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      « Il y a un intérêt collectif à poursuivre la NUPES » – Entretien avec Laura Chazel

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 21 June, 2023 - 13:15 · 14 minutes

    Un an après son entrée en force à l’Assemblée nationale, la NUPES semble déjà appartenir au passé. A l’exception de la France insoumise, qui souhaite reconduire l’alliance pour les élections à venir, tous les partis entendent proposer leur propre liste aux européennes de 2024. Si chaque parti entend se distinguer de ses alliés, les divergences stratégiques sur la question européenne sont également souvent mises en avant comme raison du retour à une gauche divisée. Qu’en est-il vraiment ? Dans une note pour la fondation Rosa Luxembourg , la politiste Laura Chazel étudie l’évolution des programmes des quatre partis et leurs votes au Parlement européen. Selon elle, la théorie des « deux gauches irréconciliables » est désormais dépassée, la proximité idéologique étant de plus en plus forte. La chercheuse plaide donc pour la poursuite de la NUPES, qui serait dans l’intérêt de chaque parti et leur permettrait de peser face aux blocs libéral et d’extrême-droite. Entretien.

    LVSL : Votre note débute par le fait qu’une nouvelle phase politique aurait été ouverte à partir de 2020, avec la crise sanitaire, puis la crise énergétique causée par la guerre en Ukraine. Selon vous, ces deux événements ont conduit à des réformes importantes de l’UE, par exemple sur les questions environnementales ou le fédéralisme budgétaire qui vont dans le sens des demandes portées depuis longtemps par la gauche. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Laura Chazel : Je n’irai pas jusqu’à parler de réformes majeures, mais trois événements pourraient être à l’origine d’un nouveau cycle politique au niveau européen : l’accélération du changement climatique et la prise de conscience de ses effets, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Pour faire face à ces crises, l’UE et ses États-membres ont pris des mesures inédites. On peut notamment citer le Pacte vert pour l’Europe, le retour de l’État-providence durant la crise sanitaire, le plan de relance « NextGenerationEU », la suspension du pacte de stabilité et de croissance (traité d’austérité, ndlr), des interventions nationales et européennes sur le prix de l’énergie ou encore la taxe sur les superprofits.

    « Ce que j’essaie de dire, c’est que ces crises ont affaibli le sens commun néolibéral, qui avait notamment prévalu durant la crise de la zone euro et avait entraîné des politiques d’austérité. »

    Bien sûr, de nombreuses critiques peuvent et doivent être apportées à toutes ces mesures qui ne sont pas à la hauteur des crises que nous traversons. Par exemple, le Pacte vert ne rompt pas avec les logiques du libre-échange, ou encore des contreparties néolibérales, sous forme de réformes structurelles, sont demandées aux États-membres dans le cadre du plan de relance. On a aussi vu des multinationales polluantes profiter de subventions européennes. De même, le retour de la rigueur est prévu pour 2024. La gauche ne peut donc pas encore crier victoire. Ce que j’essaie de dire, c’est que, malgré la domination de la droite au Parlement européen, ces crises ont affaibli le sens commun néolibéral, qui avait notamment prévalu durant la crise de la zone euro et avait entraîné des politiques d’austérité.

    LVSL : En effet, ces réformes restent cependant très mineures pour l’instant et pas du tout à la hauteur des crises que nous traversons. Peut-on néanmoins espérer qu’elles ouvrent une fenêtre d’opportunité pour la gauche ?

    L. C. : Effectivement, il n’y a pas eu de changement drastique au niveau européen. Je ne suis pas naïve : toutes ces mesures ne signifient pas la fin du dogme néolibéral, de l’austérité ou de la logique de marché. Mais des principes défendus par la gauche jugés irréalistes il y a encore peu de temps entrent désormais dans le sens commun . Cela ne signifie pas que la bataille culturelle est gagnée, mais plutôt qu’une fenêtre d’opportunité s’est ouverte pour la gauche, et qu’elle doit être saisie rapidement. Si nos adversaires politiques reprennent nos idées ou notre lexique politique – comme le « Green New Deal » promu par Alexandria Ocasio-Cortez –  on peut, bien sûr, crier à la récupération politique, mais dans la note, j’envisage plutôt cela comme un moment clé pour la  réarticulation de l’hégémonie culturelle autour de nouveaux principes et comme une occasion pour la gauche d’imposer son récit dans l’espace public.

    LVSL : À l’aide d’une vaste base de données, vous analysez les évolutions des programmes nationaux du PS, du PCF, d’EELV et de LFI depuis le milieu des années 2000. Selon vous, il y a eu deux moments de rupture importants : le référendum de 2005 et le quinquennat de François Hollande. A chaque fois, une fracture entre « deux gauches irréconciliables », l’une radicale et l’autre néolibérale, apparaît. Est-on toujours dans cette phase, ou les choses ont-elles changé, du moins dans les programmes électoraux ?

    L. C. : La donne a un peu changé. Il y a une première phase, au moins de 2005 à 2017, durant laquelle la gauche s’est fortement divisée, sur toutes les dimensions (européenne, économique, sociale, culturelle, environnementale, internationale). On avait alors, d’un côté, EELV et le PS et, de l’autre, LFI et le PCF, qui se sont opposés sur la construction européenne – notamment sur le TCE – et sur le quinquennat du socialiste François Hollande, qui a été analysé comme un « virage à droite » de la social-démocratie et a renforcé l’idée de « deux gauches irréconciliables ».

    La politiste Laura Chazel.

    Mais l’analyse quantitative et qualitative des programmes des quatre partis en question montre qu’à partir de 2014, les divergences commencent à diminuer. Par exemple, LFI et le PCF deviennent plus favorables à l’intégration européenne, tandis qu’EELV devient plus critique des politiques néolibérales de l’UE et que le PS commence à se diviser en interne. Les programmes pour l’élection présidentielle de 2022 confirment ces résultats et surtout le programme partagé de la NUPES montre cette trajectoire convergente entre ces partis. La Sixième République, le SMIC à 1500€ net, la retraite à 60 ans, le gel des prix des produits de première nécessité, la planification écologique forment désormais un socle commun. Le rapprochement se fait sur toutes les dimensions : l’ambition de « radicaliser » la démocratie libérale, pour reprendre l’expression de Chantal Mouffe ; l’écologie, avec le « verdissement » de la gauche radicale ; ou encore un programme plus social de la part d’EELV et du PS. Bref, la parenthèse ouverte en 2005 s’est refermée en 2022.

    Il faut aussi ajouter que cette convergence s’est faite notamment autour de LFI, qui est devenue hégémonique à gauche en 2017 puis en 2022, tandis que la social-démocratie a été balayée avec le mandat de François Hollande. On voit que le programme de la NUPES reprend largement celui de LFI, car c’est celui que les électeurs de gauche ont plébiscité.

    LVSL : Vous effectuez aussi une comparaison des votes au Parlement européen lors du dernier mandat, débuté en 2019. L’analyse de ces votes, bien que le PCF ne soit pas représenté car il n’a plus d’élus européens, fait apparaître une forte convergence sur de nombreux points (questions de genre, respect de l’Etat de droit, et dans une moindre mesure, sur les questions économiques et environnementales). Finalement, quels sont les enjeux sur lesquels les différences restent les plus fortes ?

    L.C. : Déjà, il était important de regarder ces votes pour savoir ce qui se passait concrètement dans l’arène politique européenne, au-delà des programmes et des divergences qui sont souvent mises en avant par les uns et les autres pour se différencier. Je me suis appuyée sur près de 15.000 votes, répartis en 21 catégories. Le résultat est celui d’une assez forte cohésion : 76% entre LFI et le PS, 91% entre LFI et EELV et 86% entre le PS et EELV. Cette convergence s’observe sur à peu près tous les sujets, y compris les questions liées aux institutions européennes. L’opposition un peu réductrice entre le PS et EELV, qui seraient très pro-européens, et LFI qui serait anti-européen est donc à nuancer, car, dans les faits, ils votent de manière similaire.

    Analyse des votes des partis de gauche français au Parlement européen depuis 2019. © Fondation Rosa Luxembourg

    En matière de politiques internationales, les divergences restent importantes, par exemple sur la question des rapports de l’UE avec les États-Unis. Malgré tout, l’analyse montre tout de même des taux de votes identiques non négligeables : 58% entre LFI et le PS, 64% entre LFI et EELV et 83% entre EELV et le PS. Sur la guerre en Ukraine, contrairement à ce qui a été fortement mis en avant, la convergence est forte. Les trois partis ont ainsi tous voté en faveur de 29 rapports concernant la guerre. La différence se voit surtout entre le soutien militaire demandé par EELV et le PS, par rapport à la nécessité de faire pression pour une sortie diplomatique de la guerre, soutenue par LFI.

    LVSL : Concernant ces points de divergence, vous évoquez de possibles compromis, telle que la création d’une défense européenne autonome de l’OTAN, un élargissement de l’UE conditionné à une convergence fiscale et sociale, la démocratisation de l’UE etc. Si ces positions semblent possibles, voire souhaitables sur le papier, n’est-il pas un peu naïf de penser qu’elles pourront être appliquées ?

    L. C. : Ces possibles compromis ne seront certes sans doute pas directement appliqués. Mais les divergences souvent mises en avant par les médias de masse et les politiques eux-mêmes se résument souvent à de simples stratégies de différenciation. Compte tenu de la forte convergence programmatique entre les quatre partis et de ces compromis possibles, la division entre « pro » et « anti » UE est en réalité assez artificielle, ou du moins très réductrice. De même pour l’opposition entre « gauche  viandarde » représentée par Fabien Roussel et une « gauche soja » qui serait incarnée par EELV.

