• Co chevron_right

      L’autoritarisme n’est pas compatible avec le progrès économique

      Mises Institute · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 7 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    Par Patrick Barron .

    Est-il possible ou même souhaitable que la liberté et le progrès économiques soient compatibles avec l’autoritarisme ? Bien que certains puissent le croire, c’est un faux raisonnement. La liberté est indivisible. La liberté politique et la liberté économique sont indissociables.

    C’est la position de Ludwig von Mises lui-même. Dans Planning for Freedom , il déclare : « La tyrannie est le corollaire politique du socialisme comme le gouvernement représentatif est le corollaire politique de l’économie de marché. » En ce qui concerne la réaction d’un citoyen à une telle tyrannie, il écrit dans Planned Chaos que « Si un plan directeur doit être substitué aux plans de chaque citoyen, des combats sans fin doivent voir le jour. Ceux qui ne sont pas d’accord avec le plan du dictateur n’ont pas d’autre moyen de continuer que de vaincre le despote par la force des armes. »

    Mises oppose la tyrannie du socialisme au capitalisme dans Bureaucracy lorsqu’il écrit :

    Le capitalisme signifie la libre entreprise, la souveraineté des consommateurs en matière économique et la souveraineté des électeurs en matière politique. Le socialisme signifie le contrôle total du gouvernement dans toutes les sphères de la vie de l’individu et sa suprématie sans restriction en tant que conseil central de gestion de la production. Il n’y a pas de compromis possible entre ces deux systèmes.

    Certains peuvent contester l’affirmation de Mises. Après tout, se référer à l’autorité, même à une autorité aussi grande que Mises, ne prouve pas qu’il a raison. Certains diront que le progrès économique dépend sûrement de la sécurité de sa personne et de ses biens. « N’est-il pas évident, disent-ils, que les régimes autoritaires assurent une meilleure sécurité intérieure quelle que soit la dureté des châtiments, que leurs voisins démocratiques plus permissifs ? » Certains pays autoritaires, comme la Chine et certains pays arabes, valident ce postulat. Tant que l’on obéit aux règles, les affaires peuvent prospérer. C’est du moins ce que l’on prétend. Au lieu de simplement opposer les affirmations de Mises à celles des autres, examinons d’autres problèmes liés à l’autoritarisme.

    Les problèmes du régime autoritaire

    L’un des principaux problèmes que pose un régime autoritaire est de déterminer qui doit choisir le dictateur.

    La société occidentale a dépassé le « droit divin » des rois, bien que la succession noble prévale encore dans certains pays du Moyen-Orient. La plupart des autoritaires fondent leur droit de régner sur le renversement violent du régime préexistant. La Chine, Cuba, l’Iran et la Corée du Nord viennent à l’esprit. Mais cela ne constitue guère une base intellectuelle solide pour le pouvoir actuel ou futur. Mises affirme que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement car elle permet des transitions pacifiques entre les administrations. Le peuple décide qui gouverne par le biais d’élections périodiques. Lorsque la société semble aller dans la mauvaise direction, un changement pacifique de direction est préférable à une tentative de coup d’État.

    Le dynamisme est l’essence même d’une économie en progrès. Il implique l’adoption de nouveaux moyens de répondre aux demandes des consommateurs et l’abandon des anciennes méthodes. Joseph Schumpeter a désigné ce processus par le terme de « destruction créatrice ». C’est un anathème pour les sociétés autoritaires. Celles-ci sont soutenues par des flagorneurs incompétents qui ont été placés à des positions favorables par le dictateur lui-même. Cependant, là où il n’y a pas de destruction créatrice, il n’y a pas de progrès. Lorsque j’étais officier dans l’armée de l’air, mon voyage en Union soviétique au début des années 1970 a confirmé ce que je savais déjà. L’Union soviétique s’effondrait de l’intérieur. Il y avait peu de biens de consommation et ceux qui étaient disponibles pour le citoyen soviétique ordinaire étaient de mauvaise qualité, au-delà de mes pires espérances. Dans l’excellente introduction de Requiem pour Marx , Yuri Maltsev souligne que l’une des raisons pour lesquelles le rideau de fer est tombé est que le peuple a tout simplement renoncé à essayer de vivre dans une société de plus en plus folle.

    Hayek nous rappelle que l’autoritaire n’a pas une meilleure idée que quiconque de la manière d’ordonner une économie ; ce n’est pas non plus possible pour un groupe de planificateurs armés des outils les plus puissants. Les milliards de décisions nécessaires sont inconnues et inconnaissables . Rares sont ceux qui en savent plus que ce que leur permet leur spécialisation industrielle, et la nécessité de s’adapter en permanence aux forces du marché dépasse la perception d’une personne en particulier.

    Nous devons tous être prêts à jeter l’ancien et à adopter le nouveau afin de suivre l’évolution des marchés. La loi c’est « change ou meurs ». La mort peut être lente ou soudaine mais rien ne peut remplacer le changement.

    L’importance de comprendre que la liberté est indivisible

    Cinq années d’ expansion de la monnaie fiduciaire ont tellement perturbé les économies du monde entier qu’une grave récession se profile à l’horizon. Les prix augmentent. Le commerce mondial est attaqué. Le monde est au bord de la guerre nucléaire. La dette souveraine a atteint des niveaux absurdes. Toutes ces insultes envers les gens ordinaires nous sont apportées par des gouvernements hors de contrôle qui n’ont aucune compréhension de l’économie réelle et bien sûr aucune compréhension réelle de la création de richesse.

    Un exemple de cela est la façon dont les allocations de chômage somptueuses ont découragé les travailleurs de chercher un emploi. Ne les blâmez pas. Il est dans l’intérêt rationnel de millions de personnes de faire l’aumône quand elles le peuvent. Veuillez plutôt blâmer les politiciens qui ont rendu tout cela possible grâce à l’expansion de la monnaie fiduciaire. Malheureusement, lorsque les fruits amers de ces politiques ratées ne pourront plus être ignorés, trop de gens demanderont au gouvernement de prendre les choses en main et de « faire quelque chose ». Le problème est que le gouvernement a causé le problème en premier lieu et par conséquent n’a pas de solution viable. Mais cela ne l’arrêtera pas. Il doit donner l’impression de faire quelque chose.

    La seule réponse est la liberté totale, tant dans la sphère économique que politique. L’économie doit subir des ajustements difficiles pour réorienter le capital vers sa meilleure utilisation, telle que déterminée par les consommateurs et non par le gouvernement. La réalité doit prévaloir. L’expansion de la monnaie a détruit beaucoup de capital en le dirigeant vers des utilisations moins productives que celles que le public déterminerait dans un environnement de liberté totale.

    Nous devons résister à la tentation de croire qu’un homme fort peut nous sauver. Nous ne pouvons que nous sauver nous-mêmes. L’Occident moderne est caractérisé par la paresse, les dépenses frivoles et la vie au-dessus de ses moyens. Nous devons faire le contraire. Travailler dur, vivre frugalement et économiser sont des solutions que chacun peut adopter pour se protéger des empiètements de l’autoritarisme.

    Traduction Contrepoints

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Six leçons de Ludwig von Mises

      Francis Richard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 29 December, 2022 - 03:30 · 7 minutes

    À la fin de 1958, l’économiste Ludwig von Mises donna une série de conférences à des étudiants en Argentine . En 1979, après sa mort, sa femme Margit les publia sous la forme de Six Leçons.

