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      Gloria Alvarez : « Trouvez le candidat qui s’aligne le mieux sur les libertés ! »

      Raphaël Krivine · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 4 March, 2022 - 04:00 · 18 minutes

    La première partie de l’entretien avec Gloria Alvarez (dirigé par Raphael Krivine) est ici /The first part of the interview with Gloria Alvarez is here

    En France, il y a un débat sur le protectionnisme . Dans les années 1990, au siècle dernier, nous étions en faveur du marché libre, de la loi de Ricardo . Mais aujourd’hui, notre industrie ne représente plus que 12 % de l’économie. Sommes-nous allés trop loin, en faisant le choix d’acheter des produits industriels à des pays qui n’utilisent pas les mêmes règles ? Quelle est votre position ?

    Permettez-moi de faire une comparaison avec les femmes. Si je voulais être une femme libérée qui parle de ses idées, devrais-je attendre que chaque femme musulmane se libère d’un mari abusif ou qu’une fille indigène au Guatemala n’aille pas à l’école parce que sa famille dit que les femmes ne devraient pas être éduquées ? Si toutes les femmes du monde doivent attendre que chaque femme de la planète se libère et coupe ses chaînes, aucune d’entre nous ne serait libérée.

    Il n’y aurait jamais eu d’Amelia Earhart ou n’importe quelle femme à laquelle je peux penser qui a brisé ses chaînes. Donc je ne crois pas à l’argument selon lequel je dois attendre que chaque pays soit libre pour que mon pays le soit. Comme par exemple Venise, qui était une région libre, un havre de paix pour les scientifiques alors que le reste de l’Europe connaissait des guerres de religion. Si vous continuez à octroyer des aides sociales, vous aurez toujours des immigrants qui, au lieu d’avoir la mentalité de travailler et de s’adapter à une culture libre, créeront une niche de leur propre culture oppressive en Occident.

    Et j’ai eu cette discussion, par exemple, avec des adhérents du Parti populaire d’Espagne. À ceux qui s’inquiètent des immigrés africains et des musulmans qui viennent avec ces idées horribles de charia pour les femmes et de privation de liberté, j’ai répondu : mais si vous vous débarrassiez de l’aide sociale ? Dans ce cas ces personnes n’auraient aucun intérêt à se déplacer en Europe. C’est la différence majeure avec les migrations du XIXe siècle…

    Ce n’est pas qu’il s’agissait de personnes blanches qui savaient mieux se comporter, c’est juste qu’il n’y avait aucune forme d’aide sociale. Ainsi les Polonais qui ont migré aux États-Unis se sont adaptés. Les Italiens, les Juifs, peu importe. Mais le problème aujourd’hui avec l’immigration, c’est que vous migrez vers des pays qui vous disent « nous offrons cette aide sociale, nous vous acceptons tels que vous êtes, et si vous commencez à mettre en œuvre une idéologie anti-liberté, nous serons d’accord avec cela et vous n’aurez aucune répercussion » .

    La dame du Parti Populaire m’a rétorqué : « Mais nous, en tant que parti de droite, nous ne pouvons pas proposer de nous débarrasser de l’aide sociale parce que nous perdrions des voix » et j’ai répondu : Le problème, c’est que les partis sont davantage intéressés par le pouvoir que par les mesures correctes qui permettraient de résoudre les problèmes. Parce que même la droite, surtout en Europe, ne veut pas de marché libre, de frontières ouvertes. Elle soutient le protectionnisme, les tarifs douaniers, davantage de barrières pour le tiers-monde et elle ne veut pas se débarrasser de son bien-être. C’est ce qui crée ce problème d’immigration.

    Contrepoints : In France there is a debate about protectionism. In the 90’, we were in favor of free market, of the Ricardo law. But now our industry represents only 12 % of the economy. Have we gone too far, making the choice to buy industrial products to countries that don’t use the same rules? What is your position?

    Gloria Alvarez : I compare it with women. If I would to be a liberated woman that talks about their ideas, I would have to wait for every single Muslim woman to liberate herself from an abusive husband or an indigenous girl in Guatemala who doesn’t go to school because her family says that women shouldn’t be educated? If all the women in the world will have to wait for every single woman in this planet to empower themselves and cut their chains free, none of us would be liberated.

    There wouldn’t have never been an Amelia Earhart or any woman that I can think of that has cut those chains. So the argument that I have to wait until every single country is free for my country to be free. I don’t buy it. Especially because whenever you liberate a region in the planet like for example, Venice that became a safe haven for scientists, when the rest of Europe was having religious wars. So I don’t buy the argument that we all have to wait for every single person.

    Of course, I do believe that if you keep having welfare, you will still have immigrants that instead of going with the mentality of working and adapting to a free culture, will create a niche of their own oppressive culture in the West. And I have had this discussion for example, with people of Partido Popular from Spain who are worried about the African immigrants and the Muslims. And they come with this horrible ideas of the Sharia for women and taking freedom away. And I was like, well, but if you get rid of welfare and these people have no incentive to move to Europe in those scenarios, they are focused on working and adapting themselves.

    That is the major difference between migration in the 19th century… It is not that they were white people who knew how to behave better. It’s just that there was no welfare whatsoever. So Polish migrating to the United States, they adapted. Italians, Jewish, whoever. But the problem nowadays with migration is that you migrate to countries that are saying, like “we have this welfare, we will accept you as you are, and if you start implementing an anti freedom ideology, we will be OK with it and you won’t have any repercussions about it”.

    So the lady from the Partido Popular answered me “But we as a right wing party, we cannot propose getting rid of welfare because we will lose votes” and I’m like “the problem is that the parties are more interested in Spain in power than in do the right thing that would actually solve the issues. Because also the right wing especially in Europe there are no free market. There are no open borders. They support protectionism, they support tariffs, they support more barriers for the third world and they don’t want to get rid of their welfare. So I think that creates that migration problem”.

    Quels sont vos arguments pour convaincre les jeunes séduits par l’État-providence ?

    La liberté ne garantit pas que vous prendrez toujours la meilleure décision, elle garantit simplement que personne d’autre ne prendra cette décision pour vous. Et je pense que les jeunes apprécient la liberté de choisir et même de faire des erreurs, car ce n’est qu’à partir d’erreurs et d’échecs que l’on peut avoir du succès. De plus en plus de jeunes y attachent de l’importance.

    La pandémie a également frappé durement les jeunes, notamment sur le plan psychologique. Le taux de suicide a augmenté. C’est la première cause de décès dans la population de moins de 30 ans et tout cela a été vendu à travers un faux sentiment de sûreté et de sécurité. Non seulement les gens disent « donnez-moi de la sécurité et je vous donnerai ma liberté » , mais ils ont aussi acheté le discours de la sécurité. Ils sont malheureux et ils décident de mettre fin à leur vie.

    Elon Musk , il y a quelques jours, a tweeté en disant « vendre la peur aux gens est le chemin de la tyrannie… » . Et ce que je dirais aux jeunes, c’est que les discours conservateur et socialiste vous vendent tous deux de la peur. Les conservateurs disent que « si nous ouvrons les frontières et que nous avons des marchés libres, vous allez être envahis par des mentalités et des idées horribles » et les socialistes vous disent que si vous laissez tout au marché libre, tout va être un désastre et que les pauvres vont rester pauvres. Alors que ma proposition est le contraire ! Je ne vous vends pas la peur, je vous dis juste qu’au moins la liberté garantit que personne d’autre ne prend les décisions pour vous, mais je n’ai pas besoin que vous soyez en mode peur pour fonctionner.