    Les quatre partis ont mené des stratégies de campagne identitaires (c’est-à-dire faisant appel à l’identité propre de chaque parti, ndlr) afin de se distinguer de ses concurrents, alors qu’ils votent globalement la même chose au Parlement européen, et que l’on trouve de fortes similarités dans leurs programmes nationaux. Même si ces divergences seront sans doute difficiles à dépasser, je pense que ces forces ont une responsabilité à travailler ensemble, étant donné leur cohésion générale et la nécessité de faire bloc pour battre les libéraux et endiguer la montée de l’extrême-droite.

    LVSL : En effet, chaque parti cherche à se distinguer des autres et met en avant sa singularité sur les points de désaccord. On le voit bien en ce moment : la FI souhaite la poursuite de la NUPES, les Verts veulent partir seuls aux européennes, le PCF de Fabien Roussel est assez critique de l’alliance et le PS est divisé. La désunion et le retour à ces stratégies de différenciation ne sont-ils pas inéluctable ?

    L. C. : Au-delà du programme commun et des compromis dont nous parlions, la poursuite de l’alliance est aussi dans l’intérêt individuel de chaque parti. Bien sûr, il est légitime que le PS, le PCF et EELV ne souhaitent pas voir leur identité diluée dans celle de la NUPES, dominée par LFI. Mais la survie de leur identité ne nécessite pas forcément de candidatures individuelles. Par exemple, les quatre partis pourraient siéger dans leur propre groupe européen, tout en formant, comme à l’échelle nationale, un intergroupe qui leur permet de mener des batailles communes. On peut aussi repenser un peu l’équilibre des forces au sein de la NUPES : LFI a ainsi proposé la tête de liste aux européennes aux Verts.

    « Les observations faites à l’étranger plaident dans l’intérêt d’EELV, du PCF et du PS à faire partie d’une alliance. »

    Par ailleurs, à moyen terme, les observations faites à l’étranger plaident dans l’intérêt d’EELV, du PCF et du PS à faire partie d’une alliance. Par exemple, la social-démocratie ne pourra renaître de ses cendres que par un rapprochement avec la gauche radicale. Les cas grec et français montrent qu’une social-démocratie qui persévère dans le néolibéralisme est condamnée, alors que le PSOE espagnol de Pedro Sánchez, qui a opéré une certaine rupture avec le libéralisme de Zapatero et a tendu la main à Podemos, obtient depuis de très bons résultats électoraux et a réussi à conquérir le pouvoir.

    En ce qui concerne les Verts, il faut d’abord noter que LFI a déjà un programme très écologique et qu’EELV n’est pas propriétaire des électeurs préoccupés par ces questions. En quittant la NUPES, EELV prendrait donc le risque de prendre ses distances avec son électorat marqué à gauche et d’adopter une posture plus centriste. C’est ce qui s’est passé au début du mandat de François Hollande et les Verts y ont perdu beaucoup d’électeurs. On voit aussi ça en Allemagne depuis 2021, où l’entrée dans la coalition « en feu tricolore » des Grünen avec le SPD et les libéraux (FDP), en 2021, les a forcés à des concessions importantes sur les questions énergétiques, d’où une déception des militants et sympathisants.

    Enfin, concernant les communistes, le PCF a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux élections présidentielles de 2012 et de 2017 et les points de désaccords historiques portaient moins sur le programme que sur la structure organisationnelle et la survie du parti politique. Le succès de la stratégie de différenciation poursuivie par Fabien Roussel peut être questionné compte tenu de son score d’à peine plus de 2%.

    LVSL : On parle pour l’instant beaucoup des élections européennes car ce sont les prochaines qui arrivent, mais en réalité, elles sont assez secondaires dans le système politique français par rapport à la présidentielle, notamment car la participation y est plutôt faible. En outre, les européennes se jouent paradoxalement beaucoup sur des enjeux nationaux. Finalement, le véritable enjeu d’une potentielle union en 2024 n’est-il pas d’arriver devant Renaissance et le RN et donc de se présenter comme une alliance solide, capable de gouverner pour 2027 ?

    L. C. : Oui. Il y a à la fois un intérêt collectif pour 2024 et un intérêt de plus long terme. Sur ce sujet, je m’appuie notamment sur les travaux du politiste Pierre Martin, qui a montré, qu’à partir de 2015, trois blocs émergent dans les systèmes politiques européens : une gauche « démocrate-écosocialiste », un centre « néolibéral- mondialisateur » et une droite « conservatrice- identitaire ». Le premier intérêt de la consolidation de la NUPES réside dans le fait qu’à moyen et long terme, une stratégie d’alliance peut permettre une consolidation du bloc progressiste de gauche aux niveaux national et européen et ainsi favoriser l’opposition aux forces libérales et réactionnaires.

    « La NUPES pourrait arriver devant Renaissance et le Rassemblement national en 2024. Ce serait un moyen important pour se positionner comme première force alternative pour la présidentielle. »

    D’après les sondages, la NUPES pourrait arriver devant Renaissance et le Rassemblement national en 2024. Ce serait un moyen important pour se positionner comme première force alternative pour la présidentielle, sachant qu’il n’y a que deux places pour le second tour. Par ailleurs, durant toute la séquence autour de la réforme des retraites, la NUPES a été unie, à l’Assemblée et dans la rue, contre le centre libéral de Macron et la droite radicale de Le Pen. Si différentes listes de gauche se présentaient, cela brouillerait ce message d’unité et entraînerait sans doute de l’incompréhension chez les électeurs, notamment les moins politisés. Cela pourrait aussi donner l’impression que les enjeux partisans priment sur l’adoption de politiques publiques démocratiques, sociales et écologiques, c’est-à-dire ce que réclament les électeurs de gauche.

    Enfin, le contexte plaide pour une alliance. D’une part, parce que le bloc libéral s’érode et que l’extrême-droite est pour l’instant bien placée pour prendre le pouvoir. D’autre part, car la fenêtre d’opportunité dont nous parlions précédemment doit être saisie rapidement.

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      Assemblée nationale : Dupond-Moretti, NUPES… l’hystérisation de la vie politique

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 12 March, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    Alors que les députés examinaient la proposition de loi sur l’instauration d’une peine d’inéligibilité en cas de violences conjugales , mardi, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti s’est emporté et a adressé deux (ou trois) bras d’honneur au président du groupe LR, Olivier Marleix. À la tribune, ce dernier venait de rappeler la « mise en examen pour prise illégale d’intérêts » du garde des Sceaux.

    Pressé de faire amende honorable lors de rappels au règlement à droite comme à gauche, le ministre a fini par présenter ses excuses à Olivier Marleix « ainsi qu’à toute la représentation nationale », précisant que « son geste n’était pas adéquat » et assurant qu’il n’était « pas adressé au député [Olivier] Marleix […] mais à la présomption d’innocence », méprisée selon lui par le parlementaire.

    Les images de ces gestes insultants du ministre de la Justice au sein de l’Hémicycle n’avaient jusqu’à présent pas été diffusées. Jeudi matin, Paris Match publie la vidéo de l’incident.

    Que risque Éric Dupond-Moretti ?

    Peut-il être sanctionné par l’Assemblée nationale ?

    Comme indiqué dans le règlement du Palais Bourbon , le garde des Sceaux ne peut pas faire l’objet de sanction. Plus précisément, l’institution ne liste que les cas possibles de sanctions pour ses membres, c’est-à-dire les députés. Les ministres ne sont pas concernés. Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée, a précisé que des sanctions n’étaient « pas en son pouvoir ».

    Elle a néanmoins invité Élisabeth Borne à rappeler fermement à l’ordre l’ensemble des membres du gouvernement afin que de tels incidents ne se reproduisent plus :

    « Un tel comportement de la part d’un membre du gouvernement n’est pas acceptable. […] Les ministres ont le devoir du plus strict respect envers notre Assemblée et chacun des membres qui la compose […] Vous savez que j’exige des députés qu’ils soient eux-mêmes exemplaires à l’égard de l’institution et du gouvernement. J’attends en retour une même exemplarité de la part des ministres ».

    Étant donné qu’il est ministre et les faits ayant été commis dans l’exercice de ses fonctions, la seule instance qui peut le sanctionner est la Cour de justice de la République (CJR) pour « des actes accomplis dans l’exercice de [ses] fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. » À mon sens, un bras d’honneur ne constitue ni un crime ni un délit mais une simple contravention. Sauf à ce que ce geste soit requalifié en délit d’outrage. Requalification peu probable mais les conséquences politiques risquent d’être lourdes dans le climat politico-social actuel.

    Du côté de l’opposition, Olivier Marleix a répondu au ministre : « Vous avez fréquenté beaucoup de voyous mais c’est plus qu’inapproprié ». Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée a estimé que ces gestes étaient « indignes » de la fonction d’Éric Dupond-Moretti, critiquant les membres du camp présidentiel « qui donnent des leçons de maintien». « C’est à la Première ministre, maintenant, de prendre ses responsabilités » a déclaré Marine Le Pen. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure en appelle également au chef du gouvernement pour engager des sanctions contre le ministre.

    « Il faut qu’on soit exemplaire ». Olivier Véran a réagi, mercredi sur RTL , au tollé provoqué la veille à l’Assemblée nationale, estimant que le garde des Sceaux était un « homme d’honneur qui se bat pour le droit des victimes et qui reconnaît la liberté de pouvoir se défendre, et notamment de défendre la présomption d’innocence ». La Première ministre Élisabeth Borne avait jugé que « ce comportement n’a pas sa place dans l’Hémicycle ».

    L’Assemblée nationale, une chambre (vraiment) basse !

    Il faut dire que ce geste du ministre de la Justice est particulièrement embarrassant pour la majorité présidentielle.

