Par Bernard Kron.
« Vous ne pouvez pas dire qu’on n’a pas été réactifs » , a martelé Agnès Buzyn devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’évaluer la réponse gouvernementale à l’épidémie de Covid-19.
Elle a peut-être été réactive pour interdire aux médecins de ville de soigner (« Je place l’hydroxychloroquine parmi les toxiques » ) mais pas pour prendre les bonnes décisions. En particulier pour la gestion des masques et des tests.
À qui la faute ?
Quelques ministres de la Santé médecins ont marqué particulièrement leur ministère car ils avaient la capacité d’agir, même si c’était parfois en mal.
Léon Schwartzenberg , pour quelques jours : il a démissionné de son poste sous le gouvernement de Michel Rocard pour avoir proposé publiquement un dépistage systématique du sida chez les femmes enceintes et pour ses positions en faveur de la légalisation et de la mise en vente de la drogue, sous contrôle de l’État.
Michèle Barzach s’est fait remarquer par ses déclarations mal fondées après la catastrophe de Tchernobyl et le passage du nuage radioactif sur la France en 1986.
La contamination de certains territoires avaient été très importante dans l’est notamment conséquence des chutes de neige en montagne qui avaient concentré les particules radioactives. Le sud de la France, en particulier la Corse et les Alpes furent particulièrement touché.
Bernard Kouchner : le « French Doctor » a donné son nom à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. En supprimant le concours de l’Internat des hôpitaux qu’il avait raté, il sonnera le glas de ce qui faisait la qualité du système de santé, l’élitisme. Vouloir la même formation pour tous est une utopie. Le passage aux 35 heures sera l’une des causes principale de la pénurie de soignants à l’hôpital avec la sur-administration .
Philippe Douste-Blazy : il a été l’un des plus efficaces pour stopper cette évolution mais a été remplacé par des ministres qui se montreront antilibéraux comme Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot.
Marisol Touraine secondée par Olivier Véran et Jérôme Salomon ne renouvellera pas le stock de masques, chargeant les organismes locaux de leur gestion. Il y en avait plus d’un milliard, ils ont disparu sans être remplacés ou bien ont été détruits.
Agnès Buzyn a suivi la même ligne. Elle n’a pas anticipé la situation lorsqu’elle a pris le ministère alors que ses services et son directeur étaient informés de l’absence de masques en stock pensant que les agences allaient faire le nécessaire.
« Un chef ça doit cheffer »
C’est ce que disait Jacques Chirac. Notre système connaît donc la crise la plus profonde de son histoire. Il était le premier il y a 20 ans mais est passé au vingt-quatrième rang des pays de l’OCDE selon certains items, et l’espérance de vie recule pour la première fois de son histoire.
La grogne des médecins qui avait commencé en mars 2019 a rebondi violemment avec la pandémie de Covid-19. Ils ont été en première ligne sans aucune protection pour l’affronter.
51 sont morts, 5000 ont été contaminés comme plus de 40 % des internes. Et on leur interdisait de soigner. « N’allez pas chez votre médecin appelez le 15 en cas de symptômes. »
Pour réformer, un autre ministre est en charge pour le Ségur de la santé. Le nouveau ministre Olivier Véran était déjà à la manœuvre en 2014, avec Marisol Touraine, avec une loi qui était délétère car méprisant la médecine de ville. Il ne changera pas de cap malgré l’échec des plans santé précédents et les errances actuelles.
Cette absence de changement de cap de la politique menée depuis plus de vingt ans totalement hospitalo-centralisée est la raison principale de cette crise. Elle accélère le déclin de tout le système.
Nombre de services hospitaliers sont toujours à la pointe mais les soignants n’en peuvent plus . Les hôpitaux craquaient déjà de toutes parts avant cette pandémie, maintenant c’est pire. Pourquoi ? Parce que l’État intervient directement dans le financement et l’organisation de l’offre sanitaire et médico-sociale en multipliant les agences et les contraintes.
À ce titre, les ministères chargés des Solidarités et de la santé, de l’action et des comptes publics, assument un éventail de responsabilités toujours plus grand rendant impossible toute efficience. Alors il faut se poser la question, un ministre de la Santé est-il utile ?
Un ministre de la santé, est-ce utile ?
Oui, à condition de redéfinir son périmètre d’action et de simplifier la pléthore des agences de santé qui coûtent cher et paralysent les soins.
