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      « Les Machiavéliens » de Burnham, une lecture libérale (III)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 26 February, 2023 - 03:30 · 7 minutes

    Par Finn Andreen.

    La première partie de l’article se trouve ici
    La seconde partie de l’article se trouve ici

    Si les tendances oligarchiques du système démocratique étaient déjà bien comprises au début du XXe siècle par les machiavéliens, leurs conclusions n’ont malheureusement pas été retenues, même par la plupart des politologues. Cela n’est pas étonnant puisque la majorité n’a jamais pris connaissance des travaux de ces penseurs. Leurs noms sont très rarement cités, que ce soit dans l’enseignement secondaire ou à l’université.

    Ni le livre de Burnham ni ceux des machiavéliens ne sont aussi connus qu’ils devraient l’être. Ils sont aujourd’hui difficiles à acquérir. Celui de Burnham est sorti récemment dans une nouvelle édition anglaise mais n’avait pas été publié depuis 1964 en langue originale. Le chef-d’œuvre de Gaetano Mosca, La Classe Dirigeante vient d’être réédité en français pour la première fois depuis longtemps et n’a pas été republié en anglais depuis des décennies. Il ne peut être acheté que d’occasion pour des centaines de dollars. Le magnum opus de Robert Michels, Partis politiques , ne peut être acheté qu’en réimpression (en anglais), car il semble qu’il n’y ait pas d’édition récente de cet ouvrage dans cette langue.

    Au risque de sembler conspirationniste, l’accès difficile à ces œuvres et l’ignorance des idées des machiavéliens ne sont peut-être pas une coïncidence. Burnham a donné une explication qui, ironiquement, peut s’appliquer directement à son propre ouvrage :

    L’application au public de la méthode scientifique à la politique est entravée par ceux au pouvoir. Ils ne veulent pas que de véritables connaissances politiques soient disponibles, et ils bloquent la liberté d’enquête quand elle menace, comme elle menace si souvent, de saper leur pouvoir. Depuis l’époque des sophistes grecs jusqu’à aujourd’hui, tous ceux qui, par une enquête objective, divulguent une partie de la vérité sur le pouvoir ont été dénoncés par l’opinion officielle comme subversifs. 1

    Aujourd’hui, le filtrage de contenu et la censure d’information sur Internet jugés politiquement sensibles peuvent s’expliquer de cette manière. Le sort de Julian Assange est un exemple flagrant du traitement réservé à ceux qui « divulguent une partie de la vérité sur le pouvoir » dans des systèmes politiques qui se veulent démocratiques.

    Existerait-il un effort plus ou moins concerté pour limiter la circulation des œuvres des machiavéliens de la part de la minorité dirigeante, de peur que ces idées ne se répandent dans la majorité dirigée ? Bien que l’ignorance de la société au sujet des machiavéliens puisse avoir une explication plus prosaïque, il serait utile d’étudier pourquoi leurs œuvres si originales et éclairées ne sont pas plus largement disponibles, et encore moins enseignées.

    Indépendamment de la réponse à cette question, il n’aura pas échappé au libre penseur que la majorité n’a pas la possibilité de prendre conscience de la nature oligarchique de ses démocraties. À  travers l’école publique, elle a été éduquée depuis son plus jeune âge à croire au mythe de la démocratie. Cela peut se comprendre car la plus grande menace pour la minorité au pouvoir, comme l’a noté Burnham, est l’adoption par la majorité de la méthode scientifique d’analyse de la politique.

    Une leçon importante des machiavéliens est donc que l’individu doit se méfier du pouvoir politique même lorsqu’il vit dans une démocratie. Le mythe de la démocratie existe précisément pour que la majorité se contente de ne pas s’impliquer dans les affaires politiques de sa nation, à part se rendre périodiquement dans l’isoloir.

    La tendance au bonapartisme

    La nature oligarchique des systèmes politiques explique pourquoi dans une démocratie les actions des branches exécutive et législative sont souvent très différentes des programmes politiques sur lesquels elles ont été élues. Ce déficit démocratique est particulièrement évident dans les systèmes présidentiels où le président est élu au suffrage universel.

    Comme dans un tel système le président est élu directement par le peuple, il est souvent perçu, par lui-même et par d’autres, dans les mots de Burnham, comme « l’incarnation la plus parfaite de la volonté du groupe, du peuple ». 2 Ainsi, selon le mythe de la démocratie, non seulement le président a la légitimité de gouverner mais il ne peut être blâmé car il n’est qu’un instrument de la quasi sacrée volonté du peuple.

