• Co chevron_right

      Nucléaire : à l’origine était Superphénix, puis vint le déclin avec Jospin

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 26 November, 2022 - 04:15 · 7 minutes

    Un article de Conflits

    L’origine de la décision politique de l’arrêt définitif du réacteur nucléaire surgénérateur Superphénix par le gouvernement de Lionel Jospin le 2 février 1998 s’apparente au fameux « effet papillon » : le battement de l’aile d’un papillon au Brésil peut aboutir à la formation d’un cyclone au Texas ou en Indonésie. Le résultat de cette décision annoncée (elle figurait dans son programme pour se faire élire avec les voix des Verts) fut un désastre technique (abandon d’une filière d’avenir), humain (pertes de compétences) et financier (pertes de milliards d’euros).

    Pour illustrer l’impuissance de l’homme à prédire le comportement des systèmes complexes, le mathématicien Lorentz avait pris l’exemple des phénomènes météorologiques en disant qu’il « suffisait du battement de l’aile d’un papillon au Brésil pour aboutir dix jours plus tard à la formation d’un cyclone quelque part en Indonésie » (Georges Charpak et Rolland Omnès dans Soyez savants, devenez prophètes ).

    Le battement d’aile du papillon

    Ainsi, un incident mineur (le battement d’aile du papillon) dans la centrale de Superphénix le 3 juillet 1990 fut à l’origine d’un incroyable enchaînement de crises « administratives » entièrement créées par un nombre réduit d’acteurs antinucléaires. Ces derniers ont su habilement exploiter les recours juridiques et l’émotion populaire pour finalement aboutir à la fermeture de cette centrale en 1998.

    Au mois de juin 1990, ce réacteur fonctionnait normalement à 90 % de sa puissance nominale lorsque des mesures de surveillance montrent une lente oxydation du sodium du réacteur. Ce défaut détecté reste toutefois largement inférieur aux limites admissibles spécifiées par les critères de sûreté.

    Il est cependant décidé d’arrêter momentanément le réacteur le 3 juillet 1998 afin d’en déterminer l’origine. Elle se révèlera être une petite membrane en néoprène (quelques centimètres de diamètre) dans le compresseur d’un circuit auxiliaire qui, déchirée, laisse entrer un peu d’air.

    Ce sera « le battement d’aile du papillon »

    Une membrane en néoprène…

    Cette membrane sera le prétexte saisi qui conduira de fil en aiguille à la fermeture du réacteur Superphénix huit ans plus tard à cause d’un mélange de malveillances d’opposants et de lâchetés politiques.

    La tourmente judiciaire et une volonté politique du gouvernement Jospin pour conserver les rênes du pouvoir avec l’appui des Verts ( Dominique Voynet ) conduira à tuer (assassiner ?) cette formidable réalisation commune de la France, de l’Italie et de l’Allemagne.

    Injustement discrédité par les médias, ce remarquable réacteur, alors unique au monde, sera finalement sacrifié sur l’autel de l’éphémère « majorité plurielle » arrivée au pouvoir en juin 1997 avec Lionel Jospin comme Premier ministre. Il était cent fois plus efficace et économe en combustible uranium que les réacteurs « classiques » précédents.

    L’année précédente (1996), la centrale électrique Superphénix, dont la mise au point était terminée, avait eu un excellent taux de disponibilité (96 % de temps de fonctionnement dans l’année).

    L’investissement était totalement réalisé et le combustible déjà fabriqué était encore capable de produire 30 milliards de kWh (30 TWh). Il ne restait donc plus qu’à recueillir le fruit de tous les efforts humains et financiers consentis depuis 10 ans en exploitant cette source de richesses.

    Superphénix aurait pu participer « en même temps » et à peu de frais à la recherche sur la transmutation des déchets radioactifs de haute activité et à longue durée prévue par la loi de décembre 1991.

    Une faute majeure

    Près de 25 ans plus tard, la triple faute de Lionel Jospin ( qui s’en défend ) apparaît au grand jour :

    1) Une faute scientifique et technologique qui a entraîné la perte d’un capital humain considérable de savoir et d’expérience. Et ce n’est pas l’abandon du projet de démonstrateur de réacteur surgénérateur de quatrième génération ASTRID en janvier 2020 par le président Macron qui va améliorer les compétences françaises dans ce domaine.

