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      Retraites : la vraie réforme, c’est la capitalisation pour tous

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 23 February, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    La réforme présentée aux Français vise à « sauver » le système de retraite par répartition en rétablissant l’équilibre financier à l’horizon 2030.

    Les chiffres de l’INSEE sont implacables … Le véritable problème de notre système de retraites n’est pas pour 2030 mais pour 2040. C’est à partir de 2040 que la population active française commencera à décroître régulièrement jusqu’à la fin du siècle… Maintenir le niveau actuel des pensions sera t’il possible à l’avenir dans ces conditions ?

    La retraite par répartition est conçue pour une population active en augmentation ou stable

    Quand la population active diminuera franchement, maintenir le niveau des pensions deviendra impossible sans une adaptation profonde de notre système car si les marges de manoeuvre pour une réforme paramétrique existent actuellement, elles ne seront en aucun cas suffisantes après 2040. Nos taux de cotisations pour la retraite sont déjà parmi les plus élevés d’Europe avec 28 % de prélèvements sur le salaire brut ; ils ne pourront pas être augmentés au-delà… Reste le paramètre de l’âge de départ , mais le modifier substantiellement a un effet dévastateur sur la cohésion sociale et la paix civile.

    Adapter notre système de retraite, ce n’est pas faire une réforme paramétrique dont tout le monde sait qu’elle ne suffira pas. C’est changer de logiciel !

    Changer de logiciel, c’est instaurer une petite dose de capitalisation pour tous comme l’ont fait la plupart de nos voisins européens.

    La capitalisation existe déjà en France depuis de nombreuses années. Les pharmaciens , les fonctionnaires et les employés de la banque de France se sont déjà dotés de leurs propres fonds de pensions.

    L’exemple de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens est particulièrement inspirant car le nombre de pharmaciens en activité à commencé à décroître à partir des années 2000. Avec 0,9 actif pour un pharmacien retraité, l’équilibre financier de la caisse de retraites des pharmaciens n’aurait pas pu être assuré sans les rendements de la capitalisation. Leur pilier de capitalisation leur a permis d’ économiser un milliard d’euros de cotisations sur les 4,7 milliards distribués au cours des 30 dernières années. Il leur a permis de maintenir le niveau des pensions tout en leur offrant une grande souplesse d’ajustement de l’âge de départ à la retraite.

    Actuellement, le Français retraité moyen gagne légèrement plus que ce que gagne le salarié moyen. Sans l’apport des rendements d’un pilier de capitalisation pour compenser la démographie négative des actifs, une baisse drastique du niveau de vie des retraités est probable après 2040.

    Les représentants politiques et syndicaux présentent souvent la capitalisation comme une menace qui ferait peser un risque sur l’avenir des retraites. Ce discours est paradoxal car refuser la capitalisation, c’est assumer une baisse certaine du futur niveau des pensions de peur de prendre un risque mesuré sur les marchés financiers pour une partie des sommes collectées. C’est finalement préférer la certitude d’une perte à la possibilité d’un gain !

    Au cours du siècle passé, les rendements des marchés financiers ont été de 6,7 % en termes réels (après inflation). Un pilier de capitalisation permet à chacun de profiter de ces rendements en limitant les risques car les fonds sont répartis sur de nombreux actifs diversifiés et sont gérés par des professionnels. L’effet collatéral bénéfique à l’économie nationale de la mise en place de la capitalisation réside dans le fait que ces fonds sont investis dans l’économie réelle et permettent de financer le développement de nos entreprises et donc de créer des emplois.

    Le système actuel repose sur un malentendu largement répandu dans l’imaginaire collectif

    La plupart des Français pensent qu’ils cotisent pour eux-mêmes, ce qui est totalement faux. Avec un taux de prélèvement sur le salaire brut de 28 % pour les cotisations retraites, la plupart des Français n’ont évidemment pas les revenus nécessaires pour épargner en prévision de leur retraite car les ressources qui auraient permis cette épargne sont utilisées pour financer la retraite des autres. Seuls les hauts revenus ont les moyens de constituer une épargne en actions afin de profiter des dividendes boursiers. C’est une véritable inégalité.

    En introduisant un pilier de capitalisation correspondant à un tiers des cotisations retraites, ce qui permet de profiter des rendements de la capitalisation sans prendre de risques excessifs, une partie des cotisations retraites d’un salarié ira sur son compte personnel de capitalisation, ce qui lui permettra de toucher des dividendes. La généralisation de la capitalisation permet une véritable redistribution sociale d’un avantage qui est aujourd’hui réservé aux hauts revenus.

    Il est assez incompréhensible qu’une partie de notre personnel politique fustige les superprofits des actionnaires arguant qu’il s’agit là d’une injustice vis-à-vis des travailleurs modestes tout en refusant absolument la capitalisation pour tous, qui permettrait justement à chacun de profiter de ces dividendes. La cohérence voudrait qu’ils imitent les prises de positions de Jean Jaurès, dont ils revendiquent généralement l’héritage. En 1909, en première page de L’Humanité , Jean Jaurès prenait position pour la retraite par capitalisation afin que les ouvriers puissent bénéficier des avantages des rendement financiers procurés par les actions.

    La décrue du nombre de pharmaciens en activité par rapport aux retraités à partir des années 2000 préfigure ce qui arrivera au niveau du pays tout entier à partir de 2040. En mettant en place tout de suite un pilier de capitalisation pour tous les Français, il sera possible de maintenir le niveau actuel des pensions.

    Cela demande de l’audace et le courage de faire une véritable réforme au lieu de se contenter d’ajustements paramétriques.

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      La fable du roi et des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Plutôt qu’un texte technique de plus, voici une petite fable. Car socialement et financièrement, tout a été dit, notamment sur le ratio cotisants-retraités, ce qui est un grand progrès par rapport aux considérations idéologiques qui subsistent encore. L’iFRAP a réalisé d’excellentes études. Mais le fond du problème n’est pas l’argent. Lisez !

    Il était une fois une petite île, où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants. Quand leurs vieux jours arrivèrent, leur compte en banque était bien gras, mais il n’y avait plus rien au marché car plus personne ne labourait les champs. Ils moururent tous de faim sur leur tas d’écus.

    Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent : les gens ont des enfants !

    Dans l’île voisine vivaient aussi cent adultes dont 50 travaillaient. Leur roi leur conseilla d’avoir des enfants. Ces cent adultes, soit cinquante couples, firent donc un enfant. Quand la retraite vint, il y avait donc cent vieux, cinquante jeunes en âge de travailler et leurs enfants. Donc, mettons deux cents personnes à nourrir au lieu de cent pour le même nombre d’actifs. Famine, faute de gens dans les champs. Mais les fonctionnaires exigèrent de rester nombreux et de conserver leur part de nourriture. Et les vieux moururent de faim sur leurs tas d’écus.

    Dans l’île voisine, le roi conseilla d’avoir plusieurs enfants. La moitié en eut quatre, l’autre moitié aucun, préférant mener la belle vie et entasser les écus. À la retraite, il y eut donc cent vieux et cent jeunes. Il y avait assez de nourriture pour tout le monde, mais tout juste. Les vieux riches qui n’avaient pas eu d’enfants pensèrent bien manger. Mais les jeunes et leurs parents se servirent en premier et n’apportèrent que peu au marché. Les riches dépérirent sur leurs tas d’écus. Puis la médecine progressa et il y eut bientôt cent cinquante vieux. Ou plutôt il y en aurait eu cent cinquante si les plus fragiles n’étaient pas morts de faim.

    Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent, les systèmes de retraite nous donnent « des droits » !