    D’une part, parce qu’il a eu lieu au cours d’une séance où le sujet de « l’exemplarité » des parlementaires était au cœur des discussions ; et d’autre part parce que les députés macronistes n’ont de cesse d’en appeler à la bonne tenue des débats au sein de l’Hémicycle notamment sous l’influence de la Nupes.

    Grossièretés, injures, insultes, ambiance de cour de récréation, l’Assemblée nationale est devenue un immense champ de foire, une zadisation de la chambre basse où l’hystérisation de la vie politique fait reculer un peu plus la démocratie…

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      Retraites : comment le RN a gagné la bataille des oppositions

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 25 February, 2023 - 04:15 · 6 minutes

    Le dernier sondage Ifop pour le JDD paru dimanche est particulièrement éclairant. Le Rassemblement national y est désigné comme le parti politique qui « incarne le mieux l’opposition » à la réforme des retraites pour 25 % des Français, contre 23 pour les Insoumis.

    Une victoire sondagière confirmée par le match de la personnalité politique incarnant le mieux cette opposition. Marine Le Pen (46 %) y dépasse en effet Jean-Luc Mélenchon (43 %).

    Le Rassemblement national sort donc grand gagnant de la fin des débats contre la réforme à l’ Assemblée nationale . De son côté, l’extrême gauche semble abasourdie. Certains notent le manque de véhémence des députés Rassemblement national voire leur absence dans les débats en commission comme dans l’hémicycle.

    Pourtant, ce sondage ne fait que confirmer une situation dont la chambre basse n’est que le théâtre depuis maintenant huit mois : le Rassemblement national a gagné la bataille des oppositions.

    La stratégie du murmure

    Depuis le début du débat sur la réforme des retraites, le Rassemblement national n’a cessé de marquer des points.

    Dès le début de la contestation, il s’est positionné en opposant résolu à la réforme des retraites tout en refusant de faire déborder cette opposition dans la rue où il n’est de toute façon par le bienvenu.

    Les députés Rassemblement national se sont donc concentrés sur les travaux parlementaires, ce qui ne l’a cependant pas empêché d’être très peu productif en termes d’amendements déposés. Sur les 20 000 qui le furent au 2 février, près de 13 000 ont été produits par la gauche. Le Rassemblement national, quant à lui, n’en a déposé que 200 , soit deux fois moins que Renaissance pourtant à l’initiative du texte. Toutes oppositions confondues, le Rassemblement national est donc le parti qui aura déposé le moins d’amendements tout en étant le principal groupe d’opposition.

    Le 15 février, tentant de jouer la carte du pragmatisme, la gauche retire de nombreux amendements pour permettre le vote de l’article 7 , clef de voûte de la réforme puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de celui repoussant l’âge de départ de 62 à 64 ans. Le Rassemblement national anticipe avec une certaine acuité que l’article ne pourra pas être voté mais propose tout de même une motion de censure.

    Sur le fond, comme depuis le début du débat sur la réforme clef du quinquennat, le Rassemblement national se concentre sur sa volonté de soumettre le report de l’âge légal à référendum.

    Le hasard aura fait le reste, puisqu’une seule motion référendaire ne pouvant être discutée, le tirage au sort a désigné celle du Rassemblement national et non de la NUPES. Le texte n’aura été voté que par le groupe mariniste et Nicolas Dupont-Aignan. De son côté la NUPES a refusé de le voter.

    Une stratégie du murmure qui dénote avec le feu et la fureur de l’extrême gauche.

    Une percée historique

    C’est un fait : depuis juin le Rassemblement national est à la surprise générale le premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale.

    Malgré la désunion de la droite radicale entre Rassemblement national et zemmouriens, le premier a réussi l’exploit d’envoyer 89 députés, devenus 88 en janvier dernier suite à la défaite d’une candidate dans la Marne après une législative partielle, au palais Bourbon.

    Début juillet, ce nombre de députés et l’impossibilité pour la gauche de former un groupe unique ont permis au Rassemblement national de devenir le premier groupe d’opposition à l’Assemblée.

    Cette situation lui laissa envoyer deux députés au perchoir en tant que vice-présidents de la chambre basse .

    Comme à son habitude, plutôt que de tenter sincèrement de s’interroger sur les causes de sa propre déchéance, la gauche s’est purement et simplement contentée de pousser des cris d’orfraie , notamment par la voix de Sandrine Rousseau.

    Un Rassemblement national pragmatique

    Ces cris d’orfraie, le Rassemblement national ne s’en embarrasse pas.

    À l’automne, LFI a déposé une motion de censure. À la surprise générale, le Rassemblement national décide de voter comme un seul homme pour le texte pourtant déposé par le bord opposé de l’hémicycle. Les réactions ne se font pas attendre, provoquant même des remous entre Les Insoumis et le Parti socialiste, ce dernier reprochant à son ex-allié d’avoir volontairement mis de côté un paragraphe consacré à l’immigration pour s’attirer les faveurs des marinistes.

    Ces réactions sont à la fois hypocrites et disproportionnées, ce type d’événement étant tout sauf historique puisqu’ une motion de censure commune FN-PS a déjà été votée en 1988 .

    À l’inverse de LFI, le Rassemblement national s’est donc ici positionné comme une opposition travaillant davantage dans l’intérêt des Français que du sien, ce qui est particulièrement fort de café lorsqu’on se souvient de sa tendance à vassaliser tout parti qui tenterait de s’en rapprocher, à la manière du CNIP , du SIEL ou de DLF, parti devenu exsangue après l’appel de son leader à voter pour Marine Le Pen en 2017 et dont les cadres les plus prometteurs sont depuis devenus députés RN, à la manière de Laurent Jacobelli et Jean-Philippe Tanguy.

    Fin d’année dernière, les traditionnelles niches parlementaires ont été une nouvelle occasion pour le Rassemblement national de se normaliser en singeant son principal concurrent populiste . Un terrain sur lequel le RN a volontairement mis de côté ses fondamentaux sur l’immigration et l’insécurité pour se concentrer sur les sujets sociaux et en particulier la réintégration des soignants non-vaccinés, enjeu électoral majeur pour les deux forces souhaitant s’assurer l’électorat contestataire à la politique vaccinale.

    Une diabolisation concomitante

    Mais ces petites victoires obtenues par le finaliste de la présidentielle ne le seraient pas sans le concours involontaire des forces politiques conformistes.

    En effet, si l’expression de « dédiabolisation » est particulièrement éculée s’agissant du Rassemblement national, nous pourrions parler sans crainte d’une « diabolisation » concomitante des forces politiques dites républicaines.

    En effet, qu’elles soient économiques, sociales, sécuritaires ou sanitaires, les différentes crises se sont toujours soldées par une marche ininterrompue, bien qu’à bas bruit, vers une forme d’autoritarisme soft. Chaque crise est l’occasion d’une nouvelle salve de normes et de réglementations attaquant les fondements de la propriété et de la liberté au nom d’impératifs alimentés par la peur et les intérêts électoraux.

    Et ces politiques ont été le fait de partis au pouvoir qui se sont positionnés depuis maintenant un demi-siècle en opposition frontale à l’autoritarisme de l’extrême droite montante.

    Nous avons donc assisté à une relativisation de la menace fasciste par des politiques autoritaristes menées par des forces se présentant comme républicaines.

    Une gauche triple A

    Dans un contexte de flou de plus en plus flagrant entre les forces anticonformistes et les mouvements dits républicains, le Rassemblement national a donc surpassé son principal concurrent insoumis dans le rôle de première force d’opposition.

    LFI l’a largement aidée, l’extrême gauche ayant décidé de résumer sa stratégie d’opposition à un triple A, à la manière de la notation que nous n’atteindrions jamais si nous suivions leur politique : aboyer sur le gouvernement, asphyxier le débat parlementaire puis s’apitoyer de voir la part de gâteau de l’opposition lui passer sous le nez.

    L’avenir de l’opposition se trouve donc du côté droit de l’hémicycle et cela ne devrait pas changer avant quelques temps.

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      Réforme des retraites : Macron face au pays

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Saturday, 4 February, 2023 - 11:18 · 13 minutes

    Si la mobilisation dans la rue et l’opposition à la réforme des retraites grandit, le gouvernement reste pour l’instant inflexible. Une opposition frontale qui risque de durer : la détermination des manifestants s’explique par la dureté des conditions de travail et la certitude que cette bataille sera déterminante pour bloquer l’agenda néolibéral d’Emmanuel Macron. Une analyse partagée par la majorité, ce qui explique qu’elle n’entende rien lâcher. Alors que la bataille se déroule désormais sur deux fronts, le Parlement d’un côté, la rue et les entreprises de l’autre, une défaite des syndicats offrirait un boulevard vers le pouvoir pour l’extrême-droite. Seule une grande vague de grèves peut entraver ce scénario.

    Plus le temps passe et plus l’opposition à la réforme des retraites s’étend. Après une première journée très réussie le 19 janvier, le gouvernement a passé les deux dernières semaines à se prendre les pieds dans le tapis. Arguments contradictoires, refus de toute modification du cœur du projet, tentative de manipulation de l’opinion par un dîner entre Macron et 10 éditorialistes , humiliation du Ministre du travail Olivier Dussopt durant des débats télévisés… Le plan de bataille concocté par les cabinets de conseil et les technocrates a lamentablement échoué. Comme lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, plus les élites font de la « pédagogie », plus les Français s’informent et leur opposition s’étend. Résultat : le 31 janvier, le nombre de manifestants a augmenté de 40% et atteint des niveaux historiques depuis 30 ans avec 2,8 millions de personnes dans la rue selon les syndicats. En parallèle, les sondages successifs indiquent tous une hausse du soutien à la contestation et une colère croissante contre la réforme et le gouvernement .

