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      La réindustrialisation de la France est bien mal partie

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 24 November, 2022 - 03:50 · 5 minutes

    Beaucoup de temps a été perdu du fait que nos autorités se sont fondées sur la loi dite des trois secteurs de l’économie qui voudrait qu’une société moderne soit une société « postindustrielle ».

    Comme nous l’avons montré dans d’autres articles , les travaux de Jean Fourastié sur l’évolution des sociétés ont été mal interprétés. Dans Le grand espoir du XX e siècle paru en 1949, un ouvrage au succès considérable, cet économiste avait mis en évidence les évolutions en termes d’emplois, et non pas de valeur ajoutée. Nos dirigeants ont trop vite conclu qu’une société moderne est une société sans industrie. Fourastié avait pourtant bien pris comme critères de classification des activités la vitesse à laquelle évolue le progrès technique. Une société moderne a des effectifs industriels effectivement limités mais la valeur ajoutée par personne est devenue très importante de sorte que le secteur secondaire continue à figurer en bonne place dans le PIB des sociétés avancées.

    Cette erreur impardonnable a conduit l’économie française à la ruine : le secteur industriel ne contribue plus que pour 10 % à la formation du PIB alors que ce ratio devrait normalement avoisiner 18% à 20 % du PIB. La France est à présent le pays le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part. Il s’agit donc maintenant de remonter la pente en réindustrialisant au plus vite le pays. Mais l’environnement n’est guère favorable à la réussite de ce pari. D’une part la fiscalité qui pèse sur les entreprises est trop lourde et la compétitivité des entreprises industrielles s’en ressent fortement. D’autre part, le droit du travail alourdit considérablement la gestion des entreprises et les empêche d’être flexibles en les paralysant.

    Comparé, par exemple, au droit du travail de la Suisse, le notre paraît aberrant : il est dissuasif pour les candidats voulant se lancer dans une aventure industrielle. Malgré un coût du travail extrêmement élevé, la production industrielle par personne de la Suisse est la plus élevée d’Europe et sa balance commerciale est chaque année largement positive, ses exportations étant régulièrement supérieures à ses importations.

    Du fait de la guerre en Ukraine vient s’ajouter un obstacle supplémentaire : le coût de l’énergie est subitement multiplié par trois ou par quatre.

    Le JDD du 20 novembre dernier publie un article très intéressant intitulé « Délocalisations énergétiques : le nouveau péril ».

    La journaliste Emmanuelle Soufi cite différentes entreprises qui délocalisent de ce fait leur production.

    Par exemple, cette PME de 100 personnes délocalise en Espagne sa production de pizzas pour les rapatrier ensuite par camions frigorifiques.

    Toshiba reporte sur les États-Unis sa fabrication d’encre pour photocopieuses.

    La firme Safran retarde l’ouverture d’un nouveau site à Feyzin, où elle voulait produire des freins d’avion, une fabrication où le gaz représente 40 % du prix de revient : en attendant, la production de ces freins est basculée sur des usines aux États-Unis ou en Malaisie.

    Un dirigeant d’entreprise explique : « La France avait deux avantages : les compétences de sa main- d’œuvre et les prix de l’énergie. Les premières sont devenues une denrée rare et les seconds se sont envolés ».

    Pour le seul secteur industriel, les charges nouvelles liées à l’augmentation soudaine du coût de l’énergie s’élèvent à 6 milliards d’euros.

    Le plan France 2030 d’Emmanuel Macron va-t-il permettre de relever le défi auquel le pays doit faire face ? Lancé en octobre 2021, il est trop tôt pour se prononcer mais on peut craindre qu’il soit très insuffisant.

    Une note du ministère de l’Économie et des Finances du 18 novembre 2022 énonce :

    « Le Président de la République Emmanuel Macron dévoilait il y a un an le plan d’investissement France 2030. Avec 54 milliards d’euros, ce plan doit permettre de rattraper le retard industriel français, d’investir massivement dans les technologies innovantes ou encore de soutenir la transition écologique. Il vise en particulier la création de nouvelles filières industrielles et technologiques ».

    Initialement, il s’agissait de seulement 30 milliards d’euros étalés sur 5 ans pour « relever des défis accablants », sans que l’on sache exactement sous quelle forme allait être fourni l’appui de l’État à des entreprises. Le frein essentiel est en fait le climat social du pays, un droit du travail paralysant et des syndicats qui persévèrent dans leur stratégie de lutte permanente contre le patronat, un comportement hérité de la charte d’Amiens qui date de 1906.

    On est très loin du climat dans lequel fonctionne la Suisse dont l’économie est extrêmement performante : jamais de grèves, les conflits se réglant obligatoirement par le dialogue du fait d’un accord entre le patronat et les syndicats remontant à 1937, un Code du travail se limitant à une trentaine de pages et des semaines de travail pouvant aller jusqu’à 45 heures voire 50 heures. L’âge de départ à la retraite est fixé à 65 ans depuis 1948. Les syndicats et le patronat se comportent comme des partenaires sociaux ayant décidé par la convention Paix sociale signée le 19 janvier 1937 de régler les conflits par le dialogue. Les licenciements se font selon des règles très simples : préavis de un mois la première année puis deux mois de la seconde à la neuvième année de présence, ensuite trois mois au-delà ; il n’y a pas nécessairement obligation d’en indiquer le motif ni d’accorder des indemnités particulières. La fiscalité des entreprises est plus légère qu’en France et les cotisations – tant patronales que salariales – sont bien inférieures aux nôtres.

    Notre pays est très loin d’être en mesure de s’acheminer sur cette voie. Par conséquent il est à craindre que le pari de réindustrialiser notre pays dans des délais raisonnables ne puisse être tenu. Les syndicats continuent à se cantonner dans des luttes stériles contre le patronat et les partis d’opposition luttent contre le capitalisme, comme on l’a vu encore tout récemment avec le projet de taxation des « super-profits ».

