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      Organiser pour l’incertitude : le cas de l’armée allemande avant guerre

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 20 November, 2022 - 04:00 · 8 minutes

    Comment une organisation peut-elle non seulement se protéger de l’incertitude mais surtout en tirer parti ?

    La question est d’une actualité brûlante de nos jours. Elle préoccupe nombre de stratèges sautant d’une crise à l’autre dans un monde devenu très instable et riche en surprises. Une source d’inspiration peut-être inattendue est l’armée allemande qui a construit, à partir de la fin du XIX e siècle, un modèle très puissant pour former ses soldats à faire face à l’inattendu.

    Pourquoi la France a-t-elle été défaite en 1940 ?

    Le sujet n’a pas fini d’alimenter les réflexions mais dans son ouvrage L’étrange défaite , écrit dans les semaines qui ont suivi la débâcle mais publié après la guerre, l’historien Marc Bloch estime que la victoire allemande a avant tout été intellectuelle.

    Contrairement à une idée très ancrée, elle n’est en effet pas due à la supériorité technologique. L’image d’une armée allemande ultramoderne et motorisée est surtout le produit de la propagande par des images bien choisies. La réalité est qu’elle utilisait encore largement les chevaux : plus de deux millions durant le conflit. Les armées alliées françaises et anglaises notamment n’étaient pas du tout inférieures sur le plan technologique. Le succès de 1940 est en fait largement dû à une stratégie audacieuse et au modèle de leadership de la Wehrmacht. En substance et comme le remarque Ernest May dans son ouvrage Strange victory sur la conquête de la France par Hitler, le processus de jugement par l’exécutif allemand – la façon dont il prenait ses décisions – a fonctionné de bien meilleure manière que celui des Alliés.

    Un processus que Bloch qualifie de méthodique opportunisme :

    « Les Allemands croyaient à l’action et à l’imprévu. »

    Ils pensaient en effet que la clé pour gagner était d’agir mentalement plus rapidement que leurs ennemis. Par « plus rapidement », ils entendaient non seulement la vitesse physique brute mais aussi le fait de prendre de meilleures décisions. Les deux sont liés : de meilleures décisions prises en temps opportun se traduisent par une meilleure vitesse physique par rapport à l’ennemi.

    En substance, ils ont développé un modèle liant l’apprentissage et l’action basé sur une boucle répétée.

    Le méthodique opportunisme, clé face à l’incertitude

    En quoi consiste ce méthodique opportunisme ?

    Ernest May explique que la décision en incertitude consiste à se poser trois questions :

    1. Que se passe-t-il ?
    2. Qu’est-ce que ça implique ?
    3. Que pouvons-nous faire ?

    Il s’agit d’un jugement plus que d’un calcul car en incertitude – le brouillard de la guerre – l’information est très limitée et ambiguë, voire fausse.

    Ces trois questions doivent être posées en boucle, encore et encore, jusqu’à ce qu’émerge une solution originale et réalisable. On reconnaît ici la posture entrepreneuriale de l’effectuation (que puis-je faire maintenant avec ce que j’ai sous la main maintenant ?) appliquée pourtant dans un contexte très différent.

    Face à l’incertitude et à la rapidité du développement des situations le décideur est confronté à deux enjeux : garder une certaine maîtrise de l’action et ne pas se laisser dépasser (c’est la partie défensive), mais surtout autant que possible tirer parti des opportunités qui se présentent dans le tourbillon de ces événements.

    C’est en cela que le méthodique opportunisme est utile. Il est construit sur des principes forts mais laisse une large place à l’autonomie : il est opportuniste mais repose sur une méthode. Ce modèle n’est pas une série d’outils, de cases à remplir ni de diagramme à suivre mais une véritable culture.

    La Wehrmacht (l’armée allemande) y est parvenue grâce à une approche progressive et innovante du développement de ses leaders.

    Les trois piliers du modèle de leadership

    Comment ce méthodique opportunisme a-t-il été possible ?