    Parce que son élection est confirmée par le peuple, il peut justifier ou excuser presque n’importe quelle action politique, y compris celles qui lui permettent d’augmenter ses chances de rester au pouvoir. Ces méthodes consistent souvent à utiliser le pouvoir de la fonction présidentielle pour soutenir sa réélection, pour affaiblir l’opposition et influencer le pouvoir judiciaire. De tels actes ne sont pas nécessairement anticonstitutionnels ou illégaux et, en tout état de cause, le président jouit de l’immunité du poste.

    Enchâssé dans le système démocratique lui-même, il y a donc une tendance à l’autoritarisme, que les machiavéliens désignaient sous le terme de bonapartisme . Napoléon s’est couronné Empereur, mais Empereur des Français, pas de la France. C’est-à-dire que la légitimité du chef de l’État provenait dès lors non pas d’en haut, de droit divin, mais d’en bas, du peuple. Cela s’exprime encore plus clairement avec le deuxième Bonaparte à gouverner la France, Napoléon III, qui prétendit avec astuce qu’il était « simplement l’organe exécutif de la volonté collective manifestée lors des élections ». 3

    Dans ce contexte, pour quiconque qui suit la vie politique aujourd’hui, il est difficile de nier la véracité du passage suivant de Burnham :

    Les dirigeants ne sont plus personnellement responsables de leurs actes : ils peuvent aller en guerre, persécuter, voler, violer les libertés, ne pas se préparer aux crises sociales ou militaires, et ne jamais être mis en cause pour quelque crime ou échec que ce soit ; ils diraient qu’ils n’ont fait que réaliser la volonté du peuple. 4

    Poussé à l’extrême, comme le dirigeant démocratiquement élu « personnifie la majorité, toute résistance à sa volonté est anti-démocratique . » 5 Il y a des signes évidents de ces tendances aujourd’hui. L’intolérance à l’égard des opinions minoritaires et même la censure des opinions qui ne sont pas considérées comme démocratiques sont en augmentation depuis plusieurs années dans plusieurs démocraties occidentales.

    Le cas du referendum

    Le référendum est un exemple où les démocraties modernes sont déjà bonapartistes. En effet, le référendum est souvent utilisé pour donner un sceau de légitimité à des décisions politiques qui ont déjà été prises par le gouvernement, sans l’implication ou l’assentiment de la population.

    Comme Burnham écrivit :

    L’usage le plus visible du référendum… est dans le plébiscite bonapartiste… où le vote attache la fiction de la volonté populaire à ce qui a déjà été décidé dans les faits historiques. 6

    En général, la minorité dirigeante obtient à l’avance le résultat souhaité du référendum. Si malgré tout le résultat n’est pas celui souhaité par celle-ci, ce résultat du scrutin est généralement ignoré ou bien le vote s’organise une deuxième fois afin d’obtenir le bon résultat. Il y a plusieurs récents exemples de cela, en France et ailleurs .

    Ainsi, le problème de la démocratie représentative par rapport aux autres systèmes politiques n’est pas qu’elle ne représente pas le peuple – ce n’est le cas d’aucun système politique – mais qu’elle est considérée comme un système politique légitime à tel point que même de nombreux régimes manifestement non démocratiques ont ajouté démocratique à leur nom officiel. Les démocraties modernes ne peuvent évidemment pas tenir la promesse utopique du pouvoir du peuple, et cela commence à devenir de plus en plus évident pour la majorité dirigée.

    La crise de légitimité de la démocratie est bien sûr aussi aggravée par d’autres difficultés bien connues du processus démocratique, qui ne sont pas directement liées à la science politique machiavélienne ; tel que le concept de la tyrannie de la majorité , et d’autres aspects .

    Les difficultés inhérentes à la démocratie représentative et la tendance au bonapartisme présentées ici contribuent donc à expliquer les tensions politiques et l’instabilité sociale que connaissent les démocraties modernes. Burnham propose dans son dernier chapitre une solution à ces problèmes de démocratie.

    Dans la prochaine partie, cette solution sera revue et comparée aux propositions libérales pour faire face à ce dilemme du système démocratique.

    Article publié initialement le 21 octobre 2021 .

