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      Joe Biden et le protectionnisme : Make America not Great Again

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Par Gary Galles.

    L’économiste George Stigler, lauréat du prix Nobel, a un jour écrit que les économistes étaient des prédicateurs , ce qu’il décrivait comme consistant à offrir « une recommandation claire et raisonnée (ou, plus souvent, une dénonciation) d’une politique ou d’une forme de comportement de la part d’hommes ou de sociétés d’hommes », notamment en ce qui concerne l’éthique de la concurrence sur le marché. En ce qui concerne la défense de cette éthique (c’est-à-dire la défense des accords mutuellement volontaires que les individus concluent entre eux par opposition aux accords involontaires imposés aux uns par les autres), j’entre dans sa catégorie de prédicateur. Je trouve la violation des droits des personnes et des politiques publiques qui imposent ou nécessitent de tels abus immensément grinçante.

    Lorsque Donald Trump a annoncé son intention de « Make America Great Again » (puis annoncé sur les chapeaux MAGA), le prédicateur en moi a applaudi les réductions d’impôts (malheureusement non assorties de réductions de dépenses) et le frein aux réglementations inutiles et coûteuses. Cependant, lorsqu’il a affirmé que ses politiques protectionnistes lui permettraient d’atteindre son objectif, alors qu’elles allaient en fait être préjudiciables aux Américains pour protéger des intérêts particuliers, j’ai eu une grosse réaction allergique. J’ai même dit en plaisantant à l’occasion de l’un de mes cours que ces politiques protectionnistes ne pouvaient que rendre l’Amérique terne à nouveau en la rendant moins grande et plus pauvre.

    Maintenant, le président Joe Biden, prouvant sa capacité à saisir les mauvaises idées, suit la même voie protectionniste, bien qu’il ait été élu en grande partie par opposition à Trump.

    Comme l’a écrit James McCarten, de la Canadian Press (une personne bienvenue pour un point de vue, puisque les producteurs canadiens ainsi que les consommateurs et les contribuables américains seraient lésés), à propos du discours sur l’état de l’Union :

    « Il ne s’est pas contenté de défendre le programme Buy American . Il a doublé la mise, promettant de nouvelles règles pour les projets d’infrastructure fédéraux qui exigeraient que tous les matériaux de construction – pas seulement le fer et l’acier, mais aussi le cuivre, l’aluminium, le bois, le verre, les cloisons sèches et les câbles à fibres optiques – soient fabriqués aux États-Unis. »

    Ce discours faisait suite à la vantardise antérieure de Biden selon laquelle son plan à venir serait encore plus orienté vers les producteurs américains que les plans précédents.

    Le protectionnisme de Biden suit de près celui de Trump et de nombreux autres avant lui, s’appuie sur un faux argument de patriotisme. Les importations sont attaquées comme nuisant à l’industrie américaine, ce qui est ensuite utilisé pour justifier des politiques protectionnistes  : « nous devons défendre l’Amérique  ». Étant donné que les importations nuisent toujours aux producteurs américains de produits concurrents dans le sens où elles réduisent la demande pour leur production, ceux qui veulent se protéger trouvent cet argument convaincant, comme beaucoup d’autres qui négligent la tricherie logique. Mais dans leur rôle de consommateurs (ce que les Américains ont le plus en commun sur le plan économique), les Américains sont leurrés par cette tromperie.

    Le conflit est présenté comme une lutte mano à mano entre les producteurs étrangers et les producteurs américains, où le patriotisme devrait conduire l’Amérique à favoriser les seconds. Si cela était exact – si c’était tout ce qui était en jeu – et si les Américains se souciaient davantage de « nos » producteurs, ils leur donneraient la préférence, toutes choses égales par ailleurs. Or, ce n’est pas tout. Au fond, le protectionnisme est en fait une conspiration entre les producteurs américains et le gouvernement américain pour arnaquer les consommateurs américains (et les contribuables dans ce cas) et les fournisseurs étrangers.

    En plus d’un patriotisme à l’envers, la présomption que de telles politiques augmenteront la demande pour les producteurs américains n’est pas non plus réellement sous-entendue. Les coûts plus élevés imposés par ces politiques réduiront la production dans les industries qui utilisent les intrants concernés. Cela sera particulièrement vrai pour les producteurs en concurrence sur les marchés d’exportation avec des pays ne pénalisant pas leurs producteurs de la même manière. Ensuite, la réduction des recettes d’exportation mettra moins de dollars dans les mains des habitants d’autres pays, ce qui réduira également leur demande d’exportations américaines. Cependant, les protectionnistes « patriotiques » ne semblent jamais remarquer ces réalités.

    Dépeindre le protectionnisme en opposant les producteurs nationaux aux producteurs étrangers ne tient pas compte de la question centrale : pourquoi les consommateurs américains préfèrent-ils acheter étranger plutôt que national ? Parce que les producteurs étrangers offrent un meilleur prix, une meilleure qualité et un meilleur service. Par conséquent, lorsque les restrictions commerciales suppriment ces options supérieures, elles appauvrissent les consommateurs américains. Le patriotisme n’implique pas que notre gouvernement doive aider les producteurs américains à mendier auprès des consommateurs américains.

    Le protectionnisme est d’autant plus grave qu’il s’agit d’un jeu à somme négative. Les ressources représentées par la différence entre les produits importés à faible coût et les produits nationaux à coût plus élevé sont tout simplement gaspillées pour chaque unité de production nationale inefficacement « protégée ».

    Nos fondateurs, indéniablement patriotes, ont vu clair dans la farce protectionniste. Par exemple, Thomas Paine, l’ardent rhétoricien qui a alimenté la révolution américaine, a soutenu dans Les droits de l’homme :

    « Lorsqu’on attaque un stock commun de commerce et que la conséquence est la même que si chacun avait attaqué son propre stock […] Chaque nation […] augmente ses richesses par ce qu’elle obtient d’une autre en échange. »

    Avant même la fondation de l’Amérique, Charles Louis de Secondat , baron de Montesquieu, que Robert Wokler a désigné comme « peut-être le penseur le plus central des Lumières », a écrit en 1748 dans De l’esprit des lois que le libre-échange, dérivé de la propriété de nous-mêmes, était une application essentielle de la liberté : « Les richesses qu’il produit n’ont aucun effet néfaste. » Bien au contraire. « Dans les républiques […] les marchands ayant l’œil sur toutes les nations de la Terre, apportent de l’une ce qui est demandé par l’autre », de sorte que « il vaut beaucoup mieux laisser [le commerce] ouvert, que par des privilèges exclusifs, restreindre la liberté du commerce. »

    Le libre-échange est simplement la liberté de chacun d’entre nous de choisir avec qui il s’associera de manière productive et comment il organisera ces associations, sans limitations artificielles. C’est un élément essentiel de la propriété individuelle, qui est un élément essentiel de la liberté.