    Elon Musk Sheyene Gerardi spacex ELon Musk BY Telenovela Foro (CC BY-NC-ND 2.0)

    La liberté a besoin de vous dans un mode inspirant, dans un mode audacieux face à ses erreurs, et tout ira bien. Alors, que voulez-vous choisir ? Voulez-vous choisir l’option de la peur ou voulez-vous choisir l’option de la liberté, des chances ? C’est un bon début pour les jeunes, d’autant plus que tout le monde en a assez de la politique en général. Tout est comme un pendule. Nous repartons comme il y a 100 ans. La vieille droite devient davantage la vieille droite et la gauche devient plus extrême. Et quand il y a des extrêmes, il y a aussi une opportunité pour un peu de bon sens.

    Je crois aussi, et je le dis aux jeunes, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir tout le monde à bord pour faire des changements. Les majorités ne changent rien. Margaret Mead dit que ce sont toujours les petits groupes qui changent le monde. C’est vrai. Nous vivons grâce à des géants comme Isaac Newton ou Elon Musk ou Steve Jobs, beaucoup de génies qui avaient la liberté de penser, de commettre des erreurs, d’expérimenter et de faire de la science, alors que la majorité de la planète n’a jamais rien créé mais profite de la liberté qu’elle a obtenue.

    La dernière chose que j’ai à dire aux jeunes, c’est que parce qu’ils ne lisent pas l’histoire, ils imaginent qu’ils vivent dans la pire des époques, que l’humanité n’a jamais été aussi mauvaise. Non, allez voir les prédictions des jeunes qui condamnent le monde et qui ont toujours existé dans la Grèce antique ou à Rome. Partout dans l’histoire, vous allez trouver ce pessimisme. Lorsque vous donnez cette perspective aux jeunes, ils commencent à apprécier la liberté, au-delà des marchés libres et des données économiques et peuvent tendre vers un sentiment d’intelligence émotionnelle et d’estime de soi que la liberté procure.

    How do you convince young people seduced by the welfare state ?

    Freedom doesn’t guarantee that you will always make the best decision, it just guarantees that nobody else makes that decision for you. Young person value the freedom of choosing and even making mistakes because only out of mistakes and only out of failures, you can have success. More and more young people value that.

    Also the pandemic has hit hard psychologically, especially young people. The suicide rates has come up. It is the number one reason of death in the population below 30 years old and it has all been sold through a false sense of safety and security. Not only people are saying like “give me safety and I’ll give you my freedom”, but also they have bought the safety speech. They are miserable and they decide to end their lives. Elon Musk, a few days ago, tweeted in saying like “selling fear to people is the path to tyranny…”. And what I would say to young people “the conservative speech and the Socialist speech are both selling you fear.

    The Conservatives say that “if we open borders and we have free markets, you are going to be invaded by this horrible mentalities and ideas” and the socialist tell you that if you leave everything to free market, everything is going to be a disaster and poor people are going to be poor. Whereas my proposal is like “I’m not selling you fear”, I’m just telling you that at least freedom guarantees that nobody else makes the decisions for you, but I don’t need you in a fearful mode for you to operate. Freedom needs you in an inspirational mode, in a daring mode of making mistakes, and it is going to be OK.

    So what do you want to choose? Do you want to choose the option of fear or do you want to choose the option of freedom, of chances? That’s a good start with young people, especially because everybody now is fed up with politics in general. Everything is like a pendulum. We are leaving again like 100 years ago. The old right is becoming more old right and the left wing is becoming more extreme. And when there are extremes, there is also an opportunity for some common sense. I also believe, and I say this to young people, that you don’t need everybody on board to make changes. Majorities don’t change anything. Margaret Mead says that you don’t deposit your faith in majorities that don’t change anything. It’s always small groups that change the world. It is true.

    We live from the benefit of giants like Isaac Newton or Elon Musk or Steve Jobs, a lot of geniuses that were individuals working, because there was freedom for them to think and to commit mistakes, to experiment and to do science. Thanks to them versus the majority in the planet who have never created anything but benefit from that freedom. So why would you wait for everybody? No, I always say to young people, you only need an organized minority that is willing to defend the principles that make sense in order not to fall in these disastrous situations.

    My last thing with young people is that because they don’t read history, they believe that they live in the worst of times, that humanity has never been this bad. No, go and see predictions of young people dooming the world that has existed since ancient Greece and Rome and the Hammurabi code. Everywhere in history, you are going to find this pessimism that everything is doomed. When you put that perspective into young people, they start appreciating freedom, beyond free markets because I wish that economic data would be enough, but I think that there has to be a sentiment of emotional intelligence, self-esteem benefits that freedom gives you.

    Quelle est votre conception du féminisme ? Par exemple, êtes-vous en faveur des quotas ?

    Pas du tout. Beaucoup de femmes socialistes ont gouverné l’Amérique latine et cela a été un désastre. Je préfère que des hommes transgenres, des hommes gays ou des hommes hétérosexuels libéraux ou libertaires gouvernent plutôt qu’une femme socialiste. Alors, quelqu’un comme Margaret Thatcher ? Oui, bien sûr ! Je ne vous soutiens pas à cause de vos organes génitaux… Je vous soutiens si vous avez des idées libertariennes ou libérales.

    Margaret Thatcher Margaret Thatcher By: Rachel Chapman CC BY 2.0

    What is your conception of feminism? For example, are you in favor or quotas?

    Not at all. A lot of socialist women have been governing Latin America and it has been a disaster. I rather have transgender men, gay men, or straight men that are liberal or libertarian governing than one socialist woman. With someone like Margaret Thatcher, yes of course! I support you not because of your genitals. I support you if you have libertarian or liberal ideas.

    Si vous étiez présidente, quelles seraient vos décisions durant vos 100 premiers jours ?

    En bref, les cinq points non négociables de ma campagne présidentielle sont : 1) la décentralisation fiscale, 2) l’anéantissement du syndicat de l’éducation et de celui de la santé. Et à la place de cela, la mise en place d’un système de chèques éducation et le système de retraite individuelle pour les travailleurs. 3) Je mettrais également en place un impôt unique et 4) je supprimerais les 14 secrétaires et les 15 ministères que compte actuellement le Guatemala et les regrouperais en quatre. 5) Enfin je consacrerais 50 % des taxes à la justice et à la sécurité.

    If you were President, what would be your decisions during your first 100 days ?

    Basically the non-negotiable five points of my presidential campaign are: 1) tax decentralization, 2) annihilation of the Union of Education and the Union of Health. And instead of that implementing the voucher system and the individual pension system for workers. 3) I would also implement one flat tax and 4) I will cut the 14 secretaries and the 15 ministries that Guatemala has right now. And I would just join them in four. 5) And I will divert 50% of the taxes to the line of justice and security. Those would be my first 100 days.

    En France, nous aurons une élection présidentielle dans 10 semaines. Que diriez-vous aux Français qui vont bientôt voter ?

    Essayez de trouver le candidat qui s’aligne le mieux sur les libertés que vous voulez préserver et défendre. Certaines personnes se disent « qu’est-ce que le candidat m’offre » . Non. Si vous avez des principes et des opinions bien trempés, la question est de savoir qui s’aligne le mieux sur ce que vous défendez… au lieu de vous interroger pour savoir qui est le plus charismatique ou le plus convaincant.