    On ne peut que s’interroger : pourquoi notre pays est-il incapable de s’inspirer de l’expérience des pays qui ont une économie qui fonctionne bien ? Il y a pourtant autour de nous des économies prospères et dynamiques !

    La Suisse, tout spécialement, en est un : elle a un PIB per capita de 93 457 dollars, alors que la France en est à un PIB par tête de seulement 43 518 dollars. De tels chiffres mériteraient d’être connus des Français, mais aucun média ne s’aventure à jeter le pavé dans la mare. On ne peut que se demander pourquoi.

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      Réindustrialisation : les leçons à tirer de la Suisse

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 November, 2022 - 03:50 · 12 minutes

    Depuis des années, l’économie française est dans une situation très difficile : tous les indicateurs sont  au rouge et le pays recourt chaque année à la dette pour faire tourner la machine économique. Il semblerait bien que nos gouvernants ne sachent pas comment s’y prendre pour redresser la situation. Curieusement, ce problème n’a pas été abordé par les candidats lors de la dernière campagne présidentielle.

    Et voilà qu’à présent, nous entrons dans une période très trouble du fait des bouleversements amenés par la guerre en Ukraine : les prix de l’énergie ont été multipliés par trois ou par quatre, et l’inflation fait à nouveau son apparition mettant nos gouvernants dans le plus grand embarras. Emmanuel Macron dresse des boucliers tarifaires et distribue des chèques pour protéger la population et les entreprises. Le budget présenté à l’Assemblée nationale pour 2023 se soldera à nouveau par un très important déficit.

    Le problème est de savoir comment redresser la barre.

    De vaines recherches d’explication

    Il faut bien voir que la France est à la traine, comme le montrent les comparaisons avec les autres pays de l’Union européenne : le pays se situe maintenant en onzième position seulement en matière de PIB par tête, un seuil 30 % inférieur à celui de la Suède, et inférieur à la moitié de celui de la Suisse.

    Graphique PIB/capita

    Diminuer la pression fiscale

    Les libéraux disent qu’il faut baisser les impôts. Effectivement, la France est le pays où la pression fiscale est extrêmement élevée, comme le montre le relevé ci-dessous :

    Les prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB (Source : INSEE 2020)

    • Danemark…………… 48,0 %
    • France………………… 47,5 %
    • Allemagne…………… 41,5 %
    • UE (27)……………….. 41,3 %
    • Pays Bas ……………… 40,0 %
    • Espagne ………………. 37,5 %

    Mais la pression fiscale n’explique pas tout : le Danemark dont la pression fiscale est pratiquement égale à la nôtre n’est pas dans la même situation au plan économique.

    Augmenter le temps de travail

    La France est le pays où les personnes travaillent le moins, comme l’a montré  l’OCDE qui a pris le soin de ramener le nombre total des heures travaillées au nombre des habitants.

    On a ainsi le tableau suivant :

    Moyenne annuelle du nombre d’heures travaillées par personne (Source OCDE)

    • France………………….. 630
    • Espagne……………….. 697
    • Allemagne……….……. 722
    • Grande Bretagne…… 808
    • Suisse…………………… 943
    • Corée …………………… 1000

    L’OCDE, qui s’inquiète de la situation française, note que sur chaque actif repose le revenu d’un jeune et d’un senior.

    Rexecode donne le nombre d’heures travaillées chaque année par les salariés à temps plein en Europe : en 2020 1680 heures pour la France contre une moyenne européenne de 1846 heures, et plus de 2000 heures dans les pays de l’est de l’UE. Aussi, avant la crise sanitaire Emmanuel Macron avait-il fait de la nécessité d’augmenter le temps de travail des Français l’un des axes de ses réformes. Mais il revient constamment sur ce projet.

    Le taux d’emploi de la population est très faible.

    Taux d’emploi en 2018 (Source : OCDE)

    • Suède………..…. 82,6 %
    • Suisse…………… 82,5 %
    • Allemagne…….. 79,9 %
    • Pays Bas……….. 79,2 %
    • France………….. 71,8 %
    • Italie…………….. 63,0 %

    En France une trop grande partie de la population est en dehors de la vie professionnelle, ce qui ressort également du tableau précédent.

    Curieusement, nos gouvernants n’ont pas cherché à comprendre comment des pays ayant des niveaux de PIB/habitant bien supérieurs au nôtre sont parvenus à ce résultat. Et de leur côté, les économistes n’ont pas non plus beaucoup contribué à les aider dans cette recherche.

    Examinons à grands traits le cas de la Suisse qui est, en Europe, le pays disposant du plus haut niveau de PIB par habitant, le Luxembourg mis à part. La Suisse est un pays dont l’économie est libérale et qui n’a pas voulu s’intégrer dans ce qui est aujourd’hui l’Union européenne afin de conserver toute sa liberté d’action. Elle a sa propre monnaie : le franc suisse.

    L’économie suisse

    Nous nous bornerons à quelques éléments essentiels, tout d’abord en rappelant qu’à la différence de notre pays, la Suisse est un pays à économie libérale où il est pratiqué un système de démocratie directe. Dans ce pays l’initiative populaire est un droit : les Suisses ont été appelés aux urnes 321 fois depuis 1848. Les citoyens proposent des mesures qui sont soumises au vote de la population, ce que les Suisses appellent des « votations populaires ».

    Que constate-t-on ? La monnaie suisse est très forte, sa balance commerciale est constamment excédentaire, le pays est très peu endetté, et le taux de chômage est le plus faible d’Europe :

    Taux de chômage (janvier 2022)

    • Italie…………… 8,8 %
    • France………… 7,0 %
    • Pays Bas……… 3,6 %
    • Allemagne…… 3,1 %
    • Tchéquie…….. 2,2 %
    • Suisse…………. 2,0 %

    La Suisse manque de main-d’œuvre, et chaque jour des milliers de travailleurs frontaliers se précipitent pour y travailler.

    À quoi donc sont dues ces excellentes performances ?