    1. Burnham, J., The Machiavellians: The Defenders of Freedom, 2nd edition, Gateway, 1964, p290.
    2. Ibid. p179.
    3. Ibid. p178.
    4. Ibid. p296.
    5. Ibid. p179.
    6. Ibid. p182.
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      Ukraine : il y a 31 ans, l’indépendance voulue par les Ukrainiens

      Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 04:10 · 2 minutes

    Le 1 er décembre 1991 s’est tenu le référendum d’indépendance de l’ Ukraine vis-à-vis de l’ Union soviétique . Avec un taux de participation de 82 %, 92 % des votants ont approuvé la déclaration d’indépendance.

    Ce référendum reste un évènement important compte tenu de la situation actuelle, d’autant plus que les résultats sont révélateurs des disparités entre les régions malgré une tendance à l’unité nationale.

    L’ouest plus favorable à l’indépendance que l’est

    Dans toutes les régions de l’Ukraine , la majorité a voté en faveur de l’indépendance. Même la Crimée, la région la plus russophone du pays, a voté pour à 54 %. Le résultat montre une certaine unité nationale au moment de la chute de l’URSS.

    Néanmoins, on peut constater un résultat différent entre l’est et l’ouest. Les régions de l’ouest proches de la Pologne et de l’Europe centrale affichaient des résultats dépassant 95 %. Certains de ces territoires ayant fait partie de la Pologne de l’entre-deux guerres montrent un attachement à l’Occident plus fort que le reste de l’Ukraine.

    En effet, les différentes cartes des résultats des élections présidentielles ukrainiennes depuis l’indépendance peuvent se calquer sur celle des résultats du référendum. Cette Ukraine occidentale sera systématiquement dans le camp favorable à un rapprochement avec l’Union européenne et les États-Unis.

    Une unité nationale malgré tout en Ukraine

    La carte du référendum de 1991 indique qu’à part la Crimée, les régions russophones de l’est soutenaient l’indépendance à plus de 80 %. Ainsi, même si le soutien à l’Occident est plus faible, la volonté de se séparer de la Russie restait forte. Si avant 2014, ces régions étaient favorables à un maintien de bonnes relations avec la Russie, elles n’étaient pas en majorité pour un rattachement à Moscou.

    Rappelons au passage que l’actuel président ukrainien, Volodymyr Zelensky est lui-même issu de l’est du pays (Dnipropetrovsk Oblast) et a été porté au pouvoir principalement par l’Ukraine de l’est. Zelensky y a grandi en tant que russophone. Son adversaire, le président sortant Poroshenko n’était majoritaire que dans les régions frontalières avec la Pologne et auprès des Ukrainiens de l’étranger. Cette situation poussait certains commentateurs occidentaux pro-Poroshenko à craindre que Zelensky soit trop pro-Poutine .

    Le conflit en Ukraine montre que la Russie a du mal à progresser, y compris dans des régions russophones. Quant à Zelensky, difficile de le présenter encore comme un pro-Poutine.

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      Midterms (2) : l’importance des élections locales

      Philippe Lacoude · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 15 November, 2022 - 03:40 · 12 minutes

    Comme nous l’avons vu dans la première partie , les élections américaines de mi-mandat se sont déroulées mardi dernier.

    Elles furent définitivement un résultat en demi-teinte pour les deux partis : d’un côté, le parti du président Biden a perdu la Chambre des représentants, l’empêchant de contrôler le budget et de l’autre, les Républicains n’ont pas réussi à gagner le Sénat dont le sort encore indécis ne sera finalement peut-être pas décidé avant le 6 décembre lors du second tour en Géorgie.

    L’importance du local

    Cependant, les élections n’ont pas seulement concerné le niveau fédéral. Elles ont aussi déterminé le choix de nombreux gouverneurs, députés, sénateurs, juges, shérifs, procureurs, référendums et une foultitude de responsables locaux en charge de l’eau, des forêts, des écoles, etc.

    Contrairement à la France où l’inénarrable énarque du moment préside à tout dans la médiocrité caractéristique de sa classe parasitaire, le pouvoir est très diffus aux États-Unis.

    Les États décident d’une grosse partie du droit (dont presque tout le droit criminel) ; ils financent quasiment 100 % des écoles (y compris les salaires des enseignants) dont ils décident du programme ; ils disposent de la vaste majorité des officiers de police ; et depuis juin ils décident aussi intégralement de la politique de l’avortement…

    Pour donner une idée de la question de la division des pouvoirs, notons que le gouvernement fédéral dépense 19,8 % du PIB, les 50 États en dépensent 10,2 % et les comtés et municipalités 8,4 % ( ici et ). Et encore, ces chiffres ne tiennent pas compte des 2,9 % du PIB d’aides fédérales aux collectivités locales.