    In France, we’ll have a presidential election in 10 weeks ? What would you say to the French people who will soon vote or note vote in the presidential elections?

    Try to find whoever aligns better with the freedoms that you want to preserve and defend. Some people are like well, “what is the candidate offering me”. No. If you are strong willed in your principles and your opinions, the question becomes who aligns better with what I defend. Instead of being like let’s see who is more charismatic and who convinces me better.

    Portrait chinois

    Vos modèles féminins parmi les penseurs de la liberté ou les politiciens ? Pour des raisons pragmatiques, j’aime Margaret Thatcher ; pour des raisons philosophiques, j’aime Ayn Rand (qui manquait d’intelligence émotionnelle au-delà de sa philosophie). Mais je pense que pour le XXIe siècle, nous devons moderniser ces deux modèles.

    Vos modèles masculins parmi les penseurs de la liberté ou les politiciens ? J’aime beaucoup Frédéric Bastiat. J’aime le travail de John Stossel. J’admire également le travail de Ron Paul et de Spike Cohen, le vice-président du parti libertarien.

    Les livres que vous emporteriez sur une île déserte ? Sur une île déserte ? J’aurais besoin de la Loi de Bastiat, car on a toujours besoin d’une loi ! Je combinerais la philosophie du libertarianisme avec des notions plus futuristes. Par exemple, si nous créons la vie sur Mars ou d’autres planètes, quels seraient les principes à mettre en œuvre en tant que société humaine ? Je prendrais donc Cosmos de Carl Sagan. Je prendrais aussi des ouvrages sur les neurosciences.

    Les derniers livres que vous avez lus. Une brève histoire des drogues d’Antonio Escohotado, l’un des plus importants penseurs classiques libéraux et libertaires d’Espagne, récemment décédé. Et je lis aussi 21 leçons pour le XXIe siècle de Yuval Noah Harari.

    Les applications que vous consultez le plus souvent sur votre téléphone : Twitter et Instagram

    Votre chanson préférée du moment sur votre playlist : Politik de Coldplay

    Vos sports préférés : le yoga tous les jours + beaucoup de vélo et j’aime tout ce qui touche à la nature comme la randonnée ou l’escalade…

    Chinese portrait

    Your female role models among freedom thinkers or politicians? For pragmatic reasons I like Margaret Thatcher; for philosophical reasons, I like Rand (who lacked some emotional intelligence beyond her philosophy). But I think that for the 21st century we need to modernize both those models.

    Your male role models among freedom thinkers or politicians? I like a lot Frederic Bastiat. I like the work of John Stossel. I also admire the work of Ron Paul and Spike Cohen the vice president of the Libertarian Party.

    The books you would take with you to a desert island? I will need the Law of Bastiat because you always need a law!  I would combine the philosophy of libertarianism with something more futuristic. Like if we make life on Mars or other planets, what would be the principles that we will take as a human society to implement? So I will take Cosmos from Carl Sagan. I would take I would take something about neuroscience.

    The last books you have read. A brief history of drugs by Antonio Escohotado one of the most important classical liberal libertarian thinkers of Spain who recently passed away. And I’m also reading 21 lessons for the 21st century from Yuval Noah Harari

    The apps you check the most on your phone: Twitter and Instagram

    Your current favorite song on your playlist : Politik from Coldplay

    Your favorite sports :  yoga everyday + a lot of bicycle and I love anything involving nature like hiking or climbing…

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      Gloria Alvarez, la passionaria libérale venue d’Amérique latine

      Raphaël Krivine · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 March, 2022 - 04:30 · 28 minutes

    Gloria Alvarez, la passionaria libérale, dit tout et c’est dans Contrepoints !

    Elle s’exprime pour la premi ère fois en France.

    Gloria Alvarez est une jeune femme influente. Auteur de trois livres , conférencière très sollicitée en Amérique latine, en Espagne ou aux USA, hyper active sur les médias sociaux avec 377 000 followers sur Twitter et 242 000 sur Instagram, elle est sans doute l’influenceuse libérale féminine numéro un dans le monde ! Elle prône le libéralisme dans tous les domaines. Liberté, frontières, aide internationale, drogues, féminisme, programme pour une présidentielle, élection française, auteurs préférés… Beaucoup de sujets sont abordés dans sa riche et longue interview à distance, réalisée par Raphaël Krivine le 2 février 2022. À titre exceptionnel, l’entretien est disponible en français et en anglais.

    She expresses herself for the first time in France, and it is in Contrepoints.

    Gloria Alvarez is a powerful young woman. Author of 3 books, a much sought-after speaker, in Latin America Spain and the USA, hyper active on social media with 377 000 followers on Twitter and 242 000 on Instagram, she is perhaps the No. 1 female libertarian influencer in the world!  She advocates liberalism in all areas. Freedom, borders, international aid, drugs, feminism, program for a presidential election, French election, favorite authors… Many topics are discussed in her rich and long interview conducted on february 2, 2022 by Raphaël Krivine.

    Contrepoints : Pouvez-vous vous présenter en disant quelques mots sur votre parcours universitaire ?

    Gloria Alvarez : Je suis originaire du Guatemala et j’ai des racines hongroises et cubaines. J’ai fréquenté une université très particulière, l’Université Francisco Marroquin , qui a accueilli l’an dernier, en novembre, la réunion de la Société du Mont Pèlerin , l’une des rencontres les plus prestigieuses entre libéraux classiques, libertariens et capitalistes du monde entier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je n’ai pas choisi cette université en connaissant le libéralisme classique, bien sûr, car en Amérique latine, ces idées n’avaient jamais été populaires.

    Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai compris à quel point cette université était unique, parce que son fondateur, cet ingénieur guatémaltèque, Manuel Ayau, avait beaucoup de contacts avec la Foundation for Economic Education, avec Leonard E. Read , son célèbre essai I, Pencil . Puis il a rencontré Milton Friedman , Ludwig Von Mises et Hayek . Tous ces efforts se sont transformés en un projet à très long terme, à savoir la création d’une université qui vient de fêter ses cinquante ans. Elle a été très utile pour amener des professionnels de différents horizons – ingénierie, médecine, publicité, affaires internationales et sciences politiques dans mon cas – à ces idées et pour relier le Guatemala au mouvement du libéralisme classique dans le monde entier.

    Contrepoints : Can you introduce yourselves with some words about your education?

    Gloria Alvarez : I am originally from Guatemala with Hungarian and Cuban roots. I went to a very unique university called University of Francisco Marroquin, which actually last year in November hosted The Mont Pèlerin Society meeting, which is one of the most prestigious meetings between classical liberals, libertarians, capitalists from all around the world since the end of World War Two until now. I didn’t choose that university knowing anything about classical liberalism, of course, because in Latin America these ideas had never been popular.

    And after I graduated from there, I understood how unique this university was, because this guatemalan engineer, Manuel Ayau, had a lot of contacts with the Foundation for Economic Education, with Leonard E. Read and his famous essay I’ Pencil. Then he got to meet Milton Friedman, Ludwig Von Mises and Hayek.

    All these efforts turned into a very long term project for him, which was creating a university, and little by little, the university just turned 50 years last year. It has been very helpful into bringing up first of all, professionals from different backgrounds, engineering, medicine, advertisement, international affairs, and political science in my case to these ideas of course, economists and business people, and also connecting Guatemala with the movement of classical liberalism all around the world.