    Le premier constat que l’on peut faire, et c’est l’Institut des Libertés qui a eu le mérite de mettre en évidence le phénomène, c’est que dans ce pays il existe un parallèle très étroit entre l’évolution de la production industrielle et celle du PIB, comme le montre le graphique ci-dessous :

    Ce constat conduit à examiner la corrélation pouvant exister, dans différents pays, entre leur production industrielle et leur PIB per capita . Comme le montre le graphique précédent, l’industrie joue un rôle clé dans la création de richesse. Ce phénomène est finalement aisé à mettre en évidence en examinant l’importance de la production industrielle dans différents pays, une importance qui est très variable.

    C’est ce que montre le graphique ci-dessous où il est pris, en abscisses, pour variable explicative, la production industrielle des pays calculée par habitant (et non pas, comme le font habituellement les économistes, en pourcentage des PIB) et en ordonnées, les PIB/capita de ces pays. Les données sur la production industrielle sont fournies par la BIRD qui inclut la construction dans l’industrie, les productions industrielles étant mesurées, ici, en valeur ajoutée selon les données des comptabilités nationales.

    Graphique corrélation production industrielle/habitant et PIB/capita

    Avec une production industrielle faible de 6432 dollars par habitant la France a un PIB/capita de seulement 39 030 dollars ; avec un ratio bien meilleur de 12 279 dollars le PIB/capita de l’Allemagne s’élève à 46 208 dollars ; avec un chiffre record de 22 209 dollars, la Suisse dispose d’un PIB/capita de 87 097 dollars, le plus fort d’Europe.

    Il est aisé de comprendre d’où proviennent les difficultés de notre économie.

    Les effectifs du secteur industriel français ont fondu : de 6,5 millions de personnes à la fin des Trente glorieuses à seulement 2,7 millions aujourd’hui. La contribution du secteur industriel à la formation du PIB n’est plus que de 10 %, alors que dans les pays où l’économie est prospère et bien équilibrée, comme c’est le cas de l’Allemagne ou de la Suisse, les ratios se situent entre 23 % ou 24 %. La France est le pays le plus désindustrialisé d’Europe , la Grèce mise à part. C’est un pays sinistré, mais qui ne le sait pas.

    Du fait du recul de la production industrielle dans la formation du PIB, le pays s’est appauvri. L’État  s’est donc trouvé obligé d’augmenter chaque année ses dépenses sociales, d’où une augmentation régulière des dépenses publiques. Et cela a conduit inévitablement à des prélèvements obligatoires de plus en plus élevés. Ceux-ci n’étant jamais suffisants, le recours régulier à l’endettement a généré une dette extérieure du pays supérieure au PIB. Le pays est enfermé dans une spirale déclinante et  s’endette un peu plus chaque année.

    C’est avec la crise du covid que les dirigeants ont pris la mesure des graves inconvénients de la très forte désindustrialisation du pays, mais seulement sous l’angle de la sécurité des approvisionnements, en omettant celui de l’appauvrissement du pays. Aussi, pour tenter de réindustrialiser le pays, Emmanuel Macron vient de lancer le plan France 2030 destiné à faire naître de nouveaux champions  industriels. La tâche va être particulièrement longue et ardue, bien plus que nos dirigeants ne l’imaginent. Le président fait de gros efforts pour attirer des investissements étrangers et a lancé le programme Choose France pour les convaincre.

    Le climat social en Suisse

    Il est excellent. En Suisse, et il n’y a jamais de grève.

    Jours de grève par an pour 1000 salariés dans le secteur privé (Source : Fondation Hans-Böckler)

    • France ………………….. 114
    • Belgique………………… 91
    • Espagne………………… 54
    • Grande Bretagne……. 19
    • Allemagne……………….  6
    • Suisse……………………..  1

    Cette paix sociale est très précieuse pour le bon fonctionnement de l’économie. Elle est le résultat d’une convention passée en 1937 entre les syndicats et le patronat qui ont convenu de régler leurs conflits par des négociations et non pas par des grèves. Cet accord est devenu un élément de l’identité suisse. On est donc très loin de la situation française où la Charte d’Amiens a, jusqu’à une période récente, constitué l’ADN du syndicalisme français révolutionnaire qui prône la lutte des classes et qui a pour arme la grève générale.

    Le droit du travail suisse

    Le droit du travail en Suisse est extrêmement libéral : le Code du travail suisse ne contient qu’une trentaine de pages. L’État ne fixe que quelques règles qui constituent un cadre général, alors qu’en France l’État s’immisce dans le dialogue social, un dialogue à trois, ce qui n’est pas le cas en Suisse.

    Ainsi un employé peut être licencié sans motif, ce qui autorise beaucoup de souplesse dans la gestion des entreprises. La loi prévoit simplement des délais de préavis : un mois la première année, deux mois pour des anciennetés de 2 à 9 ans, et trois mois ensuite. Et il n’y a pas généralement d’indemnités de licenciement. La loi du travail indique que les durées de travail peuvent aller de 45 à 50 heures par semaine. Elle fixe une obligation de quatre semaines de vacances annuelles pour les salariés. Il existe d’assez nombreuses conventions collectives qui régissent les conditions de travail selon le secteur d’activité et accordent des avantages supérieurs aux dispositions légales.

    En dehors de ces conventions collectives ce sont les lois normales du travail qui s’appliquent, en respectant des règles fixées par le Code des obligations.

    La fiscalité suisse

    La Suisse figure parmi les pays où la fiscalité des entreprises sur le plan international est la plus basse : les règles sont assez complexes et PwC indique que les impôts sur les sociétés varient entre 12 % et 24%, la moyenne se situant à 14,9 %.

    Il y a trois niveaux : communal, cantonal et national.

    Le coût du travail

    Compte tenu du niveau des salaires, le coût du travail en Suisse est extrêmement élevé.