Le pilotage par les agences et la mise en œuvre des politiques de santé publique, de veille et de sécurité sanitaire dans le but de « protéger » les populations ont été d’une totale inefficacité face au Covid-19.
L’Institut national de veille sanitaire, L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’IGAS comme les directives européennes ont toutes été en retard pour réagir face à la crise.
Les ARS, agences régionales de santé
Elles sont censées assurer la coordination de la prévention et à veiller à une gestion cohérente des ressources. Elles ont été incapables de mettre la main sur le nombre de masques nécessaires pour éviter le confinement et se sont contentées de réquisitions, ce qui a eu l’effet inverse.
L’origine du mal
Notre pays dépense une part de sa richesse nationale plus élevée que la moyenne des autres pays développés (sur les 450 milliards d’euros dépensés pour le social, 270 milliards sont consacrés à la Santé). Avec l’épidémie de Covid-19, le déficit de la Sécu a explosé, dépassant cette année les 50 milliards d’euros.
La France bénéficie pourtant encore des meilleurs soignants, d’hôpitaux nombreux. Pour le Covid en France, ce fut un scénario catastrophe.
Le scandale du sang contaminé, de l’hormone de croissance et la pandémie de Covid-19 vont-ils enfin remettre en cause le centralisme étatique ? De « responsables mais pas coupables » cela sera-t-il « pas responsable, ce sont les agences, donc pas coupables » ?
Ce centralisme explique en grande partie le retard et l’insuffisance des mesures qui ont été prises pour la pandémie, tant pour la mise en quarantaine que pour les tests et la commande de masques . En l’absence de moyens thérapeutiques, seule une démarche rigoureuse de prévention pouvait permettre de réduire les risques et les conséquences de l’épidémie.
Cela n’a pas été fait pour le Covid-19. Pourquoi ? On ne sait plus qui décide entre Bercy, le ministère ou les ARS et les autres agences de santé.
« Il n’ y a pas de capitaine à la barre du Titanic de la santé. »
Les agences de « sécurité sanitaire »
Leur multiplication témoigne de leur incapacité à régler les problèmes. Les mesures pour éviter la propagation ont été inadaptées, insuffisantes et trop décalées dans le temps pour avoir la moindre efficacité.
Les touristes arrivés par des vols sanitaires pour les rapatrier depuis l’Asie ont certes été isolés et testés pour essayer de stopper l’épidémie, mais en vain car il n’y avait pas de masques ni de tests.
Les équipages navigants n’avaient pas été protégés ni isolés après leur arrivée et n’ont pas été testés.
Le port de gants et d’un masque FFP2 en cas de risques de contacts avec un porteur du virus aurait du être recommandé, mais la France n’en avait pas. Ils sont restés trop peu nombreux pour protéger ne serait-ce que les soignants.
Les corps de contrôle telles la Cour de comptes ou l’Inspection générale des Affaires Sociales vérifient l’exécution de la loi de financement de la Sécurité sociale, rendent des rapports souvent alarmants mais les rapports de la Haute Cour ne sont pas écoutés et les circulaires des agences non lues, non analysées ou restent lettre morte.
La quarantaine ou le confinement
Ce système a permis d’endiguer et de vaincre la plupart des épidémies dans le passé. Mais une quarantaine à l’échelle nationale voire planétaire peut à long terme être plus dangereuse que la propagation du Covid-19 lui-même.
La deuxième conséquence de la pandémie est économique avec cent milliards de dettes ou de déficits pour la Sécu et les hôpitaux en France.
Une troisième conséquence tout aussi gravissime est que de nombreux malades n’ont pas pu accéder aux soins pour des pathologies graves, cardiovasculaires et chirurgicales. La peur d’être contaminés faute de masque et la réquisition des cliniques ont fait retarder la prise en charge des soins, avec plus d’un million d’intervention à rattraper.
Alors oui, un ministre de la Santé c’est utile mais il doit être de plein emploi pour les soins et la prévention, il doit avoir des relais plus simples sous sa direction avec une totale autorité.
Une réforme de ce ministère s’impose avec un périmètre réduit à la santé et aux soins et un organigramme simplifié des agences. Ce serait une source d’économies et d’efficacité. On ne doit plus avoir un administratif derrière chaque soignant.
Le Ségur de la santé et cette crise seront l’objet d’un face à face avec André Bercoff sur SudRadio, ce 3 juillet à 12 heures 10.