    Par le développement d’un modèle de leadership. Celui-ci porte le doux nom de auftragstaktik , ou tactique ( taktik ) de la mission ( auftrag ). Le modèle de l’ auftragstaktik (je vais l’écrire plusieurs fois dans le texte, vous finirez bien par réussir à le prononcer) repose sur trois principes :

    La connaissance

    On attend des soldats une maîtrise de la base du métier, que ce soit la manœuvre, le maniement des armes ou les spécificités de leur corps. Elle constitue le socle de l’action pour savoir quoi faire dans les situations connues. Cette maîtrise technique renforce la légitimité auprès des camarades et la confiance entre chefs et subordonnés. Elle construit l’équipe.

    L’indépendance

    L’indépendance est la capacité à décider soi-même en fonction des circonstances. Elle est importante car un agent peut être le seul présent à avoir le pouvoir de prendre une décision à un moment donné. On ne peut pas toujours attendre que les chefs nous disent quoi faire et quand le faire.

    La joie de prendre des responsabilités

    C’est la volonté de continuer à agir et à décider même dans les circonstances les plus difficiles. C’est ce qui empêche d’abandonner.

    Ce modèle de leadership exige une maîtrise du connu par l’expertise et définit une posture pour réagir face à l’inconnu, avec l’indépendance et la prise de responsabilités. En bref, on apprenait aux officiers comment penser et non ce qu’il fallait penser, en particulier face à l’incertitude. Dans ce modèle, ce qui est impardonnable c’est l’absence d’initiative face à une situation qui se développe. Attendre une information parfaite avant de prendre une quelconque décision n’était pas toléré. Cette attitude s’étendait à tous les échelons, jusqu’au soldat individuel.

    Ce modèle a été mal compris par les Alliés, notamment les Américains qui l’ont étudié longtemps avant la Seconde Guerre mondiale. Pour eux, il se ramène à distinguer l’intention du haut commandement, d’une part, et de l’autre l’exécution, cette dernière étant laissée à l’appréciation des exécutants.

    Mais l’ auftragstaktik est beaucoup plus qu’un simple découpage cartésien entre la pensée et l’action. C’est un système de sélection et de formation approfondies à tous les niveaux de l’armée et engagé sur de nombreuses années. L’ auftragstaktik constitue la culture de commandement ultime parce que, grâce à la confiance entre chefs et subordonnés, elle permet à l’individu de résoudre au mieux les problèmes après un développement professionnel approfondi.

    Ainsi, ce n’est pas Hitler qui a construit l’armée allemande qui gagne en 1940. Celle-ci est le produit d’un long travail qui a commencé dès la fin du XIX e siècle. À son arrivée au pouvoir, il trouve une armée allemande certes affaiblie par sa défaite de 1918 mais disposant d’un remarquable modèle de leadership. Il en fera l’usage que l’on connaît mais surtout il le détruira progressivement.

    Comme le remarquait le général français Yakovleff à propos de l’armée russe en Ukraine, un modèle basé sur l’apprentissage et l’amélioration de performance suppose une culture de la vérité, ce qui n’est pas possible dans un régime totalitaire.

    La dimension éthique

    Mais il y a une autre leçon que l’on peut tirer, celle-ci en creux : il manquait une composante essentielle au modèle de la Wehrmacht, celle de l’éthique, c’est-à-dire des principes du bien agir.

    Une chose est de maîtriser une expertise, d’être indépendant et de joyeusement prendre des responsabilités, encore faut-il déterminer pour quoi on le fait et surtout ce que l’on se refuse à faire. Les crimes commis par la Wehrmacht durant la guerre ne sont en effet pas tant le résultat du détournement d’une armée honorable par un dictateur que la conséquence inévitable de son modèle de leadership conçu comme purement fonctionnel, d’où l’éthique est totalement absente. On touche là encore aux contradictions d’un modèle mettant en avant l’indépendance et la responsabilité dans un système totalitaire qui nie l’aspect moral de ces deux dimensions.

    En substance, le système souffre d’une contradiction interne. Lorsqu’elle est une composante d’un modèle de leadership, l’éthique contraint sans doute l’action à court terme mais elle est un facteur de supériorité sur le long terme parce qu’elle confère un avantage moral.