    … Et ensuite vous avez découvert l’aide internationale ?

    Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à chercher des bourses d’études. Je voulais travailler dans le développement international. J’avais la vision très utopique que la Banque mondiale, le Fond monétaire international, les Nations unies, Oxfam et toutes ces grandes agences avaient pour mission de mettre fin à la pauvreté, et je voulais y travailler dans ma perspective de marché libre. Mais plus j’étudiais en master en développement international, plus j’apprenais à connaître des gens comme William Easterly et son célèbre livre, The White Man’s Burden, Why the West’s efforts to aid the rest have done so much ill and so little good , ou Dambisa Moyo, l’économiste africaine qui a écrit Dead aid: why aid is not working and how there is a better way for Africa .

    J’ai compris que toutes ces agences d’aide internationale nuisaient en fait à toute possibilité de mettre fin à la pauvreté. J’ai donc fait du travail de terrain à Rome avec des immigrés sénégalais et j’ai pu les interviewer. J’ai compris que le problème du tiers monde est qu’il veut se développer, mais que toutes les routes pour les marchés sont très difficiles.

    Des immigrés sénégalais de 19 ans, qui travaillaient dans de très mauvaises conditions, en vendant des sacs chinois devant l’Opéra de Rome, m’ont dit :

    Vous voyez l’hypocrisie des Européens parce qu’ils ont l’UNICEF et Oxfam et ils envoient de l’argent en Afrique. Mais tout cet argent va à nos dictateurs et ces dictateurs créent la guerre et cette guerre fait qu’il est difficile pour moi de travailler. Alors que si je viens ici et que j’envoie de l’argent à ma famille directement par Western Union, ils me persécutent. Ils ne me donnent pas de visa, alors je ne comprends pas le marché avec les Européens. Ils disent qu’ils veulent développer l’Afrique, mais ils ne veulent pas utiliser le libre-échange et ils ont mis en place un protectionnisme généralisé, de l’agriculture à l’énergie.

    J’ai vu exactement le même problème que les latino-américains rencontrent quand ils vont aux États-Unis. De là est née ma passion pour la défense de la liberté absolue et un rejet complet de faire partie de ce récit de l’aide internationale.

    And then you discovered international aid ?

    After I graduated from that, I started looking for scholarships. I wanted to work in international development. I still have the very utopian vision that the World Bank, the International Monetary Fund, the United Nations, Oxfam and all these big agencies where in the business of ending poverty, and I wanted to work on them from my free market perspective but the more I studied master degrees in international development, I got to know people like William Easterly and his famous book, The White Man’s Burden, Why the West’s efforts to aid the rest have done do much ill and so little good, or Dambisa Moyo, the African economist that wrote Dead aid: why aid is not working and how there is a better way for Africa.

    I understood that all these international aid agencies are actually harming any possibility of poverty ending. So I did some field work in Rome with Senegalese immigrants and from first hand experience interviewing them. I understood that the problem in the Third world is that they want to develop, but all the roads for markets are highly difficult. Senegalese immigrants that were like 19 years old, that were working in really bad situations, selling like Chinese bags outside the Opera of Rome, they said to me. Well, you see the hypocrisy of the Europeans because they have UNICEF and Oxfam and they send money to Africa.

    But all that money goes to our dictators and those dictators create war and that war makes it hard for me to work. Whereas if I come here and I send money back home directly through Western Union to my family, they persecute me. They don’t give me a visa so I don’t understand the deal with Europeans. They say they want to develop Africa, but they don’t want to use free trade and they had protectionism all over the place from agriculture to energy to everything that they have.” When I saw that, I saw the exact same problem that Latin Americans face when they go to the United States and all of those findings created my passion for advocating for absolute freedom and also a complete rejection to being part of that narrative of the international aid.

    Comment avez-vous acquis votre notoriété ?

    Après Rome, je suis retournée au Guatemala et j’ai refait de la radio. J’en faisais à temps partiel quand j’étais à l’université. Et j’ai commencé à transmettre ces idées aux jeunes, indépendamment de ce qui se passait politiquement dans mon pays. Mon message a toujours été de dire : « vous ne pouvez pas contrôler qui est votre président, surtout si vous êtes en Amérique latine » .

    Si vous lisez Atlas Shrugged d’ Ayn Rand , vous verrez que les profiteurs, les pillards et leurs copains sont partout, alors il faut se demander ce que vous pouvez faire dans votre sphère individuelle, quelles que soient les conditions, pour sortir du seuil de pauvreté. Avec ce message, j’ai commencé à acquérir une certaine notoriété dans mon pays.

    Ayn Rand credits Ian (CC BY-NC 2.0)

    Et j’étais assez satisfaite, car même si mon travail ne payait pas beaucoup, je savais au moins que petit à petit, individuellement, j’aidais des jeunes Guatémaltèques à obtenir une bourse d’études ou à investir dans leur propre éducation, indépendamment de qui était au pouvoir. C’est ainsi que quelques années plus tard, grâce à d’autres métiers que j’ai commencé à exercer (dans les médias sociaux, dans une banque et dans une société de téléphonie mobile), j’ai prononcé un discours en Espagne en 2014 qui est devenu viral.

    Depuis, j’ai donné environ 4000 conférences dans toute l’Amérique latine, aux États-Unis et en Europe ! Internet, qui est le pays le plus libre du monde, offre beaucoup d’opportunités à ceux qui promeuvent le libéralisme classique dans le monde et le capitalisme, des concepts que normalement la télévision, la radio et les journaux ne veulent pas couvrir…

    How have you built your notoriety ?

    After Rome, I went back to Guatemala and radio. I used to do radio as my part time job when I was in university. And I started portraying these ideas to young people regardless of what was happening politically in my country. Like my message has always been, you cannot control who’s your President, especially if you are in Latin America.

    If you read Atlas Shrugged from Ayn Rand, it’s like the moochers and looters and their cronies are everywhere So it’s like what can you do in your individual sphere, regardless these conditions to step away from the poverty line. With that message I started getting notoriety back home. And I was quite satisfied because even though my job didn’t pay a lot, at least I knew that little by little, individually, I was helping young Guatemalans for instance getting a scholarship or investing in their own education, regardless of who was in power.

    That is how few years in the role, through other jobs that I start having (in social media, with a bank and a cell phone company), I did a speech in Spain in 2014 and it went viral and since then, I’ve been giving pretty much like 4.000 conferences all over Latin America, the US or Europe.  Internet, which is the freeest country of the mall, is giving a lot of opportunities to people that are pushing classical liberal and capitalist ideas into the world. Because these are ideas that normally the TV on the radio and newspapers didn’t want to cover…

    Vous citez différents économistes qui étudient les pays non développés, vous connaissez forcément l’économiste péruvien Hernando De Soto et sa théorie sur les droits de propriété ?

    Oui, Hernando De Soto livre l’une des leçons les plus importantes sur la propriété privée. Il dit que si vous marchez la nuit dans un endroit sans lumière, même un chien sait par son aboiement où la propriété commence et où elle se termine et il aboie seulement pendant que vous marchez autour de cette propriété. C’est fascinant parce que parfois, le bon sens est le moins commun de tous les sens et des exemples comme celui-ci montrent pourquoi la propriété privée est si fonctionnelle pour la civilisation.

    You are quoting different economists studying undeveloped countries, you certainly know the Peruvian economist Hernando De Soto and his theory about the rights of property ?