    2) Une faute économique et une gabegie financière (plusieurs milliards d’euros) dont ni la centrale, ni ses concepteurs, ni son exploitant ne portent la responsabilité. Cette décision politique a conduit au démantèlement des installations de recherche et à la dissolution du tissu industriel spécifique dédiés à cette technologie des réacteurs surgénérateurs dits « à neutrons rapides » ( RNR ).

    3) Une faute sur le plan de l’emploi et de la production massive pilotable et durable d’une électricité pour le soutien de l’industrie.

    Le réacteur RNR Phénix (qui avait précédé Superphénix) a été mis en service en 1973 et exploité pendant 36 ans jusqu’en février 2010 pour acquérir une expérience destinée à compléter les connaissances sur la filière des réacteurs à neutrons rapides (RNR) au sodium.

    Mais à qui serviront ces connaissances si aucun réacteur de ce type n’est construit avant le départ en retraite et le décès de tous ces ingénieurs et techniciens ?

    Comment a-t-on pu en arriver là ?

    Les raisons de la décision de Lionel Jospin de fermeture définitive de Superphénix annoncée le 2 février 1998 se trouvent dans une réponse étonnante au député Michel Terrot le 9 mars 1998.

    Il y est reconnu que : « Superphénix représente une technologie très riche, développée par des personnels particulièrement motivés et performants qui ont montré que la France savait mettre au point des équipements technologiques innovants de très haut niveau […] Il faudra tirer profit de l’expérience accumulée et poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l’avenir à plus long terme ».

    De qui se moque-t-on ?

    Cette réponse surréaliste n’aide pas à comprendre le cheminement intellectuel des auteurs de ce vibrant hommage à Superphénix qui les conduit à cette terrifiante conclusion : puisque cette « technologie très riche » est remarquable, il faut l’abandonner et perdre l’expérience de ces « personnels particulièrement motivés et performants ».

    Et en même temps, malgré cet arrêt, « tirer profit de l’expérience accumulée », et surtout « poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l’avenir à plus long terme ».

    Quelle hypocrisie !

    Ce prétendu hommage en forme d’oraison funèbre sonne faux. Il est d’autant plus insoutenable qu’il émane des tueurs eux-mêmes dont le magazine Le Point dresse une liste non exhaustive le 26 octobre 2022.

    Aucune vision à long terme

    Quelle inconséquence vis-à-vis de l’avenir de la France et quelle perte pour la recherche et la technologie !

    L’abandon de Superphénix fut plus qu’une erreur technique, humaine et financière, ce fut une faute grave contre la France, ce dont personne ne semble aujourd’hui responsable devant les Français pourtant favorables à 75 % à l’énergie nucléaire !

    La France continuera longtemps encore à payer le prix de cette trahison nationale alors que nos concurrents progressent dans la voie des RNR de quatrième génération (États-Unis, Russie, Chine, Inde).

    En 2005, l’Inde a entrepris la construction d’un réacteur à neutrons rapides du même type que Superphénix… avec l’aide de techniciens français, tandis que déjà 5 RNR fonctionnent ou sont sur le point de démarrer dans le monde (Russie, Chine, Inde).

    En France, avec le rendez-vous manqué du démonstrateur Astrid et la future quatrième génération de réacteurs nucléaires, nos enfants assisteront peut-être au-delà de 2050 au développement d’un nouveau Phénix ou d’un Superphénix renaissant de leurs cendres… Mais ils seront construits par les Américains, les Russes, les Indiens ou… les Chinois dont les Français seront, avec un peu de chance, les sous-traitants, alors qu’ils avaient 20 ans d’avance il y a 25 ans.

    Décidément, la France manque cruellement d’hommes politiques dignes de ce nom ayant une vision claire et à long terme de l’intérêt général car malheureusement les successeurs de Jospin, animés aussi par leur soif du pouvoir, n’ont pas fait mieux.