    En 2018, l’Office fédéral des statistiques indiquait comme coût horaire le chiffre de 69,90 francs suisses, ce qui en fait l’un des plus chers d’Europe. Les entreprises industrielles doivent donc se positionner sur des activités à très forte valeur ajoutée : industrie pharmaceutique nourrie constamment par des innovations, électronique de pointe, mécanique fine, horlogerie de luxe, etc.

    Une étude comparative avec la France, disponible sur le Blog de David Talerman , indique les chiffres suivants relatifs aux cotisations salariales :

    Charges patronales :

    • France…… 42,0 %
    • Suisse……. 28,9 %

    Charges salariales :

    • France……. 22,0 %
    • Suisse…….. 14,7 %

    Que retenir de l’expérience suisse ?

    La France n’est certes pas la Suisse : sa sociologie n’est pas la même, leurs histoires respectives sont très différentes. On peut néanmoins tirer de l’expérience suisse plusieurs pistes utiles.

    La place de l’industrie dans l’économie

    La production industrielle par habitant est le triple de la nôtre.

    Il faut donc reconstituer rapidement un secteur industriel de haut niveau et compétitif. La Suisse montre que le coût du travail n’est pas nécessairement un élément rédhibitoire. Il faudrait qu’en matière de production industrielle par habitant la France se situe au niveau de l’Allemagne, c’est-à-dire le double de la valeur actuelle.

    Le droit du travail

    Il est constitué de quelques règles très simples.

    Les entreprises ne sont donc pas étouffées par une réglementation paralysante et coûteuse. La France est-elle capable de procéder à une profonde réforme de sa législation du travail ? Déjà, en 2004, le Medef demandait que le Code du travail ne constitue plus une entrave à l’embauche.

    La durée du travail

    Les durées du travail s’étend jusqu’à 50 heures hebdomadaires.

    Depuis 1948 l’âge de départ à la retraite est fixé à 65 ans . Le temps de travail moyen annuel est de 943 heures et de seulement 630 heures en France.

    Le climat social

    Il est évidemment difficile de changer l’état d’esprit des syndicats mais il faudrait obtenir qu’ils cessent de lancer des grèves dans le secteur industriel tant que celui-ci ne sera pas reconstitué.

    Le coût des systèmes de santé et de retraites

    En Suisse les entreprises ne sont pas impliquées dans leur financement, ce qui allège leurs charges. Il conviendrait donc d’aller vers des systèmes d’assurances privées et de financement par capitalisation.

    Dans un article du 30 mars 2021 intitulé « La Suisse : modèle libéral et efficace aux portes de la France » l’IREF évoque « une population éduquée et d’une industrie de pointe ».

    La dette fédérale ne représente que 25,8 % du PIB. Le pays vient en tête dans les comparaisons internationales pour sa qualité de vie : numéro un dans le classement de la base de données Numbeo ,  et numéro deux pour la société d’assurance Aesio-Mutuelle ; la France est au 29e rang dans le premier cas et entre le 20e et le 30e rang dans l’autre, selon les critères.

    Rappelons ce qu’avait déclaré le président de la confédération, Didier Burkhalter, lors d’une manifestation publique organisée par le district de Zurich, le 17 janvier 2014 :

    « La Suisse est une puissance économique à forte capacité d’innovation. Elle constitue la septième économie d’Europe, ce qui est proprement incroyable pour un pays de huit millions d’habitants. La Suisse est un modèle de réussite dont nous pouvons être fiers » .

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      La réindustrialisation de la France : « Une ardente obligation »

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 29 October, 2022 - 02:50 · 11 minutes

    On se souvient qu’au lendemain de la libération de la France, le général de Gaulle avait créé avec Jean Monet le Commissariat général au Plan pour redresser et moderniser l’économie française, et ce fut un succès.

    Il avait dit :

    « Il faut que les objectifs à déterminer par le Plan revêtent pour tous les Français un caractère d’ardente obligation » .

    Aujourd’hui, il serait utile que les Français et leurs dirigeants considèrent que la réindustrialisation du pays est « une ardente obligation » car il n’y a pas d’autre solution pour redresser la situation aux plans économique, social, et politique. Le général de Gaulle avait le sens de la formule et il connaissait la puissance des mots.

    Ce n’est seulement qu’ avec la crise du Covid-19 que la France a découvert les graves inconvénients de la désindustrialisation du pays, et encore les médias n’ont-ils mentionné que le problème de la sécurité des approvisionnements, oubliant complètement d’évoquer ses effets délétères sur l’économie du pays, en général, et sur le niveau de vie des Français, en particulier.

    Le rôle de l’industrie dans la création de richesse

    L’industrie joue un rôle clé dans la création de richesse.

    Ce phénomène est aisé à mettre en évidence en examinant la relation existant, dans différents pays, entre leur production industrielle et le PIB par tête de leurs habitants, le PIB/capita étant l’indicateur qu’utilisent les économistes pour mesurer la richesse des pays.

    C’est ce que montre le graphique ci-dessous où il est pris, en abscisses, pour variable explicative, la production industrielle des pays calculée par habitant, et en ordonnées, les PIB/capita de ces pays. Pour ce qui est des données sur la production industrielle, il s’agit des informations fournies par la BIRD qui inclut la construction dans l’industrie, les productions industrielles étant mesurées, ici, en valeur ajoutée selon les données des comptabilités nationales des pays. Et les PIB/capita sont ceux fournis, également, par la Banque mondiale.

    Graphique  correlation prod.indus par habitant et PIB/capita

    En France, les effectifs du secteur industriel ont fondu, passant de 6,5 millions de personnes à la fin des Trente glorieuses à seulement 2,7 millions aujourd’hui.

    Ainsi, avec une production industrielle faible de 6432 dollars par habitant le pays dispose d’un PIB/capita de seulement 39 030 dollars ; avec un ratio bien meilleur de 12 279 dollars l’Allemagne a un PIB/capita de 46 208 dollars ; avec un chiffre record de 22 209 dollars la Suisse en est à un PIB/capita de 87 097 dollars, le plus fort d’Europe.

