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La guerre, c'est facile !
eyome · 5 days ago - 23:46
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"Une question de principes !"
eyome · 7 days ago - 19:09 edit
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Présidentielles en République tchèque : un révélateur de division en Europe centrale
ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 28 January - 03:40 · 4 minutes
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Le grand suicide collectif de Poutine
ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January - 03:35 · 10 minutes
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OTAN : le retournement de veste spectaculaire des sociaux-démocrates suédois
news.movim.eu / LeVentSeLeve · Sunday, 15 January - 17:41 · 14 minutes
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La souveraineté nucléaire française : un statut figé ?
Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 3 January - 03:50 · 10 minutes
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Des membres du régiment Azov dansant avec des juifs en Israël.
eyome · Friday, 30 December - 15:16
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Derrière les tensions entre la Serbie et le Kosovo : l’OTAN et la Russie
Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 28 December - 04:15 · 4 minutes
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Anne-Laure #Bonnel
eyome · Monday, 19 December - 21:56
Un article de Conflits
Le premier tour de l’élection présidentielle de la République tchèque a eu lieu le 13 et 14 janvier 2023. Si les pouvoirs du président de la République sont faibles dans ce pays, cette élection met en évidence des divisions. D’un côté se trouve Andrej Babis , l’ancien Premier ministre centriste considéré comme populiste , de l’autre Petr Pavel , l’ancien chef des armées de la République tchèque et ancien président du comité militaire de l’OTAN. Second tour à la fin du mois.
Ainsi, en matière de politique étrangère et sur les questions européennes, les candidats ont un profil différent. Bien qu’il soit probable que les problèmes liés aux relations internationales ne soient pas le seul déterminant des votes, cette élection montre une tendance. Compte tenu de la position de la République tchèque, cette situation est un indicateur de la situation dans laquelle se trouve l’Europe centrale.
Entre atlantisme et populisme d’Europe centrale
Les deux candidats du second tour envoient des messages différents.
En tant qu’ancien haut militaire de l’OTAN, Petr Pavel envoie une image d’une République tchèque tournée vers l’Alliance nord-atlantique et l’Ouest. Son programme laisse une large place aux problèmes internationaux. Il est partisan de l’aide à l’Ukraine (y compris les livraisons d’armes), des sanctions contre la Russie et de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Concernant la politique interne, Pavel voit la Scandinavie (comme le Danemark) comme modèle.
Andrej Babis est quant à lui plus ambigu. Officiellement, son parti ANO 2011 (qu’il a créé) est membre du groupe européen Renew Europe dans lequel se trouve aussi La République en marche. Le président Macron a d’ailleurs reçu Andrej Babis la semaine précédant l’élection tchèque. De plus, la commissaire européenne tchèque Věra Jourová, affectée à la transparence et à l’État de droit, est membre d’ANO 2011 et n’hésite pas à critiquer la Hongrie et la Pologne . Néanmoins, le mandat de Premier ministre de Babis révèle une réalité plus nuancée. Les relations entre la République tchèque de Babis et la Hongrie d’Orban et la Pologne de Droit et Justice ont été marquées par de la coopération. Tout particulièrement sur la question de l’opposition aux quotas de migrants.
Si le gouvernement Babis a expulsé des diplomates russes suite à une dispute diplomatique en 2017 liée à l’explosion d’un dépôt en République tchèque, il est parfois vu depuis l’Ouest et les États-Unis comme étant trop timoré face à la Russie de Poutine . Son opposition aux sanctions contre la Russie suite à l’annexion de la Crimée a contribué à cette image. Le fait que son entreprise agricole ait des liens avec Gazprom a aussi soulevé des questions.
Cette opposition n’est toutefois pas surprenante et montre une division qui est présente dans la population tchèque et plus généralement en Europe centrale.
La République tchèque, entre occidentalisme et particularisme d’Europe centrale
L’opinion publique était déjà connue pour être divisée et ce tout particulièrement sur les questions de politiques internationales. En 2022, des manifestations anti-OTAN et anti-UE ont eu lieu à la suite de la hausse du coût de la vie. Mais dans le même temps, des contre-manifestations se sont déroulées en faveur de l’Ukraine, de l’OTAN et de l’UE.
Cette division n’est pas nouvelle. Le think tank slovaque GLOBSEC étudie les opinions publiques des pays d’Europe centrale. Il ressort de cette étude qu’en 2022 si 56 % des Tchèques se considèrent comme Occidentaux, 38 % se considèrent comme culturellement entre l’Ouest et l’Est (incarné par la Russie). Le conflit ukrainien a néanmoins eu un effet en faveur de l’image de l’Occident : en 2021, seuls 33 % des Tchèques se considéraient Occidentaux contre 58 % entre l’Ouest et l’Est.
La Russie est pour autant considérée comme une menace par 84 % de la population, ce qui n’a pas toujours été le cas. En 2021, seulement 43 % considéraient Moscou comme un danger. De plus, à cette même époque , 38 % estimaient que l’OTAN provoquait la Russie contre 42 % qui estimaient que c’était Moscou la provocatrice. 59 % des Tchèques considéraient même que la Russie était une victime de l’Ouest.
Ces données montrent que si l’opinion tchèque a changé à la suite de l’électrochoc de février 2022, cette méfiance vis-à-vis de la Russie n’est pas acquise et est moins profonde que celle qui existe par exemple en Pologne.
Finalement, c’est cette division que l’on retrouve avec l’opposition Pavel/Babis. Celle-ci se confirme avec l’analyse du report des voix des électeurs qui s’est opérée entre l’élection législative de 2021 et le premier tour de la présidentielle en 2023. Les électeurs des partis au pouvoir (la coalition de centre droit SPOLUS, et le parti pirate de centre gauche) pro-occidentaux et pro-UE se sont reportés massivement sur Pavel. Babis a lui pu compter non seulement sur les électeurs de son parti, mais aussi sur la majorité de ceux du SPD, le parti nationaliste tchèque (qui pourtant avait présenté un candidat à la présidentielle). Aussi, Babis a pu compter sur un report de 10 % des abstentionnistes de l’élection législative.
