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      Mahé de la Bourdonnais détient-il l’étoile et la clé de l’Arabie heureuse ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 February, 2023 - 03:40 · 3 minutes

    L’avenue de Moka à Saint-Malo rappelle l’importance des échanges entre la cité corsaire et le port de  Moka au Yémen ouvert sur un vaste arrière-pays historique et montagneux de caféiculture. À la croisée  des mondes, un Hôtel de l’Univers a pris place entre ces deux ports d’attache : l’un à Steamer Point  dans le golfe d’Aden, l’autre au cœur des murailles de Saint-Malo. Plus étonnant est la relation triangulaire qui a pu naître avec l’océan Indien et ses comptoirs administrés par Mahé de la Bourdonnais . La doctrine de l’officier malouin qui a fait la réussite du développement des  Mascareignes peut-elle relancer le Yémen comme l’étoile et la clé de l’Arabie heureuse ?

    Articulé autour du thème : Knowledge ∞ ( Knowledge to the power of infinity ), le pavillon du Yémen à  l’Exposition universelle de Dubaï proposait de redécouvrir comment le café Moka et le miel de Sidr, les  cadeaux du Yémen au monde, ont voyagé vers l’île Bourbon, colonie d’incubation et de production du  précieux or noir : le café Bourbon.

    La formule Stella Clavisque Maris Indici (« L’Étoile et la Clé de l’Océan Indien ») résume la vision  développée par Mahé de Bourdonnais pour s’affirmer dans le commerce interlope ouvert sur l’océan  « d’Inde en Inde » à une époque où la France contestait la suprématie britannique. Cette même devise  est encore inscrite dans les armoiries de l’île Maurice.

    Pour réussir un tel pari, Mahé de la Bourdonnais a très tôt identifié l’importance de s’entourer de botanistes, de profils scientifiques et d’explorateurs prêts à relever le défi d’une New Nature Economy.  En somme : développer les aspects cosmétiques, alimentaires et médicinaux de nouveaux produits des mers du Sud. À Pondichéry, il rencontre le botaniste explorateur Pierre Poivre . Ce dernier  développera par la suite des échanges avec le médecin et naturaliste Philibert Commerson pour  approfondir et transmettre cette aventure entre science et nature.

    Qu’en est-il du Yémen ?

    Le Yémen et ses portes maritimes peuvent-ils reproduire cette idée de maillage en réseau d’échanges  humains et pluridisciplinaires imaginé par Mahé de Bourdonnais et ainsi retrouver la paix et la  stabilité en se hissant dans la bioéconomie mondiale ?

    Les dragonniers de Socotra peuvent vivre jusqu’à 1000 ans et on prête à leur résine des propriétés  médicinales. Dans cet archipel, notons que les insulaires ont tous des ancêtres des îles de l’océan  Indien, d’Afrique de l’Est, d’Arabie ou d’Inde. Il existe donc des réseaux, passerelles et diasporas à  fédérer.

    L’archipel de Socotra, situé dans le nord-ouest de l’océan Indien, près du golfe d’Aden, s’étend sur 250  km. Il comprend quatre îles et deux îlots rocheux qui semblent prolonger la corne de l’Afrique. Il est  exceptionnel de par sa grande diversité de plantes et son taux d’endémisme : 37 % des 825 espèces de  plantes présentes, 90 % des espèces de reptiles et 95 % des espèces d’escargots terrestres ne se  trouvent nulle part ailleurs dans le monde.

    En ce qui concerne les oiseaux, le site héberge des populations importantes au plan mondial (192  espèces dont 44 se reproduisent dans les îles et 85 sont des migrateurs réguliers) dont quelques  espèces menacées. La vie marine de Socotra est aussi très diverse, avec 253 espèces de coraux  bâtisseurs de récifs, 730 espèces de poissons côtiers et 300 espèces de crabes, homards et crevettes.

    Compte tenu de sa faune et de sa flore exceptionnellement riches et distinctes, Socotra revêt une  importance mondiale pour la conservation de la biodiversité. À l’intérieur du point chaud de la corne  de l’Afrique, ce territoire Phénix a été qualifié de « Galápagos de l’océan Indien ».

    Une nouvelle génération de marchands de paix et de prospérité peut-elle en faire un laboratoire de la  bioéconomie mondiale et accompagner le Yémen dans sa reconstruction ?

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      L’Asie du Sud-Est, un partenaire commercial pour l’Europe

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    À la fin de l’année dernière, un sommet important s’est tenu à Bruxelles entre l’Union européenne et le bloc commercial de l’ANASE, qui regroupe un grand nombre d’économies d’Asie du Sud-Est à croissance rapide. Ce bloc ayant également conclu un accord de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande en 2009, il revêt une importance majeure.

    Malgré les efforts en cours, un véritable accord de libre-échange (ALE) entre l’UE et l’ANASE n’est pas attendu de sitôt. Le diplomate indien chevronné Gurjit Singh a souligné que les sanctions de l’UE à l’encontre du Cambodge et du Myanmar, en raison de violations des droits de l’homme, en sont une raison importante. Par conséquent, les accords commerciaux bilatéraux sont actuellement plus réalistes.

    Au cours du sommet, la présidente de la Commission européenne , Ursula von der Leyen, a souligné que l’UE avait déjà signé des accords de libre-échange avec le Viêt Nam et Singapour, ajoutant : « Nous voulons commercer davantage les uns avec les autres. Nous sommes déjà les troisièmes plus grands partenaires commerciaux les uns des autres » et « Notre objectif ultime serait de négocier un accord de libre-échange de région à région. »

    Commerce des produits de base

    D’autres désaccords profonds existent cependant. Lors du sommet UE-ANASE, le président indonésien Jokowi s’en est pris à l’UE, lançant un avertissement lié au nouveau règlement européen sur la déforestation, ajoutant que l’UE ne devrait pas tenter de dicter ses normes à l’ANASE si elle veut maintenir ses relations avec l’Indonésie à l’avenir.

    Il a dit :

    « Il ne doit pas y avoir de coercition, plus de parties qui dictent toujours et supposent que mes normes sont meilleures que les vôtres. »

    Le ministre indonésien des Affaires étrangères, M. Marsudi, a ajouté que le règlement « entravera le commerce » et est « de nature discriminatoire », avertissant que cela « entraverait les exportations de produits de base de l’Indonésie. »

    L’Indonésie entretient notamment de nouvelles relations avec des partenaires commerciaux autres que l’UE, puisqu’elle a annoncé qu’elle négocierait un nouvel ALE avec l’Union économique eurasienne, tout en développant des liens économiques et stratégiques plus profonds avec les États-Unis.