    Pourquoi la réforme passe si mal

    Si l’issue de la réforme est encore incertaine, la bataille de l’opinion aura donc été gagnée rapidement. Outre les couacs et la suffisance des ministres et des députés macronistes, cette victoire écrasante des opposants s’explique par trois facteurs : l’absence de justification de la réforme, un changement de perception du travail et un contexte de colère sociale latente depuis des mois.

    D’abord, la réforme elle-même. A mesure qu’elle est étudiée sous tous les angles, chacun découvre une nouvelle injustice. On pense notamment aux femmes, pénalisées par leurs carrières souvent incomplètes de l’aveu même du ministre Stanislas Guérini ou au minimum vieillesse à 1200 euros rendu incertain par des « difficultés techniques » (sic). Surtout, la grande majorité des Français a compris que le régime actuel de retraites n’est pas en péril et que cette réforme n’a rien d’inéluctable, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Conseil d’Orientation des Retraites (COR). Les arguments de la gauche, qui propose d’autres méthodes pour équilibrer le système et ramener l’âge de départ à 60 ans, ont aussi réussi à percer : l’augmentation des salaires, la suppression des innombrables exonérations de cotisations , l’égalité de salaires entre les femmes et les hommes, la taxation des patrimoines et dividendes, voire la hausse des cotisations sont d’autres possibilités, bien plus justes que de forcer les Français à travailler deux ans de plus. A force de miser sur le caractère technique de la réforme pour la faire passer, le gouvernement aura finalement réussi à intéresser les citoyens au fond de son projet. Le mépris permanent des macronistes a fait le reste. Comme l’a résumé Richard Ramos, député MODEM (parti membre de la majorité), « la pédagogie c’est dire “j’ai raison, vous êtes des cons ” ».

    Si les Français restent attachés à la « valeur travail », ils sont également 45% à déclarer se lever uniquement pour le salaire.

    Outre le caractère injustifié de la réforme, celle-ci se heurte aussi à un changement de regard sur le travail . Rester deux ans de plus dans l’emploi est d’autant plus impopulaire que cela paraît impossible pour beaucoup. D’abord, il y a ceux qui craignent de mourir avant la retraite . Pour les autres, il faut conserver son poste dans un pays où le taux d’emploi des seniors est particulièrement bas ( 35,5% chez les 60-64 ans ). Un problème sérieux auquel le gouvernement entend répondre par un index, un dispositif qui a déjà montré son inutilité totale contre les inégalités de salaires entre hommes et femmes. En outre, le travail devient plus dur pour beaucoup : le nombre de travailleurs cumulant au moins trois critères de pénibilité physique a triplé depuis les années 80 en raison de l’intensification du travail. La souffrance psychique et les burn-outs ont eux aussi explosé. S’ajoute aussi la crise de sens du travail, un phénomène d’autant plus important ( 60% des actifs sont concernés ) qu’il peut s’expliquer par des facteurs très divers (sentiment d’exercer un « bullshit job », manque de moyens pour bien faire son travail, contradiction avec ses valeurs…). Enfin, ce panorama est complété par une instabilité croissante de l’emploi avec la multiplication des CDD, intérim et autres régimes précaires. Ainsi, si les Français restent attachés à la « valeur travail », ils sont également 45% à déclarer se lever uniquement pour le salaire . Dans ces conditions, on comprend que 93% des actifs rejettent la perspective de se voir confisquer deux années de repos mérité.

    Enfin, cette contre-réforme arrive dans une période de grande tension sociale dans le pays. Alors que les salaires sont rognés par une inflation inédite depuis des décennies, le sentiment de déclin et d’appauvrissement se généralise. Les petits chèques, la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire n’ont en effet pas suffi à contenir la baisse de pouvoir d’achat de la majorité de la population. Pendant ce temps, les multinationales de certains secteurs (énergie, transport maritime, négoce de céréales…) ont réalisé des superprofits colossaux que le gouvernement se refuse à taxer. Un deux poids deux mesures qui a de plus en plus de mal à passer. L’inaction face à la dégradation de plus en plus visible des services publics (santé, éducation, justice) et au changement climatique après un été caniculaire et une sécheresse historique inquiète aussi une grande part de la population, qui craint de laisser un pays « tiers-mondisé » à ses enfants. Ajoutons enfin que les élections de 2022 dont se prévaut le Président de la République pour justifier sa réforme ne lui ont pas donné une grande légitimité : il a en effet été réélu en grande partie par défaut et a perdu sa majorité absolue au Parlement. Dans un tel contexte, l’écrasante majorité de la population ne comprend pas pourquoi cette réforme non nécessaire est une priorité politique.

    Une bataille parlementaire compliquée

    La réponse à cette interrogation est double. D’une part, Macron ne digère toujours pas de ne pas avoir pu aller jusqu’au bout de sa tentative d’attaque du système de retraites en 2020. Son électorat attend d’ailleurs de lui qu’il renoue avec l’ardeur néolibérale dont il faisait preuve jusqu’à la crise sanitaire. Affaibli par les dernières élections, le chef de l’Etat compte sur cette réforme pour indiquer à ses soutiens qu’il ne compte pas se « chiraquiser », c’est-à-dire être un Président plutôt absent et sans cap pour son second mandat. D’autre part, Emmanuel Macron veut achever ce qui reste des Républicains, en les forçant à le soutenir ou à rejoindre Marine Le Pen. Or, la réforme des retraites est depuis longtemps une revendication majeure des élus LR. Macron espère donc leur tendre un piège : soit ils la votent et devront finir par assumer que le locataire de l’Elysée applique leur programme, et donc le soutenir; soit ils ne la votent pas et leur retournement de veste les pulvérisera à la prochaine élection.

    Initialement, ce calcul politique semblait habile. Mais l’ampleur de la contestation inquiète jusque dans les rangs de la Macronie et des LR. Or, 23 défections dans le camp présidentiel ou chez les Républicains suffisent à faire échouer l’adoption du texte à l’Assemblée Nationale. Un scénario possible selon les derniers décomptes menés par Libération et France Inter , qui indiquent un vote très serré. Pour trouver une majorité, le gouvernement n’a donc plus d’autre choix que de menacer les parlementaires : sans majorité, il dégainera l’article 49.3 et envisagera sérieusement de dissoudre la chambre basse . Or, nombre de députés ont été élus par une très fine majorité en juin dernier et craignent de voir leur siège leur échapper. Cette perspective peut les conduire à réfléchir à deux fois avant de rompre la discipline de vote.

    Cette réforme est une occasion en or pour Marine Le Pen de faire croire qu’elle défend les conquêtes sociales, tout en ne prenant aucun risque.

    Pour les deux autres blocs politiques, la NUPES et le Rassemblement National, cette séquence paraît plus simple à aborder : leur opposition au texte les place du côté de la majorité des citoyens. A gauche de l’hémicycle, on se prend à espérer une première victoire majeure contre Macron. Un succès dont l’alliance bâtie hâtivement à la suite des présidentielles aurait bien besoin pour survivre : l’affaire Quatennens, le congrès du PS, les petites polémiques successives et la perspective des élections européennes fragilisent fortement l’union. Une attaque sur un symbole aussi fort dans l’imaginaire du « modèle social » français – ou du moins ce qu’il en reste – offre donc une occasion de tourner la page des derniers mois. Toutes les armes sont donc sorties : réunions publiques en pagaille, participation aux manifestations, tournée des plateaux, tsunami d’amendements…

    Du côté du Rassemblement National, on jubile. Cette réforme est une occasion en or pour Marine Le Pen de faire croire qu’elle défend les conquêtes sociales, tout en ne prenant aucun risque. Le RN doit en effet faire oublier qu’il a voté contre l’augmentation du SMIC et proposé de supprimer des cotisations patronales , ce qui revient à fragiliser la Sécurité sociale dont le système de retraites fait partie. Heureusement pour la dynastie Le Pen, le gouvernement lui a offert une belle opportunité de marquer des points. Ainsi en est-il de la demande de référendum sur la réforme des retraites, une proposition initiée par les communistes, reprise ensuite par la NUPES et le RN : au terme d’une procédure contestable, la défense de cette motion référendaire a été confiée à l’extrême-droite. D’ores-et-déjà, le PS et EELV annoncent qu’ils ne la voteront pas afin de ne pas légitimer le RN. Avant même le vote le 6 février prochain, Marine Le Pen a donc déjà gagné : si cette motion est soutenue par la FI et le PCF, elle pourra affirmer qu’elle est rassembleuse; si les députés de gauche la rejettent, elle pourra les accuser de sectarisme et de malhonnêteté.

    L’urgence d’une grève générale

    Pour chacun des trois blocs politiques majeurs, la bataille des retraites est donc décisive. Du côté de la Macronie, arriver à passer en force contre les syndicats et la majorité de la population sur un sujet aussi essentiel serait une victoire comparable à celle de Margaret Thatcher contre les mineurs britanniques en 1984 . Le pouvoir espère qu’une telle démonstration de force permettra de réinstaurer un climat de résignation et de nihilisme pour un moment, lui permettant de terminer son œuvre de destruction du pays. Dans le cas où ce scénario deviendrait hors de portée, Macron a cependant élaboré un plan B : la dissolution de l’Assemblée. « Au mieux, ce serait l’occasion de retrouver une majorité absolue dans l’hémicycle. Au pire, le Rassemblement national (RN) remporterait une majorité de sièges » estime le camp présidentiel . Macron ne paraît pas très inquiet par cette seconde éventualité : si Marine Le Pen accepte Matignon, il espère que cela l’affaiblira; si elle refuse, il pourra affirmer qu’elle ne veut pas le pouvoir ou n’est pas capable de l’exercer.