    Derrière les fanfaronnades protectionnistes passe-partout de Joe Biden, tout comme celles de Donald Trump et de ses collègues protectionnistes avant lui, les politiques protectionnistes représentent en réalité l’imposition forcée de la tyrannie. Le libre-échange procure des avantages à chaque participant volontaire, qu’il traverse ou non les frontières. Les fondateurs de l’Amérique l’ont reconnu, puisque la clause sur le commerce de la Constitution a créé la plus grande zone de libre-échange interne au monde en interdisant les restrictions des États au commerce interétatique. Si le libre-échange est bon au-delà des frontières des États, reflétant des principes de liberté valables, ces mêmes principes le rendent bon lorsqu’il traverse les frontières fédérales également.

    Nous devrions nous rappeler que, comme l’a dit Henry George en 1886 dans son ouvrage Protection or Free Trade :

    « Le libre-échange consiste simplement à laisser les individus acheter et vendre comme ils veulent acheter et vendre. C’est la protection qui exige la force car elle consiste à les empêcher de faire ce qu’ils veulent faire […] Ce que la protection nous apprend, c’est à faire à nous-mêmes en temps de paix ce que les ennemis cherchent à nous faire en temps de guerre. »

    Faire à nous-mêmes ce que les ennemis cherchent à nous faire en temps de guerre n’est pas patriotique. Cela reflète plutôt ce que Thomas Paine a reconnu comme « la main avide du gouvernement qui s’insinue dans tous les coins et recoins » pour favoriser des intérêts contre ceux que le gouvernement est censé représenter. Si les Américains veulent vraiment que l’Amérique soit grande plutôt que davantage érodée, ils ne devraient pas laisser la déformation rhétorique et la mauvaise orientation les empêcher de choisir ce qu’ils veulent pour eux-mêmes.

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      Pourquoi « L’économie en une leçon » est aussi d’actualité aujourd’hui qu’en 1946

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 1 January, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Par Cruz Marquis.

    L’un des premiers livres d’économie que j’ai lu était L’économie en une leçon de Henry Hazlitt et je n’aurais pu demander une meilleure introduction à la science de l’action humaine. Des générations plus tard, il n’est pas nécessaire de le mettre à jour, il est tout aussi opportun et applicable au XXI e siècle qu’il l’était au précédent.

    Publié à l’origine en 1946, Hazlitt écrivait dans un monde différent. La Seconde Guerre mondiale n’était plus qu’une année dans les livres d’histoire et les armées se démobilisaient, à l’horreur des New Dealers qui traitaient l’armée comme un programme d’emploi massif. Le socialisme a été vaincu en Allemagne, mais les États-Unis y sont parvenus en adoptant certains des mêmes contrôles tyranniques que leurs ennemis.

    Bien que proclamée haut et fort comme un slogan, la liberté était un idéal impopulaire.

    Même si les sophismes de nombreux économistes contemporains dénigraient la liberté, Hazlitt est allé à contre-courant en écrivant un livre dans le but même de démolir les erreurs les plus persistantes et les plus pernicieuses dans ce domaine. Il a eu la clairvoyance d’éviter de présenter des arguments très particuliers à l’aide des statistiques, des titres et des citations de l’époque, ce qui a peut-être déçu les lecteurs d’il y a quelques décennies mais profite à ceux d’aujourd’hui. En évitant de s’enliser dans les verbatims et les chiffres, il a élaboré des arguments fluides qui réfutent la forme générale du mensonge plutôt que des exemples spécifiques. Hercule a-t-il vaincu l’hydre en attaquant chaque tête au moment où elle se régénérait (mensonges économiques spécifiques), ou en attaquant leur source (mensonges généralisés) ?

    Son postulat est que l’économie contient tout ce qu’il faut pour anéantir les mensonges généralisés, et de là, tous les mensonges spécifiques :

    « L’art de l’économie consiste à examiner non seulement les effets immédiats, mais aussi les effets à plus long terme de tout acte ou de toute politique ; il consiste à retracer les conséquences de cette politique, non pas simplement pour un groupe, mais pour tous les groupes. »

    C’est la leçon, ni plus ni moins

    La simplicité était le but du jeu avec L’économie en une leçon . Bien qu’il ait explicitement cité Ludwig von Mises comme source d’inspiration, Hazlitt ne créait pas un traité comme Human Action. Ceci étant dit, on aurait tort de dire que la « seule leçon » est incomplète ; en effet, le livre dit tout ce qui doit être dit.

    Le présent est le demain d’hier ou en d’autres termes le jour où les mauvais économistes d’avant ont dit à leurs contemporains de ne pas s’inquiéter. Keynes a lancé la célèbre boutade « À long terme, nous sommes tous morts » , et cette attitude consistant à ignorer les conséquences à long terme au profit des résultats d’aujourd’hui a contribué à engendrer des politiques médiocres et l’économie du présent. De concert avec l’erreur du cadre temporel, il y a aussi l’avantage du groupe qui ne considère qu’un groupe et la façon dont une politique l’affecte tout en ignorant tous les autres. Ce qui semble bon pour X peut être préjudiciable pour Y et si l’on n’examine que le premier, la politique sera considérée comme universellement bénéfique parce que le groupe sous le microscope a excellé, même si le groupe juste au-delà de la lentille a été sacrifié.

    Ces sophismes interconnectés se présentent sous diverses formes. Hazlitt en a énuméré plus de vingt et leur a appliqué méthodiquement la leçon. Il s’agit, entre autres, du protectionnisme, du démantèlement de l’armée de la Seconde Guerre mondiale et des travaux publics.

    Avec le protectionnisme et les tarifs douaniers, l’État, en collusion avec des sociétés politiquement liées, prélève des droits sur les importations afin d’empêcher les producteurs américains d’être sous-évalués par leurs homologues étrangers. Le mythe selon lequel c’est économiquement bénéfique est devenu particulièrement d’actualité lorsque l’ancien président Trump a ressuscité le tarif douanier en tant que question politique datant des profondeurs du XIX e siècle.

