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      Nicolas Hulot ou la nature du vide

      Gérard-Michel Thermeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 10 May, 2020 - 02:35 · 11 minutes

    Par Gérard-Michel Thermeau.

    La nature a horreur du vide et pourtant Nicolas Hulot prouve le contraire. Et même brillamment en alignant 100 principes que plein de monde a signé à quatre mains mais que personne n’a lu. Enfin, si, moi. Je n’avais jamais lu du Nicolas Hulot.

    Mais, réflexion faite, je n’ai pas signé. Ce texte mérite pourtant de figurer aux côtés des adages immortels du président Mao. Je suggère un petit livre vert à destination de la jeunesse format Kindle. Ainsi tous pourraient brandir leur téléphone « durable » pour opérer la « révolution culturelle » si nécessaire aux yeux de notre futur Guide suprême.

    Pour Nicolas Hulot, le temps est venu. Et il était temps, croyez-le.

    Le temps est donc venu mais pourquoi ?

    Hé bien pour poser les premières pierres. Depuis des millénaires, nul n’y avait songé. Il faut bien commencer par poser les premières pierres. Voilà un bon début.

    Bon, ensuite ? « transcender la peur en espoir ». Voilà, vous aviez peur mais rassurez-vous papa Nicolas est là pour vous montrer la voie.

    Vous vous doutez de la troisième étape : une « nouvelle façon de penser » . Cela tombe bien, nul n’y avait encore pensé. C’est vrai, jusqu’à présent, l’histoire n’avait connu que d’anciennes façons de penser. Rien que cela, vouloir une « nouvelle façon de penser » c’est phénoménal quand on y songe.

    Et pour « penser nouveau » , il faut quoi, ben, de la « lucidité » voyons. Dans ce monde d’aveugles, un voyant est nécessaire.

    Que nous donne la lucidité ? Un « horizon commun » . Cela aussi, c’est magnifique. Un horizon pour tous et, bien sûr, le même pour tous .

    Le temps est venu d’aligner des phrases creuses

    On va cesser de sacrifier le futur au présent. Le présent d’abord à quoi sert-il ? D’ailleurs le temps de l’écrire, il est déjà passé. Seul le futur compte.

    Pour un peu, j’allais céder à la fatalité. Mais non, « résistons à la fatalité » . La mort n’est pas fatale, la connerie non plus.

    Le temps est surtout venu « de ne plus se mentir » . Voilà prévenus ceux qui ont signé pour le cas improbable où leur mode de vie serait en légère contradiction avec leurs convictions publiques.

    Le temps est venu de « réanimer » notre humanité. C’est vrai quoi, on n’est pas des machines !

    D’où la « résilience » : mais là c’est un mot trop compliqué, donc je laisse de côté.

    Le temps est venu de créer du lien pour tous nous lier

    Il faut prendre soin de notre pauvre petite planète. Pensez-donc si fragile, incapable de supporter un petit coup de chaud. Elle se sent tellement mieux pendant les âges glaciaires.

    Il faut « traiter les racines des crises » . Et de préférence sans pesticides.

    Car tout est là, la crise est la « crise de l’excès » : excès de suffisance, excès d’incompétence, excès d’hypocrisie, bon je n’insiste pas mais, comme vous le savez, notre ami Nicolas Hulot est expert dans tous ces domaines.

    Il faut « créer du lien » . C’est vrai, zut, on n’y avait pas pensé. On croyait qu’on avait des parents, des amis, des réseaux et tout ça, quoi. Mais non, pas du tout, ce n’était pas du lien, en tout cas pas assez solide pour nous ligoter.

    Le temps est venu d’applaudir

    Il faut miser sur « l’entraide » . Tiens, j’attendais plutôt solidarité, cela fait entendre plus clairement les douces sonorités de la taxation généralisée.

    Il faut « applaudir la vie » . J’imagine la scène comme dans un rêve : tous les soirs, à 20 heures, applaudissement obligatoire sur son balcon (pour ceux qui ont un balcon).

    Il faut « honorer la beauté du monde » : en hélicoptère de préférence c’est plus beau vu du ciel.

    Voilà qui nous rappelle que « la vie ne tient qu’à un fil » . Moi, je l’aurais mis juste après « créer du lien » , histoire de rappeler que les deux seules certitudes de l’existence sont la mort et les impôts.

    Le temps est venu de nous réconcilier avec les punaises de lit

    Il faut « nous réconcilier avec la nature » : c’est vrai quoi, si on l’embêtait pas tout le temps, elle nous refilerait pas tous ses microbes.