De ce fait, celui qui gagnera le second tour devra faire face à une opposition forte. En cela l’ombre du conflit ukrainien renforce les tensions internes qui préexistaient.
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Parmi les nombreuses étrangetés qui signalent le conflit en cours, une des premières à avoir frappé l’opinion mondiale a été l’interdiction faite aux Russes de le qualifier de « guerre ». C’était, annonçait le Kremlin, une « opération spéciale », terme qui ne signifiait rien de précis et auquel personne en Occident n’accorda de crédit, mais dont l’usage fut rendu obligatoire en Russie, au point que ceux qui l’ont dénoncé ont fini en prison pour longtemps. L’ armée russe déferlait sur le sol ukrainien, elle tuait, détruisait, occupait, son intention était de conquérir, mais Moscou refusait de reconnaître le caractère purement militaire de son entreprise.
L’interprétation de cette censure fut immédiate et unanime : Poutine voulait faire passer une offensive massive contre un pays voisin pour le nettoyage policier d’une banlieue de non-droit. Il fallut attendre neuf mois pour que se fissure enfin ce mensonge. Le Kremlin assume désormais, du bout des lèvres, la nature de son attaque : Poutine a prononcé le mot « guerre » – une fois. Toutefois, à bien y regarder, il convient de se demander si l’irruption tardive de ce terme dans le discours officiel constitue réellement un alignement du langage officiel sur la réalité. Rien n’est moins sûr car un examen méthodique des caractéristiques de ce conflit obligent à s’interroger sur sa définition.
La guerre imaginaire
Le bon sens veut qu’une guerre moderne ait un objectif précis et concret, fût-il funeste ou injuste.
Ici, nous rencontrons immédiatement un premier obstacle. Le but affiché de la « grande guerre patriotique » de Poutine, c’est-à-dire la dénazification de l’Ukraine, est absurde. L’Ukraine n’est ni nationale-socialiste, ni antisémite, elle ne croit pas à la supériorité génétique de la race, elle n’a pas l’intention d’édifier un Reich de mille ans, ni de régner sur le continent européen, et encore moins sur le monde. Volodymyr Zelensky ne se comporte en rien comme un Fürher omniscient et tout-puissant et son peuple n’est pas fanatisé comme a pu l’être le peuple allemand.
Il n’y a donc pas à dénazifier l’Ukraine, ni dans sa structure étatique, ni dans ses idées politiques, ni dans ses symboles. La guerre déclenchée par Poutine est alors la poursuite d’une chimère et, notons-le, d’une chimère grotesque : seuls des Russes dont la propagande a très soigneusement lavé les cerveaux pendant deux décennies peuvent croire que leur armée combat le nazisme – et, en raison de l’incrédibilité de ce scénario, ils sont de moins en moins nombreux à le prendre au sérieux. En somme, la guerre de la patrie russe contre le nazisme ukrainien n’est pas faite de batailles, de victoires et de défaites, mais d’une course effrénée dans le vide : elle n’a d’existence que verbale.
Lorsqu’elle se lance dans une guerre digne de ce nom, une armée met en branle les moyens adaptés à son objectif. Or, dès les premiers jours de l’affrontement, les observateurs ont été frappés par un trait saillant de la stratégie russe : son inefficacité. Poutine projetait de soumettre l’Ukraine en quelques semaines au grand maximum et dès les premiers jours il fut évident qu’il n’y parviendrait pas : rien ne fonctionnait. Embouteillages de blindés, manque de carburant, coordinations ratées, choix tactiques sans queue ni tête : l’armée russe accumulait les bourdes. Non seulement le peuple ukrainien, admirablement mobilisé, fit preuve d’une détermination et d’une organisation inattendues, mais également, et surtout, l’agresseur s’enlisa lamentablement dès la toute première phase de son aventure.
Un bilan catastrophique
Certes, Kiev a immédiatement tenu tête à l’offensive et très tôt fait reculer l’ennemi, mais ce dernier a fait preuve d’une impréparation et d’une indigence opérationnelle rares, et c’est la conjonction de ces deux facteurs, – la collision spectaculaire entre la plénitude du courage ukrainien et la vacuité de l’avancée russe – qui explique le mieux l’absence de toute victoire en neuf mois pour Poutine (hormis des portions non négligeables du territoire ukrainien, mais dont près de la moitié ont été reprises depuis).
Certes, l’Occident a fourni à Zelensky nombre d’armements, de fonds et de conseils sans lesquels l’Ukraine aurait eu le plus grand mal à rester debout, mais le Kremlin a commis toutes les erreurs possibles, au point qu’il en est aujourd’hui à dépendre de livraisons clandestines de l’Iran et de la Corée du Nord, états-voyous à la technologie peu glorieuse. La Russie a complètement ignoré la science militaire et l’art de la guerre. L’Histoire énumérera avec le plus grand intérêt les motifs, encore secrets pour le moment, de cette débâcle vers l’avant dès le mois de février.
D’un point de vue humain, le bilan est plus encore étourdissant. Depuis la guerre en Afghanistan, on savait à quel point les troupes russes pouvaient faire pâle figure exposées au feu de populations moins armées mais bien davantage motivées. La guerre en Ukraine en apporte une démonstration définitive. La troupe russe est équipée de manière pitoyable et son moral est catastrophique. Les gilets pare-balles ne parent rien, les casques s’enfoncent comme des jouets, la nourriture manque, les vêtements sont insuffisants et, pire encore, l’état d’esprit oscille entre l’incompréhension et la rage : la discipline ne tient qu’à l’autoritarisme inhumain des supérieurs, conformément à la tradition soviétique, selon laquelle l’homme du rang est l’esclave de l’officier. La gloire supposée de l’armée russe se résume à des files de pauvres types montant au front la peur au ventre, forcés à se comporter comme des kamikazes, sans la témérité de kamikazes.
Le minuscule gain de Soledar par les troupes de Prigojine a coûté beaucoup d’hommes et d’énergie à l’armée ukrainienne, mais il ne semble pas encore consolidé au moment où j’écris ces lignes, malgré d’incessantes et sanglantes vagues d’attaque. Et, côté russe, que de morts et d’amputés pour remporter une ville de la taille de Buxerolles, Vernouillet ou Bondue (équivalents français de Soledar en nombre d’habitants) !
