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      L’Inde : futur acteur majeur dans la conquête spatiale grâce au secteur privé ?

      Pierre Brisson · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 November, 2022 - 03:30 · 7 minutes

    Le 18 novembre, le Wall Street Journal signalait qu’une petite fusée, la Vikram Sriharikota (Vikram S), construite par la startup indienne Skyroot Aerospace avait atteint l’altitude de 89,5 km.

    En soi cet événement est peu significatif car cette altitude a été dépassée et de beaucoup par toutes les grandes puissances spatiales, au premier rang desquelles la NASA, SpaceX, Roscosmos (Russie), l’ESA, la JAXA, la CNSA (Chine), l’agence publique indienne, ISRO (Indian Space Research Organisation) et même Blue Origin de Jeff Bezos (avec sa fusée New Shepard). C’est en fait l’altitude que peut atteindre Virgin Galactic juste au-dessus de la frontière (ligne de Karman) retenue par la NASA pour définir l’entrée dans l’espace (50 miles).

    Mais ce lancement n’était qu’un premier essai et l’ambition de Skyroot Aerospace est d’aller beaucoup plus loin en devenant un véritable acteur économique du secteur spatial. Elle en a les moyens.

    Cet événement doit attirer notre attention sur une concurrence grandissante pour les acteurs traditionnels du Spatial en Occident et aussi sur l’émergence des acteurs privés en dehors des États-Unis (où le new space fleurit déjà partout). Dans ce contexte l’Inde pourrait se révéler prochainement un participant redoutable ! Elle dispose en effet d’un très grand nombre d’ingénieurs très qualifiés dans tous les domaines pour concevoir les équipements nécessaires ; de toutes les capacités de production industrielles pour matérialiser les concepts en utilisant les technologies les plus sophistiquées ; et d’un avantage d’un coût de production très bas comparable à celui de la Chine.

    L’Inde dans la conquête spatiale

    L’environnement indien est favorable. L’Université d’Hyderabad (ville où la startup a son siège) est, avec l’Université de Bangalore, une des plus grandes universités technologiques de la planète et la majorité des cadres et employés de Skyroot Aerospace en est issue.

    Son partenaire public l’ISRO n’est pas une institution nouvelle. Elle s’est peut-être révélée au monde en novembre 2013 en envoyant son orbiteur martien Mangalyaan et en réussissant à le mettre en orbite de mars à septembre 2014. Créée en 1969, elle est très solide comme le démontre la série de 55 lancements réussis aujourd’hui à son actif (essentiellement des satellites pour observation de la Terre). La mission Mangalyaan est certes une prouesse bien inférieure aux performances de ses prédécesseurs sur le marché, NASA et ESA, et inférieure également à celle de la Chine qui, du premier coup, est parvenue à mettre en orbite de Mars un satellite Tianwen-1, en février 2021 et à partir de cette orbite à déposer un rover Zhurong sur le sol martien en mai 2021.

    Mais elle démontre une capacité technologique indéniable et exprime un intérêt nouveau au-delà de l’orbite terrestre. Le lanceur PSLV (Polar Satellite Launch Vehicle) qui a réussi l’exploit de lancer Mangalyaan avec son 25ème vol est d’une puissance nettement inférieure à celle des lanceurs des agences concurrentes américaine, chinoise, même européen (Ariane 5 de l’ESA) et bien sûr également de SpaceX. Il se situe clairement dans la gamme des petits lanceurs comme le Vega italien de l’ESA.

    Faisons une comparaison sommaire avec l’Ariane V et le Vega.

    Le PSLV a une poussée maximum dans le vide de 4850 kN, Ariane V de 6650 kN, Vega de 3015 kN. Le diamètre de son étage utile (vaisseau) est de 2,8 mètres contre 5,4 mètres pour Ariane V et 3 mètres pour Vega. Elle peut mettre 1,75 tonne en orbite basse lunaire (LEO), Ariane V peut mettre 18 tonnes et Vega 2 tonnes (à nuancer tout de même par le fait que PSLV place ses charges en orbite polaire tandis que les fusées de l’ESA se placent en orbite équatoriale, plus facile).

    Quant au micro lanceur Vikram S, s’il faut bien le prendre comme la première manifestation d’un désir d’espace, il ne peut être utilisé pour jouer dans la même cour que les grands. Il serait plutôt à comparer au New-Shepard de Blue Origin (plutôt qu’au VSS Unity de Virgin Galactic qui n’ira pas plus loin que la frontière de l’espace) ou surtout aux micro-lanceurs développés actuellement en Allemagne par les sociétés Rocket Factory Augsburg (RFA), HyImpulse, Isar Aerospace.