    Les petites entreprises familiales de pays comme l’Indonésie et la Malaisie – deux importants exportateurs d’huile de palme – pourraient être lésées par le règlement de l’UE sur la déforestation , qui menace d’ajouter beaucoup de bureaucratie aux importations d’huile de palme dans l’UE.

    L’ironie est que ce règlement vient d’être mis en œuvre alors que la déforestation liée à l’huile de palme a diminué pour atteindre son plus bas niveau depuis 2017, selon le groupe de recherche Chain Reaction Research, et que des entreprises malaisiennes comme Sime Darby, le plus grand producteur mondial d’huile de palme certifiée durable, se sont engagées à atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. À Sabah et Sarawak, l’entreprise a également l’intention de reboiser une zone de 400 hectares (ha) de cultures de tourbe.

    Contrairement à l’UE, le Royaume-Uni exige que les produits soient conformes à la réglementation locale, appliquant ainsi de manière effective le principe de reconnaissance mutuelle.

    La nouvelle initiative réglementaire de l’UE sent vraiment le protectionnisme, d’autant plus que l’élimination de l’huile de palme de la chaîne d’approvisionnement aggraverait la déforestation car les alternatives produites en Europe, comme l’huile de tournesol ou de colza, nécessitent plus de terres, d’eau et d’engrais.

    Énergie

    Un autre point de tension majeur entre l’UE et l’Asie du Sud-Est est une bataille juridique internationale pour le contrôle des ressources pétrolières et gazières de la Malaisie, un sujet qui n’a pas reçu une grande attention dans le débat politique de l’UE malgré la recherche effrénée de l’UE pour remplacer les approvisionnements énergétiques de la Russie.

    Le différend juridique découle d’un accord datant de l’ère coloniale, conclu en 1878, qui accordait à la British North Borneo Company l’accès à un territoire faisant aujourd’hui partie de la Malaisie, connu sous le nom de Sabah. À l’époque, le défunt sultan de Sulu revendiquait la région et prétendait permettre aux Britanniques de « bénéficier de ses minéraux, de ses produits forestiers et de ses animaux » en échange du paiement d’un loyer annuel au sultan.

    La Couronne britannique a racheté l’affaire après la Seconde Guerre mondiale. Sabah, cependant, a été inclus dans le nouvel État de Malaisie créé en 1963. Pendant des décennies, plusieurs gouvernements malaisiens ont versé chaque année aux héritiers du sultan une somme de 5300 RM au titre de la cession, mais en 2013, la Malaisie a cessé les paiements à la suite de l’incursion armée de Lahad Datu menée par les partisans de feu Jamalul Kiram III, qui prétendait être le sultan de Sulu, dans leur effort pour revendiquer l’est de Sabah.

    En février 2021, un tribunal d’arbitrage français a accordé 14,92 milliards de dollars aux héritiers du défunt sultan de Sulu, une région reculée des Philippines, en se prononçant contre la Malaisie, en déclarant que le traité était un « contrat de bail privé international » commercial. Cette décision avait été demandée par un arbitre espagnol initialement désigné par un tribunal espagnol. Les autorités judiciaires malaisiennes contestent farouchement la compétence des tribunaux non malaisiens, la Haute Cour de Sabah ayant jugé en mars 2020 que la Malaisie était le lieu approprié pour résoudre les litiges découlant de l’accord de 1878.

    Les tribunaux européens ont ignoré ces décisions régionales. La décision d’arbitrage française a entraîné la saisie de deux filiales de Petronas, la société pétrolière publique de Malaisie, au Luxembourg à l’été 2022. La valeur de ces saisies n’est pas claire. De grands intérêts économiques sont en jeu étant donné que Sabah dispose d’importantes ressources pétrolières et gazières. Un jour après les saisies, un tribunal français a suspendu l’exécution de la sentence jusqu’à la conclusion de l’appel.

    Un conflit d’intérêt ?

    Selon une analyse d’experts publiée par l’Institut d’arbitrage transnational, l’arbitre espagnol, Gonzalo Stampa, a mené « un arbitrage que certains qualifieraient de complètement dévoyé ». Selon l’analyse, il a rendu la sentence en faveur des demandeurs « dans le contexte d’un arbitrage ad hoc hautement contesté dans lequel ni la clause d’arbitrage alléguée, ni la conduite de la procédure n’ont été acceptées par les parties ou les tribunaux du siège, l’Espagne. L’arbitre a pris des mesures qui peuvent être considérées comme déraisonnables, extrêmes ou même provocantes, telles que le déplacement du siège de l’arbitrage, pour finalement rendre une sentence polarisante. »

    Le gouvernement malaisien a également engagé une procédure pénale contre Stampa, qui semble avoir un lien étroit avec le cabinet d’avocats espagnol dans l’affaire, B. Cremades & Asociados, qui représente les requérants. Selon Stampa lui-même, dans une interview de 2015, il entretient une relation étroite et de longue date avec le fondateur du cabinet, le professeur Bernado M. Cremades, qui l’a embauché dès qu’il a terminé ses études de droit. Il a travaillé avec Cremades pendant treize ans, apprenant tout ce qu’il sait sur l’arbitrage auprès de Cremades, avant de créer son propre cabinet. « Je n’ai que de la gratitude pour lui », a déclaré Stampa. Pendant cette période, Stampa a coécrit avec Cremades un livre publié en 1994 , intitulé Commercial Arbitration in Spain : history and current legislation.

    En novembre 2021, un mois après que Stampa a transféré le siège de l’arbitrage de Madrid à Paris, suite à l’annulation de sa nomination par la Cour supérieure de justice de Madrid, Stampa et Cremades ont participé en tant qu’orateur à la même conférence juridique, à Kuala Lumpur en particulier, sur l’arbitrage international. Évidemment, le monde du droit de l’arbitrage est petit, mais certains peuvent se demander si une relation étroite entre le juge et la partie ne constitue pas un conflit d’intérêts susceptible de compromettre l’impartialité de l’arbitre.

    Quoi qu’il en soit, tout cet épisode soulève des tensions entre la Malaisie et l’Europe occidentale qui pourraient gravement compromettre les relations de l’UE avec l’ANASE.

    Conclusion

    Malgré les nouvelles pressions en faveur d’un « découplage » avec la Russie et la Chine, de grandes opportunités commerciales subsistent, notamment en Asie du Sud-Est, avec ses économies à croissance rapide et une attitude politique globalement favorable à l’Occident. Les différences portent essentiellement sur des questions qui peuvent être résolues. Il serait donc dommage de ne pas investir davantage de capital politique dans le renforcement des liens commerciaux entre l’UE et l’ANASE.

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      Le libre échange contre la destructrice idéologie étatiste

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 21 January, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Par Connor O’Keeffe.