On a le sentiment que les généraux russes ont été tenus à l’écart de toutes les découvertes faites en matière de gestion des troupes depuis un siècle, qu’ils ont oublié leurs déconvenues dans les montagnes afghanes et qu’ils appliquent en Ukraine les méthodes les plus barbares de la bataille de Stalingrad, misant tout sur l’improvisation du choc frontal et l’accumulation de chair à canon, avec des unités de barrage rendant impossible tout mouvement de retraite. Cette armée ressemble moins à une organisation synchronisée de combattants mentalement aiguisés qu’à une horde tout juste bonne à piller et mourir. Cette non-guerre menée par la Russie est peuplée de non-soldats.
Le grand bluff
Pourtant, Poutine avait promis au peuple russe une force moderne, imposante, suréquipée, à l’armement terrifiant. Cette promesse était même la justification de la pauvreté et de la tyrannie : pour devenir une superpuissance de l’ère technologique, les Russes devaient consentir à sacrifier le confort matériel et la liberté politique. Le résultat de vingt-deux ans de règne est tout le contraire. Incapable de mener correctement une guerre qu’il désirait pourtant depuis déjà longtemps, et qu’il a eu toute latitude de planifier, le Kremlin est condamné à brandir inlassablement la menace nucléaire, presque une fois par jour, pour tenter de faire oublier son incurie sur le champ de bataille. Au point, fait extraordinaire, inimaginable il y a encore un an, que cet incessant chantage à l’atome a fini par lasser la Terre entière, et que plus personne ne redoute le moment où Poutine appuiera sur le bouton.
Biden a joué une carte maîtresse le jour où il a laissé entendre qu’en cas de frappe nucléaire en Ukraine, l’Occident anéantirait l’armée russe. Moscou est resté sans voix, tant l’évidence était criante : la Russie est si fragile militairement qu’elle paierait à coup sûr un prix infini si elle jouait avec le feu de l’apocalypse. Le 21 septembre, quand Poutine a déclaré « Je ne bluffe pas », il bluffait. On admettra que le nucléaire russe reste dissuasif sur un mode primitif et chaotique, mais plus suffisamment pour tenir en respect tous les QG de la planète comme sous Brejnev. Le bluff poutinien s’apparente de plus en plus à celui que pratique Pyongyang : une provocation de malfaiteur.
Un fantasme qui tue
On a beaucoup dit que les Russes avaient péché par méconnaissance du patriotisme ukrainien et de la solidité du camp occidental. Mais le vice majeur de cette guerre est plus profond encore : il réside dans l’essence imaginaire, fictive, des motivations du conflit et de ses modalités d’application. On peut se risquer à affirmer que seule l’Ukraine est en guerre , tandis que la Russie évolue dans tout autre chose, un espace géographique, idéologique et mental qui lui est propre, un monde immatériel, fantasmatique, où l’on meurt vraiment et où l’on tue effectivement, mais sans savoir au nom de quoi, ni dans quelle prescrive historique, sans aucun contact avec la réalité, et qui ne peut mener qu’à la fin de celui qui l’a commencé.
Si Poutine avait voulu plonger la Russie dans un chaos désespérant, s’y serait-il pris autrement ? Effectivement, le Kremlin, pour une fois, disait vrai : la guerre n’en était pas une. C’était une opération très spéciale : une autolyse.
Tout se passe comme si, par une espèce de revanche métaphysique de la raison sur la folie, cette guerre de destruction, nihiliste et génocidaire, se retournait contre ses auteurs. Se suicider systématiquement relève-t-il du domaine militaire ? Sous cet aspect, la Russie n’est pas en guerre : dans un immense rituel désolant, elle s’immole sur l’autel de contre-vérités dont elle ne parvient plus à se débarrasser. L’Ukraine et l’OTAN n’ont plus qu’à accélérer la décomposition qu’elle a décrétée, en résistant énergiquement à sa poussée comme ils l’ont fait jusqu’ici.
Poutine russophobe
Si Poutine est en guerre, ce n’est que contre la morale des nations, la liberté des peuples et la vérité politique. Il part à l’assaut de géants qu’il prend pour des moulins à vent. Il se fracasse sur eux comme le rêve est vaincu par le réveil.
Il rappelle étrangement le Hitler des dernières heures qui, dans son bunker encerclé, maudissait les Allemands pour leur faiblesse – preuve, selon son délire, qu’ils étaient une race inférieure. Il s’accusait ainsi lui-même. En se tirant une balle dans la tête, il croyait abolir toute germanité. Poutine est en guerre contre la Russie et, celle-ci, il est en train de la gagner. Quand il aura fini d’anéantir son pays, il sera le tsar de tous les néants.
Poutine sait qu’il ne peut plus remporter son pari. Il ne lui reste qu’une issue : faire en sorte que ses ennemis – l’Ukraine, l’Otan, l’Occident – la perdent avec lui. Il est tel le pervers qui refuse de vivre seul sa perversion et tente de la faire partager au plus grand nombre. On pourrait gloser sans fin sur l’arrière-plan psychiatrique d’un tel cataclysme annoncé. Le plus sage est de s’en tenir à la vision théologique du destin de Satan : le diable ne peut que descendre d’abîme en abîme, et sa seule satisfaction est d’entraîner dans sa chute le plus grand nombre d’âmes possible. Il appartient maintenant à la civilisation de dire à Vladimir Poutine : « Tombe autant que tu veux, mais dans la solitude ».
Historiquement, la gauche suédoise s’est toujours opposée à une adhésion à l’OTAN. La guerre en Ukraine est cependant venue rebattre les cartes. La possibilité d’une adhésion à l’Alliance a gagné en popularité et les sociaux-démocrates suédois ont changé leur fusil d’épaule – au grand dam de nombre de leurs partisans. Aujourd’hui, la question semble réglée : à peine le débat sur l’intégration à l’OTAN a-t-il été ouvert qu’il était clôturé. Ce virage a impliqué des sacrifices dans les principes diplomatiques de la Suède, historiquement opposée à la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan. Article de Filippa Ronquist , traduit par Piera Simon-Chaix et édité par William Bouchardon.