    Sur une île voisine, on portait ses écus à une organisation qui vous donnait en échange un papier où étaient inscrits vos « droits ». Les écus allaient aux retraites des vieux de la génération précédente. Le jour de leur retraite, ceux qui avaient beaucoup de « droits », car ils avaient beaucoup cotisé n’ayant pas d’enfants, se présentèrent pour toucher leur grosse retraite. Mais les caisses étaient vides car leurs cotisations avaient été versées à la génération précédente ou à des entreprises qui n’avaient plus assez d’employés et de clients. Les vieux manifestèrent pour réclamer « leurs droits ». Pour respecter les engagements de l’État, le roi taxa donc les jeunes. Ce fut une révolte générale. Les vieux ne touchaient que la moitié du revenu des jeunes et les jeunes étaient furieux de se voir retirer cette moitié. Ils finirent par émigrer, laissant les vieux sans enfants mourir de faim avec leurs mirifiques contrats.

    Les vieux qui étaient encore valides travaillèrent. Dans l’île où il n’y avait pas d’enfants, cela ne fit que retarder l’échéance et ils moururent tous de faim. Dans les autres îles, on prit l’habitude de travailler après 60 ans, et avec ce renfort du troisième âge, les jeunes purent nourrir le quatrième âge.

    Dans une autre île, le roi envisagea d’attirer des jeunes. Mais nous avons vu que les îles voisines, de même race et de même religion, manquaient également d’enfants. Arriva alors un bateau de réfugiés à la peau sombre fuyant un mauvais gouvernement. « Voici des jeunes », dit le roi. « Quoi !? rétorquèrent les habitants. Ils n’ont pas nos habitudes ni notre religion. Et peut-être, quand nous serons âgés et faibles, nous jetteront-ils à la mer ! » ; « C’est bien possible, dit le roi, mais c’est cela ou travailler jusqu’à 80 ans car nos propres jeunes vont partir si tout doit reposer sur eux ! »
    Je passe sur les problèmes qui suivirent.

    Cette petite fable montre à quel point sont liées les retraites, la natalité et l’immigration. Le lien, c’est la production. Celle des biens et services à produire de manière suffisante pour tous. Et qui dit production dit travail. Et qui dit travail ne dit pas retraite.

    On meurt de faim même avec de l’argent si la production ne suit pas parce que trop d’actifs prennent leur retraite. Les économies, les retraites, les promesses des politiques, les pensions du gouvernement, les assurances privées ou publiques, les retraites versées par les organisations de gauche ou les fonds de pension de droite ne servent à rien, comme les tas d’écus de notre fable.

    Car il n’y aura rien à acheter. Il n’y aura pas de pain dans les boulangeries, pas d’infirmières pour vous soigner. Et ne me dites pas : « il faut prendre l’argent là où il est », en pensant aux multinationales ou aux riches héritiers. Même si vous leur arrachez leur argent par l’impôt ou par la force, il n’y aura toujours pas de pain à acheter. Ou assez d’infirmières pour vous soigner.

    Mais, allez-vous dire, moi Européen, j’ai sur mon compte les euros de ma retraite… Je vais acheter de la nourriture aux Chinois !

    La réponse est simple : pourquoi les Chinois voudraient-ils de vos euros ? Ils ne valent plus rien, puisqu’il n’y a rien à acheter en Europe… depuis qu’elle croule sous les retraités. Et d’ailleurs, les Chinois n’ont pas plus d’enfants que les Européens et mourront de faim avec eux.

    Quelques remarques :

    Ce texte est valable en capitalisation comme en répartition.

    En France, nous serions à l’abri grâce à nos deux enfants par femme. D’abord, ce n’est vrai que depuis l’an 2000, donc ce sont pour l’instant des bouches à nourrir. Il faudrait aussi que nos jeunes n’émigrent pas et que ceux qui restent, « de souche » ou pas, soit bien formés.

    L’Allemagne a peu d’enfants mais attire les jeunes Européens (Italiens, Espagnols, etc.), la catastrophe y sera donc peut-être moins forte que prévu. Par contre, elle sera pire dans les pays ainsi déshabillés.

    Belles discussions en perspective sur « la solidarité européenne »…

    Article publié dans Le Cercle Les Échos, le 21 août 2013

    Sur le web

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      S’inspirer de Jean Jaurès pour sauver le système de retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 28 January, 2023 - 03:30 · 2 minutes

    Une chronique de Cécile Philippe.
    Un article de l’ Institut économique Molinari .

    Jean_Jaurès,_1904 S’inspirer de Jean Jaurès pour sauver le système de retraites ?

    Oui car le sujet de la retraite a été trop souvent traité sous un angle purement politicien, ce qui contribue à entretenir un statu quo intenable.

    Relire Jaurès nous montre qu’on peut être à gauche et défendre la capitalisation.

    Il suffit de se replonger dans L’Humanité de 1909. Jaurès y expose comment la capitalisation « en soi est parfaitement acceptable » et peut constituer « un gage plus certain, une base plus solide » pour l’assurance retraite. Pour le cofondateur du Parti socialiste français (1902) et de L’Humanité (1904), la capitalisation « peut même, bien maniée par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière » .

    En effet, en rendant la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », elle lui permettrait de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en œuvre de ce capital par le travail ouvrier ». En permettant au salarié de devenir épargnant, elle lui donnerait les moyens de préparer ses vieux jours tout en s’appropriant une partie du rendement du capital.

    D’où l’idée – qui n’est pas neuve – d’introduire une dose de capitalisation dans le système de retraites actuel… Reste à respecter j’imagine certaines conditions pour que ça marche…

    Il s’agit de faire du neuf avec de l’ancien et de cesser de matraquer l’épargne. Depuis plusieurs années les pouvoirs publics ont taxé les produits dédiés à la retraite. On se souvient tous du forfait social, prélèvement de 2 % instauré sous Fillon et porté à 20 % sous Ayrault.

    Ensuite, cessons de faire des différences. Il n’y a pas de raison d’attaquer les mécanismes d’épargne du privé, tandis qu’on oblige par ailleurs le public à capitaliser, avec l’ERAFP , un fonds de pension qui ne dit pas son nom.

    Mais donc le système par répartition n’est absolument pas pérenne tel qu’il existe aujourd’hui ?

    Non. Nous avons fait preuve d’une imprévoyance collective majeure. Tous les experts savent que les régimes de retraite par répartition constituent des bombes à retardement. Avec de moins en moins d’actifs et de plus en plus en plus de retraités, la répartition est condamnée à distribuer des retraites de plus en plus maigres. Les réformes initiées en France depuis la fin des années 1980 limitent l’essor des dépenses, avec à la clef des économies représentant aujourd’hui de l’ordre de 2 % du PIB. Pour autant elles ne permettent toujours pas d’équilibrer les comptes et de résorber la dette implicite liée aux retraites par répartition, estimée à 3,6 années de revenu.

    D’ici 50 ans, ces réformes devraient nous permettre d’économiser de l’ordre de 8 % du PIB par an, en contenant les dépenses de retraite à un niveau proche d’aujourd’hui. Cela se fera par une réduction massive des pensions. En bonne logique, il faudrait que cette baisse des retraites par répartition soit compensée par une épargne retraite. Il faudrait que les pouvoirs publics – de droite comme de gauche – incitent massivement les Français à épargner, ce qui est loin d’être le cas.


    Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’ Institut économique Molinari , diffusée sur les ondes de Radio classique le 17 juin 2014.

    Article publié initialement le 3 juillet 2014.