    À une occasion, il a tweeté :

    « Des milliards de dollars affluent dans les caisses des États-Unis en raison des droits de douane imposés à la Chine et il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Si les entreprises ne veulent pas payer de droits de douane, qu’elles construisent aux États-Unis. Sinon, faisons (sic) en sorte que notre pays soit plus riche que jamais ! »

    Hazlitt s’est attaqué à ce mythe en soulignant que les tarifs douaniers ne protègent que les entreprises inefficaces qui ne peuvent pas se maintenir à flot dans un marché concurrentiel. Supposons que la Grande-Bretagne puisse produire des pulls moins chers que les États-Unis et que le tarif soit abrogé. Les protectionnistes ont raison, dit Hazlitt, en ce sens que l’industrie américaine du pull-over perdra des emplois mais les clients qui achetaient auparavant chez eux obtiendront un produit équivalent ou meilleur pour moins cher ; et avec l’argent qu’ils auront économisé ils achèteront à d’autres entreprises.

    Cet argent économisé permet de développer une autre industrie plus efficace en Amérique et les emplois perdus dans l’industrie du pull sont compensés par les gains réalisés ici. En ne voyant pas les conséquences pour le consommateur et l’industrie plus efficace et en ne s’intéressant qu’à l’industrie du pull , les protectionnistes induisent en erreur et font passer des intérêts corporatifs obscurs et étroits avant l’intérêt général.

    Lorsqu’il s’est agi de démobiliser la machine de guerre qui a vaincu Hitler, Mussolini et Tojo, Hazlitt écrit que la classe professionnelle de Washington s’est inquiétée de ce qui allait en résulter. Après tout, d’où viendra l’argent pour employer tous ces nouveaux travailleurs potentiels ? Au lieu d’un désastre, Hazlitt montre que c’était une aubaine.

    La guerre étant terminée, les États-Unis pouvaient réduire les dépenses militaires du gouvernement et diminuer les impôts de manière générale. Des impôts moins élevés signifient davantage d’investissements et de consommation personnelle, ce qui entraîne une croissance massive de l’emploi. Comme par magie, l’armée et la flotte démobilisées fournissent toute la main-d’œuvre nécessaire à la dotation en personnel des bureaux et des usines. Une fois que les nouveaux travailleurs sont employés, les gains du commerce créés par l’échange de la main-d’œuvre contre une rémunération génèrent davantage de richesse. Étant donné que les anciens combattants ne sont non seulement plus soutenus par les contribuables mais qu’ils produisent également des gains commerciaux en travaillant dans le secteur privé, il n’y a guère eu de meilleure solution que de démobiliser les forces militaires de la Seconde Guerre mondiale une fois leur mission remplie.

    Regardez aussi les travaux publics destinés à fournir des emplois plutôt qu’à produire quelque chose d’essentiel, comme un dépôt de l’armée. Hazlitt évoque un pont dont la construction coûtera un million de dollars et fera travailler 500 hommes pendant un an. Les emplois créés et le nouveau pont sont tout ce que les économistes étatistes veulent voir, ils ignorent que le coût est financé par les impôts et que l’argent utilisé pour les payer serait allé ailleurs, stimulant l’emploi dans un autre endroit que le chantier de construction du pont. Le pont n’a pas du tout créé un gain net d’emplois : « Par conséquent, pour chaque emploi public créé par le projet de pont, un emploi privé a été détruit ailleurs . »

    Ce ne sont là que trois exemples de la leçon appliquée, et on pourrait bien sûr en ajouter d’autres au-delà de ce que Hazlitt a écrit dans son livre ; il n’est guère possible d’écrire une taxinomie complète de la folie économique (et encore moins une taxinomie hypothétique).

    Dans chaque cas, indépendamment de ses particularités, les coûts liés au fait de ne pas tenir compte du long terme et d’autres groupes sont la chute des plans étatistes. La sagesse contenue dans Economics in One Lesson est toujours valable des générations plus tard. Pour preuve, le livre est toujours imprimé et un auteur peut difficilement chercher un meilleur héritage pour son travail.

    Traduction Contrepoints

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      Face au protectionnisme américain, il faut l’ouverture à la concurrence

      Jean-Philippe Delsol · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 04:00 · 4 minutes

    Un article de l’IREF

    Les Européens ont mis des mois pour décrypter les dangers de l’ Inflation Reduction Act (IRA), adopté en août dernier aux États-Unis .

    Ce programme prévoit 369 milliards de dollars de subventions sur dix ans dont une large part sera affectée à la production de voitures électriques et à leurs composants (notamment les batteries), à l’éolien, au solaire, à l’ hydrogène vert … mais ces subventions seront réservées aux produits et productions américaines, ce qui pourrait pousser de nombreuses entreprises européennes à délocaliser leurs projets de production aux États-Unis.

    La réponse européenne

    Les Européens voudraient que le programme de subvention de l’IRA soit étendu aux produits européens, ce qui ne paraît guère envisageable d’un point de vue américain. À défaut, certains  voudraient taxer les produits américains importés en Europe, au risque d’une guerre commerciale, ou répondre au protectionnisme américain par une protectionnisme européen en instaurant un Buy European Act .  Mais outre que ces pratiques pourraient être dénoncées devant l’OMC, comme l’IRA lui-même, elles nuiraient sans doute autant aux Européens qu’aux Américains.

    En effet, les droits de douane augmentent les prix. Les programmes qui privilégient des produits locaux réduisent la concurrence, favorisent les rentes de situation et nuisent à l’innovation autant qu’à la baisse des prix. Le pouvoir d’achat des Européens en pâtirait à une époque où ce ne serait pas du tout bienvenu !

    D’une manière générale, la baisse des échanges nuirait à la croissance et risquerait d’augmenter le taux de pauvreté en Europe. Nous savons que la chute des frontières idéologiques après l’ouverture du mur de Berlin et la libéralisation des marchés ont fortement contribué à la réduction de la grande pauvreté passant de plus de 40 % de la population mondiale dans les années 1970 à moins de 10 % à la fin des années 2010. La remontée des protectionnismes pourrait avoir l’effet inverse.

    Ouvrir les marchés

    Alors ne vaudrait-il pas mieux aller à contresens, provoquer un choc de concurrence pour prendre les Américains et les Chinois à rebours ?