    Aussi les maux de notre économie ont-ils pour origine essentielle la désindustrialisation du pays :

    La population réclame sans cesse une amélioration de son niveau de vie, et cela se traduit par des grèves et des mouvements populaires . La France est ainsi, et de très loin, le pays où chaque année le plus grand nombre de journées sont perdues du fait des grèves.

    Des top-sectors en déclin

    Le gouvernement des Pays-Bas désigne par top-sectors , dans sa politique d’intervention dans l’économie, les secteurs clés qui méritent une attention particulière : il s’agit dans ce pays de l’agro-alimentaire et de l’agriculture, avec notamment le secteur de la floriculture où les Pays-Bas sont champions mondiaux.

    En Allemagne, il existe quatre top-sectors : la machine outil, la construction automobile, l’agroalimentaire, et la chimie.

    En France , il existe quatre top-sectors également :

    La construction automobile

    La branche est en pleine révolution.

    La production décline depuis plusieurs années, les constructeurs doivent faire face maintenant à une mutation brutale : le passage du thermique à l’électrique. On est passé de 3,5 millions de véhicules fabriqués en 2000, à 1,35 million en 2020, pour tomber à 0,92 million en 2021.

    Pour des raisons de compétitivité les constructeurs ont considérablement délocalisé leur production. Le secteur automobile est quatre fois moins puissant à présent que le secteur allemand.

    Un autre danger apparait avec la voiture électrique . L’Europe ne se protège pas des exportations chinoises, alors qu’avec la révolution technique dans ce secteur d’activité la Chine est devenue un producteur très important de voitures électriques et de batteries. Au dernier salon de l’automobile à Paris la présence des grands constructeurs chinois a beaucoup marqué les esprits, les véhicules  présentés étaient au meilleur niveau technique, avec des prix 20 % inférieurs à ceux des voitures fabriquées en Europe.

    Plusieurs constructeurs chinois ont annoncé qu’ils allaient installer des unités de production en Europe, probablement dans les pays où le coût de la main-d’œuvre est le plus bas.

    L’agro-alimentaire

    Ce secteur industriel est traditionnellement très important au plan national.

    Dans une étude parue en janvier 2018 Alexandre Mirlicourtis du cabinet Xerfi, société d’étude spécialisée dans les études sectorielles, révèle que c’est un « fiasco français ».

    Le secteur est constitué de beaucoup trop de très petites entreprises qui manquent de compétitivité et de créativité. Ces dernières années, la France a été battue à l’exportation à la fois par les Allemands et les Hollandais. Ce secteur a perdu un peu plus de 20 000 emplois en 10 ans, et il a besoin d’être  restructuré.

    La construction aéronautique

    La France est un leader mondial grâce à des firmes comme Airbus, Snecma, Dassault.

    Ce secteur a certes souffert de la crise sanitaire mais l’activité repart fortement. Il emploie 177 000 personnes, dont 36 000 ingénieurs et il réalise 75 % de son chiffre d’affaires à l’exportation.

    Le secteur du luxe

    Il est l’ un des deux joyaux de l’industrie française . Les experts de la branche annoncent 165 000 emplois, un chiffre d’affaires de 90 milliards d’euros dont 85 % réalisés à l’exportation, soit 76,5 milliards d’euros.

    Selon le journaliste économique Jean-Marc Sylvestre dans Atlantico :

    « La France qui s’est cherchée une activité dominante pendant un demi-siècle l’a trouvée dans l’industrie du luxe ».

    Dans ce secteur, les Français dominent le marché mondial : LVMH (Bernard Arnault) est le numéro un mondial, Kering (François Pinault) est numéro deux. Les groupes français détiennent 130 marques de prestige sur les 270 mondiales recensées aujourd’hui. Parmi les dix premiers groupes mondiaux figurent aussi Hermès et l’Oréal.

    Il s’agit donc pour l’économie française d’une carte maîtresse, notamment en matière de commerce extérieur, soit 75 % de son chiffre d’affaires à l’exportation.

    Un secteur industriel en manque d’ETI

    La France s’est fortement désindustrialisée.

    Son secteur industriel ne représente plus que 10 % du PIB. Elle est devenue le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce mise à part.

    Sur les quatre secteurs clés de son industrie, deux sont en difficulté, ce qui est extrêmement préoccupant. Et pour le reste de l’industrie le diagnostic n’est pas bon non plus : les entreprises industrielles françaises ont des problèmes de compétitivité, les produits ne sont pas suffisamment différenciés.

    Il y a trop peu d’ETI en France, ce qui est très pénalisant, car en plus des grands groupes, ce sont elles qui font de la recherche, qui sont capables d’exporter et qui peuvent se robotiser. Elles sont près de trois fois moins qu’en Allemagne et deux fois moins qu’en Grande-Bretagne.

    Avec la crise mondiale créée par la guerre en Ukraine les prix de l’énergie ont explosé, alors que le prix de l’énergie était le principal avantage dont pouvaient bénéficier nos entreprises industrielles. Il y a, de surcroit, pénurie de beaucoup d’éléments de la chaine de valeur, dont les composants électroniques . France-Industrie estime que la production industrielle pourrait reculer de 10 % sur le seul dernier trimestre 2022, et que la situation risque d’empirer au début de l’année prochaine.

    Les activités énergo-intensives sont particulièrement touchées : le verrier Duralex , par exemple, a dû diminuer considérablement son activité, et Aluminium Dunkerque a annoncé devoir réduire de 22 % sa production. Les clients des entreprises grandes consommatrices d’énergie vont aller se fournir ailleurs.

    Dans un article dans Le Figaro du 18 octobre 2022 le journaliste économique Emmanuel Egloff alerte : « Le risque de désindustrialisation européenne est bien là ».

    Le plan « France 2030 » pour la réindustrialisation selon Macron

    Dans ce contexte difficile, la France doit impérativement se réindustrialiser.

