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      Reconfinement : Pas-de-Calais puni, Seine-Saint-Denis épargnée

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 March, 2021 - 09:50 · 4 minutes

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    Par Frédéric Mas.

    Le Pas-de-Calais devrait endurer de nouveaux confinements le week-end et la fermeture de ses grandes surfaces de plus de 5000 m2 alors que le taux d’incidence du covid-19 du département est comparable à celui de Seine-Saint-Denis, qui elle est épargnée par les restrictions.

    L’annonce a suscité la protestation d’élus du Pas-de-Calais qui ont dénoncé le deux poids deux mesures du gouvernement et le caractère punitif des nouvelles restrictions.

    C’est que l’action du gouvernement ne prend pas appui sur des raisons uniquement sanitaires, mais aussi, comme l’indique FranceInfo , sur un « argument social » . Citant le journaliste de France 2 Jean-Baptiste Marteau, France Info rapporte :

    « Le taux d’incidence n’est pas le seul critère pris en compte, […] la concertation avec les élus locaux a joué dans la balance, et il semble que ceux du Pas-de-Calais étaient beaucoup plus favorables à l’idée d’un confinement, ce qui n’était pas du tout le cas en Île-de-France. Deuxième argument : être confiné dans le Pas-de-Calais ou dans une cité de Seine-Saint-Denis, ce n’est pas la même chose »

    Reconfinement : pas d’unanimité chez les élus locaux

    Les vives protestations des maires de Boulogne-sur-Mer, Hesdin ou du Touquet indiquent que la décision de reconfiner était loin de faire l’unanimité des élus locaux.

    Le préfet du Pas-de-Calais Louis Le Franc avait préconisé le reconfinement le week-end dès mardi, appuyant la demande de certains élus comme celle du maire de Calais Natacha Bouchart (LR). Arguant d’un taux élevé d’occupation des lits (97 %) en réanimation et d’un taux d’incidence deux fois supérieur à la moyenne nationale, madame Bouchart estimait qu’il n’y avait pas le choix.

    Fallait-il reconfiner autoritairement toute la région alors que la situation montrait une certaine hétérogénéité, comme l’indiquent les différentes voix qui se sont élevées ? Que penser de mesures restrictives de liberté prises sur critères politiques, et non scientifiques ?

    Le constat de l’urgence sanitaire jugé au doigt mouillé

    Les restrictions aux libertés seraient plus mal vécues en Seine-Saint-Denis que dans le Pas-de-Calais. Le virus serait-il sensible aux exigences de justice sociale, épargnant les plus pauvres et punissant les plus riches ? On savait depuis une déclaration de M. Delfraissy, que le virus était « diabolique » et « intelligent », nous ne savions pas qu’il était en plus socialiste.

    Mais vivre en Seine-Saint-Denis est-il plus infernal que de vivre dans le Pas-de-Calais, en se fondant sur un critère social ? Si nous acceptons de prendre ce propos au sérieux, observons que selon l’Insee le Pas-de-Calais et la Seine-Saint-Denis se situaient respectivement à la 94 e place et à la 99 e place du classement des départements les plus pauvres de France sur 104 en 2017.

    L’État ne serait-il pas tout simplement en train de rationaliser sa faiblesse quand il s’agit d’assurer ses missions essentielles ? L’état du régalien en Seine-Saint-Denis n’est pas vraiment comparable à celui du Pas-de Calais. Un rapport sénatorial de 2018 observait déjà que la Seine-Saint-Denis était « championne des agressions, des violences physiques et du trafic de stupéfiants » .

    Face à l’explosion de la violence, les rapporteurs observaient que l’administration préconisait même de fermer les postes de police la nuit alors que les besoins allaient grandissants. « Il paraît effarant, lorsque la délinquance et la criminalité augmentent, que les services de police diminuent. » notent les rapporteurs.

    Sauf si on a abandonné tout espoir d’y faire régner le droit. Est-ce que parce que l’État a démissionné en Seine-Saint-Denis, et qu’il y est désormais incapable d’y faire appliquer ses consignes les plus basiques, qu’il a évité le reconfinement ?

    Il semblerait donc que ce soit sur des critères politico-sociaux plus que scientifiques que le gouvernement reconfine le Pas-de-Calais et épargne la région parisienne. Cela porte un nom : arbitraire. Céder aux multiples féodalités politiques et administratives n’efface pas la responsabilité du gouvernement dans cette nouvelle attaque adressée à l’État de droit et à l’isonomie libérale.