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      Vaccination des soignants : la mauvaise santé du pouvoir

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 22 February, 2023 - 03:40 · 7 minutes

    Je ne suis d’aucun clan, d’aucun parti, d’aucune Église. Je m’en tiens aux faits et aux données mais dans le domaine de la vaccination, je peux revendiquer être pro. Sans entrer dans le détail et gagner ces petites zones d’ombre où se tapit le diable. Sans occulter non plus les travers éventuels. Enfant, j’ai longuement rêvassé sur l’image d’Épinal, en couverture des manuels scolaires, vous savez, cet innocent Joseph Meister . Le pauvre berger de neuf ans irrémédiablement condamné n’attendait plus que l’échéance quand… bing , il fut sauvé par Pasteur et la science d’Auguste Comte. Ainsi, malgré mes prétentions à l’objectivité, je subis peut-être ce petit biais affectif : Thomas Kuhn l’a dit, la science n’est pas vérité. Elle n’est que paradigmes.

    Avant le covid, je militais en faveur de la vaccination Gardasil car les les cancers du col tuent 8 millions de femmes chaque année dans le monde. Ma fille chérie a d’ailleurs été vaccinée.

    Tant d’autres vaccins ont bouleversé la donne. Comme pour toute thérapeutique providentielle, comme pour toute forme de progrès, particulièrement en ces heures de trouilles systématisées, l’homme aime casser le jouet. Prenez le cancer de la prostate. Dans les années 1980, le dépistage par le PSA (Prostatic Specific Antigen) et la thérapeutique ont phénoménalement progressé. Peut-être avons-nous dans la foulée, transitoirement surtraité et surdépisté mais cette page est tournée de longue date. Au début des années 2000, certains confrères ont pris le dépistage en grippe avant que le débat ne s’équilibre à nouveau. Un certain temps… Souvenez-vous des paradigmes. Pourtant, j’entends encore, à l’occasion, qu’il est scandaleux de dépister le deuxième cancer de l’homme. Restons rationnels. Certes, la médecine est humaine et imparfaite mais les intentions des soignants sont en majorité louables.

    Le vaccin, nouvelle cible des énervés, subit le même sort que le PSA.

    Restons cohérents et laissons l’émotionnel aux non scientifiques. Hélas, un génial président a savonné la planche et engendré des générations de réfractaires, en proclamant « emmerder les non-vaccinés . » Du pur génie… Il n’avait pas dû recevoir le précieux vaccin Anti-Ab-Ruti, du laboratoire Gédu-Bonsens. L’objectif était-il de convaincre les indécis ou de soumettre indistinctement les peuples ? Tout est là, en réalité car quelle est la mission du dirigeant ? Diriger.

    Mais les vaccins, alors ?

    Médicalement, ils sont une providence mais ils font l’objet d’une intervention étatique du fait de leur poids sur la santé publique. Dès lors, le message est brouillé. L’État œuvre à soumettre. Cerfa et médecine ne font pas bon ménage , comme l’a démontré la crise liée au covid, avec ses absurdités récurrentes, ses bidules de premières nécessités, ses horaires ésotériques et ses leçons de vertu médico-républicaine… Nos fonctionnaires disposaient enfin d’une guerre et ils se sont rêvés stratèges. Le virus, lui, s’est naturellement éteint après deux à trois années de nuisance, comme ses huit précédents confrères l’avaient fait. Un simple benchmarking permet de constater que la mortalité, faible et concentrée sur la population des personnes âgées fragiles, n’a guère varié en fonction des politiques. 427 milliards d’euros ont été dilapidés en grande partie en pure perte. Ceux qui appellent à la redistribution des fortunes de nos milliardaires ont eu la démonstration de l’inanité de leurs thèses.

    Concernant le covid, le vaccin n’est pas stérilisant . Le vacciné reste en capacité d’infecter son patient. Chaque année, je me bats pour que le personnel se prémunisse contre la grippe afin de limiter les risques pour les patients les plus fragiles. J’ai le souvenir d’une infirmière, atteinte dans le service d’une hépatite B, dont le mari, contaminé dans l’alcôve, a perdu la vie. Hépatite fulminante .

    Donc oui au vaccin chez les soignants, bien évidemment mais avec finesse. Concernant le covid, je ne partage pas l’avis de ceux qui plaident pour une obligation, avant tout pour des raisons médicales puisqu’il ne protège pas les patients exposés au soignant contaminé mais également pour d’autres motifs. Ce vaccin suscite la peur et le bon médecin cherche à apaiser, non à terroriser. Voulons-nous encore plus d’antivax ? Miraculeusement, sous la pression de l’opinion, le législateur semble enfin admettre ces évidences. Trop de malheureux ont payé de leur santé les obligations administratives diverses.