    Avec l’ Institut Mises France , les Éditions John Galt viennent de publier une traduction en français de ces leçons d’économie ignorées par beaucoup, en particulier par les soi-disant élites.

    Le capitalisme

    Les améliorations des conditions de vie des Hommes sont dues aux entreprises capitalistes dont les dirigeants, innovateurs, ont fabriqué des produits bon marché pour les besoins de chacun :

    Ce fut le début de la production de masse, le principe fondamental de l’industrie capitaliste.

    En économie, une des erreurs répandues est de supposer ou de prétendre qu’il y a une différence entre les producteurs et les consommateurs des grandes entreprises .

    Pourtant, en effet :

    La plus grande des entreprises perd son pouvoir et son influence lorsqu’elle perd ses clients.

    Mais pour produire il faut investir de l’argent. Cet argent provient de l’épargne de l’entrepreneur et/ou de celle d’autres épargnants, sans quoi il n’est pas possible de se lancer dans un projet.

    Pour réussir, l’entrepreneur ne doit pas uniquement copier ou imiter ce qu’un autre a fait. Dans une nouvelle branche d’activité ou un secteur d’activité existant, il doit bien payer ses salariés :

    Chaque consommateur doit, d’une manière ou d’une autre, gagner l’argent qu’il dépense, et l’immense majorité des consommateurs sont précisément les mêmes personnes qui travaillent comme employés des entreprises qui produisent les choses qu’ils consomment.

    De même :

    Si les acheteurs ne paient pas l’employeur assez pour lui permettre de payer ses ouvriers, il devient impossible pour l’employeur de rester en affaires.

    Il ne suffit pas d’améliorer les conditions sanitaires d’une population : il faut en outre investir du capital par habitant pour que son niveau de vie augmente, sinon c’est la pauvreté qui augmente.

    Le socialisme

    Le marché n’est pas un lieu, c’est un processus, c’est-à-dire la façon dont, à vendre et à acheter, à produire et à consommer, les individus contribuent au fonctionnement global de la société.

    L’économie de marché signifie que l’individu peut choisir sa carrière, qu’ il est libre de faire ce qu’il veut. Sans cette liberté, combattue par le socialisme, toutes les autres sont illusoires :

    La liberté dans la société signifie qu’un homme dépend autant des autres que les autres dépendent de lui. La société dans l’économie de marché, dans les conditions de « la economia libre » , signifie une situation sociale où chacun sert ses concitoyens et est servi par eux en retour.

    Être libre ne veut pas dire que les individus ne font pas d’erreurs et/ou qu’ils ne se fassent pas du mal. Le socialisme veut les en empêcher en les réprimant plutôt qu’en cherchant à les en dissuader.

    Dans le socialisme, qui interdit la liberté de choisir sa propre carrière, ou dans le système de statuts du pré-capitalisme, il n’y a pas de mobilité sociale comme dans le système capitaliste.

    Dans le socialisme, la planification est globale, alors que l’homme libre planifie quotidiennement ses besoins, quitte à se tromper, et le calcul économique est ignoré par refus qu’il y ait un marché :

    Le calcul économique, et donc toute planification technologique, n’est possible que s’il y a des prix en monnaie, pour les biens de consommation et en outre pour les facteurs de production.

    Dans le socialisme, les conditions de vie ne s’améliorent pas, ou moins bien, parce que sans calcul économique, le plus avantageux des projets, du point de vue économique, n’est pas précisé.

    L’interventionnisme

    Le gouvernement se doit de faire toutes les choses pour lesquelles il est nécessaire et pour lesquelles il fut établi. Le gouvernement se doit de protéger les individus au sein du pays des attaques violentes et frauduleuses de gangsters, et il devrait défendre le pays des ennemis étrangers.

    L’État devrait se limiter à assurer la sécurité intérieure des individus et celle du pays vis-à-vis de l’extérieur. C’est là sa seule fonction légitime. C’est une protection, ce n’est pas une intervention :

    L’interventionnisme signifie que l’État veut en faire plus. Il veut interférer dans les phénomènes de marché.

    Que fait-il ? Il ne protège pas le fonctionnement fluide de l’économie de marché ; il perturbe les prix, les salaires, les taux d’intérêt et les profits. Bref, il restreint la suprématie des consommateurs.

    Ludwig von Mises prend deux exemples historiques, en période d’inflation : le contrôle des prix et le contrôle des loyers qui ont pour conséquences pénuries de produits et de logements :

    L’idée de l’intervention étatique comme « solution » aux problèmes économiques conduit, dans tous les pays, à des conditions pour le moins insatisfaisantes et souvent fort chaotiques. Si le gouvernement ne s’arrête pas à temps, il amènera le socialisme.

    L’inflation

    Si la quantité de monnaie est augmentée, le pouvoir d’achat de l’unité monétaire diminue et la quantité de biens qui peut être obtenue pour une unité de monnaie diminue aussi.

    Le résultat est la hausse des prix : c’est ce qu’on appelle l’inflation. Qui n’est donc pas due à la hausse des prix, comme on le croit malheureusement, mais à l’augmentation de la quantité de monnaie .

    Le mécanisme s’explique par le fait qu’avec l’augmentation de la quantité de monnaie des gens […] ont désormais plus d’argent tandis que tous les autres en ont encore autant qu’ils avaient avant .

    Ceux donc qui reçoivent de l’argent neuf en premier reçoivent un avantage temporaire , si bien qu’ils pensent que c e n’est pas si grave . Et la hausse des prix, avec ses effets de ruine, se fait pas à pas :

    L’inflation est une politique. Et une politique peut être changée. Il n’y a donc aucune raison de céder à l’inflation. Si l’on considère l’inflation comme un mal, alors il faut arrêter d’enfler la masse monétaire. Il faut équilibrer le budget de l’État.

    L’investissement étranger

    La différence [de niveau de vie] n’est pas l’infériorité personnelle ni l’ignorance. La différence est l’offre de capital, la quantité de biens d’équipement disponibles. En d’autres termes, la masse de capital investi par unité de population est plus grande dans les pays dits avancés que dans les pays en voie de développement.

    Pour combler cette différence entre pays, l’investissement étranger en provenance de pays dits avancés a permis et aurait dû permettre le développement de pays qui sont en retard sur eux.

    C’était sans compter avec les expropriations des capitaux investis dans un certain nombre de pays, ce qui est catastrophique pour les pays en retard et l’est malgré tout moins pour les avancés.

    Protectionnisme et syndicalisme ne changent pas la situation d’un pays pour le mieux : industrialiser nécessite du capital ; obtenir des hausses de salaires provoque un chômage permanent et durable :

    Il n’y a qu’une seule façon pour une nation d’atteindre la prospérité : si on augmente le capital, on augmente la productivité marginal du travail et l’effet sera que les salaires réels augmentent.

    La politique et les idées

    L’Homme n’a pas un côté politique d’une part et un côté économique de l’autre. Or les idées politiques et économiques ont changé radicalement avec l’avènement de l’interventionnisme.

    Le but ultime des partis n’est plus le bien-être de la nation et celui des autres nations. Simples groupes de pression, ils ne défendent plus le bien commun. Cette démocratie est critiquable :

    Selon les idées interventionnistes, il est du devoir de l’État de soutenir, de subventionner, d’accorder des privilèges à des groupes particuliers .