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      Quand Jean Jaurès prônait la capitalisation pour tous

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 21 January, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Par Nicolas Marques.
    Un article de l’Institut Molinari

    L’institut économique Molinari vient de republier quatre textes de Jean Jaurès éclairant le débat sur l’intérêt d’une capitalisation pour tous. Ces articles sont représentatifs du débat sur la capitalisation collective se déroulant dans les colonnes de L’Humanité dans les années 1909 et 1910. Retour sur un moment oublié d’histoire sociale toujours bien actuel, alors que nombre de syndicalistes n’osent pas défendre ouvertement la capitalisation, en dépit des avantages qu’elle procure à leur mandants via des structures qu’ils co-gèrent depuis des décennies (Préfon, ERAFP…)

    Au début du XX e siècle, un intense débat se développe dans le monde ouvrier. L’État doit-il s’impliquer dans les retraites ? La capitalisation est-elle une opportunité ou un risque ?

    Le texte de loi sur les Retraites ouvrières et paysannes (ROP) donne lieu à un intense débat au sein de la gauche syndicale et politique. Il s’agit d’une des premières confrontations à propos du sens que le socialisme peut donner à la capitalisation et à la répartition.

    Jean Jaurès, cofondateur du Parti socialiste français et fondateur de L’Humanité soutient pied à pied le projet de loi instaurant la capitalisation ouvrière.

    Selon lui, la capitalisation a l’avantage de rendre la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », lui permettant de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en œuvre de ce capital par le travail ouvrier » 1

    Pour le lecteur intéressé, nous avons reproduit quatre articles clefs de l’auteur sur le sujet :

    1. « Les termes de la question » présente l’état du débat fin 1909.
    2. « Capitalisme et capitalisation » explique comment la loi sur les retraites doit, grâce à la capitalisation, permettre de rééquilibrer le partage de la valeur et du pouvoir en faveur des ouvriers. Cette démarche préfigure avec un siècle d’avance l’approche du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) réunissant la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT.
    3. « Escroquerie » bat en brèche l’idée que le gouvernement pourrait détourner la capitalisation collective.
    4. « Sécurité » insiste sur les gages de sécurité apportés par la capitalisation par rapport à la répartition.

    Les socialistes révolutionnaires, marxistes, anarchistes et la CGT s’opposaient à Jaurès. Ils étaient inquiets à l’idée d’une expropriation des versements qui aurait permis aux pouvoirs publics de financer un effort de guerre 2 .

    Jean Jaurès s’opposa notamment à Paul Lafarge, gendre de Karl Marx, qui considérait que la loi sur les « retraites aux morts » était une « escroquerie » 3 . Paul Lafarge, comme Jules Guesde, considérait que « la société bourgeoise et capitaliste, qui crée et favorise l’exploitation du prolétariat, doit pourvoir au bien-être et à la subsistance des vieux travailleurs » 4 .

    Cette position était partagée par les anarcho-syndicalistes qui avaient proposé, lors du Congrès de Limoges, le financement des retraites au moyen de « fonds provenant d’économies à réaliser sur… la présidence de la République, du Sénat, des Ministères de la guerre et de la marine, etc. » 5 .

    Néanmoins, cette position était loin de faire l’unanimité.

    Une intervention publique gênait les militants ouvriers qui l’analysaient « comme une ingérence dans la vie privée et dans la communauté ouvrière, imposée de l’extérieur par un Etat dominateur et adversaire de classe » 6 . Le texte de loi gouvernemental était considéré par certains comme une agression visant à intégrer la classe ouvrière à la société bourgeoise. De nombreux militants de la CGT le percevaient « comme un moyen de briser l’élan insurrectionnel et révolutionnaire, cette violence créatrice censée caractériser une classe ouvrière en lutte ». Ils étaient rejoints par les libertaires qui considéraient que la « loi des traîtres » risquait de provoquer un « avachissement » d’ouvriers devenus dépendants de la manne étatique 7 .

    Ajoutons que les libéraux étaient eux aussi réticents à l’instauration d’une capitalisation collective. Ils redoutaient les conséquences indirectes d’une accumulation de capitaux considérable à la Caisse des dépôts et consignations 8 . Cela conduira les sénateurs à défendre un panachage répartition et capitalisation. À les entendre, ce panachage, réduisant les montants à capitaliser, permettait de limiter les risques politiques et de préserver d’éventuelles perturbations sur le marché des capitaux.

    Au final, ce texte sera un échec.

    La loi est votée le 5 avril 1910 mais dès le 11 décembre 1911, la Cour de cassation annule son caractère obligatoire, au motif qu’un employeur ne peut pas « forcer » un salarié à cotiser. La cotisation devient facultative et ne rencontre pas un fort succès populaire. Il faut dire qu’en cas de survie elle donnait accès à des rentes viagères calculées sur des bases inadaptées. Elles étaient calculées à partir de l’espérance de vie d’anciens rentiers, « têtes de choix » ayant vécu sensiblement plus longtemps que les ouvriers et paysans des années 1910, ce qui réduisait l’espérance de gain de ces derniers 9 Cotiser n’était pas rentable, indépendamment des gains générés par la capitalisation…

    Sur le web

    Un article publié initialement le 21 février 2020.

    1. JAURES, Jean (1909), « Capitalisme et capitalisation », L’Humanité , lundi 27 décembre, p.1 ou JAURES, Jean (1910) « Tous escrocs ! », L’Humanité , 1 er janvier, p.1 .
    2. Voir par exemple BRACKE (1910), « La discussion sur les retraites », L’Humanité ,  dimanche 9 janvier, p1.
    3. TANGER, Albert (1910), « De Limoges à Nîmes », Revue Socialiste Syndicaliste et Coopérative , n°303 mars p. 202.
    4. Art. 7 du programme du Parti ouvrier français. DUMONS B. & POLLET G. (1994 ) L’État et les retraites, genèse d’une politique , Paris : Belin, p. 162.
    5. « La naissance de la CGT. Le Congrès de Limoges, septième congrès national corporatif. 23-28 septembre 1895 », Les cahiers d’histoire sociale , p. 169.
    6. DUMONS & POLLET – 1994, op cit p. 162.
    7. DUMONS & POLLET – 1994, op cit p. 151 & 154.
    8. Lors des débats parlementaires, plusieurs orateurs soulignèrent la « tentation permanente, bien dangereuse en temps de crise pour les pouvoirs publics de piocher dans des caisses si voisines des siennes et pleines d’or quand le Trésor public pourra être vide » cf. LEROLLE, Paul (1910), « séance du 30 mars », JO Chambre des députés , pp. 1783-84 & 1804.
    9. Voir MARQUES, Nicolas (2000), Le monopole de la sécurité sociale face à l’histoire des premières protections sociales, Journal des Économistes et des Etudes Humaines , De Gruyter, vol. 10(2-3), pages 1-30, Juin .
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      Retraites : Français, sortez du cadre !

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 04:15 · 6 minutes

    Dévoilée le 10 janvier dernier à Matignon et présentée en Conseil des ministres le 23 janvier, la nouvelle mouture de la réforme tant attendue de l’ère Macron est le fruit de plusieurs semaines de concertations avec les partenaires sociaux et vise notamment à un recul progressif de l’âge de départ à la retraite à 64 ans à l’horizon 2030 ainsi que la fin des régimes spéciaux visant uniquement les futures embauches.

    Entre misérabilisme sous couvert de justice sociale et impératif d’équilibre financier, aucun camp ne semble vouloir sortir du carcan d’un système de retraite antédiluvien.

    Pourtant, le passage à un système par capitalisation, totalement absent du débat sur les retraites, serait bien plus adapté à la France d’aujourd’hui.

    Le rapport du COR

    Créé en 2000, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) est chargé de mener une prospective de l’évolution du système de retraites.

    En septembre dernier, il publiait son neuvième rapport envisageant différentes trajectoires démographiques, économiques et sociales. Il notait l’absence de déséquilibre, mais une baisse du niveau de vie des retraités français, actuellement deuxièmes d’Europe en termes de niveau de vie derrière le Luxembourg, avec un taux de retraités sous de seuil de pauvreté de 10 % contre 15,6 pour l’ensemble de l’Union européenne.

