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      La liberté des marchés contre le capitalisme

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 27 November, 2022 - 04:30 · 4 minutes

    On associe régulièrement le libertarianisme , l’aile la plus radicale de la philosophie libérale, aux idéologies de droite ou encore au mouvement conservateur américain. Historiquement et politiquement, l’association n’est pas dépourvue de fondements. Comme l’a très bien rappelé Sébastien Caré dans son essai de 2010 intitulé Les libertariens aux États-Unis : Sociologie d’un mouvement asocial , si le mouvement libertarien aux États-Unis s’est construit en s’autonomisant du conservatisme moderne à partir de la fin des années 1960, il s’enracine dans l’idéologie individualiste de la « vieille droite » d’avant-guerre.

    Seulement, la radicalité critique du libertarianisme qui se traduit institutionnellement par la défense de l’anarchie de marché, c’est-à-dire la reconnaissance de la coopération volontaire entre individus comme seul fondement de l’ordre social, a débouché sur la naissance d’un courant certes minoritaire mais intellectuellement très actif, le libertarianisme de gauche.

    Comme son frère ennemi « de droite », il défend les droits de propriété de l’individu tout comme les échanges volontaires au bénéfice mutuel de ses participants mais contrairement à lui il concentre sa critique contre le capitalisme, non pas au nom du marché libre, mais du marché « libéré ».

    C’est d’ailleurs parce qu’il est anticapitaliste qu’il ne reprend pas à son compte l’étiquette « anarcho-capitaliste » populaire parmi beaucoup de tenants de l’anarchie de marché ou de la « société de droit privé ».

    Trois définitions du capitalisme

    Pour Gary Chartier , l’un de ses principaux théoriciens contemporains, il est possible de distinguer trois définitions du capitalisme :

    1. Un système économique qui se caractérise par des droits de propriété personnels et les échanges volontaires des biens et des services.
    2. Un système économique caractérisé par la relation symbiotique entre les États et les grandes entreprises.
    3. La domination des lieux de travail, de la société et de l’État par les capitalistes, c’est-à-dire par un nombre relativement peu élevé de personnes qui contrôlent la richesse mobilisable et les moyens de production.

    Si les partisans du marché libre ne sont pas opposés au capitalisme au sens 1, ils sont critiques des capitalismes au sens 2 et 3.

    De la confusion entre les trois définitions découlent une confusion parmi beaucoup de libertariens qui ne voient pas à quel point, toujours selon Chartier, le capitalisme implique une interférence directe avec la liberté de marché :

    « Dans le cadre du capitalisme [au sens 2], les politiciens interfèrent avec les droits de propriété et les échanges volontaires de biens et de services pour s’enrichir et enrichir leurs électeurs et les grandes entreprises influencent les politiciens afin de favoriser l’interférence avec les droits de propriété personnelle et les échanges volontaires pour s’enrichir et enrichir leurs alliés 1 ».

    Pour les libertariens de gauche, s’opposer au capitalisme au nom des marchés libérés signifie rappeler le caractère indésirable du capitalisme. Les libéraux critiquent régulièrement le corporatisme ou le capitalisme d’État pour parler de ce qui ne va pas dans le capitalisme réellement existant, mais pour Chartier, ils ne saisissent pas pleinement le problème posé par le système dans son entier. Dans ces critiques est souvent minoré le rôle joué par les grandes entreprises au sein de la symbiose qu’elles entretiennent avec les États.

    L’anticapitalisme de la gauche libertarienne cherche également à se différencier des enthousiastes « vulgaires » du marché, qui confondent défense du marché et défense du capitalisme.

    Plus libertaires que conservateurs

    Plus profondément encore, l’anarchisme de marché défendu par la gauche libertarienne se réclame de Benjamin Tucker , anarchiste individualiste et membre de la première internationale socialiste, ce qui achève de les désaffilier des courants conservateurs et de centre-droit.

    Cette volonté affichée de rupture et de désaffiliation ne va pas d’ailleurs parfois sans excès. Il arrive régulièrement que par anticapitalisme les tenants du libertarianisme de gauche reprennent les théories contemporaines de l’ultragauche liant anticapitaliste, luttes intersectionnelles (féminisme, critique du patriarcat, etc.) et ouvriérisme.

