• Co chevron_right

      Rishi Sunak à l’Élysée pour sauver les accords de Lancaster House

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 March, 2023 - 03:30 · 10 minutes

    Par Martin Everard.
    Un article de Conflits

    Le Royaume-Uni et la France semblent être des pays jumeaux par leur proximité, leur poids géopolitique, leurs défis. Si on pouvait donc aisément extrapoler un partenariat stratégique, un fait acté avec les accords de Lancaster House en 2010, on peut cependant voir que la relation de défense bilatérale bat de l’aile. Est-ce que la venue du Premier ministre britannique le 10 mars à l’Élysée réussira à clore cette séquence d’incompréhension mutuelle ?

    Si la coopération franco-britannique connut son acmé lors des deux guerres mondiales, elle continua cependant à se densifier avec le temps. Après 1945, Londres et Paris s’aperçurent vite que leurs pays détruits et surclassés par les nouvelles puissances mondiales allaient avoir besoin l’un de l’autre afin de garantir la stabilité en Europe de l’Ouest. Ce fut l’objectif du traité de Dunkerque , signé en 1947, au travers duquel les deux rives de la Manche se promirent une assistance mutuelle en cas de guerre. Les accords de Lancaster House se veulent d’ailleurs être une réactualisation de ce traité. Toutefois, on remarque une divergence stratégique dès le début de la guerre froide, lorsque les Anglais remettent leur sécurité entre les mains des Américains, ne voyant donc plus la paix en Europe qu’à travers ce prisme. Les Français cherchent eux à retrouver leur place de puissance dans le monde par la politique de la « troisième voie ».

    Des évidences de la coopération franco-britannique à la série de désaccords qui éloigna les deux rives

    Il convient donc de remettre les accords de Lancaster House dans leur contexte : ils ne furent signés par David Cameron et Nicolas Sarkozy qu’un an après le retour de la France dans l’OTAN, en 2009. La malheureuse séquence AUKUS est, quant à elle, précédée des tensions post-Brexit, durant lesquelles Paris fut probablement la partie négociatrice la plus tenace du côté de l’Union européenne. Des tensions qui encouragèrent peut-être le Royaume-Uni à afficher plus encore sa proximité stratégique avec le grand frère américain et à s’aligner pleinement avec sa priorité, l’Indopacifique.

    Les accords de Lancaster House furent donc suspendus dans les faits, avec un ralentissement de la coopération institutionnelle entre les deux pays qui, pourtant, ont sans doute plus que jamais des besoins opérationnels communs. Les deux pays font en effet face au retour de la guerre de haute intensité et à la volonté assumée par certains États d’avoir recours à la force, ce qui implique une remontée en puissance de leurs armées. La venue de M. Sunak à Paris est donc attendue, étant la première rencontre bilatérale entre chefs d’État franco-anglais depuis 2018. Et ce alors que le président de la République Emmanuel Macron ne rencontra pas moins de six fois les chanceliers allemands successifs au cours de cette période. Un signe clair des priorités qui ont été accordées ces dernières années.

    Des accords de Lancaster House plus nécessaires que jamais

    Si la visite de M. Sunak ne concerne pas uniquement le domaine de la défense, elle représente cependant une occasion d’enfin remettre la coopération franco-britannique sur le devant de la scène. La situation géopolitique européenne et mondiale s’est en effet radicalement complexifiée, la guerre en Ukraine et les tensions toujours plus fortes en mer de Chine n’en sont d’ailleurs pas les seuls aiguillons. L’Allemagne pourrait, une fois encore, être à l’origine du rapprochement entre Paris et Londres. Alors que les économies anglaises et françaises sont sorties affaiblies de la pandémie, surendettées avec des balances commerciales plus négatives que jamais, on voit une dynamique différente outre-Rhin.

    Depuis le Brexit, l’Allemagne s’est affirmée comme le cœur économique de l’Union européenne et cherche maintenant à se révéler comme une puissance diplomatique et militaire, statut dont ne pouvaient alors se prévaloir que la France et le Royaume-Uni en Europe. Outre le fond spécial de 100 milliards d’euros pour l’armée allemande, c’est surtout une volonté sous-jacente qui inquiète : celle d’un leadership décomplexé de Berlin, une des rares capitales du Vieux-Continent, il est vrai, à aborder les défis du XXI e siècle à l’aide de moyens financiers conséquents. Un phénomène dont on peut voir les premiers signes, Olaf Scholz ayant pris la tête du projet de bouclier antimissile européen.

    Derrière la volonté de Londres de sortir de son isolement européen post-Brexit pourrait donc se trouver la recherche d’un équilibre des puissances, théorie de David Hume si chère aux Anglais. La France se trouve en effet dans une situation difficile en Europe, avec son partenaire stratégique allemand qui rechigne à respecter ses engagements de coopération industrielle tout en regardant vers la Chine pour son économie et vers les États-Unis pour sa défense .

    Les résultats de la coopération franco-anglaise

    Se rapprocher de l’Angleterre permettrait donc à la France de rééquilibrer sa relation avec l’Allemagne, en montrant que d’autres partenaires existent. Le programme SCAF et son avion de chasse, le NGF, sont par exemple souvent décrits comme en danger, parfois de l’aveu même de la DGA, qui parle d’un combat de chaque instant lors de ses réunions avec les industriels allemands. Les programmes industriels issus des accords franco-anglais de 2010 voient eux une application plus concrète, malgré le Brexit. On peut citer en exemple le missile anti-navire ANL – Sea Venom , entré en service en 2021, et la création du centre d’expérimentation nucléaire de Valduc.

    Les accords de Lancaster House proposaient également la création d’une force expéditionnaire interarmées combinée de 10 000 hommes. Originellement prévue pour 2016, son entrée en service ne fut annoncée qu’en 2020 et souffre concrètement d’un certain silence à son propos. Cette force comporte toutefois un certain nombre d’avantages : les armées anglaises et françaises ont le même historique de projection de forces, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. En outre, comme le fait remarquer Michael Shurkin, de l’ Atlantic Council, dans un podcast de l’IRSEM : la France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays européens avec non seulement des armées capables, mais surtout avec la volonté politique de les utiliser.

    La force expéditionnaire interarmées combinée peut être notamment intéressante dans le cadre de dissensions ou de conflits entre deux pays membres de l’OTAN, comme lors d’une escalade des tensions entre la Grèce et la Turquie, par exemple. Ceci doit cependant être modéré lorsque l’on constate l’attachement anglais à la notion américaine de sécurité partagée.

    On remarque également que le Royaume-Uni est le seul autre pays européen – avec la France – à être doté de porte-avions lourds, de sous-marins nucléaires, de l’arme atomique et de ses vecteurs. À ce propos, les accords de Lancaster House comportent un traité indépendant portant sur la coopération nucléaire entre les deux pays. Le programme TEUTATES a ainsi permis de mutualiser les coûts de création du centre de tests nucléaires de Valduc. En effet, avec l’arrêt des essais, il est indispensable de pouvoir simuler la détonation des cœurs nucléaires pour s’assurer de leurs bons fonctionnements.

    Toutefois, d’après un rapport conjoint du CEA et du UK MOD pour les 10 ans du programme TEUTATES, « la mise en œuvre des objets et les résultats expérimentaux ne sont pas partagés, ce qui permet à chaque nation de conserver sa souveraineté dans le domaine de la dissuasion ». Le fait est que, via le programme TEUTATES, les deux parties s’engagent à lier pour 50 ans leurs dissuasions nucléaires au-delà des logiques partisanes et des proximités politiques fluctuantes. L’application partielle des accords de Lancaster House montre bien que la relation franco-britannique peut être uniquement pragmatique et non pas politique, les deux pays ayant les mêmes besoins.

    Indopacifique, une possible mutualisation des forces ?

    Une réactivation des accords de Lancaster House pourrait également être profitable à la présence européenne dans l’Indopacifique. Anciennes puissances coloniales majeures, le Royaume-Uni et la France sont ainsi les seuls pays européens présents physiquement dans la zone, avec de nombreuses îles françaises et les îlots britanniques de Pitcairn et de Diego Garcia, ce dernier étant occupé par une base militaire américaine. Cependant, les espaces maritimes de la région sont si vastes que les métropoles peinent à en assurer une protection cohérente et dissuasive, d’autant plus que le traité de l’Atlantique nord, à l’origine de l’OTAN, exclut ces territoires de l’article 5. Londres et Paris cherchent donc à renforcer leur présence dans la région, qui n’est pour le moment qu’épisodique avec de rares visites d’un ou deux bâtiments de guerre majeurs. En effet, si la France compte plus de 8000 soldats déployés dans la région, ceux-ci n’ont ni avions de chasse ni frégates de premier plan à leur disposition.

    Les deux pays auraient donc tout à gagner à effectuer des missions ensemble en mutualisant leurs moyens, ceci afin de renforcer les effectifs des forces européennes dans la région. Par exemple, l’état-major français cherche à pouvoir déployer 20 Rafales dans l’Indopacifique en seulement 48 heures en 2023. Si cette force est conséquente, elle reste toutefois relativement faible par rapport aux forces aériennes locales : un seul porte-avions chinois de dernière génération arrive à embarquer deux fois plus d’aéronefs.