    Le COR note également une augmentation de la dépendance démographique du système français, c’est-à-dire du ratio entre actifs et retraités. Si aujourd’hui, la pension d’un retraité est financée par 1,7 actif, ce ratio devrait tomber à 1,3 en 2070. En conséquence, plus le temps passe et plus la pression sur les actifs augmente.

    Une situation bien connue qui innerve l’histoire de notre système de retraite.

    La faille mitterrandienne

    Né en 1945, le système de retraite tel que nous le connaissons aujourd’hui se base sur une assurance vieillesse obligatoire pour tout travailleur. Les retraités, dont les premiers n’ont par définition jamais cotisé, voient leurs pensions payées par les cotisations des actifs.

    Dès les années 1960, les différents gouvernements décident d’augmenter le montant des pensions tout en allongeant de concert la durée de cotisation.

    Il faudra attendre 1981 et l’ élection de François Mitterrand pour voir une baisse de l’âge de départ qui passe de 65 à 60 ans, alors même que l’espérance de vie a augmenté de 10 ans pour les hommes et de 18 ans pour les femmes entre 1946 et 1981. Cette réforme accroît la pression sur le système en augmentant ses coûts.

    À partir de 1993, les différents gouvernements tentent de rétablir un semblant d’équilibre comptable et de maintenir à flot un système qui prend l’eau à coups d’allongement des durées de cotisations, de fonds et de taxes diverses.

    Une capitalisation déjà présente

    Pourtant, la possibilité d’un système de retraite par capitalisation n’a pas toujours été vue avec dédain dans notre débat public.

    En 1910, les premières retraites ouvrières et paysannes sont basées sur la capitalisation mais la guerre, la dépréciation monétaire et l’inflation auront raison du système,

    Si un compromis est trouvé en 1930, le régime de Vichy voit d’un mauvais œil la capitalisation, l’estimant trop perméable à l’inflation. La capitalisation suppose que l’État fasse une bonne gestion des deniers publics. Il n’est donc guère étonnant que le système de retraite par capitalisation soit si mal vu par des élus à la gestion fantaisiste de l’argent des autres.

    Depuis 1945, plusieurs mesures ont pourtant favorisé la capitalisation, qu’il s’agisse de la loi Madelin de 1994 pour les travailleurs non-salariés, de la loi Thomas votée durant le gouvernement Juppé et créant des fonds de pension, mais qui ne sera jamais adoptée du fait de la dissolution et de la majorité socialiste élue, ou encore la création de plans d’épargnes individuels ou collectifs sous le gouvernement Fillon.

    Depuis 1945, ce sont plus d’une dizaine de réformes qui ont égayé l’histoire du système français de retraites par répartition, soit une réforme tous les 7 à 8 ans. Une preuve supplémentaire de son inadaptation à l’évolution de la société française.

    Une aversion bien française

    Si le système de retraite par répartition est reconnu pour l’immédiateté de son financement et sa solidarité, il constitue ni plus ni moins qu’ une spoliation institutionnalisée des actifs par un système obligatoire, proche de la pyramide de Ponzi et habillé des oripeaux d’un système assurantiel alors qu’il est, comme le système d’assurance chômage, loin d’en avoir les mécanismes malgré des rapprochements dans les années 1960.

    Mais le défaut principal de la répartition est son inadaptation aux sociétés vieillissantes comme les nôtres.

    Il est pourtant aisé de comprendre l’intérêt de la classe politique pour ce système, plébiscité par deux Français sur trois .

    Or, si la capitalisation est sujette aux risques, elle permet une protection individuelle comme collective donc à risque tempéré. Elle est plus adaptée à l’évolution démographique actuelle et assure de meilleures pensions.

    La retraite par capitalisation est comme une piscine d’eau froide : nous avons déjà un pied dedans. Il ne nous reste plus qu’à sauter. Un grand plongeon fait par plusieurs pays. C’est le cas notamment du Chili et du Canada.

    L’exemple américain

    Né en 1920, le système de retraite par répartition chilien a montré ses faiblesses durant les années 1970 avec son taux de cotisation confiscatoire de 50 % du salaire net entraînant de nombreuses fraudes imposant à l’État de pallier en le subventionnant massivement. La pression sur les actifs était donc énorme.

    Après plusieurs réformes visant à corriger les déficits, un système par capitalisation est instauré à la fin de l’ère Pinochet, avec liberté d’affiliation. Le nouveau système est alors plébiscité. Il faut dire que le taux de cotisations est divisé par quatre par rapport au système précédent et surtout que les pensions correspondent enfin aux cotisations payées, ce qui n’était pas le cas du système précédent et a fortiori d’un système par répartition.

    Si le système a souffert d’une certaine bureaucratie avec des frais de gestion élevés, mais divisés par 9 en 10 ans, et le poids du système précédent sur les finances publiques du fait de l’absence de cotisants, il a su montrer sa capacité de résilience lors de la crise de 2008 et n’a pas été remis en cause depuis, malgré des manifestations en 2019 visant à dénoncer les pensions trop faibles dont les montants dépendent directement de l’effort de cotisations. Or, la plupart des Chiliens optaient pour le taux minimal. Cette contestation était donc le fruit de choix totalement individuels sans liens avec le système en place.

    L’autre exemple nous amène au nord du continent.

    En 1963, le Québec propose un fonds de pension à capitaux investis dans l’économie locale. Le Canada refuse dans un premier temps et décide finalement d’imiter la province francophone.

    Conclusion

    À chaque réforme paramétrique, le cœur du débat se place sur le terrain de la justice sociale.

    Or, on oublie que la première est de ne pas faire peser sur des actifs de moins en moins nombreux le poids de plus en plus lourd d’un système de plus en plus déficitaire.

    Plusieurs pays ont réussi leur transition vers la capitalisation complète. D’autres, plus nombreux, ont opté pour des systèmes mixtes comme le Danemark, loin d’être un enfer social. La clef est simplement de faire évoluer le curseur selon la situation et aujourd’hui, celle-ci exige de pousser celui de la capitalisation.

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      Retraites : cachez ce déficit que je ne saurais voir !

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 19 January, 2023 - 04:30 · 4 minutes

    Il fallait s’y attendre : à gauche, tous les moyens sont bons pour surfer sur l’impopularité de la réforme des retraites . Syndicalistes, politiciens et influenceurs se bousculent dans les médias pour proposer des alternatives plus ou moins loufoques en réponse à une initiative gouvernementale pourtant assez cosmétique.

    Tous ont en commun de passer sous le tapis le problème de déficit abyssal qui est au cœur de la crise de notre régime par répartition et d’imaginer que le matraquage fiscal peut constituer une solution juste, durable et économiquement viable.

    Les retraites des fonctionnaires subventionnées

    Comme l’a souligné Nicolas Marques dans une étude publiée par l’Institut Molinari en septembre 2022, le déficit des retraites, c’est 1,5 % du PIB depuis 2002. Depuis 20 ans, le Conseil d’Orientation des retraites (COR) sous-estime dans ses calculs son poids en passant sous silence les subventions qui permettent d’équilibrer les retraites des fonctionnaires.

    Celles-ci s’élèveraient à 33 milliards par an.

    « De 2002 à 2020, les pensions versées par l’État et les administrations centrales à leurs anciens personnels ont augmenté de 142 % en euros courants, ce qui représente une progression trois fois plus rapide que les autres dépenses (+44 %). Le budget retraite de l’État est passé de 27 milliards d’euros courants en 2002 à 65 milliards d’euros en 2020 (hors collectivité locales et sécurité sociale) », note Nicolas Marques.

    L’État a été particulièrement imprévoyant et n’a pas anticipé l’effondrement démographique qui est le moteur de notre système de retraites par répartition.