    Contentons-nous ici de rappeler à quel point la nouvelle gauche identitaire qui prospère sur les campus aux États-Unis comme en Europe, par leur anti-universalisme et leur antirationalisme, ne fait que réhabiliter le discours réactionnaire le plus primitif pour détourner le capitalisme – woke cette fois-ci – tant honni en faveur de ses propres clientèles et de son propre personnel bureaucratique 2 .

    Matt Zwolinski remarque également que si les libertariens plus traditionnels ont beaucoup à apprendre de leurs camarades anarchistes « de gauche », en particulier sur le caractère révolutionnaire de leur théorie, tout comme sur les dangers de l’immobilisme, ils peuvent à leur tour modérer leur radicalisme égalitaire parfois exagéré. Nous retrouvons ici une ligne de démarcation bien connue entre deux conceptions de la justice, l’une visant à s’insurger contre les inégalités, l’autre visant à les rendre moins insupportables en enrichissant les plus démunis.

    1. Gary Chartier et Charles W. Johnson, Markets not Capitalism. Individualist anarchism against bosses, inequality, corporate power, and structural poverty . New York, Autonomedias, 2011.
    2. Stéphanie Roza, La gauche contre les Lumières ? Paris, Fayard, 2020.
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      Les marchés ne sont pas parfaits, mais le gouvernement est encore pire

      Véronique de Rugy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 03:10 · 5 minutes

    Par

    On m’a récemment rappelé une vérité profonde sur le marché libre et les prix qui se trouvent en son centre. Malheureusement, cette vérité est souvent négligée à la fois par les détracteurs de l’économie de marché et par les économistes comme moi. Cette vérité toute simple est que le système de prix fonctionne grâce et seulement grâce à un ensemble d’institutions qui favorisent la coopération entre nous.

    En tant qu’économiste, j’ai l’habitude de défendre l’idée que les marchés libres, bien qu’imparfaits, constituent une meilleure alternative que l’intervention de l’État.

    Cela donne quelque chose comme ça :

    Le système de prix du marché libre ainsi que la concurrence des vendeurs pour les clients et des consommateurs pour les bonnes affaires jouent un rôle essentiel dans la collecte et le traitement des informations sur notre économie, qui sont dispersées parmi des millions d’acheteurs et de vendeurs. Les prix qui en résultent sont une mesure de la valeur que les gens accordent aux biens et aux services .

    Si on poursuit l’argument, dans un marché concurrentiel qui fonctionne bien, ces rapports critiques sur les prix nous indiquent les façons les plus avantageuses d’utiliser les produits finis et les services, les biens intermédiaires, les matières premières et – ce qui est important – le temps et le talent humains, et incitent les entrepreneurs à produire ce que nous voulons le plus intensément et le plus efficacement possible. En termes économiques, les prix transmettent des informations sur les raretés et sur les substitutions incrémentielles créatrices de richesse.

    Il s’agit d’un système époustouflant où, comme nous l’a rappelé le politologue français Frédéric Bastiat il y a plusieurs décennies, bien que personne ne le planifie, « Paris est nourri tous les jours » .

    C’est là qu’intervient Samuel Gregg et son formidable nouveau livre, The Next American Economy . Les arguments de Gregg en faveur du marché libre vont au-delà de l’argument économique classique.

    Il écrit :

    « Les arguments en faveur des marchés libres impliquent l’enracinement d’une telle économie dans ce que certains de ses fondateurs les plus influents pensaient être le destin politique de l’Amérique, à savoir une république commerciale moderne. »

    Il ajoute :

    « Politiquement, cet idéal incarne l’idée d’un État autonome dans lequel les gouvernés sont régulièrement consultés ; dans lequel l’utilisation du pouvoir de l’État est limitée par des engagements forts envers le constitutionnalisme, l’État de droit et les droits de propriété privée ; et dans lequel les citoyens adoptent consciemment les habitudes et les disciplines spécifiques nécessaires pour soutenir une telle république. »

    Oui ! J’aime à croire que je suis un grand défenseur des marchés, mais chaque fois que j’omets ces derniers points, je sabote ma propre cause.

    Des termes comme « marchés concurrentiels » donnent l’impression d’un processus sans cœur. Mais l’aspect le plus important de ce processus concurrentiel est la coopération.