    Les Anglais l’ont fait au XIX e siècle avec succès. Dans un monde encore très fermé, connaissant des tarifs douaniers élevés, William Gladstone, ministre et souvent Premier ministre de gouvernements successifs de 1842 au début des années 1890, s’employa à instituer une politique de libre échange sans attendre toujours des accords de réciprocité des autres pays. Après plusieurs vagues de réduction ou suppression des droits de douane, les centaines de taxes sur les produits importés qui existaient furent réduites au nombre de 48 en 1860. Mais plus encore peut-être, il allégea les réglementations. Dans les années 1840, note Jean-Marc Daniel ( Histoire de l’économie mondiale , 2022, Tallandier), « le code douanier anglais compte 1150 articles. Dix ans plus tard, il n’en a plus que 50. »

    En Europe, les tarifs douaniers ont beaucoup baissé ces dernières années. Mais les contraintes réglementaires restent élevées et augmentent sans cesse. En témoignent, parmi bien d’autres, le RGPD , les directives sur les services numériques (DSA) et sur les marchés numériques (DMA), l’adoption d’une prise unique, le projet d’interdire la vente de produits issus de la déforestation …  Plutôt que de se fermer au monde en rétorsion des politiques américaines l’Europe devrait donc au contraire s’y ouvrir en réduisant drastiquement ses barrières réglementaires. Sauf, le cas échéant, avec les pays qui, comme la Chine, ne respectent pas les règles de loyauté commerciale unanimement reconnues.

    Outre que l’échange est peut-être le meilleur moyen d’éviter les guerres, il est aussi celui de favoriser le travail et la richesse, il contribue à faire baisser les prix des produits et à en améliorer la qualité. Si les USA veulent s’enfoncer dans le protectionnisme destructeur, l’Europe pourrait y voir l’occasion de s’affirmer comme le continent qui innove et dont le marché deviendra attractif parce que ses produits sont meilleurs, plutôt que parce qu’ils sont financés par l’argent public qui est toujours de l’argent trop facile pour être efficient.

    D’ailleurs, les Anglais n’avaient pas attendu Gladstone et Adam Smith pour mettre en œuvre les bonnes recettes.

    Déjà en 1215 la Magna Carta , la Grande Charte, ne disait rien de plus dans son article 41 :

    « Tous les marchands pourront, librement et en toute sûreté, quitter l’Angleterre et venir en Angleterre, y demeurer et voyager en Angleterre tant par la route que par bateau, pour acheter et pour vendre, sans aucun péage irrégulier, selon les anciennes et justes coutumes, excepté en temps de guerre et si ces marchands sont d’un pays en guerre contre nous ».

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      Macron : un discours protectionniste incohérent aux États-Unis

      Sébastien Laye · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 3 December, 2022 - 04:15 · 2 minutes

    Malgré des divergences de ton (agressif à l’égard de Biden lorsqu’il s’exprime devant les seuls représentants de la communauté française aux États-Unis, moins pugnace lors d’évènements officiels avec le président de la première puissance mondiale), Macron a peu ou prou déroulé un discours protectionniste lors de sa visite aux USA : après les années de porte-parole d’un libre échangisme sans limites, le président a redécouvert lors de la crise du covid les vertus de la réindustrialisation , à l’instar de tous nos partenaires commerciaux.

    Ainsi, la visite aux États-Unis a été présentée – du moins à l’opinion publique française, car outre-Atlantique il s’agit simplement d’accueillir le séculaire allié français, sous les mânes de la grande histoire des démocraties- comme une contestation de l’ Inflation Reduction Act , un texte américain qui met à l’honneur le made in America notamment pour tous les investissements colossaux liés à la transition énergétique.

    Cibler ce texte est une erreur

    En premier lieu, même si cela ne concerne pas vraiment les Français, l’Inflation Reduction Act recèle de fortes contradictions, ne serait-ce que dans son nom : en rapatriant certaines productions, dans un premier temps il sera inflationniste contrairement à son nom inepte. Il faut plus le voir comme une continuation de la politique Make America grat again de Trump, simplement plus orientée vers le verdissement de l’économie.

    Par ailleurs, comme l’a fait remarquer Christian Lindner , le ministre de l’Économie allemand et chef de file des libéraux, depuis le covid chaque pays a mis en place des mesures protectionnistes au niveau industriel et énergétique, y compris en Europe. Il revient aux États de se défendre dans les industries stratégiques qu’ils souhaitent ne pas ouvrir à la concurrence (en acceptant la réciprocité des mesures) ; au lieu de perdre du temps à dénoncer les Américains , la France devrait se poser la question des industries et secteurs qu’elle souhaite elle aussi protéger, car c’est le principe de réciprocité qui doit guider nos relations commerciales avec les États-Unis : on ne peut être libre échangiste que dans les secteurs où des deux cotés de l’Atlantique on a décidé que le libre échangisme serait souhaitable.

    Macron a perdu un temps précieux en poussant un hypothétique « Buy European Act » qui ne peut faire fi des disparités au sein de l’UE.

    Il eut mieux valu faire deux choses :

    1. Dresser avec plus de volontarisme ceux de ces secteurs que nous souhaiterions protéger.
    2. Dénoncer les effets à venir d’un protectionnisme généralisé qui ne serait qu’un repli sur soi.

    Avec des coûts de production déjà élevés, la France n’a rien à gagner à avoir des prix en hausse en Europe. Imiter les Américains sur les subventions serait suicidaire vu notre niveau de dette et de déficits publics. Pour relancer son industrie la France a besoin de plus de compétitivité, de recherche, d’un meilleur système éducatif, d’une meilleure fiscalité. Le problème ne peut être résolu à coups de subventions publiques ou en accusant – sans effet concret- les Américains.

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      Macron part en guerre contre le protectionnisme de Biden

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 2 December, 2022 - 04:20 · 4 minutes

    La montée en puissance des nationalismes américain et chinois est en train de prendre en étau l’Union européenne et de broyer sur son passage les principes du libre-échange.

    Emmanuel Macron , en déplacement aux États-Unis, a critiqué les mesures « super agressives » de Joe Biden en matière de politique industrielle. Dans le collimateur du président français, l’Inflation Reduction Act, qui prévoit de subventionner les entreprises américaines à hauteur de 51 milliards de dollars au détriment de leurs concurrentes, en particulier européennes. Pour Emmanuel Macron, l’investissement public de l’État américain menace de fragmenter l’UE au plus grand bénéfice de l’emploi américain. Il a ajouté qu’existait un « risque » de voir l’Europe et la France devenir « une sorte de variable d’ajustement » de la rivalité entre les États-Unis et la Chine.