    Yes, actually Hernando De Soto delivers one of the most important lessons about private property. He says even a dog, if you’re walking at night into a place that has no light, even a dog knows by its bark where the property starts and where the property ends and he only barks while you were like walking around that property. It is fascinating because sometimes, common sense is the least common of all the senses and examples like that show why private property is so functional to civilization.

    Comme vous avez moins de 40 ans, vous n’avez pas pu vous présenter à l’élection présidentielle au Guatemala. Est-ce que votre objectif est toujours de devenir une femme politique ou avez-vous l’intention de rester du côté intellectuel du libéralisme ?

    Pour les prochaines élections, j’aurai 38 ans et je vais relancer ma campagne présidentielle. Cette fois, je vais inclure des nouveaux thèmes comme l’approche du professeur Onkar Ghate (de l’Institut Ayn Rand) sur la pandémie du point de vue de la liberté, qui est un travail fantastique sur la façon d’aborder une pandémie sans perdre la liberté.

    Je vais inclure les crypto-monnaies. Je parlerai également de la légalisation des drogues, bien au-delà de la cocaïne, de la marijuana et des cartels de la drogue en Amérique latine. Je l’aborderai davantage sous l’angle de la médecine par les plantes et de la manière dont l’université Johns Hopkins, par exemple, avec la MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies), a découvert que des substances comme la psilocybine, la MDMA, la DMT et la CBD peuvent aider à soigner un grand nombre de maladies mentales.

    Comment le Guatemala pourrait-il devenir, grâce à ses ressources naturelles uniques, une sorte de plaque tournante de la psychiatrie au XXIe siècle ? Pourtant ça va être complètement illégal. Ça ne me dérange pas. Le but de ma participation à la campagne est de mettre en contraste le fait que tous les candidats qui se présentent n’ont jamais de projets.

    Parce que moins ils s’engagent et plus leur message est ambigu, plus ils obtiennent de voix. Je veux donc créer un contraste et que les gens puissent s’interroger sur cette différence. Nous ne sommes pas condamnés à avoir des politiciens médiocres sans projets concrets.

    As you are under 40, you couldn’t run for presidential election Guatemala. Is it still an objective to become a politician or do you intend to remain on the intellectual side of liberalism ?


    For next elections I’m going to be 38 and I’m going to relaunch my presidential campaign. This time I’m going to include things like Professor Onkar Ghate (from the Ayn Rand Institute) approach on pandemic from a freedom side, which is a fantastic work about how to approach a pandemic without losing freedom. I’m going to include cryptocurrencies.

    I will also talk about drug legalization, way beyond cocaine, marijuana and like the drug cartels in Latin America. I am going to approach it more to plant medicine and how Johns Hopkins University, for example, with the MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies) that is finding out that substances like Psilocybin, MDMA, DMT, CBD can help with a lot of of psychological illnesses.

    How Guatemala could become because of its unique natural resources a kind of hub for psychological medicine in the in a 21st century? Still it is going to be completely illegal. I don’t mind. Why do I do this? It is more to put into contrast that all the candidates that are running never have plans. Because the less they commit to something and the more ambiguous their message, then more votes they get. So I want to create a contrast and that people can question that difference. We’re not doomed to have mediocre politicians that don’t have concrete plans. There is an option now regardless of the age.

    À propos des drogues, pouvez-vous préciser votre pensée ?

    Tout d’abord, nous devons diviser les drogues entre le côté obscur et le côté lumineux, comme dans La Guerre des Étoiles . Si nous parlons des drogues en général, cela va des substances comme les médicaments à base de plantes à celles que nous fabriquons dans les laboratoires et qui détruisent des vies. Nous devrions les diviser en deux catégories : les substances sombres qui représentent le pire de l’humanité et les substances qui peuvent réellement traiter les maladies mentales.

    Et si nous les gardons illégales, nous n’aurons jamais assez de connaissances et de sagesse sur la façon de diviser ces deux catégories et de créer des marchés qui peuvent être bénéfiques. Toute dépendance qui rend les individus plus violents, plus malheureux, n’est pas due à la substance en elle-même, tout comme le contrôle des armes à feu : ce ne sont pas les armes à feu qui tuent des gens, c’est toujours la main de quelqu’un qui veut tuer.

    C’est la même chose avec les drogues. Pour moi, les substances en elles-mêmes ne sont pas destructrices ou constructives. Tout dépend de leur utilisation. Plus nous avons des substances illégales et interdites, moins nous aurons de chances de les utiliser à bon escient.

    About drugs, can you tell us more about your view ?

    First of all we have to divide drugs into the dark side and the light side, like in Star Wars. If we talk about drugs in general, it goes from substances as plant medicines to the ones that we make in labs that destroy lives.

    We should divide them into the dark substances that potentialize the worst in Humanity versus substances that can actually treat mental illnesses. And if we keep them illegal, we will never have enough knowledge and wisdom on how to divide these two and create markets that can be beneficial. Every addiction that makes people more violent, more miserable, it’s not due to the substance in itself, just as like the gun control: it’s not that guns kill people, it’s always the hand of somebody wanting to kill. It is the same with drugs.

    For me, substances in themselves are not destructive or constructive. It all depends in the use. The more we have something illegal and prohibitate, the less chance we will never have of using those substances for the good.

    Mais vous finirez par atteindre 40 ans… Que se passera-t-il alors ?

    Le problème au Guatemala est que les candidatures indépendantes sont illégales et je refuse de créer un parti politique. Nous avons eu une guerre civile pendant 36 ans. Lorsque celle-ci a pris fin et que la guérilla marxiste a été mise hors d’état de nuire, nous avons connu une vague de violence, d’enlèvements et de corruption.

    Des partis politiques, nous en avons désormais plus de 50. Aucun d’entre eux n’a d’idéologie. Ils travaillent plus ou moins comme des agences de publicité… Ils se reproduisent, se dotent d’un leader, et s’ils n’arrivent pas au pouvoir, ils disparaissent. Donc, créer un parti politique en soi vous oblige à faire partie de ce système obsolète.

    Même à plus de 40 ans, cela ne servirait à rien de me présenter, car il faudrait alors faire de nombreux compromis avant même d’être au pouvoir, et je ne souhaite pas le pouvoir pour le pouvoir. Je veux le pouvoir pour faire les réformes qui pourraient aider le Guatemala. Si vous regardez les pays qui s’en sortent bien en matière de droits individuels, de prospérité, de richesse réelle, ce sont ceux qui sont en tête de l’indice de liberté économique, de liberté humaine. Ce sont donc les politiques qui marchent vraiment. Mais si les gens ne sont pas prêts et veulent continuer à vivre dans cette médiocrité, comme c’est le cas de toute l’Amérique latine, eh bien qu’il en soit ainsi.

    But eventually you will hit 40 ? What will happen then ?

    The main problem in Guatemala is that independent candidacies are illegal and I refuse to create a political party. Whoever studies the politics of Guatemala will see that we had a civil war for 36 years.

    When that was finally over and the Marxist guerilla was out of business, we had a wave of violence and kidnaps and corruption and now political parties. We have more than 50. They all list of them is like 20 years old. None of them have ideology. They work more or less like advertisement agencies that are born. They reproduce, they create a figure, and if they don’t get to power, they disappear. So making a political party in itself forces you to be part of that obsolete system.