    Parmi les solutions préconisées par la gauche, sans surprise, le marteau-pilon de la fiscalité doit s’abattre sur les milliardaires, les plus riches, les entreprises ou encore un secteur privé, qui une fois de plus doit être mis à contribution pour l’imprévoyance de l’État.

    Encore et toujours faire payer les riches

    On retiendra particulièrement les propositions démagos d’Oxfam France , dirigée par Cécile Duflot, l’experte en toutologie à la neutralité idéologique bien connue.

    Il suffirait de taxer les milliardaires -voire de les abolir- à hauteur de 2 % pour financer le déficit des retraites, « prétendument hors de contrôle ». Peu importe si l’étude confond flux (dividendes et rémunérations) et stocks (actions), mélange un peu tout pour dévier l’attention portée à un régime malade sur la haine des riches.

    La solution existe pourtant

    « On a tout essayé » se désolait François Mitterrand pour justifier son incapacité à endiguer le chômage de masse. C’est le même lamento qui s’élève parmi les commentateurs de la presse grand public qui oublient systématiquement les solutions qui s’écartent des dogmes conservateurs du socialisme et de la social-démocratie.

    Pourtant, dès 2019, Contrepoints en collaboration avec l’Institut Molinari proposait des solutions réalistes pour sortir de l’impasse, notamment l’introduction d’un volet capitalisation à notre système actuel.

    On pouvait lire dans ce rapport essentiel pour comprendre les enjeux actuels :

    « La complémentarité d’un niveau de répartition et d’un niveau de capitalisation s’impose dès lors au regard d’un principe bien connu des gérants d’actifs : la diversification. Le « tout répartition » conduit à une forte dépendance à une variable exogène : la croissance économique, et à son corollaire, la masse salariale. Le « tout capitalisation » expose à des fluctuations de la valeur des actifs, liées à la volatilité des marchés financiers. Le mix des deux permet d’actionner des leviers différents selon les phases de cycle, et assure une meilleure stabilité du système global, et sans doute également sa pérennité. »

    Une nouvelle étude publiée en janvier 2023 par l’Institut Sapiens rebondit sur les réflexions de l’Institut Molinari : introduire la capitalisation permettrait de compenser la baisse des pensions de manière indolore pour les contributeurs actuels :

    « La pension moyenne ainsi offerte en surplus à chaque retraité pourrait être de 1310 euros par an en 2042, soit l’équivalent d’un treizième mois par bénéficiaire (venant s’ajouter à la pension minimale prévue par le gouvernement) sans demander un effort supplémentaire aux entreprises, aux cotisants ou aux finances publiques. »

    La classe politique est-elle prête à changer le logiciel socialiste pour le logiciel libéral pour éviter la catastrophe de la non réforme des retraites ?

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      La capitalisation peut sauver nos retraites

      Pascal Salin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:00 · 5 minutes

    Par Pascal Salin.

    La détermination du montant de sa retraite est évidemment fondamentale pour tout individu puisqu’elle conditionne son niveau de vie une fois ses activités productives terminées.

    C’est pourquoi on peut comprendre que le projet de réforme du système des retraites élaboré par le gouvernement français retienne considérablement l’attention de l’opinion publique et suscite même des grèves très importantes . Il serait certes fondamental que les réformes envisagées contribuent à une amélioration du système des retraites et l’on peut en douter à bien des points de vue.

    Mais il existe une caractéristique de ce projet : il a été clairement affirmé, par exemple par Emmanuel Macron , qu’il n’était pas question de renoncer à un système de retraite par répartition. Comme on le sait bien, il existe deux méthodes principales d’élaboration des retraites : la répartition et la capitalisation.

    La capitalisation devrait être préférée pour les raisons que nous allons voir. Mais il n’est peut-être pas inutile d’évoquer tout d’abord un aspect purement formel de cette question.

    Répartir ou capitaliser

    En effet, compte tenu de la pensée dominante en France, le terme même de répartition parait attractif. Il correspond en effet à ce que l’on considère malheureusement en France comme une activité fondamentale de l’État, à savoir la redistribution des revenus .

    Et il est d’ailleurs vrai que la politique de retraite par répartition contribue un peu à la redistribution des revenus, par exemple parce que des privilèges sont accordés aux salariés de la SNCF ou de la RATP ; mais aussi parce que le projet de réforme – pourtant supposé être universel – semble prévoir des inégalités de régime, par exemple des montants minimaux de retraite ou des restrictions des montants de retraite alloués aux cadres.

    Par ailleurs il se peut que le terme de capitalisation suscite des réactions négatives parce qu’il évoque des activités financières – souvent considérées comme critiquables en France – ou même parce qu’il pourrait évoquer le terme de capitalisme , alors que la pensée dominante lui est généralement hostile !

    Une retraite imposée et incertaine

    Dans un système de répartition, on distribue chaque année des montants de retraite qui sont très proches des montants de cotisations prélevés au cours de la même année. Ceci signifie évidemment qu’aucune garantie ne peut être donnée aux cotisants quant au montant des retraites qu’ils pourront recevoir dans le futur.

    L’équilibre entre les recettes et les dépenses dépend de plusieurs facteurs, en particulier la pyramide des âges , l’âge de la retraite, l’espérance de vie (donc la durée des retraites).

    Il en résulte des incertitudes relatives au fonctionnement du système de répartition. Ceci est parfaitement lisible dans le projet de réforme actuel puisqu’il s’agira d’un système de retraite à points et qu’il est bien précisé que le montant de retraite obtenu en fonction des points accumulés par un individu durant sa vie active dépendra de la valeur du point que le gouvernement déterminera chaque année en fonction des exigences d’équilibre financier.

    La capitalisation, une retraite libre et responsable

    La retraite par capitalisation, pour sa part, présente en particulier un avantage fondamental, à savoir qu’elle repose sur la responsabilité personnelle : un individu sait que le montant de sa retraite sera d’autant plus élevé qu’il aura fait davantage d’efforts d’épargne au cours de sa vie active.

    Le montant de sa retraite dépend de lui et non de ce qu’il pourra obtenir des autres. Mais pour que cette responsabilité personnelle soit parfaite il conviendrait aussi qu’il puisse choisir librement l’âge de sa retraite au lieu qu’il soit imposé par les pouvoirs publics. Chacun pourrait alors décider d’épargner et de travailler plus ou moins longtemps.

    Il existe, bien sûr, beaucoup de modalités possibles d’un système de retraite par capitalisation.

    Certes il est concevable qu’ un système public de retraites repose sur la capitalisation . Mais si l’on veut tenir compte de l’extrême diversité des individus, des différences concernant leurs emplois et leurs besoins, il conviendrait, bien sûr, non pas d’imposer un régime universel à tout le monde, comme le prévoit le projet de réforme actuel (qui par ailleurs n’est pas un système de capitalisation), mais bien au contraire de permettre la concurrence entre toutes sortes de systèmes privés.

    Ainsi, dans un système de capitalisation parfaitement libre, un individu peut choisir lui-même les placements de son épargne ou recourir à un fonds d’investissement. Il peut envisager de consommer uniquement les rendements de son capital lors de sa retraite (et donc de léguer le capital qu’il possèdera encore lors de son décès) ou de consommer progressivement tout son capital (en faisant un pari sur la durée de sa retraite).

    Dans un système parfaitement libre – ce qui serait souhaitable – il y aurait nécessairement un grand nombre d’entreprises gestionnaires des retraites et proposant des systèmes différents les uns des autres. On est loin d’une telle situation avec l’actuel projet de réforme.