    Si ce scénario est évidemment risqué, le chef de l’Etat sait que son camp a tout intérêt à affronter l’extrême-droite au second tour. Il espère donc la renforcer juste assez pour qu’elle passe devant la gauche au premier tour, puis la battre au second. Ce calcul cynique convient très bien à Marine Le Pen, puisqu’il la renforce sans qu’elle n’ait besoin de faire de grands efforts. La cheffe des députés RN a également un discours bien rodé en cas de passage de la réforme : comme avec la NUPES dans l’hémicycle, elle n’hésitera pas à accuser les syndicats d’incompétence et d’hypocrisie, en arguant que ceux-ci ont appelé à la faire battre au second tour. La combinaison de cette délégitimation du mouvement syndical et de la gauche avec la colère de Français exaspérés par la dégradation de leur niveau de vie lui offrirait alors un boulevard vers l’Elysée.

    Le mouvement social compte un soutien de poids : l’opinion. 64% des Français tiendraient le gouvernement pour responsable en cas de blocage du pays.

    Ainsi, au-delà de la protection d’une conquête sociale majeure, la bataille actuelle risque de peser lourd dans la prochaine élection présidentielle. Casser la relation vicieuse de dépendance mutuelle entre le bloc bourgeois et l’extrême-droite nécessite une victoire du mouvement social contre cette réforme. Si la mobilisation des députés dans l’hémicycle et des manifestants dans la rue constitue deux points d’appui importants, ils risquent cependant de ne pas suffire. Au Parlement, le temps contraint du débat, le probable retour à la discipline de vote chez Renaissance et LR et la possibilité d’un 49.3 laissent peu d’espoirs. Dans la rue, la mobilisation considérable est encourageante, mais elle risque de s’étioler au fil des semaines et la répression – pour l’instant très faible – peut faire rentrer les manifestants chez eux.

    Seules de grandes grèves peuvent faire plier le gouvernement : si les salariés ne vont plus travailler ou que l’approvisionnement des entreprises est remis en cause, le patronat se retournera contre le gouvernement, qui n’aura d’autre choix que de reculer. Pour l’instant, les syndicats se montrent plutôt timides, préférant des « grèves perlées » environ un jour par semaine à des grèves reconductibles. Bien sûr, l’inflation et l’affaiblissement du mouvement ouvrier rendent l’organisation de grèves massives plus difficile que par le passé . Mais le mouvement social compte un soutien de poids : l’opinion. Selon un récent sondage, 64% des Français tiendraient le gouvernement pour responsable en cas de blocage du pays . Un tel chiffre étant particulièrement rare, les syndicats ont tout intérêt à s’en saisir. En outre, des actions comme le rétablissement de l’électricité à des personnes qui en ont été coupé pour impayés ou sa gratuité pour les services publics conforte l’appui des Français à la lutte des salariés. Après la victoire de la bataille de l’opinion et du nombre dans la rue, il est donc temps de passer à l’étape supérieure : la grève dure. Face aux tactiques immorales du gouvernement et de l’extrême-droite, cette stratégie apparaît désormais comme la seule capable de les faire battre en retraite.

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      Niche parlementaire RN : face à LFI, la stratégie du plagiat

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 13 December, 2022 - 04:15 · 5 minutes

    Se dirige t-on vers un partage des tâches électorales au RN ?

    Au nouveau président du mouvement, Jordan Bardella , les habituelles marottes de l’immigration, de l’identité et de la sécurité, tandis que Marine Le Pen la présidente du groupe à l’Assemblée nationale reprend les sujets plus sociaux.

    La niche parlementaire du parti, prévue début janvier, en est une illustration, alors que le RN continue sa stratégie de normalisation qui sonne la fin du combat idéologique pour le parti populiste au profit d’une stratégie du coup médiatique et démagogique allant jusqu’à singer purement et simplement les Insoumis.

    Un espace de liberté parlementaire

    Qu’est-ce qu’une niche parlementaire ?

    Comme son nom l’indique, il s’agit d’un espace protégé accordé aux groupe d’opposition et minoritaires aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Les groupes d’opposition peuvent choisir les textes examinés lors de l’ordre du jour dont la fixation est régie par l’ article 48 de la Constitution .

    Dans un régime aussi fermé que la Cinquième République, une telle procédure est plus qu’étonnante. Pour cause, jusqu’en 1995, le gouvernement était maître de l’ordre du jour. La révision constitutionnelle du 4 août 1995 ouvre la possibilité pour les parlementaires de choisir l’ordre du jour une fois par mois.

    Avec la révision constitutionnelle de 2008, le gouvernement ne peut plus fixer l’ordre du jour des chambres que deux semaines par mois.

    La foire aux coups médiatiques

    Ces niches relèvent d’une culture de compromis démocratique très contre-intuitive pour nos institutions au point que nos élus n’en font pas un espace de coconstruction mais un outil de coups médiatiques, comme la question de la corrida initialement prévue dans la niche LFI, ou l’introduction de l’ IVG dans la Constitution , votée dans ce cadre fin novembre.

    Or, très peu sont les textes qui aboutissent : d’une part, du fait du caractère évidement minoritaire des textes et d’autre part parce qu’ils sont généralement soumis à une obstruction parlementaire quasi-systématique.

    Une niche RN début janvier

    Sur les neuf mois de session parlementaire, un jour par mois est dévolu aux différents groupes.

    Pour la session 2022-2023, les niches sont réparties dans l’ordre suivant : Modem (6 octobre), insoumis (24 novembre), LR (1er décembre), RN (12 janvier), socialistes (9 février), Horizons (2 mars), écologistes (6 avril), communistes (4 mai) et centristes (8 juin).

    Début janvier, c’est donc le RN qui devrait bénéficier de la niche parlementaire, l’occasion pour les marinistes de faire un nouveau coup politique.

    Une niche très rouge

    Une niche d’une dizaine de textes à la tonalité très sociale car outre une proposition sur la présomption de légitime défense des forces de l’ordre – idée déjà incluse dans le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2012 – et une autre sur les uniformes à l’école , la plupart des textes proposés par les députés marinistes n’ont rien à envier à leurs collègues situés à l’opposé dans l’hémicycle.

    On notera ainsi une hausse de 10 % des salaires jusqu’à trois SMIC par réduction équivalente des cotisations sociales – renforçant ainsi la trappe à SMIC décrite depuis plusieurs années. Sur le plan social, le RN évoque également une réforme de la taxe d’ordures ménagères et la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), déjà en place dans onze métropoles, un nombre qui sera multiplié par quatre d’ici 2025. Ces zones restreignent la circulation aux véhicules disposant d’une vignette Crit’Air 3 et plus, soit des véhicules appartenant à des ménages à faibles revenus, ce qui fait que ces ZFE ont été surnommées « Zones à fortes exclusions (sociales) », s’apparentant ainsi à une forme d’apartheid social.

    Ces textes s’ajoutent à deux autres, qui n’ont guère été du goût des députés LFI.

    Le premier est la proposition de loi de réintégration des soignants non-vaccinés , retirée de la niche insoumise après sa reprise par les marinistes.

    Mais la reprise la plus commentée reste celle de la proposition de loi de la sénatrice centriste Valérie Létard et votée à l’unanimité à la chambre haute le 20 octobre dernier relative à l’ instauration d’une aide universelle d’urgence contre les violences conjugales . La proposition vise à instaurer un prêt à taux zéro pour les victimes de la grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

    La tentative de récupération du RN n’aura été que de courte durée puisque la conférence des présidents de groupe décidera de finalement mettre le texte à l’ordre du jour de la semaine du 16 janvier, hors de toute niche parlementaire.

    Une normalisation facile

    Après le piège du vote de la motion de censure NUPES par les députés RN il y a quelques semaines, le Rassemblement national continue sa stratégie de normalisation par ce qui s’apparente faussement à de la fine stratégie politique.

    Faussement, car de la même manière que le vote conjoint d’une motion de censure entre la gauche et les lepenistes fin octobre n’avait rien d’original ni d’historique , la composition de la niche parlementaire RN en dit davantage sur le parti que sur ses adversaires aux réactions pavloviennes aussi ridicules que prévisibles.

    Singer LFI

    Car sous ce qui est vendu comme une action d’union nationale, le RN montre qu’il aspire désormais à l’emporter électoralement en singeant grossièrement les Insoumis considérés comme ses principaux concurrents.

    En raisonnant en termes purement économiques, le Rassemblement national cherche ses parts de marché dans l’électorat LFI au prix de mesures démagogiques rappelant les heures sombres du programme commun.

    Cette démagogie met totalement de côté le combat intellectuel et idéologique délaissé aux zemmouriens.

    Dans sa quête obsessionnelle de normalisation, le Rassemblement national a donc décidé d’utiliser le peu de liberté parlementaire que la Constitution lui accorde pour continuer de mener des coups médiatiques visant à singer son principal concurrent jusqu’à ses mesures les plus démagogiques.

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      Réintégration des soignants non-vaccinés : nouvel imbroglio au sein de la NUPES

      Laurent Sailly · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 10 December, 2022 - 04:00 · 4 minutes

    Les députés La France Insoumise ont annoncé mercredi retirer leur proposition de loi sur la réintégration du personnel non-vacciné des établissements de santé, un texte que le Rassemblement national avait accepté d’inscrire à l’agenda de sa journée réservée à l’Assemblée en janvier. Les deux parties se renvoient la balle sur leur projet partagé de réintégration des soignants non-vaccinés, chacun accusant l’autre de coups tordus.