    Selon François Bayrou, nouveau Haut Commissaire au Plan , « la réindustrialisation doit devenir une obsession nationale ».

    En octobre 2021 et en présence de 200 chefs d’entreprise Emmanuel Macron a donc annoncé son plan « France 2030 », avec les objectifs suivants :

    • Faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille
    • Devenir le leader de l’hydrogène vert
    • Décarboner l’industrie
    • Produire deux millions de véhicules électriques
    • Produire un avion bas carbone
    • Produire 20 bio-médicaments contre le cancer et les maladies chroniques

    Au total, la puissance publique consacrera un budget de 30 milliards d’euros à ce plan, soit un rythme de 6 milliards d’euros par an. Il ne s’agit là que de mesures d’accompagnement. Ce plan est totalement insuffisant compte tenu des enjeux à relever.

    Pour un plan ambitieux de réindustrialisation de la France

    Il n’existe donc pas, actuellement, de plan de réindustrialisation de la France.

    Ce serait pourtant la tâche du nouveau Commissariat général au Plan de le concevoir et le faire approuver par le Parlement.

    Quel pourrait être un tel plan ?

    L’objectif serait de rétablir la situation économique dans une période de 10 ans :

    • Objectif : porter le secteur industriel à 18 % du PIB
    • Doctrine : pas d’intervention de l’État dans le choix des investissements
    • Moyen d’action : accompagnement de l’État par des aides étalées sur 10 ans, liées à la création d’emplois
    • Durée du Plan : 10 années

    Le montant des investissements à réaliser peut être estimé à 350 milliards d’euros, soit un rythme d’investissements de 35 milliards d’euros par an.

    Manifestement, les entreprises françaises et les éventuels nouveaux investisseurs nationaux n’y suffiront pas. Il faudra donc recourir très largement aux investissements étrangers, ce que les économistes nomment des IDE (investissements directs étrangers). Actuellement, en France, un montant annuel d’une dizaine de milliards d’euros est investi dans l’industrie. Il faudrait arriver, pour le moins, à 15 milliards.

    Le plan d’investissement annuel se répartirait de la façon suivante et pour un total de 35 milliards d’euros :

    • Entreprises françaises………….  20 milliards d’euros
    • Entreprises étrangères…………. 15 milliards d’euros

    Les investissements étrangers interviendraient donc pour 40 % dans la réindustrialiserion de la France. Il faudra pour cela que le pays soit particulièrement attractif. Au plan européen, les IDE industriels s’élèvent à une cinquantaine de milliards d’euros par an. La France doit être en mesure de capter, à elle seule, chaque année, environ 30 % de ce flux.

    Pour parvenir à réaliser un tel rythme d’investissement dans le secteur industriel, il faudra d’importantes mesures d’accompagnement de la part de la puissance publique. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’Emmanuel Macron vient d’obtenir que la nouvelle usine de composants électroniques de ST Microelectronics et Sotelec vienne s’installer à Crolles, prés de Grenoble. Elles seront indispensables du fait que les entraves à la création et au développement d’activités industrielles dans notre pays sont nombreuses et diverses :

    • fiscalité rendant les entreprises industrielles non compétitives
    • droit du travail rigide nuisible à la flexibilité des entreprises
    • réglementations nombreuses alourdissant les coûts et freinant les acteurs économiques

    Et sans oublier la concurrence des pays de l’est de l’Union européenne dont les coûts du travail sont considérablement plus bas, comme l’indique le tableau ci-dessous, en euros et par heure (Source : Insee-Dares, Ed 2020) :

    • France…………..  37,3
    • Allemagne…….. 35,9
    • Hongrie………… 10,7
    • Pologne………… 10,4
    • Roumanie………  7,3

    Bon nombre de mesures ont certes été prises ces dernières années pour rétablir la compétitivité des entreprises françaises : CICE, pacte de responsabilité, transformation du CICE en allégements de cotisations sociales, réduction de l’IS, début de la diminution des impôts de production, etc.

    Mais elles restent totalement insuffisantes, d’autant qu’il va falloir attirer massivement les investissements étrangers.

    Pour Nicolas Dufourcq , le directeur de la BPI, interrogé par Ouest-France à l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, le 8 juillet 2022 :

    « Pour réussir la réindustrialisation, il va falloir mettre beaucoup de cœur, d’émotion et de solidarité collective […] Il n’y a rien d’irréversible ».

    Gageons qu’il ait raison, mais la tâche est considérable et extrêmement ardue.

    Il s’agit de remettre sur pieds toute la machine économique du pays. Cet objectif doit constituer « une ardente obligation » pour les pouvoirs publics. Pour l’instant, ce n’est guère le cas. Le gouvernement préfère distribuer des chèques pour soutenir le pouvoir d’achat plutôt que de s’attaquer aux causes du mal.

    Le pays va donc continuer à décliner, sa dette va continuer à augmenter, et sa position dans le concert des nations ne va pas manquer de s’affaiblir chaque jour davantage.

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      Réindustrialisation : un enjeu vital pour l’avenir du pays

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 23 February, 2021 - 03:30 · 11 minutes

    Réindustrialisation

    Par Claude Sicard.

    Les Français auxquels on a toujours dit que le pays est une grande puissance, en position numéro six dans le monde, sont stupéfaits de découvrir avec la crise du  coronavirus qu’il est extrêmement dépendant de l’étranger pour un très grand nombre de produits, y compris les plus essentiels comme les médicaments. Ceux-ci proviennent presque tous de l’Inde ou de la Chine .

    Il en va de même pour les respirateurs artificiels dont nos hôpitaux ont besoin pour équiper les services de réanimation : les Allemands ont deux fabricants, la Suisse en a un, d’ailleurs très réputé ; et la France zéro…

    Ces jours-ci les journaux nous apprennent que nos usines automobiles sont à l’arrêt en raison d’une grave pénurie de semi-conducteurs : ce sont essentiellement les Taïwanais qui nous approvisionnent, le groupe TSMC détenant à lui seul 55 % du marché mondial.

