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      La politique de relance est arbitraire et nuisible

      Pascal Salin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:40 · 8 minutes

    politique de relance

    Par Pascal Salin.

    Généralement, quand on parle de politique de relance on fait un raisonnement de type macroéconomique consistant en particulier à penser que la relance économique de la production dans un pays est accrue par une augmentation de la demande globale. Telle est en particulier l’une des caractéristiques de la théorie keynésienne.

    Or cette approche économique est particulièrement contestable. Comme nous l’avons indiqué dans un article précédent de Contrepoints c’est la production qui détermine la demande et non le contraire.

    L’absurdité de la politique de relance

    Outre les raisonnements logiques concernant les comportements des individus et leurs conséquences sur les activités d’une société – par exemple d’un pays – on devrait être convaincu du caractère absurde de la politique de demande globale par le fait suivant : les producteurs d’un pays comme la France sont concernés par des demandes extrêmement importantes, à savoir les demandes mondiales.

    S’ils ne produisent pas plus ce n’est pas parce qu’il y a une insuffisance de demande globale – puisqu’il existe une demande mondiale – mais c’est parce qu’ils ne veulent pas produire davantage, compte tenu de leurs choix subjectifs et de leurs capacités productives.

    L’approche macroéconomique au sujet de la demande globale semble être implicite dans les déclarations politiques concernant la politique de relance. Dans la mesure où il y a là une idée adoptée pratiquement par tous les Français, même s’ils ne connaissent pas de manière précise la théorie keynésienne , il est dans l’intérêt des politiciens de proclamer qu’ils pratiquent une politique de relance en augmentant les dépenses publiques.

    Ils justifient par ailleurs ainsi l’idée courante selon laquelle la politique économique constitue l’un des rôles majeurs de l’État. Or on devrait considérer cette idée comme totalement contestable : la seule chose qui justifie en principe l’existence de l’État c’est ce qu’on appelle les fonctions régaliennes .

    Mais les politiciens français profitent actuellement du respect de la politique de relance, alors qu’il y a une diminution de beaucoup d’activités productives, pour financer plus particulièrement certaines activités et obtenir ainsi l’appui d’un certain nombre d’électeurs.

    Au lieu que la politique de relance soit considérée comme un ensemble de dépenses effectuées par l’État pour s’approprier des biens et services, comme cela semble correspondre à la théorie keynésienne, l’actuelle politique de relance pourrait être considérée comme davantage justifiée dans la mesure où elle ne repose pas sur un objectif global, mais a pour objectif d’aider les producteurs considérés comme étant particulièrement victimes de la situation actuelle.

    Un prétexte pour l’État

    Mais cette politique constitue en particulier un prétexte pour l’État afin de développer les politiques spécifiques qu’il souhaite (en particulier pour réaliser les souhaits de certains de leurs électeurs). C’est ainsi que la politique de relance actuelle a trois priorités : la transition écologique , la compétitivité et la souveraineté de l’économie française.

    Or ces domaines ne sont pas ceux auxquels la crise actuelle nuit le plus, mais ceux qui constituent des objectifs permanents de la politique économique. De ce point de vue on ne devrait pas parler de politique de relance, mais de politique de diversification obligatoire des activités productives.

    À titre d’exemple on peut aussi évoquer le plan protéines végétales auquel sont consacrés vingt millions d’euros pour l’achat de semences et pour l’aide à l’investissement dans des équipements spécifiques permettant la culture, la récolte et le séchage d’espèces riches en protéines végétales.

    Il est évident que la crise économique actuelle est une crise de l’offre car la crise sanitaire a empêché un grand nombre de personnes – salariés ou entrepreneurs – de travailler autant que normalement. Par ailleurs, la diminution de revenus qui en a résulté a évidemment conduit à une diminution des demandes de certains produits et donc de leur production.

    Il est évident que cette crise économique ne doit pas être considérée comme une crise globale, mais comme une crise structurelle. Pour en sortir, il faut que les écarts des structures productives par rapport aux structures normales de long terme soient progressivement supprimés.

    Ordre spontané et juste utilisation des ressources

    Or il est très important d’admettre que ce retour aux équilibres normaux peut résulter de ce que Friedrich Hayek nommait l’ordre spontané .