    Even if I hit 40, there’s no point in running because then you have to compromise a lot even before you are in power and for me it’s like I don’t want power for the power. I want the power in order to do the reforms that I think could help Guatemala, not because I delusionally think so, but because if you look at the countries who are doing great in individual rights, in prosperity, in real wealth, those are the countries that are on top of the index of economic freedom, of human liberty. So these are the politics that actually work. But if people are not ready for them and they want to continue living in this mediocrity, that it’s like the case of all Latin America, well then so be it.

    À propos de votre présence sur les médias sociaux, on pourrait vous considérer comme une jeune influenceuse montrant vos meilleurs selfies. Est-ce simplement votre façon de vivre ?

    La chance que j’ai eue, c’est que je suis devenue virale à l’âge de 29 ans. J’étais donc déjà une personnalité avec ce que j’ai toujours défendu. Je n’étais plus une adolescente en devenir. J’ai toujours aimé la nature. J’ai une fascination pour les sixties. Pas la dimension socialiste, mais cette période de rébellion qui a apporté de nouvelles libertés et des actions collectives. J’aime la musique.

    Si j’ai commencé à faire de la radio, c’est parce que j’aime la musique. Et puis j’ai toujours beaucoup bougé depuis que je suis enfant, parce que mon père travaillait dans toute l’Amérique centrale et j’ai toujours été habituée aux nouveaux départs. Dire au revoir, garder des amitiés… Quand on déménage beaucoup, qu’est ce qui a une vraie valeur dans la vie ? Ce sont les connexions humaines plus que les choses matérielles. Même si je ne suis pas un super capitaliste, je ne crois pas qu’il faille consommer pour consommer.

    Je ne crois pas que les objets vous rendent heureux. Selon moi, les marchés devraient être libres afin que nous puissions avoir du temps pour les choses qui ont vraiment de la valeur. Je n’ai pas besoin de passer du temps à chercher une bouteille de lait ou un morceau de pain. C’est ce que fait le socialisme. Il vous limite à vous consacrer à sortir de la misère pour que vous n’ayez pas de temps pour autre chose.

    Beaucoup de gens ont remis en question ma démarche sur les médias sociaux en me disant : « ne montre pas cette partie de qui tu es. Ne dis pas que tu es athée. Ne dis pas que tu veux légaliser les drogues, contente-toi de haïr le socialisme… » . Au début, la droite latino-américaine voulait m’utiliser comme leur enfant modèle et ensuite elle n’a pas aimé cette facette non conservatrice de ma personnalité. Donc se battre pour mon identité, c’est quelque chose qui m’est venu naturellement parce que je me suis dit que si je devais aller dans cette voie, je devais préserver qui j’étais.

    About your presence on social media, one might consider you as a young influencer showing your best selfies. Is it just your way of living?

    The blessing that I had is that I went viral when I was 29. So I was already a person with the things that I have always loved. I was not a teenager forming my mind. And I I’ve always loved nature. I have a fascination for the decade of the 60s.

    None of the socialist part of it, but like their rebellion of bringing new liberties and doing action. I love music. The reason why I started on radio was because I love music. I’ve always moved a lot since I was a kid because of my dad’s work all over Central America, so I was always used to new beginnings. Saying goodbye, keeping friendships and when you move a lot, what are the things that are valuable in life? These are human connections more than material stuff.

    Even though I’m not like super capitalist, I don’t believe in consuming for consuming. I don’t believe that stuff makes you happy. I believe that markets should be free so that we can have time for the things that are actually valuable. I don’t have to spend time looking for a gallon of milk or the next piece of bread.  Which is what socialism does. It focuses you on getting out of poverty so you don’t have time for anything else.

    A lot of people questioned it like “don’t show this part of who you are. Don’t talk that you’re atheist. Don’t say that you want to legalize drugs…”. It sticks to hating socialism. Because at first the cronies of the right wing of Latin America wanted to use me as their poster child and then they didn’t like that non conservative part of me. So fighting for my identity, it was something that came natural to me because I thought if I’m going do this, I have to preserve who I am.

    Mais par votre présence sur les médias sociaux, ne cherchez-vous pas à être une influenceuse auprès des jeunes ?

    Certainement. Je veux être une source d’inspiration pour les plus jeunes en leur montrant qu’il n’est pas nécessaire de se perdre dans une carrière de politicien. Je suis convaincue que la raison pour laquelle les gens en Amérique latine sont obsédés par ces messies populistes est qu’ils veulent croire que le politicien est pur, qu’il est parfait, qu’il est une sorte d’ange qui ne fait pas d’erreur et qu’avec sa baguette magique, il va les sortir de la pauvreté.

    Nous devons montrer que, comme les sportifs, les musiciens, les artistes, les architectes, les médecins, les politiciens restent des personnes de chair et de sang avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Au final, cela a été un long chemin qui m’a permis de montrer que l’on peut rester soi-même et avoir des idées très importantes à communiquer.

    Vous ne pouvez satisfaire un public en lui mentant si vous voulez communiquer certains messages et espérer qu’il y ait des gens qui peuvent relier les points et penser comme vous. Et c’est ainsi que je me suis séparée des conservateurs de droite et des socialistes marxistes d’Amérique latine. C’est un peu comme si je créais une nouvelle niche de bannis qui ne sont ni défendus ni soutenus par l’un ou l’autre camp !

    Don’t you try also to be an inspiring person to younger people?

    Sure. I want to be inspiration to younger people that you don’t have to lose yourself in the process of becoming a politician. I am convinced that the reason why people in Latin America are obsessed with this populist messiahs is because they want to believe that the politician is unpollusive, is perfect, is a kind of angel that doesn’t make any mistake and with their magic wand, they’re going to take them out of poverty.

    We have to show that as a sports, people, musicians, artists, architects, doctors, politicians are also people of flesh and blood with their good their bad their ugly, they have good days or bad days. So for me it’s been a journey of showing you can be all these things and still have very important ideas to communicate and also there comes a point where you don’t want to satisfy an audience by lying to them.

    You want to communicate certain messages and hope, that there are people out there that can connect the dots and think similar to you. And this has been the road of separating myself from right wing conservatives and marxist socialists in Latin America. And kind of like creating a new niche of outcast that are not defended nor supported by either or the other side.

    Quel est votre degré de libéralisme classique ?

    Je m’identifie plutôt à Ayn Rand . Je ne suis pas une anarcho-capitaliste. Je crois en un gouvernement minarchiste en charge de la justice et de la sécurité où vous avez une chaîne solide, du moment où un crime est commis ou une escroquerie jusqu’au procès et je mettrais en œuvre la Common Law qui est un concept que nous n’avons pas en Amérique latine.

    Nous utilisons davantage le système positiviste français… Je crois qu’il faut privatiser autant que possible. Les prisons par exemple peuvent être mieux gérées par une libre compétition. Hayek doit rencontrer un anarcho-capitaliste qui me convaincra que l’anarcho-capitalisme fonctionne en temps réel. J’ai toujours dit à mes amis anarcho-capitalistes que je serai la première à soutenir leur approche, mais je suis pour l’ouverture des frontières, pour tout ce que les marchés impliquent, y compris pour les personnes qui travaillent et produisent sur ces marchés.

    Bryan Caplan est un auteur brillant qui explique pourquoi les frontières ouvertes ont tout leur sens dans le monde. La raison pour laquelle j’utiliserais l’armée au Guatemala est que chaque fois que nous avons des catastrophes naturelles comme des tremblements de terre, des tempêtes tropicales, des éruptions volcaniques, les seuls capables d’aider pendant ces catastrophes naturelles sont les militaires.