    Les dépenses publiques ne cessent d’augmenter sans que les impôts puissent les financer. Ce qui explique pourquoi il est presque impossible pour tous les gouvernements d’arrêter l’inflation .

    Faut-il alors parler de déclin de la liberté et de la civilisation ?

    Les idées interventionnistes, les idées socialistes, les idées inflationnistes de notre temps, ont été concoctées par des écrivains et des professeurs :

    Ce dont nous avons besoin, ce n’est rien d’autre que de substituer de meilleures idées à de mauvaises idées. J’espère et je suis confiant que cela sera fait par la génération montante.

    Six leçons, Ludwig von Mises, 86 pages, Éditions John Galt


    Sur le web

    • Co chevron_right

      Le socialiste d’aujourd’hui n’est pas le socialiste d’antan

      Finn Andreen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 04:00 · 9 minutes

    le socialiste

    Par Finn Andreen.

    Les libertariens se demandent souvent pourquoi le socialisme continue à être si populaire, alors qu’il s’est avéré être un tel échec en tant qu’idéologie politique et système économique. Bien que l’idéologie de l’éducation publique et des médias traditionnels soient des raisons importantes qui expliquent cela, la persévérance obstinée du socialisme est aussi quelque peu fictive, car le socialisme a évolué : le socialiste d’aujourd’hui n’est pas le socialiste d’antan.

    Cette distinction est importante à garder en tête lors de l’élaboration d’une éducation libertarienne pour contrer cette évolution.

    La différence entre le socialiste traditionnel et le socialiste moderne

    La différence entre le socialiste traditionnel et le socialiste moderne correspond à la distinction que Ludwig von Mises a proposée entre le socialisme et l’intervention de l’État dans le libre marché. Les socialistes traditionnels, d’influence marxiste directe, ont presque disparu, en même temps que les expériences socialistes ont échoué, l’une après l’autre, au cours du XXe siècle. Personne se qualifiant aujourd’hui de socialiste ou de gauche ne pense que la nationalisation des moyens de production est la meilleure façon d’organiser la société. Aucun socialiste moderne ne justifie l’oppression politique et l’étouffement économique typiques de l’État socialiste.

    Cependant, les socialistes modernes ferment toujours les yeux sur les preuves, maintenant irréfutables, montrant que le marché libre est le plus grand créateur de richesse de l’ histoire , même quand il est entravé par l’intervention de l’État. Ils refusent toujours d’accepter que des milliards de personnes ont été sauvées de la pauvreté par le capitalisme – en version dégradée – et que des centaines de millions de personnes aient rejoint la classe moyenne grâce à la libéralisation du commerce international et à l’ouverture de larges pans des économies des pays en développement.

    Le socialiste moderne est donc une créature paradoxale

    Il accepte le libre marché et en même temps le rejette. Croire au libre marché dans certains cas mais pas dans d’autres est une position idéologique pour le moins ambiguë, qui semble intellectuellement intenable et qui devrait au moins être défendue. Mais les socialistes modernes n’ont généralement pas cette incohérence intellectuelle. Ils considèrent plutôt, souvent sans donner de précisions, que le libre marché fonctionne dans une certaine mesure et qu’il doit être limité et contrôlé.

    Ils sont convaincus que l’État doit jouer un rôle fondamental dans la société, pour protéger les travailleurs contre le capitalisme sauvage, qui autrement non seulement continuera à les opprimer, mais détruira la civilisation elle-même.

    Parmi les socialistes modernes on trouve évidemment la gauche radicale et les sociaux-démocrates, ainsi que les élites libérales et la droite, mais aussi tous les conservateurs ayant abandonné le libéralisme classique pour s’adapter au temps. Les socialistes modernes représentent donc une grande et hétérogène majorité, mais ils ont une chose en commun : leur confiance dans l’État.

    Suivant la dichotomie de Mises ci-dessus, les socialistes modernes peuvent donc aussi être appelés étatistes . Comme le nom l’indique, les étatistes estiment que l’État doit intervenir sur le marché pour corriger ses nombreux excès imaginés et fournir un cadre réglementaire sans lequel, ils sont convaincus, il partirait en vrille. De vastes secteurs de l’économie (comme l’éducation ou la santé) doivent être placés sous le contrôle de l’État, s’ils ne le sont pas déjà.

    Les secteurs qui peuvent, selon eux, rester dans le domaine privé, doivent néanmoins être réglementés par l’État et protégés, si nécessaire, par des subventions, des tarifs , et d’autres types de redistribution . Les étatistes aimeraient souvent, même s’ils ne l’admettent pas toujours ouvertement, que les valeurs sociales et culturelles considérées comme inappropriées, comme le consumérisme ou le conservatisme, soient étouffées par l’État.

    La popularité de ces idées a eu de graves conséquences économiques, politiques et sociales au cours des dernières décennies, en France comme ailleurs. La plupart des étatistes ont de bonnes intentions, mais ils ont été éduqués avec une idéologie souvent basée sur des convictions erronées, des malentendus, et franchement, de l’ignorance.

    Le socialiste moderne et le capitalisme

    L’erreur la plus fondamentale que font les étatistes, et qui trahit leur manque de connaissance libertarienne, est peut-être la façon dont ils définissent le capitalisme. Ce qu’ils nomment capitalisme est en fait capitalisme d’État . C’est le capitalisme en tant que corporatisme, avec ses abus de pouvoir, ses monopoles artificiels, ses stratégies industrielles, et sa capture réglementaire.

    Les libertariens ont depuis longtemps dénoncé ces pratiques injustes et précisé qu’elles sont inévitables lorsque l’État s’immisce dans la vie économique de la société. En d’autres termes, ce que beaucoup d’étatistes pensent confusément être du capitalisme débridé, est en fait l’économie de marché bridée par l’État. Ils confondent cause et effet, puisque c’est l’implémentation de leurs propres idées étatiques qui ont créé les conditions politiques et économiques qu’ils critiquent aujourd’hui.

    Autrement dit, ils sont convaincus que l’État doit intervenir dans la société pour corriger les problèmes dont il est lui-même largement responsable.

    La plupart des étatistes ne sont pas conscients de cette contradiction, ni des conséquences néfastes de leurs convictions politiques. Ceci n’est pas surprenant, car ils n’ont pas appris comment fonctionne réellement l’économie de marché et les nombreuses façons dont l’intervention de l’État la déforme. Ils adhèrent simplement aux idées et valeurs étatistes qu’ils ont reçues dès leur très jeune âge par l’éducation publique, les média s, et souvent involontairement, par la famille et les amis.

    L’écrasante majorité de la population n’a malheureusement jamais été initiée au libertarianisme, et ne possède donc pas les outils conceptuels pour comprendre pourquoi cette doctrine étatiste de la société est erronée.

    Un besoin urgent d’éducation libertarienne

    Il y a donc un besoin criant pour un autre type d’éducation – une éducation aux piliers économiques et politiques du libertarianisme ; respectivement, l’ économie autrichienne et le droit naturel . Il peut sembler présomptueux, voire condescendant, de suggérer que les socialistes modernes ont besoin d’être éduqués. Il serait en effet présomptueux de proposer une éducation alternative à celle que reçoit la grande majorité si la société moderne était libre, pacifique, harmonieuse et riche. Mais ceci n’est pas le cas, comme la plupart des étatistes le reconnaissent immédiatement.