    En reprenant dans sa propre niche parlementaire la proposition de loi LFI sur la réintégration des soignants non-vaccinés contre le covid, le RN a tenté mardi un coup politique, semant la zizanie au sein de l’alliance Nupes, où Parti socialiste et Parti communiste notamment ont aussitôt réclamé le retrait du texte.

    Devant la presse à l’Assemblée, la députée LFI Caroline Fiat venait d’annoncer qu’elle acceptait de soutenir sa proposition de loi sur la réintégration des soignants non-vaccinés dans le cadre de la niche parlementaire du RN prévu le 12 janvier :

    « Le RN m’offre du temps parlementaire ! », se réjouissait-elle.

    « Sur ces sujets, on doit être capable de passer au-delà d’une vision partisane et juste politicienne », affirmait Marine Le Pen un peu plus tôt dans la journée, toujours en quête de respectabilité.

    Ce n’est pas la première fois que le RN met la gauche dans l’embarras : lors du vote de la première motion de censure LFI contre le gouvernement, dans le cadre du budget, le parti de Marine Le Pen s’était rallié contre toute attente à ce texte, divisant l’alliance de gauche et offrant clé en main un angle d’attaque à la macronie sur une prétendue collusion LFI/RN.

    Très favorables au retour des soignants non-vaccinés, les députés RN estiment que le texte insoumis porté par la députée Caroline Fiat et qui n’avait pas pu être adopté faute de temps, « aurait pu faire l’objet d’un vote positif d’une majorité de députés en janvier prochain. »

    La macronie s’est aussitôt engouffrée dans la brèche :

    « Nous pensions que les digues sauteraient d’abord entre la droite et l’extrême droite. Mais c’est bien l’extrême gauche et la Nupes qui franchissent une nouvelle étape dans leur lune de miel avec les lepénistes », a lancé sur Twitter Stéphane Séjourné, le chef du mouvement présidentiel.

    « Quand le RN tend un piège, le mieux est de ne pas sauter dedans à pieds joints. À aucun moment et sous aucun prétexte, il ne peut y avoir de confusion entre la gauche et l’extrême droite », assène le député Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, sur Twitter. À quelques semaines du congrès du Parti socialiste, où il sera confronté à deux candidats opposés à l’alliance avec LFI, Olivier Faure réclamait que les insoumis « prennent une décision qui permette de ne pas laisser l’idée qu’il puisse y avoir une confusion » entre le RN et la gauche. Ses opposants internes ont d’ailleurs rapidement dénoncé le « populisme » et « une confusion funeste. »

    « Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’accord de notre groupe avec l’extrême droite », a insisté mercredi le groupe des députés insoumis dans son communiqué, dénonçant des « mensonges inacceptables » à ce sujet. « Le groupe LFI retire son texte usurpé par le RN. La frontière est claire », a souligné sur Twitter Jean-Luc Mélenchon.

    Dans un communiqué envoyé mercredi matin, le groupe LFI expliquait que « les soignants suspendus n’ont pas vocation à servir les coups de communication du RN », et qu’il déposerait « une nouvelle proposition de loi » sur le sujet. Et de souligner que ces « mensonges sont particulièrement insupportables le jour où la macronie et le Rassemblement national votent ensemble une loi sur la sécurité intérieure, après avoir voté ensemble la semaine dernière une loi anti-locataires. »

    Dénonçant « une basse reddition politicienne », le RN a accusé LFI de « passer ses intérêts politiciens avant l’intérêt général ».

    « LFI aurait pu abandonner leurs intérêts boutiquiers et politiciens pour défendre sincèrement les intérêts des soignants », soupire le député Sébastien Chenu.

    Ce sont les Insoumis et le RN qui ont monté de toutes pièces ce qui est un non-sujet. Les soignants non-vaccinés représentent en effet un effectif de quelques milliers d’infirmiers et de quelques dizaines de médecins selon les décomptes du ministère de la Santé. Comment LFI ou le RN peuvent-ils à la fois dénoncer l’incurie du gouvernement sur l’état du système hospitalier et considérer que quelques centaines de bras en plus permettraient de soulager un hôpital sous haute tension ? En fait, depuis des mois les soignants suspendus servent la communication des deux extrêmes. Ce n’est rien d’autre qu’un calcul politicien.

    Mais cet imbroglio est malgré tout venu relancer le débat qui existe au sein du groupe Nupes sur la ligne à adopter face aux textes du Rassemblement national.

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      Le retour en grâce du contrôle des prix

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 1 December, 2022 - 17:13 · 8 minutes

    Le maintien de la stabilité des prix constitue le cœur du mandat des banques centrales. Mais les caractéristiques de l’inflation actuelle, causée par la hausse des prix l’énergie, place les autorités monétaires dans l’inconfort . Celles-ci sont en effet moins bien outillées pour faire face à des chocs d’offre qu’à des chocs de demande. À l’image du bouclier tarifaire français, du Inflation Reduction Act de l’administration Biden et des débats en cours au niveau européen pour plafonner le prix de l’énergie, les incursions des autorités budgétaires dans le domaine réservé des banques centrales se multiplient, jusqu’à réhabiliter une notion que d’aucuns qualifieraient de désuète : le contrôle des prix. Pourtant honni par les modèles micro-économiques classiques et jugé inefficace pour lutter contre l’hyperinflation des années 1970, le contrôle des prix retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesse. Un retour qui fait écho à un autre épisode de l’histoire économique : le « Emergency Price Control Act » de 1942, par lequel l’administration Roosevelt a bloqué les prix des produits de première nécessité pour accompagner l’effort de guerre. Article du think-tank Hémisphère Gauche, publié sur Alternatives Economique s.

    Une inflation par l’offre qui alimente le risque de récession

    L’inflation que connaît actuellement la zone euro est tirée par des facteurs d’offre. Contrairement à une inflation par la demande (c’est-à-dire une augmentation des salaires nominaux ou une politique de crédit expansionniste à volume de production égal), l’inflation actuelle a pour origine l’augmentation du coût des intrants, en particulier celui de l’énergie.

    Selon Eurostat, en glissement annuel, l’inflation s’établit à 9,1 % en zone euro en août. Mais sa décomposition reflète des différences importantes entre items : l’augmentation de l’indice des prix atteint 38,3 % pour l’énergie contre seulement 3,8 % pour les services. L’affaiblissement de l’euro face au dollar à un point bas historique renforce cette dynamique : les biens importés en dollar, dont l’énergie, voient leurs prix augmenter.

    Source : Eurostat

    Malgré l’augmentation des salaires nominaux, ceux-ci peinent à suivre l’inflation. Ainsi, les revenus réels s’effondrent en zone euro, laissant présager une chute de la demande adressée aux entreprises. La survenance d’une récession paraît dorénavant inévitable : l’agence de notation Fitch Ratings prévoit une diminution de 0,1 % du PIB de la zone euro en 2023.

    Dans l’UE, conformément à l’article 127 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’objectif principal de la Banque centrale européenne (BCE) est de maintenir la stabilité des prix. C’est seulement sans préjudice de cet objectif que la BCE peut également apporter son soutien aux politiques économiques générales de l’Union, dont le « plein emploi » (article 3 du TUE).

    L’inflation que connaît actuellement la zone euro et qui perdure depuis le début de la guerre en Ukraine incite la BCE à agir. L’objectif de 2 % contenu dans sa stratégie de politique monétaire doit rester le point d’ancrage des anticipations d’inflation. Or, il existerait un risque de désencrage, y compris parmi les « financially litterate people ». Selon Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE , cela oblige l’autorité monétaire à prendre ses responsabilités, au risque sinon d’être discréditée dans son objectif de stabilité des prix et d’enclencher un cycle d’inflation auto-entretenu. C’est en ce sens que la BCE a relevé ses taux directeurs de 0,75 point le 27 octobre, puis à nouveau de 0,75 point le 2 novembre ; des niveaux inédits depuis 2008.

    Des banques centrales en zugzwang

    En renchérissant le loyer de la monnaie, la banque centrale retire un soutien important à l’économie européenne alors qu’une récession approche probablement. D’où l’expression de « zugzwang » employée par l’économiste Daniela Gabor dans une tribune dans le Financial Times , qui se rapporte à une situation aux échecs, où un joueur est obligé de jouer un coup qui le fera nécessairement perdre ou dégradera sa position.

    C’est finalement la situation peu enviable dans laquelle se trouve la BCE, obligée d’augmenter les taux pour répondre à son mandat, au risque de provoquer ou d’aggraver la récession. Se pose alors la question du contrôle des prix, en particulier des biens de première nécessité, pour lutter contre l’inflation tout en préservant l’activité économique. Une manière pour les gouvernements de venir en appui à la banque centrale, en s’attribuant un objectif de stabilité des prix sans assécher l’accès au crédit.

    Le contrôle des prix : une mesure hasardeuse ?

    Pour quiconque dispose de notions basiques de microéconomie, le contrôle des prix inspire peu confiance. En fixant un prix au-dessous du prix du marché, le contrôle des prix éloigne des producteurs du marché. Cela se traduit au global par une perte sèche pour l’économie, malgré un effet redistributif a priori favorable aux consommateurs, qui affecte les producteurs (moins de ventes signifie moins de revenus pour les offreurs), mais également les consommateurs (une partie de la demande, à savoir les consommateurs prêts à accepter un prix supérieur au prix fixé, devient non-satisfaite).

    Courbes d’offre (S) et de demande (D) sur un marché avec une demande inélastique et une offre contrainte.