    Prenez les PCR. Récemment, un de mes patients a dû se ronger des mois avant d’avoir son IRM prostatique. Le délai habituel est de deux à trois mois mais il portait un pacemaker. L’IRM est un énorme aimant et organiser l’examen a pris du temps. Le patient redoutait, à juste raison, un cancer que l’IRM a confirmé. J’ai aussitôt programmé une biopsie mais le jour de l’intervention le pauvre a été renvoyé : il avait fait un test antigénique et non une PCR. Vacciné cinq fois, asymptomatique, il a dû attendre trois semaines supplémentaires avant d’avoir la preuve définitive de son cancer de prostate et d’embrayer sur le bilan d’extension avant la thérapeutique. Était-il judicieux de perdre plus de temps ? Le pire est que, quand je l’ai appelé pour m’excuser, alors qu’il avait été renvoyé avant même que je sois informé par la direction de la clinique, il s’est excusé. J’attends que le directeur ou tout fonctionnaire m’explique la différence entre un test antigénique et une PCR endonasale chez un asymptomatique vacciné. Hélas, les citoyens se soumettent à l’État, supposé éclairé. Si l’administration se substitue au pouvoir médical, la catastrophe ne peut que suivre.

    En l’absence de toute rationalité concernant la gestion de ce vaccin covid, si l’on admet que malgré toutes les évidences contraires, nos technocrates disposent d’une certaine forme d’intelligence, il ne reste que leur essentielle préoccupation, la soumission. Le pouvoir ne tolère que difficilement les reniements. On en revient à l’emmerdeur de non vaccinés. Comment rétropédaler quand on est allé aussi loin dans l’invective ? C’est difficile mais n’aurait-on pas dû éviter préventivement ces excès verbaux ? Cette évidence semble excéder les maigres compétences du chef des chefs, qui se laisse déborder par ses émotions, exposant au grand jour lesdites faibles aptitudes. Alors tout cela va prendre du temps. Nos mégalos qui n’aiment pas avaler leur chapeau vont pourtant devoir s’habituer à ce régime. Énergie, économie, écologie, diplomatie, l’heure de la facture approche.

    En 1969, la grippe asiatique a probablement fait autant de victimes que le covid, si l’on considère que le bloc communiste ne communiquait pas ses données. Alors, on envisageait de ne masquer que les femmes, supposées plus bavardes donc plus facilement vectrices. Sous le coup de l’émotion, on attaquait l’Institut Pasteur avec des arguments parfois aussi faibles que certains de ceux réservés à Bigpharma. On critiquait le grand Pompidou, qui s’en est évidemment mieux sorti que le petit Macron. Les années passant, je crains qu’il ne subisse ce type de revers de manière insistante. Il a créé les conditions de la crise en hystérisant un sujet médical. Qu’il assume. Ma préoccupation va au citoyen.

    Autres victimes de la politique de santé, les soignants exclus… Ils sont assez peu nombreux. Dans l’établissement où j’exerce cela se réduit à une infirmière mais une injustice est-elle moindre si elle ne touche que peu de monde ? Pompiers, infirmières, aides-soignants, des tas d’innocents ont été exclus de leurs entreprises et ostracisés pour de mauvaises raisons, liées à l’interprétation erronée de données médicales par des fonctionnaires plus rompus au Cerfa qu’à la biostatistique. Un grand président s’en excuserait et réintégrerait en masse. Un petit prétentieux se perdrait en manœuvres dilatoires, esquiverait, diluerait, prétexterait, fuirait, réinventerait… Nous verrons mais on n’échappe pas à sa condition. Sauf si l’on a reçu le vaccin que j’évoquais en première partie, évidemment.

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      5 nouvelles ordonnances pour sauver les soins

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 5 February, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    Dans un précédent article je prescrivais 5 ordonnances portant sur le système organisationnel de la santé. Simplifier son organisation et supprimer 100 000 postes administratifs ne suffiront pas sans revaloriser les professions du soin.

    Les négociations conventionnelles sont au point mort. Les mesures annoncées par le ministre vont décourager les étudiants à faire médecine générale ou à s’installer.

    La médecine de ville

    Le nombre de médecins généralistes en activité régulière a décru. Cette baisse devrait s’accentuer dans les dix prochaines années, notamment en raison du départ à la retraite de près d’un quart des effectifs.

    Le Conseil de l’ordre estime qu’en 2025 les généralistes qui exercent de façon régulière ne seront plus que 77 000 alors qu’aujourd’hui ils sont plus de 220 000.