    En effet, une coopération massive se produit quotidiennement dans le monde entier. Par exemple, prenez la chemise que vous portez. Elle est peut-être faite de coton du Texas et de fil du Canada, cousue au Vietnam et expédiée dans un véhicule assemblé au Japon.

    Imaginez la confiance que suscite un tel système coopératif. C’est en partie le résultat, comme l’explique Gregg, de l’existence de droits de propriété : l’autorité exclusive de déterminer comment une ressource est utilisée. Allez-vous vendre votre temps de travail à Apple ou à John Deere ? Dépenserez-vous votre revenu pour une Toyota ou une Harley ? Tout cela repose sur l’État de droit, qui confère à chacun la sécurité de ses droits de propriété. La loi doit être claire, connue et stable.

    Aucun partisan sérieux du libre-échange ne croit que les marchés sont parfaits. Nous ne sommes pas des utopistes. Malheureusement, les marchés parfaits et la concurrence parfaite sont souvent le point de départ des manuels d’économie. Ce point de départ amène beaucoup de gens à conclure que lorsque les conditions ne sont pas parfaites, le meilleur plan d’action pour une correction est l’intervention de l’État. C’est faux.

    Non seulement l’État lui-même est imparfait, comme chacun peut le constater, mais le marché est un processus qui permet de trouver et de corriger les erreurs. Une imperfection du marché est une occasion pour les entrepreneurs d’en tirer profit.

    Comme Arnold Kling l’a récemment écrit : « Les marchés échouent. Utilisez les marchés. » C’est parce que, ajoute Kling, « l’innovation entrepreneuriale et la destruction créatrice tendent à résoudre les problèmes économiques, y compris les défaillances du marché ».

    Cela ne signifie pas que l’État ne joue aucun rôle en dehors de la protection des droits de propriété mais que la foi dans l’intervention de l’État doit être tempérée par la reconnaissance de ses propres défauts, notamment sa tendance à favoriser un groupe de personnes par rapport à un autre et son incapacité à s’adapter lorsque les politiques échouent ou que les circonstances changent.

    En fin de compte, lorsque nous parlons du marché libre, il s’agit d’un raccourci pour désigner une combinaison d’institutions qui permettent aux gens de coopérer, de se tolérer mutuellement, de vivre en paix et de s’épanouir.

    Comme nous le rappelle Gregg, tous ces éléments font partie de la quintessence de ce que le président George Washington envisageait pour la nouvelle nation qu’il dirigeait et qu’il décrivait comme « une grande nation, une nation respectable et une nation commerciale ».

    Traduction Contrepoints

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      Une introduction à la pensée économique

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 02:40 · 5 minutes

    Par David Weinberger.

    L’économie est fondée sur le concept de l’action humaine en tant que comportement intentionnel.

    Ce sont les mots de l’économiste Per Bylund , dont le nouveau livre How to Think about the Economy : A Primer offre une introduction conviviale à la pensée économique.

    L’idée maîtresse de l’ouvrage est que les individus agissent de manière rationnelle, c’est-à-dire en fonction de buts ou d’objectifs.

    Ce principe peut sembler évident, mais il est souvent source de confusion.

    Par exemple, cela ne signifie pas que les individus parviennent toujours à atteindre les objectifs qu’ils se fixent, ni que leurs objectifs sont raisonnables aux yeux des autres. Au contraire, cela signifie simplement qu’ils agissent pour essayer d’atteindre ce qu’ils apprécient. En d’autres termes, la valeur au sens économique, est subjective .

    En outre, cela signifie également qu’en tant que discipline, la méthodologie de l’économie est individualiste. Pourquoi ? Parce que les groupes n’agissent pas – seuls les individus agissent.

    Per Bylund écrit :

    Les gens peuvent choisir d’agir de concert, mais ce sont des choix individuels… Que quatre personnes collaborent pour soulever et déplacer un piano ne signifie pas que le groupe a soulevé le piano, mais que quatre personnes ont coordonné leurs efforts individuels vers ce but commun.

