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      2022 : l’année de l’échec du leadership

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 03:30 · 14 minutes

    Il est difficile de trouver quelqu’un qui a quelque chose de positif à dire sur 2022 : les réussites économiques, sociales, éthiques, politiques, géopolitiques ont été rares ; les souffrances et les revers ont été monnaie courante. Où était le leadership pour revendiquer le succès, pour inspirer et pour dépeindre le meilleur de l’ humanité ?

    Nos perspectives d’avenir se sont assombries et les attentes ont été tempérées à plusieurs reprises par l’affirmation que « ce n’était pas aussi grave que nous le craignions ». Le principal thème récurrent en 2022 a été l’échec : échec des dirigeants à gérer les risques et à protéger leurs populations ; échec des dirigeants à fournir des biens et des avantages sociétaux ; échec des dirigeants à se concentrer sur les besoins et les intérêts de leurs concitoyens ; échec des dirigeants à assurer la paix et la sécurité.

    Quelle catastrophe, cette année !

    Au cours de la pandémie, j’ai constaté que les dirigeants occidentaux avaient perdu leur capacité à gérer les risques, qu’ils n’étaient pas prévoyants, qu’ils n’élaboraient pas de scénarios pour identifier les dangers à l’avance, qu’ils n’étaient pas en mesure de gérer les expositions et qu’ils n’avaient pas confiance dans la capacité de leurs populations à se protéger elles-mêmes. La plupart des pays européens n’ont rien fait jusqu’à ce que la Covid-19 submerge leurs hôpitaux, puis ont imposé des confinements de précaution. En 2022, nous avons constaté ce manque persistant de gestion des risques qui consiste à réagir à la peur du public en prenant des précautions plutôt qu’en agissant pour protéger les biens et les avantages publics.

    Quels ont été les échecs manifestes du leadership en 2022 ?

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a guère été une surprise (même le Risk-monger avait prévenu deux mois à l’avance que cela se produirait probablement) et pourtant très peu a été fait pour tenter d’empêcher la première guerre majeure en Europe depuis 30 ans.

    Peu a été fait pour se préparer aux conséquences d’une guerre, y compris le plus grand mouvement de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale (heureusement, les citoyens ont ouvert leurs maisons et leurs portefeuilles pour soutenir les millions de personnes fuyant les bombardements). Le manque de leadership le plus honteux est venu des Européens qui ont déclaré des « sanctions ciblées » contre la Russie – bloquant seulement le commerce de ce dont ils pouvaient se passer tout en continuant à financer la machine de guerre russe.

    Une bonne partie de l’économie mondiale devrait entrer en récession au cours de cette année en raison de la pratique insensée consistant à imprimer de l’argent pour le distribuer à des populations souffrant des mesures de confinement. Si les dirigeants avaient été des gestionnaires responsables des risques financiers, un tel recours n’aurait pas été nécessaire et des mesures correctives auraient été prises plus tôt. Même les banquiers centraux ne sont pas capables de gérer les risques et se contentent de faire ce que fait l’autre et causer davantage de souffrance.

    En 2022, l’Europe a clairement échoué à mettre en œuvre une politique rationnelle de transition énergétique.

    Poussés par l’idéologie, les gouvernements ont fermé des réacteurs nucléaires alors que les conflits géopolitiques mettaient à mal les sources d’énergie. Les dirigeants occidentaux se sont montrés intraitables envers la Russie alors qu’ils n’avaient aucune stratégie énergétique alternative et qu’ils ont eu l’air impuissants et stupides lorsque Moscou a finalement décidé de couper leur approvisionnement en gaz. Les familles de la classe moyenne de l’Europe du XXI e siècle ont commencé à se blottir dans une seule pièce chauffée pour économiser de l’énergie cet hiver tandis que les pays en développement ont une fois de plus dû mettre en veilleuse leurs ambitions de progrès en raison de la flambée des coûts de l’énergie et des restrictions arbitraires sur les combustibles fossiles imposées par l’Occident.