    Après la crise financière de 2008, des appels ont retenti dans les publications de l’establishment et les bureaux exécutifs de Wall Street pour dire que nous assistions à la mort de la mondialisation. Ces appels se sont amplifiés et multipliés après le Brexit , l’élection de Donald Trump , la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, les données semblent contester ce récit. Le commerce mondial a atteint un niveau record de 28 500 milliards de dollars l’année dernière et les projections prévoient une croissance en 2023. Le rythme devrait toutefois ralentir. Cette situation s’explique moins par un problème lié à la mondialisation elle-même que par les revers historiques qu’elle a subis.

    Avant de poursuivre, il est important de définir certains termes.

    La mondialisation se produit lorsque les sociétés du monde entier commencent à interagir et à s’intégrer économiquement et politiquement. Le commerce intercontinental vécu à l’époque de la marine à voile et via la route de la soie sont les premiers exemples de mondialisation. La mondialisation a réellement pris son essor après la Seconde Guerre mondiale et a reçu un nouvel élan avec l’adoption généralisée d’Internet. Il est important de noter que dans le discours courant la mondialisation inclut à la fois les activités économiques volontaires entre les peuples de différentes nations et les activités géopolitiques involontaires des États.

    En revanche, Ian Bremmer définit le mondialisme comme une idéologie qui appelle à une libéralisation du commerce et à une intégration mondiale du haut vers le bas, soutenues par une puissance unipolaire. Les étatistes croient que les échanges commerciaux entre les personnes sont littéralement impossibles sans États ; ce n’est que lorsqu’un groupe revendique le monopole légal de la violence, puis construit des infrastructures, assure la sécurité, documente les titres de propriété et sert d’arbitre final des conflits qu’un marché peut exister. Le mondialisme est l’application de cette perspective au commerce international. Les mondialistes pensent qu’une gouvernance mondiale descendante, appliquée et sécurisée par une superpuissance unipolaire, permet la mondialisation.

    Mais, comme les étatistes à une échelle plus locale, le point de vue mondialiste est logiquement et historiquement erroné. Le commerce mondial était déjà bien engagé avant la première tentative majeure de gouvernance mondiale, la Société des Nations, en 1919. L’objectif déclaré de la Société était d’assurer la paix et la justice pour toutes les nations du monde par la sécurité collective. Elle s’est effondrée au début de la Seconde Guerre mondiale et a échoué lamentablement. Mais le mondialisme en tant qu’idéologie a trouvé sa place après la guerre. L’Europe a été dévastée. Les États-Unis et l’URSS sont alors les deux seuls pays capables d’exercer un pouvoir à l’échelle mondiale.

    Ainsi commença l’ère de mondialisation la plus rapide de l’histoire. Le commerce a explosé alors que les gens se remettaient de la guerre. Le projet mondialiste a également pris son envol avec la création des Nations Unies et de la Banque mondiale. Le mondialisme n’est limité que par les différences idéologiques entre les deux superpuissances. L’URSS voulait soutenir les révolutions tandis que les États-Unis visaient une libéralisation du commerce du haut vers le bas – ce qui a éloigné les récents alliés et plongé le monde dans la guerre froide.

    Aux États-Unis, les « néolibéraux » et les néoconservateurs ont dominé le courant politique grâce à leur mission commune d’apporter les marchés et la démocratie au monde sous la menace d’une arme et financés par les contribuables américains. Heureusement pour eux, le rythme auquel leurs interventions à l’intérieur et à l’extérieur détruisaient la société américaine était plus lent que celui des Soviétiques. L’abolition des prix et de la propriété privée a finalement conduit à l’effondrement de l’URSS au début des années 1990. Avec la défaite de leur principal adversaire, les États-Unis ont réalisé l’un des principes centraux du mondialisme, l’unipolarité.

    Dès le début, l’establishment américain s’est gavé de sa nouvelle influence planétaire. Par le biais de nouvelles organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, des accords de « libre-échange » ont été introduits. Certains font des centaines de pages alors que tout ce que le libre-échange exige vraiment, c’est une absence de politique. Les États-Unis ont fait naviguer leur marine sur les océans du monde entier en promettant de sécuriser les voies de navigation à la manière des patrouilleurs des autoroutes mondiales. Grâce à la promesse d’une sécurité militaire américaine et au financement d’organisations de gouvernance internationale, les contribuables américains ont été contraints de subventionner le commerce mondial.

    Comme le souligne Murray Rothbard dans Man, Economy, and State with Power and Market , le commerce international n’existe pas dans un marché véritablement libre. Les nations existeraient toujours mais elles seraient des poches de culture plutôt que des unités économiques. Toute restriction étatique sur le commerce entre les personnes en fonction de leur localisation est une violation de leur liberté et un coût pour la société. La plupart des économistes du marché libre le comprennent et plaident en conséquence contre les restrictions étatiques. Mais les subventions au commerce international sont également contraires au marché libre. La position correcte du marché libre est l’absence totale de politique des deux côtés. Pas de restrictions ni de subventions. Laissez les gens choisir librement avec qui ils font des affaires. Il ne devrait pas y avoir de mainmise sur l’une ou l’autre extrémité de l’échelle.

    L’intégration économique était loin d’être le seul objectif du régime américain pendant sa période unipolaire. Trop de gens avaient acquis richesse, pouvoir et statut pendant la guerre froide en faisant partie de la classe guerrière américaine. Malgré l’effondrement total de l’URSS, la dernière chose que les États-Unis voulaient faire était de déclarer la victoire et d’abandonner leur position privilégiée. Au lieu de cela, les États-Unis se sont démenés pour trouver un nouvel ennemi afin de justifier le maintien de ces privilèges. Leurs yeux se sont posés sur le Moyen-Orient où ils allaient, à terme, lancer huit guerres inutiles qui ont tué toute notion d’un « ordre international fondé sur des règles ». L’unipolarité américaine a donné raison à l’Albert Jay Nock : les gouvernements ne sont pacifiques que dans la mesure où ils sont faibles.

    Ce désir institutionnel de guerre allait semer les graines de la destruction pour le moment unipolaire des États-Unis. Alors que les États-Unis éviscéraient toute notion de défense d’un ordre fondé sur des règles par leur aventurisme au Moyen-Orient, la tension couvait en Europe de l’Est et en Asie orientale. À la grande joie des entreprises d’armement et des élites de la politique étrangère, les gouvernements russe et chinois sont redevenus les ennemis des États-Unis.

    L’invasion russe de l’Ukraine en février a été une énorme victoire pour la machine de guerre américaine mais elle a également représenté un énorme pas en arrière pour le mondialisme. Les Russes ont fait sécession de l’ordre mondial que les États-Unis avaient dirigé pendant trois décennies. La réaction de l’Occident, fondée sur des sanctions strictes et un désinvestissement économique forcé, a creusé le fossé dans le système mondial.

    Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais le rêve mondialiste d’un système singulier de gouvernance mondiale est certainement anéanti dans un avenir proche avec la rupture du bloc russo-chinois. Il y aura de la douleur parce que tant de connexions entre les nations sont contrôlées par les gouvernements ; cependant, un degré significatif de mondialisation est toujours apprécié par les consommateurs du monde entier. Les données contredisent l’idée que la mondialisation est en train de s’inverser. Elle ne fait que ralentir alors que les gouvernements tentent d’entraîner les consommateurs dans leur quête de désinvestissement de l’autre côté.

    Malgré les affirmations selon lesquelles la mondialisation est morte, le commerce international est bel et bien vivant. Mais le mouvement vers un monde interconnecté ralentit alors que l’idéologie du globalisme connaît son plus grand revers depuis des décennies. L’amalgame étatiste entre la gouvernance mondiale unipolaire et le commerce international explique d’où viennent ces affirmations et pourquoi elles sont erronées.

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      Face au protectionnisme américain, il faut l’ouverture à la concurrence

      Jean-Philippe Delsol · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 04:00 · 4 minutes

    Un article de l’IREF

    Les Européens ont mis des mois pour décrypter les dangers de l’ Inflation Reduction Act (IRA), adopté en août dernier aux États-Unis .

    Ce programme prévoit 369 milliards de dollars de subventions sur dix ans dont une large part sera affectée à la production de voitures électriques et à leurs composants (notamment les batteries), à l’éolien, au solaire, à l’ hydrogène vert … mais ces subventions seront réservées aux produits et productions américaines, ce qui pourrait pousser de nombreuses entreprises européennes à délocaliser leurs projets de production aux États-Unis.

    La réponse européenne

    Les Européens voudraient que le programme de subvention de l’IRA soit étendu aux produits européens, ce qui ne paraît guère envisageable d’un point de vue américain. À défaut, certains  voudraient taxer les produits américains importés en Europe, au risque d’une guerre commerciale, ou répondre au protectionnisme américain par une protectionnisme européen en instaurant un Buy European Act .  Mais outre que ces pratiques pourraient être dénoncées devant l’OMC, comme l’IRA lui-même, elles nuiraient sans doute autant aux Européens qu’aux Américains.

    En effet, les droits de douane augmentent les prix. Les programmes qui privilégient des produits locaux réduisent la concurrence, favorisent les rentes de situation et nuisent à l’innovation autant qu’à la baisse des prix. Le pouvoir d’achat des Européens en pâtirait à une époque où ce ne serait pas du tout bienvenu !

    D’une manière générale, la baisse des échanges nuirait à la croissance et risquerait d’augmenter le taux de pauvreté en Europe. Nous savons que la chute des frontières idéologiques après l’ouverture du mur de Berlin et la libéralisation des marchés ont fortement contribué à la réduction de la grande pauvreté passant de plus de 40 % de la population mondiale dans les années 1970 à moins de 10 % à la fin des années 2010. La remontée des protectionnismes pourrait avoir l’effet inverse.

    Ouvrir les marchés

    Alors ne vaudrait-il pas mieux aller à contresens, provoquer un choc de concurrence pour prendre les Américains et les Chinois à rebours ?

    Les Anglais l’ont fait au XIX e siècle avec succès. Dans un monde encore très fermé, connaissant des tarifs douaniers élevés, William Gladstone, ministre et souvent Premier ministre de gouvernements successifs de 1842 au début des années 1890, s’employa à instituer une politique de libre échange sans attendre toujours des accords de réciprocité des autres pays. Après plusieurs vagues de réduction ou suppression des droits de douane, les centaines de taxes sur les produits importés qui existaient furent réduites au nombre de 48 en 1860. Mais plus encore peut-être, il allégea les réglementations. Dans les années 1840, note Jean-Marc Daniel ( Histoire de l’économie mondiale , 2022, Tallandier), « le code douanier anglais compte 1150 articles. Dix ans plus tard, il n’en a plus que 50. »

    En Europe, les tarifs douaniers ont beaucoup baissé ces dernières années. Mais les contraintes réglementaires restent élevées et augmentent sans cesse. En témoignent, parmi bien d’autres, le RGPD , les directives sur les services numériques (DSA) et sur les marchés numériques (DMA), l’adoption d’une prise unique, le projet d’interdire la vente de produits issus de la déforestation …  Plutôt que de se fermer au monde en rétorsion des politiques américaines l’Europe devrait donc au contraire s’y ouvrir en réduisant drastiquement ses barrières réglementaires. Sauf, le cas échéant, avec les pays qui, comme la Chine, ne respectent pas les règles de loyauté commerciale unanimement reconnues.

    Outre que l’échange est peut-être le meilleur moyen d’éviter les guerres, il est aussi celui de favoriser le travail et la richesse, il contribue à faire baisser les prix des produits et à en améliorer la qualité. Si les USA veulent s’enfoncer dans le protectionnisme destructeur, l’Europe pourrait y voir l’occasion de s’affirmer comme le continent qui innove et dont le marché deviendra attractif parce que ses produits sont meilleurs, plutôt que parce qu’ils sont financés par l’argent public qui est toujours de l’argent trop facile pour être efficient.

    D’ailleurs, les Anglais n’avaient pas attendu Gladstone et Adam Smith pour mettre en œuvre les bonnes recettes.

    Déjà en 1215 la Magna Carta , la Grande Charte, ne disait rien de plus dans son article 41 :

    « Tous les marchands pourront, librement et en toute sûreté, quitter l’Angleterre et venir en Angleterre, y demeurer et voyager en Angleterre tant par la route que par bateau, pour acheter et pour vendre, sans aucun péage irrégulier, selon les anciennes et justes coutumes, excepté en temps de guerre et si ces marchands sont d’un pays en guerre contre nous ».

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      La taxe carbone aux frontières : une catastrophe

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 15 December, 2022 - 04:30 · 5 minutes

    Le quotidien Le Monde nous le dit.

    Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission environnement du Parlement européen se réjouit :

    L’UE est la première zone commerciale au monde à mettre un prix carbone sur ses importations. On en parle depuis plus de vingt ans. C’est un accord historique pour le climat. »

    Et Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme UE de l’Institut de l’économie pour le climat, abonde :

    « C’est le mieux qui pouvait se passer, de s’assurer que les produits importés en Europe soient soumis au même prix carbone que s’ils avaient été produits en Europe. »

    En juillet 2021, nous alertions déjà sur ce sujet en expliquant toutefois qu’elle ne serait probablement jamais mise réellement en application pour des raisons techniques (impossibilité d’avoir accès aux documents de fabrication pour déterminer le montant à taxer) et juridiques (dans les règles de l’OMC, obligation de prouver l’atteinte à l’environnement).