    Les acteurs de Skyroot Aerospace sont des ingénieurs provenant de l’ISRO et qui ont voulu mener leur aventure personnelle sans rompre avec l’ISRO qui les soutient comme la NASA soutient SpaceX. On pourrait parler d’un spin-off . La société a été fondée en 2018 pour produire des SSLV (Small Satellite Launch Vehicles) pouvant donner à des masses de 480 à 815 kg, l’accès à l’orbite LEO équatoriale et à des masses de 290 à 560 kg, l’accès à l’orbite LEO polaire. Surtout ces lancements doivent pouvoir être fournis dans le délai d’une semaine seulement de leur commande, contre six mois pour une grande agence ou pour leurs concurrents allemands agissant sur le même marché. Tout comme en Allemagne, Porsche pour Isar Aerospace, l’actionnaire « graine » (seed) qui a permis le lancement de la startup Skyroot Aerospace est un étranger au secteur, un certain Mukesh Bansal, propriétaire de CureFit, société de sport et bien-être, un Indien riche comme il y en a beaucoup.

    Le motif est clairement de devenir profitable (désolé pour les Français que cela mettrait mal à l’aise). Comme quoi nous sommes bien entrés dans ces deux pays dans le new space , comme aux États-Unis. L’objectif de Skyroot Aerospace est de prendre une part du très compétitif marché international des petits lanceurs (15 000 à 20 000 lancements possibles dans la prochaine décade). Mais précisément, les Indiens savent parfaitement faire le low cost et ils ont accès à ce marché beaucoup plus facilement que les Chinois qui jouent pour le moment en circuit fermé. La concurrence avec l’Allemagne va être féroce. Déjà il semble que les Allemands soient légèrement en retard. Spectrum, d’Isar Aerospace, 27 mètres de hauteur, ne sera lancée qu’à la fin de cette année.

    Globalement, il faut voir le lancement de Vikram S comme la démonstration de la capacité d’une société indienne devenue une puissance industrielle qui a renoncé au socialisme et qui se débrouille par elle-même sans recourir à des institutions internationales au sein desquelles une grande partie de l’énergie est consacrée à trouver des accords où à répartir des tâches. À l’inverse, c’est la démonstration qu’une société lourdement structurée comme la société européenne (et française en particulier) et dont les coûts de production sont beaucoup trop élevés (France, Allemagne, Italie), est condamnée à perdre son hégémonie dans ce qui étaient des secteurs préservés en raison de son avance technologique acquise dès le XIXe siècle. Comme SpaceX, Skyroot Aerospace est indépendante mais trouve beaucoup de bienveillance et de coopération chez ISRO qui se consacre en direct à des lancements plus importants ou à justification scientifique.

    Dans ce contexte, les Allemands devraient faire très attention, mais le pourront-ils compte tenu de la différence de coûts ? En tout cas les Indiens bénéficieront sûrement du marché du tiers monde, surtout la petite société Skyroot Aerospace, peu chère, adaptable et rapide. Il faudrait que la société européenne ouvre les yeux et décide de desserrer le carcan de l’État qui complique tout par des règlements catastrophiques, mette fin à l’assistanat qui plombe toute initiative par des coûts impossibles à supporter, retrouve la liberté de ses prix dans une concurrence non faussée. Mais le peut-elle et même le voudra-t-elle avant avoir touché le fond ?

    Par ailleurs, le spatial est arrivé à un stade de développement où l’action de défricheur de l’État, tout comme en recherche fondamentale, n’est plus nécessaire à défaut de l’intérêt qu’y porteraient des personnes privées désintéressées ou plutôt simplement passionnées. Il est évident que des secteurs très importants du spatial peuvent être maintenant développés avec des perspectives de profit. Cette recherche de profit est donc devenue un moteur suffisamment puissant pour que l’État laisse le rôle d’exploitant à ceux qui savent faire et qui en ont les moyens. Le comprendre et appliquer le principe serait un excellent exemple de politique de subsidiarité.