    C’est cet avantage qui fait la force des armées de citoyens libres.

    Leçons pour le management

    Même si, évidemment, beaucoup d’éléments de ce modèle de leadership et de l’ auftragstaktik sont spécifiques au contexte militaire et qu’il faut appliquer avec prudence un modèle conçu pour un contexte spécifique dans un autre, on peut néanmoins en tirer des leçons utiles pour les organisations non militaires : d’abord l’importance de développer une culture de vérité ; ensuite une compréhension que les connaissances techniques, et notamment des outils et méthodes, s’appliquent au monde connu mais sont limitées au-delà ; et enfin une confiance en l’autonomie et l’initiative du terrain pour ce qui relève de l’inconnu.

    Ce modèle n’est possible que par un investissement de très longue haleine pour développer cette culture au sein de l’organisation.

    En faisant de chaque individu un leader à son niveau, il va à rebours de la pensée dominante actuelle qui réserve les qualités de leadership aux seuls dirigeants de l’organisation et qui de ce fait reste ancrée dans une opposition décideur/exécutant qui rend l’organisation fragile face à l’incertitude.

    Sur le web

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      L'épave la plus profonde jamais retrouvée localisée aux Philippines

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 25 June, 2022 - 16:17 · 2 minutes

    PHILIPPINES - Un destroyer de la marine américaine coulé pendant la Seconde Guerre mondiale a été retrouvé à près de 7000 mètres de profondeur au large des Philippines, ce qui en fait l’épave la plus profonde jamais localisée, a annoncé une équipe d’exploration américaine.

    Un submersible avec équipage a filmé, photographié et inspecté la coque endommagée du USS Samuel B Roberts au cours d’une série de plongées pendant huit jours, a indiqué le 24 juin la société texane Caladan Oceanic, spécialisée dans les technologies sous-marines. Le sous-marin explorait à une profondeur deux fois plus importante que celle à laquelle repose le Titanic (3800 mètres).

    Le “Sammy B” a sombré pendant une bataille au large de l’île de Samar le 25 octobre 1944, lorsque les forces américaines tentaient de libérer les Philippines , alors colonie des États-Unis sous occupation japonaise. Des images fascinantes à découvrir en tête de cet article montrent les trois tubes d’un lanceur de torpilles et le support de canon du navire.

    “Reposant à 6895 mètres, il s’agit désormais de l’épave de bateau la plus profonde jamais localisée et étudiée”, a tweeté le riche fondateur de Caladan Oceanic Victor Vescovo , qui a piloté le submersible. “Ce petit navire a affronté les meilleurs éléments de la marine japonaise, les combattant jusqu’au bout”, a-t-il ajouté.

    Selon les archives de la marine américaine, l’équipage du Sammy B “a flotté pendant près de trois jours en attendant d’être secouru, de nombreux survivants succombant à leurs blessures et aux attaques de requins”. Sur les 224 membres d’équipage, 89 sont morts.

    L’événement a eu lieu au cours de la bataille de Leyte, qui a vu s’affronter pendant plusieurs jours dans d’intenses combats forces japonaises et américaines. Le Sammy B était un des quatre navires américains coulés ce 25 octobre 1944.

    L’équipe de Victor Vescovo avait déjà repéré en 2021 l’USS Johnston, qui repose à près 6500 mètres et était jusque-là l’épave connue la plus profonde. L’équipe cherche aussi dans la même zone le porte-avions l’USS Gambier Bay à plus de 7000 mètres de profondeur, mais n’a pas encore réussi à le localiser. Il manque aussi des informations pour espérer localiser un autre navire, l’USS Hoel.

    À voir également sur Le HuffPost: Des robots testés sur l’Etna avant d’aller sur la Lune

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      Survivant du débarquement, il raconte la Seconde Guerre mondiale sur TikTok

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 7 June, 2022 - 15:17 · 1 minute

    HISTOIRE - Jake Larson est né en 1922 dans la ville de Hope, dans le Minnesota . Alors que la ferme familiale ne rapporte pas fortune, il décide de s’engager dans l’armée pour aller combattre en Europe et gagner un peu d’argent. Mais Jake n’a que 15 ans, soit trois ans de moins que l’âge requis pour s’engager. Il tente le tout pour le tout et ment au capitaine chargé du recrutement, affirmant être né en 1919. L’adolescent est alors envoyé en France, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus.