    Créer un dispositif conjoint de projection de forces avec la Royal Air Force permettrait donc d’accroître les effectifs pouvant être déployés dans le Pacifique, le tout sans dangereusement réduire la protection aérienne de la métropole. En outre, avec trois porte-avions, la France et le Royaume-Uni pourraient être la base d’un groupe aéronaval européen permanent dans l’Indopacifique et fournir un cadre pour le déploiement de navires du Vieux Continent dans la zone.

    Qu’attendre de la visite de Rishi Sunak à l’Élysée ?

    La coopération franco-britannique structurée autour des accords de Lancaster House est aussi prometteuse que nécessaire, mais elle voit de nombreux obstacles l’empêcher d’atteindre son plein potentiel. En effet, suite à la mise en perspective de l’ordre mondial post-guerre froide par le covid, la guerre en Ukraine et la fin progressive de la mondialisation heureuse, Paris et Londres ont choisi des stratégies différentes. Le Royaume-Uni semble ainsi s’ancrer pleinement dans son partenariat stratégique avec les États-Unis, tout en essayant de se rapprocher d’autres pays que les membres de l’UE à travers le plan « Global Britain ». La France, de son côté, cherche à renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne pour lui permettre de s’adapter au monde qui vient, ce qui exclut de facto le Royaume-Uni.

    Entre ces deux approches existe cependant une zone grise, qui ne sera exploitée qu’avec une forte volonté politique. Celle-ci pourrait d’ailleurs émerger des situations internes des deux pays. En effet, un accord de coopération ravivé permettrait à Rishi Sunak de détourner l’attention de la forte tension sociale au Royaume-Uni, secoué par une récession économique et par l’enchaînement de scandales dans lequel le parti conservateur est empêtré. Un rapprochement militaire et industriel avec la France entre également dans le cadre de la politique étrangère anglaise, avec un accord bilatéral n’impliquant par l’Union européenne.

    Côté français, le retour dans la lumière des accords de Lancaster House permettrait à Emmanuel Macron d’occuper l’espace médiatique autrement qu’avec la réforme des retraites. En outre, la France est critiquée par ses partenaires de l’UE et de l’OTAN pour son engagement auprès de l’Ukraine, qualifié de relativement faible. S’engager plus en avant avec le Royaume-Uni montrerait que l’Hexagone est une puissance de premier plan au sein de l’Alliance et qui entend le rester. Enfin, le violent retour de la guerre oblige les deux puissances à transformer leurs armées, souffrant de 20 ans de guerres asymétriques, pour continuer à être vues comme des partenaires fiables. S’il est donc difficile de prévoir ce qu’il adviendra des accords de Lancaster House à l’issue de la venue de Rishi Sunak, il apparaît cependant que les deux parties cherchent enfin à clore la période de tensions héritée du Brexit, par pragmatisme.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Le Brexit est une défaite pour les collectivistes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 25 January, 2023 - 03:30 · 9 minutes

    Pourquoi Sadiq Khan, maire progressiste de Londres est-il anti-Brexit ? Parce qu’il aspire à la destruction des nations comme tous les wokistes. Le Brexit n’est pas à blâmer pour les problèmes du Royaume-Uni ; c’est plutôt une bonne opportunité pour les résoudre. Il reste à voir si l’occasion du Brexit sera saisie ou bradée, mais les prévisions désastreuses ne se sont pas concrétisées, nous dit Larry Elliott, éditorialiste au Guardian spécialiste des questions économiques, répondant par avance au maire de Londres .

    Le maire progressiste anti-Brexit de Londres, Sadiq Khan , a parlé la semaine dernière des dégâts immenses du Brexit.

    Il a appelé à un débat « pragmatique » sur la réintégration du marché unique de l’Union Européenne (UE) et son régime de libre circulation des migrants. Pourquoi ? Parce que le maire de gauche de Londres est un globaliste comme tous les wokistes . Ces gens de gauche sont des globalistes et non des mondialistes . J’insiste parce que certains médias conservateurs ont du mal à comprendre la différence. La mondialisation qui est l’extension du libre-échange n’est pas une mauvaise chose en soi, le libre-échange n’a jamais détruit les nations, bien au contraire. En revanche la globalisation est un grand danger pour le monde. Le pouvoir économique centralisé régentant de gigantesques zones, voire à terme une seule : la planète, est une menace politique porteuse d’un soft totalitarisme qui nous offre neuf probabilités sur dix d’aller dans le mur.

    Le maire de gauche de Londres n’est pas un mondialiste mais un globaliste constructiviste qui veut détruire les nations par le wokisme ; or nos nations européennes et occidentales, le patchwork culturel européen qui a fait la civilisation occidentale est la condition de la continuation, du développement et de l’amélioration – mais d’une main tremblante – de notre civilisation.

    Sadiq Khan a fait beaucoup plus de tort à Londres que le Brexit. Le refus du maire de Londres de tourner la page du Brexit masque ses propres échecs, titrait The Telegraph .

    Les Anglais n’ont pas fait le Brexit pour se recroqueviller sur eux-mêmes ce que les Européens, et particulièrement les Français, semblent parfois attendre du régime de Bruxelles, mais pour s’affranchir des règlements et des taxes, se protéger d’une immigration non contrôlée et prendre le grand large, ce qu’ils appellent le Global Britain , dans la grande tradition des Smith, Ricardo et Cobden.

    Khan monte au créneau parce que de nombreuses personnalités au sein même du Parti travailliste ont abandonné toute aspiration à renverser le Brexit — officiellement du moins — avec le chef de l’opposition sir Keir Starmer affirmant qu’il « fera fonctionner le Brexit » si le parti prenait le pouvoir.

    Il affirme :

    « Les ministres semblent avoir développé une amnésie sélective lorsqu’il s’agit de l’une des causes profondes de nos problèmes ».

    Il poursuit :

    « Le Brexit et ses conséquences ne peuvent être balayés de l’histoire. Nous avons besoin d’un meilleur alignement avec nos voisins européens – un passage de ce Brexit extrême et dur que nous avons maintenant à une version pratique qui sert notre économie et notre population. »

    Et ajoute :

    « Cela inclut un débat pragmatique sur les avantages de faire partie de l’Union douanière et du marché unique »

    De son côté l’Institut Tony Blair n’a-t-il pas appelé le nouveau gouvernement britannique à résoudre les problèmes avec l’Union européenne en copiant simplement la loi européenne dans la loi britannique, rendant le Brexit inutile ?

    Un cas classique de biais de confirmation

    « Plus question d’impact de la pandémie la plus grave en un siècle, ni de ce que l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a fait aux prix de l’énergie. Le Brexit est « the gorilla in the room ». On ne voit que lui. »

    Larry Elliott pense qu’il s’agit d’un cas classique de biais de confirmation, où quelqu’un part d’un point de vue préconçu et trouve ensuite des preuves pour étayer son argument. Comme dans : j’ai toujours dit que le Brexit serait un désastre ; l’économie est dans une mauvaise voie ; c’est bien la preuve que le Brexit est à blâmer.

    Le Royaume-Uni a un déficit commercial chronique et un piètre bilan en matière d’investissement mais ils sont antérieurs au vote sur le Brexit en 2016.

    En revanche des mesures, telles celles proposées par l’Institut Blair ou le maire de Londres, permettraient à l’UE de reprendre le contrôle de la politique commerciale internationale de la Grande-Bretagne, de ses tarifs, de son régime réglementaire et dans une large mesure de ses contrôles aux frontières. Ben voyons !

    Par exemple, alors que la dernière année pour la Grande-Bretagne a été loin d’être une sinécure économique, elle a également vu l’Union européenne échouer, en partie sous le poids de son propre agenda vert antinucléaire et de son soi-disant marché européen de libéralisation de l’énergie qui n’est ni un marché, ni libéral, qui est un des arrangements les plus constructiviste qui soit, fruit d’un « techno-lubiralisme » pour reprendre le néologisme d’un éditorialiste de CNews, ce qui a contribué à la crise énergétique actuelle qui afflige l’UE.

    La Grande-Bretagne n’est pas le seul pays aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre. Le gouvernement allemand a déclaré plus tôt début 2022 qu’il réduisait les formalités administratives pour faciliter le recrutement de travailleurs en Turquie, et son grand syndicat du secteur industriel, IG Metall, a demandé une augmentation de 8 %. La France a signalé 300 000 postes vacants dans son hôtellerie, avec un tableau similaire en Espagne. Selon l’Office des statistiques nationales, 2 389 000 personnes nées dans d’autres pays de l’UE travaillaient au Royaume-Uni. Ce chiffre est légèrement en baisse par rapport au sommet de 2 508 000 atteint début 2020, mais il n’y a pas eu d’exode massif de travailleurs européens depuis le Royaume-Uni après le Brexit.