    Ceci illustre bien l’importance de cette foultitude d’élections locales.

    Gouverneurs

    Jusqu’à mardi, alors que les Républicains détenaient 28 des postes de gouverneur du pays, les Démocrates en détenaient 22. Cette année, 16 élections avaient lieu dans des États avec des gouverneurs démocrates tandis que 20 auront pris place dans des États où les Républicains occupaient le siège.

    Les pronostics – calculés comme la moyenne des sondages en tenant compte de leurs biais passés – donnaient les Républicains gagnants dans la plupart de ces 36 États et prédisaient qu’ils finiraient avec deux gouverneurs de plus.

    Si les résultats sont encore incertains dans l’Arizona et le Nevada où il reste apparemment des milliers de bulletins à compter à cause d’un système absolument consternant , il apparaît probable que ce sont en fait les Démocrates qui finiront avec deux gouverneurs supplémentaires.

    En effet et comme prévu, les gouverneurs du Maryland et du Massachussetts, États très à gauche dans lesquels les Républicains avaient pris le pouvoir lors de la débâcle démocrate de 2014 , retournent dans le camp démocrate.

    Dans le reste du pays, les deux partis ont des gains et des pertes en nombre à peu près égaux.

    En Arizona, la Républicaine Kari Lake – soutenue par le président Trump – n’a pas réussi à atteindre les chiffres donnés par les sondages. Ancienne présentatrice de télévision, brillante oratrice, elle a pourtant fait une excellente campagne où elle n’a pas abdiqué devant les attaques de tous ses détracteurs, même quand elles venaient de son propre parti ( ici ou ).

    Son relatif échec – puisqu’on ne sait toujours pas qui va gagner cette élection – est un indicateur de la nocivité de l’ancien président qu’on peut aussi évoquer pour expliquer la cuisante défaite de Tudor Dixon au Michigan, de Doug Mastriano en Pennsylvanie ou de Derek Schmidt au Kansas : tous les candidats au poste de gouverneur aidés par Donald Trump au cours des primaires républicaines ont perdu.

    A contrario , le gouverneur de Géorgie, Brian Kemp , qui avait battu le trumpiste lors des primaires, a été aisément réélu alors même que le candidat trumpiste à la sénatoriale dans le même État n’a pas pu franchir la barre des 50 % comme nous l’avons vu précédemment. En d’autres termes, dans presque 5 % des cas, les électeurs géorgiens ont voté pour un gouverneur républicain ( opposé par le président Trump) et pour un sénateur démocrate.

    Au Texas, le Républicain Greg Abbott bat largement le gauchiste Robert O’Rourke – qui se fait appeler « Beto » pour faire plus hispanique – pour la seconde fois. Ses idées bizarres en matière d’immigration ( ici ) ou ses projets chimériques sur les armes à feu ( ici ) n’ont apparemment pas aidé à faire passer ses propositions de hausses d’impôts ( ).

    Ceci dit, même si les Républicains n’ont pas eu de chance mardi, il n’en reste pas moins que certains candidats républicains – même s’ils ont perdu – ont fait des scores remarquables dans des bastions de gauche, comme Lee Zeldin à New York et Christine Drazan dans l’Oregon.

    Mais l’élection de la soirée revient définitivement à Ron DeSantis en Floride.

    L’avocat de Harvard, historien de Yale, engagé pendant la guerre d’Iraq, Judge Advocate General dans les Navy SEAL , lieutenant commander de la navale, décoré de la Bronze Star et de la Marksmanship Medal , ancien député fédéral , est en train de devenir la nouvelle bête noire de la gauche.

    Après avoir refusé de tout fermer en Floride pendant la pandémie, résisté aux syndicats d’enseignants sur les questions raciales et de genre, empêché les mesures anti-armes à feu, détruit les wokes de Disney, supporté des baisses d’impôts, baissé les taxes sur l’essence, le gouverneur a réussi à se faire réélire avec près de 60 % de voix.

    A noter que son accès au poste de gouverneur était déjà projeté par les sondages, mais avec une marge de seulement 5 %.

    Dans le comté de Miami-Dade – à près de 70 % hispanique ou latino selon les registres du recensement –, DeSantis mène de 10 points. Ceci contraste fortement avec ce qui s’est passé lors de son élection précédente, en 2018, lorsque les Latinos ont opté à 54 % pour Andrew Gillum, le challenger démocrate de DeSantis à l’époque.