    Prenons en effet l’hypothèse que la crise sanitaire s’est totalement arrêtée. Il n’y a plus de raison pour les individus de cesser leur travail ou de le réduire.

    Bien entendu ce retour aux activités normales ne peut pas se faire immédiatement et de la même manière pour toutes les productions. Il y a des évolutions structurelles, impossibles à prévoir, qui se manifestent en partie par des variations des prix relatifs, ce qui a d’ailleurs pour rôle de créer des incitations à s’ajuster à la situation d’autrui. Bien entendu cette restructuration n’est pas immédiate et est un peu coûteuse, mais elle a le mérite de tenir compte de la spécificité de toutes les activités.

    Par ailleurs l’actuelle politique de relance est censée bénéficier à des entreprises et citoyens spécifiques. On considère généralement cela comme une remarquable justification de la politique de relance : aider ceux qui semblent souffrir le plus de la crise, par exemple.

    Mais les jugements consistant à choisir les activités à développer le plus sont contestables. Ainsi, par exemple, il se peut que certaines activités dont la production diminue auraient de toute façon diminué leur production – ou même fait faillite parce qu’elles ne correspondaient plus aux besoins – s’il n’y avait pas eu la crise sanitaire. Essayer de soutenir ces activités productives est donc injustifié et conduit à des gaspillages de ressources .

    La crise de l’offre

    La crise est en grande partie une crise de l’offre (de la production) et non de la demande, même si certaines productions ont dû diminuer du fait de la diminution de la demande pour leurs produits ; mais précisément on ne connait pas du tout les raisons des changements structurels et il n’est pas justifié de mener une politique structurelle. Elle risque d’empêcher pendant longtemps le retour normal aux structures de production désirables pour les producteurs et les consommateurs.

    En effet ces politiques impliquent évidemment des augmentations de dépenses publiques aux dépens de dépenses privées puisqu’il faut bien que l’État prélève des ressources sur les citoyens pour financer ses dépenses. Par conséquent il y a deux raisons de critiquer cette politique de relance pour des activités productives spécifiques.

    Tout d’abord cette politique est forcément arbitraire car il est certain que les dirigeants politiques et bureaucratiques ne connaissent pas les véritables changements structurels dus à la crise ni ce que serait la structure productive correspondant à tous les besoins et envies des individus.

    Par ailleurs la politique de relance a pour conséquence des changements structurels imprévisibles et impossibles à connaitre. Ils sont dus au fait que le financement des aides de relance a forcément des conséquences négatives car cela réduit l’épargne disponible pour les investissements (autres que ceux aidés par la politique de relance) et impose dans le présent ou le futur le prélèvement d’impôts supplémentaires.

    La politique de relance actuelle correspond au préjugé très contestable selon lequel l’État a pour mission de pratiquer des politiques économiques et que les responsables de ces politiques ont une connaissance parfaite du fonctionnement de l’économie nationale, c’est-à-dire de toutes les activités productives et des rapports existant entre elles.

    Ce préjugé – qui joue donc un rôle important dans la politique de relance – est aussi celui qui inspire la planification , lorsqu’elle existe ; et d’ailleurs l’actuel gouvernement français a décidé de relancer le plan français.

    La nocivité de la politique de relance et de toute politique économique

    On devrait admettre que toute politique économique est nuisible. Une politique économique suppose implicitement que les dirigeants politiques ont une parfaite connaissance des relations entre tous les producteurs et consommateurs et qu’ils peuvent modifier les droits de propriété.

    Ce qui est efficace c’est l’ordre spontané grâce au rôle des prix relatifs et grâce au rôle de la concurrence . La seule réforme qui serait souhaitable consisterait à interdire toute politique économique et à exiger que l’État s’occupe uniquement de ses activités régaliennes, par exemple la sécurité extérieure, la sécurité intérieure ou la justice pour défendre les droits de propriété .

    Ces activités sont supposées ne pas pouvoir exister en l’absence d’un État. En réalité cela n’est pas totalement vrai : ainsi les individus s’organiseraient sans doute dans ce cas pour mettre en place des systèmes de sécurité et pour protéger leurs droits de propriété. Mais les activités régaliennes sont en tout cas relativement plus justifiées pour un État que les autres activités.