    Le taux d’inflation annuel de la zone euro des 19 pays est actuellement de 10,7 %, soit plus que le taux de 10,1 % du Royaume-Uni. L’inflation américaine a culminé à un peu plus de 9 % en été.

    Toutes sortes de prédictions désastreuses ont été faites pour l’économie britannique au moment du vote sur le Brexit : les prix des maisons chuteraient, le chômage augmenterait de 500 000 et l’économie sombrerait dans une récession immédiate. Rien de tout cela ne s’est produit . L’économie a juste ralenti.

    La croissance cumulée du Royaume-Uni a été légèrement supérieure à celle de l’Allemagne depuis 2016 ; malgré les lourdeurs administratives supplémentaires auxquelles sont confrontées les petites entreprises – les échanges avec l’UE e sont redressés et la Grande-Bretagne continue d’attirer plus d’investissements étrangers directs.

    Bien sûr, on pourrait soutenir que le Royaume-Uni aurait encore plus d’investissements et des exportations encore plus élevées si une décision différente avait été prise le 23 juin 2016. Au fil des ans, l’argument du camp anti-Brexit a changé. Alors qu’il était autrefois « le Brexit va faire chuter l’économie », il est maintenant « l’économie serait plus performante sans le Brexit ».

    The Briefings for Brexit paper (un document exhaustif qui mérite d’être lu quel que soit le côté de l’argument sur lequel vous vous appuyez) indique que ces analyses contrefactuelles sont erronées. « Une lecture attentive des données probantes montre que, bien qu’il y ait peu de preuves que le Brexit contribue beaucoup à l’économie du Royaume-Uni, rien ne prouve qu’il lui ait fait tort ».

    Si les effets du Brexit ont tendance à être exagérés, poursuit Larry Elliott, l’impact de la pandémie et des confinements qui l’ont accompagnée a eu tendance à être minimisé, peut-être parce que les opposants les plus fervents au Brexit voulaient aussi des confinements plus longs et plus rigoureux.

    Ces difficultés ont même vu certaines des figures les plus anti-Brexit du Royaume-Uni abandonner toute idée de rejoindre l’UE ou son marché unique dont le chef du Parti travailliste sir Keir Starmer. « Le commerce a diminué parce que l’accord que nous avons obtenu n’est pas un très bon accord », a-t-il affirmé, critiquant les arrangements mis en place par le gouvernement conservateur. « Je pense que nous pourrions passer de la réalisation du Brexit, qui est tout ce que nous avons réussi à faire en ce moment, à la mise en œuvre du Brexit », a poursuivi sir Keir.

    Le plus difficile pour les entreprises, c’est l’incertitude

    « Mais est-ce que je pense que retourner à des années de querelles, des années d’incertitude va aider notre économie ? Non, je ne pense pas. J’ai passé de nombreuses années après 2016 à parler à des entreprises qui m’ont répété à maintes reprises que ce qui est le plus difficile pour elles, c’est toute l’incertitude. » « Cela nous a vraiment retardés pendant de nombreuses années, et je ne veux pas y revenir », a ajouté Starmer.

    Lors de son premier appel téléphonique au nouveau Premier ministre britannique Rishi Sunak , le président américain Joe Biden, globaliste constructiviste et wokiste dans la lignée de Barack Obama, semble avoir une fois de plus poussé le Royaume-Uni à laisser tomber le Brexit.

    Mais faut-il rappeler que le nouveau Premier ministre britannique Rishi Sunak a toujours été favorable au Brexit, a voté pour le Leave en 2016 et a toujours appuyé le Brexit en tant que parlementaire ?

    Pourquoi les globalistes ne baissent-ils pas les bras et pourquoi ils n’abandonneront jamais ? Parce que le Brexit est pour eux une grande défaite et que la Grande-Bretagne n’est pas une petite nation.

    Deux idéaux-types s’opposent dans le champ politique qui structure la vie politique occidentale. D’un côté les puissances globalistes, constructivistes et les acteurs du wokisme , ils ne se réunissent jamais, ni ne se contactent, ils forment juste une grande concaténation planétaire ; et de l’autre côté, les nations libres, dans l’idéal le vrai libéralisme au sens de Hayek (même si certaines nations souverainistes peuvent verser dans l’étatisme) et l’identité nationale qui est à la fois enracinement et universalisme.

    C’est un conflit titanesque. C’est David contre Goliath. Ce combat nécessite de la bravoure, qualité dont n’a pas manqué Boris Johnson , l’homme qui a fait le Brexit. Ce combat continue.

    Dernier ouvrage de Thierry Martin paru sur les trois années qui firent le Brexit :

    BoJo, un punk au 10 Downing Street Global Britain, Boris Johnson, le Brexit et l’après. Chroniques anglaises chez Amazon.fr

    • Co chevron_right

      Pourquoi le Premier ministre britannique consulte un médecin privé

      Reason · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 18 January, 2023 - 03:30 · 4 minutes

    Par Elise Amez-Droz.

    Après des semaines de spéculation, les Britanniques ont découvert la honteuse vérité : le Premier ministre Rishi Sunak a effectivement eu recours à des soins de santé privés dans le passé. Le chef conservateur du Royaume-Uni s’est empressé d’ajouter qu’il a toujours été inscrit auprès d’un médecin généraliste du National Health Service (NHS) et que sa famille a reçu des « soins fantastiques » dans un hôpital NHS de sa circonscription mais cela n’empêche pas les Britanniques de le prendre pour un hypocrite.

    Pour les observateurs américains, l’histoire est une véritable farce. Le député britannique a donc reçu des soins d’une entreprise privée – où est le problème ? Les politiciens américains vont tout le temps chez des prestataires privés. Mais au Royaume-Uni, les gens préfèrent que tout le monde ait un accès égal à de mauvais soins plutôt que de risquer que certains obtiennent de meilleurs soins parce qu’ils en ont les moyens.

    L’indignation des Britanniques est justifiée. Sunak est un ardent défenseur du NHS, ayant religieusement encouragé l’institution pendant que le Covid-19 frappait son pays. Pourtant, en cas de crise, le Premier ministre ne peut pas confier sa santé au système. Il a beau défendre le NHS du bout des lèvres, sa préférence personnelle va aux soins de santé privés – et pour cause.

    Ces dernières semaines, le NHS a atteint un point de rupture et c’est dans ce contexte que l’accès de M. Sunak aux soins privés est devenu un sujet de controverse. Les millions de Britanniques qui ne peuvent pas s’offrir les soins de luxe que leur député a reçus sont à une urgence de santé près et vivent un cauchemar.

    Depuis plusieurs semaines, les infirmières et le personnel ambulancier sont en grève dans tout le Royaume-Uni pour protester contre les conditions désastreuses en matière de personnel et de rémunération et les patients paient un prix élevé pour ce bouleversement. Les gens attendent pendant des heures l’arrivée d’une ambulance. Une fois arrivés à l’hôpital, ils doivent attendre à nouveau, parfois pendant des jours , avant d’être admis aux urgences.

    Si la gravité de la crise dans laquelle se trouve le NHS aujourd’hui ne peut être exagérée, celui-ci montrait des signes alarmants bien avant la pandémie . Le covid a brisé le système, les employés ont démissionné en masse et ceux qui sont restés ont subi un stress immense . Les temps d’attente ont explosé pendant la pandémie à tel point que plus d’un Britannique sur huit est actuellement sur une liste d’attente pour des soins médicaux.

    L’objectif de la réforme en cours de Sunak en dit long : aucun Britannique ne doit attendre plus d ‘un an pour être traité par le NHS . Un an ! Pour les Américains, c’est une durée d’attente inconcevable pour des soins médicaux. Pourtant, dans les pays dotés de systèmes à payeur unique, les patients se sont de plus en plus habitués à des temps d’attente extrêmes.

    Une analyse publiée en octobre 2022 indique que 230 patients cardiaques du NHS sont morts chaque semaine en attendant des soins urgents pendant la pandémie. En effet, en août 2022, le temps d’attente moyen pour une ambulance au Royaume-Uni était de près d’une heure .

    Ce problème n’est pas propre au Royaume-Uni ; il se pose également au nord de la frontière américaine. Le Canada, qui dispose d’un système de soins de santé financé par l’impôt similaire à celui du Royaume-Uni, est en lice pour être le pire des pays développés en matière de rapidité des soins médicaux.

    Ce n’est qu’occasionnellement que des histoires de temps d’attente mortels font les gros titres, comme dans le cas de ce Canadien dont la femme de 37 ans , mère de trois enfants, est morte ce mois-ci en attendant aux urgences. Il n’est donc pas étonnant que le Canada se soit résolu à proposer le suicide médicalement assisté comme alternative financée par l’État : cette politique macabre a le mérite morbide de donner aux Canadiens la maîtrise de leur destin.

    Avant de se moquer de la situation sinistre dans laquelle se trouvent nos voisins adeptes de la médecine socialisée, l’Amérique ferait bien de se pencher sur ses propres lacunes.