    En outre, les libertariens gardent souvent une certaine humilité, car la plupart étaient eux-mêmes étatistes avant de recevoir cette même éducation de la liberté. D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que les libertariens comprennent si bien les étatistes, alors que l’inverse n’est presque jamais le cas.

    La distinction entre les socialistes traditionnels et modernes est pertinente pour l’élaboration d’une telle éducation libertarienne. Puisque les socialistes modernes interprètent et expriment le socialisme différemment des socialistes traditionnels, l’éducation nécessaire pour convaincre les étatistes de la folie de leurs idées politiques et économiques ne peut pas être la même que celle utilisée dans le passé.

    Les socialistes traditionnels devaient être sensibilisés avant tout à la définition de la liberté, aux conséquences désastreuses de la planification centralisée, et au rôle essentiel des prix dans la société. C’est pourquoi ils devaient apprendre la critique du marxisme de Böhm-Bawerk, la critique de Mises sur le calcul en économie socialiste, l ’avertissement de Hayek contre le collectivisme, ainsi que sa théorie non moins connue sur l’ utilisation de la connaissance dans la société.

    Cette éducation, bien que toujours fondamentale, n’est plus aussi importante qu’elle ne l’était autrefois, car les socialistes modernes ont déjà implicitement appris ces leçons. Ils se rendent compte que la théorie de la plus-value de Marx est erronée, qu’une économie planifiée et la tentative d’abolir la propriété privée conduisent à l’effondrement de la société. Les étatistes ont plutôt besoin de recevoir une éducation aux causes et conséquences de l’intervention de l’État dans une société libre.

    L’éducation du socialiste moderne devrait donc contenir des concepts clés tels que l’ effet Cantillon, la loi de Say, le sophisme de la vitre cassée de Bastiat, l’ analyse de l’État par Rothbard, et la critique de la taxation par Hoppe.

    Ces lois économiques et ces principes libertariens sont essentiels pour comprendre pourquoi une société basée sur le capitalisme d’État devient insoutenable et instable à long terme. Une telle société ne peut plus s’améliorer et s’engage alors inévitablement dans un déclin économique, social et culturel.

    L’éducation libertarienne est fondamentale pour renverser cette tendance, pour apprendre aux jeunes générations que le socialisme moderne est intrinsèquement décadent, car elle génère une diminution de l’épargne individuelle, un affaiblissement des liens familiaux, une disparition de la responsabilité personnelle, et une crise de confiance dans le système politique. Ce sont des conséquences prévisibles du socialisme moderne.

    La faillite morale et économique du système politique actuel, et avec celle-ci la réalisation que ce système arrive maintenant au bout du rouleau, pourrait rendre de nombreux étatistes plus réceptifs qu’avant aux réponses que le libertarianisme propose. L’éducation du socialiste moderne devrait aussi être plus simple que la conversion d’un socialiste traditionnel au libertarianisme.

    Ce dernier était souvent armé d’une dialectique solide basée sur les textes de Hegel, Marx, Engels et Lénine. Mais la plupart des socialistes modernes n’ont jamais lu ces auteurs et ne connaissent au mieux que vaguement leurs idées, aussi erronées et dangereuses soient-elles. Les étatistes n’ont pas réellement d’idéologie à proprement parler ; leurs convictions politiques sont souvent basées davantage sur des émotions que sur des principes. Un exemple typique est celui où payer ses impôts est fièrement considéré comme un acte de solidarité.

    L’éducation du socialiste moderne doit donc aussi inclure la moralité. Les étatistes ont besoin d’être convaincus que l’adoption des idées libertariennes fera d’eux de meilleures personnes. S’ils s’embarquent dans cette éducation avec un esprit ouvert, s’ils prennent le temps de vraiment comprendre les arguments politiques et économiques du libertarianisme, ils verront que le capitalisme, correctement définie, conduit à la société la plus pacifique, stable et juste.

    • Co chevron_right

      Les limites de la méthode autrichienne

      Guillaume Moukala Same · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 22 January, 2021 - 04:20 · 7 minutes

    méthode autrichienne

    Par Guillaume Moukala Same.

    Tout d’abord, la science de l’action humaine ne peut aboutir qu’à des connaissances qualitatives et non quantitatives. Il faut bien voir que le programme de recherche de l’école autrichienne est à la fois ambitieux et humble, en ce qu’il se limite à ce qui est accessible à l’esprit humain et ne se fixe pas d’objectifs jugés inatteignables, comme par exemple la construction de modèles en vue de prédire l’avenir.

    Ensuite, comme l’avertit Ludwig von Mises au début de son ouvrage majeur :

    La praxéologie [ne] traite [que] de l’action humaine en tant que telle, d’une façon universelle et générale. Elle ne traite ni des conditions particulières de l’environnement dans lequel l’homme agit ni du contenu concret des évaluations qui dirigent ses actions.

    Or, si elles existent, ces vérités universelles sont rares et ne constituent pas à elles seules l’ensemble des connaissances qui peuvent être acquises sur le monde. Il existe des connaissances qui, non seulement ne peuvent être découvertes que par l’expérience mais qui, en outre, dépendent des circonstances de temps et d’espace, et donc ne sont pas universelles.

    Enfin, une théorie peut être vraie a priori , en abstraction, mais insignifiante ou inutile lorsqu’appliquée à la réalité. La théorie autrichienne des cycles économiques peut, par exemple, ne pas expliquer tous les cycles économiques de l’histoire, ni les expliquer entièrement. Il ne faut pas perdre de vue que la théorie autrichienne est une pure construction de l’esprit dont la véracité repose sur sa cohérence interne, c’est-à-dire l’absence de contradiction dans ses propositions, mais rien ne garantit qu’elle peut par elle-même expliquer absolument tout ce qu’il y a à expliquer.

    Il faut donc reconnaître les limites de la théorie. Mais la science économique ne se limite pas à la théorie. D’ailleurs, le fondateur de l’école d’économie autrichienne, Carl Menger , l’a bien souligné dans ses Recherches sur la méthode (1883) 1 :

    Il allait devenir clair aux yeux de ceux qui travaillent à notre science que, dans ses branches théoriques et pratiques, l’économie politique présente des connaissances dont la nature formelle est tout à fait diverse, et qu’en conséquence, il ne pouvait s’agir d’une seule méthode, de la méthode de l’économie politique, mais au contraire seulement des méthodes relatives à cette dernière. Les voies de la connaissance, les méthodes de la recherche se règlent sur les buts de celle-ci et sur la nature formelle des vérités qu’on doit s’efforcer de connaître. Les méthodes de l’économie théorique et celles des sciences pratiques de l’économie politique ne peuvent pas être identiques. Mais là même où, dans le traitement des problèmes de méthode, on s’attachait fermement à cette différence fondamentale, ou bien là où l’on ne songeait tout d’abord qu’à l’économie théorique, devait surgir, en raison d’une recherche plus minutieuse, la connaissance du fait que le concept de « lois des phénomènes» est également multiple, qu’il englobe des vérités dont la nature formelle est très diverse et que, par conséquent, cette conception de l’économie politique, sinon celle-là même de l’économie politique théorique comme science des «lois de l’économie », était insuffisante.

