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      Pourquoi les salaires montent ? Pas grâce au SMIC

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 9 February, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    Par Jack Elbaum.

    En 2023, plus de la moitié des États augmenteront leur salaire minimum .

    Bien que cela puisse ressembler à une recette pour un désastre, des rapports récents ont démontré que cela ne devrait pas avoir un impact significatif sur l’emploi ou les salaires. La raison en est simple : les salaires des emplois peu qualifiés ont augmenté ces derniers mois dans un contexte de forte demande de main-d’œuvre , ce qui a provoqué une pénurie de cette dernière. Ainsi, le salaire d’équilibre pour les emplois peu qualifiés – précisément les emplois qui seraient régulièrement touchés par une hausse du salaire minimum – est déjà supérieur au plancher salarial qui sera déplacé dans de nombreux cas.

    Une analyse par le Wall Street Journal reposant sur de données compilées par Nathan Wilmers, professeur au MIT, a révélé que « jusqu’en septembre, les 10 % de travailleurs les plus pauvres en termes de revenus dans chaque État gagnaient des salaires horaires qui étaient en moyenne un tiers plus élevés que le salaire minimum de leur État ». Cette « marge d’un tiers était la plus élevée depuis au moins une décennie », note le journal.

    Dans certains États, la différence est encore plus prononcée.

    Au Minnesota, par exemple, le journal a constaté que les 10 % de salariés les moins bien rémunérés gagnent environ 40 % de plus par heure que le salaire minimum de l’État. En outre, un journal local du Michigan explique que même si le salaire minimum doit passer à 10,10 dollars de l’heure cette année, la plupart des propriétaires d’entreprises paient déjà de 1 à 4 dollars de plus pour les emplois peu qualifiés. À peine 1 % des travailleurs du Michigan gagnent le salaire minimum aujourd’hui, alors qu’ils étaient 10 % de moins il y a dix ans.

    Pourquoi les salaires augmentent-ils ?

    Il convient de noter que si ces gains devraient normalement être un motif de réjouissance, l’inflation récente a dépassé la croissance des salaires. Cela signifie qu’en termes réels, les salaires n’ont pas nécessairement augmenté. Il s’agit toutefois d’une question distincte qui mérite une analyse à part entière.

    Ce qui est pertinent pour notre discussion, c’est que le phénomène expliqué ci-dessus démontre que les salaires ne sont pas poussés à la hausse par les augmentations du salaire minimum mais plutôt par les forces du marché, notamment l’investissement et la concurrence.

    Nous pouvons voir comment cela fonctionne en considérant un scénario simplifié.

    L’entreprise A est prospère et réalise des bénéfices, ce qui signifie qu’elle a gagné plus de revenus que nécessaire pour couvrir ses coûts actuels. Par conséquent, afin de développer davantage son activité, elle investira une partie de ses bénéfices dans des activités telles que la formation des travailleurs à de nouvelles compétences ou la mise en œuvre de nouvelles technologies. Ces investissements rendront probablement les travailleurs existants plus productifs, ce qui leur permettra de générer davantage de revenus pour l’entreprise qu’auparavant. La concurrence des autres entreprises pour cette main-d’œuvre de plus en plus productive crée une pression à la hausse sur les salaires.

    Il ne s’agit pas d’une sorte de fantasme du marché libre mais d’une réalité empirique. Récemment, cette concurrence pour la main-d’œuvre a entraîné des augmentations de salaire pour des centaines de milliers de travailleurs dans des entreprises allant de Walmart à Costco en passant par Amazon.

    Les salaires ont encore augmenté en raison de la pénurie de main-d’œuvre car de nombreuses entreprises tentent de surenchérir pour un nombre limité de travailleurs. Mais les employeurs ne sont pas seulement en concurrence les uns avec les autres ; ils sont également en concurrence avec ce qui empêche d’entrer sur le marché du travail, comme les allocations de chômage. Les entreprises doivent convaincre les travailleurs qu’elles leur apportent plus de valeur que toutes les autres solutions.

    De cette façon, nous pouvons voir que les salaires augmentent pour deux raisons qui sont souvent, mais pas toujours, liées entre elles : l’investissement qui augmente la productivité et la concurrence.

    Dans la plupart des cas, ce qu’un salaire minimum tente de faire, c’est d’augmenter les salaires sans changer la dynamique sous-jacente du marché. Bien que cela puisse augmenter artificiellement les salaires pour certains – mais pas sans contreparties importantes sous la forme de pertes d’emplois – cela ne reflète pas les conditions réelles du marché.

    Deux types de salaires minimum

    Un cynique pourrait affirmer que le fait que certaines hausses du salaire minimum soient sans conséquence prouve que « l’augmentation du salaire minimum ne provoque pas de chômage ».