    Aux États-Unis, les politiciens aiment aussi vanter les mérites de programmes qu’ils évitent eux-mêmes, tels que Medicaid, le principal payeur de soins pour les personnes à faible revenu du pays. Les élites accordent allègrement la couverture Medicaid à la classe ouvrière mais elles préfèrent quitter leur poste plutôt que de passer un jour dans ce programme d’aide sociale. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour que les gens continuent à en bénéficier , même si le programme ne répond pas aux attentes des bénéficiaires et les enferme dans la pauvreté.

    Au moins aux États-Unis, personne ne sourcille lorsque les gens cherchent à obtenir les meilleurs soins possibles. Mais au Royaume-Uni, où c’est le NHS ou la route, les politiciens sont méprisés pour leur bon sens. Tenons compte des leçons que d’autres pays apprennent à leurs dépens et préservons le peu de liberté dont nous jouissons encore en matière de soins de santé.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Royaume-Uni : où est l’héritage de Margaret Thatcher ?

      Pieter Cleppe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 04:30 · 8 minutes

    Après le bref passage de Liz Truss au poste de Premier ministre britannique, le Parti conservateur britannique continue de lutter, accusant un retard de 15 points de pourcentage sur l’opposition travailliste dans les sondages d’opinion. Il est intéressant de noter que Boris Johnson et Liz Truss ont lancé un défi à l’autorité du nouveau Premier ministre Rishi Sunak en rejoignant une rébellion conservatrice soutenant les parcs éoliens pour faire face à la crise énergétique.

    Le journaliste britannique de GB News, Tom Harwood, a déploré la diminution du soutien à l’économie de marché au sein de la direction du parti Tory, après la prise de pouvoir de Rishi Sunak.

    Il note :

    « Truss allait réduire les impôts, Rishi les a augmentés. Elle a légalisé l’éolien terrestre et l’extraction de schiste, Rishi l’a interdit. Elle avait prévu de donner un coup de fouet à la construction de logements dans les zones d’investissement, Rishi l’a supprimé. Elle avait des plans pour accélérer les transports, l’énergie, les infrastructures de communication, Rishi les a abandonnés. »

    Les choses semblent également bouger sur le front du Brexit. Selon le Sunday Times , des ministres britanniques de premier plan se seraient préparés à proposer une relation sur le modèle suisse entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Des conservateurs de haut rang, dont Rishi Sunak, l’ont nié mais il est clair que quelque chose se prépare.

    La semaine dernière encore, le chancelier britannique Jeremy Hunt a déclaré qu’il chercherait à « supprimer la grande majorité des barrières commerciales qui existent entre nous et l’UE ». Un éditorial du Financial Times affirme :

    « La Grande-Bretagne doit améliorer son accord de Brexit. De larges pans de l’industrie veulent plus d’alignement avec l’Union Européenne (UE), pas moins. »

    Concurrence réglementaire

    La relation de type suisse que préparerait le gouvernement britannique impliquerait la suppression de 80 % des contrôles entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et l’ouverture de l’accès au marché unique en échange d’un alignement du Royaume-Uni sur un certain nombre de réglementations européennes et d’un abondement au budget de l’UE, sans toutefois inclure la liberté de circulation. Si l’UE acceptait cette proposition, cela conduirait à une plus grande ouverture des marchés de l’UE et du Royaume-Uni, mais pour la Grande-Bretagne cela signifierait un recul en termes de souveraineté car elle deviendrait un décideur partiel.

    Plus important encore pour l’Europe, cela signifierait moins de concurrence réglementaire. Une meilleure alternative pour parvenir à un commerce accru entre l’UE et le Royaume-Uni serait donc que les deux parties reconnaissent les réglementations de l’autre comme étant de qualité suffisante. Après tout, la plupart des réglementations britanniques sont toujours les mêmes que celles de l’UE et le commerce est finalement une question de confiance.

    La concurrence réglementaire est essentielle pour promouvoir l’innovation, en particulier lorsqu’il s’agit d’organiser de nouveaux secteurs économiques comme le secteur numérique. Elle permet aux juridictions d’apprendre les unes des autres sur la manière de faire face aux nouveaux phénomènes. Par exemple, le Royaume-Uni pourrait à un moment donné ne plus accepter des réglementations comme le RGPD, qui témoignent de la réglementation lourde et hostile à l’innovation du secteur numérique par l’UE.

    Selon l’eurodéputé allemand CDU Axel Voss « l’obsession de l’Europe pour la protection des données fait obstacle à l’innovation numérique. »

    Si le Royaume-Uni récoltait alors les avantages de ne plus suivre l’approche de l’UE, l’industrie européenne et même les régulateurs de l’UE pourraient également être contraints de repenser leur approche.

    Un Royaume-Uni qui diverge

    Dès à présent, il existe des domaines dans lesquels on peut voir le Royaume-Uni opter pour une approche différente de celle adoptée par l’UE.

    C’est le cas, par exemple, de la proposition de directive de la Commission européenne sur la « diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises », qui exigerait de certaines d’entre elles qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable dans l’ensemble de leurs chaînes de valeur, ce qui les rendrait responsables de tout ce qui peut mal tourner, notamment en termes de durabilité et de droits de l’Homme. S’il est logique d’exiger l’élimination du travail forcé des chaînes d’approvisionnement, les entreprises ne devraient pas devenir des superviseurs chargés d’imposer aux partenaires commerciaux les choix politiques de l’UE en matière de travail et d’environnement.

    Les entreprises qui importent des produits comme le soja, l’huile de palme et le café seraient gravement touchées si ce règlement était adopté, d’autant plus qu’il viendrait s’ajouter à d’autres initiatives protectionnistes de l’UE, comme le nouveau règlement visant à introduire une diligence raisonnable obligatoire pour mettre fin à la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement.

    Ce règlement exige des entreprises qu’elles vérifient que les biens vendus dans l’UE n’ont pas été produits sur des terres déboisées ou dégradées où que ce soit dans le monde, mais il frappe en réalité de manière disproportionnée le secteur de l’huile de palme en Malaisie et en Indonésie alors que de grands progrès ont déjà été réalisés par les producteurs de ces pays.

    Le think tank Chain Reaction Research (CRR) a constaté que la déforestation des palmiers à huile en Indonésie, en Malaisie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée est tombée à son niveau le plus bas depuis 2017. Certains veulent néanmoins aller plus loin et interdire totalement l’huile de palme, ignorant ainsi une étude de chercheurs de l’Université de Bath, publiée dans Nature , qui a souligné qu’une telle interdiction pourrait aggraver la déforestation étant donné que les alternatives comme l’huile de tournesol ou de colza nécessitent davantage de terres, d’eau et d’engrais.

    Il est intéressant de noter que le Royaume-Uni adopte une approche différente, plus raisonnable, profitant manifestement déjà de la liberté politique résultant du Brexit.

    Au lieu d’imposer toutes sortes de normes spécifiques à ses partenaires commerciaux, le Royaume-Uni exige simplement que les produits soient conformes à la réglementation locale, appliquant ainsi efficacement le principe de reconnaissance mutuelle. Lorsqu’il s’agit d’un produit de base considéré comme lié au risque de déforestation, la législation britannique prévoit que « une personne autorisée à utiliser un produit à risque forestier ne doit pas utiliser ce produit dans le cadre de ses activités commerciales au Royaume-Uni, sauf si les lois locales pertinentes ont été respectées pour ce produit. »

    Une telle approche est non seulement plus conforme à l’esprit du libre-échange qui consiste à faire confiance aux normes des partenaires commerciaux, mais elle est aussi beaucoup plus pratique. Il est très délicat de définir ce que signifient les normes de l’UE, comme le terme « durable », dans d’autres juridictions, ce qui ne manquera pas de donner lieu à toutes sortes de litiges. Il est certain que des normes spécifiques en matière de travail ou d’environnement ne seraient pas acceptables en Europe. Mais en réalité les normes de travail ou environnementales peu élevées ont eu tendance à augmenter en raison du commerce et non en raison de menaces de mettre fin au commerce si elles n’étaient pas adoptées.

    Encore un long chemin à parcourir

    Évidemment, pour l’instant, il n’y a que peu d’exemples où le Royaume-Uni a déjà utilisé sa liberté politique acquise suite au Brexit.

    La vérité est que l’électorat britannique n’est pas aussi désireux d’embrasser pleinement la libéralisation comme parfois dépeint. Le changement idéologique au sein de la direction conservatrice, suite au départ de la plus libérale Liz Truss – même si elle n’était pas libérale dans les budgets responsables, ce que les marchés pénalisaient, n’aide pas non plus. Rishi Sunak a rapidement mis au placard les plans de Liz Truss visant à légaliser la fracturation même s’il l’avait soutenue à l’origine et malgré le fait que le Royaume-Uni souffre actuellement d’une crise énergétique massive. De même, les politiques climatiques de l’UE encore très présentes dans les textes de loi britanniques ne sont pas près d’être abandonnées, si l’on en croit la politique du gouvernement britannique.