    Il convient enfin de souligner que l’un des avantages considérables des systèmes de retraite par capitalisation consiste aussi en ce qu’il en résulte un montant d’épargne beaucoup plus élevé. Or, parce qu’elle permet de financer l’investissement, l’épargne est un facteur important de la croissance ; c’est ce que l’on a constaté par exemple au Chili , un des premiers pays à avoir adopté la retraite par capitalisation : il y a eu une augmentation considérable du taux d’épargne et un taux de croissance considérablement plus élevé que dans tous les autres pays d’Amérique latine.

    Article initialement publié en décembre 2019.

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      Retraites : Macron prendra-t-il vraiment le risque de réformer ?

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 04:30 · 15 minutes

    retraites

    Par Jacques Garello.

    Nos gouvernants, et le président lui-même, ont laissé entendre que la réforme des retraites serait remise en chantier cette année. Je suis très sceptique car ce serait à mon sens prendre un risque électoral considérable. Emmanuel Macron serait-il décidé à jouer son deuxième mandat sur ce dossier politiquement explosif ?

    Toute véritable réforme redistribue les acquis et les chances d’un grand nombre de personnes décidées à tout faire contre le changement. En janvier 2020 le gouvernement a prudemment mis fin aux travaux de la Commission Delevoye , qui n’avaient pourtant rien de révolutionnaires, puisque le système de la répartition régissant les retraites depuis 1941 1 n’était pas remis en cause.

    Tout le monde politique et social était d’accord sur ce point : la réforme ne changera pas le système, elle l’adaptera ; elle ne sera pas « systémique », mais seulement « paramétrique ».

    L’attachement à la répartition est historique et sentimental : elle est réputée plus juste et plus solidaire puisque les jeunes paient pour les vieux, les cotisations des actifs financent les pensions des retraités. Mais le système ne trouve pas son compte dans une population vieillissante ; il a fallu attendre le rapport Charpin (1999) pour découvrir une évidence : le système de répartition est mis en danger par le vieillissement de la population .

    Le chiffre de la proportion d’actifs par rapport aux retraités était de 4 pour 1 il y a quarante ans, il est aujourd’hui autour de 1,5 pour 1 et sera à 1 pour 1 dans moins de dix ans. Une immigration massive avec regroupement familial et forte natalité est-elle la solution ? Le remède est parfois plus dangereux que le mal.

    Delevoye : régime unique et retraite par points

    Le mal c’est la stupidité de persévérer dans un système ruineux , qui ne présente aucun avantage pour les Français. Le projet Delevoye était mort-né puisqu’il ne se voulait que paramétrique comme les précédents 2 , et consistait à modifier le dispositif de la répartition : âge de la retraite, durée de cotisation, calcul de la base, indexation des pensions, pénibilité, etc.

    Et très vite il s’est trouvé pris au piège de la retraite par répartition ; l’âge du départ en retraite . J’ai l’habitude de le présenter comme un problème de plomberie : si l’on veut stabiliser le niveau de l’eau dans la baignoire il y a deux possibilités : ouvrir davantage le robinet (augmenter les cotisations) ou freiner l’écoulement de la bonde (diminuer les pensions).

    Le recul de l’âge de la retraite a le double mérite d’amener les assurés à cotiser plus longtemps, et à percevoir leurs droits plus tard. Voilà peut-être le miracle qui permet de compenser le raccourcissement de la vie active (commencée plus tard, et avec un quart des jeunes au chômage) et l’allongement de l’espérance de vie (une bonne chose tout de même).

    Néanmoins le projet Delevoye se voulait innovant et poursuivait aussi deux objectifs majeurs originaux : régime unique et retraite par points.

    Représentaient-ils un progrès ?

    Le régime unique est une réforme jacobine , qui ignore totalement les choix personnels ou professionnels que chacun peut faire pour sa retraite. Certes la disparition de certains régimes spéciaux pouvait supprimer des privilèges tout à fait artificiels, qui bénéficiaient notamment aux salariés du secteur public , fonctionnaires ou personnel des entreprises publiques. Mais elle mettait fin aussi à des régimes mis en place par nombre de professions libérales qui avaient eu l’intelligence d’abandonner la répartition pour gérer leurs retraites à leur façon (les pharmaciens par exemple).

    Par contraste la retraite par points pouvait rendre un certain degré de liberté aux assurés sociaux : les cotisations versées seraient désormais transformées en points, et il serait possible aux cotisants d’abonder un compte personnel en achetant des points. Cette disposition qui a séduit certains de nos amis 3 présente un vice fondamental : quelle sera la valeur du point le jour du départ en retraite ? Pour gérer sa pension il faut en avoir une idée même approximative 4 .

    Pourquoi pas la capitalisation ?

    Proposer une réforme à la fois impopulaire et incohérente, bloquée entre autres par le piège de l’âge de la retraite, ne pouvait aller bien loin – pas plus loin que les précédentes. Le déficit de la répartition continuera à s’aggraver et si la France est mal classée par les experts internationaux c’est que la viabilité du système est très faible : aucun avenir pour la répartition 5 .

    Mais les Français en ont-ils conscience ? La plupart sont persuadés que l’argent versé à l’URSSAF est bloqué sur un compte qui leur rapporte et qu’ils retrouveront le jour heureux de leur retraite. Ils ne savent pas que cet argent a été immédiatement reversé aux retraités du moment.

    Ils ne savent pas davantage que la part patronale payée à l’URSSAF est en réalité prélevée sur leur salaire, ils ignorent ce qu’est le salaire complet , qui est le vrai montant de la valeur qu’ils ont ajoutée par leur travail, valeur payée par l’acheteur du bien et service produit.

    Le mythe du « meilleur système social du monde » est donc dans la plupart des esprits. Mais il faut aussi prendre en compte le poids de l’idéologie . Tout ce qui évoque le capital, le capitalisme, et a plus forte raison le capitalisme financier a mauvaise presse dans notre pays sans éducation économique et formaté à la lutte des classes. On a fait grand bruit autour de faillites célèbres et souvent frauduleuses : Enron, Maxwell, Madoff ont fait perdre des milliards aux retraités. Cela n’a rien à voir avec la capitalisation, c’est un vol, un détournement de fonds, qui relève du droit pénal, et qui a été en général puni.

    La capitalisation est pourtant un calcul élémentaire, que j’ai appris jadis en classe de huitième (CM1 dirons-nous). Si je place 100 euros pendant 16 ans à un taux d’intérêt de 4 % je récupérerais environ le double de ce que j’ai placé. Cela s’appelle « la loi des intérêts composés 6 ». Mais où placer et qui fixe le taux d’intérêt ?

    Où placer ? En général auprès d’un fonds de pension, d’un fonds de placement ou d’une compagnie d’assurance. Il est à noter que les Français qui le peuvent ont pris le chemin de la capitalisation en souscrivant des contrats d’assurance-vie. Ils seraient plus de 16 millions.

    D’autres bénéficient de couvertures qui ne relèvent pas de la seule répartition : les fonctionnaires avec la Préfon , et ceux qui ont des comptes dits d’épargne retraite PEE, PERP, PERC, PERE, PERCO. Mais la grande majorité des ménages français n’a pas les moyens ou le droit de se prémunir contre la faillite de la répartition : ce sont les plus mal lotis, et bien sûr les plus dépourvus. Voilà comment le système par répartition répond au principe de « justice sociale ».

    La vérité est qu’à la différence de presque tous les pays de l’OCDE, la France n’offre pas la possibilité de choisir une retraite par capitalisation. Je ne sais pas faire la part de l’ignorance ou de l’idéologie dans cette exception française.

    La face cachée de la capitalisation

    Je voudrais insister sur un aspect de la capitalisation qui est rarement évoqué, alors qu’il est à mon sens le plus important.

    Qu’est-ce qui autorise fonds de pension, fonds de placement et assureurs à fixer des taux d’intérêt réels capables de valoriser les placements ? C’est simplement que les sommes versées par les futurs retraités sont placées, et investies dans des titres financiers et des entreprises. Les entreprises sont directement ou indirectement sélectionnées pour leurs performances actuelles, mais plus encore pour les perspectives que leur ouvrent des innovations durables et une compétitivité avérée.

