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      Les marchés ne sont pas parfaits, mais le gouvernement est encore pire

      Véronique de Rugy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 03:10 · 5 minutes

    Par

    On m’a récemment rappelé une vérité profonde sur le marché libre et les prix qui se trouvent en son centre. Malheureusement, cette vérité est souvent négligée à la fois par les détracteurs de l’économie de marché et par les économistes comme moi. Cette vérité toute simple est que le système de prix fonctionne grâce et seulement grâce à un ensemble d’institutions qui favorisent la coopération entre nous.

    En tant qu’économiste, j’ai l’habitude de défendre l’idée que les marchés libres, bien qu’imparfaits, constituent une meilleure alternative que l’intervention de l’État.

    Cela donne quelque chose comme ça :

    Le système de prix du marché libre ainsi que la concurrence des vendeurs pour les clients et des consommateurs pour les bonnes affaires jouent un rôle essentiel dans la collecte et le traitement des informations sur notre économie, qui sont dispersées parmi des millions d’acheteurs et de vendeurs. Les prix qui en résultent sont une mesure de la valeur que les gens accordent aux biens et aux services .

    Si on poursuit l’argument, dans un marché concurrentiel qui fonctionne bien, ces rapports critiques sur les prix nous indiquent les façons les plus avantageuses d’utiliser les produits finis et les services, les biens intermédiaires, les matières premières et – ce qui est important – le temps et le talent humains, et incitent les entrepreneurs à produire ce que nous voulons le plus intensément et le plus efficacement possible. En termes économiques, les prix transmettent des informations sur les raretés et sur les substitutions incrémentielles créatrices de richesse.

    Il s’agit d’un système époustouflant où, comme nous l’a rappelé le politologue français Frédéric Bastiat il y a plusieurs décennies, bien que personne ne le planifie, « Paris est nourri tous les jours » .

    C’est là qu’intervient Samuel Gregg et son formidable nouveau livre, The Next American Economy . Les arguments de Gregg en faveur du marché libre vont au-delà de l’argument économique classique.

    Il écrit :

    « Les arguments en faveur des marchés libres impliquent l’enracinement d’une telle économie dans ce que certains de ses fondateurs les plus influents pensaient être le destin politique de l’Amérique, à savoir une république commerciale moderne. »

    Il ajoute :

    « Politiquement, cet idéal incarne l’idée d’un État autonome dans lequel les gouvernés sont régulièrement consultés ; dans lequel l’utilisation du pouvoir de l’État est limitée par des engagements forts envers le constitutionnalisme, l’État de droit et les droits de propriété privée ; et dans lequel les citoyens adoptent consciemment les habitudes et les disciplines spécifiques nécessaires pour soutenir une telle république. »

    Oui ! J’aime à croire que je suis un grand défenseur des marchés, mais chaque fois que j’omets ces derniers points, je sabote ma propre cause.

    Des termes comme « marchés concurrentiels » donnent l’impression d’un processus sans cœur. Mais l’aspect le plus important de ce processus concurrentiel est la coopération.

    En effet, une coopération massive se produit quotidiennement dans le monde entier. Par exemple, prenez la chemise que vous portez. Elle est peut-être faite de coton du Texas et de fil du Canada, cousue au Vietnam et expédiée dans un véhicule assemblé au Japon.

    Imaginez la confiance que suscite un tel système coopératif. C’est en partie le résultat, comme l’explique Gregg, de l’existence de droits de propriété : l’autorité exclusive de déterminer comment une ressource est utilisée. Allez-vous vendre votre temps de travail à Apple ou à John Deere ? Dépenserez-vous votre revenu pour une Toyota ou une Harley ? Tout cela repose sur l’État de droit, qui confère à chacun la sécurité de ses droits de propriété. La loi doit être claire, connue et stable.

    Aucun partisan sérieux du libre-échange ne croit que les marchés sont parfaits. Nous ne sommes pas des utopistes. Malheureusement, les marchés parfaits et la concurrence parfaite sont souvent le point de départ des manuels d’économie. Ce point de départ amène beaucoup de gens à conclure que lorsque les conditions ne sont pas parfaites, le meilleur plan d’action pour une correction est l’intervention de l’État. C’est faux.

    Non seulement l’État lui-même est imparfait, comme chacun peut le constater, mais le marché est un processus qui permet de trouver et de corriger les erreurs. Une imperfection du marché est une occasion pour les entrepreneurs d’en tirer profit.

    Comme Arnold Kling l’a récemment écrit : « Les marchés échouent. Utilisez les marchés. » C’est parce que, ajoute Kling, « l’innovation entrepreneuriale et la destruction créatrice tendent à résoudre les problèmes économiques, y compris les défaillances du marché ».