Le 8 novembre 2022, Ulf Kristersson, Premier ministre suédois nouvellement élu, s’est rendu en Turquie. L’objectif de ce déplacement, alors que la Suède vient d’entamer son processus d’adhésion à l’OTAN, est de s’attirer les faveurs du Président turc Recep Tayyip Erdoğan. De nombreux Suédois ont été marqués par une image symbolique de cette visite : un gros plan sur la main de Kristersson, minuscule et déformée, broyée par la poigne d’Erdoğan jusqu’à virer rouge vif, est devenu viral.
Le soutien aux Kurdes sacrifié pour entrer dans l’OTAN
Lorsque la Suède a officiellement effectué sa demande d’adhésion à l’Alliance militaire, en mai dernier, de nombreux pays de l’OTAN ont chaleureusement accueilli l’idée de sa participation. Difficile d’en dire autant de la Turquie, qui n’était guère enthousiaste. Les relations turco-suédoises ont en effet rarement été au beau fixe ces dernières décennies, la Turquie ayant toujours désapprouvé le soutien accordé par la Suède aux Kurdes et à leur lutte pour l’indépendance. Dans la mesure où chaque État-membre de l’OTAN dispose d’un droit de veto à l’adhésion d’un nouveau membre, Erdoğan a clairement indiqué son intention d’y avoir recours contre la Suède, qu’il accuse de soutenir des mouvements terroristes en Turquie.
L’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie.
Il a fallu attendre plusieurs semaines pour qu’Erdoğan revienne sur sa position, contre des concessions importantes. Finalement, un accord tripartite entre la Turquie, la Suède et la Finlande (les deux pays scandinaves ayant déposé leur demande d’adhésion en même temps) a été trouvé en juin. Celui-ci prévoit que les deux Etats d’Europe du Nord mettent un terme au soutien octroyé aux Unités de protection du peuple (YPG), la milice majoritairement kurde en Syrie, et au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le parti en lutte pour l’autonomie kurde dans les régions du Sud-Est de la Turquie et du Nord de l’Irak.
Les deux pays ont également accepté d’accélérer le traitement des nombreuses demandes d’extraditions de la Turquie, qui concernent pour la plupart des Kurdes accusés de terrorisme ou d’association avec le PKK. Enfin, la Suède et la Finlande ont entériné la relance des exportations d’armes en direction de la Turquie « dans le cadre de la solidarité de l’Alliance ». Cette décision met un terme à l’embargo sur les armes que la Suède et la Finlande imposaient à la Turquie depuis 2019, date à laquelle les deux pays nordiques avaient refusé de continuer à produire des licences d’exportation d’armes vers la Turquie, suite à son offensive militaire contre les positions kurdes en Syrie.
Le message adressé aux Kurdes, qu’ils se trouvent en Suède ou ailleurs, est clair : l’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie. Pour les nombreux Kurdo-Suédois membres du Parti social-démocrate ou de la gauche suédoise au sens large, il s’agit d’une trahison particulièrement cruelle. À peine deux ans auparavant, la ministre sociale-démocrate des Affaires étrangères de Suède, Ann Linde, publiait un tweet de soutien aux Kurdes et enjoignait la Turquie à retirer ses troupes du nord de la Syrie. Il y a encore un an, le gouvernement social-démocrate ne parvenait à se maintenir au pouvoir qu’en passant un accord avec la députée indépendante Amineh Kakabaveh , une ancienne combattante kurde des peshmergas.
Par un concours de circonstances improbable, Kakabaveh avait été exclue du Parti de gauche (gauche radicale) et s’était retrouvée propulsée dans une position où elle était en mesure de faire et de défaire les majorités parlementaires. Les sociaux-démocrates n’ont alors eu d’autre choix que de quémander son vote tandis qu’en retour, la députée exigeait un soutien sans faille à l’indépendance kurde. Il en a résulté un accord entre la députée et le Parti, signé en novembre 2021. Suite à celui-ci, Erdoğan a alors accusé la Suède d’accueillir des terroristes kurdes « même au Parlement ». Mais tout a changé à partir de 2022. En août, Ann Linde comparait le drapeau du PKK à celui de Daech, tout en assurant à la Turquie que l’accord passé avec Kakabaveh était devenu caduc en juin, à l’issue de la session parlementaire suédoise.
Le lent rapprochement de la Suède et de l’OTAN
Sur le plan moral, la Suède paye donc un lourd tribut pour son adhésion à l’OTAN. En retour, elle espère obtenir de l’Alliance des garanties de sécurité que le statut d’État non-aligné ne lui donnait jusqu’alors pas la possibilité d’obtenir. C’est bien sûr l’aggravation de la situation sécuritaire en Europe depuis la guerre en Ukraine qui est convoquée pour appuyer l’idée que la Suède ne peut plus se passer de telles garanties. En effet, lorsqu’il est devenu clair, au printemps dernier, que la Finlande envisageait d’adhérer à l’OTAN [1], beaucoup de Suédois ont estimé que leur pays n’avait d’autre option que d’imiter son voisin, un partenaire militaire et stratégique majeur.
La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN.
Si le revirement est particulièrement fort au cours de la dernière année, le rapprochement entre la Suède et l’OTAN a débuté il y a déjà une trentaine d’années. Depuis les années 1990, la Suède a graduellement accru sa coopération avec l’OTAN en participant à des missions et à des exercices conjoints, notamment au Kosovo, en Afghanistan et en Libye. La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États-membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN [2]. Suite au traité de Lisbonne et à ses propres engagements unilatéraux, la Suède est de toute façon déjà tenue de soutenir la plupart des membres de l’OTAN en cas d’attaque (avec quelques exceptions notables, notamment les États-Unis, le Canada et la Turquie). Refuser l’adhésion à l’OTAN dans de telles circonstances n’aurait donc, selon certains, guère de sens. En effet, la Suède supporte déjà concrètement une grande partie des coûts et des risques associés à l’adhésion à l’OTAN (la Russie voit déjà clairement que la Suède s’est rangée parmi ses adversaires), sans pour autant recevoir de garanties de sécurité en retour.