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      Covid-19 : le pire déficit budgétaire de l’histoire sûrement creusé en vain

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 26 January, 2021 - 03:55 · 2 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Le déficit de l’État a pratiquement doublé en 2020, passant de 93 milliards à 178,2 milliards d’euros. Pour faire face à l’épidémie, l’État a engagé 44,1 milliards de dépenses supplémentaires, dont 41,8 milliards de dépenses d’urgence, selon des chiffres de Bercy.

    Comme l’a affirmé Bruno Le Maire lors d’une audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, cet engagement de l’État se traduit par « le déficit budgétaire le plus élevé de notre histoire contemporaine » . Ce sont 30 milliards de plus qu’au moment de la crise financière de 2009.

    Il est assez probable que les dépenses publiques engagées aujourd’hui pour relancer la machine économique n’aient pas les effets de relance attendus du gouvernement, du moins si l’on suit l’enseignement ancien d’un des pères de l’économie, David Ricardo . Pour le célèbre économiste classique du XIXe siècle, les consommateurs ont tendance à internaliser dans leurs calculs la dette publique, ce qui les fait préférer l’épargne à la dépense espérée par les pouvoirs publics.

    Dans un Essay on the Funding system publié en 1820, Ricardo se demande s’il existe une grande différence entre financer une guerre à 20 millions de livres sterling par l’impôt ou par l’émission d’obligations d’État à échéance infinie avec des intérêts de plusieurs millions par an. Au taux d’intérêt supposé de 5 %, Ricardo a conclu qu’en termes de dépenses, les deux alternatives avaient la même valeur.

    En d’autres termes, peu importe que l’État se finance par la dette ou par l’impôt, l’effet sur la demande totale dans la sphère économique est la même.

    Le retour de la réflexion ricardienne dans l’économie contemporaine

    Dans un article de 1974 paru dans le Journal of Political Economy , l’économiste Robert Barro a remis au goût du jour ce qu’en économie on nomme le « principe d’équivalence ricardienne ».

    Il le définira quelques années plus tard comme il suit :

    « … les transferts entre le financement par la dette et le financement par l’impôt pour un montant donné de dépenses publiques n’auraient pas d’effet de premier ordre sur le taux d’intérêt réel, le volume des investissements privés, etc. »

    Le propos de Barro, qui intègre les anticipations rationnelles des agents économiques dans leurs calculs d’utilité, a fait date dans le domaine de la macro-économie néoclassique. Et a émis de sérieux doutes quant aux politiques publiques d’inspiration keynésienne visant à gonfler artificiellement la demande par la dette et l’impôt, comme le fait aujourd’hui le gouvernement français.

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      Croissance : ce qu’en dit Bruno Le Maire n’est que littérature

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 04:15 · 7 minutes

    croissance

    Par Nathalie MP Meyer.

    Retour aux chiffres, retour aux dures réalités. Selon le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance qui donnait mardi 12 janvier 2021 une conférence de presse à distance, ce sera un vrai défi que d’atteindre la croissance de 6 % qu’il a prévue pour 2021 avec un indéniable « volontarisme » (façon énarco-technocratique de dire « au pif »).

    Loin de moi l’idée de remettre cette assertion en cause, bien au contraire. On sent gros comme une maison que Bruno Le Maire nous prépare à une nouvelle révision pessimiste de ses prévisions, mais il fallait s’y attendre car tout ce qu’il nous a raconté précédemment sur le rebond de la France dans l’enfer du Covid-19 était marqué au sceau d’un optimisme keynésien aussi béat que mal compris.

    Relance et croissance, quoi qu’il en coûte

    Relance par dizaines de milliards, « quoi qu’il en coûte » sans restriction et plongeon consécutif assumé dans un niveau d’endettement dangereusement élevé – tout ceci ne devait en aucun cas susciter l’inquiétude puisque la croissance serait au rendez-vous et aurait tôt fait d’éponger ces petits excès nécessaires. Sans compter que le « principe de responsabilité sur les finances publiques » dont on sait qu’il est comme une seconde nature chez nos fonctionnaires et nos élus ( ici , ici , ici et ici ) nous garantissait que pas un euro ne serait dépensé de travers !