    What is your degree of classical liberalism?

    I identify more with Ayn Rand. I am not an anarcho capitalist. I do believe in a minarchist government with the roles of justice and security where you have a strong chain from the moment a crime is committed or a scam until you go to trial and I would implement common law which is something that we don’t have in Latin America.

    We use more there the French positivistic system… I do believe that you have to privatize as much as you can. If prisons can be better run by a free competition of who provides the full, the security and all the line of the construction of the jails. Hayek has to meet an anarcho-capitalist that convinces me that anarcho capitalism works in real time.

    I’ve always said to my anarcho capitalist friends, I’m going to be the first one supporting that, but I am about open borders, especially for everything that markets involve, including the people who work and produce in those markets. Bryan Caplan is a brilliant author explaining why open borders make all the sense in the world. The reason why I use the military in Guatemala is because whenever we have natural disasters like earthquakes, tropical storms, volcanoes erupting, the only capable of helping in those moments of natural disasters is the army.

    A suivre

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      Comment est né le mouvement libertarien ? (1)

      Fabrice Copeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 15 November, 2020 - 04:25 · 11 minutes

    mouvement libertarien

    Par Fabrice Copeau.

    Durant les années 1960, le mouvement libertarien est marqué par un rejet de l’impérialisme conservateur, la condamnation de la violation des principes libéraux et le refus de la confusion du droit et de la morale religieuse.

    À travers l’héritage des trois traditions anti-étatistes américaines classiques (Old Right, isolationnisme, libéralisme classique), une avant-garde libertarienne, au début coupée de ses partisans, émerge et quitte le Grand Old Party.

    À partir du début des années 1950, les nouveaux conservateurs 1 dotent la droite américaine d’une idéologie englobante qui lui fait défaut. Des revues comme Modern Age et la National Review en sont le fer de lance. La seconde, fondée par William Buckley, est le véritable centre de gravité de ce nouveau traditionalisme.

    La résistance du libertarianisme : une synthèse réactive

    Dans le cadre de la lutte contre le communisme et l’URSS, Buckley distingue clairement entre ce qu’il appelle les « conservateurs de l’endiguement » et les « conservateurs de la libération », pour finalement prendre position en faveur des seconds.

    Une querelle l’oppose ainsi au libertarien Chodorov, pour qui la guerre a créé une dette colossale, entraînant une augmentation continuelle des impôts, la conscription militaire et un accroissement de la bureaucratie. C’est la revue The Freeman qui abrite ces échanges musclés.

    « Pendant la guerre , écrit Chodorov, l’État acquiert toujours du pouvoir au détriment de la liberté » . Schlamm lui répond dans la livraison suivante de la revue que la menace soviétique est telle qu’elle ne saurait être contenue par l’indifférence.

    Ce à quoi Chodorov répond, toujours dans le Freeman , qu’il n’est pas convaincu « de la capacité du gang de Moscou à envahir le monde » . « La suggestion que la dictature américaine serait « temporaire » , ajoute-t-il, rend suspect l’ensemble de l’argument, car aucune dictature ne s’est jamais donné de limite dans la durée de son office » . La guerre, termine-t-il, « quels que soient les résultats militaires, est certaine de rendre notre pays communiste » .

    Une deuxième ligne de rupture est constituée par la politique économique. Au début des années cinquante, la crainte de voir les nouveaux conservateurs sacrifier les dogmes du libéralisme classique à la satisfaction d’un impérialisme messianique catalyse les premières réactions libertariennes.

    C’est du reste à cette occasion que Dean Russell invente le mot même de « libertarien ».

    L’émergence d’un double leadership

    Depuis le début des années 1950, Murray Rothbard trace les contours de la doctrine libertarienne à travers différents articles, en prenant presque systématiquement comme repoussoir les principes conservateurs.

    Toujours dans The Freeman , Schlamm doit en découdre avec Rothbard cette fois, qui avait présenté la célèbre thèse de Mises selon laquelle le communisme s’effondrerait de lui-même et qu’il n’était pas besoin de gaspiller des efforts inutiles pour faire advenir une chute imminente.

    Schlamm s’en prend pour la première fois nommément aux « libertariens », qui, selon lui, « ont raison en tant qu’économistes, mais fatalement tort comme théologiens : ils ne voient pas que le diable est réel et qu’il est toujours là pour satisfaire la soif insatiable des hommes pour le pouvoir » .

    À l’élection présidentielle de 1956, Rothbard soutint le candidat indépendant T.C. Andrews, tout en précisant que parmi les deux principaux candidats, le républicain D. Eisenhower et le démocrate A. Stevenson, le second lui paraissait préférable.

    Pour la première fois, le mouvement libertarien se positionne donc à gauche de l’échiquier politique. Cela a marqué une rupture intellectuelle avec le mouvement conservateur, en attendant la rupture organisationnelle.

    Ayn Rand joue également, durant cette période, un rôle déterminant dans les préparatifs à la constitution du mouvement libertarien. Le cercle de ses adeptes, qui se réunit dans le salon de la romancière, s’agrandit sans cesse, et écoute l’initiatrice lire les épreuves de son nouveau roman, Atlas Shrugged .

    Parmi eux 2 , le futur président de la Fed, Alan Greenspan, est des plus assidus, tout comme Barbara et Nathaniel Branden.

    Comme dans La source vive , son précédent roman, on trouve dans Atlas Shrugged une opposition manichéenne entre des créateurs égoïstes et des parasites étatistes. Parmi les premiers, Dagny Taggart et Hank Rearden sont les principaux protagonistes du roman. Respectivement directrice d’une compagnie ferroviaire et magnat de l’acier, ils s’efforcent l’un et l’autre de résister tant bien que mal aux ingérences du gouvernement et de faire vivre leurs affaires dans le contexte d’une crise sans précédent.

    À mesure que l’État se montre de plus en plus intrusif dans l’économie, les membres du cercle très fermé des créateurs égoïstes disparaissent un à un. On apprend au milieu du roman qu’ils se sont tous réunis dans les montagnes du Colorado, au sein d’une communauté capitaliste utopique, appelée Galt’s Gulch, le « ravin de Galt ». John Galt , dont la recherche de l’identité est martelée tout au long du roman par la question « Who is John Galt ? », est un ingénieur surdoué à l’initiative de la grève.

    Inventeur d’un moteur révolutionnaire alimenté à l’énergie statique, il refuse d’en offrir l’usage à la masse ignorante. « Les victimes sont en grève […] Nous sommes en grève contre ceux qui croient qu’un homme doit exister dans l’intérêt d’un autre. Nous sommes en grève contre la moralité des cannibales, qu’ils pratiquent le corps ou sur l’esprit. »

    Hank Rearden et Dagny Taggart sont tellement attachés à leurs propres commerces qu’ils déclinent toutes les sollicitations de John Galt. Mais la retraite des principaux acteurs de l’économie rend leur situation de plus en plus insupportable. La société américaine traverse des crises de plus en plus préoccupantes, et imputées conjointement aux ingérences des gouvernants et à la forfaiture des créateurs.