    Sur le web

    • chevron_right

      PS, NUPES... Lionel Jospin fait la leçon après les législatives

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 14:01 · 2 minutes

    "Le PS doit se remettre au travail", les leçons de Lionel Jospin après les législatives

    POLITIQUE - “L’avenir du PS n’est pas joué”. L’ancien Premier ministre Lionel Jospin livre son analyse des dernières élections législatives dans les colonnes du Monde ce mercredi 29 juin. Le socialiste distille les bons et mauvais points à Emmanuel Macron , “très assuré de lui-même”, ou de l’union des gauches , formée à la hâte sous la coupe de la France insoumise.

    Malgré le score famélique d’ Anne Hidalgo à la dernière élection présidentielle, le socialiste veut croît en une renaissance de son camp. “Si les partis peuvent s’éteindre”, “le PS comme d’autres”, estime Lionel Jospin, ce dernier a plusieurs atouts pour résister. À condition de se retrousser les manches.

    “Pourquoi faudrait-il exclure que le socialisme, un courant de pensée enraciné (...) puisse survivre à tant de constructions politiques éphémères et renaître, même si l’élection présidentielle fut pour lui catastrophique?”, s’interroge-t-il, visiblement perplexe quant au poids que s’accorde la France insoumise , “son style enflammé et son parti pris de radicalité”, dans la gauche actuelle.

    Les 12 travaux du PS, façon Jospin

    Première condition au retour des roses sur le devant de la scène: éviter une guerre interne, entre les unionistes et les anti-NUPES. “Les premiers n’ont fait que sauver les meubles et les seconds peinaient à offrir une alternative”, commente Lionel Jospin qui met en garde contre tout triomphalisme et toute “querelle stérile” entre le courant incarné par Olivier Faure et ceux menés par Carole Delga ou Stéphane Le Foll.

    Ensuite, ils devront répondre à plusieurs contradictions estime l’ancien Premier ministre, façon “douze travaux des socialistes”. “Celle du contraste entre l’affaiblissement de (notre) formation nationale” et l’ancrage territorial de bon nombre d’élus de terrain en est une, tout comme le manque d’incarnation des idées socialistes pourtant toujours d’actualité. À savoir: “Justice sociale, libertés publiques, régulation économique, société ordonnée ou sauvegarde de la planète”.

    En d’autres termes: “Pour convaincre, le PS doit se remettre au travail”, estime-t-il, en direction, notamment des classes populaires, pour “revisiter les questions sociales sans être obnubilé par les questions sociétales” et ainsi retrouver leur attention.

    Les limites de la NUPES

    Dans cette même interview, Lionel Jospin tente également de dresser un premier bilan des résultats de la Nouvelle Union populaire, qu’il a soutenue, malgré une construction hâtive et des fondations forcément instables.

    “J’ai approuvé la démarche unitaire et j’ai ressenti qu’elle soulevait un espoir à gauche. Mais je suis resté lucide sur les accommodements auxquels nos négociateurs ont dû consentir”, explique encore le socialiste, sans en dire davantage sur le fond, mais en regrettant quelque peu “l’attitude hégémonique” de la France insoumise dans les tractations post-élection présidentielle.

    Une stratégie “qui ne prenait pas toujours en compte les implantations locales”, raconte encore l’ancien chef du gouvernement sous Jacques Chirac, estimant même qu’elle a “privé la NUPES d’un résultat global supérieur.”

    À voir également sur Le HuffPost: Élue au perchoir,Yaël Braun-Pivet livre un discours personnel et féministe

    • chevron_right

      Lamia El Aaraje, candidate "légitime" aux législatives selon Lionel Jospin et Anne Hidalgo

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 8 May, 2022 - 14:38 · 4 minutes

    Lamia El Aaraje, ex-députée socialiste  et Lionel Jospin qui la soutient face à l'accord de la Nupes, le 8 mai 2022 Lamia El Aaraje, ex-députée socialiste  et Lionel Jospin qui la soutient face à l'accord de la Nupes, le 8 mai 2022

    POLITIQUE - C’est l’un des points tendus de l’accord entre les Insoumis et le Parti socialiste lors des discussions en vue de la Nupes , la nouvelle union populaire écologiste et sociale, qui promet un candidat de gauche par circonscription en vue des législatives des 12 et 19 juin prochain.

    La 15e circonscription de Paris, qui englobe une partie du 20e arrondissement de Paris a été dévolue à Danielle Simonnet, historique insoumise de Paris, élue au Conseil de Paris, dans l’opposition à la maire, Anne Hidalgo.