    Mais voilà, la croissance ne se décrète pas et M. Le Maire est inquiet, d’autant que l’on parle maintenant d’ un troisième confinement possible – une mesure de ralentissement de l’activité économique dont il serait d’ailleurs co-décisionnaire si elle devait effectivement être prise.

    Ce qui pose un léger problème : son ministère est-il en charge de favoriser ou de décourager la reprise ? Il serait plutôt question de suivre une voie étroite entre découragement du virus et encouragement de l’activité, nous répond généralement Emmanuel Macron. Mais au point d’Absurdistan où en est arrivé le pays, se pose plus que jamais la question du bien-fondé des mesures d’interdiction qui émaillent notre vie depuis mars.

    Toujours est-il que dans le Projet de loi de finances pour 2021 présenté fin septembre dernier, Bercy avait d’abord fixé les évolutions du PIB en volume à -10 % en 2020 et +8 % en 2021 et voyait la dette publique s’établir à 117,5 % du PIB à fin 2020. Mais avec le second confinement, il a fallu bricoler à la hâte de nouveaux chiffres, d’où une prévision de recul du PIB aggravée à -11 % en 2020 puis un rebond réduit à +6 % en 2021 . Quant à la dette des administrations publiques, elle devrait atteindre aux alentours de 120 % du PIB en date du 31 décembre dernier (l’INSEE n’a pas encore donné sa première évaluation concernant l’année 2020).

    Croissance et vaccination

    Les inquiétudes de M. Le Maire quant à la possibilité d’obtenir ce 6 % de croissance sonneraient cependant plus juste si parallèlement, le gouvernement ne se déchargeait pas de ses responsabilités sur des boucs émissaires pratiques et s’il ne s’évertuait pas à freiner la reprise, voire à pousser ouvertement à la non reprise comme il le fait depuis le début de la pandémie avec des mesures qui deviennent de véritables incitations à rester chez soi au lieu d’aller travailler.

    Pour le ministre, l’essentiel va en effet dépendre de la rapidité de la campagne de vaccination en France et de la vigueur de la reprise chez nos partenaires européens, notamment l’Allemagne.

    On tombe quelque peu à la renverse devant ces raisons qui permettront lorsque l’échec sera venu de tout mettre sur le dos des Français qui manqueraient de rapidité à se faire vacciner ou sur le dos d’une conjoncture économique morose à laquelle nous n’aurions aucune part mais dont nous serions les malheureuses victimes éplorées.

    Car sur le premier point, qui est en charge de la vaccination ? Qui n’a commencé à y réfléchir qu’à la mi-décembre ? Qui s’est octroyé alors, et comme d’habitude , les services d’un cabinet de conseil extérieur , McKinsey en l’occurrence, au tarif coquet de deux millions d’euros par mois ? Et qui a amplement démontré ensuite que la France, incapable de s’organiser malgré sa pléthore d’élus, de fonctionnaires et de consultants, accusait, à nouveau comme d’habitude, un retard et une lenteur inexcusables par rapport aux autres pays ?

    Quant au second point sur les partenaires européens, que voilà des propos bien audacieux et tout plein de paille et de poutre mal dirigés. Il est vrai que l’Allemagne table sur un rebond de son économie compris entre 3,5 et 4,4 % en 2021 , soit moins que les 6 % français de Bruno Le Maire. Mais quand on sait que le recul du PIB allemand devrait se situer entre -5 et -6 % en 2020 quand nous autres Français seront entre -9 et -11 %, on voit la faible pertinence, pour ne pas dire l’impertinence satisfaite des remarques du ministre.

    Et puis, il ne faudrait pas oublier non plus que depuis qu’il est entendu de compenser les fermetures administratives sur le mode du « quoi qu’il en coûte » , le gouvernement s’ingénie à rendre les arrêts de travail les plus généreux possible. La prise en charge massive du chômage partiel, plus massive et plus avantageuse que dans tout autre pays, avait déjà joué contre une reprise dynamique du travail après le premier confinement, d’où un effondrement du PIB français plus radical qu’ailleurs au premier semestre 2020.