    Bruno Le Maire s’en alarme et déclare que « notre dépendance vis-à-vis de l’Asie est excessive et inacceptable. »

    Aussi, depuis la fin des Trente glorieuses les pouvoirs publics ont aveuglément plongé la France dans la mondialisation et font soudain marche arrière : ils affichent depuis quelques mois leur ferme volonté de relocaliser bon nombre de fabrications , accordant même maintenant des aides aux industriels afin qu’ils rapatrient leurs productions.

    Prise de conscience tardive et douloureuse

    Ce souci de réindustrialisation né de la recherche d’une moindre dépendance vis-à-vis de l’étranger va sans doute permettre à nos dirigeants de découvrir enfin que l’avenir du pays se joue sur sa capacité à se réindustrialiser. Au moins la crise du coronavirus aura-t-elle eu un effet bénéfique : replacer l’industrie au centre des préoccupations du gouvernement car fondamental pour l’avenir du pays. Mais il faudra une réindustrialisation essentiellement basée sur  de nouvelles technologies.

    Nos différents gouvernements avaient considéré jusqu’ici d’un très bon œil que le pays se désindustrialise, pensant que c’était là le signe même de sa modernisation.

    Après la fin des Trente glorieuses, l’élite aux commandes a été marquée par les travaux de Jean Fourastié , l’auteur du livre Le grand espoir du XXe siècle , un ouvrage très documenté dans lequel cet économiste a montré qu’en se développant, les sociétés passent obligatoirement du secteur primaire, l’agriculture et la pêche, au secteur secondaire, l’industrie, puis ensuite au secteur tertiaire, celui des services.

    Ainsi pouvait-on conclure qu’une société moderne n’offrirait plus que des activités relevant du secteur tertiaire. Le monde s’organiserait selon un schéma où les activités industrielles seraient transférées vers les pays en voie de développement dont l’abondante main-d’œuvre bon marché se chargerait des tâches ingrates et salissantes de la production industrielle ; les pays développés se consacrant aux  tâches nobles de la connaissance et du savoir.

    Ainsi, les pays occidentaux échangeraient leur savoir contre les biens manufacturés dont ils ont besoin, fabriqués à bas prix dans les pays sous-développés. C’était encore à l’ère de la suprématie de l’Homme blanc dans le monde : un stéréotype aujourd’hui totalement dépassé.

    Dans le cadre de cette stratégie, la Chine est non seulement est devenue l’usine du monde , mais a aussi rattrapé à pas de géant son retard technologique. Elle a su exiger des transferts de technologie des pays occidentaux qui installaient des usines chez elle pour bénéficier des coûts très bas d’une main-d’œuvre obéissante et habile. Elle a pratiqué l’espionnage industriel pour piller les savoir-faire des Occidentaux, et elle a eu l’intelligence d’envoyer ses meilleurs étudiants se former dans les grandes universités américaines.

    Aujourd’hui, la Chine dispose d’autant de chercheurs que les États-Unis, elle dépose davantage de brevets chaque année que les Américains, et a pour projet de devenir le numéro un mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle. En 2016 elle est passée devant les États-Unis en nombre d’articles scientifiques publiés. Elle est le premier exportateur mondial de TIC (Technologie de l’information et de la communication) et de produits de haute technologie. Le géant chinois Huawei s’est lancé dans une course à l’innovation avec Samsung et Apple.

    La France a ainsi vu fondre à grande vitesse son secteur industriel, est devenue le pays d’Europe le plus désindustrialisé , la Grèce mise à part. Son secteur industriel ne concourt plus que pour 10% seulement à la formation du PIB, alors qu’en Allemagne il représente 23 %, la moyenne des pays de l’OCDE se situant à 20 %.

    Le ministre de l’Économie a déclaré récemment, en présentant son plan de relance industrielle : « Nous avons laissé partir nos usines, nos compétences, des filières entières depuis 20 ou 30 ans. » Il a évoqué un « scandale économique », « une faute politique ».

    Il faut comprendre l’enchaînement fatal dans lequel se sont trouvés entraînés nos dirigeants en laissant fondre notre industrie. Il s’agit d’une spirale descendante dangereuse. L’industrie est un secteur qui crée beaucoup de richesse, directement et indirectement. En laissant péricliter le secteur secondaire le pays s’est appauvri.

    Pour soutenir le niveau de vie des Français, les gouvernements successifs ont été contraints d’effectuer des dépenses sociales de plus en plus importantes . Elles sont devenues les plus élevées de tous les pays de l’OCDE en proportion du PIB. Ces dépenses sociales régulièrement croissantes ont gonflé les dépenses publiques, lesquelles ont conduit les gouvernements à augmenter d’année en année les prélèvements obligatoires ; ceux-ci se révélant toujours insuffisants, les pouvoirs publics ont fait appel à l’endettement afin de boucler chaque année le budget.

    Ce mécanisme s’est amorcé il y a quarante ans. En 2019 l’endettement du pays a atteindre 100 % du PIB .

    En 2020 la pandémie du coronavirus est venue se greffer sur ce phénomène structurel, aggravant très sérieusement la situation de l’économie française.

    L’endettement a fortement augmenté, et va exploser pour atteindre 122 % du PIB fin 2021 , car les pouvoirs publics ont été pris au dépourvu pour soutenir l’activité économique. Le « quoi qu’il en coûte » du Président s’est imposé, et les vannes de l’endettement ont été ouvertes sans modération.

    Les économistes n’ont pas su sensibiliser en temps voulu les pouvoirs publics sur l’importance capitale de l’industrie pour assurer la prospérité d’un pays et procurer les éléments lui permettant d’avoir dans le monde une position politiquement forte. Seuls quelques grands économistes ont tiré la sonnette d’alarme, tout particulièrement Elie Cohen et Christian Saint-Étienne .