    Et bien sûr, il est temps de « respecter la diversité et l’intégrité du vivant » : là, j’ai une pensée spéciale pour les punaises de lit, si vous m’entendez les poulettes, prochain objectif : la maison du P’tit Nicolas.

    Il faut laisser « de l’espace au monde sauvage » : tiens, c’est une idée cela, si on créait des réserves naturelles ?

    Il faut traiter les animaux « en respectant leurs intérêts » : vous avez entendu, les punaises ?

    Le temps est venu mais il passe très lentement

    Il faut reconnaître « l’humanité plurielle » c’est beau mais c’est singulier, non ?

    D’où la nécessité d’ « écouter les peuples premiers » : il n’y a pas de raison qu’ils soient les derniers à dire des conneries.

    Car et je vous le donne en mille, « le temps est venu de cultiver la différence. » Avis à Hollywood, car c’est vrai que cela manque beaucoup dans le cinéma d’aujourd’hui.

    Alors là, je me dis que je n’en suis qu’à la 27 e marche de l’escalier qui en compte cent. Fouilla, comme on dit à Saint-Étienne, on n’est pas rendu à lire ce tissu de…

    Le temps est venu de passer la marche arrière

    Voyons que reste-t-il ? Vulnérabilité, apprendre de nos erreurs, nos faiblesses et nos vertus…on se croirait à un cours de morale de la IIIe république.

    Ah…plus sérieux : changer de paradigme, opérer la mue d’un système périmé, redéfinir fins et moyens et bien sur « redonner du sens au progrès ».

    Cela au moins c’est clair. Il faut changer le sens du progrès : il allait de l’avant, maintenant ce sera marche arrière.

    « Le temps est venu de s’émanciper des dogmes » : sauf évidemment ceux de l’Église écologique, apocalyptique et hulotienne.

    « Le temps est venu de l’intelligence collective » : tiens donc, je le croyais ennemi du marché, comme quoi.

    Le temps est venu de séparer les bons des méchants

    Il rejette la méchante mondialisation, dérégulée et fondée sur le profit. Il annonce une nouvelle mondialisation qui partage, qui coopère et qui donne aux plus faibles. Je sens mon vieux Karl qui murmure : « à chacun selon… » ; non, non rendors-toi vieille barbe.

    Bien sûr, il faut préférer le « juste échange » au « libre échange » : tiens, il faudra que j’en parle à mon boulanger. À mon avis, nous ne donnerons pas le même sens au juste échange.

    C’est très simple, il faut « globaliser ce qui est vertueux » et « déglobaliser ce qui est néfaste » . Il fallait y penser. Colomb peut toujours la ramener avec son œuf.

    Et qu’est-ce qui plane au-dessus de tout cela ? La « solidarité universelle » : les Chinois, désormais, on ne vous achète plus rien car c’est néfaste, c’est-t-y pas beau la solidarité ?

    Vous l’aurez compris, l’économie selon Nicolas Hulot se résume à « redistribuer à chacun » ; non Karl, rendors-toi je t’en prie.

    « Le temps est venu de s’inspirer des citoyens » : cela tombe bien, M’sieur Hulot, je pense pas comme vous. Ah bon, je dois fermer ma gueule ?

    Le temps est venu de combler les inégalités

    « Le temps est venu d’appliquer le principe de précaution » : si je l’avais appliqué, je ne serais pas là à me casser les pieds à lire ce texte jusqu’au bout.

    Il faut « graver dans le droit (le marbre c’est pas assez écolo) les principes d’une politique écologique, sociale et civilisationnelle » : tiens, je croyais que l’on devait s’émanciper des dogmes. Mais j’aime beaucoup « civilisationnelle ». C ela ne veut rien dire mais c’est joli. C’est vrai que « barbarationnelle » eut été fâcheux.

    Faisons mentir le « déterminisme social » : parfaitement d’accord. J’en ai ma claque de lire les propositions débiles des descendants de créateurs de jardins, d’industriels et d’architectes. Place aux enfants d’ouvriers, et cela tombe bien : c’est mon cas. Quitte à écrire des bêtises….

    Comblons « les inégalités du destin » : j’en reste bouche bée. Vous soufriez d’être de petite taille, victime du destin. À l’avenir, plus de grands, plus de petits. Tous à la même taille.

    D’un autre côté, ce sera plus pratique pour la confection.