    Les bonnes recommandations de Castex

    Aujourd’hui, les mêmes craintes sont à nouveaux de mise en raison de la mesure annoncée par Jean Castex la semaine dernière avec effet au dimanche 10 janvier dernier qui permet à tout salarié non éligible au télétravail de se mettre en arrêt de maladie immédiat sans aucun jour de carence, pour peu qu’il pense être le siège d’un des nombreux symptômes du Covid-19.

    Pas de visite chez le médecin pour confirmer la chose, juste la consultation d’une liste de symptômes dont on sait qu’ils peuvent s’appliquer aussi à de multiples pathologies parfaitement bénignes (ou au contraire être éventuellement le signe difficile à reconnaître sans avis médical d’une maladie beaucoup plus grave) :

    Voici la liste des symptômes du Covid-19 délivrée par le ministère de la Santé : fièvre, toux sèche, fatigue, courbatures, maux de gorge, diarrhée, conjonctivite, maux de tête, perte de l’odorat ou du goût, éruption cutanée ou décoloration des doigts ou des orteils, difficultés à respirer ou essoufflement, sensation d’oppression ou douleur. (Site de France 3 )

    Le salarié considéré n’est tenu à rien d’autre que de faire un test de dépistage du Covid-19 dans les deux jours suivant sa déclaration sur le site Ameli de la Sécurité sociale puis attendre sagement le résultat. Il lui suffit donc dorénavant de se sentir un peu fatigué le matin (ou d’avoir un petit mal de gorge, etc.) et d’en conclure grâce aux bons soins du gouvernement : « Ça y est, j’ai le Covid », pour obtenir jusqu’à quatre jours d’arrêt maladie pas forcément justifiés.

    Inutile de dire que cette nouvelle disposition visant à « protéger au mieux nos compatriotes » comme dirait Emmanuel Macron, mais qui ressemble à s’y méprendre à une couche d’assistanat supplémentaire étalée sur notre système social déjà obèse, est la porte ouverte à une nouvelle forme d’absentéisme qui aura peu de chance d’aider la croissance à s’envoler.

    Mais ne soyons pas trop dur avec Bruno Le Maire et reconnaissons qu’il peut parfois faire preuve d’une grande lucidité. Malgré ses immenses responsabilités de ministre de l’Économie et malgré ce terrible Coronavirus qui bouscule méchamment tous ses plans sur la comète, il trouve encore le temps d’écrire… ses mémoires… provisoires ! Quelle sublime modestie !

    L’ouvrage, son troisième depuis qu’il est à Bercy (si, si, je vous assure), ne sera en librairies que demain (et sur Amazon également – si, si, je vous assure ), mais d’après le quotidien Le Figaro , voici le portrait qu’il y fait du responsable politique :

    Passer son temps en réunions interminables, discussions creuses, en déjeuners et dîners […] toujours à l’affût de ce qui pourra être dit sur lui, son attention engloutie par le flot continu des informations en ligne, par les rumeurs, par les images, prenant le monde pour son miroir, pérorant, vitupérant […] , jamais serein, jamais en paix, s’accablant lui-même de nouvelles obligations pour ne surtout pas voir que sa vie est vaine, son influence nulle. ( L’ange et la bête : Mémoires provisoires )

    Voilà, c’est officiel, Bruno Le Maire est un responsable politique… considérable !

    Sur le web

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      Le plan France relance : potion ou poison ?

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 October, 2020 - 03:45 · 8 minutes

    plan de relance

    Par Pierre Robert.

    Le 3 septembre dernier le ministre des Finances a détaillé les mesures d’un plan de relance qui se veut historique. D’un montant de 100 milliards d’euros, il a pour objectif de redresser durablement notre économie. Mais on peut douter sérieusement que la voie choisie pour y parvenir soit la bonne après le terrible choc que lui ont infligé nos responsables politiques.

    Un Munich sanitaire, une économie en déroute

    Face au virus, en mars dernier, ils ont choisi précipitamment la voie de la capitulation en confinant pendant 55 jours non pas seulement les personnes les plus susceptibles de développer la maladie mais tous les Français sans exception.