    Cette idée clarifie une autre confusion. Nombreux sont ceux qui pensent que l’économie promeut les marchés libres. Mais l’analyse économique est en fait une discipline neutre – elle ne peut pas nous dire si nous devrions faire un choix par rapport à un autre, ou promouvoir une politique par rapport à une autre. Au contraire, elle nous fait prendre conscience des compromis qu’impliquent les choix que nous faisons. Bylund souligne ce point en notant que l’économie ne promeut pas plus les marchés libres que la physique ne promeut la chute libre. Au contraire, le raisonnement économique ne peut se passer du modèle du marché libre, tout comme le raisonnement de la physique ne peut se passer du modèle de la chute libre.

    De plus, la méthodologie économique étant individualiste, les données relatives à l’économie globale (ou macro ) – des données telles que le PIB, le taux de chômage, la demande globale, etc.

    Bylund le démontre avec l’exemple suivant :

    Disons qu’Adam offre une pomme à Beth et que celle-ci lui donne un litre de lait en échange. Il y a deux façons d’analyser cet échange. La première consiste à l’étudier empiriquement en observant l’échange dans la vie réelle et en recueillant des données objectives, c’est-à-dire mesurables, avant, pendant et après l’échange.

    Mais le problème de cette méthode est que les données objectives ne nous disent pas pourquoi la pomme est passée de la possession d’Adam à celle de Beth. Tout ce qu’elles nous disent, c’est qu’une personne (Beth) a une pomme et qu’une autre personne (Adam) a du lait. Mais comme nous pouvons comprendre l’échange en termes de choix rationnel, nous pouvons en fait savoir pourquoi cet échange a eu lieu. Parce que les individus agissent avec une fin ou un objectif en tête, nous savons qu’Adam et Beth ont échangé parce qu’ils croyaient tous deux que cet échange leur serait bénéfique. En d’autres termes, nous pouvons dire pourquoi l’échange a eu lieu et non pas simplement qu’un échange a eu lieu.

    Notez, en outre, le concept de prix que cet exemple introduit.

    Les prix sont les rapports d’échange de divers biens et services, et ils sont déterminés par la valeur subjective des individus. Les préférences subjectives de Beth et d’Adam concernant le lait et les pommes déterminent le rapport d’échange – ou prix – entre les deux biens : dans ce cas, le prix d’une pomme correspond à un litre de lait.

    Si cette illustration implique un échange direct de biens (troc), nous pouvons également effectuer des échanges indirects en utilisant la monnaie, qui sert de moyen d’échange dans l’économie moderne.

    Pour faciliter ces échanges, la monnaie doit conserver sa valeur.

    Les périodes d’inflation (augmentation de la masse monétaire) ou de déflation (réduction de la masse monétaire) peuvent entraîner un déversement de sable dans les rouages de l’échange, ce qui provoque un ralentissement des échanges. Néanmoins, même si l’augmentation de la masse monétaire entraîne généralement une hausse des prix, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il existe une correspondance biunivoque entre l’augmentation de la masse monétaire et la hausse des prix qui s’ensuit.

    Comme le note Bylund, « un doublement de la masse monétaire ne doublera pas tous les prix » . Pourquoi ? « Parce que les gens ne réagissent pas de la même manière ni au même moment au doublement de leurs liquidités » .

    Si quelqu’un achète, disons, trois bananes et que soudain son argent liquide double, cela ne signifie pas nécessairement qu’il achètera six bananes. Peut-être que l’argent supplémentaire sera dépensé pour un autre bien, ou simplement placé à la banque.

    En outre, cela permet également de comprendre pourquoi la prédiction économique est une entreprise risquée. Les individus ne sont pas comme des pièces sur un damier pouvent être facilement contrôlées et anticipées. Au contraire, les individus ont un libre arbitre. Ils agissent pour atteindre leurs objectifs, qui changent en fonction des opportunités et des compromis qui apparaissent spontanément à la lumière des milliards d’autres personnes qui font de même. Les prévisions économiques s’appuient sur un instantané de l’économie à un moment donné (et généralement un moment ancien, car les données économiques ne sont généralement disponibles qu’après coup et non en temps réel) et les projettent dans l’avenir. Mais l’économie n’est pas un instantané, c’est un processus composé de milliards d’individus agissant de concert les uns avec les autres. D’où la difficulté de prévoir l’évolution de l’économie dans un an, voire dans un mois.

    Mais il ne s’agit là que d’un échantillon des questions que le lecteur rencontrera dans Comment penser l’économie , et pour tous ceux qui se demandent par où commencer, c’est une introduction idéale au sujet.