    Je ne peux pas comprendre, et suis loin de le faire, l’échec de la politique en matière de Covid-19 qui a frappé la Chine en 2022, causant d’immenses difficultés et affectant une bonne partie de la chaîne d’approvisionnement mondiale. L’incapacité à mettre en œuvre une stratégie de vaccination appropriée, suivie d’ une tentative abrutissante d’appliquer une stratégie zéro covid contre les variants plus transmissibles, jusqu’à la levée soudaine de toutes les restrictions au premier signe de protestations organisées, les dirigeants chinois n’ont réussi qu’un seul exploit : la perte totale de la confiance de la population. Dans tout autre pays, une telle ineptie entraînerait la chute du gouvernement.

    Au cours de l’année écoulée, les gouvernements occidentaux ont continué à promouvoir une stratégie idéologique d’alimentation et d’agriculture purifiée qui a donné la priorité à la vulnérabilité et à l’inflation alimentaires. Comme la crise énergétique provoquée par l’application d’un dogme environnemental simpliste sur un système complexe, la crise alimentaire et agricole s’est développée au cours de la dernière décennie avec la suppression de technologies sans offrir d’alternatives viables. Le Sri Lanka est le premier cas d’un gouvernement qui est tombé à cause de son idéalisme aveugle et pro-agriculture biologique ayant un effet direct sur la sécurité alimentaire et l’économie. Alors que la crise mondiale de la sécurité alimentaire s’étend, la guerre dans le grenier du monde n’a fait qu’aggraver une situation déjà intenable, mais les principales victimes de cet échec du leadership seront ceux qui luttent pour survivre dans les pays en développement.

    L’idéologie au détriment de la Realpolitik

    De nombreux échecs sont dus à des dirigeants qui s’obstinent à défendre leur idéologie au lieu de rechercher des solutions pragmatiques, des compromis et des engagements en fonction de l’évolution des circonstances ( Realpolitik ).

    Vladimir Poutine a passé plus de deux décennies à se construire un culte de la personnalité pour ensuite s’approprier sa place dans l’histoire sur la base de sa conviction que l’Ukraine fait partie de la Russie, que ses dirigeants corrompus fuiront le pays et que son armée supérieure conquerra le pays en quelques jours. Plutôt que de se réveiller à la réalité et de chercher une stratégie de sortie pragmatique, Poutine continue de lancer au hasard des conscrits et des armes russes sur les villes ukrainiennes en pensant que le monde se lassera et abandonnera. Le succès singulier de Poutine a été de faire de Volodymyr Zelensky un héros – le seul leader à émerger en Europe dans un désert politique autrement brûlé.

    Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne chargé du Green Deal , a été un dirigeant qui fait honte.

    Il n’a pas réussi à faire de compromis sur son dogme vert, a ignoré les avertissements de ses propres scientifiques et a utilisé les conséquences tragiques de l’invasion russe en Ukraine pour renforcer son idéologie anti-industrie. Lorsque la crise énergétique de l’Union européenne a commencé à faire souffrir les consommateurs, Timmermans s’est vanté que le problème ne se serait pas posé si l’UE avait investi davantage dans l’éolien et le solaire il y a dix ans. Lorsque les prix mondiaux des denrées alimentaires sont montés en flèche à la suite de l’invasion russe et du blocus du grenier du monde, Timmermans a attaqué l’industrie, accusée d’essayer d’utiliser le conflit pour tenter de saper les objectifs poursuivis avec intransigeance de sa stratégie Farm2Fork . En réponse, la Commission européenne a exprimé son sentiment que l’agro-écologie (et beaucoup d’aide alimentaire) serait une meilleure solution.

    Le coup du chapeau a été réalisé par les dirigeants britanniques de 2022.

    Ils ont tous échoué en raison de leur incapacité à voir au-delà de leur dogme. Johnson a fait une fixation sur le Brexit plutôt que sur la gouvernance responsable. Liz Truss , brièvement, a privilégié la croissance à la stabilité financière. Sunak souffrira de son obsession pour la prudence fiscale et les frontières hermétiques. Certains prédisent (espèrent) que le Royaume-Uni fera volte-face sur l’Europe, mais s’attaquer aux politiques qui ont échoué implique à la fois humilité et honnêteté.