    Pour l’instant, le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni a surtout connu les mauvais aspects du Brexit – les perturbations commerciales prévues en raison de l’augmentation de la bureaucratie. La plupart des avantages n’apparaîtront probablement qu’avec le temps et ne résulteront probablement pas de l’élimination délibérée par le Royaume-Uni de toutes sortes de réglementations issues de l’époque de l’appartenance du pays à l’UE. De manière plus réaliste, le Royaume-Uni refusera simplement de copier les mises à jour de l’UE concernant les réglementations lourdes, protectionnistes et hostiles à l’innovation telles que RGPD, REACH ou MifiD. Cela aura pour conséquence de restreindre davantage l’accès du marché britannique à l’UE, mais renforcera la compétitivité du Royaume-Uni. Tout vient à point à qui sait attendre.

    • Co chevron_right

      Quelle influence internationale pour le Royaume-Uni depuis le Brexit ?

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 7 November, 2022 - 04:00 · 8 minutes

    Par François-Joseph Schichan.
    Un article de Conflits

    Qu’il s’agisse des sanctions, des livraisons d’armes ou de la rhétorique, le pays a joué un rôle central dans la mise en œuvre de l’unité occidentale face à Vladimir Poutine.

    Ceci malgré un contexte interne difficile. Au début de l’année 2022, Boris Johnson est attaqué de toute part, affaibli au sein du Parti conservateur et dans le pays après des révélations sur son comportement au cours des confinements successifs. Mais par contraste avec ses atermoiements face à la pandémie de Covid-19 , le Premier ministre britannique de l’époque a fait preuve d’une volonté politique forte. Cette attitude résolue s’est poursuivie avec ses deux successeurs, l’éphémère Liz Truss et le tout récemment désigné Rishi Sunak.

    Le rôle du Royaume-Uni depuis le début du conflit ukrainien offre l’opportunité de faire un premier bilan de l’influence de ce pays dans le monde depuis le Brexit. La plupart des analystes et commentateurs indiquaient que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne conduirait à un affaiblissement de l’influence internationale du pays dans les affaires mondiales. De fait, comme le montre le conflit en Ukraine, le Royaume-Uni continue à jouer un rôle important, au même titre que d’autres pays de l’Union européenne.

    La réponse du Royaume-Uni à la guerre en Ukraine s’est traduite aux plans diplomatique, militaire et économique, sans lesquelles la réponse occidentale n’aurait pas eu la même force.

    Au plan diplomatique, Londres a activement contribué aux négociations dans le cadre du G7 pour la mise en œuvre des sanctions. Le G7 est devenu, de fait, le principal forum de coordination de la réponse occidentale à l’invasion russe. Le Royaume-Uni a également été associé, malgré sa sortie de l’UE, aux discussions entre États membres de l’Union européenne, par la participation directe de la Foreign Secretary à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE en mars, puis de la Première ministre lors de la réunion inaugurale de la Communauté politique européenne à Prague en octobre. Au plan bilatéral avec l’Ukraine, Boris Johnson s’est rendu à plusieurs reprises à Kiev et affiché une grande proximité avec le président ukrainien qui a reconnu le rôle important joué par le Royaume-Uni dans la capacité du pays à se défendre face à Moscou.

    Forte contribution anglaise

    Au plan militaire, la contribution du Royaume-Uni a été considérable. Il a fourni renseignements, formation et matériels militaires. Les médias britanniques ont notamment rapporté que le Royaume-Uni avait fourni plus de 5000 missiles anti-tank, 200 missiles Javelin, 120 véhicules blindés et plus de 200 000 pièces d’équipements non létaux comme des casques et des ressources médicales. Le pays a également mis à disposition de l’Ukraine les très efficaces batteries lance-missiles de type M270. Au total, ce sont près de 5 milliards d’euros que le Royaume-Uni a consacrés à l’assistance économique et militaire à l’Ukraine. D’après une étude du Kiel Institute for the World Economy sur les mois de février à août 2022, le Royaume-Uni se classe deuxième après les États-Unis pour la valeur totale de son assistance militaire à l’Ukraine.

    Au plan économique et financier, Londres reste une place financière mondiale de premier plan. Les autorités britanniques ont donc eu un rôle important dans l’identification et le gel des avoirs financiers russes ciblés par les sanctions. Pour autant, des efforts de transparence doivent encore être faits sur la présence russe à Londres et les liens de certaines personnalités russes avec le monde politique, notamment au sein du parti conservateur.

    Que nous dit l’ampleur de cette réponse sur l’influence du Royaume-Uni dans le monde ? Le Royaume-Uni demeure un pays majeur, membre du G7, de l’OTAN et du Conseil de sécurité des Nations unies, puissance militaire, nucléaire, économique, financière et commerciale mondiale. La sortie de l’Union européenne n’a pas modifié ces données fondamentales de la puissance britannique.

    Forte présence diplomatique

    Depuis le référendum de 2016, le pays n’a pas connu de retrait dans les affaires internationales ou de repli sur lui-même. Au-delà de l’Ukraine, d’autres exemples démontrent que le Royaume-Uni conserve une influence intacte sur les affaires mondiales. La signature de l’accord AUKUS en septembre 2021 entre le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie confirme la place du Royaume-Uni en Asie-Pacifique, en partie au détriment de la France et de l’Union européenne. Les États-Unis n’ont pas hésité à signer un accord structurant avec un pays comme le Royaume-Uni, malgré sa sortie de l’UE. Dans le Golfe, le Royaume-Uni s’est rapproché avec succès de l’Arabie Saoudite et du Qatar, dans l’espoir d’attirer davantage d’investissements au Royaume-Uni.

    Dans le monde, les négociations pour des accords de libre-échange post-Brexit se poursuivent. Un accord pourrait être prochainement conclu avec l’Inde. Le Royaume-Uni a également décidé de réinvestir massivement dans sa défense en prenant l’engagement d’augmenter le budget de la défense jusqu’à 3 % du PIB d’ici à 2030 (le nouveau Premier ministre Rishi Sunak doit cependant encore confirmer cette cible de dépenses). La puissance financière du pays reste largement intacte – le Brexit n’a pas résulté en un déplacement massif de personnels et d’actifs financiers vers le continent. Certaines activités clés comme la compensation restent domiciliées à Londres et sont essentielles pour la stabilité financière du continent.

    Ceci posé, le maintien de cette influence a un prix : celui de l’alignement presque total sur les États-Unis. En Ukraine, le Royaume-Uni se place dans le sillage américain. Ce n’est pas une surprise : la proximité avec les États-Unis est une constante de la politique étrangère britannique. Londres a également une relation historiquement plus conflictuelle avec Moscou que les autres capitales européennes. Les assassinats successifs de ressortissants russes sur le sol britannique ces dernières décennies, jusqu’à l’affaire Skripal en 2018, ont profondément marqué l’approche britannique.

    Forte rhétorique

    En conséquence, le Royaume-Uni ne développe pas une vision autonome du conflit ukrainien et peine à articuler ce à quoi ressemblerait une résolution du conflit pour le continent européen. Il s’en tient à une rhétorique insistant sur la nécessité d’une victoire totale de l’Ukraine, sans précision sur les critères qui définiraient une telle victoire. Du reste, ces difficultés ne sont pas spécifiques au Royaume-Uni et concernent l’ensemble des pays européens.

    Plus généralement, cette situation se traduit pour le Royaume-Uni par une adhésion à la vision américaine du monde développé par l’administration Biden, opposant autocraties et démocraties. Vis-à-vis de la Chine, après une période d’hésitations qui a suivi la relance des relations sino-britanniques sous David Cameron , le consensus dans la classe politique britannique est désormais porté sur une approche dure et restrictive à l’égard de Pékin. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont plaidé de concert, lors du dernier sommet de l’OTAN à Madrid en juin, pour une mention de la Chine dans le nouveau concept stratégique de l’Alliance. Cet alignement sur Washington n’est pas sans risque alors que les incertitudes sont grandes sur l’évolution de la situation politique aux États-Unis dans les prochaines années, et le retour potentiel de Donald Trump ou d’un candidat trumpien lors des élections présidentielles de 2024.

    L’instabilité chronique de la vie politique britannique depuis le Brexit pourrait avoir un impact négatif sur l’influence britannique dans le monde. Le Parti conservateur est divisé et affaibli. Après douze ans au pouvoir, les conservateurs sont en fin de cycle et doivent se renouveler. Le Brexit a affecté le soft power britannique, notamment à l’égard des ressortissants de l’Union européenne. Le Commonwealth, qui constitue un atout pour le Royaume-Uni, montre des signes de faiblesse. Le débat est ouvert dans plusieurs pays, notamment au Canada et en Australie, sur le rôle du roi en tant que chef de l’État, notamment depuis le décès de la reine Elizabeth .

    Quid de l’Europe ?

    La guerre en Ukraine a aussi démontré le rôle croissant de l’Union européenne en matière de politique étrangère. La Commission européenne a mené les discussions sur les sanctions, non seulement en interne, mais aussi avec les partenaires externes comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Il existe donc un intérêt commun à renforcer la coopération en matière de sécurité, de défense et de politique étrangère entre Londres et Bruxelles. L’accord de commerce et de coopération négocié à l’issue du Brexit ne prévoit pas de mécanisme de coopération dans ce domaine – la faute en incombe tant au Royaume-Uni, qui a refusé un tel cadre jugé politiquement risqué en interne, et à l’Union européenne qui a manqué de pragmatisme dans la manière d’associer Londres aux réflexions de l’UE sur ces sujets.