    Mais ce serait une erreur. Le bon sens veut que les personnes ou les entreprises achètent moins d’un bien lorsque celui-ci devient plus cher. Cela est vrai qu’il s’agisse d’acheter des parts de pizza ou d’engager des employés. Ce que cette histoire démontre plutôt c’est la différence entre les salaires minimum contraignants et non contraignants.

    Lorsque l’on parle de salaire minimum en politique, on parle presque toujours de salaire minimum contraignant. Cela signifie simplement que le salaire minimum proposé est plus élevé que le salaire d’équilibre, obligeant ainsi les employeurs à payer plus que ce qu’ils auraient payé autrement. Cela conduit les entreprises à embaucher moins de salariés, toutes choses égales par ailleurs.

    Cependant, dans certains cas, le salaire minimum proposé est inférieur au salaire d’équilibre, ce qui signifie que l’entreprise allait déjà payer davantage les employés potentiels   que ce que le salaire minimum imposerait. On parle alors de salaire minimum non contraignant, car le nouveau plancher salarial n’aurait aucun impact sur les incitations ou le comportement de l’employeur. Il n’aurait pas non plus d’impact sur le salaire de l’employé.

    Bon nombre des augmentations du salaire minimum qui entreront en vigueur en 2023 semblent être non contraignantes : le salaire d’équilibre est déjà plus élevé que le nouveau salaire minimum. Par conséquent, nous ne verrons pas d’impact important sur l’emploi. Il est essentiel de comprendre la distinction entre les salaires minimum contraignants et non contraignants pour rester lucide à la lecture des gros titres qui expliquent que les nouvelles hausses du salaire minimum auront peu ou pas d’effet sur les principales variables économiques.

    Malgré tout, ce ne sera probablement pas le cas partout. Nous savons que le coût de la vie et les salaires d’équilibre varient considérablement d’un endroit à l’autre. C’est la raison pour laquelle, comme l’a démontré une analyse de FEE l’année dernière, « un salaire minimum de 15 dollars/heure à Porto Rico est [équivalent] à un salaire horaire minimum de 68 dollars à DC. »

    Nous devons garder à l’esprit qu’il n’existe pas deux juridictions identiques.

    Les planchers salariaux ne sont pas un outil de lutte contre la pauvreté

    Un mythe répandu veut que ce soit les hausses du salaire minimum, et non l’évolution de l’offre et de la demande, qui entraînent une hausse des salaires. Ceux qui avancent cet argument suggèrent implicitement que le salaire minimum est en fait un outil de lutte contre la pauvreté.

    Mais ce raisonnement est gravement erroné.

    Le regretté économiste et professeur Walter Williams a écrit à ce sujet dans The Freeman en 2007.

    Cette affirmation [que le salaire minimum est un outil de lutte contre la pauvreté] ne passe même pas le test de l’odeur. Il y a des gens misérablement pauvres au Soudan, au Bangladesh, en Éthiopie et dans de nombreux autres endroits du monde. L’un de ces économistes proposerait-il que la solution à la pauvreté mondiale soit un salaire minimum suffisamment élevé ? Que ce soit en Éthiopie ou aux États-Unis, la pauvreté n’est pas tant le résultat d’une sous-production que d’une sous-productivité.

    C’est tout à fait vrai. Selon la logique des défenseurs du salaire minimum, il n’y a aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas, et ne pourrions pas, simplement porter le salaire minimum à 100 dollars de l’heure. Le problème, bien sûr, est que le comportement d’une entreprise est largement déterminé par l’offre, la demande et la productivité, et non par des notions abstraites de ce que les gens « méritent ».

    Si nous voulons sortir les gens de la pauvreté – un objectif louable -, nous devons nous concentrer sur les moyens de les équiper pour qu’ils deviennent plus productifs et apportent donc plus de valeur à un employeur. Cela se fait principalement par l’éducation, la formation professionnelle et l’investissement dans le capital.

    Les partisans et les adversaires du salaire minimum ne sont pas nécessairement en désaccord sur ce qu’est un bon résultat : moins de personnes en situation de pauvreté. Le désaccord porte sur la question de savoir si cet objectif peut être atteint par des systèmes artificiels ou s’il doit l’être par des investissements organiques et l’amélioration des compétences par l’éducation (y compris l’autoformation), tout en sachant que les salaires sont déterminés par la dynamique réelle du marché.

    La seconde solution a été démontrée tant sur le plan théorique qu’empirique, mais la première est malheureusement beaucoup plus en vogue parmi les élites politiques. C’est à nous de faire en sorte que cela change.

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