SPORT - Un 14e titre salué par le monde du sport, mais qui laisse certains sportifs perplexes. L’émotion du
sacre de Rafael Nadal à Roland-Garros
est à peine retombée que les premières voix s’élèvent face à la question des infiltrations de l’Espagnol, pour
soulager les douleurs dues à sa maladie
.
“Pendant ce Roland-Garros, grâce à ces infiltrations, j’ai pu me battre d’égal à égal avec mes adversaires dans la mesure où je ressentais la possibilité de me déplacer sans peur”, explique le champion espagnol
dans
L’Équipe
ce mardi 7 juin.
Des déclarations qui ont fait tiquer
Thibaut Pinot
, quelques heures après fin du match de Nadal en finale dimanche. “Les héros d’aujourd’hui...”, a ironisé sur Twitter, le cycliste de l’équipe Groupama-FDJ, en réaction à une déclaration du tennisman qui assurait avec humour ne pas vouloir révéler le nombre d’injections reçues durant le tournoi.
En effet, dans le milieu du
cyclisme
, les infiltrations d’anti-inflammatoires sont bannies depuis 2011, contrairement à des sports comme le football, le rugby ou le tennis. De quoi faire montrer au créneau plusieurs cyclistes français.
Une différence de traitement qui dérange
Si les coureurs ne souhaitent pas remettre en cause le talent et le récent titre de
Rafael Nadal
, ils regrettent cependant la glorification d’un sportif usant abondamment de cette pratique pour atténuer ses atroces douleurs.
Au
Parisien
, un cycliste français de premier rang préférant conserver son anonymat partage la sortie de Thibaut Pinot et explique la colère des coureurs: “Thibaut a raison à 100 %. Mais je ne veux pas mêler mon nom à cela car ça va me retomber dessus. Mais entendre que Nadal est un surhomme parce qu’il se soigne bien et repousse la douleur, ça ne peut que nous rendre amer. Si un cycliste dit qu’il s’est fait piquer trois fois avant une course et qu’il ne sent plus de douleur dans les jambes, à votre avis, on va dire quoi?”.
Dans
L’Équipe
, c’est un autre coureur français, Guillaume Martin, qui exprime son incompréhension face à cette différence de traitement d’une discipline sportive à l’autre.
“Ce qu’a fait Nadal aurait été impossible dans le vélo, et je trouve ça normal. Si on est malade ou blessé, on ne court pas, on ne fait pas de compétition, ça me semble du bon sens. Pour plusieurs raisons. En premier lieu, pour la santé des athlètes [...] Et en plus, les médicaments et encore plus les infiltrations n’ont pas qu’un effet de guérison, ça peut certainement avoir des effets sur la performance ou être détourné afin d’améliorer la performance, donc ça me semble très limite”, avance le grimpeur de l’équipe Cofidis.
Un deux poids, deux mesures qui fait grincer des dents le monde du cyclisme, après plusieurs décennies marquées par le
dopage
et des mesures pour endiguer la pratique. “Quand Nadal dit en conférence de presse: J’attends avec impatience mon médecin, personne ne réagit. Remplacez Nadal par Pogacar ou Pinot et des gens hurleraient…”, ajoute Pascal Chanteur
à franceinfo
, patron de l’UNCP, le syndicat des coureurs professionnels français.
Uniformiser les règles à tous les sports?
Si la colère et l’incompréhension sont bien présentes, certains coureurs ne manquent pas non plus d’arguments en faveur d’une uniformisation des interdictions de leur sport à d’autres disciplines comme le tennis.
“Nous, on n’a pas le droit de faire ce genre de choses et c’est mieux, c’est la voie à suivre. Quand on commence à entrouvrir la porte à une chose comme ça, c’est là que les dérives arrivent. C’est une zone grise et une fois qu’on entre dans la zone grise, ce n’est pas bon”, estime Kenny Elissonde interrogé lui aussi par franceinfo.
Le coureur de la Trek-Segafredo poursuit: “Moi, j’ai toujours vu un double traitement: nous, on est un peu vus comme des coureurs qui se dopent alors que je pense qu’il n’y a pas beaucoup plus propre maintenant que le vélo”.
Un constat partagé par Guillaume Martin qui se positionne clairement sur la question: “Je plaide pour une certaine homogénéisation des règlements entre les différents sports”.
Pour étayer ses propos, il compare son sport et celui de Rafael Nadal, pas si éloignés en termes d’efforts physiques. “Le tennis, par exemple, a des paramètres assez similaires avec le vélo, c’est un sport d’endurance avec des accélérations, donc je pense que les mêmes produits peuvent avoir un effet dopant. Dans ce cas-là, je ne vois pas pourquoi il y aurait des règlements différents”.
Un positionnement au profit de la santé des sportifs qui ouvre un débat de fond dans le monde du sport. À cela, Nadal répond que malgré ses infiltrations, son niveau ne lui permet plus de “chasser la première place mondiale”, un signe de son déclin physique au-delà des infiltrations nécessaires pour combattre sa maladie.
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