    Aujourd’hui, Jake Larson a 99 ans et est le dernier survivant de son unité. Pour honorer ses frères d’armes morts au combat, il raconte la Seconde Guerre mondiale sur TikTok . Avec ses 480.000 abonnés, il partage des anecdotes, des objets d’époque et des lettres reçues alors qu’il était au front.

    À l’occasion du 78ème anniversaire du débarquement, ce lundi 6 juin, celui qui se fait appeler Papa Jake a traversé l’Atlantique et s’est rendu en Normandie , à Omaha Beach. Très ému de revenir sur ce lieu, il dit avoir ressenti la présence de tous les soldats décédés. “Je ne suis pas le héros, les vrais héros sont enterrés ici”, a-t-il déclaré à Today .

    @storytimewithpapajake

    I’m spending this Memorial Day and 78th anniversary of D-Day honoring my fellow brothers in arms that aren’t with us anymore. I will be returning to France for them ❤️🇺🇸 Thank you to The Best Defense Foundation for making this possible. #ww2veteran #dday #ddayanniversary #papajake

    ♬ Pieces (Solo Piano Version) - Danilo Stankovic

    À voir également sur Le HuffPost : Pour des conseils de vie, cette grand-mère de 92 ans est tout ce dont vous avez besoin

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      Vladimir Poutine et la Seconde Guerre mondiale, une obsession au service du pouvoir

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 9 May, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    Vladimir Poutine, ici le 27 avril 2022, réécrit l'histoire de la Seconde Guerre mondiale pour montrer la puissance de la Russie auprès de la population et du monde entier. Vladimir Poutine, ici le 27 avril 2022, réécrit l'histoire de la Seconde Guerre mondiale pour montrer la puissance de la Russie auprès de la population et du monde entier.

    RUSSIE - Des centaines de soldats, des blindés, des hélicoptères, et même l’“avion du jugement dernier” aussi appelé “avion de l’apocalypse”. Ce lundi 9 mai, la Russie célèbre comme chaque année le “Jour de la Victoire” de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie en 1945. L’occasion de déployer son arsenal militaire et faire une démonstration de force sur la place Rouge en pleine guerre contre l’Ukraine.

    La fin de la Grande guerre patriotique, comme est appelée la Seconde Guerre mondiale en Russie, est un événement extrêmement important dans l’histoire russe. Le président Vladimir Poutine n’y est pas pour rien. Quand Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir en 1999, il s’est retrouvé face à un pays démoralisé. Les années 1990 ont été une période très chaotique politiquement et économiquement, il fallait trouver de nouveaux repères fédérateurs de la société”, rappelle Isabelle Facon, spécialiste des politiques de sécurité et de défense russes à la Fondation pour la Recherche Stratégique.

    Pour faire renaître un “sentiment national et réconcilier la population avec son passé, il a essayé de trouver des références positives. Il a saisi que la victoire sur l’Allemagne d’Hitler était un élément galvanisant pour la population, grâce à la mise en valeur du rôle de l’Union soviétique dans la libération de l’Europe du nazisme”. Cette date du 9 mai est même plus importante que celle du 12 juin, date officielle de la fête nationale qui célèbre l’indépendance de la Fédération de Russie.

    Comment le 9 mai est devenue une date clé

    Ça n’a pas toujours été le cas, rappelle Emilia Koustova, maîtresse de conférences en civilisation russe à l’université de Strasbourg: “Les premières années qui suivent la fin de la guerre, le régime stalinien puis Krouchtchev (leader soviétique de 1953 à 1964, NDLR ) font le choix de marginaliser cette célébration. Ils redoutent une concurrence et une contestation du pouvoir de la part de l’armée.” Un changement s’opère dans les années 1960 avec le “culte de la guerre” qui met en avant le “passé glorieux et le sacrifice nécessaire à la victoire”, pendant que la souffrance -27 millions de Soviétiques seraient morts entre 1941 et 1945- passe en arrière-plan, continue-t-elle.