    Mais à supposer que l’Europe persiste envers et contre tout, a-t-on bien analysé la chose ?

    Le choix des matières premières

    Comment établir un équilibre fiscal entre imports et production locale ?

    Comme on s’y attendait, la taxe ne touchera que des matières premières. Appliquer le système à des produits finis implique une telle complexité d’évaluation que même la Commission européenne a reculé.

    Elle s’appliquera donc à l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais, l’électricité mais aussi l’hydrogène.

    Or, tous ces produits sont taxés via des systèmes incroyablement complexes, non homogènes entre pays européens et certains bénéficient d’exonérations en général temporaires lorsqu’ils sont soumis à la concurrence internationale.

    Il faudrait donc d’abord faire un inventaire complet intra-européen et évaluer la contrainte fiscale moyenne européenne qui s’exerce sur ces produits (puisque la taxe est aux frontières européennes) et mettre tous les pays au même niveau. Il est probable que ce travail ne sera pas fait de façon exhaustive et qu’on en restera au système d’imposition d’achats aux enchères de crédits carbones, les fameux quotas à polluer. Car c’est le seul système appliqué uniformément à toute l’Europe.

    Or, il existe de nombreuses autres taxes plus ou moins liées aux émissions de CO 2 .

    Par exemple, en France, la « contribution climat » qui s’applique sur l’énergie et donc se répercute aussi sur les coûts de production des matières premières concernées.

    Si on veut rétablir une « égalité de traitement » entre les imports et les productions internes sur la base du système de quotas, il faut donc soit conserver les exonérations d’achats de quotas pour les activités intensives en énergie et appliquer aussi des calculs qui en tiennent compte pour les imports, soit supprimer les exonérations et c’est ce qui semble être l’objectif de la commission européenne. Cela double carrément les prix de revient pour l’acier, le ciment, l’aluminium.

    Mais il subsiste de grosses difficultés pratiques

    Même si les calculs sont plus simples pour les matières premières, on se heurte à des difficultés pratiques.

    Une des principales est le fait qu’une partie de ces matières sont issues de procédés de recyclage : l’acier peut être fabriqué à partir de ferrailles dans un four électrique ; comme l’aluminium, le ciment peut provenir de sous-produits des hauts fourneaux sidérurgiques. Comment les différencier des produits issus de minerais au passage à la douane ? C’est probablement faisable en analysant très finement les produits mais c’est impossible à généraliser aux frontières. Et compter sur les exportateurs pour divulguer leurs procédés de fabrication… on peut toujours espérer. Or, entre matières neuves et matières recyclées, le bilan des émissions peut aller du simple au double. Et comme pour recycler on utilise des quantités énormes d’électricité, il faudrait également définir le bilan de l’électricité utilisée dans le pays exportateur…

    Il est probable qu’aucun praticien industriel n’a été consulté tant le sujet semble mal parti.

    Conséquences sur le consommateur

    Jusqu’à présent, le système de quotas d’émission n’était pas appliqué à plein sur les matières premières très intensives en émission pour des raisons de concurrence avec les produits importés. Il fallait éviter « les fuites de carbone ». (dit crûment, les délocalisations). Si la taxe aux frontières existe vraiment un jour, cela n’aura plus de justification.

    Tout économiste sérieux sait que de toutes façons faire du protectionnisme sur les matières premières est catastrophique pour la compétitivité des produits finis et que le bilan global est fortement négatif.

    Mais c’est bien pire dans le cas de la taxe carbone puisque cela peut conduire à doubler le coût de fabrication de certaines matières premières issues directement des minerais. Ces matières peuvent être produites à partir de matières recyclées mais comme leur usage est en croissance le volume de déchets n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins. En gros, on peut avoir 50 % de recyclés dans la production totale.

    En fait, la taxe condamne arithmétiquement quasiment les hauts fourneaux, les électrolyseurs d’aluminium et les fabrications de clinker en Europe. Et si les contrôles aux frontières étaient efficaces pour différencier matières recyclée ou neuves, ce serait encore pire : ils condamneraient 50 % des volumes de produits finis européens contenant de l’acier ou de l’aluminium, ceux qui auraient été produits à partir des matières « neuves » devenues inaccessibles en prix.

    Il y a un précédent

    Sur un sujet très différent, l’Europe s’était déjà tiré une balle dans le pied.

    Il s’agit de la réglementation sur les produits chimiques, « REACH » où les contraintes sont très fortes sur les matières premières et très faibles sur les produits finis, ce qui conduit également à des délocalisations.

    Les industriels qui veulent encore produire en Europe sont bien téméraires.

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      « Due Dilligence » : un pas de côté pour la sécurité alimentaire en Europe

      Alex Korbel · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 9 December, 2022 - 03:50 · 8 minutes

    Un nouveau règlement européen est sur le point de rendre les prix des aliments de base plus chers pour les consommateurs européens en soumettant les aliments importés à des barrières non tarifaires.

    L’UE craint que nombre de ses pays membres ne respectent pas les exigences de durabilité pour leurs produits agricoles et qu’ils doivent donc être soumis à des restrictions supplémentaires sur les importations. En Europe, l’alimentation est une source de fierté et d’identité nationales. Il n’est donc pas surprenant que l’UE travaille sans relâche pour s’assurer que les aliments qu’elle importe sont sûrs, durables et socialement responsables.

    Mais cette nouvelle réglementation de « vérification diligente » ou due dilligence en anglais ne pouvait pas arriver au pire moment. La guerre en Ukraine a eu de nombreuses répercussions sur la sécurité alimentaire de l’Europe. L’invasion russe a perturbé les routes commerciales, endommagé les infrastructures et créé un environnement défavorable à la production agricole.

    En effet, les combats ont forcé de nombreux agriculteurs à abandonner leurs cultures et leur bétail. Ils ont également entraîné une pénurie de main-d’œuvre et une augmentation des prix des intrants tels que le carburant, les engrais et la réparation des équipements.

    Toutefois, selon le vice-président de l’exécutif européen, cette crainte n’est pas fondée.

    « Certaines personnes prétendent qu’il y a un risque de pénurie alimentaire dans l’UE, ce qui n’est pas le cas », a-t-il déclaré lors d’une réunion de la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI) le jeudi 28 avril, ajoutant que faire peur aux gens en leur faisant croire qu’il pourrait y avoir des problèmes de sécurité alimentaire en Europe est « irresponsable et incroyablement malhonnête ».

    Si M. Timmermans a reconnu que la guerre en Ukraine avait provoqué de graves perturbations sur les marchés du blé et du maïs, il a ajouté qu’il s’agissait d’un « problème logistique et financier, et non d’un problème de disponibilité alimentaire ».