    La paille et la poutre

    C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité, mais qui, par inadvertance, pointe un problème bien réel. Comme le président Biden, Emmanuel Macron n’a pas ménagé sa peine pour injecter de l’argent public afin de soutenir l’économie française éreintée par une crise covid par ailleurs gérée de manière chaotique et court-termiste.

    La dette publique a explosé, et le choix du quoi qu’il en coûte, c’est-à-dire de dépenser l’argent public que nous n’avons pas pour ralentir l’effondrement de notre commerce intérieur laminé par les confinements, couvre-feux et autres joyeusetés liberticides. Pire encore, une fois à la tête de l’UE, le président français a fait des pieds et des mains pour convaincre en particulier son partenaire allemand de changer de logiciel pour adopter celui socialiste franco-français : le meilleur moyen de lutter contre l’inflation et la crise énergétique, ce serait de s’endetter jusqu’au cou et de mener une politique interventionniste à échelle continentale. En d’autres termes, si Macron avait le pouvoir de socialiser l’économie comme Biden le fait, il le ferait avec joie et bonne humeur.

    Seulement, dans la course effrénée pour gaspiller l’argent des citoyens, l’UE ne peut pas lutter contre les mastodontes américain et chinois. Si les deux superpuissances décident de changer de braquet et d’encourager le mercantilisme , c’est-à-dire le nationalisme étroit appliqué à l’économie, alors la nature même des échanges économiques mondiaux s’en trouve détériorée.

    Un jeu à somme nulle

    Emmanuel Macron a raison de souligner qu’en faussant la concurrence par les subventions, Joe Biden favorise certains secteurs de production américains au détriment de ses concurrents. Et la capacité américaine à mobiliser de l’argent public pour soutenir ses secteurs considérés comme stratégiques n’a pas d’équivalent dans le monde. Seulement, ce ne sont pas seulement les producteurs français qui sont ici le dindon de la farce : il y a aussi le consommateur américain qui va voir disparaître une partie de l’offre bon marché mais pas Made in USA , et surtout le contribuable américain, qui est en train de financer par l’impôt l’un des plans de relance les plus coûteux de l’histoire des États-Unis. Pire encore, Joe Biden ne semble pas vraiment percevoir le lien de causalité entre une inflation galopante et des dépenses publiques démentielles dont les répercussions mondiales sont catastrophiques comme le souligne Emmanuel Macron.

    L’étau nationaliste fatal

    Face à une Amérique nationaliste convertie à la guerre économique pour conjurer le déclin on trouve une Chine communiste qui elle n’a aucun scrupule à essorer son propre peuple via un système bancaire malfaisant tout orienté à financer l’impérialisme et le néocolonialisme de ses élites bureaucratiques. Les mêmes causes ici produisent les mêmes effets : on ponctionne les individus pour subventionner certains secteurs d’activité désignés comme essentiels par la classe politique, détruisant la richesse produite par l’impôt et favoriser certains intérêts particuliers au détriment d’autres.

    On ne le rappellera jamais assez : seul l’échange volontaire et la coopération non contrainte sont créateurs de richesses sur les marchés. L’introduction de la coercition physique (ou ici étatique), comme l’a par exemple montré avec brio Frédéric Bastiat avec son exemple de la vitre cassée , ne se traduit que par du gaspillage et de la destruction de richesses, qui, malheureusement, passent sous le radar de l’action politique. La montée en puissance des nationalismes, qui tendent à remplacer le libre échange par le protectionnisme, ne peut se traduire que par l’appauvrissement général et la régression en matière d’innovation et de prospérité. Qui aujourd’hui pour convaincre les nations de choisir le commerce plutôt que la guerre ?

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      Le protectionnisme n’est plus un gros mot à Bruxelles

      Pieter Cleppe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 20 November, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    Récemment, le président français Emmanuel Macron s’est emporté contre la « loi sur la réduction de l’inflation » américaine, un texte législatif qui offre des subventions aux voitures électriques et qu’il considère comme une violation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qualifiant cette initiative de « non amicale ».

    Ce qui est troublant, c’est qu’en réponse à cette initiative protectionniste américaine, Macron veut répondre par le protectionnisme européen, puisque la France et l’Allemagne envisagent maintenant un Buy European Act pour les véhicules électriques.

    Depuis un certain temps déjà, le soutien au libre-échange s’érode dans l’Union européenne.

    Il y a le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone (Carbon Border Adjustment Mechanism ou CBAM), qui est un « tarif d’importation pour le climat » de l’UE, qui pourrait bien violer les règles de l’OMC tout en accablant le secteur manufacturier européen déjà en difficulté, étant donné que cela ferait augmenter le coût des importations de ressources premières.

    Il y a ensuite toute une série de règlements de l’UE présentés comme un cadre pour protéger l’environnement mais qui ne sont en fait que des mesures protectionnistes. L’exemple le plus flagrant est la proposition de loi européenne sur la diligence raisonnable obligatoire pour mettre fin à la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement. Elle impose aux entreprises l’obligation de vérifier que les biens n’ont pas été produits sur des terres déboisées ou dégradées, où que ce soit dans le monde.

    Le protectionnisme, un parti pris sélectif

    Le problème de cette approche est qu’elle est plutôt sélective dans la lutte contre la déforestation. Les nouvelles règles de l’UE vont effectivement surtout frapper les producteurs d’huile de palme basés dans des pays comme l’Indonésie, la Malaisie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, malgré le fait que la déforestation de l’huile de palme dans ces économies émergentes soit tombée à son plus bas niveau depuis 2017. Peu importe qu’une interdiction globale ne fasse qu’aggraver la déforestation, étant donné que les alternatives comme l’huile de tournesol ou de colza nécessitent davantage de terres, d’eau et d’engrais.

    La proposition initiale de la Commission européenne exemptait les importations de caoutchouc, très demandé au sein de l’UE, alors que celui-ci est lié à la déforestation en Afrique occidentale et centrale. Le New York Times déplore quant à lui que « l’Europe sacrifie ses forêts anciennes au profit de l’énergie ».