    Le Jour de la Victoire le 9 mai 2021. Le Jour de la Victoire le 9 mai 2021.

    Avec l’ouverture des années 1980 grâce à la perestroïka, l’histoire est revue et met en avant des points plus tabous comme le destin prisonniers de guerre ou la collaboration avec le IIIe Reich. Mais les générations qui ont connu la guerre commencent à disparaître et la fin de l’URSS achève d’invisibiliser cette mémoire. Arrive Vladimir Poutine. Lui veut remettre l’histoire au centre de son discours. “Comme en 1945, la victoire sera à nous”, a-t-il répété ce dimanche encore. “Il y a toujours eu une instrumentalisation de la mémoire. Celle-ci est fragile et encore plus facile à manipuler quand les personnes qui ont vécu les événements ne sont plus là”, pointe Emilia Koustova.

    Le maître du Kremlin en a profité. Depuis 20 ans, de nombreuses initiatives sont prises pour inculquer une histoire officielle, oubliant par exemple les crimes de l’Armée rouge ou le pacte de non-agression germano-soviétique de 1939 qui délimitait des sphères d’influences entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Cette nouvelle vision est relayée dans des expositions culturelles, dans les manuels scolaires, mais aussi dans la loi. “En 2014, un texte a été voté pour criminaliser la réhabilitation du nazisme. Sauf qu’il est très flou et permet de punir par des peines allant jusqu’à plusieurs années de prison tout propos qui s’écarte de la version officielle de la Seconde Guerre mondiale. Il réprimande aussi ’la diffusion d’informations sciemment fausses sur les activités de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale”, détaille la maîtresse de conférences.

    “Une obsession personnelle”

    En 2020, Vladimir Poutine est allé encore plus loin. Le référendum lui permettant de rester au pouvoir en s’affranchissant de la limite des deux mandats consécutifs portait également sur un amendement de la Constitution. Celui-ci “proclame que la Fédération de Russie a pour obligation de protéger la vérité historique et interdit de ‘minimiser la signification de l’héroïsme du peuple qui défend la patrie’”, cite Emilia Koustova. Elle dénonce une loi “liberticide pour l’histoire, au signal très fort qui introduit une auto-censure”.

    En fait, Vladimir Poutine “resserre la vis progressivement” sur l’héritage de la Grande Guerre patriotique. “C’est une obsession personnelle, il se sent concerné par cette histoire et il est convaincu de ce qu’il dit. Il pense que la Russie a rempli une mission historique absolue, a sauvé le monde et gagné une bataille du bien contre le mal en 1945”, détaille-t-elle. Un sentiment désormais largement partagé dans la population au vu de la propagande active depuis plusieurs années.

    Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut Thomas Moore et auteur du Monde vu de Moscou (PUF, 2020), n’hésite pas non plus à parler d’obsession de Vladimir Poutine. “La mythification de la Grande Guerre patriotique est la clef de voûte de sa vue du monde. C’est une ‘religion séculière’ ou encore ‘une religion politique’ qui invite les Russes au sacrifice, les y prépare. Elle s’accompagne d’une forme d’idolâtrie de la puissance”, analyse-t-il.

    Redorer le blason de la Russie

    L’histoire de ce conflit tel qu’il est vu par Vladimir Poutine n’est pas seulement un message pour les Russes, mais aussi pour l’Occident, ajoute Isabelle Facon. “Elle est mobilisée pour redorer le blason du pays au niveau mondial, pour justifier sa revendication d’un statut de grande puissance et d’avoir une place à part entière dans le concert européen, en mettant en avant le rôle de l’URSS dans sa victoire contre le fascisme.” Avoir une voix au chapitre est d’autant plus important dans le contexte de fortes tensions avec les États-Unis, l’Europe, et l’Otan, notamment sur la question de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. En 2019 par exemple, le Parlement européen a adopté une résolution mettant sur le même plan le nazisme et la dictature communiste, ce qui a provoqué l’ire de Moscou.