    Pour la choisir, il a fallu dire non à la socialiste Lamia El Aaraje pourtant élue dans cette circonscription en 2021. “J’estime être la candidate légitime, de l’union”, a déclaré la députée sortante (dont l’élection a ensuite été invalidée) auprès de l’AFP, ce dimanche 8 mai, alors qu’elle faisait campagne pour sa réélection sur le marché parisien de la place de La Réunion. Elle a reçu un soutien important, le même jour celui de Lionel Jospin venu l’aider à faire campagne et la soutenir officiellement.

    Lionel, Lamia, il y a un accord! Toute dissidence fait le jeu d'Emmanuel Macron.” Danielle Simonnet, candidate NUPES dans la 15e circonscription

    Lors d’une conférence de presse organisée ensemble, l’ancien Premier ministre socialiste se dit “favorable à l’accord de toute la gauche pour les élections législatives de juin prochain”, mais affirme soutenir Lamia El Aaradje, “qui n’a pas été intégrée à l’accord”. “Cela s’explique tout simplement par le refus d’une injustice”, s’est-il expliqué, admettant un “paradoxe”.

    Un peu avant, les deux socialistes ont croisé la route de la candidate officiellement investie, Danielle Simonnet, selon le récit de l’AFP. “Lionel, Lamia, il y a un accord”, les a-t-elle interpellés en tentant de garder le sourire, invoquant “l’enjeu historique”. “Toute dissidence fait le jeu d’Emmanuel Macron!”, a-t-elle déclaré.

    Jospin prêt à la soutenir en dissidence

    “Je serai aux côtés de Lamia”, a rétorqué Lionel Jospin. “Hors de l’union, quel est le sens?”, a demandé la proche de Jean-Luc Mélenchon, pestant contre cette possible “dissidence”. “Dans ce cas, ce ne sera pas une candidature dissidente, mais légitime”, s’est exclamé l’ancien homme fort de la gauche avant de tourner les talons et alors que les troupes de Danielle Simonnet scandaient “Union populaire”.

    “J’estime que c’est moi la candidature légitime de l’union”, a répondu la socialiste de 35 ans, à un passant qui disait avoir voté pour elle en 2021, mais préférer désormais l’Union populaire. Lamia El Aaradje a été élue en juin 2021, après la démission de l’ancienne ministre socialiste George Pau-Langevin, devenue adjointe à la Défenseure des Droits. Le Conseil constitutionnel a finalement invalidé l’élection en janvier dernier, à cause d’un logo LREM indûment affiché par un autre concurrent.

    “Quoi qu’elle décide, je serai à ses côtés jusqu’au bout”, a précisé le défait de la présidentielle de 2002 à l’AFP, “mais il y a une solution simple: qu’elle soit dans l’accord”, a soutenu Lionel Jospin qui a écrit à Jean-Luc Mélenchon le 25 avril pour lui dire son soutien à l’accord, mais attirer son attention sur le cas de Lamia El Aaraje.

    Des discussions encore possibles?

    Le camp El Aaraje affirme que des “contacts” existent avec LFI pour rediscuter cette question, car les investitures n’ont pas encore été formellement annoncées. Le Conseil national du PS a voté une motion en ce sens à 91%, jeudi. Dimanche sur RTL, le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a regretté “une forme d’injustice” et assuré: “Je me bats” pour que Lamia El Aaraje “puisse être candidate”.

    Le PS n’a pas eu gain de cause sur cette circonscription, car LFI considérait que son élection, lors de laquelle elle avait battu Danielle Simonnet, ayant été invalidée en janvier, elle n’était pas réellement sortante.

    Manuel Bompard, chef des négociateurs insoumis, a dit samedi devant des journalistes qu’il “fallait savoir arrêter un accord”. Quant à Danielle Simonnet, elle s’est irritée auprès de l’AFP: “Lamia El Aaraje a toujours exprimé son refus de ce que l’Union populaire incarnait, c’est un problème politique avant de savoir qui est légitime”.