    « Le temps est venu de l’égalité absolue entre les femmes et les hommes » : alors là, je proteste. Et les personnes qui refusent de choisir, ne voulant être ni homme ni femme ? Elles ne sont peut-être pas égales ? Et ce Nicolas prétend faire de l’inclusion.

    Le temps est venu d’en finir avec les Pompes funèbres

    « Le temps est venu de tendre la main aux humbles et aux invisibles » : c’est bien, Nicolas, d’avoir découvert leur existence.

    « Le temps est venu d’exprimer plus qu’une juste gratitude à celles et ceux, souvent étrangers, qui dans nos pays… exécutent des tâches ingrates » : c’est pas inutile à rappeler à tous les braves people , qui signent les pétitions, quand ils croiseront, par hasard, leur personnel de service.

    Mais suis-je bête, les gens qui signent ne lisent jamais les textes qu’ils approuvent.

    Le temps est venu de valoriser les métiers qui permettent la vie : les Pompes funèbres, tant pis pour vous.

    Le temps est venu de jeter l’argent par les fenêtres

    Le travail qui épanouit, l’avènement de l’économie sociale « et solidaire » : « À chacun… » Non, Karl, ça suffit, j’ai dit.

    Et surtout il faut « exonérer les services publics de la loi du rendement » : n’aie pas trop d’inquiétude Nicolas, c’est déjà le cas. S’il fallait économiser l’argent du contribuable où irions-nous, je te le demande ?

    On va relocaliser des pans entiers de notre économie. Pile comme au bon vieux temps. On vivait si bien au bon vieux temps. Bon ça va être dur avec les objectifs écolo et tout car on a délocalisé notamment ce qui pollue. C’est ballot, hein ?

    Il faut investir « vers l’utile et non le nuisible » : les vendeurs d’arsenic sont donc prévenus.

    Le temps est venu d’éduquer nos enfants « à l’être, au civisme et au vivre ensemble et de leur apprendre à habiter la Terre » . C’est vrai que, jusque là, l’école les éduquait au non-être, à l’incivisme, à la haine collective et leur apprenait à habiter la Lune.

    Le temps est venu d’expier nos péchés

    Le reste ? Le reste est in-ter-mi-na-ble.

    Ce qui blesse c’est pas bien, ce qui soigne c’est bien. Bravo, Nicolas, tu auras un bon point.

    La sobriété c’est top. Il faut vivre plus simplement, n’avoir que des désirs simples (en voilà un qui ne sait pas ce qu’est le désir), se limiter à l’essentiel et surtout, surtout, pas de superflu. Qu’est-ce que le superflu, Nicolas ? Avoir trois maisons ? Excuse-moi de faire mon Ponce Pilate mais là, vraiment…

    Plus d’addiction consumériste, il faut ralentir (au vu des limitations de vitesse, on va finir par étouffer le moteur) et voyagez près de chez nous (de préférence dans un rayon de 100 km). Nous voilà prévenus : la vie ascétique nous attend, le confinement nous ayant finement préparé à une existence monacale.

    Grosso modo, il faut « renoncer à ce qui compromet l’avenir » .

    Mais nous autres, pauvres andouilles, nous sommes victimes de « nos conditionnements mentaux et collectifs ».

    Il faut « lier notre je au nous » : et malheur à ceux dont le je ne plairait pas aux nous . Car le temps est venu de « l’unité ».

    Le temps est venu d’en finir avec cette litanie interminable

    Dévalons rapidement les dernières marches.

    Il faut « croire en l’autre » : mais uniquement si l’autre parle comme Nicolas Hulot.

    « Le temps est venu de l’humilité » : toute sa déclaration en témoigne, vous en conviendrez.

    Suivent les habituels blablas sur la « bienveillance » , la « dignité pour tous » , et contre le « racisme » (tiens, je croyais l’humanité plurielle ?).

    Le brave Nicolas Hulot veut combler le vide entre nos mots et nos actes. Nos mots et nos actes. Que les choses soient claires : pas entre ses mots et ses actes.

    Le temps est donc venu de l’engagement et bien sûr, « un autre monde est possible » , on l’attendait celle-là mais peut-être pas dans un « élan effréné » : cela va être difficilement compatible avec le n° 72 : « le temps est venu de ralentir » .

    Voilà, voilà, vous saurez tout sur le « lobby des consciences ».

    Sachez-le.

    Le temps est venu.

    Et Nicolas Hulot est son prophète.

    Amen.

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      Le monde d’après et les fatigants « yakas » des gentils people

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 8 May, 2020 - 03:40 · 9 minutes

    Par Nathalie MP Meyer.