    Le même Parlement européen, qui s’empresse de suivre les plans de la Commission européenne lorsque ce sont les économies émergentes qui en font les frais, est en même temps heureux d’allouer de grandes quantités d’argent du contribuable à des subventions européennes pour la biomasse – la combustion du bois comme source d’énergie – même si elle est considérée comme respectueuse de l’environnement. Ne pas le faire serait embarrassant pour la pensée politique dominante de l’UE, qui croit fermement que l’énergie renouvelable est la technologie de l’avenir. Le sale petit secret ici est que la bioénergie représente près de 60 % des sources d’énergie renouvelables de l’UE – et non l’énergie éolienne et solaire, même si la plupart des gens pensent à cette dernière lorsqu’ils pensent aux énergies renouvelables.

    Arbitrage privé

    Un autre domaine où les institutions de l’UE deviennent plus hostiles au commerce est celui des tribunaux d’arbitrage privés. En 2018, il y a eu l’arrêt « Achmea » de la Cour européenne de justice – qui a jugé illégal l’arbitrage entre investisseurs et États dans un contexte intra-UE.

    La Commission européenne encourage en outre le gouvernement espagnol dans sa tentative de résister au paiement des indemnités de compensation qu’il a été condamné à verser aux investisseurs dans des programmes d’énergie renouvelable. L’Espagne a été condamnée à le faire par des tribunaux d’arbitrage privés dans un certain nombre d’affaires judiciaires, après avoir brusquement modifié son régime de soutien financier aux investissements dans les énergies renouvelables en 2013.

    À cet égard, il convient de mentionner que l’Espagne a un piètre bilan en matière de respect des sentences arbitrales. Le pays se classe au deuxième rang des gouvernements les plus négligents au monde à cet égard, selon une nouvelle étude , et c’est aussi le pays qui perd le plus grand nombre d’affaires d’arbitrage privé. À l’heure actuelle, le gouvernement espagnol doit encore payer un total de 700 millions de dollars.

    D’autres gouvernements européens sont toutefois de plus en plus hostiles à l’arbitrage privé. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Pologne, l’Espagne, les Pays-Bas et la France ont tous annoncé qu’ils souhaitaient abandonner le traité sur la charte de l’énergie, un traité clé pour les investissements énergétiques qui fait largement confiance à l’arbitrage privé.

    Découplage

    Au moins, il y a des tentatives pour revigorer le zèle de l’UE à ouvrir le commerce.

    Il y a quelques mois, neuf États membres de l’UE ont appelé à accélérer les négociations commerciales avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde et l’Indonésie, tout en accélérant la mise en œuvre des accords commerciaux conclus avec le Chili, le Mexique et le bloc commercial Mercosur, qui comprend l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay. Dans une lettre commune, ils déplorent les piètres résultats de l’UE en matière d’ouverture commerciale, qu’ils comparent au succès du « partenariat économique global régional », un vaste accord de libre-échange dans le Pacifique qui inclut également la Chine.

    Les négociations de l’UE avec le Chili, qui ne se déroulent pas bien actuellement, sont considérées comme essentielles, étant donné que le pays dispose d’un accès privilégié au lithium. Ce métal est essentiel pour fabriquer des batteries et d’autres composants de haute technologie, nécessaires pour fournir des alternatives à l’interdiction par l’UE des nouvelles voitures à moteur à combustion à partir de 2035, une autre grande expérience politique descendante de l’UE. L’autre solution consiste à devenir beaucoup plus dépendant de la Chine, qui est le principal fournisseur de ressources telles que le cuivre, le nickel, le cobalt, les terres rares et le lithium, toutes essentielles à la « transition » écologique souhaitée par l’UE.

    L’importance de la Chine pour l’industrie manufacturière européenne et notamment allemande est l’une des raisons pour lesquelles le chancelier allemand Scholz a décidé de devenir le premier dirigeant occidental à rendre visite aux dirigeants chinois à Pékin depuis le début de la pandémie de Covid. Il a reçu de nombreuses critiques, certains estimant que l’Allemagne allait tout simplement devenir trop dépendante de la Chine après l’être devenue de la Russie. Puis Scholz a réussi à obtenir de la Chine qu’elle réprimande les menaces nucléaires de la Russie.

    L’Allemagne a toujours été proche de la Chine. À la fin de 2020, alors qu’elle était présidée par l’Allemagne, la présidence de l’UE a fait adopter l' »accord global sur l’investissement » entre l’UE et la Chine, un cadre d’investissement plutôt modeste mais néanmoins important sur le plan symbolique. Quelques mois plus tard, la ratification de cet accord a été gelée en raison des sanctions prises par la Chine à l’encontre d’un certain nombre de députés européens, dans le cadre d’une riposte aux sanctions imposées par l’UE à des responsables chinois impliqués dans le traitement de la minorité ouïghoure par la Chine.

    Dans un commentaire avant son voyage en Chine, Scholz aborde ce débat complexe, écrivant :

    « Nous ne voulons pas nous découpler de la Chine, mais nous ne pouvons pas être trop dépendants », promettant que son gouvernement « soutiendra » les entreprises « là où des dépendances risquées se sont développées […] par exemple avec de nouveaux partenariats pour les matières premières ». Il a résumé les hésitations de l’Occident sur la manière de traiter avec la Chine en notant que « l’UE a décrit avec précision la Chine comme remplissant le triple rôle de partenaire, de concurrent et de rival ».

    À la suite de la crise énergétique, l’UE a accumulé un déficit commercial record. Pour l’instant, elle n’a pas encore abandonné les expériences énergétiques – la réduction de la production nationale de combustibles fossiles – qui sont à l’origine de la grande pénurie actuelle de combustibles fossiles. Comme nous l’avons mentionné, les instincts protectionnistes refont surface, tandis que les préoccupations légitimes concernant la dépendance excessive vis-à-vis de la Chine ajoutent à la complexité. Ce débat ne fait que commencer.

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      Sondage Contrepoints : 4 Français sur 10 pour le libre-échange… mais pas ceux que vous croyez

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    sondage contrepoints

    Par Guillaume Périgois.

    La mondialisation divise les Français en trois, avec un avantage pour les partisans du libre-échange commercial.

    Selon un sondage OpinionWay pour Contrepoints commandité pour la publication du livre Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation (Librairal, février 2021, offert), 37 % des Français estiment que les barrières commerciales devraient être baissées au moins si les autres pays le font (et 13 % de manière unilatérale), 31 % pensent qu’il faudrait les maintenir ou les augmenter et 29 % sont sans opinion.