    Outre l’approche théorique, des expériences historiques tendent à discréditer le recours au contrôle des prix. C’est le cas du gel du prix de l’essence instauré aux États-Unis sous l’administration Nixon en 1971, lors de l’abandon des accords de Bretton-Woods. Cette mesure est vue comme un échec , tant elle est associée à des pénuries et de multiples déboires bureaucratiques. En France, le contrôle des prix défendu par Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle 2022, et aujourd’hui par la NUPES, est parfois décrit comme une proposition irréaliste, une sorte de fantasme d’extrême-gauche inapplicable en réalité.

    Il apparaît cependant que le marché des biens de première nécessité présente des caractéristiques particulières, qui justifie dans certaines circonstances de recourir au contrôle des prix. Comme le montre l’économiste Sam Levey , dans le cas du marché de l’énergie, la demande (D) est plus pentue que sur un marché classique. L’énergie constitue en effet le bien de consommation inélastique par excellence : une forte variation du prix n’a qu’un impact négligeable sur la variation de la consommation d’énergie, car celle-ci répond à des besoins de première nécessité. Côté offre (S), la quantité produite n’augmente pas fonction du prix, car la production est techniquement contrainte à court terme. Les hausses de prix reflètent en revanche la position de rente des producteurs, si bien que le blocage des prix peut conduire à une redistribution du surplus très largement favorable aux consommateurs, pour une perte sèche globale limitée.

    Les conditions d’un contrôle des prix réussi

    Face au dilemme des banques centrales, des économistes et chercheurs de renom se sont interrogés publiquement sur le recours au contrôle des prix. La guerre en Ukraine, et ses effets sur le prix du gaz en Europe, a rebattu profondément les cartes d’un débat qui jusque-là donnait très peu de crédit aux partisans d’une intervention directe sur les prix.

    Ainsi même Paul Krugman (prix Nobel d’économie 2008, ndlr), au départ très critique, se montre dorénavant plus ouvert à l’idée d’un contrôle des prix dans le contexte européen. Laisser les forces du marché opérer l’ajustement par les quantités lui paraît « grotesquement inéquitable », au sens où, pendant ce temps, les profits colossaux engrangés par les producteurs d’énergie se font sur le dos des familles et des entreprises. Si reverser des chèques ciblés aux ménages paraît tentant sur le papier, Krugman souligne qu’à revenu égal, des ménages peuvent avoir des besoins énergétiques diamétralement différents – rendant cette solution complexe à mettre en œuvre. D’où le recours nécessaire des démocraties au contrôle des prix en temps de guerre.

    Isabella M. Weber et Meg Jacobs ont quant à elles publié une tribune dans le Washington Post en août 2022 explicitement favorable au contrôle des prix. Elles reviennent sur l’expérience du « Emergency Price Control Act » de l’administration Roosevelt pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour les auteures, l’efficacité du contrôle des prix dépend d’une mobilisation entière de l’économie autour d’un discours politique clair et cohérent. Ceci expliquerait la réussite de la méthode Roosevelt dans la lutte contre l’inflation, à rebours du contrôle des prix opportuniste à la Nixon qui n’y aurait eu recours qu’à des fins électorales. Or le choc inflationniste actuel provoquerait selon elles un momentum rooseveltinen susceptible de coaliser des groupes sociaux hétérogènes – les ménages modestes et les entreprises puissantes fondées sur un modèle low-cost – autour de la lutte contre l’inflation.

    L’argumentation dans cet éditorial paraît pour le moins légère : difficile de croire que l’échec ou la réussite d’un contrôle des prix ne tienne qu’à des considérations d’économie politique ou à la personnalité des décideurs. En ce sens, le texte ne rend pas hommage à la profondeur du travail mené par Isabella M. Weber sur le modèle de développement chinois, qui a reposé sur une ouverture lente et progressive de ses marchés, à l’opposé de la « thérapie de choc » appliquée dans les pays d’ex-URSS.

    Cette contribution a néanmoins le mérite de mettre en lumière un épisode méconnu de l’histoire américaine – le contrôle des prix de Roosevelt – qui nous invite à comparer les bénéfices et coûts engendrés par les outils classiquement recommandés face à l’inflation comme la hausse des taux directeurs et la baisse de la dépense publique, par rapport à des mesures alternatives mais plus efficaces dans certaines circonstances.

    Une ode à l’ouverture intellectuelle, en somme : le débat académique doit toujours montrer aux citoyens et décideurs politiques l’étendue des choix possibles.

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      Malgré eux, les médias et les gauchistes font campagne pour le RN

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 8 November, 2022 - 08:30 · 5 minutes

    Émoi (encore un) dans l’hémicycle : un député Rassemblement National aurait dépassé les bornes des limites et se serait vautré avec emphase dans les heures les plus sombres de notre histoire politique avec de vrais morceaux de racisme dedans. Pour ajouter l’insulte à l’injure, la presse s’est jointe à la mêlée pour y ajouter une dose de propagande.

    La petite phrase défraye la chronique paresseuse des folliculaires médiocres : alors que Carlos Martens Bilongo, député France Insoumise d’origine congolaise, évoquait la question des migrants provenant d’Afrique arrivant par bateaux replets sur nos côtes, le député Rassemblement National Grégoire de Fournas a lancé un « Qu’ils retournent en Afrique » , immédiatement interprété par quelques collègues du groupe NUPES comme insulte raciste à l’égard du député de leur rang (en modifiant alors la phrase avec un singulier bien commode). En embuscade depuis des mois, ils tenaient enfin leur dérapage du RN !

    Malgré les démentis du député RN, malgré la prise de note du greffe de l’Assemblée qui ne laisse aucun doute du pluriel, malgré l’enregistrement vidéo des débats qui n’en laisse pas non plus, l’ensemble des députés LFI s’est levée comme un seul homme-soja pour hurler au racisme. Peu importe ici que la race n’était nullement évoquée, les couinements stridents des clowns habituels sous-vitaminés ont rapidement empli l’hémicycle.

    Cris qui n’ont pas manqué d’attirer les saprobiontes habituels de la presse subventionnée, et qui se sont relayés pour ne surtout pas expliquer les tenants et les aboutissants de cette consternante non-affaire afin d’en faire mousser les aspects les plus ridicules et qui l’ont immédiatement relatée au mieux par sous-entendus lourds d’implications comme dans Les Échos exclu 15 jours de l’Assemblée nationale après des propos jugés racistes » ), ou au pire en racontant ouvertement des salades et sombrant dans l’infox la plus crasse comme chez les scribouillards du journal Le Monde suspendu de l’Assemblée nationale pour un propos xénophobe » ).

    Signalons la présence de plus en plus rare de quelques journalistes qui tentent de faire leur travail et rappellent qu’en réalité, l’Assemblée n’a noté aucun propos raciste ou xénophobe et n’a pas sanctionné le député RN pour ceux-ci mais pour « manifestation troublant l’ordre » de l’Institution, ce qui permet d’apprécier à sa juste valeur nulle les productions pénibles des coprophiles médiatiques précédemment cités.

    Le tableau, déjà navrant, n’aurait pas été complet sans l’intervention supplémentaire des insignifiants appendices parlementaires de la majorité.

    Bondissant comme des hyènes sur un repas facile, les députés macronistes de « Renuisance ! » n’ont pas tardé à récupérer rapidement le courroux artificiel des gauchistes en pleine apoplexie dans une manœuvre suintante de politicaillerie minable : remonter durablement le bourrichon des idiots utiles d’extrême gauche et abonder dans leur sens garantit qu’une prochaine et inévitable motion de censure ne saura être votée conjointement par NUPES et RN, assurant les coudées franches au gouvernement Borne pour lequel les serpillières des Républicains ne sont déjà plus une menace.

    Au passage, on notera que les mêmes invertébrés macronistes, englués dans leur anti-fascisme en carton, n’ont aucun problème pour laisser la France voter, ce 4 novembre, contre une résolution destinée à combattre la glorification du nazisme aux Nations-Unies. Comprenne qui pourra.

    Bref, tous les éléments ont été rassemblés pour aboutir sans la moindre surprise à une condamnation et poser une sanction rapidement actée : voilà le député Fournas suspendu pour 15 jours.

    Cependant, si elle a peut-être quelques maigres effets positifs pour les magouilles macronesques, toute cette agitation n’en entraîne pas moins des conséquences franchement négatives pour toute la classe politique : non seulement beaucoup de Français sont conscients de l’écart existant entre le réel et les agitations théâtrales de La France insoumise et comprennent que cette affaire est montée de toutes pièces, mais surtout, tous se rendent compte de l’énorme décalage entre leurs préoccupations quotidiennes et le spectacle parfaitement ridicule offert encore une fois et à cette occasion par l’Assemblée nationale.

    Cela se traduit d’ailleurs très concrètement dans les baromètres politiques qui indiquent assez clairement que l’actuel exécutif et l’extrême gauche ne parviennent pas franchement à déclencher de l’enthousiasme : à côté d’un Macron systématiquement autour d’un gros tiers – ce qui dénote au mieux d’une constance assez peu crédible de l’opinion publique ou au pire d’une manipulation statistique qui parvient à ce résultat quoi qu’il puisse se passer – on ne peut s’empêcher de noter la montée de la droite et de l’extrême droite, que ces dernières clowneries parlementaires ne risquent pas d’amoindrir.

    Au contraire : dans ce paysage politique pathétique et d’après ce qu’en disent ces sondages d’opinion, le Rassemblement national est le seul parti apparaissant comme une force d’opposition à peu près en prise avec l’opinion publique majoritaire.

    Le chahut grotesque provoqué par la NUPES (sur ces sujets et les autres), suivi d’un « rassemblement de soutien » tout aussi ridicule au député Martens Bilongo devant l’Assemblée le lendemain, la victimisation outrée sur les plateaux télé, la sanction excessive et contradictoire du député Fournas, tout cela fait directement monter la popularité de ce dernier et de son parti, le soutien des députés macronistes à la NUPES achevant de polariser encore un peu plus l’opinion contre eux.