    Spectaculaire déferlante de tribunes people mignonnettes et engagées, dans nos médias hier matin ! Juliette Binoche dans Le Monde , Nicolas Hulot également dans Le Monde , Vincent Lindon dans Mediapart – tous à leur façon nous adjurent et adjurent les pouvoirs publics de faire advenir un « monde d’après qui sera radicalement différent de celui d’aujourd’hui ».

    Problème : comment accepter leurs sempiternelles conclusions sur l’hyper-urgence climatique, la relocalisation et la taxation des riches quand leur analyse du monde d’avant est si totalement déconnectée de la réalité ?

    Juliette Binoche, people qui compare le Covid et le climat

    Comme souvent lorsque Juliette Binoche intervient politiquement dans les médias, il s’agit de prendre fait et cause pour la planète avec le soutien de notre champion hexagonal du catastrophisme écologique, le physicien Aurélien Barrau .

    On n’est donc guère étonné de lire, une fois de plus, dans le mini texte publié hier par l’actrice – et signé par largement plus de people qu’il ne compte de mots et d’arguments – que le plus grave danger nous menace.

    Nouveauté du moment dictée par les circonstances, les auteurs considèrent que la pandémie de Covid-19 n’est rien comparée à ce qui nous pend au nez si les gouvernements n’apportent pas enfin une réponse sérieuse à l’apocalypse écologique et climatique qui se profile inéluctablement. Sachons tirer la leçon de la grave crise sanitaire du moment pour bien comprendre que plus grave encore, plus destructeur encore, nous attend :

    « La catastrophe écologique en cours relève d’une « méta-crise » : l’extinction massive de la vie sur Terre ne fait plus de doute et tous les indicateurs annoncent une menace existentielle directe. À la différence d’une pandémie, aussi grave soit-elle, il s’agit d’un effondrement global dont les conséquences seront sans commune mesure. »

    Plus de 25 000 morts en France en quelques semaines d’un côté, pas un seul de l’autre, sauf dans des projections toujours repoussées à plus tard depuis les premières alarmes émises par le Club de Rome en 1972 : ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, l’opération « récup » du Covid-19 par les acharnés du climat est lancée.

    Mais poursuivons. La tribune Binoche est certes plutôt indigente (dans sa rédaction, dans son développement, dans son argumentation ; lisez, vous serez effarés), mais elle propose cependant un plan d’action : puisque c’est le « consumérisme » , caractéristique très capitaliste et très libre-échangiste du monde d’avant, qui nous a placés devant les affres de l’urgence écologique et climatique, stoppons le consumérisme qui est de toute façon un exploiteur à la limite  de l’assassin :

    « Le consumérisme nous a conduits à nier la vie en elle-même : celle des végétaux, celle des animaux et celle d’un grand nombre d’humains. »

    Voilà une réflexion curieuse, alors que nous sommes en plein confinement et que nos économies, nos activités au sens large, sont à l’arrêt. Si consumérisme sans foi ni loi il y avait dans le monde d’avant, force est de constater que le consumérisme en question a été gelé du jour au lendemain sans états d’âme pour sauver des vies face au risque de croiser un coronavirus dans l’espace public ou sur son lieu de travail. Et cela au prix de pertes immenses pour beaucoup d’entreprises et de citoyens.

    Pour Juliette Binoche et ses cosignataires, il est donc « inenvisageable de revenir à la normale » , mais la normale qu’ils décrivent n’est pas la normale de la réalité et les solutions – anticapitalistes – qu’ils préconisent sont celles qui ont répandu pauvreté et anéantissement des libertés individuelles de l’URSS du XXe siècle au Venezuela d’aujourd’hui.

    Nicolas Hulot, veut votre bien de gré ou de force

    Nicolas Hulot et Vincent Lindon s’inscrivent exactement dans le même schéma dans leurs tribunes respectives, le premier ayant un tropisme écologique marqué tandis que le second s’en tient à l’aspect social des choses.

    L’ancien ministre de l’Écologie estime que si l’on veut éviter les crises de l’avenir, il faut à tout le moins remettre à plat notre modèle actuel, et emprunter, à l’inverse, le chemin de la relocalisation , des changements de consommation, de la redistribution , de la taxation des hauts revenus et du retour de l’État-providence et stratège avec contrepartie d’investissement dans la transition énergétique.

    Petit verbatim :

    C’est le moment de débattre, par exemple, du revenu universel, de la taxe sur les transactions financières, de la relocalisation d’un certain nombre d’activités […] Cette crise (du Covid-19) a mis en évidence notre dépendance aux productions faites au bout du monde, notamment en Asie.