    Ce dont nos dirigeants auront besoin cette année, c’est de plus de Realpolitik et de moins d’idéologie. Les décisions difficiles requièrent des solutions pragmatiques, un engagement ouvert des parties prenantes, une acceptation des meilleures idées et des meilleures recherches disponibles et une volonté de compromis. Je ne vois pas cela aujourd’hui dans l’arène politique, donc 2023 verra probablement d’autres échecs de leadership et plus de souffrance.

    La précaution : imposer l’appauvrissement

    De nombreux dirigeants ont confondu l’application du principe de précaution avec le fait de gouverner.

    Face à une décision difficile qui pourrait améliorer les biens publics et le bien-être grâce aux nouvelles technologies et aux innovations (mais avec un risque de conséquences négatives), ils ont été peu incités à prendre des risques politiques. La prospérité et l’abondance de l’Occident ont réduit l’urgence de développer ou d’innover, de sorte que l’inaction face aux nouveaux développements est devenue la norme. La précaution est devenue l’outil politique des dirigeants faibles pour éviter d’avoir à agir, pour renvoyer les innovateurs à des études plus poussées et pour « simplement » dire non aux politiques qui impliquent une prise de risque.

    Avec la précaution (mieux vaut prévenir que guérir), les dirigeants n’ont jamais tort ou ne sont jamais tenus pour responsables, mais très souvent ils n’ont pas raison. Pourtant, leur inaction a de graves conséquences qu’ils ne peuvent continuer à éluder. Ils imposent l’appauvrissement par leur inaction.

    En disant « Non ! » aux émissions de carbone de tout type afin de paraître se soucier de la menace du réchauffement climatique (et les chefs d’entreprise adoptant cet esprit dans leurs objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance [ESG]), de nombreux pays occidentaux ont abandonné une politique de transition énergétique appropriée pour l’opportunité de se poser en précurseurs verts et tournés vers l’avenir. Les prix de l’énergie dans les pays développés avaient augmenté de façon spectaculaire avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le financement de projets énergétiques liés au gaz naturel dans les pays en développement a été abandonné en raison des restrictions de financement ESG imposées arbitrairement.

    Les mesures de précaution prises au nom du changement climatique ont entraîné une augmentation massive du nombre de personnes appauvries en énergie, laissant d’importantes populations vulnérables sans autre choix que de passer l’hiver dans le froid. Certains diront que la mise en œuvre d’une stratégie d’émissions nulles est un acte de leadership courageux, mais on n’y parvient pas en interdisant simplement les principales sources d’énergie « carbonées » ou en rejetant des technologies comme le captage et stockage du carbone (CSC).

    En disant « Non ! » aux innovations agricoles (de l’édition de gènes aux développements en matière de pesticides et d’engrais), les dirigeants occidentaux ont prétendu protéger la santé des consommateurs et l’environnement sous prétexte de donner au (très petit pourcentage du) public ce qu’il veut.

    Dans le cadre de Farm2Fork , la Commission européenne va jusqu’à prétendre que la réduction de l’utilisation des pesticides et des engrais contribuerait à la lutte contre le changement climatique (sans prendre en compte la réduction du rendement agricole résultant d’une imposition rapide des pratiques de l’agriculture biologique).

    Les menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale et l’inflation des denrées alimentaires feront beaucoup plus de mal aux pays en développement (socialement, économiquement et politiquement) qu’aux riches dirigeants occidentaux. Leur solution à cette injustice ? Les petits exploitants devraient adopter des pratiques agro-écologiques (c’est-à-dire sans innovations agro-technologiques, sans investissements industriels et sans substances de synthèse). L’effondrement du système alimentaire au Sri Lanka (et finalement du gouvernement) devrait montrer comment se produisent de tels échecs de précaution.

    En disant « Non ! » à l’énergie nucléaire , des pays européens comme l’Allemagne et la Belgique ont mis hors service leur principale source de production d’énergie de base sans émission de carbone, ce qui a entraîné une expansion massive de la production d’énergie à partir du charbon. Comment cette inaction fondée sur la précaution peut-elle être considérée comme intelligente ?