    Menger distinguait trois champs d’étude dont les méthodologies différaient :

    • les sciences économiques théoriques ;
    • les sciences économiques historiques ;
    • les sciences économiques pratiques, elles-mêmes composées de la « politique économique » établissant des principes de soutien de l’économie de la part des pouvoirs publics, la « science de la finance » et ce qu’il nomme la « doctrine pratique de l’économie privée », c’est-à-dire les sciences de gestion.

    Plus tard, dans son Histoire de l’analyse économique (1954) Schumpeter proposera une classification améliorée, plus cohérente et précise. Il distinguait :

    • la théorie économique ;
    • l’histoire économique (quantitative et qualitative) ;
    • la sociologie économique.

    La théorie économique , c’est ce que nous venons de voir. La théorie fait partie de la catégorie de la nécessité (ce qui ne peut être autrement). Elle traite de ce qui vaut en tout temps et en tout lieu. La théorie pure ne s’intéresse donc qu’aux connaissances quasi-certaines, éternelles et infalsifiables.

    L’histoire, à l’inverse, fait partie de la catégorie de la contingence (ce qui peut avoir lieu ou non). Elle traite d’événements particuliers et uniques. Elle s’intéresse aux connaissances « imparfaites », ce que l’on ne peut savoir avec certitude mais ce que l’on peut tout de même affirmer avec une certaine assurance, contextuelles, c’est-à-dire ce qui peut varier d’un lieu à un autre, ou d’une époque à une autre, et falsifiables.

    L’histoire économique n’est rien d’autre que l’application de la théorie à l’histoire. C’est d’ailleurs dans ce but que sont élaborées les théories. Ce sont des outils d’analyse qui permettent de rendre l’histoire intelligible, de porter un jugement objectif sur les faits passés. Comme cela a déjà été souligné, l’histoire ne parle pas d’elle même. Elle est interprétée. Et son interprétation nécessite l’intervention de l’esprit humain, de sa faculté de jugement. Il existe par exemple une histoire marxiste interprétée sous le prisme de la théorie de la valeur travail. Derrière chaque vision de l’histoire, se trouve donc une grille de lecture. Et le seul moyen d’interpréter l’histoire de façon objective est de se doter d’une grille de lecture objective, c’est-à-dire une théorie dont la validité peut être démontrée a priori . C’est l’analyse qualitative de l’histoire.

    Les statistiques permettent ensuite d’apporter une dimension quantitative au savoir économique et ainsi dépasser la caractère binaire des connaissances qui découlent de la praxéologie . Par exemple, au lieu de se contenter de dire si oui ou non une taxe sur un produit va diminuer la demande pour ce produit, on peut essayer d’estimer de combien la demande pour ce produit va diminuer. C’est important car cela permet de déterminer si un facteur est significatif ou non. Bien sûr, ce que les statistiques ont à enseigner n’est pas de nature universelle, cela peut évoluer au fil du temps et varier en fonction des cultures, mais l’étude de ces variations n’est qu’une « autre tâche à laquelle les bons économistes doivent se consacrer » 2

    Enfin, la sociologie économique replace l’action humaine dans son contexte institutionnel — à la fois formel et informel — pour étudier l’influence de ce contexte sur la manière dont les personnes agissent.

    Comme l’explique l’économiste Peter J. Boettke , la sociologie économique reconnaît que

    la vie économique prend place dans divers contextes institutionnels et que ce contexte importe, de sorte que le théoricien doit transformer la logique de choix en logique situationnelle en incorporant le droit, la politique, la religion, etc. dans son analyse.  Le processus économique doit être étudié en tant qu’échange et les institutions au sein desquelles les relations d’échange se forment, fonctionnent et se concluent. 3

    Bien sûr, la sociologie économique et les statiques ne conduisent pas à un savoir semblable à celui auquel la théorie donne accès.

    Mais pourquoi ne faudrait-il exiger de la science que des connaissances à valeur universelle ?

    L’expérience est tout simplement une autre méthode de découverte, une autre source de connaissance, distincte du pur raisonnement logique. L’expérience humaine recèle des enseignements auxquels le raisonnement aprioristique n’a pas accès, de même que le raisonnement permet d’accéder à un savoir qui autrement serait resté caché à tout jamais.

    Chacune des disciplines présentées plus haut présente ses propres limites méthodologiques, ses propres défauts. Mais justement, le meilleur moyen de minimiser les risques d’erreur est de diversifier les approches. C’est seulement en associant ces différentes approches que nous pouvons aboutir à la compréhension du monde social la plus complète qui soit. Elles ne doivent pas être perçues comme rivales mais complémentaires. S’il est important de connaître l’essence des phénomènes économiques, il faut accorder autant d’attention aux faits particuliers.

    Comme le précisa Leibniz dans sa Théodicée :

    La raison, consistant dans l’enchainement des vérités, a droit de lier encore celles que l’expérience lui a fournies, pour en tirer des conclusions mixtes.

    1. Traduction de Gilles Campagnolo, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (2011), p 157.
    2. Caplan, B., 1997. Why I am not an Austrian Economist. Unpublished manuscript .
    3. Boettke, P.J., 2019, «A Simple Attempt to Clear Up Some Confusions About the Austrian Perspective
    and Economic SCIENCE ». En ligne .
    • Co chevron_right

      L’action humaine, axiome et moteur de la théorie économique

      Guillaume Moukala Same · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 21 January, 2021 - 03:40 · 9 minutes

    action humaine

    Par Guillaume Moukala Same.

    Dans L’Action humaine , l’ambition de Ludwig von Mises est d’élever l’économie au statut de science au même titre que les sciences dites dures, c’est-à-dire d’aboutir à des connaissances objectives sur les lois qui gouvernent les phénomènes économiques. Le génie de Mises a été de percevoir dans la méthode géométrique des opportunités pour le développement des sciences sociales.

    Ce qui distingue les sciences sociales (ou sciences de l’action humaine) de toutes les autres est que l’Homme est son propre objet d’étude. C’est un avantage considérable—imaginez par exemple les implications dans le domaine de la physique si la matière pouvait parler 1 .

    Ainsi, pour Mises « nous devons nous penser nous-mêmes et réfléchir à la structure de l’agir humain. Comme pour la logique et les mathématiques, la connaissance praxéologique est en nous ; elle ne vient pas du dehors. » 2

    Cette recherche intérieure commence par la définition du concept d’action :

    L’action humaine est un comportement intentionnel. Nous pouvons dire aussi bien : l’agir est volonté mise en oeuvre et transformée en processus ; c’est tendre à des fins et objectifs ; c’est la réponse raisonnée de l’ego aux stimulations et conditions de son environnement; c’est l’ajustement conscient d’une personne à l’état de l’univers qui détermine sa vie. 3

    Nous nous arrêterons là pour les paraphrases car comme le souligne Mises, « la définition même est adéquate et n’a besoin ni de complément ni de commentaire. »

    Voici donc l’axiome de départ sur lequel va se fonder toute la théorie autrichienne.

    Il est essentiel de souligner que cet axiome n’aurait pu être tiré de l’observation, puisque la seule chose que nous pouvons observer, ce sont des « corps en mouvement » 4 , et non des actions à proprement parler. L’observation d’un comportement ne permet donc pas de rendre compréhensible à l’esprit humain le concept d’action, pour la simple raison que « l’action est une catégorie que les sciences naturelles ne prennent pas en compte » 5 .