    Législatures

    Aux États-Unis, il y a 1972 sénateurs et 5411 représentants dans les États.

    Les élections législatives de ce mardi avaient lieu pour 88 chambres législatives d’État dans 46 États. Environ 56 % de tous les sièges des chambres hautes et 92 % de tous les sièges des chambres basses étaient à pourvoir.

    Avant les élections, les Démocrates détenaient 14 trifectas – contrôle du gouverneur et des chambres législatives –, les Républicains détenaient 23 trifectas et 13 États avaient un gouvernement divisé ( ici ).

    C’étaient les premières élections affectées par le cycle de charcutage électoral de 2020 qui a redistribué les législatures des États sur la base des données du recensement américain de 2020.

    Pour l’instant, les Démocrates devraient renverser au moins trois chambres – les deux chambres du Michigan, plus le Sénat du Minnesota.

    Dans les deux États, la réélection d’un gouverneur démocrate le soir des élections signifierait que les Démocrates obtiendraient un trifecta , c’est-à-dire qu’ils occuperaient le poste de gouverneur ainsi que les deux chambres législatives.

    Ceci mettrait un frein à la tendance républicaine de ces 20 dernières années.

    Après cette élection, sur 50 États, les Républicains détiendraient le pouvoir dans 29 chambres basses et dans 30 chambres hautes avec environ 55 % des élus.

    Référendums

    Sans aller plus loin dans les résultats locaux comme les élections de juges, de shérifs, de procureurs, ou de maires , finissons sur le sujet des référendums.

    Nous retrouvons en cette élection tous les travers bien connus de la démocratie directe.

    Je crois qu’il est utile de les mentionner car les libéraux qui n’ont pas étudié les sciences économiques pensent souvent que les problèmes de la France ou de la Belgique disparaîtraient si on laissait les gens poser eux-mêmes les questions auxquelles l’électorat répondrait intelligemment.

    En fait, sur les centaines de référendums de ce mardi, il se dégage plusieurs tendances :

    • Un grand nombre de référendums concernent des questions absolument débiles comme l’Amendement 8 de l’Alabama qui va donner le droit à l’État de réviser la réglementation des systèmes d’égouts privés dans le comté de Shelby. Je prends cet exemple extrême car il est emblématique : d’abord, la question n’est clairement pas d’un niveau constitutionnel ou d’un niveau étatique. C’est littéralement l’urinoir de Clochemerle ! De plus, 78 % des votants d’un État entier se liguent contre trois propriétaires…
    • Presque toutes les baisses d’impôt sont acceptées avec de larges majorités.
    • Presque toutes les hausses d’impôt sont rejetées avec de larges majorités… sauf évidemment lorsqu’elles s’appliquent aux riches comme pour la question 1 dans le Massachussetts qui a été votée à 52 % et va résulter en un doublement des impôts pour les « riches », inscrit dans la Constitution !
    • Presque toutes les dépenses nouvelles sont adoptées.
    • En particulier, les dépenses financées par la dette sont toujours votées à de très larges majorités. J’en veux pour preuve mon propre comté où les électeurs ont voté tranquillement à 69 % pour 268 millions de dollars de dépenses d’infrastructures pour les écoles, à 77 % pour 74 millions de dollars de dépenses pour divers bâtiments publics et à 76 % pour 51 millions de dollars de dépenses de ponts et chaussées. Le tout financé par la dette.

    En d’autres termes, comme prévu par les économistes des choix publics , les référendums de ce mardi ont creusé l’écart entre les dépenses et les recettes…

    Par ailleurs, les questions salariales trouvent toujours des réponses vers la hausse…

    Au Nevada, le Oui est en tête de la question 2 qui vise à augmenter le salaire minimum à 12 dollars de l’heure à compter du 1er juillet 2024. Au Nebraska, les électeurs ont donné le feu vert à une augmentation de salaire minimum de l’État de 9 dollars de l’heure à 10,50 dollars de l’heure à compter du 1er janvier 2023. En 2024, le salaire minimum passerait à 12 dollars de l’heure, suivi d’un salaire horaire de 13,50 dollars en 2025 et de 15 dollars de l’heure en 2026.

    Ces résultats sont identiques à ceux concernant les référendums d’initiative populaires sur cette même question dans tous les autres États qui ont essayé lors des élections précédentes.