    En bref, la confiance dans le principe de précaution comme principal outil de gouvernance a laissé la plupart des dirigeants européens endormis au volant. Une direction composée de fonctionnaires signifie que les décisions sont prises dans un contexte réactif (et uniquement pour protéger leurs fesses). Qu’il s’agisse de l’échec des dirigeants lors des restrictions en réponse à la Covid-19, de la mauvaise gestion de la transition énergétique ou des crises de sécurité alimentaire, les dirigeants ont choisi la solution de facilité en prétendant que leur inaction était due à l’abondance de prudence.

    En 2022, j’ai été aux premières loges d’une telle inaction administrative lorsque mon université, comme tant d’autres en Belgique, a détourné le regard alors que des professeurs et des administrateurs abusaient sexuellement d’étudiantes en toute impunité. La noirceur de mon analyse de fin d’année de 2021, dans laquelle j’avais caressé l’idée de prendre du recul par rapport au monde universitaire, reflétait ma frustration croissante face à l’inaction dans les dossiers que j’avais soumis à ma direction. Au cours de l’année écoulée, une fois mon patron finalement évincé, j’ai démissionné de mon poste dans un état de dégoût moral.

    Leaders de temps de guerre

    Alors qui, en 2022, a été un leader mondial qui a réellement dirigé, inspiré et progressé ?

    Peut-être seulement Volodymyr Zelensky, un leader accidentel qui s’est vu imposer la grandeur (et son leadership semble plus grand encore car il éclipse les ombres qui l’entourent). Il comprend ce dont l’Ukraine a besoin pour survivre ; dommage que les autres dirigeants mondiaux n’aient pas le courage de le soutenir pleinement. L’Amérique attend le prochain Joe DiMaggio tandis que les narcissiques et les antisémites créent des distractions sur les réseaux sociaux. L’Europe aujourd’hui en proie à de petits scandales de corruption a des dirigeants qui ne font que ramper vers la fin de leur mandat (qui n’arrivera jamais assez tôt).

    Le président français Emmanuel Macron a essayé de diriger mais ses efforts n’ont jamais abouti. Il s’est rendu en Russie pour s’asseoir à une grande table avec Vladimir Poutine – rien. Il a rencontré Joe Biden pour essayer d’obtenir des garanties que la nouvelle « loi sur la réduction de l’inflation » n’imposerait pas de restrictions de concurrence déloyale aux entreprises européennes – rien. Il s’est rendu à Doha pour encourager la France lors de la Coupe du monde de football (alors que de nombreux pays occidentaux ont boycotté l’événement pour des raisons éthiques) – rien. Mais au moins, il a essayé. Sa seule réussite en 2022 a été de se faire réélire en marginalisant les partis traditionnels et en favorisant l’extrême droite et l’extrême gauche. Félicitations !

    Les véritables leaders de 2022 ont été les citoyens qui se sont levés face à l’inaction de leur gouvernement. Dans l’arène politique, nous avons vu au Sri Lanka comment, d’abord les agriculteurs, puis les citoyens se sont levés pour écarter leurs dirigeants défaillants. Durant les premiers jours de l’invasion russe en Ukraine, d’innombrables citoyens ont ouvert leurs maisons aux refugiés et leurs portefeuilles pour soutenir l’armée ukrainienne. Et je n’oublierai jamais le nombre incalculable d’étudiants qui ont tenu tête à l’administration de mon école pour exiger un changement significatif.

    Bien que l’histoire doive tirer de nombreuses leçons de cette année d’échecs incessants, 2022 a été, à bien des égards, une année à oublier.

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      Les Républicains face à leur déclin

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 5 January, 2023 - 03:50 · 6 minutes

    Par Olivier Guyottot.

    Éric Ciotti, président nouvellement élu du parti Les Républicains (LR) aura peu de temps pour savourer ce succès. Les défis qui l’attendent semblent nombreux et compliqués. Alors que plusieurs défections ont suivi l’annonce de sa victoire face à Bruno Retailleau avec 53,7 % des voix, le principal challenge sera sans doute de stopper le mouvement de déclin du parti entamé depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de l’État en 2017. L’enjeu est d’éviter à terme sa disparition.