S’ils sont bien rodés, les arguments en faveur de l’adhésion méritent d’être nuancés. Les sanctions économiques très fortes et les importantes défaites militaires encourues par la Russie ont largement réduit sa capacité à mener une guerre conventionnelle. De plus, en dépit du choc que représente l’invasion de l’Ukraine, les velléités de la Russie d’envahir les pays de son voisinage étaient déjà évidentes depuis l’invasion de la Géorgie en 2008 et de la Crimée et de l’est de l’Ukraine en 2014. Si l’attaque à grande échelle lancée contre l’Ukraine en février 2022 a certes constitué une surprise pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout car elle a mis en évidence le fait que Vladimir Poutine était prêt à courir des risques bien plus importants qu’on ne le supposait.
Un argument plus solide, utilisé notamment pour convaincre les Suédois de gauche opposés à l’OTAN qui ne considèrent pas que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait entraîné une hausse de la menace sécuritaire pour la Suède, est qu’une adhésion à l’Alliance constituerait un acte de solidarité à l’égard de la Finlande et des autres États baltes. Pour beaucoup, c’est justement en se refusant à entrer dans l’OTAN que la Suède adopterait une attitude moralement contestable. Néanmoins, le prix à payer pour une telle solidarité avec la Finlande et les États baltes est celui d’une rupture de la solidarité suédoise avec les Kurdes.
Clôture du débat sur l’OTAN
Pour la gauche suédoise, à peine le débat sur l’adhésion à l’OTAN avait-il commencé qu’il était déjà clôturé. Le Parti social-démocrate, le plus grand mouvement de gauche en Suède, a joué un rôle central dans ce processus. Historiquement, ce parti avait toujours été favorable à la politique de non-alignement militaire traditionnelle de la Suède [3].
Début mars 2022, le Parti social-démocrate, à l’époque au gouvernement, repoussait encore fermement les avances de l’OTAN. Mais la situation a brutalement évolué. Le 16 mars, les sociaux-démocrates ont désigné un groupe de travail sur les questions de sécurité, en charge d’analyser la situation sécuritaire de la Suède et ses options politiques suite à l’invasion russe en Ukraine. Le 22 avril, ils initiaient un « dialogue interne » au sein du parti sur les questions de sécurité. Le 13 mai, le groupe de travail sur la sécurité a publié ses conclusions , où l’adhésion à l’OTAN est décrite comme une option avantageuse pour la Suède. Le 15 mai, les sociaux-démocrates se prononcent en faveur de l’adhésion . Trois jours plus tard, la Suède déposait sa demande officielle d’adhésion, en même temps que la Finlande.
Le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections.
Un revirement aussi rapide, en quelques semaines à peine, sans débat ni vote, sur une politique de non-alignement défendue depuis des décennies, a constitué un choc brutal pour de nombreux membres du parti. Mais c’est exactement ce que l’on pouvait être en droit d’attendre des sociaux-démocrates. Le Parti social-démocrate suédois (SAP), l’un des partis politiques les plus prospères de l’Europe post-Seconde Guerre mondiale ( de 1932 à 2022, le SAP n’a été que 17 ans dans l’opposition , ndlr), est structuré selon un centralisme vertical. Au moment où un revirement de l’opinion s’est fait sentir – les sondages d’opinion de mars montraient qu’une majorité de Suédois se prononçait, pour la première fois, en faveur d’une adhésion à l’OTAN – et à l’approche de nouvelles élections, les sociaux-démocrates n’ont pas tardé à réagir.
La direction du parti craignait de perdre des électeurs tentés par la droite en s’opposant à l’adhésion à l’OTAN. À l’inverse, l’adhésion ne présentait qu’un faible danger sur le plan électoral : tout électeur déçu par ce revirement se tournerait vers le Parti de gauche ou les Verts, des petits partis sur lesquels les sociaux-démocrates s’appuient de toute façon pour former des coalitions. L’un des risques à être un parti prospère est, semble-t-il, la tendance à évoluer à l’aveugle, en suivant des stratégies électorales à court terme. Néanmoins, le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections. Même si leur positionnement favorable à l’adhésion à l’OTAN a entraîné une légère hausse des intentions de vote lors de la campagne, le bloc de gauche s’est trouvé incapable de former un gouvernement de coalition. À présent, la Suède est dirigée par une coalition de quatre partis de droite, dont le plus important est celui des démocrates suédois, un parti aux origines néonazies.
La gauche non-alignée en difficulté
Le Parti de gauche et les Verts ont conservé leur position anti-OTAN, mais leur critique de l’Alliance n’a pas été particulièrement virulente ni contraignante. Les deux partis sont, dans une certaine mesure, limités par le fait que les sociaux-démocrates sont, et ont toujours été, leur unique moyen d’accéder au pouvoir. Plusieurs figures des écologistes se sont publiquement prononcés en faveur de l’OTAN, tandis que le Parti de gauche ne s’est pas manifesté outre mesure pour critiquer l’Alliance lors de la campagne, comme si sa demande d’un référendum sur l’OTAN n’était plus d’actualité. Le Parti de gauche s’est également mis dans une position difficile en votant contre l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine en février, une décision accueillie avec indignation, y compris par des sections de la gauche anti-OTAN. Face aux critiques, la direction du parti a finalement changé de position quelques heures avant le vote .
Le Parti de gauche et les Verts avaient intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates.
Mais à ce stade, le mal était déjà fait. Pour le grand public, la solidarité de la gauche avec l’Ukraine se cantonne à des discours sans substance. Au cours des mois qui ont suivi, il est devenu de plus en plus difficile de se positionner en faveur d’un soutien à l’Ukraine tout en demeurant farouchement opposé à l’OTAN. Sans oublier que de nombreux activistes et personnalités politiques de gauche étaient trop occupés à lutter contre les néonazis dans leur propre pays pour s’inquiéter du rôle joué par la Suède vis-à-vis de l’impérialisme américain ou du nationalisme turc sur la scène internationale.
La demande d’adhésion de la Suède auprès de l’OTAN a ouvert une plaie béante au sein de la gauche suédoise. Cette plaie semble pourtant s’être déjà refermée, comme si rien ne s’était passé. Le Parti de gauche et les Verts avaient de toute façon intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates. Avec l’accord tripartite signé entre la Turquie et le nouveau gouvernement de droite, qui est encore moins opposé que les sociaux-démocrates à l’extradition des Kurdes vers la Turquie, les obstacles à l’adhésion de la Suède à l’OTAN sont de moins en moins nombreux.