    Mises fait ici référence au dualisme entre la matière et l’esprit : l’idée que la pensée est un monde à part, isolé du monde physique, que les « procédures des sciences naturelles ne sont pas aptes à observer et à décrire » 6 . La neuroscience peut certes chercher à expliquer comment se forme la conscience dans le cerveau, mais seuls les êtres conscients sont en mesure de comprendre la conscience en tant que concept puisque, par définition, ils l’expérimentent au quotidien.

    En d’autres termes, les faits bruts, pris tel quel, n’ont pas de signification intrinsèque. C’est en introduisant un jugement analytique qu’on leur donne un sens. La théorie est donc cet outil élaboré par la pensée qui permet de rendre le monde extérieur intelligible.

    Il est courant de penser, et encore plus à l’ère du Big Data, que la science économique pourrait se « reconnecter à la réalité » en se contentant de l’observer.

    Or, premièrement, il existe des biais dans les méthodes d’observation même. Mais encore une fois, l’enjeu est moins d’observer le réel que de le comprendre, de l’expliquer. En s’affranchissant des théories, la science se prive d’un cadre explicatif pour interpréter les phénomènes qu’elle cherche à comprendre.

    Comme l’a fait remarquer Pascal Salin, « il est absurde d’opposer théorie et réalité : la théorie est le meilleur moyen d’appréhension de la réalité et ceux qui prétendent être réalistes, pragmatiques et concrets sont seulement des gens qui refusent de penser. » 7

    Même en science physique, comme l’a reconnu Albert Einstein, « les concepts sont des créations de l’esprit, et ils ne sont pas, malgré les apparences, uniquement déterminés par le monde extérieur. » 8

    Revenons-en maintenant à notre objet principal. Il serait légitime de se demander comment un concept aussi simple et évident que l’action peut aboutir à une connaissance approfondie des phénomènes économiques. Il est souvent reproché aux économistes autrichiens de n’énoncer que des tautologies. Mises ne le niera pas.

    Il affirma d’ailleurs que « le raisonnement aprioristique est purement conceptuel et déductif. Il ne peut rien produire d’autre que des tautologies et des jugements analytiques. » 9 Et pourtant, ce raisonnement permet bel et bien d’accéder à de nouveaux savoirs, ou plus précisément, « de rendre manifeste et évident ce qui était caché et inconnu auparavant » 10

    Mises dresse un parallèle avec les théories géométriques :

    Tous les théorèmes géométriques sont déjà impliqués dans les axiomes. Le concept d’un triangle rectangle implique déjà le théorème de Pythagore. Ce théorème est une tautologie, sa déduction aboutit à un jugement analytique. Néanmoins, personne ne soutiendrait que la géométrie en général et le théorème de Pythagore en particulier n’élargissent nullement notre savoir. La connaissance tirée de raisonnements purement déductifs est elle aussi créatrice, et ouvre à notre esprit des sphères jusqu’alors inabordables. La fonction signifiante du raisonnement aprioristique est d’une part de mettre en relief tout ce qui est impliqué dans les catégories, les concepts et les prémisses ; d’autre part, de montrer ce qui n’y est pas impliqué.

    C’est donc grâce à cette méthode que les autrichiens sont parvenus à décrire le mécanisme qui aboutit à la formation des prix, à démontrer le caractère non-neutre de la monnaie, ou à souligner les bienfaits du libre-échange 11 —pour ne citer que quelques exemples.

    Parce qu’ils ne voient pas l’utilité de soumettre leurs théories à l’épreuve des faits, les économistes autrichiens sont souvent accusés de dogmatisme. Mais ce type d’accusation témoigne d’une méconnaissance du sujet. Il est vrai que les théories développées par les économistes autrichiens sont par nature non falsifiables. Mais c’est justement parce que ces propositions sont non falsifiables que la méthodologie qui permet d’y aboutir est si indispensable : la science ne dispose d’aucun autre moyen pour accéder à ces vérités.

    Comme l’exprime Spinoza dans L’Éthique :

    La vérité serait restée cachée aux hommes pour l’éternité si les mathématiques, qui ne traitent pas des fins, mais seulement de l’essence et de la propriété des figures, n’avaient pas enseigné aux hommes d’autres règles de vérité.

    Enfin, il convient de lever une dernière incompréhension : ce n’est pas parce que ces théories sont non falsifiables au sens de Popper qu’elles ne peuvent pas être testées. Mais elles sont testées différemment : en étant soumises à une examination scrupuleuse du raisonnement qui les sous-tend. Ce qui signifie que les conclusions auxquelles les autrichiens aboutissent ne sont ni sacrées, ni définitives.

    Mises a d’ailleurs souhaité souligner ce point :

    L’omniscience est refusée à l’homme. La théorie la plus raffinée, et qui semble satisfaire complètement notre soif de savoir, peut un jour être amendée ou supplantée par une théorie nouvelle. La science ne nous donne pas de certitude absolue et définitive. Elle nous donne assurance seulement dans les limites de nos capacités mentales et de l’état existant de la pensée scientifique. Un système scientifique est simplement une étape atteinte dans la recherche indéfiniment continuée de la connaissance. Il est forcément affecté par l’imperfection inhérente à tout effort humain. Mais reconnaître ces faits ne signifie pas que la science économique de notre temps soit arriérée. Cela veut dire seulement qu’elle est chose vivante, et vivre implique à la fois imperfection et changement.

    Plus loin, il écrit :

    L’homme n’est pas infaillible. Il cherche la vérité, c’est-à-dire la compréhension de la réalité la plus adéquate, dans toute la mesure où la structure de son esprit et la raison la lui rendent accessible. L’homme ne peut jamais devenir omniscient. Il ne peut jamais être absolument sûr que ses recherches ne se sont pas égarées, et que ce qu’il considère comme une vérité certaine n’est pas une erreur. Tout ce que l’homme peut faire est de soumettre ses théories, encore et toujours, au réexamen critique le plus rigoureux. Cela signifie, pour l’économiste, rattacher en amont tous les théorèmes à leur base incontestable, certaine et ultime, la catégorie de l’agir humain ; et d’éprouver avec l’attention la plus soigneuse toutes les hypothèses et déductions qui conduisent de cette base jusqu’au théorème examiné. L’on ne peut affirmer que cette procédure garantisse contre l’erreur. Mais elle est indubitablement la méthode la plus efficace pour éviter l’erreur.

    Les théories autrichiennes ne sont donc pas des dogmes immuables. Elles sont seulement jugées sur la base de leur cohérence interne et leur pouvoir explicatif et non sur leur capacité à être falsifiées. Si les autrichiens reconnaissent l’ existence de vérités éternelles, ils sont également conscients de la difficulté d’y accéder.