    Les recherches en management s’intéressent depuis de nombreuses années à la situation des organisations qui font face à un déclin de leur activité. Elles tentent d’expliquer et de comprendre les pistes possibles pour les affronter. De fait, elles apportent un éclairage intéressant à la situation actuelle de LR et aux défis du nouveau leader de la formation politique de droite.

    Quatre stratégies possibles pour faire face à un déclin

    Les travaux de recherche en Sciences de Gestion ont mis en lumière quatre catégories de « déclins » auxquels peuvent faire face les organisations et les entreprises.

    Deux d’entre eux, l’érosion et la dissolution, évoquent un déclin progressif de l’activité de l’organisation. Dans le premier cas, celle-ci doit faire face à une réduction progressive et continue de son activité. Dans le second cas, un nouveau marché apparaît et remplace progressivement le marché principal. Les deux autres types de déclins, appelés contraction et collapse, concernent des phénomènes qui mettent en danger la pérennité de l’organisation de manière brutale. La contraction concerne ainsi une réduction soudaine mais limitée dans le temps d’une partie de l’activité. Le collapse est un effondrement imprévisible et inattendu de l’ensemble de celle-ci.

    Mais au-delà de la description de ces phénomènes, il convient surtout de bien identifier le type de déclin auquel l’organisation est confrontée, chaque situation nécessitant des stratégies, notamment managériales, différentes et adaptées.

    LR et le PS, grands perdants d’un nouveau système tripartite

    Avec l’avènement d’Emmanuel Macron et la création d’En marche, devenu aujourd’hui Renaissance , le système politique français est passé d’un modèle « traditionnel » dominé par le classique clivage droite/gauche à un système tripartite dominé par trois grandes forces : le Rassemblement National représente l’extrême droite et la droite nationale ; Renaissance rassemble centre droit, centre et centre gauche ; et la Nupes réunit les principales forces de gauche et d’extrême gauche du spectre électoral.

    L’avènement de cette nouvelle configuration a marqué le déclin plus ou moins progressif des deux partis dominants jusqu’alors sous la Vᵉ République , Les Républicains et le Parti socialiste. Au contraire de ces derniers, les premiers étaient parvenus à « limiter la casse » lors des législatives de 2017 en obtenant 112 députés . Mais les résultats des élections présidentielles et législatives de 2022, avec les 4,78 % de Valérie Pécresse et l’obtention de seulement 61 députés , ont marqué une nouvelle étape de leur déclin.

    Cet affaiblissement de LR sur la scène politique française est à la fois un phénomène progressif, qui a commencé en 2017 et qui a semblé s’amplifier depuis, et un phénomène soudain, dans la mesure où les dernières élections nationales, en particulier l’élection présidentielle de 2022, ont marqué une chute et une perte d’influence brutales et prononcées.

    La question de la vision et du leadership

    Face à cette situation, quelles possibilités s’offrent aujourd’hui à LR et à Éric Ciotti pour tenter d’endiguer la chute ?

    Les recherches ont montré que les manières de gérer les situations de déclin dépendaient de la nature de la crise . Dans le cas de déclins progressifs, il est conseillé de s’orienter vers de nouveaux marchés et vers de nouveaux critères de performance et d’utiliser des stratégies de coalition pour faire face aux tensions que la situation génère. Dans le cas de déclins soudains, il faut généralement s’appuyer sur un management autocratique, faire preuve de créativité et s’orienter vers des activités plus rentables, le temps que la situation s’améliore. Voire totalement changer d’activité dans le cas d’un collapse.

    LR étant un parti politique, il semble impossible pour lui de s’orienter vers d’autres activités que l’action publique en présentant des candidats aux élections . De même, les indicateurs de performance pertinents restent les résultats aux élections, même si des éléments comme le nombre d’adhérents peuvent aussi peser. L’ancrage territorial et les élections locales constituent sans doute cet « autre » marché sur lequel peut s’appuyer LR pour se maintenir à flot. C’est ce que le parti est parvenu à faire jusqu’à aujourd’hui. Mais LR ne pourra sans doute pas se permettre d’obtenir d’aussi faibles résultats aux prochaines élections présidentielles et législatives que ceux de 2022. Ses derniers membres et électeurs rejoindraient alors vraisemblablement définitivement le parti présidentiel pour les uns et le Rassemblement National ou Reconquête pour les autres.