    Ce véritable Munich sanitaire a cassé le dynamisme de nos entreprises et provoqué un véritable désastre pour l’emploi, en particulier celui des plus jeunes et des plus fragiles.

    Aujourd’hui l’économie est en déroute avec une chute drastique de la richesse créée, le naufrage de secteurs entiers d’activité et des millions d’actifs maintenus en chômage  partiel, l’arme au pied dans l’attente d’une hypothétique reprise.

    Les finances publiques le sont aussi, les 470 milliards qu’ont coûté les mesures d’urgence ayant fait bondir notre taux d’endettement à près de 120 % du PIB. Les dégâts sont donc incommensurables.

    Le virus technocratique

    En présentant le plan « France Relance » le 3 septembre dernier, le Président a montré qu’il en avait conscience en jugeant qu’après la guerre imposée par le virus, nous entrions dans « une nouvelle phase, celle de la reconstruction » sous l’égide d’un plan par lequel « notre Nation reprend son destin économique en main ».

    Cela a toutes les chances de rester lettre morte du fait de l’approche retenue pour faire face à la situation, une approche entièrement conçue par de hauts fonctionnaires convaincus qu’ils en savent plus que les acteurs privés qui interagissent sur les marchés.

    Cette approche que Friedrich Hayek aurait qualifiée de constructiviste proclame que les choix publics doivent être guidés par la volonté de construire un certain type de société, en l’occurrence une France plus verte à l’horizon 2030.

    Se donnant pour mission d’investir pour bâtir cette France de demain, ce plan ne se veut rien moins qu’ « une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays ».

    Il est donc sous-tendu par un objectif collectif qu’on prétend réaliser par des moyens politiques avec la fausse certitude qu’armé des schémas de pensée adéquats « on peut construire une société selon ses propres vœux, qu’on peut la conduire comme on le ferait d’une quelconque machine » pour reprendre une formule de Pascal Salin ( Libéralisme , Odile Jacob, Paris, 2000, p.25).

    Cette idée est profondément ancrée dans l’esprit des élites de notre pays, convaincue que l’économie ne peut fonctionner correctement que si elle est pilotée d’en haut par des spécialistes ne se fiant qu’aux prédictions de leurs modèles.

    Or, en se limitant à établir directement des relations entre de grandes variables globales (la consommation, l’investissement, l’épargne, la production) sans passer par l’analyse des comportements individuels des consommateurs ou des producteurs, ces modèles laissent échapper des éléments essentiels de la réalité qu’ils ne peuvent donc maitriser.

    Plan de relance : un biais fortement constructiviste

    Le plan s’appuie sur trois piliers qui ont pour nom écologie, compétitivité et cohésion. Quel que soit le sujet, il est marqué par le recours privilégié à la méthode des appels à projet.

    Il s’agit à chaque fois pour les instances publiques qui détiennent les clés du financement (Ademe, BPI etc.) de sélectionner les projets qui méritent d’être soutenus selon des critères politiques en faisant l’hypothèse que leurs responsables savent mieux que les acteurs privés ce qu’il faut faire pour développer la filière hydrogène et les transports du futur, décarboner l’industrie, créer de l’activité dans les territoires, revaloriser leurs tissus industriels, relocaliser les industries jugées stratégiques, identifier les secteurs et les technologies d’avenir propres ou encore moderniser l’agriculture.

    Une dangereuse lacune dans ce plan

    En revanche, à aucun moment le plan dont la transition écologique est pourtant une thématique centrale n’aborde le délicat sujet de la taxe carbone.

    Avec les travaux de Jean Tirole ( Économie du bien commun , PUF, 2016) l’analyse économique a pourtant clairement établi que le seul moyen efficace pour décarboner l’industrie et réduire les émissions de CO2 est d’instituer un prix unique du carbone en créant un marché des droits à polluer et non en subventionnant telle ou telle technologie plus ou moins arbitrairement choisie.

    Les auteurs du plan préfèrent toutefois ignorer ce moyen politiquement difficile à mettre en œuvre mais qui pourrait être rendu acceptable par des mécanismes redistributifs en faveur des plus précaires.