    Affirmant ne pas “accepter cette injustice qui doit être réparée”, Anne Hidalgo, maire de Paris, assure qu’elle “sera à ses côtés”, sans préciser si elle l’encourage à présenter une candidature dissidente. Réponse de l’insoumise du 20e arrondissement de Paris: “Vous n’allez pas me dire qu’Anne Hidalgo est en faveur de l’union populaire!”.

    La Nupes n’a pas encore officiellement dévoilé la liste de tous ses candidats. Mais le parti socialiste fait déjà de la résistance dans plusieurs départements. En Dordogne, Moselle ou Hérault, les barons locaux montrent toutes leurs réticences dans les circonscriptions sans candidature socialiste.

    À voir également sur Le HuffPost : A u Parti socialiste qui a ratifié l’accord avec Mélenchon, des débats houleux jusqu’au bout

    • Co chevron_right

      Hayek avait raison : on trouve les pires au sommet

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 December, 2020 - 04:40 · 7 minutes

    hayek

    Par Lawrence W. Reed.
    Un article de The Foundation for Economic Education

    Alors que la liberté progresse de façon remarquable dans le monde ces dernières années — depuis la chute de l’empire soviétique jusqu’à la montée des privatisations —, nous ne sommes toujours pas en manque d’étatistes aux desseins stupides et destructeurs.

    La meilleure explication sur les motivations de telles personnes à accéder au pouvoir passe par la lecture du chapitre 10 La sélection par en bas (« Why the Worst Get on Top » en version originale) extrait du chef d’œuvre de Friedrich Hayek , La route de la servitude .

    Quand Hayek a écrit son livre le plus connu en 1944, le monde était captivé par la notion de planification centrale socialiste. Tandis que chacun en Europe et en Amérique dénonçait la violence du nazisme, du fascisme et du communisme, l’opinion publique était conditionnée par une intelligentsia étatique qui considérait que ces « excès » de socialisme étaient des exceptions évitables. Si seulement nous étions sûrs que les bonnes personnes étaient aux commandes, disaient-ils, la main de fer se fondra en gant en velours.

    Ceux qui pensent que, pour reprendre les termes de Hayek, « nous ne devons pas craindre le système mais le risque qu’il soit géré par de mauvaises personnes » sont des utopistes naïfs qui seront éternellement déçus par le socialisme.

    En effet, c’est toute l’histoire de l’étatisme du XXe siècle : la quête sans fin d’un monde où le rêve pourrait effectivement se concrétiser, camper sur une position jusqu’à rendre la catastrophe trop gênante et évidente, puis s’en prendre aux personnes plutôt qu’au système, et enfin passer au prochain inévitable sujet de déception.

    Peut-être qu’un jour, le dictionnaire définira un étatiste comme une « personne qui n’apprend rien de la nature humaine, de l’économie, de l’expérience, et qui répète les même erreurs encore et encore sans se soucier du sort de ceux et celles qu’elle écrase de ses bonnes intentions ».

    Hayek expose que même les pires caractéristiques de l’étatisme « n’en sont pas des sous-produits accidentels » mais des phénomènes qui lui sont inhérents. Il soutient avec perspicacité que « les peu scrupuleux et désinvoltes ont plus de chances de réussir » dans toute société où l’État est considéré comme la réponse à tous les problèmes. C’est précisément ce genre de personnes qui promeut le pouvoir sur la persuasion, la force sur la coopération.

    Les États, ayant par définition un monopole légal et politique de l’usage de la force, les attirent comme les excréments attirent les mouches. Ce sont les mécanismes gouvernementaux qui leur permettent in fine de causer des ravages parmi nous. Un demi-siècle après Hayek, il ne se passe pas un jour sans que les journaux n’en fournissent de nouveaux représentants, et des pires, qui parviennent au sommet. Deux personnalités récentes, de part et d’autre du globe, vont me permettre d’illustrer la sagesse de Hayek.

    Lionel Jospin et Mahathir bin Mohamad

    En France, le 10 octobre 1997, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin soumet une loi qui réduit d’autorité la durée de la semaine de travail . Dès l’année 2000, les employeurs doivent la réduire, de 39 à 35 heures, sans réduction de salaire. Par démagogie, Jospin a promis aux Français que cette loi créerait beaucoup d’emplois.