    Compte tenu de la conjoncture politique et de la folie autoritariste qui a saisi « l’empereur » Xi Jinping, on peut envisager des troubles de plus en plus fréquents en Chine, au détriment bien sûr de l’activité dans toutes sortes de domaines, y compris le spatial. La dictature n’est pas le meilleur environnement pour permettre l’épanouissement des initiatives individuelles ou des « Cent fleurs » comme on dit là-bas. Ce qui affaiblirait la Chine ne serait pas meilleur pour l’Europe mais serait excellent pour l’Inde et la prometteuse Skyroot Aerospace.

    Sources :

    https://www.wsj.com/articles/india-successfully-test-launches-its-first-privately-developed-rocket-11668778248?mod=world_minor_pos2

    https://skyroot.in/

    https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-allemagne-passe-a-l-offensive-dans-les-microlanceurs.N1174022

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      Les retraites complémentaires du privé menacées par ceux qui ne sont pas concernés

      Nicolas Lecaussin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 20 October, 2020 - 03:10 · 2 minutes

    les retraites

    Par Nicolas Lecaussin.
    Un article de l’Iref-Europe

    Pourquoi faut-il que nos retraites complémentaires (celles du privé) soient confiées à des syndicalistes et à des gens qui ont fait leur carrière dans le public et qui ne sont nullement concernés par la retraite complémentaire Agirc-Arrco ?

    Dans le régime unique envisagé par Macron , les régimes complémentaires du privé seraient adossés au régime général : la Sécurité sociale bénéficierait ainsi des dizaines de milliards (70 milliards pour Agirc-Arrco) de réserves des caisses de retraite ! Mais est-ce qu’il restera encore de l’argent ?

    Car, selon les dernières nouvelles, la situation semble empirer. Le 5 octobre dernier, on a appris que contrairement à ce qui était prévu les pensions de retraite complémentaire des salariés du privé pourraient ne pas être revalorisées le 1er novembre du montant de l’inflation, mais gelées jusqu’à l’année prochaine. C’est la préconisation du bureau de l’Agirc-Arrco qui sera soumise à l’approbation du conseil d’administration du régime de retraite.

    Les comptes du régime Agirc-Arrco affichent un déficit qui pourrait se creuser cette année à 6,5 milliards d’euros, après être revenus à l’équilibre l’an dernier. Les réserves baissent au regard des charges à couvrir : alors qu’elles représentaient 81 % des prestations servies en 2019 et encore 73 % en 2020, elles devraient tomber à 67% en 2021 et passer sous la barre des 50 % en 2026.

    À cette date, les réserves représenteront donc moins des six mois de prestations prévus dans l’accord de 2019.

    Agirc-Arrco, ce sont plus de 23 millions de cotisants et presque 13 millions de retraités du… privé. Ce sont donc eux qui vont souffrir alors que les fonctionnaires et les retraités de la fonction publique n’ont aucun souci à se faire pour leur retraite.

    Pour sauver la retraite complémentaire, il faudrait réformer en profondeur le système, et non plus la confier aux « partenaires sociaux » et autres représentants de la sphère publique.

    Jean-Claude Barboul, le président CFDT de l’Agirc-Arrco, a fait carrière au sein des Assédic et de Pôle Emploi. Le (nouveau) directeur de cabinet de l’Agirc-Arrco, Frédéric Amar, est administrateur civil, diplômé de l’ENA. Il a débuté à la direction du Budget, au ministère des Finances, et a exercé des fonctions de conseiller dans plusieurs cabinets ministériels entre 2006 et 2009. Il était depuis juin 2017 adjoint au sous-directeur des retraites et de la protection sociale complémentaire, au sein de la direction de la Sécurité sociale (DSS). Il a également occupé pendant six ans, de 2009 à 2015, les fonctions de directeur de cabinet et de secrétaire général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

    Pourquoi faut-il que nos retraites complémentaires (celles du privé) soient confiées à des syndicalistes et à des gens qui ont fait leur carrière dans le public et qui ne sont nullement concernés par la retraite complémentaire Agirc-Arrco ? Mettons nos retraites dans des fonds de pension pour les sauver. Comme dans beaucoup d’autres pays.

    Sur le web

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      Fonctionnaires : plus utiles aux autres que les autres ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 May, 2020 - 03:45 · 8 minutes

    fonctionnaires

    Par Nathalie MP Meyer.