    On sait combien sont montées en épingle, lorsqu’elles se réalisent, les ventes de Rafale, ces avions de combat de la firme Dassault, et on s’enorgueillit de pouvoir doter l’Australie de sous-marins ultra-modernes. Mais le gouvernement n’a pas eu d’autre solution pour renouveler les fusils d’assaut de l’armée française que de s’adresser à un fabricant allemand, à cause de la fermeture de la manufacture d’armes de Saint-Étienne .

    Le graphique ci-dessous montre la corrélation très forte existant entre la production industrielle dans les pays et leur niveau de richesse. La production industrielle, calculée à partir des données de la BIRD, (organisme qui incorpore la construction dans le secteur industriel) et ramenée ici par habitant, est prise comme variable explicative sur ce graphique. On voit que la corrélation avec les PIB per capita des pays est extraordinairement forte, le coefficient de corrélation étant supérieur à 0,93.

    Réindustrialisation

    • Avec une production industrielle de 6900 dollars par personne la France a un PIB/tête de 40 493 dollars.
    • Avec un ratio de 12 400 dollars l’Allemagne obtient un PIB/tête de 46 258 dollars.
    • Avec une production industrielle de 21 000 dollars et un PIB/habitant record de 81 993 dollars, la Suisse est en tête de tous les pays.

    Le redressement de l’économie française passe donc par sa réindustrialisation . Le redressement du secteur industriel constitue un enjeu majeur, l’objectif étant de porter à 18 % environ la contribution de l’industrie à la formation du PIB.

    Il faut créer de la richesse pour réduire les dépenses sociales et comprimer ces dernières pour mettre fin à l’endettement. Cela nécessiterait que les effectifs du secteur industriel passent de 2,7 millions de personnes, chiffre actuel, à 4,5 millions, soit 1,8 million de personnes de plus employées dans le secteur secondaire.

    Cet accroissement des effectifs du secteur industriel induirait automatiquement 3,6 millions d’emplois dans le secteur tertiaire. Le problème du chômage se trouverait  ainsi résolu, le pays pourrait sortir de l’engrenage fatal dans lequel il se trouve engagé depuis quarante ans.

    Comment procéder pour atteindre un tel objectif

    Pour relever ce défi, car il s’agit bien d’un défi, il faut s’attaquer aux causes du déclin du secteur secondaire depuis la fin des Trente glorieuses, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, car pour paraphraser Albert Einstein « c’est de la folie de penser qu’en faisant tout le temps la même chose vous pourrez obtenir des résultats différents. »

    Si l’on ne change rien aux causes de ce déclin , le pays ne pourra pas se réindustrialiser. Les identifier est donc bien la première phase de la démarche à  suivre si du moins la pays veut reprendre son destin en mains. Malheureusement, personne ne se préoccupe de procéder à ces analyses.

    Ces causes sont de trois ordres différents.

    Droit du travail et climat social

    Selon les économistes, la qualité du climat social est un facteur clé de la compétitivité d’un pays. Les firmes étrangères qui voudraient investir dans notre pays sont souvent freinées par le climat social. C’est ce que dit le président de l’AmCham , la chambre de commerce américaine à Paris.

    Les syndicats ont encore dans leur ADN la charte d’Amiens de 1906 qui prône la destruction du patronat, avec comme moyen d’action la grève générale. En France, le syndicalisme est révolutionnaire qui a conduit au Code du travail actuel , extrêmement lourd et particulièrement favorable aux salariés.

    Il suffit pour s’en convaincre de s’en référer au Code du travail suisse, un pays où  l’État n’intervient pas dans le dialogue social, et où des milliers de frontaliers travaillent. Il n’y a jamais de grève en Suisse…

    La fiscalité

    Les charges fiscales qui pèsent sur nos entreprises sont anormalement élevées. Les comparaisons avec l’étranger montrent que les impôts de production sont bien plus importants chez nous que partout ailleurs, tout comme les impôts sur les bénéfices. Depuis quelques années, le gouvernement tente d’y remédier, mais nous sommes encore loin d’être alignés sur l’Allemagne, par exemple.

    La fiscalité sur les successions est une autre anomalie française extrêmement préjudiciable particulièrement aux entreprises industrielles. Elle empêche généralement les héritiers de prendre le relais, et l’entreprise change alors de mains.

    En Allemagne, il en va tout autrement, les entreprises demeurent dans le giron familial. Les économistes s’accordent à dire qu’il s’agit là de l’un des éléments qui fait la force de l’industrie allemande. Les mittelstand constituent la colonne vertébrale du modèle social allemand : il y a continuité de direction, souci du long terme et attachement du personnel à l’entreprise.

    Le manque de capitaux

    La France manque cruellement de business angels , ainsi que de fonds d’investissements qui viendraient apporter aux jeunes entreprises les capitaux dont elles ont besoin pour croître rapidement. Certes, il s’agit d’investissements à risque, et là aussi la fiscalité a un rôle clé à jouer : elle doit être conçue pour permettre aux détenteurs de capitaux d’orienter leur épargne dans le bon sens, ce qui n’est pas le cas actuellement en France.

    À ces trois causes on pourrait ajouter l’interdiction faite à l’État par la Commission européenne d’apporter son aide à des entreprises en difficulté pour traverser une crise passagère.

    Le pays pourra-t-il politiquement et socialement procéder dans des délais relativement brefs à toutes les mutations qui seraient nécessaires afin de se redresser en se réindustrialisant ? On ne peut qu’en douter.

    Les pesanteurs sont énormes. Les caractéristiques de la sociologie française relevent d’une longue histoire comme le montre Jean-Philippe Feldman dans son livre Exception française : histoire d’une société bloquée . Les lois sur le travail sont difficilement réformables car il y aurait immédiatement des levées de boucliers.

    La crise du coronavirus a conduit le gouvernement à accroître considérablement la dette, la fiscalité ne pourra donc que s’alourdir.

    Pourtant, il est impossible de poursuivre sur la voie actuelle.