Pour la gauche suédoise, qu’elle soit favorable ou non à l’OTAN, la nouvelle situation nécessite à présent un changement de perspective. L’une des objections les plus solides que la gauche suédoise oppose à l’OTAN est que l’Alliance ne remplit pas le rôle de défense collective qu’elle prétend jouer. De trop nombreuses missions de l’OTAN, comme les opérations en Afghanistan et en Libye, ont tellement dérogé à leur objectif initial que les prétentions de l’Alliance ne sont plus que des écrans de fumée.
La Suède comme la Finlande sont en général fermement opposées au recours aux forces militaires de l’OTAN dans des opérations en dehors des frontières de l’Alliance pour des raisons qui ne sont pas étroitement liées à l’autodéfense collective (même s’il faut noter que les deux États ont participé aux opérations en Afghanistan, et que la Suède était présente en Libye). Aux yeux de certains, l’intégration probable dans l’Alliance atlantique permettra à la diplomatie de la Suède et de la Finlande de contrecarrer ses menées militaires… à moins qu’elle n’entraîne l’érosion de leur autonomie décisionelle.
Notes :
[1] La Finlande partage une frontière de 1 340 km avec la Russie et le souvenir de l’invasion soviétique de 1939 demeure un événement important dans la culture nationale.
[2] A l’exception de la Finlande et de la Suède, en cours d’adhésion, seuls l’Autriche et l’Irlande sont membres de l’UE mais pas de l’OTAN.
[3] Si la Suède se déclarait jusqu’à récemment non-alignée, la neutralité a elle été définitivement enterrée en 1995 lors de l’adhésion de la Suède à l’Union européenne. Les deux statuts ne signifient pas la même chose : la neutralité implique de ne prendre aucune position dans aucun conflit, tandis que le non-alignement suppose seulement de ne pas être membre de tel ou tel camp.
Par Raphaël Chauvancy.
Un article de Conflits.
Les velléités expansionnistes chinoises puis l’invasion russe de l’ Ukraine ont initié une réinitialisation des architectures sécuritaires. L’idéal d’une régulation des conflits par le dialogue et le respect du droit international s’effacent devant le pragmatisme des rapports de force, l’équilibre de la terreur nucléaire, la solidité des principes de sécurité collective et entraînent la redéfinition de la notion de souveraineté militaire.
Vieil État-nation, la France place naturellement au cœur de ses idéaux politiques le maintien d’une souveraineté dont la condition première est la capacité à défendre ses frontières. Dans un pays bien décidé à ne jamais plus revivre la boucherie de 14-18 et la débâcle de 1940, l’entretien d’une dissuasion nucléaire autonome et exclusive fait consensus.
Dans la pensée française, le feu nucléaire est indissociable de la souveraineté nationale. De fait, on peut renoncer à certains pans de souveraineté mais pas la partager. Une souveraineté partagée n’est pas plus crédible que l’illusion d’une « armée européenne », tout récemment balayée par le chef d’état-major des armées lors de son audition à l’ Assemblée nationale .
Soixante ans après sa conception, la doctrine stratégique élaborée sous le général de Gaulle fait ainsi figure de dogme confortable et rassurant. Elle entretient peut-être aussi les Français dans l’illusion de la sécurité et d’un rang mondial considérés comme acquis. Mais les lignes bougent à l’ère de la compétition globale.
Et si la conception française de la souveraineté nucléaire était obsolète ?
L’ère du partage ?
Alors que la pire guerre qu’ait connue l’Europe depuis 1945 dévastait l’Ukraine depuis plusieurs mois, la Pologne a annoncé en octobre 2022, par la voix de son président Andrzej Duda , être en tractation avec les États-Unis pour rejoindre le programme de partage nucléaire de l’ OTAN . À Varsovie, beaucoup jugent en effet que Kiev a commis une erreur historique en renonçant à son arsenal nucléaire à la chute de l’URSS et que l’atome est le seul frein aux ambitions de Moscou. En 2016, d’ailleurs, le gouvernement polonais avait déjà exprimé des velléités de partage nucléaire et lancé des appels du pied restés sans effet en direction de… la France .
Initié durant la Guerre froide, le partage nucléaire consiste à intégrer certaines nations, en l’occurrence l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Turquie et l’Italie, à la dissuasion américaine en leur confiant des bombes H aéroportées B-61 à double clef. Washington conserve à la fois le pouvoir de décision finale sur leur emploi éventuel et sa dissuasion propre. De surcroît, ce dispositif dope les ventes de son industrie aéronautique militaire en Europe sous prétexte d’interopérabilité. Il n’en constitue pas moins le pivot sécuritaire des participants qui bénéficient de la jouissance nucléaire à défaut d’en avoir la possession.
La déclaration polonaise s’inscrit dans une redéfinition de l’approche sécuritaire des démocraties, de plus en plus contestées et inquiètes pour leur sécurité. À l’autre bout du globe, le Japon, confronté à l’agressivité croissante de la Chine et au durcissement de la Russie, opère une mue historique. 83 % des citoyens du pays d’Hiroshima se disent désormais ouverts au débat sur l’hypothèse d’un partage nucléaire avec les États-Unis .
La Corée du Sud elle-même, forte du soutien de plus de 70 % de ses citoyens au développement d’une force de frappe nucléaire nationale, hésite à se lancer dans une course aux armements susceptible d’accroître les risques géopolitiques, mais cherche à renforcer ses garanties stratégiques. L’idée d’un partage nucléaire avec les Américains, sur le modèle de ce qui se pratique en Europe dans le cadre de l’ OTAN , a commencé à être évoquée publiquement en 2019, après l’échec des conférences d’Hanoï entre les présidents Kim Jong-un et Donald Trump . La signature du traité AUKUS a donné aux débats une impulsion nouvelle, déterminante pour le futur de l’architecture sécuritaire du Pacifique.