    Dans tous les cas, les chercheurs s’accordent pour dire que les situations de déclin sont certainement les plus difficiles à affronter pour une organisation . Les questions de coalition d’un côté, et de vision, de leadership et de management de l’autre, restent les clefs du succès pour y parvenir. Ces deux dimensions constituent justement les points d’achoppement entre les forces en présence à LR. Les stratégies pour s’en sortir divisent en effet profondément ses responsables et ses membres. Tant sur la question des alliances (faut-il en faire et avec qui ?), que de la vision (faut-il d’abord se concentrer sur le renouveau du parti avant de choisir un candidat pour la présidentielle de 2027 comme le suggérait Bruno Retailleau ou déjà se projeter avec un candidat comme le souhaite Éric Ciotti avec Laurent Wauquiez ?) ou du leadership (faut-il imposer ses choix ou aller vers le consensus et le dialogue ?).

    Comme souvent dans les situations de déclins, les circonstances et la conjoncture, autant que la capacité à en tirer parti, joueront un rôle clef. L’impossibilité de se représenter en 2027 pour Emmanuel Macron comme la progression des idées et des thèmes de droite , dont LR ne parvient paradoxalement pas à profiter électoralement, sont des éléments connus… Mais d’autres ne manqueront pas de surgir. Et la capacité de LR à s’en saisir pour l’intégrer à sa stratégie sera cruciale.

    Si un candidat de droite issu de la « macronie » comme Édouard Philippe prenait le leadership du mouvement présidentiel et parvenait même à être élu président, sans doute face à un représentant du Rassemblement National, LR se retrouverait confirmé dans son statut de « petit » parti, avec des chances de survie réduites. Si un candidat représentant LR parvenait au contraire à reprendre le leadership électoral des idées de droite, il n’est pas impossible d’imaginer que LR reprenne la place qui était la sienne avant l’arrivée d’Emmanuel Macron. Mais un tel scénario nécessitera, à la fois, des mesures pour combattre le déclin graduel du parti et pour le relancer lors des élections de 2027. Sans cela, la disparition définitive des Républicains sera difficilement évitable.

    Olivier Guyottot , Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande École

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original . The Conversation

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      Leader libérateur : attention danger !

      news.movim.eu / Contrepoints · Tuesday, 3 March, 2020 - 03:30 · 5 minutes

    leader

    Par Bernard Marie Chiquet, fondateur d’ iGi Partners .

    Comme a pu l’écrire David Marquet , auteur du fameux livre Turn the ship around ,  « on n’a jamais vu quelqu’un faire quelque chose de formidable parce qu’on lui avait demandé de le faire » . Pour y parvenir, il convient de permettre à chacun d’exprimer sans frein ses talents et d’assumer ses responsabilités. Et ce qui est vrai pour chaque collaborateur l’est tout autant pour le patron et le manager.

    Pour autant, alors que les tenants de l’entreprise libérée appellent de leurs vœux l’émergence d’un manager héroïque, celui que Isaac Getz appelle le « leader libérateur », il me semble essentiel de mettre la lumière sur une conception du management et de l’organisation qui n’est pas sans comporter quelques dangers pour l’entreprise.

    Indéniablement, l’entreprise doit se réinventer. Pour ce faire, elle doit pouvoir s’appuyer sur un management régénéré, libéré du carcan de l’organisation conventionnelle et, surtout, investi d’un rôle, d’une ambition et d’une envergure inédits. Un management à l’énergie libérée. Un management au service du collectif et du self-management. Un management au service du leadership de chacun plutôt qu’au détriment des autres.