    C’était en avril. En octobre, l’inflation alimentaire dans l’UE a atteint le niveau record de 17,3 %. En novembre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré avant le sommet du G20 que l’accord autorisant les exportations de céréales ukrainiennes était essentiel pour la sécurité alimentaire mondiale. Il a ajouté qu’il fallait agir de toute urgence pour éviter la famine et la faim dans un nombre croissant d’endroits dans le monde.

    L’Ukraine fournit normalement près de la moitié des céréales (52 % des importations de maïs de l’UE) et des huiles végétales et de colza (respectivement 23 % et 72 % des importations de l’UE), et un quart de la viande de volaille importée en Europe. La Russie est un grand exportateur mondial d’engrais, d’huiles végétales, de blé et d’orge. Les deux pays représentent ensemble plus de 30 % des exportations mondiales de blé et près de 30 % des exportations d’orge.

    L’approvisionnement en huile de tournesol de l’UE est critique. L’industrie alimentaire européenne et mondiale se dispute les approvisionnements et il sera difficile, voire impossible, de remplacer à court terme les quelque 200 000 tonnes par mois normalement importées d’Ukraine dans l’UE. L’huile de tournesol qui était destinée au biodiesel est maintenant redirigée vers le marché alimentaire.

    Le dernier avertissement en date émane de l’industrie de la confiserie, qui commence à manquer de lécithine de tournesol, un émulsifiant essentiel pour ses produits. Les secteurs de la restauration et des services alimentaires ont également souvent recours à l’huile de tournesol pour la cuisson et la friture des repas. L’incertitude quant à l’approvisionnement en huile de tournesol fait également grimper le prix de ses alternatives, telles que l’huile de colza, de palme et de soja.

    Due Dilligence, l’infirmité par choix ?

    En pleine guerre, cependant, et avec son projet de directive de « vérification diligente » , l’Union européenne a décidé de se compliquer la tâche en introduisant des barrières non tarifaires pour les importations d’huiles alternatives.

    Le règlement obligera les entreprises à divulguer la manière dont elles évaluent les pratiques sociales et environnementales de leurs fournisseurs. Elles devront également divulguer les mesures qu’elles prennent pour remédier aux violations constatées.

    Dans le même temps, elle propose un règlement sur la déforestation couvrant une série de denrées alimentaires et d’autres produits de base – dont l’huile végétale – qui imposera des exigences de traçabilité sans précédent, même aux plus petits agriculteurs des pays en développement.

    Ce règlement s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large de l’Union européenne pour encourager la durabilité dans sa chaîne d’approvisionnement, mais il portera préjudice aux producteurs étrangers comme aux consommateurs européens.

    Ces exigences risquent d’être difficiles à satisfaire pour les petits producteurs d’huile des pays en développement qui ne disposent pas des ressources financières ou de l’expertise nécessaires pour répondre à ces demandes. Cela pourrait entraîner une perturbation des chaînes d’approvisionnement et une hausse des prix pour les consommateurs européens.

    Cette démarche intervient en dépit des engagements pris par l’Union européenne lors des négociations sur le changement climatique qui se sont tenues à Copenhague en 2009, engagements qui prévoyaient un soutien accru aux pratiques de production durable par la reconnaissance d’autres systèmes de certification. Cette décision va également à l’encontre des appels lancés par les scientifiques qui n’ont cessé de mettre en garde contre les dangers liés à la déforestation causée principalement par des pratiques non durables.

    La Commission affirme que cette mesure est nécessaire afin de « prévenir tout dommage environnemental causé par la déforestation ». Mais en réalité, elle ne fera qu’accroître les problèmes pour les deux parties – et elle pourrait potentiellement conduire à davantage de déforestation et de dégradation de l’environnement.

    Bien plus qu’une question commerciale

    Le problème est que l’UE tente de modifier ses relations commerciales avec des pays tiers comme l’Indonésie et la Malaisie sans chercher à travailler avec eux au préalable. Elle devrait plutôt reconnaître d’autres systèmes de certification comme l’ISPO (Indonesian Sustainable Palm Oil) avant de formuler des exigences et d’imposer de nouvelles règles unilatérales fondées sur des préjugés européens. De cette façon, les entreprises n’auront pas à supporter des coûts supplémentaires et les consommateurs n’auront pas à payer plus cher pour leurs aliments.

    La reconnaissance d’autres systèmes de certification, déjà mis en place par des pays comme la Norvège et la Suisse, présente de nombreux avantages. Sur le plan diplomatique, l’acceptation de la certification ISPO envoie le signal que Bruxelles est disposée à travailler et à maintenir des partenariats avec les pays de l’ASEAN et d’autres nations en développement qui exportent des produits de base essentiels.

    En ce qui concerne l’environnement et l’économie, l’huile de palme reste l’une des bases les plus propres et les plus efficaces pour les biocarburants et la norme ISPO est le plus grand système de certification de l’huile de palme au monde, couvrant 5,45 millions d’hectares (ce qui est quatre fois plus grand que le plus important système de certification du soja au monde).

    Force est de constater que la norme ISPO semble aussi robuste que détaillée : elle contient des incitations financières pour les producteurs de toutes tailles et est pilotée par 141 indicateurs qui en font l’un des systèmes de certification les plus complets au monde. La reconnaissance de la certification garantirait aux petits producteurs indonésiens l’accès aux marchés européens sans coûts supplémentaires ni retards dans les processus de certification.

    Non seulement cela réduirait la lourdeur bureaucratique qui entrave le commerce entre les pays, mais cela contribuerait à garantir la sécurité alimentaire au-delà des frontières, à accroître la transparence des normes de qualité des produits et à rationaliser les processus commerciaux internationaux en permettant aux entreprises de différents pays d’opérer selon une seule norme plutôt que plusieurs.

    D’une certaine manière, il n’est pas exagéré de dire que le libre-échange permet un meilleur partage des ressources, et donc une croissance plus durable de l’approvisionnement alimentaire mondial. Essayons donc de prendre la meilleure décision pour tout le monde, pas seulement pour nous-mêmes.

    L’huile de palme ayant comblé le vide laissé par le tournesol sur le marché, l’UE doit considérer qu’il s’agit d’une question cruciale de sécurité alimentaire.

    Le directive déforestation peut faire partie de la solution, à condition d’essayer de travailler avec les pays exportateurs, au lieu de se contenter de leur faire la morale comme l’Europe l’a trop souvent fait par le passé.

    Il existe de nombreux moyens pour l’UE d’atteindre ses objectifs en travaillant avec les pays tiers plutôt que contre eux – notamment la reconnaissance mutuelle des normes de durabilité. L’huile de palme n’est pas le seul produit de base concerné, mais c’est le plus médiatisé et aborder le sujet de la certification en profondeur serait un début très positif.