Il faut dire que l’alliance AUKUS, conclue en 2021, a brisé un tabou, Londres et Washington ayant proposé à Canberra de la doter en sous-marins à propulsion nucléaire. Certains appellent d’ores et déjà à aller plus loin, comme le Lowy Institute, un influent think-tank de Sydney. Partant du constat qu’un sous-marin nucléaire d’attaque est une arme d’emploi, non de dissuasion, cet organisme est allé jusqu’à affirmer l’inutilité d’en acquérir. Quel que soit son mode de propulsion, ce type de bâtiment ne bouleverserait pas le rapport de force militaire avec Pékin. Par conséquent, sa contribution à la sécurité de l’Australie serait à peu près nulle.
Le Lowy Institute a évoqué à la place le principe d’une mutualisation nucléaire stratégique avec le Royaume-Uni dans le cadre de l’ AUKUS . Un à deux sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) à équipages mixtes et à deux clefs apporteraient au pays la garantie stratégique qui lui manque . Le choix des Britanniques plutôt que des Américains permettrait d’envisager une relation relativement équilibrée entre deux nations qui partagent déjà le même chef d’État, le roi Charles.
La sécurité collective comme défense des intérêts nationaux
Ces réflexions prospectives posent la question de la prolifération nucléaire. Or la bombe repose désormais sur une technologie ancienne à la portée de tous les États développés, y compris les plus irresponsables. Le partage offre aux démocraties raisonnables une protection rendue indispensable dans un monde dangereux, sans cautionner la prolifération, puisque le pouvoir d’ouvrir le feu reste ultimement sous contrôle de ses détenteurs historiques.
Ainsi pourrait s’ouvrir une nouvelle ère où la jouissance atomique militaire se généraliserait, diminuant l’intérêt de la possession. Le nouveau jeu stratégique ne consisterait alors plus à cultiver une exception capacitaire mais à se placer au centre des systèmes de sécurité collective tout en conservant la clef décisionnaire. La puissance d’un État se mesurerait autant à sa capacité à partager certains éléments de sa force stratégique qu’à celle de riposter de manière souveraine en tout temps et en tout moment.
Cette évolution consacre le principe de la sécurité collective en surplomb des seuls intérêts nationaux. Malgré le retour des affrontements de haute intensité, l’art de la guerre moderne substitue de plus en plus la planification environnementale à la planification opérationnelle. C’est-à-dire qu’il consiste moins à vaincre les forces ennemies qu’à mettre en place des matrices sécuritaires, politiques, économiques, culturelles, etc. favorables, afin de réduire les marges de manœuvre adverses tout en accroissant les siennes propres. Ce que l’on appelle la guerre par le milieu social, la GMS, le milieu social devant être compris comme l’ensemble des structures et interactions matérielles ou immatérielles constitutives d’une société .
L’armée française sait faire beaucoup de choses mais désormais la puissance consiste aussi à savoir les faire faire, à être un catalyseur en plus d’un effecteur. Le leadership français n’a jamais été pleinement accepté au sein de l’Union européenne et a échoué à rééquilibrer la relation du continent avec les États-Unis vers le partenariat plutôt que la dépendance. Peut-être faut-il changer d’approche.
Au splendide isolement capacitaire qui revient à se tenir à l’écart de la compétition pour l’élaboration des architectures sécuritaires de demain, ne serait-il pas possible de substituer la puissance par le rayonnement et l’influence ? La France est la première nation militaire d’Europe, la plus autonome et la plus emblématique. Ne devrait-elle pas devenir la plus indispensable, la plus centrale et la plus fédératrice ? C’est-à-dire devenir la pierre d’angle de la Défense collective du continent ?
Le cas polonais
On a ainsi beaucoup reproché aux Polonais d’avoir fait en 2020 le choix d’équiper leur armée de l’air de F 35 américains au détriment d’une solution européenne ou française, comme le Rafale, puis d’avoir logiquement choisi un groupe américain plutôt qu’EDF pour construire leur première centrale nucléaire en 2022. C’est oublier un peu vite que les appels du pied nucléaires de la Pologne sont passés pour une incongruité à Paris et n’y ont pas été pris au sérieux.
Malheureusement, l’agression russe en Ukraine a montré que les craintes de Varsovie pour sa sécurité n’étaient pas l’expression d’une haine historique recuite envers la Russie. Peut-être les Français ont-ils raté une occasion unique de construire la Défense européenne en prêtant une oreille plus attentive aux préoccupations de leurs alliés d’Europe orientale.
Le général de Gaulle est mort
Paris adopte désormais une vision intégrée en réseau. Sa nouvelle posture est celle du partage dynamique de matériel et de compétences dans le cadre bilatéral du partenariat militaire opérationnel en Afrique ou du multilatéralisme européen et otanien.
Une forme de tabou, la peur de perdre sa spécificité et le poids des habitudes écartent de cette approche nouvelle la sphère nucléaire. Paris a toujours, à juste titre, refusé de participer au Groupe des plans nucléaires (NPG) de l’OTAN, pour ne pas voir sa souveraineté nucléaire absorbée ou entravée par la puissance américaine.
Pourtant, nous l’avons vu plus haut, la question nucléaire traverse l’ensemble du monde démocratique. Dotée d’une force stratégique totalement indépendante, Paris ne peut se permettre de rester en dehors des débats, ce qui implique de se poser la question de proposer à certains pays proches de l’UE une solution alternative ou complémentaire à la voie américaine. Puissance moyenne, la France offrirait des rapports plus équilibrés qu’avec le mastodonte américain pour une garantie ultime plus crédible – les intérêts vitaux de la France sont en Europe, ce qui n’est pas le cas des Américains. Le sujet mérite au moins d’être étudié.
À l’inverse de l’extension officielle du parapluie nucléaire français à l’ensemble de l’UE en 2020, qui a laissé froids nos alliés, la solution du partage les impliquerait. C’est ce besoin d’implication qui a d’ailleurs fédéré 12 nations de l’UE autour du projet de bouclier anti-missiles allemand. Un partage nucléaire distinct de l’OTAN dans un cadre européen exercerait un effet centripète sur les nations de l’Union. Il s’agirait d’une étape décisive dans le développement d’un écosystème sécuritaire propre, en sus de l’Alliance atlantique. Une dissuasion étendue et renforcée, une solidarité accrue entre alliés, une base industrielle et technologique de Défense (BITD) consolidée en résulteraient. Nous avons vu depuis le 24 février dernier qu’un tel outil manquait à l’heure des périls.