    Au plan bilatéral, la France a aussi un intérêt à réinvestir dans la relation avec le Royaume-Uni, négligée depuis le référendum de 2016. La coopération de défense est un pilier traditionnel de la relation franco-britannique avec les accords de Lancaster House de 2010. Les difficultés actuelles de la relation franco-allemande, notamment dans le domaine de la défense, montrent que la relance de la coopération avec le Royaume-Uni aurait un intérêt pour la France.

    Le Royaume-Uni reste donc un grand pays, dont la contribution à la sécurité de l’Europe est incontournable comme le montre son action vis-à-vis de l’Ukraine. Malgré les divergences profondes introduites par le Brexit, le Royaume-Uni demeure un acteur incontournable de la sécurité en Europe et dans le monde. Les circonstances internationales démontrent l’importance du maintien d’une relation étroite avec ce pays, tant avec l’Union européenne que la France.

    • Co chevron_right

      Poids de la dette et inflation : quelles leçons après l’épisode britannique ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 1 November, 2022 - 04:10 · 5 minutes

    Par Éric Mengus et Guillaume Plantin.

    Le 23 septembre au Royaume-Uni , l’annonce du mini-budget et les événements qui ont suivi jusqu’à l’annonce de la démission de la Première ministre Liz Truss , le 20 octobre, ont suscité un regain d’intérêt pour le risque de « dominance budgétaire », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale abandonne son objectif de stabilité des prix pour aider le gouvernement à financer ses déficits.

    Mais dans quelle mesure cette séquence d’événements doit-elle nous pousser à repenser les relations entre les gouvernements, en charge de la politique fiscale, et les banques centrales indépendantes, en charge de la politique monétaire avec un mandat de stabilité des prix ? Que nous apprend-elle sur ce risque de dominance budgétaire ?

    La manière canonique d’analyser les interactions fiscales et monétaires a été introduite par les économistes américains Thomas Sargent et Neil Wallace il y a 40 ans. Dans leur contexte, la principale question est de savoir qui ajuste sa politique entre le gouvernement et la banque centrale pour que le gouvernement satisfasse sa contrainte budgétaire. Si le gouvernement réussit à imposer une trajectoire de déficits futurs – il « agit en premier » dans le langage de Sargent et Wallace –, la banque centrale est obligée de « se dégonfler » et de financer les besoins futurs du gouvernement.

    Pressions sur les banques centrales

    Une telle situation ressemble à s’y méprendre au mini-budget britannique et à ses engagements de réductions drastiques de certaines taxes. Mais les événements au Royaume-Uni montrent qu’il peut être plus difficile que nous ne le pensions pour le gouvernement d’« agir en premier » et de « coincer » la banque centrale en imposant une trajectoire de déficits futurs. Le ministre des Finances a démissionné le 14 octobre – avant que Liz Truss ne quitte elle-même le 10 Downing Street. Presque tous les plans budgétaires annoncés ont été retirés.

    In fine, la « dominance monétaire » – c’est-à-dire une situation où la banque centrale privilégie son mandat de stabilité des prix et oblige le gouvernement à adopter une trajectoire de déficits plus soutenables – pourrait éventuellement l’emporter. C’est d’ailleurs ce que notent un certain nombre d’observateurs tels que Jason Furman, ancien président du conseil des conseillers économiques sous la présidence de Barack Obama aux États-Unis.

    Une telle dominance monétaire ne va pourtant pas de soi aujourd’hui, dans un contexte de pressions accrues sur les banques centrales en raison notamment du niveau important des dettes publiques, du caractère importé d’une partie de l’inflation et des besoins importants de financement, par exemple, de la transition verte .

    Forte réaction des marchés

    Alors, quels sont les déterminants expliquant qui remporte finalement la partie entre la banque centrale et le gouvernement ? Parmi ces nombreux déterminants, l’expérience britannique montre que le plus important – qui manque dans la plupart des analyses – est le fonctionnement du marché de la dette.

    Pour emprunter le langage de Markus Brunnermeier, professeur d’économie à Princeton, la domination monétaire découle en partie de la « domination financière » : l’exposition du secteur financier à la dette britannique et, notamment, des fonds de pension a été clé dans la forte réaction des marchés et la brutale hausse des taux.

    Money and Banking, part 4 : Risky Government Debt, Diabolic Loop, Stability and Dominance Concepts (Markus Economicus, 2017).

    Si les investisseurs sur le marché de la dette réagissent fortement à une politique budgétaire déséquilibrée – entraînant une pénurie de liquidités sur ces marchés clés – alors l’action de la banque centrale devient essentielle pour éviter le défaut et réduire le coût pour le gouvernement de s’engager dans cette politique budgétaire.

    Mais ces interventions de la banque centrale ne sont pas neutres non plus et cette banque centrale peut préférer limiter le plus possible ses interventions : dans un contexte d’inflation d’ores et déjà élevée et de craintes quant à la crédibilité de la livre sterling, une monétisation trop importante des déficits aurait été catastrophique pour la stabilité monétaire du Royaume-Uni.

    Croyances des investisseurs

    Ainsi, trois éléments ont été déterminants pour que la banque centrale s’impose et que la domination monétaire se concrétise :

    1. Le marché a fortement réagi aux nouvelles budgétaires britanniques.
    2. La banque centrale était suffisamment disposée à dissuader la domination budgétaire.
    3. Le gouvernement britannique se rend compte que le coût de la domination budgétaire pour le gouvernement dépasse ses gains attendus.

    De ce fait, trois « joueurs » ont compté pour l’issue du jeu entre la banque centrale et le gouvernement, faisant ainsi écho à notre recherche récente dans laquelle nous nous interrogions : « La Banque centrale, le Trésor ou le marché : lequel détermine le niveau des prix ? ».

    Qu’implique ce rôle du marché pour les banques centrales dans cette question du risque de dominance budgétaire ?

    Premièrement, il est clé pour les banques centrales et leurs mandats de stabilité des prix qu’elles influencent les croyances des investisseurs : lorsque les investisseurs pensent que la banque centrale va se « dégonfler », les marchés ne réagiront pas aux politiques fiscales trop expansionnistes et la dominance budgétaire prévaudra.

    Deuxièmement, les banques centrales doivent également laisser les prix sur les marchés de dette refléter les croyances des investisseurs quant aux risques liés à la politique fiscale. Cela n’est pas nécessairement satisfait lorsque les banques centrales sont trop interventionnistes sur ces marchés, même si d’autres motifs peuvent justifier des interventions comme une éventuelle exubérance des marchés .

    Ce dernier point doit pousser à la réflexion des banques centrales comme la Banque centrale européenne (BCE) , notamment en ce qui concerne son nouvel instrument – son outil « anti-fragmentation », le Transmission Protection Instrument – qui lui permet d’agir en cas de variation du taux de financement d’un pays.

    Éric Mengus , Professeur associé en économie et sciences de la décision, HEC Paris Business School et Guillaume Plantin , Professor, Research and Faculty Dean , Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original . The Conversation

    • Co chevron_right

      Rishi Sunak décevra probablement les partisans des marchés libres

      Reason · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 28 October, 2022 - 03:15 · 5 minutes

    Par .

    Cinquante jours seulement après avoir perdu contre Liz Truss lors d’une élection à la direction du parti conservateur, Rishi Sunak se retrouve tout de même Premier ministre du Royaume-Uni.

    Le Parti conservateur avait initialement rejeté Sunak en raison de ses politiques fiscales en tant que chancelier de l’Échiquier et du rôle qu’il aurait joué dans la chute de l’ancien Premier ministre Boris Johnson. Mais après la tourmente financière qui a suivi le « mini-budget » de Truss, les députés conservateurs l’ont chassée du pouvoir, créant ainsi une nouvelle voie pour Rishi Sunak vers Downing Street.

    Dans la compétition hâtive qui a suivi, la plupart des médias conservateurs se sont rangés derrière Sunak en raison de ses avertissements, jugés prémonitoires, sur les effets financiers d’un gouvernement Truss. Johnson a alors décidé de ne pas se présenter et Penny Mordaunt, la seule autre candidate déclarée, s’est retirée après avoir lutté pour passer le seuil de nomination. Sunak a donc été couronné sans opposition lundi dans un retour des plus improbables.

    Rishi Sunak VS. Liz Truss

    Sunak avait été nommé chancelier par Johnson en février 2020 en tant que ministre des Finances plus malléable pour le Downing Street de Johnson et Dominic Cummings. Pendant les premiers stades de la pandémie, il est devenu le chancelier le plus populaire depuis 15 ans en arrosant d’argent les travailleurs attachés aux entreprises fermées par un énorme programme de furlough .