    Bien sûr, il ne s’est pas agi d’une sollicitation cordiale du gouvernement aux employeurs de la nation, mais d’une exigence, sous peine d’amende, d’incarcération, voire les deux, pour ceux qui ne s’organiseraient pas avec leurs salariés.

    Le Premier ministre a omis de préciser que l’État-providence le plus réglementé et le plus cher d’Europe s’était chargé d’évincer la main-d’œuvre de nombreux marchés et avait généré le chômage élevé qu’il prétendait vouloir réduire.

    En Malaisie, pendant cette même semaine d’octobre, le Premier ministre Mahathir bin Mohamad fustigeait les « voyous », « crétins » et « néo-colonialistes » , auxquels il reprochait la chute de la valeur du ringgit, la monnaie malaisienne.

    Nostalgique des détraqués acharnés d’hier, il a même suggéré que les difficultés économiques de la Malaisie étaient le résultat du « programme des Juifs » . Il n’a pas demandé la fin de la politique gouvernementale de production de ringgits pour des projets futiles comme le gratte-ciel le plus haut du monde, mais plutôt la proscription des échanges de devises « inutiles, improductives et immorales ».

    La conviction de Jospin que l’instauration des 35 heures hebdomadaires obligatoires, à revenu égal et moindre production, serait source de création d’emplois est évidemment absurde, car vouée dès le départ à produire davantage de chômage, chaque employé étant devenu plus coûteux pour son employeur.

    La tentative de Mahathir d’imputer la faute à n’importe qui sauf à lui-même est tout aussi absurde. Peut-être se rêve-t-il en nouveau roi Knut le Grand, ordonnant la fin des vagues d’échanges de devises, solution à tous ses problèmes. Bien évidemment, elles parviendront toujours à Mahathir, mais il aura l’occasion de trancher quelques têtes au passage.

    L’analyse de Hayek

    Ces deux ignares représentants de la scène politique internationale ne le savent pas, mais ils jouent le scénario de Hayek. Dans son chapitre sur le nivellement par le bas, il qualifie les planificateurs centraux de dictateurs en puissance, qui « obtiennent l’adhésion des gens dociles et crédules qui n’ont pas de convictions personnelles bien définies et acceptent tout système de valeurs à condition qu’on leur répète des slogans appropriés assez fort et avec suffisamment d’insistance » . Aux dernières nouvelles, Jospin et Mahathir ont reçu l’assentiment des dociles et des crédules.

    Le démagogue étatiste, observe Hayek, a recours à « la haine d’un ennemi » et « la jalousie des mieux nantis » afin de gagner « la fidélité sans réserve des masses » . Pour Jospin, c’est la cupidité des employeurs privés ; pour Mahathir, ce sont les Juifs. Les plus mauvais adorent user du fanatisme pour récupérer des voix sur la route du pouvoir.

    Hayek considère que « l’homme moderne a de plus en plus tendance à se juger moral simplement parce qu’il satisfait ses vices par l’intermédiaire de groupes toujours plus importants » et note que « le fait d’agir pour le compte d’un groupe semble libérer les hommes de maintes entraves morales qui interviendraient s’ils agissaient d’une façon individuelle, à l’intérieur du groupe ».

    Peut-être que nos deux Premiers ministres s’opposeraient personnellement à quiconque contraindrait leurs patrons sous la menace d’une arme, ou à celui qui lyncherait publiquement un négociant de devises, mais ils ne voient aucun inconvénient à faire de ces activités des orientations politiques nationales.

    Donnez beaucoup de pouvoir à l’État et des personnes stupides sans aucune tolérance pour l’altérité feront la queue pour y travailler. Ceux qui respectent les autres, les laissent tranquilles et attendent la même chose pour eux-mêmes, cherchent ailleurs un emploi productif dans le secteur privé. Plus l’État grossit, plus les plus mauvais se hissent à son sommet, comme Hayek nous l’avait prédit en 1944.

    Les Français et les Malaisiens font partie de ceux qui, en ce moment, à la lecture du chapitre 10 de La route de la servitude , trouveront que F.A. Hayek décrit précisément cette misérable route qu’ils ont choisi d’emprunter.

    Traduction d’Antoine Dornstetter pour Contrepoints de Hayek Was Right: The Worst Do Get to the Top .

    Cet article a été publié une première fois en 2016.