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      Luc Themelin : « Notre présence internationale fait notre réussite »

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    luc themelin

    Par Guillaume Périgois.

    Spécialiste de l’électrique et des matériaux avancés, présent dans 35 pays, Mersen déploie 55 sites industriels et 16 centres de R&D dans ses domaines d’expertise (graphite, carbure de silicium, composants électriques).

    Ayant développé un ensemble de matériaux et de solutions pour faciliter la conduction, le stockage, l’isolation de l’énergie électrique et la protection des équipements dans des environnements hostiles, Mersen fournit les industries de l’énergie renouvelable et conventionnelle, de l’électronique, de la chimie et des transports – de l’automobile au spatial.

    Créée en 1891 à Pagny-sur-Moselle, l’entreprise plus que centenaire a aujourd’hui 6800 collaborateurs et a réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont les deux-tiers hors d’Europe.

    Contrepoints : Quel est l’impact de la COVID-19 sur le groupe Mersen ?

    Luc Themelin : Le choc le plus important est derrière nous. Mersen réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie. Nos activités en Chine et sur le reste du continent ont été touchées en février 2020. Le groupe fonctionne historiquement de manière décentralisée : nous suivions l’évolution de nos activités au quotidien mais les équipes de notre dizaine d’usines locales ont su gérer la pandémie. L’essentiel des perturbations a duré un mois.

    La pandémie a ensuite atteint l’Europe à la mi-mars. Que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, avec l’appui du siège pour l’approvisionnement en masques, ce sont à nouveau les équipes locales qui ont géré au mieux la situation en suivant les différentes mesures mises en place par leurs gouvernements respectifs.

    Le résultat est que, du point de vue du groupe, nous avons toujours eu 85 % de nos usines qui tournaient tout au long de la crise. Quand la situation était mauvaise en Europe, elle était meilleure en Asie.

    La demande a bien sûr baissé et notre chiffre d’affaires s’est contracté de 20 % en avril et en mai mais Mersen a su amortir et gérer la pandémie. L’étalement géographique de nos marchés et la décentralisation de notre prise de décision ont été nos meilleurs atouts.

    Malgré la préférence relative des Français pour la baisse des barrières commerciales , le pays est parfois présenté comme rétif à l’ouverture internationale. La dimension globale de Mersen est un atout en temps de pandémie, mais qu’en est-il en temps normal ?

    Luc Themelin : Nous sommes des internationaux convaincus. Historiquement, nous nous sommes implantés en Allemagne et aux États-Unis dès les années 1900. Nous avons dix usines en France dont les exportations couvrent le marché européen.

    Nos usines chinoises n’ont pas été créées en lien avec la fermeture d’une usine française. Il n’y a pas de crainte de délocalisation en interne. Nos usines en Asie desservent leur marché régional. Quand il y a une restructuration, c’est parce que le marché local évolue ou que la demande baisse.

    Les Français ne sont pas contre l’international. Notre marché domestique est relativement restreint : si les entreprises industrielles françaises vivent, c’est grâce à la demande internationale.

    Il faut comprendre que tourner le dos à l’international, c’est rester à la marge des évolutions technologiques. Mersen est bien placé sur les innovations en semi-conducteurs aux États-Unis ; les machines sont exportées en Chine et en Corée, ce qui booste nos ventes.

    Pour une industrie, ne pas être à l’international, c’est perdre ses clients année après année et se condamner à disparaître. Il faut capter l’innovation là où elle est et être implanté où les marchés sont dynamiques.

    Et ce n’est pas seulement bénéfique au niveau régional. Pour prendre l’exemple des nouveaux semi-conducteurs, l’innovation a démarré d’une société américaine et s’accélère grâce à une industrie de véhicules électriques très dynamique aux États-Unis (Tesla).

    Mais le marché mondial étant de plus en plus gros, cette entreprise américaine ne peut répondre seule à la demande. Ces cinq dernières années, deux entreprises – l’une allemande et l’autre franco-italienne – ont démarré la production de ces éléments.

    Étant donné que Mersen travaille avec la société américaine depuis 25 ans, nous sommes prêts avant nos concurrents à livrer aussi ces sociétés européennes. En ayant démarré dans un marché en amont, nos équipes peuvent réagir tout de suite quand il évolue ou quand il se crée ailleurs.

    L’aéronautique est un autre exemple. Mersen collabore depuis longtemps avec le français Safran, l’européen Airbus et l’allemand Liebherr. Cela nous a permis d’être plus performant aux États-Unis. Et peut-être un jour en Asie quand cela arrivera.

    L’environnement règlementaire actuel gêne-t-il le développement international de Mersen ?

    Luc Themelin : Les règles ne sont pas toujours les mêmes partout. Les lois apparaissent d’abord à Bruxelles plutôt qu’à Washington ou Beijing, bien sûr. Et l’Europe est plus stricte en rejetant certaines consolidations d’entreprises européennes entre elles. Les entreprises allemandes paient beaucoup moins de charges que les entreprises françaises, ce qui ne nous aide pas.

    Mais l’important est d’avoir des espaces ouverts avec les mêmes règles, sans aide de l’État, en Asie, en Europe et ailleurs. A partir du moment où les règles du jeu sont établies et respectées, il n’y a pas de soucis dans la compétition à l’international. J’ai suffisamment fait de sport pour ne pas aimer les gens qui ne suivent pas les mêmes règles.

    Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation est publié par Librairal et est gratuitement accessible.

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      Sondage Contrepoints : 4 Français sur 10 pour le libre-échange… mais pas ceux que vous croyez

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    sondage contrepoints

    Par Guillaume Périgois.

    La mondialisation divise les Français en trois, avec un avantage pour les partisans du libre-échange commercial.

    Selon un sondage OpinionWay pour Contrepoints commandité pour la publication du livre Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation (Librairal, février 2021, offert), 37 % des Français estiment que les barrières commerciales devraient être baissées au moins si les autres pays le font (et 13 % de manière unilatérale), 31 % pensent qu’il faudrait les maintenir ou les augmenter et 29 % sont sans opinion.

    Ainsi, 3 Français sur 10 pensent que le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales, car cela protégerait les entreprises françaises contre l’importation de produits de concurrents étrangers, même si cela a un effet négatif sur les consommateurs français et les producteurs français des secteurs d’exportation. »

    Presque 4 Français sur dix estiment au contraire que la France devrait baisser ses barrières commerciales.

    Parmi eux, ils sont 24 % à répondre que « la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font, car c’est la seule façon de les inciter à ouvrir leurs marchés » et 13 % à préférer que la pays baisse « ses barrières commerciales même si les autres pays ne le font pas, car les consommateurs pourraient acheter des produits importés moins chers et la concurrence étrangère inciterait les entreprises françaises à améliorer la qualité et les prix de leurs produits. »

    Contrairement aux idées reçues, ce sondage révèle donc que les Français sont plus enclins au libre-échange qu’au protectionnisme .