    Cela ne signifie pas que l’État ne joue aucun rôle en dehors de la protection des droits de propriété mais que la foi dans l’intervention de l’État doit être tempérée par la reconnaissance de ses propres défauts, notamment sa tendance à favoriser un groupe de personnes par rapport à un autre et son incapacité à s’adapter lorsque les politiques échouent ou que les circonstances changent.

    En fin de compte, lorsque nous parlons du marché libre, il s’agit d’un raccourci pour désigner une combinaison d’institutions qui permettent aux gens de coopérer, de se tolérer mutuellement, de vivre en paix et de s’épanouir.

    Comme nous le rappelle Gregg, tous ces éléments font partie de la quintessence de ce que le président George Washington envisageait pour la nouvelle nation qu’il dirigeait et qu’il décrivait comme « une grande nation, une nation respectable et une nation commerciale ».

    Traduction Contrepoints

    Sur le web

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      Associations : stop aux subventions à tout-va

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 13 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    subventions

    Par Jean-Philippe Feldman.

    Mon dernier ouvrage, Exception française : Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , entend démontrer que les Français n’ont jamais été libéraux , aussi loin que l’on remonte dans l’histoire. Et s’ils ne l’ont pas été, cela tient à un faisceau de facteurs que la dernière livraison du Canard Enchaîné (6 janvier 2021) permet en partie de vérifier.

    Le journal satyrique, qui justifie souvent son appellation, appartient cependant à la galaxie des journaux de gauche. Un pléonasme en France, relèverait un mauvais esprit. Voilà déjà une explication de l’antilibéralisme français : l’absence d’offre intellectuelle pluraliste et une pensée trop souvent unique dans la presse tant écrite que parlée.

    Clientélisme et subventions en Auvergne-Rhône-Alpes

    Un article de cet hebdomadaire intitulé « Laurent Wauquiez aggrave l’effet de cerf », peut être ainsi résumé : dans la perspective des élections régionales, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes arrose de subventions les fédérations de chasse ; la présidente du groupe d’opposition écologiste s’insurge en pointant le clientélisme de la droite ; le président des chasseurs de la région se défend en évoquant un rééquilibrage après le tombereau de subventions déversé sur les associations environnementales durant les deux mandats précédents du socialiste Jean-Jack Queyranne.

    Contre les associations lucratives sans but

    Comme souvent, nos hommes politiques embrouillent tout. En effet, la question n’est pas de savoir quelles associations, qui pour la chasse, qui contre la chasse, vont se voir accorder des subventions, mais de cesser d’octroyer des subventions .

    En effet, une association est, ou plutôt devrait être, un organisme de droit privé, et comme tel recevoir des cotisations de membres privés, et non pas des associations lucratives sans but recevant, selon une périphrase, de l’argent public. Nos amis de Contribuables associés entendent le démontrer à longueur d’année.

    Pourquoi le libéralisme n’existe pas en France

    On comprend aussi pour quelle raison les libéraux ont du mal à exister dans un pays perclus d’interventionnisme et de clientélisme. Le marché politique joue à plein car la sphère publique pompe la majorité des richesses produites. Les associations dignes de ce nom peuvent plus difficilement bénéficier de la générosité des individus dont les finances sont obérées par la lourdeur des prélèvements obligatoires .

    Dès lors, beaucoup en ont tiré pour conséquence qu’il fallait trouver l’argent perdu là où il se trouvait, c’est-à-dire dans les poches de l’État, cette grande fiction à travers laquelle tout le monde vit aux dépens d’autrui. Frédéric Bastiat l’avait brillamment relevé il y a déjà plus d’un siècle et demi.

    En France, tout est ou devient public, tout est citoyen car pollué par la sphère publique. Briser cette servitude volontaire relève de la gageure car chacun s’accroche à ses privilèges ou lambeaux de privilèges. On peut s’en lamenter, mais il faut reconnaître que cette attitude n’est pas dénuée de logique, tant en ce qui concerne certains responsables associatifs peu scrupuleux que certains hommes politiques démagogiques, au sein de l’État providence le plus développé au monde. Et faire comprendre à la grande masse des individus -argument utilitariste- qu’ils auraient davantage à gagner à vivre sous un régime de liberté et surtout -argument non utilitariste et autrement essentiel- qu’ils seraient plus dignes s’ils ne mendiaient pas de l’argent public qui est en réalité toujours d’origine privée, exige manifestement beaucoup de patience et de pédagogie.

    Mais quel candidat de premier plan aux prochaines élections régionales osera dire : « Je n’octroierai plus de subventions à quelque association que ce soit et l’argent ainsi économisé permettra soit de diminuer les impôts soit de baisser les dépenses publiques soit les deux » ?

    Soyons un peu naïf en cette période difficile…

    Jean-Philippe Feldman  vient de faire paraître Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , Odile Jacob, 2020.