    Traduction Contrepoints

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      Plan contre le cancer : une critique libérale

      Finn Andreen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 9 February, 2021 - 03:30 · 6 minutes

    cancer

    Par Finn Andreen.

    Le président de la République vient d’annoncer un plan contre le cancer . L’information est relayée entre autre par Franceinfo, la radio de l’État français qui est évidemment tout à fait incapable de voir d’un œil critique et indépendant cette annonce gouvernementale.

    Quelle approche libérale à propos du plan cancer

    Une personne libérale ne devrait-elle pas faire une exception à son idéologie, quand l’État se propose de sauver des vies ? La réponse est évidemment non, pour les raisons suivantes.

    Le libéral se rappellera que l’État veut avant tout préserver sa légitimité. Cet instinct de survie est dans son ADN, même si, personnellement, Macron n’incarne peut-être pas directement ce phénomène.

    L’État doit constamment justifier, moyennant ses chiens de garde , son contrôle sur une grande partie de l’économie française, malgré une incompétence et une inefficacité évidentes. Il fait souvent cela en créant des plans, contre le cancer ou autres fléaux réels ou imaginés, que supposément le secteur privé n’aurait pas le cœur ou l’intérêt de prendre en charge.

    En tant que libéral, il serait possible d’argumenter que le secteur privé peut avoir un cœur tout aussi grand que l’État et également vouloir sauver des vies, comme le démontrent la philanthropie et d’innombrables initiatives privées dans les pays les plus libres.

    Mais un meilleur argument est plutôt celui du libre marché ; cet ordre spontané unique qui, dans sa recherche du profit, génère de la satisfaction client. Dans ce cas précis : survivre au cancer.

    Il n’existe pas de domaines qui soient exclus de ce principe de libre marché. Mais l’étatiste pense que ce principe capitaliste est valable pour certains secteurs mais pas pour d’autres ; c’est donc à lui qu’incombe la tâche de démontrer en quoi le secteur de la santé serait si spécial qu’il n’obéirait pas à la loi du marché, qui pousse inexorablement la qualité vers le haut et le prix vers le bas.

    Un autre principe libéral à garder en tête par rapport à ce plan cancer, est celui de la liberté des individus de choisir ce qu’ils veulent consommer. La question n’est pas de savoir si le tabac, l’alcool, la cocaïne, le sucre, ou quelque autre produit que ce soit, est nuisible ou non à la santé sur le court ou long terme. Certains le sont clairement, mais toujours en fonction du type de consommation et de sa constitution personnelle.

    L’individu doit avoir le droit de prendre toutes les décisions relatives à son propre corps ; cela veut dire aussi le droit d’endommager sa propriété, sciemment ou non. C’est l’idée que le droit devrait être basé sur le principe de non-agression . C’est loin d’être le cas, puisque l’État dépense énormément de ressources non seulement à la poursuite de violations des biens publics, mais également à punir ou interdire des comportements qui ne nuisent pas à autrui , se substituant ainsi à une figure parentale.

    Quand l’État dissuade de consommer du tabac via des taxes ou des paquets neutres , par exemple, ceci est aussi une forme d’agression, certes plutôt légère. C’est le concept de nudge que pratiquent de nos jours tous les gouvernements. Les inventeurs de ce concept le baptisèrent « paternalisme libertarien », ce qui est évidemment un contradictio in terminis , car par définition un paternalisme d’État ne peut pas être libertarien.

    Il est en cela préférable que les entreprises privées pratiquent le nudge en réalisant des plans de marketing pour essayer de modifier les comportements de clients libres de leurs choix.

    Il existe cependant un argument non libéral qui pourrait légitimer des actions coercitives envers les citoyens afin qu’ils réduisent leur consommation de produits considérés nocifs. Il s’agit de l’argument des coûts dans un système de santé largement socialisé comme le système français. La majorité des coûts de dépistage et de traitement du cancer en France étant pris en charge par l’État, il semble raisonnable que celui-ci puisse inciter la population à changer de comportement pour épargner des ressources financières et humaines futures. Un État en déficit a besoin non seulement des taxes sur les cigarettes , mais également de contribuables en vie.