    La fin du roman décrit avec emphase une situation apocalyptique. Les hommes d’État, désœuvrés, reprennent tour à tour l’aphorisme éculé de Keynes : « Dans le long terme, nous sommes tous morts. »

    John Galt interrompt soudainement les programmes radiophoniques pour expliquer les causes du déclin. Son discours, comparable à celui de Howard Roark lors de son procès, tient lieu de prolégomènes à la philosophie objectiviste randienne. Galt commence par énumérer les perversions morales sous-tendant l’étatisme ambiant.

    De là le dédain de la masse pour les créateurs égoïstes qui lui apportaient pourtant la plus grande richesse. À la fin, John Galt annonce leur retour à la condition que l’État se retire. Les hommes du gouvernement abdiquent. Ainsi s’achève le roman : « La voie est libre, dit John Galt, nous voici de retour au monde. Il leva la main puis, sur la terre immaculée, traça le signe du dollar. »

    Atlas Shrugged a été désigné comme le deuxième livre le plus influent pour les Américains, juste après la bible, par la Library of Congress en 1991.

    À peine eut-il lu le livre que Murray Rothbard adressa à Ayn Rand une lettre élogieuse dans laquelle il alla jusqu’à reconnaître avoir auprès d’elle une dette intellectuelle majeure.

    Rand accueillit chez elle les membres du Cercle Bastiat, et en particulier Rothbard. Le rapprochement fut cependant de courte durée. Pour soigner sa phobie des voyages, Rothbard fit appel aux services de Nathaniel Branden, qui diagnostiqua qu’il avait fait un « choix irrationnel d’épouse ».

    Rand et Branden invitèrent donc Rothbard à quitter sa femme, et lui offrirent leurs services matrimoniaux pour lui substituer une compagnie plus conforme aux canons randiens.

    Rothbard déclina l’invitation, ce qui mit Rand dans une rage folle ; elle orchestra un procès en excommunication contre Rothbard, ce qui marqua la fin définitive de leur collaboration.

    Les ténors libertariens exclus des instances conservatrices

    Les conservateurs s’employèrent alors à écarter l’avant-garde libertarienne sans toutefois rejeter le mot « libertarien ». Pour faire profiter les militants de ce que la pensée libertarienne était susceptible d’apporter, sans toutefois lui permettre de s’exprimer et de corrompre leurs propres idéaux, les conservateurs ont ainsi œuvré pour priver les principaux leaders libertariens d’expression, en les écartant de la National Review .

    Bien que seul représentant des libertariens parmi les contributeurs de la National Review , Chodorov se désolidarisa rapidement des positions prises par la revue. Dès 1956, celle-ci commença à refuser des articles contestant la légitimité et l’utilité d’une intervention des États-Unis à l’extérieur.

    Rothbard contribua quelques années encore à contribuer à cette revue, mais, comme Justin Raimondo l’explique 3 , les idées économiques exposées par Rothbard étaient purement ornementales, et promettaient de disparaître à la première occasion.

    En 1959, il soumit à la revue conservatrice un article dans lequel il préconisa un désarmement nucléaire mutuel pour mettre un terme à la guerre froide. Le refus, pourtant attendu, de Buckley de publier l’article marqua définitivement la fin de leur impossible collaboration.

    L’exclusion la plus retentissante du mouvement conservateur reste toutefois celle d’Ayn Rand. La condamnation virulente d’ Atlas Shrugged par les éminences du nouveau conservatisme la conduisit à prendre ses distances d’avec le mouvement conservateur en voie d’institutionnalisation.

    Whittaker Chambers va jusqu’à qualifier la perspective de Rand de « totalitaire » en comparant cette dernière au dictateur omniscient du roman de Orwell. Par ailleurs, Rand condamnait sans préavis toute forme de religion. Pour Buckley et les nouveaux conservateurs, un athéisme aussi agressif ne pouvait faire bon ménage avec la composante traditionaliste et religieuse de la coalition en formation.

    Rand présenta même une critique structurée du nouveau conservatisme, en dénonçant ce qu’elle identifiait comme ses trois piliers : la religion, la tradition et la dépravation humaine.

    Comme elle le dit : « Aujourd’hui, il n’y a plus rien à conserver : la philosophie politique établie, l’orthodoxie intellectuelle et le statu quo sont le collectivisme. Ceux qui rejettent toutes les prémisses du collectivisme sont des radicaux. » 4

    À leur corps défendant, les conservateurs se brouillent aussi avec des auteurs qu’ils auraient pourtant aimé conserver dans leur giron. C’est tout particulièrement vrai de Friedrich Hayek. Dans un article célèbre, intitulé « Pourquoi je ne suis pas conservateur » 5 , il regrette que le contexte de l’époque associe les libéraux aux conservateurs.

    Il congédie l’axe gauche-droite qui insinue que le libéralisme se trouverait à mi-chemin entre le conservatisme et le socialisme, et propose de lui substituer une disposition « en triangle, dont les conservateurs occuperaient l’un des angles, les socialistes tireraient vers un deuxième et les libéraux vers un troisième ».

    La « peur du changement », typique de la pensée conservatrice, se traduit chez eux par un refus de laisser se déployer librement les forces d’ajustement spontanées, et par un désir de contrôler l’ensemble du fonctionnement de la société. De là « la complaisance typique du conservateur vis-à-vis de l’action de l’autorité établie » .

    « Comme le socialiste, le conservateur se considère autorisé à imposer aux autres par la force les valeurs auxquelles il adhère. » L’un comme l’autre se révèlent ainsi incapables de croire en des valeurs qu’ils ne projettent pas d’imposer aux autres. « Les conservateurs s’opposent habituellement aux mesures collectivistes et dirigistes ; mais dans le même temps, ils sont en général protectionnistes, et ont fréquemment appuyé des mesures socialistes dans le secteur agricole. »

    Hayek condamne aussi l’impérialisme conservateur, emprunt d’un nationalisme et d’un autoritarisme des plus délétères.

    Enfin, il convient de noter qu’Hayek ne rejette pas le terme « libertarien », comme on le lit souvent. Il lui reproche simplement son irrévérence à l’endroit d’une tradition qu’il entend pourtant perpétuer, mais ne rejette en rien ce qu’il recouvre, et encore moins l’inspiration qui l’a fait naître. Toutes ces ruptures intellectuelles ne font que précéder la rupture partisane, qui ne tarda pas à intervenir.

    Article initialement publié en décembre 2010.

    1. Il convient de distinguer ces nouveaux conservateurs des néoconservateurs. Ces derniers interviendront un peu plus tard, à la fin des années 1960 autour de journaux comme Public Interest et Commentary , et derrière des personnalités comme Daniel Bell, Irving Kristol, Patrick Moynihan et Norman Podhorez. Pour simplifier, on peut décrire les nouveaux conservateurs comme des traditionnalistes anticommunistes, qui se réfèrent à l’histoire et s’autorisent de Burke ; les néoconservateurs comme d’anciens démocrates hostiles à l’évolution progressiste de la gauche, ayant pour code le droit naturel et se réclamant de Tocqueville. Les deux mouvements conservateurs se coalisèrent dans les années 1970 pour préparer la victoire de Reagan en 1980.
    2. Le groupe se baptise ironiquement The Collective.
    3. Justin Raimondo, Reclaiming the American Right , p. 189.
    4. A. Rand, « Conservatism : An Obituary » (1960), in Capitalism : The Unknown Ideal , New York, Signet, 1967, p. 197.
    5. F. A. Hayek, « Pourquoi je ne suis pas conservateur », in La Constitution de la liberté , 1960.