    1. La praxéologie est le terme que Mises utilise pour désigner l’étude de l’action humaine.
    2. Von Mises, L., 2004 (1949). L’action humaine . Belles lettres. (p. 74)
    3. Ibid, p. 13.
    4. Hoppe 1995, p. 22.
    5. Von Mises, L., 1962. The ultimate foundation of economic science: An essay on method . D. Van Nostrand Company (p. 6).
    6. Ibid
    7. Macroéconomie (1991), p. 22
    8. Albert Einstein et Leopolf Infeld, The Evolution of Physics (New York: Simon and Schuster, 1938), p. 33
    9. Mises 2014,  p. 44.
    10. Ibid
    11. Il est important de noter que lorsque Carl Menger énonce sa théorie de l’échange dans ses Principes Économiques , il devance d’un siècle l’économie orthodoxe : il faudra attendre la nouvelle théorie du commerce internationale (article fondateur : P. Krugman 1979, « Increasing Returns, Monopolistic Competition and International Trade » Journal of International Economics ) pour expliquer une observation que la théorie moderne (une extension des avantages comparatifs de Ricardo) ne permettait pas encore d’expliquer, à savoir l’échange de produits similaires entre pays similaires.
    • Co chevron_right

      École autrichienne d’économie : les fondements philosophiques

      Guillaume Moukala Same · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 20 January, 2021 - 04:10 · 5 minutes

    Par Guillaume Moukala Same.

    En économie, l’ école autrichienne se distingue par sa conviction qu’il existe des lois économiques « exactes » et « universelles », dont le caractère véritable peut être démontré par l’unique recours à la logique.

    Cette approche peu conventionnelle a valu aux Autrichiens d’être accusés de dogmatisme ou traités de vulgaires idéologues. Nous cherchons ici à démontrer qu’à l’inverse, c’est bien la volonté d’élever l’économie au statut de science, en s’inspirant notamment de la méthode géométrique, qui motive les penseurs de l’école autrichienne.

    Ce programme ambitieux—trop ambitieux peut-être ?— a aussi ses limites. Nous démontrerons toutefois que l’approche autrichienne ne se limite pas à la théorie pure et que l’étude des faits historiques a aussi sa place.

    Les fondements philosophiques de l’école autrichienne d’économie

    La science s’attelle à chercher ce qui existe, ce qui est , indépendamment de notre faculté de le percevoir. Si la réalité n’existait pas de manière objective, c’est-à-dire en dehors de notre conscience, alors la science ne serait, par définition, pas possible.

    Pour utiliser les mots de Philippe K. Dick, la réalité est « ce qui continue d’exister quand on cesse d’y croire » .

    La recherche scientifique consiste donc à élaborer des méthodes pour saisir la réalité du mieux que les capacités de l’entendement humain le permettent. Et ainsi nous pouvons dire que l’adéquation entre l’intelligence et le réel qui en résulte, c’est-à-dire le réel saisi par la pensée, c’est ce que nous pouvons appeler la vérité—ou connaissance objective.

    Mais alors, quelles sont la (ou les) méthode(s) qui permettent d’aboutir à la vérité ? Pour simplifier, il existe deux écoles : pour la première, la connaissance objective s’acquiert par l’observation ; pour la seconde, celle-ci s’acquiert avant tout par la pensée.

    Nous voyons déjà se dessiner l’opposition principale qui divise les philosophes depuis l’Antiquité : celle entre empiristes et rationalistes . Comme nous allons le voir, les économistes autrichiens se positionnent du côté des rationalistes.

    L’originalité et la prouesse des économistes autrichiens est d’avoir appliqué aux sciences sociales la « méthode géométrique », originellement développée par Euclide dans ses Éléments . Cette méthode consiste à partir d’un postulat de départ tenu pour vrai, un axiome , pour en déduire toutes les conséquences logiques et ainsi aboutir à une théorie complète. Si A est vrai, alors tout ce qui en découle logiquement est nécessairement vrai.

    À partir du XVIe siècle, cette méthode a commencé à être appliquée au domaine philosophique. C’est la méthode utilisée par Descartes dans ses Méditations , Leibniz dans la Théodicée et surtout, par Spinoza dans L’Éthique (dont le titre complet, L’Éthique démontrée suivant l’ordre géométrique , est très révélateur). Spinoza est celui qui est allé le plus loin dans l’application de cette méthodologie aux questions philosophiques.

    Il déduit de la nécessaire existence de Dieu (le postulat 1 ) tout un système philosophique qui conduit —selon lui— à la liberté et la béatitude.

    Cette méthode est très utile car elle permet d’accéder à ce que Leibniz appelle des « vérités éternelles » , c’est-à-dire des vérités « qui sont absolument nécessaires, en sorte que l’opposé implique contradiction » et dont on ne saurait nier « la nécessité logique, métaphysique ou géométrique, sans pouvoir être mené à des absurdités 2 ».

    Ainsi, il devient possible de bâtir des systèmes qui présentent une vision cohérente, rationnelle et objective des problèmes philosophiques. En empruntant la méthode géométrique, la philosophie peut donc être érigée en science. C’est exactement ce qu’ont cherché à accomplir les économistes autrichiens, en appliquant cette méthode aux sciences sociales—ou sciences de l’agir humain .

    Mais avant d’introduire le concept d’action humaine, il nous faut nous attarder un peu plus longtemps sur la nature de ces vérités éternelles. Nous avons déjà souligné que celles-ci, grâce à un raisonnement logico-déductif ayant pour point de départ un axiome, c’est-à-dire une proposition tenue pour vrai, sans démonstration, car évidente en soi. Mais comment savoir si une proposition est évidente en soi ?

    Sur ce point, il existe un léger désaccord entre deux camps.

    Il y a ceux qui pensent, comme Kant, Mises ou Hoppe, qu’une proposition est évidente en soi car on ne peut pas nier sa vérité sans se contredire ; c’est-à-dire qu’en essayant de la nier, on admettrait en fait implicitement sa vérité 3 .

    Par exemple : « il existe une vérité absolue » ou « le langage existe » sont des axiomes évidents puisqu’affirmer qu’il n’y a pas de vérité absolue, c’est prétendre énoncer… une vérité absolue. Quant au langage, toute tentative d’argumenter contre son existence nécessite l’utilisation… du langage.

    Et il y a ceux qui pensent qu’une proposition est évidente en soi car c’est un fait directement percevable —comme Aristote ou Rothbard . Pour ces derniers, un concept axiomatique est tout simplement une vérité première, directement accessible, perçue ou vécue sans qu’il n’y ait besoin de l’analyser plus en profondeur.

    Mises et Rothbard sont donc en désaccord sur ce point très spécifique. Mais comme dirait ce dernier, « en un sens, ces questions sont une perte de temps 4 » puisque ce qui compte c’est d’être d’accord sur l’essentiel : que le concept axiomatique d’action humaine est bien évident en soi.

    À suivre.

    1. Si un raisonnement philosophique qui part du principe que Dieu existe peut paraître obsolète aujourd’hui, le Dieu spinoziste n’a rien à voir avec le Dieu chrétien. Chez Spinoza, il serait plus juste de comprendre Dieu au sens de la Nature ou, pour utiliser un terme objectiviste (la philosophie d’Ayn Rand), l’existence.
    2. Leibniz dans la Théodicée , 1710.
    3. Hoppe, H.H., 1995. Economic science and the Austrian method. Ludwig von Mises Institute.
    4. Rothbard, Murray N. In Defense of Extreme Apriorism . Southern Economic Journal (1957): 314-320.
    • Co chevron_right

      Distinguer biens essentiels et non essentiels est arbitraire

      Marius-Joseph Marchetti · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 11 November, 2020 - 03:35 · 7 minutes

    Par Marius-Joseph Marchetti.

    Ces derniers jours, un certain nombre de biens ont été retirés des allées des grandes surfaces, sous prétexte de concurrence déloyale (les commerces de proximité étant eux fermés à cause du confinement ). Cependant, pour ne pas léser les consommateurs, le gouvernement a statué pour délimiter les biens jugés essentiels et non-essentiels. Cette distinction est arbitraire.