    La priorité des priorités, c’est d’aller chercher l’argent là où il est, de taxer de manière plus importante les revenus qui ne sont pas issus du travail, de mettre fin à ce capitalisme sauvage.

    Consumérisme destructeur pour les uns, capitalisme sauvage pour les autres, ce serait notre monde d’avant.

    Mais où Nicolas Hulot a-t-il été chercher que la France, avec ses dépenses publiques, ses prélèvements obligatoires et ses déficits budgétaires plus élevés que partout ailleurs dans le monde développé n’était pas déjà et depuis longtemps un État-providence hautement redistributif ? Et fort peu efficace, comme en témoignent hélas son chômage de masse et son instabilité sociale permanente :

    Où a-t-il vu que la transition énergétique n’était pas résolument engagée par l’État alors que nous sommes en train de sacrifier notre filière nucléaire conformément aux vœux (absurde au regard des émissions de CO2) des écologistes ?

    Et comment peut-il déduire de la crise sanitaire du Covid-19 que le problème des masques rencontré en France est typique de la dépendance dans laquelle nous placent la mondialisation et le libre-échange ?

    En ce domaine, on s’est surtout aperçu que l’État français, responsable du monopole de la Sécurité sociale et de la santé publique, n’avait pas jugé utile depuis pas mal d’années de disposer de stocks de masques en cas de pandémie. D’où réquisitions et interdictions au secteur privé d’en commander, ce qui n’a d’ailleurs rien résolu. C’est seulement depuis que la grande distribution est à nouveau autorisée à commercer sur ce marché, c’est-à-dire depuis le 24 avril, que les Français ont enfin accès à des masques de protection en grande quantité…

    Beaucoup d’approximations, donc, et beaucoup de points passés sous silence tant ils desservent la marche glorieuse de notre pays vers un monde d’après plus climato-collectiviste et plus autoritaire que jamais . D’où, j’imagine, le petit coup de pression que Nicolas Hulot s’est senti en droit d’envoyer en fin d’entretien :

    Le monde d’après sera radicalement différent de celui d’aujourd’hui, et il le sera de gré ou de force.

    De la part d’un homme qui continue d’être la personnalité politique préférée des Français avec 50 % de bonnes opinions en avril 2020, c’est charmant.

    Vincent Lindon, people cégétiste ?

    Pour sa part, Vincent Lindon s’appuie sur la mauvaise gestion macroniste de l’épidémie – ce en quoi on peut difficilement lui donner tort – pour s’interroger :

    Comment ce pays si riche, la France, sixième économie du monde, a-t-il pu désosser ses hôpitaux jusqu’à devoir, pour éviter l’engorgement des services de réanimation, se résigner à se voir acculé à cette seule solution, utile certes, mais moyenâgeuse, le confinement ?

    Sa réponse est toute trouvée : la santé a été livrée par Emmanuel Macron, et Nicolas Sarkozy avant lui, aux fausses valeurs de la rentabilité et du profit qui prévalent dans le système marchand, jusqu’à faire de la vie des Hommes une marchandise. Et pas seulement la santé. En réalité, tout notre service public, c’est-à-dire tout ce qui fait la France, en est là. Un discours qui rejoint à merveille ceux que la CGT, le NPA ou Jean-Luc Mélenchon nous servent depuis bien longtemps.

    M. Lindon n’a pas dû avoir connaissance des petits graphiques ci-dessus. Et manifestement, aucun des experts qu’il a consultés pour rédiger sa tribune n’a jugé utile de lui dire que la France est (avec l’Allemagne) le pays d’Europe qui dépense le plus pour la santé, soit 11,3 % du PIB.

    Aucun ne lui a signalé non plus qu’en France, 35 % des emplois hospitaliers ne sont ni médicaux ni paramédicaux , tandis que ce pourcentage tombe à 24 % en Allemagne, pays qui s’en est nettement mieux sorti que nous face au Coronavirus.

    Encore un aveuglement, encore un pan de notre réalité qu’il ne fait pas bon exhumer. Imaginez la déprime nationale si un observateur un peu trop naïf en déduisait que le problème de la France n’est pas une question de « moyens » qui feraient défaut au secteur public mais une utilisation spectaculairement suboptimale des abondantes sommes prélevées aux contribuables couplée à un affaiblissement concomitant du secteur privé qui ne dispose plus alors des capitaux suffisants pour créer de la richesse donc de l’emploi, donc du pouvoir d’achat, donc de l’autonomie !