    La DRESS précise que « la moitié des effectifs a dépassé les 55 ans et 30 % ont plus de 60 ans. »

    À cette tendance vient s’ajouter le basculement d’un mode d’exercice libéral de la médecine vers le salariat ou une activité mixte. Près de 63 % des 8600 nouveaux médecins inscrits à l’Ordre en 2017 étaient salariés. Parmi eux 20 % ne sont pas diplômés en France. Ceux qui choisissent l’exercice libéral sont remplaçants pour plus des deux tiers. Cette évolution s’accélère avec les nouvelles contraintes.

    Le salariat n’est pas la solution car les médecins libéraux effectuent un nombre d’heures et de consultations plus important que celui des médecins salariés. Ils constituent la principale offre de soins de premier recours et un maillon essentiel du parcours de soins des patients. Les nouveaux médecins, ce qui est respectable, ne veulent pas travailler à ce rythme. Si rien ne change, il faudra doubler le nombre de médecins formés.

    L’ article 1 de la Loi Rist crée un nouveau statut : « l’infirmier en pratique avancée praticien (IPAA)». Celui-ci pourra « intervenir en première ligne » sur des pathologies courantes « identifiées comme bénignes ». Cest une pure vue de l’esprit.

    L’hôpital

    Les praticiens hospitaliers ne peuvent plus assurer la triple fonction de soins enseignements recherches avec la multiplication des tâches administratives. Outre la simplification de ces dernières il faudra sortir le salaire des soignants de la grille des fonctionnaires. Toute l’organisation doit ainsi être réformée.

    L’organisation des services

    Les chefs de services doivent retrouver leur indépendance.

    Les grands mandarins ont été éliminés à la suite des réformes successives car ils déplaisaient au pouvoir par leur résistance. Des petits mandarinats administratifs les ont remplacés et se sont multipliés en créant de plus en plus de structures comme les pôles qui paralysent les soignants les plus motivés.

    Le retour de vrais chefs de services responsables du choix de leurs équipes et de l’organisation compléterait cette réforme et donnerait davantage de souplesse et de temps à consacrer aux malades.

    Un hôpital doit être centré sur le soin. Un pôle universitaire hospitalier avec l’enseignement, la recherche, le codage et l’administration ne consacre que 50 % de son temps aux soins. En conséquence les malades sont pris en charge avec retard, les internes ne sont plus assez encadrés ce qui nuit à leur formation.

    La pénurie de chirurgiens compétents

    On ne compte plus le nombre de péritonites, conséquences du retard de leur prise en charge par un chirurgien, après des attentes excessives de diagnostic.

    La spécialité de chirurgie générale qui permettait de prendre en charge les urgences a été supprimée. Ainsi de nombreux jeunes chirurgiens ne savent plus opérer une hémorragie grave par rupture de grossesse extra-utérine ou une rupture de rate.

    Avec la pénurie de chirurgiens formés aux urgences abdominales et à la traumatologie, les retards s’accumulent. Une simple appendicite devient une péritonite et une occlusion se perfore faute d’être opérée à temps.

    Pour l’Académie de chirurgie « 45 % des urgences chirurgicales sont prises en charge avec retard . » Les militaires ont maintenu la formation à l’ancienne. En OPEX elle permet de prendre en charge en binôme les urgences.

    L’urgence devra être mieux prise en charge

    Au service des urgences à l’hôpital, des malades meurent encore sur des brancards car les cas graves se mélangent avec la bobologie. L’attente dans ces services peut atteindre 12 à 24 heures. La pénurie de personnel et de surveillance peut même aboutir à un viol . Il faut des lits et du personnel disponibles pour éviter ces drames et adapter les locaux.

    Lors du débat sur les urgences au Sénat le sénateur Jean-Paul Savary a évoqué les solutions que j’expose dans Blouses Blanches colère noire .

    Les médecins généralistes devraient pouvoir prendre en charge les petites urgences et savoir suturer. La tarification trop basse et la surcharge d’activités ne le permettent pas.

    Il faudrait parallèlement donner aux chirurgiens un tronc commun de formation en chirurgie générale.

    Le tri effectué par le 15 instauré à l’initiative du nouveau ministre de la Santé n’a fait que déplacer le problème. Trier par téléphone nécessite un personnel formé et donc des médecins régulateurs alors que l’on manque de soignants. Orange a déjà buggé ce qui rend alors les appels impossibles. Que se passera-t-il en cas de coupures des réseaux ? Des décès après échecs ou erreurs par le 15 commencent à être signalés.

    La submersion des services pédiatriques

    L’épidémie de bronchiolites est un phénomène hivernal récurrent. Chaque année en hiver les services sont submergés par les problèmes respiratoires aigus, grippes et bronchiolites.