    Il n’y a ici pas de surprise : pendant que le pays est en train de s’effondrer économiquement, que la crise énergétique commence à prendre de l’ampleur et se traduit déjà par des faillites d’entreprises , les élus montent en épingle des propos sans intérêt relayés ensuite goulûment par ce qui se fait de pire en matière de production journalistique.

    Ces médias et ces politiciens attisent à grands moulinets de bras les feux d’un populisme qui va les emporter.

    Sur le web

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      Pour l’extrême gauche, la liberté est toujours pour demain

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 November, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    Les grandes illusions idéologiques (marxisme, fascisme, nazisme) ont à peu près disparu. Mais une radicalité de gauche (écologisme radical, intersectionnalité, wokisme, racialisme, dévoiement du féminisme) est apparue, qui n’a apparemment aucune des caractéristiques des anciennes idéologies.

    Il s’agit de mouvances intellectuelles disparates que la notion d’intersectionnalité permet d’unifier. En récupérant le concept d’analyse systémique à des fins purement politiciennes, l’intersectionnalité étudie les interrelations entre les facteurs de domination. Le capitalisme , le colonialisme, le racisme, le patriarcat se conjugueraient au détriment de dominés : travailleurs, non-Blancs ou racisés, migrants, femmes, etc.

    Des contradictions fondamentales

    Mais il ne suffit pas de prétendre qu’il existe un système de domination pour rassembler. Cette extrême gauche reste donc hétérogène structurellement et hétéroclite intellectuellement. Elle est traversée de contradictions majeures concernant les travailleurs, les femmes, les Blancs.

    Voici quelques exemples de ces contradictions ou approximations.

    Il faut élever le niveau de vie des travailleurs, mais sans croissance économique car la croissance nuit à l’environnement et à la biodiversité. Il est donc nécessaire de « prendre aux riches » pour donner aux pauvres, autrement dit redistribuer, vieille antienne socialiste. Mais l’expérience historique prouve qu’appauvrir massivement les riches par un processus révolutionnaire a toujours appauvri la société entière. Seule la croissance enrichit l’ensemble de la population.

    La libération des femmes suppose que celles-ci accèdent effectivement à tous les postes de responsabilité et bénéficient de la même liberté que les hommes dans tous les domaines. Les progrès ont été considérables depuis un siècle, mais uniquement en Occident. Rappelons que le pantalon était interdit aux femmes dans l’espace public en France au XIXe siècle. Cependant, pour la radicalité de gauche, il ne faut surtout pas stigmatiser les femmes voilées , pourtant victimes du patriarcat le plus archaïque. Bien qu’affublées d’une tenue vestimentaire de propagande idéologique en faveur de l’islamisme, les femmes voilées doivent pouvoir accéder à toutes les fonctions dans les pays occidentaux : médecine, enseignement, magistrature, etc.

    La défense systématique des minorités exclut le peuple juif, pourtant fortement minoritaire si on le compare numériquement aux musulmans. L’ islamo-gauchisme cultive une forte ambiguïté face au terrorisme islamiste qui le conduit vers l’antisionisme puis, de proche en proche, vers l’antisémitisme.

    Les Blancs sont historiquement les principaux prédateurs des ressources naturelles car ils appartiennent généralement aux peuples riches. Ce sont des dominateurs et des colonialistes à combattre. Mais la démocratie et les concepts de liberté politique et économique sont nés dans les sociétés blanches d’Occident. Le « mâle blanc dominateur » a donc inventé la liberté.

    De la lutte pour la justice à l’instauration de la terreur

    Il faut aller plus loin et mettre en évidence la fascination historique pour les pouvoirs forts de l’extrême gauche. Elle se réclame de la justice et de l’égalité mais n’accorde à la liberté qu’une place modeste. Lorsqu’elle accède au pouvoir, la liberté disparaît totalement. C’est le règne de la terreur, de la dictature ou du totalitarisme.

    Voici quelques exemples historiques.

    Sous la Révolution française de 1789, la bourgeoisie au pouvoir entendait bâtir un monde nouveau et plus égalitaire dans lequel les ordres (noblesse, clergé, tiers état) auraient disparu. On ne peut que souscrire à ce projet, mais les révolutionnaires les plus extrémistes, rassemblés dans le Club des Jacobins, admirent que la terreur était nécessaire pour réaliser ce projet. Quelques guillotinés innocents ne devaient pas compter puisqu’il s’agissait surtout de ci-devant nobles. Les droits de la défense, l’instruction objective et contradictoire devaient donc être écartés au profit de tribunaux d’exception multipliant les condamnations à mort.

    La révolution russe de 1917, fondée idéologiquement sur le marxisme-léninisme, offre un autre exemple. Le marxisme -léninisme comporte un élément majeur : la dictature du prolétariat. Pour parvenir à la société sans classes et éradiquer la bourgeoisie exploiteuse des travailleurs, une phase de dictature avec parti unique est nécessaire. La liberté ne peut en effet exister vraiment que lorsque le mal a été vaincu et c’est au Parti communiste et à lui seul de s’en charger. Cela donne l’URSS, le Goulag et ses millions de morts, l’Holodomor en Ukraine et à nouveau ses millions de morts.

    Mao Tsé-toung ou Mao Zedong (1893-1976) entendait libérer la Chine des chaînes ancestrales. Il parvient à conquérir le pouvoir en 1949. Son action se fonde sur l’idéologie marxiste-léniniste mâtinée de réflexions personnelles. On qualifiera cette idéologie de maoïsme . L’ambition de libération du peuple chinois aboutit après sept décennies de pouvoir à la société la plus totalitaire de la planète avec la Corée du Nord.

    Consternante duplicité

    La consternante duplicité de l’extrême gauche n’a évidemment pas disparu aujourd’hui. Elle se réclame de la liberté mais la réduit à néant dès que possible. Cette constante historique de la radicalité de gauche subsiste dans le wokisme , l’intersectionnalité, le féminisme et l’ écologisme . Les plus extrémistes considèrent toujours que la liberté d’autrui est un obstacle à la mise en œuvre de la doxa.

    Ainsi, la cancel culture (culture de l’annulation) consiste à livrer à la vindicte publique une personnalité parce qu’elle pense ou agit mal. Les réseaux sociaux numérisés jouent le rôle principal dans la diffusion des invectives et menaces. De grands intellectuels français ( Alain Finkielkraut , Pascal Bruckner , Michel Onfray , etc.) ont été cloués au pilori médiatique et ont parfois dû se défendre en justice. Mais le temps de la justice se compte en années et celui des médias en jours. La justice arrive trop tard.

    Le cas-type le plus médiatisé aujourd’hui concerne des hommes accusés d’abus sexuels à l’égard de femmes. La domination masculine a, de fait, conduit à des comportements masculins abusifs et violents au cours de notre histoire. Ils persistent aujourd’hui et il convient de saisir la justice des nombreuses questions passées sous silence dans le passé. Mais les féministes les plus radicales vont plus loin et voient parfois l’homme comme une sorte d’ennemi à combattre qu’il convient d’annihiler médiatiquement.

    Avant toute intervention judiciaire et débat contradictoire sur la base de preuves, la réputation de l’homme est détruite. La justification donnée est la suivante : il faut passer par la manière forte pour obtenir des résultats. Quelques injustices éventuelles, la mise en cause d’un innocent, sont la condition de la libération complète des femmes. La violence du patriarcat justifie la violence des femmes. Il s’agit d’une guerre avec des dégâts collatéraux.

    L’écologie radicale se manifeste par des occupations illégales (à Notre-Dame-Des Landes , pendant des années pour empêcher la construction d’un aéroport), des manifestations violentes accueillant les professionnels de la provocation (black-blocs), des atteintes aux biens ( terrains de golf , tableau dans les musées , statues dans l’espace public, etc.). Cette très petite minorité cherche à imposer par la violence le thème de la décroissance économique dans le débat public. Elle est antitechnicienne et souhaite placer le progrès scientifique et donc toute recherche sous contrôle politique. Elle peut être antispéciste et refuser aux humains un statut différent de celui des animaux.

    On pourrait multiplier les exemples.

    Pour l’extrême gauche, la liberté est toujours une belle promesse qu’il faudra réaliser dans un avenir indéterminé. En attendant ce jour, il appartient aux militants d’éliminer sans faillir tous les obstacles à l’avènement de l’eden idéologique. L’autoritarisme politique et la violence consubstantielle permettent de lutter contre le mal et de cheminer vers la réalisation de l’idéal. Derrière cette construction, il n’y a qu’une réalité : la volonté de monopoliser le pouvoir politique et d’annihiler tous les opposants. On imagine ce dont cette extrême gauche occidentale serait capable si elle parvenait au pouvoir. Il se trouverait sans doute parmi ses leaders un Robespierre , un Staline , un Poutine ou un Xi Jinping .

    La radicalité politique est incompatible avec la liberté.

    Elle se réclame d’ailleurs surtout de l’égalité et veut l’instaurer par la contrainte. Ce privilège accordé à l’égalité s’explique : la liberté n’est pas conciliable avec une idéologie rigide prétendant détenir a priori les meilleures solutions car il faut alors éliminer les opposants. Les utopies égalitaristes peuvent être divertissantes dans la sphère purement intellectuelle, mais il ne faut jamais chercher à les mettre en œuvre. La liberté suppose le pragmatisme car elle est toujours imparfaite, toujours à construire et toujours à découvrir. Elle n’est pas un idéal lointain mais une réalité toute relative du présent, le bien le plus précieux et le plus fragile.