-
Co
chevron_right
Réforme des retraites : drame au sein de LR
Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January - 04:20 · 5 minutes
À droite on suit le chef. C’est comme ça. Ça a toujours été comme ça.
Et quand le chef dit une bêtise, on répète la même bêtise. Quand le chef fonce droit dans le mur, on fonce tous droit dans le mur.
Bon, ne soyons pas trop dur. Le ralliement des Républicains au projet de la majorité sur le sujet des retraites n’est peut-être pas encore l’achat de billets de dernière minute pour la traversée inaugurale du Titanic ou l’enrôlement dans la légion le jour du dernier parachutage sur Diên Biên Phu, mais c’est quand même a minima une magnifique occasion ratée, un peu comme si Mbappé se retrouvait plein centre seul devant les buts alors que le gardien adverse tombait en se tordant la cheville et que Mbappé envoyait le ballon en touche.
La droite la plus… au monde
Ce revirement, d’opposition constructive à lèche-bottes, est très décevant.
Décevant, mais pas inattendu. Rappelons-nous qu’il y a tout juste un mois, la droite la plus bête du monde a voté en chœur pour l’élaboration d’une nouvelle version de la machine à perdre.
Déjà que déclarer sa candidature pour les présidentielles un an avant l’échéance n’est en général pas très malin mais déclarer sa candidature pour les présidentielles quatre ans avant sans avoir coalisé autour de soi, sans projet, avec une force militante en pleine pagaille, après avoir subi des revers, sans dynamique, sans le soutien des cadres les plus influents, et en plus le faire par procuration, ça frise le manque d’adjectifs qualificatifs.
Le couple Laurent Wauquiez – C’est moi le calife et vous allez voir ce que vous allez voir – Éric Ciotti – C’est moi le calife… euh, en fait non, je ne suis le vizir du grand calife – aura réussi son coup : supprimer toute velléité d’introspection sur les erreurs passées et foncer bille en tête dans ce qui fait perdre systématiquement la droite depuis la mort de Georges Pompidou et même depuis bien bien plus longtemps que cela, si on exclut les épisodes réponses à appel « SOS, au secours on coule ! » de Charles de Gaulle.
La droiche
Quand est-ce que la droite française arrêtera de faire et de promouvoir une politique de gauche ?
Le système de retraite par répartition et par régime universel obligatoire géré par l’État est une idée de gauche, totalement et profondément de gauche, radicalement à l’opposé de tous les principes de droite.
Supporter, vouloir sauver ce pachyderme agonisant c’est comme si LR avait décidé d’organiser une collecte pour envoyer des fonds au gouvernement de Corée du Nord, de Cuba ou du Venezuela.
Le principe de base de la droite, en France et partout ailleurs, le dogme fondamental de la pensée conservatrice dans tous les pays, c’est la propriété. Pourquoi la droite française y ferait exception ? Quelle raison serait suffisante pour tourner le dos à ce principe ?
La seule raison compréhensible, bien que difficilement acceptable, serait qu’il n’y ait pas d’autre choix que celui de composer avec la situation.
C’était le cas en octobre 1945, quand la droite tout juste démobilisée pensait à autre chose et que le Parti communiste et les quelques socialistes qui avaient réussi à s’affranchir ou faire oublier leur rôle pendant l’Occupation menaçaient de replonger le pays dans le chaos.
C’était aussi le cas en 1993, quand la droite était certes aux affaires mais sous cohabitation de François Mitterrand qui avait mis dans son sac à promesses l’avancement l’âge de départ à 60 ans pour son élection de 1981.
Le précédent
La réforme Balladur de 1993 n’est pas une réforme de droite : c’est une réforme de cohabitation rendue à la fois possible et nécessaire par la situation.
Même si elle fut menée à bien (ce qui en la matière frôle quasiment l’exploit), ce n’est certainement pas une raison pour faire du « report de l’âge de la retraite » un hymne de droite. Ce fût une réforme technique dont les contours étaient très clairement établis par le président de la République de l’époque, François Mitterrand , qui, rappelons-le parce que cela semble nécessaire, était un homme de gauche.
Pourquoi aujourd’hui, la droite s’évertue-t-elle une nouvelle fois à sauver un totem de gauche ?
Que le gouvernement et la majorité actuelle veuille sauver cette machine à créer de la dépendance, de la pauvreté et des dettes, on peut le comprendre : elle est toute ou partie de gauche et fondamentalement attachée à préserver la baleine administrative. Que l’extrême gauche et les syndicats jouent la surenchère, on le comprend aussi aisément : ils essayent d’apparaître encore plus de gauche que la majorité actuelle afin d’exister. Que l’extrême droite joue également la surenchère, on le comprend tout aussi facilement : leur programme économique et social est en compétition avec celui de l’extrême gauche et tout aussi collectiviste.
Mais la droite !
L’occasion ratée
Surtout que la droite sans chef (celle d’avant le 11 décembre) avait commencé à trouver sa place, qu’elle avait commencé à aborder le vrai sujet, à formaliser, à présenter, à discuter. D’accord, il aurait fallu sans doute des années voire peut être des décennies pour que l’on s’oriente enfin vers un vrai système de retraite qui permette à la fois d’aider les plus défavorisés ET qui s’évertue à ne laisser personne sur le côté de la route ET qui permette de passer de charge structurellement déficitaire à atout économique ET qui permette de faire marche arrière sur la collectivisation et les atteintes à la propriété, ET…
Cette solution a bien été évoquée par quelques responsables de LR comme David Lisnard ou dans diverses discussions et commençait à se mettre en forme : une retraite « filet » par répartition mais minimum et substituable, assortie d’ une libéralisation des solutions de retraite par capitalisation , le tout soumis à une obligation de cotisation minimale afin d’éviter les passagers clandestins qui viendraient profiter du système de solidarité.
Mais non. Badaboum !
Le chef a décidé qu’il fallait faire « responsable et cohérent », qu’il fallait faire présentable et pas se mêler au joli bazar qui s’annonce. Alors tout le monde s’est tu. Sauf peut-être Xavier Bertrand , qui lui, trouve que le projet gouvernemental n’est pas assez social, pas assez de gauche en somme.
Est-ce que l’aile libérale-conservatrice de LR y a toujours sa place ?