations ou des tarifications ciblées, déjà existantes dans certains domaines . En complément, pour être à la fois juste et viable, cette politique implique un volet social fort. Des chèques alimentaires ponctuels ne peuvent en effet suffire à démocratiser l’accès aux produits bio et locaux.

    Or, l’alimentation reste encore un miroir des inégalités sociales. Paradoxalement, si les consommations se sont relativement uniformisées, sous l’effet de la grande distribution, les écarts se font plus subtils. Les catégories populaires sont tenues par les prix des produits . Ainsi, pour un même produit, les plus pauvres vont recourir d’avantage à des produits plus transformés ou de moins bonne qualité. Ceci contribue à expliquer leur plus forte exposition au risque d’ obésité notamment, même si ce phénomène est multifactoriel.

    Pour éviter une alimentation à deux vitesses, il faut des engagements forts sur le protectionnisme et l’accès à tous à une alimentation de qualité.

    Le risque est alors grand, sans une vision publique forte, de voir le secteur se polariser. D’une part, des produits raffinés, artisanaux, réservés aux privilégiés. D’autre part, une dépendance de l’essentiel de la population à des produits toujours plus industrialisés. Cette tendance constitue un prolongement, dans l’assiette, des inégalités de revenus dans la société. Il s’agit là d’un combat culturel, la cuisine constituant véritablement un commun de la Nation, ainsi qu’une spécificité française. Lutter contre cette tendance implique également une vraie formation au goût dans les écoles. Alors que de plus en plus de jeunes ont du mal à reconnaître des fruits ou des légumes , il faut que celle-ci dépasse les dégustations lors de la semaine dédiée , comme le réclame des chefs cuisiniers comme Thierry Marx . Pour l’heure, le bien nommé Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ne s’est pas engagé aussi loin.

    La crainte de pénurie, de retour depuis le confinement et la guerre en Ukraine, avait commencé à rendre les produits artisanaux relativement plus compétitifs, leur approvisionnement étant garanti. Toutefois, la hausse brusque des prix menace désormais les petits producteurs. Même à échelle artisanale, la transformation implique des processus très gourmands en énergie, pour des modèle encore difficilement à l’équilibre. Or l’alimentation est l’un des domaines qui concentre les hausses les plus fortes de prix, ce qui conduit à des arbitrages des consommateurs. Ceci est déjà flagrant pour la filière bio , qui a subi un violent coup d’arrêt après des années de forte croissance. Un contexte qui plaide pour une véritable Sécurité sociale alimentaire , permettant de concilier les enjeux économiques, sanitaires, sociaux et de souveraineté.

    i « L’UE vise avant tout à protéger les agriculteurs et les consommateurs européens. Ainsi, l’accord conclu avec la Nouvelle-Zélande tient compte des intérêts des producteurs de produits agricoles sensibles de l’UE: plusieurs produits laitiers, viande bovine et ovine, éthanol et maïs doux. Pour ces secteurs, l’accord n’autorisera les importations à des taux de droit zéro ou réduits en provenance de Nouvelle-Zélande que pour des quantités limitées (au moyen de contingents tarifaires). »

    ii 4945 sur l’alimentation à date de consultation [20 juillet 2022] depuis mars 2021