    Ainsi, 3 Français sur 10 pensent que le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales, car cela protégerait les entreprises françaises contre l’importation de produits de concurrents étrangers, même si cela a un effet négatif sur les consommateurs français et les producteurs français des secteurs d’exportation. »

    Presque 4 Français sur dix estiment au contraire que la France devrait baisser ses barrières commerciales.

    Parmi eux, ils sont 24 % à répondre que « la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font, car c’est la seule façon de les inciter à ouvrir leurs marchés » et 13 % à préférer que la pays baisse « ses barrières commerciales même si les autres pays ne le font pas, car les consommateurs pourraient acheter des produits importés moins chers et la concurrence étrangère inciterait les entreprises françaises à améliorer la qualité et les prix de leurs produits. »

    Contrairement aux idées reçues, ce sondage révèle donc que les Français sont plus enclins au libre-échange qu’au protectionnisme .

    Décortiquons ces résultats.

    Qui sont les partisans du libre-échange unilatéral ?

    Le portrait-robot du Français favorable au libre-échange unilatéral est une femme ou un homme, de 18 à 49 ans mais plutôt de 35 à 49 ans (19 %), employé ou ouvrier (16 %), et habitant le Nord-Est, le Sud-Est mais surtout la région parisienne (19 %).

    Plus surprenant, ce partisan d’une ouverture unilatérale des frontières commerciales est plutôt politiquement proche… de la France Insoumise (22 %) ou du Rassemblement national (18 %) et a voté Marine Le Pen (20 %) ou Benoît Hamon (19 %) aux élections présidentielles de 2017.

    Les plus défavorables au libre-échange unilatéral sont les plus de 65 ans (6 %), du Nord-Ouest de la France (9 %), proches de Europe écologie – Les Verts (8 %) ou de La République en Marche (9%), ayant voté Emmanuel Macron (8 %) ou François Fillon (8 %) en 2017.

    Qui sont les partisans du libre-échange bilatéral ?

    Changement de décor chez ceux pour qui la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font.

    On trouve du côté du libre-échange bilatéral les hommes (29 %), de 65 ans et plus (34 %), de catégories socioprofessionnelles supérieures (28 %) ou inactifs (27 %), d’Île-de-France ou du Sud-Ouest (28 %), habitant dans des villes de plus de 20 000 habitants.

    Ils sont proches de la République en Marche (45 %) et ont voté Emmanuel Macron (41 %) ou François Fillon (34 %) en 2017.

    Qui sont les protectionnistes ?

    La proposition selon laquelle le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales » obtient plutôt les suffrages des 50-64 ans (34%) et des plus de 65 ans (34%), du Nord-Est (35%) et habitant une commune rurale (37%).

    Politiquement, les protectionnistes sont proches du Rassemblement National (48 %), des Républicains (38 %) ou d’Europe écologie – Les Verts (36 %) et ont voté Marine Le Pen (46 %) ou François Fillon (38 %) en 2017.

    Des mythes qui volent en éclats

    Une intuition sort renforcée de cette enquête : oui, les habitants des communes rurales sont plus favorables au protectionnisme et les habitants de la région parisienne sont plus favorables au libre-échange.

    Mais ce sondage brise aussi certains préjugés.

    On dit que les plus modestes seraient opposés au libre-échange ? C’est faux : les employés et ouvriers sont les plus susceptibles de vouloir un libre-échange unilatéral.

    Les partis centristes seraient-ils vraiment pour l’ouverture des frontières et les partis extrêmes pour leur fermeture ? Faux : on trouve du côté du libre-échange les proches de la République en Marche et la France Insoumise et du côté du protectionnisme les proches du Rassemblement National, des Républicains et d’Europe écologie – Les Verts.

    Les attitudes des Français sur le commerce international et la mondialisation dessinent donc un clivage parfois contre-intuitif : le centre, l’extrême gauche et les urbains pour l’ouverture, l’extrême droite, la droite, les écologistes et les ruraux pour le repli.

    Mais surtout, malgré un contexte sanitaire et économique catastrophique, et contrairement aux opinions fréquemment véhiculées par ceux qui prétendent parler pour eux, il y a davantage de Français pour le libre-échange que pour le protectionnisme.

    Ce sondage a été commandé pour la publication de l’essai librement téléchargeable en cliquant ici .

    Sondage OpinionWay pour Contrepoints réalisé sur un échantillon de 1003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité a été assurée selon la méthode des quotas. Interrogation réalisée en ligne en décembre 2020.

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      In Vino Veritas : subventions et taxes ne sont jamais la solution

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:35 · 4 minutes

    subventions

    Par Simone Wapler.

    Les vignerons sont frappés par une nouvelle surtaxe à l’export vers les États-Unis. Ils sont victimes collatérales d’une guerre Airbus-Boeing au moment où le confinement les prive de débouchés commerciaux.

    Tout commençait bien, il y a presque vingt ans. En 1992, un louable accord entre l’Union européenne et les États-Unis impose des limites aux subventions publiques que peut recevoir le secteur aéronautique des deux côtés de l’Atlantique. Hélas, nous vivons dans un monde cruel…

    En 2004, Boeing accuse Airbus de bénéficier de prêts et subventions contraires à cet accord ; les États-Unis déposent une plainte à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et une enquête commence.

    En 2005, l’Union européenne riposte en déposant à son tour une plainte pour les mêmes motifs : Boeing recevrait aussi des subventions et des aides.

    En 2010, l’OMC rend son verdict dans le premier conflit Boeing contre Airbus, déclare l’Union européenne coupable et estime la compensation due à Boeing à 7,5 milliards de dollars.

    En 2019, deuxième verdict de l’OMC sur la plainte d’Airbus examinée sur le fond à partir de 2006 ; à leur tour, les États-Unis sont déclarés fautifs et doivent une compensation de quatre milliards de dollars à l’Union européenne. Union européenne : 7,5 ; États-Unis : 4.

    Soigner le mal par le mal : subventions, taxation

    Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si le remède administré par l’OMC n’était pas pire que le mal. Pour compenser les subventions illicites, l’OMC autorise les plaignants à taxer respectivement certains produits européens entrant aux États-Unis et certains produits américains entrant en Union Européenne.