    Sa relation avec la base s’est toutefois dégradée au cours des deux années suivantes . Il a d’abord présenté des plans visant à augmenter le taux d’imposition des sociétés de 19 à 25 % pour financer les dépenses liées à la pandémie passée. Il a ensuite rompu l’engagement qu’il avait pris dans son manifeste de ne pas augmenter les impôts des particuliers en augmentant de 1,25 % chacune des taxes de sécurité sociale des employés et des employeurs britanniques. Parallèlement au gel des seuils de l’impôt sur le revenu, la charge fiscale résultant de son action devait atteindre son niveau le plus élevé depuis 70 ans .

    La propre démission de Sunak du Cabinet a ensuite contribué à précipiter l’éjection de Johnson. L’ancien chancelier avait une vidéo soignée pour sa candidature prête à être diffusée dès le départ de Boris. Les membres du parti conservateur ont senti un coup de couteau planifié et au fur et à mesure que la campagne pour la direction du parti se développait, sa politique fiscale impopulaire est devenue le principal clivage avec Truss.

    Elle s’est engagée à abandonner la hausse de l’impôt sur les sociétés proposée par Sunak et à annuler les augmentations de l’impôt sur la sécurité sociale. Sans réduction compensatoire des dépenses, Sunak a fait valoir que cela risquait de faire grimper les coûts d’emprunt du gouvernement britannique, ce qui se traduirait par une hausse des taux hypothécaires. Truss a gagné le débat mais a depuis perdu l’argument.

    Son « mini-budget » a tenu ses promesses fiscales, mais est allé beaucoup plus loin que prévu. Elle et son chancelier ont effrayé les marchés en réduisant également deux taux d’imposition sur le revenu et plusieurs taxes de moindre importance, et en subventionnant un gel des prix unitaires de l’énergie pour les ménages pendant deux années entières. Chacune de ces mesures avait des justifications microéconomiques, mais les marchés se sont emballés devant l’ampleur des emprunts supplémentaires et l’incertitude de leur répercussion sur les taux d’intérêt. Le fait que le gouvernement de Mme Truss ait refusé d’autoriser l’ Office for Budget Responsibility à établir des estimations de l’impact de ces mesures sur les déficits n’a rien arrangé.

    La livre est devenue très volatile et les coûts d’emprunt du Royaume-Uni ont grimpé en flèche, comme l’avait prédit M. Sunak, surtout après que le chancelier de M. Truss, Kwasi Kwarteng, a promis que d’autres réductions d’impôts seraient accordées. Certains fonds de pension exposés au risque de rendement des obligations ont failli faire faillite, nécessitant une intervention d’urgence de la Banque d’Angleterre. Les taux hypothécaires ont fortement augmenté. Les sondages d’opinion des conservateurs ont chuté.

    Mme Truss a fait marche arrière sur plusieurs promesses fiscales afin de rétablir la confiance du marché, alors que les députés conservateurs ont clairement indiqué qu’ils ne toléreraient aucune réduction importante des dépenses compensatoires. Les rendements obligataires sont devenus dépendants de l’évolution de la politique britannique, chutant à chaque fois qu’un signal de conservatisme fiscal était donné. Mme Truss a fini par faire marche arrière, renvoyant son chancelier et permettant à son remplaçant, Jeremy Hunt, d’ abandonner presque toutes les réductions d’impôts, à l’exception de l’inversion de la sécurité sociale, tout en ne s’engageant à appliquer la politique énergétique universelle que jusqu’en avril. Le parti s’est réapproprié la réduction du déficit.

    Sunak, Premier ministre

    Et c’est ainsi que Rishi Sunak se retrouve Premier ministre, alors qu’il n’a fait aucune promesse politique au cours de cette campagne plus récente et plus courte. Le nouveau Premier ministre est un conservateur fiscal convaincu et n’a pas peur d’augmenter les impôts pour y parvenir.

    Il rend régulièrement un hommage rhétorique aux marchés libres, mais lors de la campagne de leadership avec Truss, il a plaidé en faveur d’une politique commerciale axée sur les producteurs et d’un renforcement des lois déjà strictes du Royaume-Uni en matière d’aménagement du territoire. Ceux qui espèrent qu’il maintiendra les plans non réalisés de Truss pour des politiques de déréglementation, non fiscales et axées sur l’offre risquent d’être déçus.

    Le changement de leader sera-t-il politiquement payant ? Les conservateurs s’attendront à un coup de pouce, mais Sunak est le genre de conservateur que les chroniqueurs qui ne voteraient jamais conservateur disent respecter. Est-ce qu’un jet-setter super fortuné sera bien accueilli pendant une crise du coût de la vie à laquelle il a contribué en tant que chancelier ? Le jury n’a pas encore délibéré.

    Traduction Contrepoints

    Sur  le web

    • Co chevron_right

      Après le Brexit, le libre-échange renaît au Royaume-Uni

      Daniel Hannan · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 2 February, 2021 - 03:50 · 5 minutes

    Brexit

    Par

    « Libre et dans le monde » était la Une du Spectator du 23 juin 2016, le jour du référendum du Brexit . La couverture montrait la Grande-Bretagne comme un papillon brillant sortant d’une petite boite à l’effigie de l’Union européenne.

    Je mentionne cette Une pour deux raisons.

    Première raison

    D’abord parce que si j’étais Américain, j’aurais pu facilement avoir eu l’impression que le Brexit était la version britannique du trumpisme – fait de nostalgie, de nataliste et de protectionnisme. Ce point de vue, propagé tant par les opposants que par les supporters de Trump, trouve une expression quasi hystérique dans les pages du New York Times , qui publie régulièrement des articles montrant à quel point la Grande-Bretagne est devenue un enfer raciste.

    En fait, tous les libertariens que je connais, à une excentricité près, ont voté pour quitter l’Union européenne. Il y a longtemps que nous l’avons démasqué comme étant un racket dirigiste, corporatiste et autoritaire.

    La condition pour que le Royaume-Uni intègre le marché européen était que nous abandonnions le libre échange avec les pays les plus distants – notamment ceux du Commonwealth, comme le Canada et la Jamaïque, qui avaient un accès illimité à nos marchés. Pendant les années 1970, nous avons été obligés d’appliquer les tarifs douaniers communs par étapes et, avec ça, les différentes barrières non douanières conçues pour soutenir les industries continentales liées aux politiciens.

    La conséquence du départ de l’Union européenne est qu’il nous est désormais possible de commercer librement avec tous les continents, y compris naturellement avec l’Europe.

    Deuxième raison

    Elle nous ramène au dessin du papillon. Au moment où j’écris ces lignes, la Grande-Bretagne a signé une série impressionnante de 63 nouveaux accords commerciaux, dont un avec l’Union européenne.

    Ce n’était pas dans le script des anti-Brexit. Ceux qui ont mené campagne pour rester dans l’Union pensaient que la Grande-Bretagne serait plus faible et plus introvertie en dehors. Le Premier ministre conservateur Boris Johnson , alors maire de Londres a passé toute la campagne du référendum à évoquer une Grande-Bretagne insulaire et flamboyante. Mais le camp adverse ne l’a jamais cru, convaincu que la seule raison possible de voter la sortie était l’hostilité à l’immigration.

    Boris pensait bien ce qu’il a dit. L’année dernière, au musée maritime de Greenwich, il a fait le discours sur le marché libre le plus engagé que j’aie jamais entendu de la part d’un responsable politique. Il voyait le Brexit comme une chance pour le pays , ayant offert au monde Adam Smith et David Ricardo, de retrouver sa vocation mondiale :

    L’humanité a besoin d’un gouvernement quelque part qui est au minimum prêt à défendre ouvertement la liberté d’échanger, un pays prêt à enlever ses lunettes de Clark Kent et à sauter dans une cabine téléphonique pour en sortir la cape au vent, tel un champion infatigable du droit des populations de la terre à acheter et à vendre librement.

    Quatre semaines après ce discours, le monde s’est confiné pour se protéger du coronavirus. Assez bizarrement, les horreurs prédites par les partisans de l’Union européenne se réalisèrent alors, mais pas pour la raison qu’ils attendaient. La Grande-Bretagne a en effet souffert d’une récession, d’une augmentation du chômage et d’une fermeture des frontières.

    Bien que les confinements aient asphyxié l’activité économique et provoqué l’effondrement des échanges commerciaux, il y a toutes les raisons d’être optimiste sur le Brexit.

    L’accord passé avec l’Union européenne lui donne ce quelle a toujours voulu – et ce que les opposants ont d’ailleurs toujours considéré comme impossible – c’est-à-dire le libre échange sans l’union politique . Plutôt que d’accepter les règles de l’Union européenne en échange d’un accès préférentiel à son marché, comme le voulait l’ancienne Première ministre conservatrice Theresa May, Johnson a insisté sur une autonomie réglementaire totale.

    Cela implique en effet que certaines industries du service feront face à de nouvelles barrières lorsqu’ils vendront à l’Union européenne, mais leurs yeux sont déjà tournés vers des horizons plus lointains. Dans tous les cas, les libre-échangistes comprennent que les barrières font toujours plus de tort au pays (ou à l’union douanière) qui les impose. Il y a une vue mercantiliste, presque pré-moderne, dans la décision de l’Union d’ouvrir ses marchés comme une faveur à des alliés sélectionnés, plutôt que de voir cela comme une stratégie de croissance.