    Bref, ignorance réelle ou amnésie volontaire, Vincent Lindon ne risquait pas de se livrer à des déductions aussi scandaleuses. Au contraire, sa solution massue pour un monde meilleur passe principalement par la création d’une taxe sur le patrimoine des Français les plus riches. Là où l’ISF rapportait environ cinq milliards d’euros par an, il envisage un prélèvement exceptionnel (dont il préférerait qu’il devienne pérenne) de 37 milliards d’euros qui serait redistribué à raison de 2000 euros par foyer non assujetti à l’impôt sur le revenu.

    Ce qui est merveilleux avec nos gentils people – mais la remarque vaut aussi pour nos gentils politiciens, nos gentils syndicalistes, nos gentils intellectuels, nos gentils journalistes et la plupart de nos gentils concitoyens – c’est que pas un instant ils ne songent à se demander « d’où vient l’argent » avec lequel ils jonglent par milliards avec tant de généreux plaisir.

    Comment feront-ils lorsqu’il auront finalement épuisé l’argent des autres, comme disait Margaret Thatcher ? Chut, on ne parle pas de ces choses-là. Ça promet.

    Sur le web

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      Le « monde d’après » sera-t-il vert et ruineux ?

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:40 · 3 minutes

    monde d

    Par Michel Gay.

    Le « jour d’après » la pandémie du Covid-19, non seulement les esprits vont s’échauffer contre l’incurie et les maladresses du gouvernement, mais chacun voudra tirer des bénéfices des réorientations économiques qui se profilent.

    À la longue liste des reproches sur l’absence d’anticipation de cette crise sanitaire du gouvernement et des responsables de santé, il va falloir ajouter « la preuve par le coronavirus ».

    La preuve par le Coronavirus

    En effet, le Covid-19 « prouve » déjà selon les uns ou les autres qu’il faudrait davantage :

    • de souveraineté nationale et européenne
    • de « made in France » et de « made in Europe » avec une  nouvelle politique industrielle
    • de frontières
    • d’argent pour la santé et pour nos services publics…
    • de contrôle de l’économie par l’État

    Chaque lobby essaiera de tirer le plus possible à lui la couverture des changements de paradigme à venir pour défendre ses propres intérêts suite à l’échec de la prévention de cette pandémie.

    Le prophète cathodique Nicolas Hulot prévoit même l’apocalypse en annonçant que le Covid-19 serait le « dernier ultimatum » donné aux Hommes par la nature !

    Le « monde d’après » sera-t-il plus vert ?

    Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) institué par Emmanuel Macron pour évaluer les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique veut, lui, une reprise verte pour tirer les leçons de la crise. Il propose une transition écologique encore plus « verte et pas grise » dans un rapport spécial publié mardi 21 avril 2020.

    Les 18 recommandations du HCC préconisent de mettre la transition écologique et la réduction des gaz à effet de serre au cœur de la relance économique en privilégiant « les plans d’investissement et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas-carbone » .

    Ainsi, dans le secteur automobile toute aide devrait s’inscrire dans une reconversion vers des véhicules « propres », électriques ou… à hydrogène .

    Et au moment où le gouvernement s’apprête à soutenir massivement Air France pour éviter sa chute, la présidente du HCC (Corinne Le Quéré) met en garde contre les velléités de « reconstruire comme avant, coûte que coûte, certains secteurs comme l’aérien, très polluant » .

    Comme toujours dans ce genre de publication, le HCC prône les transports « doux » (marche, vélo,…), le train, et le télétravail à côté d’autres préconisations plus floues comme « préserver et accroître les écosystèmes terrestres et côtiers pour stocker du carbone ».

    Bien entendu, le nucléaire, qui n’émet pas de carbone , n’est même pas cité une seule fois pour la production d’électricité ou de chaleur… Un oubli sans doute.

    La transition écologique « verte » se doit d’être ruineuse.

    La crise du coronavirus ne semble pas avoir encore fait s’interroger les « conseillers » des pouvoirs publics sur l’incitation aux gaspillages en matière d’écologie. Leurs convictions vertes semblent inébranlables.

    Il faudra comme d’habitude attendre la prochaine crise qui pourrait bien cette fois être énergétique, notamment dans la production électrique européenne . Tous les ingrédients sont réunis pour sa survenue.

    Et, une nouvelle fois, comme le président Emmanuel Macron récemment, chacun s’exclamera benoitement : « C’est une situation inédite que rien ne permettait d’anticiper ! ».