    Étonnant et « émouvant » article , la semaine dernière, dans Les Échos Start, le site du quotidien Les Échos dédié aux jeunes qui entrent dans la vie active : dans sa rubrique « Travailler mieux » , ce qui ne manque pas d’une certaine ironie qui s’ignore, le média lance l’idée que la crise du Coronavirus, en renforçant le rôle de l’État et des collectivités locales, pourrait redonner ses lettres de noblesse à l’ambition de devenir fonctionnaire.

    Étonnant, parce qu’avec le recul sur la gestion de l’épidémie dont on dispose maintenant, on n’est pas franchement frappé par l’état de préparation et la réactivité avec lesquels les pouvoirs publics ont abordé la crise sanitaire.

    On a plutôt le sentiment que les solutions en matière de masques, de gel hydroalcoolique, de respirateurs, de visières etc. sont d’abord venues d’initiatives privées petites ou grandes, même s’il s’est trouvé abondance d’esprits grincheux à droite et à gauche pour y trouver à redire.

    Et « émouvant », parce que malgré les lourdeurs bureaucratiques, salariales et managériales dont la liste assortie de multiples exemples constitue quand même la moitié de l’article, les jeunes professionnels interrogés par le journaliste des Échos Start confient tous avoir choisi la voie de la fonction publique « pour se rendre utiles ».

    On comprend donc que pour eux, l’autre grande forme de travail, à savoir la marchande, c’est-à-dire celle du chiffre d’affaires et du profit, ne permet pas de se rendre utile aux autres et à la société en général.

    Pour le dire dans les mots d’Axel, l’un des jeunes en question :

    Je n’avais plus envie de me lever chaque matin en me disant « allons faire augmenter un chiffre d’affaires » .

    Il n’y a évidemment aucun mal à préférer travailler dans la fonction publique et il n’y a évidemment aucun mal à ne pas se sentir fait pour la vente et le commercial, surtout si l’on n’aime pas le produit que l’on doit vendre, comme cela semble avoir été le cas pour Axel.

    Mais la formulation du « se lever chaque matin » qui entretient un rapport direct avec le sens qu’on souhaite donner à sa vie laisse poindre une forme de dénigrement moral des activités marchandes qui tombe assez mal quand on sait à quel point la fonction publique est loin d’être ce havre de désintéressement et de dévouement exemplaires fantasmé par l’esprit étatique français.

    Si la conscience professionnelle existe et peut pousser parfois à l’excellence, l’absence de mise en concurrence, l’extension bureaucratique permanente ainsi que la sécurité de l’emploi à vie ne sont guère de nature à stimuler l’ardeur au travail :

    Effectifs pléthoriques comparativement à nos voisins ( 5,64 millions d’agents en 2018), absentéisme élevé , laxisme dans les horaires de travail, appropriation des moyens de l’État au profit des petites affaires privées de certains agents, propension aux fiascos informatiques par centaines de millions d’euros, grand n’importe quoi dans la gestion des fonds européens , faible productivité et piètre qualité des services rendus – tout ceci est connu, documenté et mille fois dénoncé dans de multiples rapports qui s’empilent à la Cour des comptes ou au Sénat.

    Tout ceci est connu mais ne compte pas. L’esprit étatique aime d’autant plus à s’octroyer une supériorité morale et une palette infinie d’intentions distinguées en faveur du bien commun et de la justice sociale qu’elles lui permettent de mettre ses politiques à l’abri de toute critique, quels que soient les résultats, puisque finalement, de façon assez pratique pour les hommes de gouvernement, c’est l’intention qui compte.

    Une intention naturellement généreuse du côté de l’État qui a été incapable de gérer convenablement un stock stratégique de masques alors que c’était de sa responsabilité en tant que détenteur du monopole de la santé et de la Sécurité sociale ; et une intention naturellement sombre et intéressée du côté des groupes privés de la grande distribution qui se sont mis en état de fournir des masques en abondance à leurs clients dès qu’ils en ont eu l’autorisation.