    Par comparaison la répartition est un pur gaspillage de l’argent. Les cotisations encaissées par l’URSSAF ou quelque autre collecteur sont immédiatement versées aux pensionnés. L’économie nationale n’aura pas vu la couleur de l’argent autrement que sous forme de dépenses de consommation. Évidemment les keynésiens pensent que seule la dépense crée la croissance, et pour eux peu importent son origine et son financement (y compris l’endettement) mais cette vue n’a jamais conduit qu’à la stagnation ou plus souvent à la récession.

    Par contraste les investissements réalisés par les gestionnaires des pensions capitalisées sont sources de produit marchand, de revenus et d’emplois. Il n’y a ni « distribution de faux droits » (Rueff) ni « mal-investissement » (Hayek), l’argent va où il doit être pour satisfaire au mieux les besoins repérés sur le marché à travers les signaux des prix et profits relatifs.

    C’est dire que le passage à la capitalisation est source de croissance rapide et des performances remarquables ont été réalisées dans nombre de pays ayant introduit la capitalisation, sous forme d’un système unique ou d’un pilier important (facultatif ou obligatoire) d’un système composite 7 . C’est notamment le cas des Pays-Bas , de l’ Australie , de la Nouvelle Zélande, d’Israël, de la Suède et de la Norvège, pays en tête du classement mondial des systèmes de retraite.

    En réalité, à côté de ses performances financières chiffrées il faut comprendre que le passage à la capitalisation est un vrai choix de société. C’est ce qu’avait souligné Gary Becker , prix Nobel d’Économie, venu à Paris en 1996 tenir conférence à mon invitation et à celle de Gérard Maudrux , gestionnaire de la Caisse des Retraites des Médecins. Voici le choix de société lié à la capitalisation :

    « C’est un retour au travail, plus de gens seront actifs et le seront plus longtemps. C’est un retour à l’épargne alors que la répartition dilapide l’argent gagné et la richesse nationale. C’est un retour à la responsabilité personnelle ; la répartition contient tous les germes de la collectivisation et aboutit à faire disparaître toute idée de progrès personnel 8 ».

    Alors, pourquoi retarder depuis des décennies la transition à la capitalisation, partielle ou totale ?

    La transition et ses embûches

    C’est peut-être que la transition est délicate, car le défi majeur est de rassurer ceux qui sont actuellement assurés : ils ne perdront rien des droits qu’ils ont déjà acquis dans le système de répartition auquel ils ont été assujettis.

    Comment relever le défi ?

    José Pinera, économiste chilien formé à Harvard, n’eut pas de véritable difficulté pour gérer la transition de la répartition à la capitalisation dans son pays en 1980 9 : le niveau des pensions par répartition était ridicule, le nombre d’assurés était faible, et il pouvait honorer les droits acquis en utilisant le pactole de la privatisation des mines, des ports et autres bijoux de l’État chilien.

    Malheureusement la France de 2021 n’est pas le Chili de 1980. Le niveau des retraites est élevé (proche de celui de tous nos voisins européens), les droits acquis dans le régime public par répartition représentent globalement la valeur de quatre années de PIB (environ 10 000 milliards d’euros), enfin la vente des bijoux de l’État n’excéderait guère 1000 milliards.

    Je me suis risqué à aborder la gestion de la transition dans un de mes tomes 10 , et j’ai observé les deux méthodes pour honorer les droits acquis : celle de Pinera relevait de la chirurgie, celle de nombreux économistes de Chicago (principalement Sam Pelzman) relevait de la médecine douce. Chirurgie : impraticable dans le contexte français. Médecine douce : il est possible d’étaler sur une longue période le paiement des droits acquis en acceptant de grossir la dette sociale, mais pour quel montant et jusqu’à quand ?

    Chez nous c’était la mission de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) mais elle n’a pu tenir le rythme imposé par les déficits sans cesse croissants. Avec 45 milliards d’euros de déficit en 2020 la dette sociale à rembourser se monte maintenant à 136 milliards et a été étalée jusqu’en 2033… ou plus tard. Il est d’ailleurs de bon ton actuellement de pronostiquer qu’aucune dette ni publique ni sociale ne sera remboursée.

    Pour m’en tenir à une gestion plus rigoureuse mais réaliste j’ai retenu une idée de Pinera : la transition n’a pas la même urgence pour tous les âges de la population, et il faut scinder les assurés en trois classes : trop vieux, très jeunes, et entre les deux. Les retraités actuels et les personnes à moins de 15 ans de la retraite n’ont aucune chance de reconstituer leur capital retraite, ils doivent donc être pris en charge avec les cotisations des jeunes entrant en activité. À l’autre bout de la chaîne les jeunes ont pour obligation légale de cotiser pour les précédents, et à un taux supérieur pour compenser le déficit démographique.

    Cet effort, à poursuivre sur 15 années, est légitimé pour deux raisons : d’une part ils ont le droit de posséder d’ores et déjà un compte en capitalisation, d’autre part ils paient une rançon pour être libérés de la répartition et bénéficier de la capitalisation une fois passées les années de « solidarité intergénérationnelle ».

    Finalement leur retraite leur coûtera moins cher et sera à l’abri de toute faillite. Enfin la génération intermédiaire aura le choix : rester en répartition, avec les risques calculés et annoncés, ou passer en capitalisation puisqu’en quelque 25 ans ils ont le temps de reconstituer un capital retraite plus avantageux.

    Cette solution a l’air bien compliquée et incertaine, mais elle repose sur l’idée du « cycle vital » jadis exprimée par William Baumol : il y a un âge pour dépenser et un âge pour épargner et investir, en fonction de la taille de la famille, de la croissance des revenus, du capital déjà constitué.

    Sans doute un chiffrage plus précis doit-il être fait par des spécialistes du calcul actuariel, je n’en suis pas capable. Mais finalement tout revient à une simple hypothèse : les cotisations pour honorer la dette sociale diminuent avec l’âge, de sorte que des sommes d’épargne retraite sont libérées avec l’âge, permettant de capitaliser. Il faut évidemment insister sur le fait que la liberté retrouvée pour les Français les plus jeunes et la génération immédiatement précédente permet d’accéder à des pensions plus élevées et mieux assurées.

    Il y a urgence : prenons le temps !

    Toute réforme mérite d’être réfléchie si elle veut être réussie. Cette évidence n’a pas été respectée à ce jour, puisque la classe politique et la population n’ont jamais évoqué la seule solution qui s’impose : opérer un changement systémique . Il ne manquait pourtant pas de littérature scientifique et politique sur la question. L’intérêt de la réflexion repose cependant sur quelques préalables.

    Le premier préalable est l’information sincère des Français. Les rapports du COR (Centre d’Orientation des Retraites) ou de la Cour des comptes ont pourtant alerté la nation, mais l’alerte n’a pas intéressé grand monde.

    Le deuxième est la comparaison internationale : elle fait apparaître le retard de la France et détruit le mythe du « meilleur système du monde ».

    Le troisième est de comprendre que ce sont bien les salariés, et pas leurs employeurs, qui sont spoliés par le niveau élevé des cotisations ; payer le salaire complet est une information déterminante.

    Le quatrième est de dépolitiser la réforme, et de l’affranchir du calendrier électoral. C’est sans doute le préalable le plus impérieux dans un pays où tout est politique.