    Renverser le leader libérateur

    La tentation est forte pour beaucoup de patrons de céder aux attraits du management tel que présenté par Frédéric Laloux ou Isaac Getz, les deux figures de proue respectivement de l’entreprise opale et de l’entreprise libérée. Conçu comme un leader libérateur, le patron, porté par son expertise et ses intuitions, est celui que l’on suit, celui qui sait ce qui est bon pour l’organisation et ses collaborateurs. Chacun lui accorde pleinement sa confiance.

    Le message adressé au patron est simple et clair : « transforme-toi et l’entreprise se transformera » , à l’image de l’intuition qui le guide. Libre de tout cadre, de tout contre-pouvoir, tout repose sur son intuition et son talent supposés. Ce leader libérateur devient une sorte de « super-manager » qui n’est, parfois, pas loin de prendre les traits d’un gourou.

    Or, opter pour un management héroïque c’est immanquablement mettre en péril l’existence même de l’entreprise en liant son évolution à la présence de cette figure “héroïque”. Une situation qui ainsi pu être observée dans des entreprises comme Poult ou Harley Davidson . D’incarnation de l’entreprise libérée par l’entremise de leurs patrons, celles-ci se sont vues doublement ébranlées par leurs départs et un retour à l’organisation conventionnelle.

    Le management héroïque est un vrai danger parce qu’il repose sur une double erreur. Pour changer et se réinventer, l’organisation ne peut se passer d’un cadre qui offre des règles claires et explicites à tous. Ensuite, la transmutation qu’implique l’abandon du modèle conventionnel, ne peut être portée et ne concerner que le patron ou le management. Le leader libérateur reste une figure illusoire et seule une organisation qui offre à tous autonomie et responsabilités, des garde-fous évidents, permet de tendre vers une entreprise vraiment libérée. Une entreprise qui saura déraciner les victimes et renverser les héros.

    Vers un management constitutionnel

    Si vouloir faire du patron un leader libérateur est une erreur et préfigure souvent un retour douloureux vers l’organisation conventionnelle, l’intention n’en demeure pas moins intéressante. Mais si le patron doit impérativement être l’instigateur et le moteur de cette organisation qui se réinvente, il ne peut en être l’unique inspiration. Il doit non seulement se mettre au service du collectif, de la raison d’être de l’entreprise mais aussi aider à l’émergence d’une organisation destinée à lui survivre. En somme, il n’est ni héros, ni irremplaçable.

    Alors qu’avec leur leader libérateur, les tenants de l’entreprise libérée font le lit d’un leadership basé sur une illusion et une dépendance au patron libérateur, l’holacratie, fondée sur une Constitution et le management constitutionnel qui en résulte, offre à tous un cadre “autorisateur” et protecteur d’où peut émerger puissance et leadership véritable.

    Construite sur un corpus de règles et de processus explicites et connus de tous, le management constitutionnel de type holacratie donne vie à une organisation où nul n’empiète désormais sur l’autorité ou le rôle de l’autre. Elle invite chacun, l’organisation, au Powershift – un changement de posture dans l’exercice du pouvoir tant des managers que des collaborateurs – plutôt qu’à faire naître un leader libérateur. Appuyée sur une Constitution , elle est source d’un leadership véritable où chacun peut espérer tendre, à son rythme, vers le self-management. Le patron et le manager y ont un rôle majeur. Ils ont vocation à définir et affecter les rôles, prioriser. Ils sont aussi ceux qui modèlent cette nouvelle façon d’exercer le pouvoir induite par les règles constitutionnelles, qui peuvent ainsi accompagner et guider les collaborateurs pour que chacun  progresse à son rythme vers le self-management .

    Alors que dans un cas tout repose sur le développement personnel d’un leader « éclairé », créant ainsi une nouvelle forme de dépendance, dans l’autre, tout est basé sur un système, un management et un self-management constitutionnels c’est-à-dire selon des mécanismes connus, compris et appliqués par tous : dirigeant(s), managers et employés. Car, quand bien même le développement personnel du patron demeure une des clés de réussite du processus de transmutation, opter pour un modèle constitutionnel de type holacratie c’est faire le choix de transformer l’exercice du pouvoir, au profit de chacun et du collectif, qui plus est, de manière durable.