    Une méconnaissance primaire de la notion de valeur subjective

    Ce qui est essentiel et non-essentiel est en réalité purement et entièrement subjectif. Il n’y a rien qui soit non-essentiel : il n’y a que des biens qui sont préférés à d’autres, et ces préférences sont aussi diverses et variées qu’il y a d’individus.

    Le graphique, que je me permets de vous présenter, et tiré d’ un ancien article , représente l’échelle des besoins décrite par l’économiste Carl Menger . J’invite le lecteur qui souhaiterait davantage de détails sur ledit graphique à consulter mon article de l’époque. Celui-ci a un rôle purement descriptif.

    Ainsi, la valeur n’est pas inhérente aux biens, elle n’en est pas une propriété ; elle n’est pas une chose indépendante qui existe en soi. C’est un jugement que les sujets économiques portent sur l’importance des biens dont ils peuvent disposer pour maintenir leur vie et leur bien-être. Il en résulte que la valeur n’existe pas hors de la conscience des hommes. Carl Menger

    Ce qui est essentiel, disons les besoins les plus pressants, sont ceux qui ont le plus de valeur comparativement aux autres sur le graphique. Cette nuance est importante, car la valeur d’un bien est ordinale (c’est-à-dire rangée sur une échelle de préférence) et décroissante (la deuxième unité d’un bien nous satisfera moins que la première unité).

    Par exemple, manger un premier pain au chocolat peut me satisfaire de 3, alors que manger un premier croissant me satisfera de 2. Une fois le premier pain au chocolat, je ne peux le re-manger (logique).

    J’ai donc le choix entre manger un deuxième pain au chocolat, qui me satisfera de 1, et manger un premier croissant, qui me satisfera de deux. Alors qu’initialement, l’individu préférait le pain au chocolat au croissant, il préférera ici manger un croissant à un second pain au chocolat. Pour information, l’écart entre les valeurs des différentes options représente ce que les économistes appellent un coût d’opportunité 1

    • manger un premier pain au chocolat : valeur de 3
    • manger un premier croissant : valeur de 2
    • manger un second pain au chocolat : valeur de 1

    Cependant, cet ordre est purement subjectif.

    Un deuxième individu pourrait très bien préférer manger un deuxième pain au chocolat par rapport à un premier croissant, et un autre pourrait purement et simplement détester les pains au chocolat et préférer les pains aux raisins.

    Dans un monde caractérisé par l’incertitude ( Frank Knight ), et par la nécessité d’allouer des ressources rares à des fins illimitées (Lord Robbins), la notion d’action et de choix prend tout son sens. Si nous vivions dans un jardin d’Eden où tout ce que nous souhaitons pouvait être obtenu sans restriction et sans sanction, la notion d’agir perdrait tout son sens ( Ludwig von Mises ).

    Cependant, comme nous vivons dans un monde de rareté, et où nous formulons des anticipations (ou des lectures de ce que sera l’avenir) dans un monde incertain, cela implique l’existence d’erreurs potentielles et des évaluations différentes. Chaque perception individuelle propose une lecture différente de ce qui est essentiel ou non 2 .

    Une chose n’a pas une valeur parce qu’elle coûte, comme on le suppose ; mais elle coûte, car elle a une valeur. Je dis donc que, même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donnerait cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudrait cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative à notre besoin : elle croît et diminue comme notre besoin croît et diminue lui-même. L’abbé de Condillac

    L’essentiel est subjectif

    Pour qu’il soit plus juste, mon exposé devrait être bien plus long pour vous montrer tous les tenants et aboutissants d’une analyse subjective des besoins et de l’action humaine.

    Cependant, il est suffisant pour pouvoir écrire ceci : tout est subjectif.

    Un ascète moral qui se verrait restreint à ne côtoyer la nature qu’une heure par jour se sentirait comme privé d’une partie essentielle de ce qu’est sa vie, et serait incapable de satisfaire l’ordre naturel de ses besoins. À l’inverse, un plombier n’est pas essentiel si l’on anticipe juste que notre tuyauterie est saine car révisée il y a peu.

    La distinction faite par le gouvernement entre essentiel et non-essentiel est purement et simplement arbitraire. Se basant sur des critères dits objectifs et quantifiables, l’État passe outre une leçon que nous a enseigné Ludwig von Mises : il existe un subjectivisme des fins et des moyens.

    Chacun a des fins, des objectifs, différents qu’il souhaite réaliser, et chacun dispose de moyens différents à sa disposition, ainsi que des manières différentes de les utiliser, pour les réaliser.

    Comme toujours, en s’immisçant comme tiers pour réglementer et expliquer aux gens ce qu’ils ont ou non le droit d’acheter, l’État nuit à la préférence des consommateurs. Peut-être que certains de ces besoins ne pouvant être assouvis dans l’immédiat ne sont pas pressants à un moment t.

    Cependant, ils peuvent le devenir avec l’écoulement du temps, à un moment t+1. Certains ont pu faire une anticipation sur un achat, une vente, des soins futurs, n’importe quoi. Et ces anticipations se sont trouvées faussées par le re-confinement.

    Ces besoins dont la satisfaction a été planifiée à un certain moment ne seront donc pas satisfaits au moment prévu, les rendant plus essentiels encore, car la situation de l’individu se dégradera au fur à mesure que le temps s’écoulera ; l’exemple des soins est particulièrement parlant ici.

    La structure des coûts d’opportunité est donc modifiée au profit des activités jugées essentielles et au détriment de celles jugées non-essentielles. Mais, in fine , toute la société se retrouve appauvrie par ce genre d’intervention.

    Toute la société est plus pauvre. Toute la société, sauf ceux qui n’ont pas à subir cet ajustement des coûts : ceux dont les salaires ne sont pas déterminés par le marché, ceux qui sont à l’abri du mécanisme des pertes et profits, et surtout ceux qui vivent pour maximiser leur revenu et celui de leur administration. En fait, ceux qui sont à l’abri des conséquences de leurs décisions.

    Mais n’est-ce pas cela, la logique de l’action politique ?

    1. Ce coût d’opportunité, ce coût subjectif, a brillamment été illustré par les marginalistes , et a été très bien exposé par James M. Buchanan dans son livre Cost and Choice . Ce coût d’opportunité n’est mesurable que ex ante , une fois que le choix a été pris et que les anticipations de l’individu ayant pris sa décision se sont révélées justes ou fausses.
    2. Le traduction est de moi : « Comme les coûts d’opportunité impliquent des anticipations et que ces anticipations seront différentes selon les individus, certains agents penseront que les véritables coûts d’opportunité sont supérieurs ou inférieurs aux coûts monétaires observés sur les marchés. Par conséquent, les coûts impliqueront des anticipations et ces anticipations seront différentes selon les individus ». Le texte original est ici : Since opportunity costs involve expectations and these expectations will differ among individuals, some agents will believe that the true opportunity costs are higher or lower than money costs observed in markets. Hence, costs will involve expectations and these expectations will differ among individuals. O’Driscoll Jr, Gerald P ; Rizzo, Mario. Austrian Economics Re-examined, Routledge Foundations of the Market Economy, p. 23. Taylor and Francis. Édition du Kindle.