La souveraineté de la France en serait-elle affaiblie ou au contraire renforcée ? Elle est indissociable de sa puissance. Or cette dernière n’est pas un bien matériel à conserver, mais une relation stratégique à développer . Pour demeurer souveraine, la France n’a d’autre choix que de fédérer, d’influencer, de devenir une force d’entraînement, une nation-cadre pour conserver la capacité d’agir. Ce qui est assumé sur le plan conventionnel ouvre des perspectives sur le plan nucléaire – précisons pour les esprits chagrins que le partage nucléaire n’implique aucunement de renoncer au pouvoir de décision finale.
L’affichage de capacités exclusives et statutaires ne suffit plus. Le paradigme ancien de la souveraineté consistait à s’affranchir des contraintes collectives. Celui de la souveraineté moderne, plus actif, est de participer aux mécanismes collectifs et de les influencer. Le général de Gaulle est mort. Mais l’histoire souveraine de la France se poursuit avec d’autres outils, d’autres stratégies pour assurer le primat de l’intérêt national.
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Oh regardez ! Ils dansent !!!
Salauds de Russes à mener la guerre à des danseurs 😡
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L’ armée serbe vient d’être placée en alerte à la frontière du Kosovo, conséquence d’une longue dégradation des relations entre Belgrade et Pristina. Selon le gouvernement serbe, il s’agit de « protéger les Serbes au Kosovo ». Ce discours n’est pas sans rappeler celui de la Russie avant l’assaut de l’ Ukraine .
Toutefois la situation dans les Balkans présente des particularismes qu’il ne faut pas ignorer, tout comme il ne faut pas ignorer le poids de l’OTAN et de la Russie derrière les acteurs locaux, qui laisse craindre un nouveau front indirect entre les deux adversaires ; même si l’intensité sera moins forte.
Une situation locale différente de l’Ukraine
Si la déclaration du gouvernement serbe peut faire penser à la rhétorique russe de protéger les populations russophones, la situation dans les Balkans révèle des tensions ethniques et religieuses bien plus présentes qu’en Ukraine. La Serbie de religion chrétienne orthodoxe (85 % de la population) fait face à un Kosovo de confession musulmane sunnite (95 % de la population en 2011). Ces religions continuent à avoir un impact majeur dans la vie des habitants locaux : un sondage de 2018 montrait que 83 % de la population kosovare et 70 % des Serbes se considèrent religieux (en comparaison, 39 % des Hongrois et des Autrichiens se considèrent comme religieux). De plus si les Serbes sont des Slaves, les Kosovars sont ethniquement des Albanais .
Si l’Ukraine est elle aussi traversée par les questions de langue (russe et ukrainienne), voire religieuse (église orthodoxe de Russie contre celle d’Ukraine), la source des tensions est avant tout liée à des questions de nation. L’Ukraine est une frontière entre la Russie et l’Occident. Dans les Balkans ce sont les guerres religieuses et d’empire qui sont sources de tensions.
Une attitude peu coopérative des deux côtés
Le gouvernement du Kosovo cherche à blâmer Moscou pour cette hausse des tensions.
La Russie chercherait selon eux à créer un nouveau front pour distraire de l’Ukraine. Néanmoins comme le fait remarquer le Dr James Carafano vice-directeur de l’Heritage Foundation (peu susceptible de russophile) : « Le Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, s’est montré agressif même avec les alliés les plus fidèles du Kosovo. Il a même menacé les troupes de la KFOR (mission de l’OTAN au Kosovo). »
Demokracia , un média kosovar, fait en effet part de tensions entre le commandant de la KFOR et le gouvernement du Kosovo.
Le risque de l’activation du grand jeu politique entre l’OTAN et la Russie
Même dans le cas où Moscou n’est pas à l’origine des tensions, il semble peu probable qu’elle reste en dehors du conflit. La Serbie est le pays d’Europe ayant l’opinion la plus positive de la Russie. Le think tank slovaque GLOBSEC avait avant 2022 sondé les opinions publiques des pays d’Europe centrale. La Serbie se démarquait avec 74 % de la population qui considéraient la Russie comme une victime de l’Occident et 71 % qui considéraient que l’OTAN provoquait la Russie. Une position méfiante pouvant s’expliquer par l’intervention de l’OTAN en Serbie en 1999.
En cas de nouveau conflit entre le Kosovo et la Serbie, nul doute que la Russie sautera sur l’occasion pour soutenir la Serbie. Inversement, si la KFOR cherche actuellement à éviter le conflit et l’escalade, en cas d’attaque de la Serbie contre le Kosovo, elle risque d’entrer en conflit contre l’OTAN. D’autant plus que l’indépendance du Kosovo en 2008 a été surtout soutenue par les pays de l’OTAN et leurs alliés non occidentaux (même si certains pays européens ne la reconnaissent pas comme l’Espagne potentiellement à cause de la question de l’indépendance catalane). Et au contraire non reconnue par un certain nombre de pays à commencer par les BRICS (Brésil, Chine, Russie, Inde et Afrique du Sud).
Et les Européens ?
Comme le fait remarquer Dr James Carafano :
« Ni l’UE, ni l’Allemagne, ni l’Autriche, interlocuteurs traditionnels, n’ont exercé un leadership suffisant. La Croatie n’a pas été très active ces derniers temps. L’Albanie est distraite par des problèmes internes. La Hongrie et la Turquie ont été plus constructives (à mon avis). L’influence des États-Unis dans la région est toutefois significative. »
La Hongrie comme la Turquie ont en effet tout intérêt à suivre de très près les évènements. Les Balkans furent des territoires des empires ottomans et hongrois et des minorités persistent. Ainsi, dans la province autonome de Voïvodine en Serbie, 20 % de la population est hongroise sous la période yougoslave et 300 000 personnes en 2008 . Compte tenu de l’importance donnée par Budapest aux minorités hongroises, la Hongrie risque d’être au cœur de l’actualité.