    Ce n’est donc pas un hasard si Vladimir Poutine a multiplié les références à la Shoah pour justifier “l’opération militaire spéciale” en Ukraine (le nom qu’il donne à la guerre), invoquant son désir de “dénazifier” le pays et sauver les peuples du Donbass victimes d’un “génocide”. Encore une fois cependant, il a une vision tronquée de la situation. “Le pouvoir russe instrumentalise à toute force le thème des forces néo-nazies (comme le bataillon Azov, NDLR) et d’extrême-droite en Ukraine, amplifiant leur importance, accusant le pouvoir ukrainien de complaisance à leur égard. Poutine sait que cela résonne fortement dans l’esprit de la population et, espère-t-il sans doute, ailleurs en Europe et dans le monde.”

    Le discours sur la présence supposée de “nazis” n’est pas né en 2022. Emilia Koustova l’a remarqué dès 2014 et le début de la guerre dans le Donbass et en Crimée. “À ce moment-là, cet argument a fait surface et le gouvernement russe a établi une analogie: il se représente comme étant l’Union soviétique de 1941 à 1945. Il dit ’nous serons dignes de nos grands-pères, nous endossons le même rôle historique: lutter contre les nazis et sauver le monde.”

    Outre la rhétorique, même sur le terrain, Jean-Sylvestre Mongrenier voit un autre parallèle avec la Seconde Guerre mondiale: “L’armée russe, comme l’armée soviétique auparavant, est une ‘super-artillerie’: son art de la guerre est un pur art de la destruction, il n’y a pas de savantes manœuvres. C’est ce qu’on voit par exemple à Marioupol ”, ville du sud-est de l’Ukraine. Sauf que cette fois, le succès n’est pas vraiment au rendez-vous.

    À voir également aussi sur le Huffpost: À quoi va ressembler la parade militaire du 9 mai à Moscou ?

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      8-Mai 1945: Emmanuel Macron commémore la fin de la Seconde guerre mondiale

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 8 May, 2022 - 10:43 · 3 minutes

    Emmanuel Macron a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du soldat inconnu à l'Arc de Triomphe, dans le cadre des cérémonies marquant la victoire des Alliés contre l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Emmanuel Macron a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du soldat inconnu à l'Arc de Triomphe, dans le cadre des cérémonies marquant la victoire des Alliés contre l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe.

    COMMÉMORATIONS - Au lendemain de la cérémonie d’investiture de son second mandat, Emmanuel Macron a commémoré ce dimanche 8 mai à Paris le 77e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945 des Alliés sur l’Allemagne nazie. Une cérémonie particulière dans le contexte de la guerre en Ukraine et à la veille du traditionnel défilé militaire russe à Moscou.

    Fraîchement réinvesti , le chef de l’État est arrivé en voiture pour déposer une gerbe devant la statue du général de Gaulle en bas de l’avenue des Champs-Élysées à 11 heures.

    Un bleuet à la boutonnière, le président Macron a échangé quelques mots avec le petit-fils du général, avant de remonter dans sa voiture pour rejoindre l’ Arc de Triomphe , escorté par la grande escorte mixte de la garde républicaine.

    Emmanuel Macron a été salué par quelques passants. En effet, c’était la première fois depuis 2019 que le public était autorisé pour cette cérémonie, après deux années de restrictions à cause de l’ épidémie du Covid-19 .

    Place de l’Étoile, Emmanuel Macron a retrouvé le chef du gouvernement Jean Castex et les ministres des Armées et des Anciens combattants, Florence Parly et Geneviève Darrieusecq. Il a rendu honneur au drapeau, avant de passer en revue les troupes puis de déposer une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu et raviver la flamme.

    Une cérémonie lourde de sens dans le contexte de la guerre en Ukraine

    Interrogée sur le contexte très particulier de cette cérémonie, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a déclaré aux journalistes présents qu’il s’agissait d’un “moment qui prend une signification tout à fait considérable” avec la guerre en Ukraine. “Nous pensions que la guerre avait disparu d’Europe”, a-t-elle ajouté.