    La répétition des erreurs dirigistes du passé

    Comme nos dirigeants ont souvent été enclins à le faire, le plan défend une stratégie dirigiste de création de filière qui a toujours échoué, qu’il s’agisse de la filière graphite-gaz, du plan calcul, des machines-outils, des composants ou des industries numériques. Il en sera sans doute de même demain de la filière hydrogène et de ses ramifications dans le domaine des transports maritimes et aériens.

    Selon une autre résurgence du passé, le plan affecte des montants considérables d’argent public à la SNCF, une entreprise publique dont on connait la capacité à gaspiller des ressources et qui n’a pas été réformée en profondeur. Il consacre d’importants moyens au retour des petites lignes non rentables et à la coûteuse remise en circulation des trains de nuit, ce qui probablement fera plaisir à quelques nostalgiques.

    Un plan de relance aux signes d’irréalisme

    On note aussi qu’il flèche des sommes très importantes vers la formation et la rénovation énergétique. Dans les deux cas, il témoigne du manque de connaissance des réalités du terrain souvent de mise dans l’atmosphère éthérée des cabinets ministériels.

    En effet comme le remarque Pierre Cahuc, « notre outil de formation ne fonctionne pas encore. Il risque de ne pas pouvoir suivre » (« Les économistes jugent le plan de relance cohérent mais insuffisant », Challenges , 3-09-2020)

    Le constat est identique pour les 6,7 milliards d’euros que le plan consacre à la rénovation énergétique des bâtiments où selon Patrick Artus, faute de main-d’œuvre, « les entreprises risquent de ne pas pouvoir répondre à la demande » (même source).

    Un signal positif mais trop faible

    Seul aspect positif, les impôts de production dont le poids était devenu insupportable devraient diminuer de 10 milliards d’euros par an pendant deux ans.

    Cet allègement est bien sûr favorable aux entreprises mais ne fait que réduire leur handicap dans ce domaine sans l’annuler puisque selon le Conseil d’Analyse économique, les impôts de production sont cinq fois plus élevés en France qu’en Allemagne.

    La baisse de 10 milliards est donc très insuffisante pour combler cet écart. Elle n’est pas non plus suffisante  pour rendre la France plus attractive et ainsi relocaliser des entreprises à terme.

    En outre le plan de relance ne supprime ni ne réduit la Contribution sociale de solidarité des sociétés, pourtant considérée comme le plus nocif des impôts en termes de compétitivité.

    Vers une dictature sanitaire ?

    Les promoteurs du plan souhaitent que « la relance génère un élan dont chacun, à son échelle, doit se saisir » , ce qui permettrait de « libérer les énergies de la Nation pour renouer avec la croissance » . À cette fin on l’accompagne même d’un « choc de simplification ».

    Mais avec une approche aussi constructiviste, se méfiant par nature des initiatives des acteurs privés, cela risque fort de rester à l’état de slogans vides et de vœux pieux.

    Ce logiciel technocratique qui infantilise tout le monde nous a mené tout droit au couvre-feu décrété le 14 octobre et dont on va devoir aussi supporter les lourdes conséquences pendant de longues semaines.

    À plus long terme, il semble qu’on évolue sûrement mais de moins en moins lentement vers un régime inquiétant dans lequel l’État paie les salaires, prétend créer les emplois, bénéficie d’une création illimitée de monnaie et restreint de plus en plus sévèrement nos libertés.

    Si nous n’y prenons garde, la crise du Covid risque d’enfanter et de pérenniser une forme de gouvernement par la peur et d’économie strictement subordonnée à des impératifs sanitaires dans le cadre d’une société reconstruite mais muselée et contrainte à la décroissance.

    Annexes

    – Un lien avec un article publié le 31 mars 2020 sur le site de l’institut sapiens  : https://www.institutsapiens.fr/stress-test/

    – Un lien avec une leçon sur l’économie vue comme une organisation décentralisée consultable sur mon site hecosphere.com

    https://hecosphere.com/cours/les-fondements-de-leconomie/lecon/2-leconomie-vue-sous-langle-de-la-production-et-de-la-consommation/