    Mais cet argument n’est jamais utilisé par le gouvernement, sûrement parce qu’il serait perçu comme cynique. De plus, cet argument n’est jamais naturel pour l’État ; le gouvernement français est l’exemple flagrant d’un gouvernement qui ne se sent pas responsable de la bonne gestion de l’argent des contribuables.

    Le libéral pourrait voir de l’humour noir de la part du gouvernement avec ce plan cancer en pleine pandémie. Car les confinements de la population tout entière sont toujours présentés comme des mesures nécessaires et salvatrices qu’il est considéré presque indécent de remettre en question.

    Ils vont pourtant générer un nombre beaucoup plus élevé de cancers et d’autres conséquences graves sur la santé. En effet, de nombreuses études montrent déjà les effets néfastes du confinement à cause des retards dans le dépistage de cancers et de leurs traitements.

    Une étude du Lancet de juillet 2020 annonce une mortalité significativement accrue de plusieurs cancers à cause de ces mesures gouvernementales. Cette étude conclut que les mesures restrictives pour lutter contre la Covid-19, équivalentes au Royaume-Uni aux mesures françaises, donneront, selon les types de cancers, 5 % à 15 % de décès additionnels dans les cinq années suivant le diagnostic. Et ce nouveau plan cancer se dit vouloir lutter, comme le dit l’article de Franceinfo, « contre les cancers à mauvais pronostic (taux de survie à cinq ans inférieur à 33%) »…

    Ces conséquences choquantes sont inévitables quand on néglige la leçon de Frédéric Bastiat , désormais vieille d’un siècle et demi, de ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas . Bastiat a été l’un des premiers à identifier la notion d’externalités, en particulier pour les politiques publiques. Le gouvernement français se moque de ce principe ; il se focalise uniquement sur la mortalité due à la Covid-19, selon la formule maintenant notoire de « Quoi qu’il en coûte ».

    La priorité politique est de sauver les malades atteints de la forme grave de la maladie. Par contre, les milliers de décès prématurés du cancer et les années de vie perdues des Français, qui seront les conséquences futures des actions de ce gouvernement ne semblent pas préoccuper outre mesure l’exécutif.

    Le libéral sait qu’il ne s’agit pas uniquement d’incompétence de la part de l’État. Il faut rejeter l’idée d’un gouvernement n’ayant que des bonnes intentions mais qui se trompe souvent.

    Les impacts des confinements et autres restrictions étaient déjà connus et présagés dès le début de la pandémie. La prise en compte d’externalités est connue depuis le milieu du XIXe siècle. Le libéral a donc plusieurs raisons de ne pas se méprendre sur cette annonce plutôt hypocrite de ce plan cancer.

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      Pour un marché libre du cannabis en France

      GenerationLibre · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 03:30 · 1 minute

    marché libre

    Par Edouard Hesse et Kevin Brookes
    Un article de GénérationLibre

    La lutte contre le cannabis en France est un échec sanitaire et sécuritaire. Si la répression ne détourne personne de son usage, elle met les consommateurs aux prises avec un système criminel.

    À l’inverse, la légalisation permet de réduire le crime, ne provoque pas d’augmentation significative de la consommation et favorise la protection des plus vulnérables.

    Un tour d’horizon des différentes expériences menées à l’étranger (Uruguay, États-Unis, Canada) fait apparaître la supériorité des modèles fondés sur un libre marché régulé du cannabis pour assécher le marché noir.

    Nous prônons une libéralisation de la production, de la distribution et de la consommation du cannabis en France.

    Nous proposons une production par le secteur privé via un système de licence soumise à une règlementation pour assurer le respect de certaines normes sanitaires.

    La distribution est librement assurée par tous les détenteurs d’une licence, aussi accessible à certains anciens dealers afin de faciliter leur reconversion.

    Enfin, la vente est interdite aux mineurs, la consommation restreinte dans certains lieux recevant du public comme pour le tabac, et la publicité réglementée comme pour l’alcool.

    Les recettes fiscales issues de la légalisation du cannabis financent des programmes de prévention et d’accompagnement pour les personnes vulnérables et souffrant d’addiction.


    Découvrez ICI le volume I – Légaliser le cannabis ; Arguments légaux et médicaux en faveur d’un changement de modèle. (mai 2018)

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