    Décortiquons ces résultats.

    Qui sont les partisans du libre-échange unilatéral ?

    Le portrait-robot du Français favorable au libre-échange unilatéral est une femme ou un homme, de 18 à 49 ans mais plutôt de 35 à 49 ans (19 %), employé ou ouvrier (16 %), et habitant le Nord-Est, le Sud-Est mais surtout la région parisienne (19 %).

    Plus surprenant, ce partisan d’une ouverture unilatérale des frontières commerciales est plutôt politiquement proche… de la France Insoumise (22 %) ou du Rassemblement national (18 %) et a voté Marine Le Pen (20 %) ou Benoît Hamon (19 %) aux élections présidentielles de 2017.

    Les plus défavorables au libre-échange unilatéral sont les plus de 65 ans (6 %), du Nord-Ouest de la France (9 %), proches de Europe écologie – Les Verts (8 %) ou de La République en Marche (9%), ayant voté Emmanuel Macron (8 %) ou François Fillon (8 %) en 2017.

    Qui sont les partisans du libre-échange bilatéral ?

    Changement de décor chez ceux pour qui la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font.

    On trouve du côté du libre-échange bilatéral les hommes (29 %), de 65 ans et plus (34 %), de catégories socioprofessionnelles supérieures (28 %) ou inactifs (27 %), d’Île-de-France ou du Sud-Ouest (28 %), habitant dans des villes de plus de 20 000 habitants.

    Ils sont proches de la République en Marche (45 %) et ont voté Emmanuel Macron (41 %) ou François Fillon (34 %) en 2017.

    Qui sont les protectionnistes ?

    La proposition selon laquelle le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales » obtient plutôt les suffrages des 50-64 ans (34%) et des plus de 65 ans (34%), du Nord-Est (35%) et habitant une commune rurale (37%).

    Politiquement, les protectionnistes sont proches du Rassemblement National (48 %), des Républicains (38 %) ou d’Europe écologie – Les Verts (36 %) et ont voté Marine Le Pen (46 %) ou François Fillon (38 %) en 2017.

    Des mythes qui volent en éclats

    Une intuition sort renforcée de cette enquête : oui, les habitants des communes rurales sont plus favorables au protectionnisme et les habitants de la région parisienne sont plus favorables au libre-échange.

    Mais ce sondage brise aussi certains préjugés.

    On dit que les plus modestes seraient opposés au libre-échange ? C’est faux : les employés et ouvriers sont les plus susceptibles de vouloir un libre-échange unilatéral.

    Les partis centristes seraient-ils vraiment pour l’ouverture des frontières et les partis extrêmes pour leur fermeture ? Faux : on trouve du côté du libre-échange les proches de la République en Marche et la France Insoumise et du côté du protectionnisme les proches du Rassemblement National, des Républicains et d’Europe écologie – Les Verts.

    Les attitudes des Français sur le commerce international et la mondialisation dessinent donc un clivage parfois contre-intuitif : le centre, l’extrême gauche et les urbains pour l’ouverture, l’extrême droite, la droite, les écologistes et les ruraux pour le repli.

    Mais surtout, malgré un contexte sanitaire et économique catastrophique, et contrairement aux opinions fréquemment véhiculées par ceux qui prétendent parler pour eux, il y a davantage de Français pour le libre-échange que pour le protectionnisme.

    Ce sondage a été commandé pour la publication de l’essai librement téléchargeable en cliquant ici .

    Sondage OpinionWay pour Contrepoints réalisé sur un échantillon de 1003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité a été assurée selon la méthode des quotas. Interrogation réalisée en ligne en décembre 2020.

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      Après le virus, laissez-nous faire !

      Nicolas Lecaussin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:35 · 2 minutes

    laissez-faire

    Par Nicolas Lecaussin.

    Dans un article publié le 15 avril dernier dans le Wall Street Journal , le célèbre éditorialiste Daniel Henninger, inquiet des conséquences économiques dramatiques du confinement, propose, ni plus ni moins, que les pouvoirs publics soient confinés et que les individus comme les entreprises se prennent en main pour redresser la barre.

    Ses propos concernent l’Amérique mais on pourrait très bien les appliquer à la France. On le sait maintenant. L’État obèse et les dépenses publiques les plus élevées au monde n’ont pas réussi à préserver la France du virus. Pire, notre pays fait partie des plus touchés, avec un nombre de décès qui pourra même le classer parmi le trio mondial de tête.

    Ce ne sont ni les moyens , ni le nombre de fonctionnaires qui ont manqué. Ni l’interventionnisme politique, nos décideurs étant les plus actifs et n’hésitant pas à nous dire, chaque jour, ce qu’il faudrait faire. L’échec est évident. Il est temps de changer de curseur en donnant la possibilité aux Français de redresser le pays.

    Moins d’impôts, moins de réglementations et davantage de libertés devraient guider la France de l’après-coronavirus. Il faudra aplanir tous les obstacles à la création d’entreprises et d’emplois. En supprimant les 35 heures (à l’hôpital aussi après avoir dû admettre, enfin, les dégâts). En améliorant le marché de l’emploi : plus grande liberté de licencier au moins pour les entreprises de moins de 50 salariés, SMIC flexible avec des montants différents en fonction des régions et de l’ancienneté des employés.

    La distanciation sociale et le télétravail, qui perdureront après la fin du confinement, devraient même faciliter les nouvelles libertés dans le monde de l’emploi. Moins de normes et de réglementations, cela signifie aussi moins de temps perdu pour les entrepreneurs qui retrouveront le temps de mieux et plus s’occuper de leur entreprise.

    C’est le libre échange qui a enrichi nos sociétés . Il faut le rendre encore plus libre tout en gardant un minimum de normes à respecter. Nos chefs d’entreprise auront besoin des marchés mondiaux pour se développer et ceux qui prônent aujourd’hui la fin de la mondialisation ne réalisent pas que cela représenterait la fin de milliers et de milliers de sociétés qui font leur chiffre d’affaire à l’exportation. Sans compter celles, nombreuses, dont les produits utilisent de très nombreuses pièces étrangères.

    Dans une interview accordée au journal Le Parisien (17 avril), l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement soutient (non, ce n’est pas une blague) que « la crise actuelle a périmé l’idée du tout-marché » . Là où l’État et les services publics ont failli malgré d’énormes moyens, Chevènement voit l’échec du marché ! C’est justement le marché et le privé qui devront prendre le relais. C’est le laissez-faire qui redressera la France, pas la planification étatiste.

    Sur le web