    Certains des 62 autres traités commerciaux, confirment les accords existants avec la promesse d’aller bien plus loin lorsque le calendrier le permettra. D’autres comme celui avec le Japon, sont déjà plus aboutis que ce qu’offrait l’UE. Quelques-uns, notamment avec l’Australie et la Nouvelle Zélande, sont nouveaux étant donné que Bruxelles n’avait pas de traités avec ces pays.

    La Grande-Bretagne demande également à rejoindre le Partenariat Trans-Pacific – ou CPTPP – Traité que les États-Unis pourraient réintégrer. Certes, le Royaume Uni n’est pas un pays du Pacifique (sauf techniquement grâce à sa souveraineté sur les Iles Pitcairn), mais nous avons des liens exceptionnellement étroits avec nombre de membres existants, tels que l’Australie, Singapour et le Canada. Au même moment, le Royaume Uni négocie avec l’Inde, l’union douanière du Mercosur ainsi que les monarchies du Golfe.

    Cependant, les pourparlers les plus importants sont avec les États-Unis, notre partenaire principal et notre plus grand investisseur. Un accord commercial de l’Atlantique-Nord aurait pu se conclure il y a des décennies sans le protectionnisme de l’Union européenne, en particulier dans l’agriculture.

    Les électeurs sont rarement enthousiastes pour le libre-échange en particulier pendant cette période, alors que leur psychologie a été affectée par l’épidémie, les rendant plus prudents et repliés sur eux-mêmes. Mais pour les années à venir, la reprise économique sera l’objectif politique suprême. Un accord commercial ambitieux entre la Royaume-Uni et les États-Unis est le moyen le plus évident.

    Traduction Contrepoints.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Brexit : ce que contient l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 December, 2020 - 04:25 · 6 minutes

    brexit

    Par Andrew Glencross 1
    Un article de The Conversation

    Pour citer Shakespeare, les négociations sur le Brexit sont maintenant terminées. Les discusssions tumultueuses n’ont pas conduit à une voie sans issue, même si le gouvernement britannique a parfois donné l’impression qu’il s’agissait d’une querelle digne des Montaigu contre les Capulet.

    Les négociateurs ont ignoré le bruit de fond et ont réussi à rédiger un document juridique dense sur lequel repose désormais l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’UE.

    Le Brexit et comment l’accord est intervenu

    Tout au long des négociations, le Royaume-Uni a insisté sur le fait qu’il devait être traité comme un égal souverain de l’UE et que son indépendance devait être respectée. Cela a été particulièrement important en ce qui concerne les droits de pêche, l’une des dernières questions à résoudre.

    Il y a toujours eu deux problèmes avec cet argument. Premièrement, comme l’a expliqué le ministre espagnol des Affaires étrangères – un négociateur commercial chevronné – un accord commercial est conçu pour établir l’interdépendance plutôt que d’être un exercice d’affirmation d’indépendance.

    Deuxièmement, l’UE est tout simplement une puissance plus importante économiquement parlant que le Royaume-Uni. Cela signifie que Bruxelles est convaincue qu’elle peut mieux résister que le Royaume-Uni à une séparation sans accord.

    En refusant de prolonger la période de transition malgré la pandémie, le Premier ministre Boris Johnson a fait en sorte que les deux parties soient confrontées à la même pression temporelle. Mais elles n’étaient pas confrontées au même niveau de risque si aucun accord n’était conclu. C’est pourquoi le véritable maître d’œuvre de l’accord Brexit était le temps, et non Johnson ou Angela Merkel, comme l’ont souvent rapporté les journaux britanniques.

    Néanmoins, il semble que le gouvernement britannique va crier victoire en faisant valoir qu’il est désormais en mesure d’échapper à la juridiction de la Cour européenne de justice tout en obtenant un accès en franchise de droits et de contingents pour les marchandises exportées vers l’UE.

    C’est exactement ce qu’a fait Downing Street dans une déclaration faite immédiatement après l’annonce de l’accord :

    L’accord… garantit que nous ne sommes plus dans la zone d’attraction lunaire de l’UE, que nous ne sommes pas liés par les règles de l’UE, que la Cour de justice européenne n’a aucun rôle à jouer et que toutes nos principales lignes rouges concernant le retour de la souveraineté ont été respectées. Cela signifie que nous aurons une indépendance politique et économique totale le 1 er janvier 2021.

    Mais la réalité – comme pour tout ce qui concerne le Brexit depuis 2016 – est bien plus complexe.

    Ce que contient l’accord

    Le négociateur de Boris Johnson, David Frost, a fait valoir que le Royaume-Uni voulait simplement un accord de libre-échange standard comme celui entre le Canada et l’UE. En réalité, le Royaume-Uni demandait d’autres mesures, telles que la reconnaissance mutuelle de l’évaluation de la conformité des marchandises et la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. L’UE ne semble pas avoir bougé sur ces points.

    Bruxelles a également insisté sur le fait que l’accord exigeait des garanties juridiques pour empêcher le Royaume-Uni de décoter le marché unique en utilisant sa nouvelle autonomie pour abaisser les normes environnementales ou les droits du travail. M. Johnson a donné son accord de principe à cette idée de conditions équitables dans la déclaration politique qui accompagnait l’accord de retrait de 2019 alors adopté par le Parlement. Puis, plus tard dans les négociations, il a tenté de revenir sur cette promesse. Finalement, il a fait volte-face. L’accord stipule que toute divergence par rapport aux normes européennes entraînerait une restriction potentielle de l’accès au marché unique.

    Lors d’une conférence de presse, Boris Johnson a rassuré les « fanatiques de poisson » en leur disant qu’il y aurait de quoi remplir leur assiette, mais l’accord signifie que pendant les cinq ans et demi à venir, les navires basés dans l’UE continueront à bénéficier d’un accès important aux eaux britanniques, pendant la période de transition vers un accord final.

    Il est clair que la libre circulation des personnes a pris fin, tandis que les marchandises seront soumises à des contrôles douaniers et réglementaires. Le chaos dans les transports autour du port de Douvres est donc toujours possible après le 1 er janvier si les exportateurs ne disposent pas des documents nécessaires pour traverser la Manche.

    Comme ils ne l’ont pas fait depuis une génération, il y aura forcément des difficultés. Les transporteurs basés dans l’UE pourraient également opter pour la prudence et, à court terme, éviter le risque de voir leurs camions bloqués au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni quittera également le programme d’échange Erasmus pour l’enseignement supérieur, ce qui portera un coup à de nombreux étudiants – bien que le Royaume-Uni envisage maintenant de lancer son propre programme « Turing » pour offrir des stages dans des universités du monde entier.

    L’avenir du secteur clé des exportations britanniques, à savoir les services financiers, est beaucoup moins clair. En dehors du marché unique, la City de Londres compte sur l’Union européenne pour obtenir l’autorisation de servir les clients basés dans l’UE et de leur vendre des produits bancaires, comptables et juridiques associés. Cet accord d’« équivalence » est réexaminé en permanence, en fonction de l’approche britannique en matière de réglementation financière et de protection des données. Cela place le secteur sur une base beaucoup moins solide que, par exemple, l’industrie manufacturière.

    Vendre l’accord

    La danse est terminée, mais il faut maintenant vendre la marchandise. Les demandes de crédit et l’évitement des reproches seront les deux priorités du gouvernement britannique. Johnson ne manquera pas de mettre l’accent sur la souveraineté en soulignant la capacité à éviter l’intrusion du droit communautaire.

    Le jeu des reproches à venir pourrait d’ailleurs devenir intéressant. En effet, l’accord exige un dialogue constant avec l’UE sur des questions qui peuvent évoluer, telles que les subventions gouvernementales. C’est la position dans laquelle se trouve constamment la Suisse. L’accord sur le Brexit exige que les deux parties se soumettent à un examen général au bout de quatre ans pour s’assurer qu’elles remplissent les conditions requises. Les députés conservateurs eurosceptiques, qui ont fait pression en faveur d’un non-accord, peuvent considérer cela comme une concession de trop.

    Que peut faire Boris Johnson pour surmonter l’opposition interne ? Sa majorité parlementaire est suffisante pour surmonter tout ce qui n’est pas une révolte majeure. Mais sa carte la plus forte pourrait être de simplement rejeter la faute sur sa prédécesseure, Theresa May, pour avoir déclenché le Brexit sans plan.

    Pendant ce temps, la première ministre écossaise Nicola Sturgeon a tweeté, immédiatement après l’annonce de l’accord, qu’ « aucun accord ne compensera jamais ce que Brexit nous enlève. Il est temps de tracer notre propre avenir en tant que nation européenne indépendante ».

    Ainsi, si un épisode de ce long drame touche à sa fin, il semble que d’autres, concernant l’avenir même du Royaume-Uni, soient loin d’être terminés.

    Sur le web The Conversation

    1. Senior Lecturer in Politics and International Relations, Aston University.