    Or comme le remarquaient déjà Montesquieu en 1748, Turgot en 1759 ou Adam Smith en 1776, non seulement l’intérêt particulier agit en faveur de l’intérêt général, mais il agit mieux que toute intervention étatique – l’affaire des masques en est une illustration aussi récente qu’évidente :

    « Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers. » ( Montesquieu , De l’esprit des Lois )

    « L’intérêt particulier abandonné à lui-même produira toujours plus sûrement le bien général que les opérations du gouvernement. » (Turgot)

    « Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, (l’homme) travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » (Adam Smith, Richesse des nations, Livre 4, chapitre 2 )

    On ne demande pas à nos fournisseurs d’avoir de bonnes intentions à notre égard. On leur demande d’avoir des résultats, c’est-à-dire de nous fournir des produits et des services d’une qualité telle que nous serons d’accord pour les acheter à un certain prix qui les satisfera également. Adam Smith à nouveau :

    Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attention qu’ils accordent à leur propre intérêt. ( Richesse des nations , Livre 1, Chap. 2 )

    L’intérêt du boucher ou du boulanger, c’est de vendre le plus de viande ou de pain possible au prix le plus élevé possible compte tenu de la concurrence , donc de donner le plus de satisfaction possible à leurs clients : aller chercher les meilleurs troupeaux, les meilleures farines, etc.

    Voilà comment l’intérêt des premiers s’aligne parfaitement sur l’intérêt des seconds et voilà pourquoi la recherche du chiffre d’affaires (et du profit , qui est l’indice d’une bonne utilisation des ressources par l’entrepreneur) n’est pas l’horreur économique décrite par les étatistes mais l’indice qu’on a été utile à ses clients.

    Il se trouve que l’hebdomadaire LSA (Libre Service Actualité) daté d’hier 21 mai 2020 donnait la parole à 18 salariés d’entreprises du secteur de l’agro-alimentaire telles que Bel (fromagerie), Fleury Michon (charcuterie) ou encore Roc’hélou (biscuiterie) pour recueillir le témoignage de ceux qui « font tourner les usines » qui ont approvisionné les Français pendant le confinement anti Covid-19.

    Des salariés seraient certainement bien surpris d’apprendre qu’ils ne se rendent pas assez utiles, car tous expliquent comment leur structure déjà très sensibilisée aux questions d’hygiène en temps normal a rapidement mis en place les gestes barrière et a adapté sa production et sa logistique. Par exemple :

    Travailler dans l’industrie agro-alimentaire dans une période aussi complexe est un défi permanent, mais c’est aussi une expérience humaine et professionnelle très forte. Dès le premier jour de la crise, mon métier, la supply chain (logistique d’approvisionnement), a été l’un des maillons essentiels aux côté des usines, cela a été notre moteur et nous en sommes fiers. (Maria José Tabar, directrice Supply Chain, Bel France)

    On a coutume d’admirer les médecins, les infirmiers, les professeurs. Les deux premiers sauvent des vies, les seconds font accéder les enfants au savoir, c’est évidemment admirable. Les politiciens et les fonctionnaires disent qu’ils se dévouent au bien commun dans l’optique de faire du monde a better place . Tout aussi admirable (mais non dénué d’une certaine forme d’autoritarisme – autre sujet).

    Mais médecins, professeurs, politiciens vivent-ils seulement du bonheur de la mission accomplie et d’eau fraîche ? Eux aussi doivent manger, se vêtir, se loger, se déplacer. Eux aussi partent en vacances, vont au spectacle et font du sport. Eux aussi utilisent un ordinateur ou un téléphone portable. En réalité, dans une économie d’échange, chacun dans son domaine et à son niveau contribue à se rendre utile aux autres.

    L’idée qu’il y aurait ceux qui se rendent utiles (fonction publique) et ceux qui font du chiffre d’affaires (secteur marchand) relève d’une vision manichéenne très en vogue en France mais sans rapport avec la vie réelle.

    Du reste, d’où viendraient les impôts qui paient les fonctionnaires et leurs ambitieux projets solidaires et sociaux s’il n’y avait pas quelque part quelqu’un qui produisait du chiffre d’affaires , c’est-à-dire qui contribuait à la création de richesse résultant de l’échange de biens et services entre personnes libres de leurs choix économiques ?

    On peut détester l’idée d’avoir à courir après le chiffre d’affaires et vouloir un métier qui permettra d’y échapper, mais on ne peut passer sous silence le fait que tout, absolument tout ce qui assure notre vie sociale et économique, est payé au départ par le chiffre d’affaires des activités marchandes.

    On ne peut passer sous silence que ce sont les hommes et les femmes du chiffre d’affaires qui créent de la richesse tandis que l’État français, secondé par sa police et la force de lois fiscales et sociales spécialement taillées pour satisfaire sa voracité sans limite, se contente d’en accaparer sans risque une part chaque année plus importante – 46 % du PIB en 2018, un record mondial – pour se rendre « utile » aux autres.

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