    1. Le système de retraite français a été créé non pas à la Libération (comme on le dit), il n’est pas le résultat de « conquêtes sociales et syndicales » , mais une innovation du régime de Vichy . En 1941, le ministre René Belin, ancien cégétiste, crée l’Allocation aux Vieux Travailleurs Salariés. Il est conservé en 1945 par Parodi et Laroque, inventeurs de la Sécurité sociale.
    2. Parmi les « grandes réformes » celles de Balladur 1993, Fillon 2003, Woerth 2010 et Touraine 2014.
    3. Jacques Bichot et Alain Madelin.
    4. Il est vrai que l’on a toujours le choix entre un système à cotisation définie et un système à prestation définie : dans un cas on sait ce qu’on paye, dans l’autre ce que l’on perçoit. Il y a aussi un choix important : la sortie en capital ou en annuités.
    5. Parmi les classements il y a celui de Mercer, proposé par l’Université de Melbourne. Dans la liste de 20 pays étudiés l’an dernier la France est à la vingtième place essentiellement parce que sa note de  viabilité est la plus basse de l’échantillon. Le niveau des pensions est au contraire à son avantage, mais cela prouve qu’on sert pour l’instant des retraites au-dessus des moyens de les financer… et cela ne saurait durer longtemps.
    6. Cf. Le deuxième tome de la trilogie sur Futur des retraites et retraites du futur, Librairie de l’Université, éd. Aix en Provence, 2009.
    7. On note en général quatre piliers dans un système de retraite composite : filet social public (répartition), complémentaires obligatoires (publiques ou privées), complémentaires facultatives, fonds de pension privés.
    8. Cf. la citation complète dans mon ouvrage
    Comment sauver vos retraites , libréchange, ed. Nice 2014, p.113. Cf son article dans Le Journal des Libertés , printemps 2019, accessible sur le site journaldeslibertes.fr Futur des retraites et retraites du futur, tome III la Transition, op.cit. 2010 Librairie de l’Université, éd. Aix.
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      Retraites par capitalisation : les autres l’ont fait, pourquoi pas nous ?

      Contrepoints · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:45 · 5 minutes

    capitalisation

    Par la rédaction de Contrepoints .

    Il est à la mode d’évoquer la préservation des générations futures, de penser à ce que nous laisserons à nos descendants. Et si ce raisonnement ne s’appliquait pas seulement à la protection de l’environnement ? Si on pensait aussi aux finances de nos enfants, à la charge qui sera la leur lorsqu’ils devront payer nos retraites ?

    Car c’est cela, le régime par répartition : la fameuse solidarité qui unit ceux qui payent et ceux qui comptent sur la génération suivante pour avoir une retraite.

    Est-ce que notre responsabilité n’est pas justement de faire le choix de ne pas dépendre des plus jeunes ? De ne pas faire peser sur eux la charge que nous représenterons ? C’est cela, le régime par capitalisation.

    Le choix de la capitalisation

    Dans l’étude de l’Institut Molinari en partenariat avec Contrepoints , Cécile Philippe écrit :

    « Sauf évolution radicale de l’opinion et des finances publiques, l’enjeu n’est pas de remplacer la répartition par la capitalisation. Il est de faire monter en puissance une dose de capitalisation, pour rééquilibrer notre système de retraite, en l’appuyant sur deux jambes à l’instar de ce qui se fait chez nos voisins. »

    Car  d’autres pays l’ont fait et avec succès.

    « Un grand nombre d’États se sont dotés de mécanismes de capitalisation, au sein des systèmes publics, ou en parallèle de ceux-ci . Un nombre significatif de pays de l’OCDE ont des fonds publics de réserves des retraites, permettant de réduire la dépendance à la répartition et de diversifier les risques (tableau ci-dessous). En France, cette façon de faire a été pratiquée de façon probante par l’AGIRC-ARRCO. »

    Principaux fonds de réserves des retraites publics selon l’OCDE

    Et les fonds de pension privés ?

    La France est frileuse sur ce point. Or des pays comme le Danemark, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume Uni ont des fonds de pension privés qui génèrent de la richesse sans recourir à la fiscalité. Se privant de ce support financier, qui avoisine les 61 milliards d’euros, la France n’a d’autre choix que de compenser par plus d’impôt, plus de charges sociales ou plus de déficit.

    Ainsi qu’en témoigne l’étude de l’Institut Molinari 1 :

    « Le manque-à-gagner lié au sous-développement de l’épargne retraite nous prive de 2,6 points de PIB par an, soit 61 milliards d’euros annuels représentant 19 % des sommes allouées aux retraites.

    Cette somme manque pour préparer ou servir les retraites. Faute d’être générée par des provisions ou réserves manquantes, elle doit être compensée par des charges sociales, des impôts, des déficits ou une dégradation du pouvoir d’achat des retraités. »

    Estimation des conséquences financières du sous-développement des fonds de pension privés français

    capitalisation Source : Actifs et performances d’après l’OCDE (2019), Pensions at Glance, p. 211 et 215. Actif des fonds de pensions privés en 2018 (ou dernière année disponible) et rendement réel moyen sur 10 ans (moyenne géométrique 2009-2018 sauf UK 2008-2017) et calculs IEM (*). Les données sur les actifs et les rendements proviennent de l’OCDE. Les nd signifient non disponible. Le calcul IEM du fruit de l’épargne manquant en France a été fait en partant de l’hypothèse que les rendements des fonds de pensions français sont en ligne avec les moyennes simples ou pondérées de l’OCDE, ce qui donne une fourchette du manque-à-gagner de 1,2 à 2,6 points de PIB par an devant être compensé par des charges et impôts (ou déficits) faute d’être généré par les rendements de l’épargne.

    La capitalisation est un système qui fonctionne bien. Les fonds de pension sont rentables et permettent de servir des retraites sans faire appel aux cotisations sociales. C’est ainsi que l’Australie peut servir de modèle :

    « La réforme australienne s’est appuyée sur des organismes de prévoyance collective existants, notamment sur une multitude de fonds de retraite, traditionnellement choisis par les employeurs à l’issue d’un processus négocié. Les banques ont été autorisées à proposer des comptes épargne retraite. Les gestionnaires de fonds bénéficient d’une importante marge de manœuvre, avec une grande liberté de choix en matière de placements. Selon la dernière évaluation de l’OCDE, les fonds de pensions australiens ont accumulé une richesse équivalente à 141 % du PIB au titre du seul secteur privé. »

    Des réticences injustifiées

    L’argument qui s’oppose le plus fréquemment à une mise en place progressive de la capitalisation est que les cotisants « paieraient deux fois », une fois pour la répartition, une fois pour eux-mêmes.

    « Il est certain que la bascule d’un régime en répartition préexistant en capitalisation est une opération loin d’être anodine. Dans un régime en répartition pure, les cotisations des actifs servent à payer les pensions. Les actifs sont mis à contribution pour payer les prestations de leurs aînés. Si, dans le même temps, on souhaite qu’ils épargnent en vue de leur propre retraite, afin de ne pas dépendre des générations suivantes, on leur ajoute une charge. D’où la facilité conduisant à écarter tout changement au motif qu’« on ne peut pas cotiser deux fois ». »

    Or il ne serait pas nécessaire de doubler les cotisations 2 comme l’explique Nicolas Marques :

    « À prestation égale, la capitalisation permet au futur retraité de cotiser moins qu’en répartition pure puisque les versements produiront des intérêts. »

    « La capitalisation… en soi est parfaitement acceptable et peut même, bien maniée, par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière. Dès lors les socialistes, même ceux qui préféraient la répartition ont été conduits à accepter la capitalisation comme cadre. Ils ne se sont pas obstinés dans un effort stérile pour imposer un autre procédé. Mais ils ont lutté vigoureusement pour obtenir, dans le cadre qui s’imposait à eux, le plus de garanties possibles et de résultats pour les ouvriers » (Jean JAURES, Tous escrocs !, Humanité du samedi 1er janvier 1910, page une.)

    1. page 45.
    2. Page 40.