    Rappelons que toujours et partout, les subventions sont payées par les contribuables locaux , les droits de douanes sont payés par les consommateurs locaux . C’est donc double peine pour les contribuables et consommateurs de chaque côté de l’Atlantique qui ont financé par leurs impôts respectifs des subventions à leurs champions aéronautiques, puis devront payer plus cher de leur poche certains produits importés. Pour eux, les pénalités s’additionnent : 11,5 partout !

    Le ketchup contre le pinard

    Deux nombreux bureaucrates de part et d’autre de l’Atlantique se sont ensuite attelés à la délicate tâche de déterminer les produits qui seraient surtaxés.

    Tomato Ketchup, Boeing 737 Max et patate douce made in USA sont dans le viseur de Bruxelles. Équipements aéronautiques, vins tranquilles à degré d’alcool inférieur à 14°, cognacs français et allemands sont dans le collimateur américain.

    Le réchauffement climatique au secours du vin

    Comble d’ironie, de nombreux producteurs viticoles avaient pu échapper à la surtaxe américaine en 2020 grâce à deux années particulièrement chaudes (2018 et 2019) qui ont permis de produire du vin naturellement supérieur à 14°, degré d’alcool qui n’était pas visé par les zélés bureaucrates yankees peut-être amateurs de vins charpentés.

    Mais le tir a été rectifié pour 2021. D’où la colère du président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux en France qui se plaint d’une disparition des débouchés au moment même où les stocks sont gonflés par les confinements, couvre-feux et autres mesures supposées nous protéger .

    Les fabricants de chandelles et l’escalade dans l’absurde

    Toutes ces lamentables affaires de subventions et droits de douane ne sont que le fruit de la croyance naïve en l’efficacité du protectionnisme . Pourtant, le capitalisme de connivence et le protectionnisme sont toujours nuisibles et coûteux.

    Ceci a été dénoncée avec brio au XIXe siècle par Frédéric Bastiat dans sa Pétition au Parlement français de la part des fabricants de chandelles . Dans cette satire, des producteurs se plaignent de la concurrence ruineuse d’un étranger (qui n’est autre que le soleil) et demandent « une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes […] par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons ».

    La prochaine fois que votre main se dirigera vers le Ketchup, ou que vous déboucherez une bonne bouteille, n’oubliez pas de penser à Airbus et Boeing et méditez Frédéric Bastiat :

    Aujourd’hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d’autrui. Ce sentiment, on n’ose l’afficher, on se le dissimule à soi-même ; et alors que fait-on ? On imagine un intermédiaire, on s’adresse à l’État, et chaque classe tour à tour vient lui dire : « Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons. »

    Le protectionnisme ne nous protège pas, il nous rackette. Dans les modes de compensation qu’elle impose, l’OMC démontre qu’elle œuvre pour le capitalisme de connivence et non pas pour la défense des citoyens et la promotion du libre-échange qui se passe très bien de toute bureaucratie.

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      Carrefour dégringole en bourse, la faute au « souverainisme économique »

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    Carrefour

    Par Frédéric Mas.

    Le cours de l’action Carrefour a dégringolé après l’échec du rapprochement avec le groupe québécois Couche-Tard que le gouvernement français a court-circuité pour « préserver la souveraineté alimentaire » du pays.

    Vers 14 heures ce lundi, le titre perdait 6,17 % à 15,60 euros. L’extension du contrôle de l’État sur l’économie nationale au nom de la notion fluctuante d’« intérêt stratégique » ou de « patriotisme économique » n’est pas seulement politiquement irrationnelle, mais économiquement dangereuse.

    Carrefour : la souveraineté alimentaire avant tout

    Lors d’un passage télévisé sur France 5 la semaine dernière, Bruno Le Maire avait déclaré qu’il n’était a priori pas favorable à un rapprochement entre les deux groupes car à ses yeux, Carrefour représentait un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire » .

    Non seulement l’État donne son avis sur la situation de Carrefour, mais il se fait arbitre d’un intérêt général qui se construit en opposition aux principes élémentaires du libre-échange.

    C’est que la crise sanitaire a déclenché la panique au sommet de l’État. Il a même été envisagé en mars dernier de rationner l’approvisionnement alimentaire des Français pour pallier la flambée de l’absentéisme et des commandes non livrées.

    Si les acteurs du secteur de l’alimentation et l’armée ont dû plancher sur cette éventualité, c’est la pénurie réelle de masques, de gel et de test qui a fait sentir aux dirigeants notre dépendance vis-à-vis des importations dans le domaine médical. Mais l’autosuffisance est-elle souhaitable, et dans quelle mesure ?

    Le flou de l’intérêt stratégique

    La notion d’intérêt stratégique est ici suffisamment floue pour légitimer l’interventionnisme étatique bien au-delà de son domaine de compétence, c’est-à-dire des activités régaliennes.

    Comme l’observent les économistes Emmanuel Combe et Sarah Guillou dans un rapport de la Fondapol paru ce dimanche 17 janvier, l’autonomie stratégique régulièrement invoquée par une partie de la classe politique est une version moderne et atténuée de l’autarcie.

    L’encouragement à produire des biens et des services jugés « stratégiques » est couvert par de nombreux textes de lois internationaux, en général assez stricts et limités aux périodes d’exception. Cependant, le risque en cas de flottement sur la définition de « stratégique » est son instrumentalisation par le capitalisme de connivence : « Les entreprises vont tenter d’influencer les décideurs politiques sur la définition de ce qui est stratégique, afin d’être protégées de la concurrence étrangère. »

    C’est ce qu’a fait Donald Trump pour augmenter les droits de douane au nom de la « sécurité nationale », et c’est ce qu’a fait l’État français en resserrant son contrôle sur les investissements directs étrangers sur le sol national. Maintenant l’intérêt stratégique s’étend au secteur alimentaire.

    Comme le notait Eddie Willers dans Contrepoints :

    « Alors qu’il est censé représenter l’intérêt général, l’État ne représente que son propre intérêt. En fonction des circonstances, il peut demander des dividendes lorsque les déficits dérapent, des maintiens d’emplois pour préserver sa cote de popularité dans l’opinion, d’investir dans un projet non rentable pour améliorer son image à l’étranger. Parfois les trois en même temps… »

    Ainsi, profitant de l’État d’urgence sanitaire, le pouvoir politique étend ses filets sur l’économie et ce faisant, la menace directement. Incapable de penser en dehors du cadre de la planification centrale, il menace de fait toutes nos libertés.