    “Aujourd’hui, nous commémorons la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe et la victoire des combattants alliés sur l’ Allemagne nazie . Nous n’oublions pas les soldats venus de toute l’ex-URSS, y compris ukrainiens et russes, qui ont contribué à cette victoire”, a écrit le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur Twitter.

    Cette commémoration ouvre la séquence internationale pour le chef de l’État qui participera dimanche à partir de 17 heures à une visioconférence des membres du G7 “relative à la situation en Ukraine”, avant de se rendre lundi à Strasbourg pour la journée de l’Europe et, dans la foulée, à Berlin pour y rencontrer le chancelier Olaf Scholz.

    Lundi sera le jour également de la célébration par la Russie de la victoire sur l’Allemagne nazie, l’occasion d’une démonstration de puissance militaire en pleine guerre en Ukraine.

    À voir également sur Le HuffPost : Le discours d’investiture d’Emmanuel Macron en intégralité

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      En Normandie, ce lieu mythique du Débarquement s'écroule à cause de l'érosion

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 7 May, 2022 - 19:52 · 2 minutes

    Le Pointe du Hoc. Le Pointe du Hoc.

    ENVIRONNEMENT - L’un des plus haux lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Normandie est victime de l’érosion. Un important pan de la falaise de la Pointe du Hoc, dans le Calvados, lieu symbolique du Débarquement du 6 juin 1944 , s’est effondré ce vendredi 7 mai.

    “En raison de l’érosion progressive de la Pointe du Hoc, une partie de l’affleurement surplombant la Manche s’est effondrée aujourd’hui [vendredi]”, a expliqué dans un communiqué l’American Battle Monuments Commission (ABMC). Selon l’organisme public américain qui gère le site en vertu d’un traité datant de 1956, “personne n’a été blessé dans le glissement de terrain, qui est tombé dans la mer, et il n’y a aucun risque pour les visiteurs”.

    Cité dans le communiqué de l’AMBC, Scott Desjardins, surintendant du cimetière américain de Normandie et de la Pointe du Hoc, indique savoir “depuis 2011 que le paysage culturel de la Pointe du Hoc est en danger à cause de l’érosion des falaises”.

    “Nous continuons d’étudier la situation afin de trouver des moyens d’atténuer les risques et de préserver le site tout en continuant à raconter l’histoire héroïque du lieutenant-colonel James E. Rudder et de ses hommes qui ont escaladé les falaises le 6 juin 1944 pour aider au succès du débarquement allié en Normandie”, a-t-il ajouté.

    “Un symbole de ce que vivent beaucoup de littoraux en Normandie”

    Selon Régis Leymarie, délégué adjoint Normandie du conservatoire du littoral qui est propriétaire du site, ce phénomène était attendu car “ces falaises sont en érosion depuis leur création”. “Il y a une douzaine d’années, on avait convenu avec les Américains et les services de l’État que le confortement du pied de falaise de la Pointe du Hoc avait pour but de freiner l’érosion mais en aucun cas de l’arrêter”, a-t-il poursuivi, arguant que “le site n’était plus comme il était en 1944”.

    Pour le délégué adjoint, l’érosion de la Pointe du Hoc, qui accueille 500.000 visiteurs par an, est “un symbole de ce que vivent beaucoup de littoraux en Normandie et ailleurs avec une accélération du phénomène d’érosion”. La semaine dernière, le gouvernement a publié une liste de 126 communes prioritaires menacées par l’érosion côtière. La majorité d’entre elles se trouvent en Bretagne, 16 en Normandie.

    Pour Scott Desjardins, interrogé par Ouest France , il est désormais important de préserver “la partie où les Rangers ont vraiment mis les pieds en 1944”, située à l’est de la pointe. D’ailleurs en 2010, rapporte le journal régional, des travaux à hauteur de 5 millions d’euros ont été entrepris pour consolider la falaise et le blockhaus.

    Le 6 juin 1944, ce sont 225 rangers qui entreprirent l’ascension de la pointe de plus de 25 m de haut sous les tirs allemands dans des conditions météo détestables. Seuls 90 d’entre eux s’en sortirent.

    À voir également sur Le HuffPost: À Oradour-sur-Glane, Macron décore Robert Hédras, le dernier survivant