    Dans l’Illinois, l’ amendement 1 – adopté à 58,4 % des voix ! – précise entre autres que le droit fondamental des syndicats publics de négocier – qui peut inclure tout, le salaire, les avantages sociaux, les heures travaillées, les conditions d’emploi, les procédures d’embauche et de licenciement – ne peut jamais être diminué même si l’État est en difficulté fiscale.

    C’est exactement transformer en loi constitutionnelle ce que les communistes français appellent les « avantages acquis ». En d’autres termes, le système de retraite ou les avantages que les employés publics obtiennent le premier jour de leur service doivent être les mêmes (ou meilleurs) lorsqu’ils prendront leur retraite des décennies plus tard.

    Ceci dit, la question d’un référendum n’est pas toujours économique.

    Les électeurs de Californie, du Vermont et du Michigan ont approuvé mardi les mesures de vote inscrivant le droit à l’avortement dans la Constitution de leurs États tandis que ceux des États traditionnellement conservateurs du Montana et du Kentucky ont rejeté les mesures qui en auraient restreint l’accès.

    Les votes signalent un soutien au droit à l’avortement après que la Cour suprême en juin a annulé l’ arrêt historique de 1973 Roe vs. Wade et le droit constitutionnel fédéral à la procédure, renvoyant ainsi la question au niveau des États.

    En août, les électeurs du Kansas avaient également rejeté une mesure de vote qui aurait donné à la législature de l’État le pouvoir de restreindre l’accès à l’avortement par le biais d’un amendement constitutionnel de l’État.

    Dans cinq États, les électeurs décidaient de légaliser ou non la marijuana à des fins récréatives : le Maryland et le Missouri ont approuvé leurs propositions tandis que l’Arkansas, le Dakota du Nord et le Dakota du Sud ont rejeté leurs mesures.

    Sur les armes à feu, les électeurs de l’Iowa ont décidé d’étendre les droits des armes à feu dans leur État avec l’approbation de l’amendement 1. La mesure ajoute un libellé à la Constitution de l’État indiquant que « le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être enfreint » . La proposition exige également que toutes les restrictions sur les armes à feu soient soumises à un « examen rigoureux » ( strict scrutiny ), la norme appliquée aux lois par les tribunaux pour déterminer si elles sont constitutionnelles.

    A contrario , la mesure 114 de l’Oregon imposerait de nouvelles restrictions sur les armes à feu, interdisant les chargeurs de plus de 10 cartouches. La proposition exige également que les acheteurs potentiels d’armes à feu suivent un cours de sécurité et réussissent un contrôle de leurs antécédents avant d’obtenir un permis pour acheter une arme à feu.

    Cette proposition est probablement complètement inconstitutionnelle après l’arrêt Bruen de la Cour suprême des États-Unis cet été ( ici et ) mais elle est emblématique des problèmes des référendums d’initiative citoyenne : il y aura toujours quelque part une majorité pour violer allègrement les droits d’une petite minorité.

    Conclusion

    Finalement, cette élection prépare la campagne électorale présidentielle de 2024. Le président Biden a répété à maintes reprises qu’il serait candidat en 2024.

    L’élection était très suivie par de nombreux conservateurs car le président Trump a constamment laissé entendre qu’il lancerait sa campagne de retour à la Maison Blanche dès cette semaine.

    Donald Trump donne depuis des semaines un aperçu du type d’attaques qu’il déploierait contre Ron DeSantis si le gouverneur de Floride tentait de se mettre en travers de sa route. À la veille des élections, Trump a proféré une vague menace de révéler des informations sur Ron DeSantis qui pourraient lui nuire s’il se présente.

    Exactement 5 sièges de représentants de la Floride ont changé de bord. Si la majorité de la Chambre des représentants finit par se jouer à exactement 5 sièges près, comme cela pourrait bien être le cas, Ron DeSantis aura non seulement gagné la Floride avec 20 % d’avance – contre seulement 1,2 % et 3,3% pour Trump contre Clinton en 2016 et Biden en 2020 – mais il aura aussi mobilisé tant d’électeurs pour voter pour lui qu’il aura finalement changé la donne au niveau national.

    Les conservateurs – aussi mauvais soient-ils en politique depuis des décennies – ne sont peut-être pas tous complètement incapables de compter.

    Montage des couvertures du New York Post – 9 et 10 novembre 2022

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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Sunday, 8 March, 2020 - 19:00

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    SONDAGE LCI - 73% des Français favorables au référendum d'initiative citoyenne