    La pénurie de personnels spécialisés persiste car le numerus clausus n’a pas été supprimé à l’internat et a entraîné un manque de pédiatres et de réanimateurs. Ainsi 25 % des familles n’ont pas de pédiatres dans un rayon de moins de 100 km .

    À cela s’ajoute l’absence des personnels non-vaccinés toujours suspendus et la baisse des précautions sanitaires à la sortie de la pandémie.

    Ces problèmes dépassent la pédiatrie. Toutes les spécialités sont en sous-nombre. Par exemple, 22 % des femmes n’ont pas accès à un gynécologue .

    La Sécurité sociale et les conventions

    Le budget de la Sécurité sociale s’élève à 470 milliards d’euros de prestations. Celui de la santé a dépassé les 227 milliards d’euros soit une dépense moyenne de 3350 euros par habitant. Son poids dans le produit intérieur brut reste stable (9,1 %) et le reste à charge est de 8 à 9 %. Les dépenses de la médecine de ville représentent 25 % dont seulement 10 % pour les honoraires médicaux des non- spécialistes. Celles consacrées aux hôpitaux est de 47 %. L’hospitalisation publique absorbe 75 % du budget hospitalier mais n’assure que 25 % de l’ensemble des soins.

    Le déficit cumulé de la Sécurité sociale de 226 milliards qui était cantonné dans la CADES a été partiellement remboursé par de nouveaux impôts. La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et la contribution sociale généralisée (CSG) créées dans ce but n’ont pas cessé d’augmenter.

    Le covid a recreusé ce déficit en 2020 dépassant les 39 milliards. En 2021 il était encore de 21 milliards. Celui de 2022 devrait atteindre 20 milliards. Quand aux mutuelles : pour 100 euros cotisés seulement 57 euros sont destinés à rembourser les prestations.

    Les fraudes

    Elles sont nombreuses et difficiles à chiffrer compte tenu d’une omerta politique volontaire sur cette situation.

    Dans Cartel des fraudes le magistrat Charles Prats dénonce : « On compte plus de 75 millions d’assurés sociaux pour 67 millions d’habitants en France. » Une retraite sur deux serait versée à des personnes nées à l’étranger. On ne sait pas s’ils sont encore vivants.

    Mettre fin à ces fraudes dégagerait du financement pour porter la consultation en médecine générale à 50 euros et augmenter les salaires des infirmières de 1000 euros par mois pour un coût total estimé à 14 milliards.

    L’existence de deux systèmes de couverture, Sécurité sociale et complémentaires, multiplie les frais de fonctionnement. Faut-il laisser à la charge de la première le remboursement des cures thermales ou de certains arrêts de travail qui pourraient relever des secondes ?

    La convention

    Le problème du conventionnement en secteur 1 est qu’il est national. C’est une ineptie car la valeur d’une consultation de 25 euros n’est pas la même à Paris ou dans une petite ville compte tenu du coût de la vie et du logement en particulier. L’autre problème est celui des forfaits, une stupidité car ils ne sont pas des critères de qualité. Ils favorisent une médecine aux ordres. Enfin les contrats territoriaux d’accès aux soins avec 4 niveaux est ubuesque…

    La CCAM qui code les actes médicaux a plus de 13 000 références ; une simplification s’impose.

    Prescriptions

    Ordonnance 1

    Former mieux et plus vite les médecins généralistes en 7 ou 8 ans.

    Ordonnance 2

    Supprimer les pôles.
    Remettre les services sous la responsabilité d’un chef.
    Revoir le statut des praticiens hospitaliers.

    Ordonnance 3

    Réorganiser les locaux des urgences.
    Faire participer les internes avec les urgentistes à leur prise en charge.

    Ordonnance 4

    Augmenter le nombre de postes des spécialités sous tension.
    Faire participer les libéraux des cliniques à leur formation.

    Ordonnance 5

    Lutter contre les fraudes sur les retraites et les prestations de la carte vitale.
    Redéfinir les prestations prises en charge par la Sécu et les complémentaires.
    Revaloriser le tarif des consultations.

    Telles sont les grands axes des réformes nécessaires pour sauver notre système de soins.

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      Les « médecins irresponsables » selon Mme Borne

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 6 January, 2023 - 04:15 · 7 minutes

    Un article de La Nouvelle Lettre.

    Sans doute troublée par le dossier sur les retraites, notre Premier ministre a dépassé les bornes. Elle s’est crue autorisée à condamner sans nuance les médecins qui ont reconduit leur grève cette semaine.

    On peut critiquer son comportement puisqu’il suggère l’existence de deux sortes de grèves et de grévistes : d’un côté grèves responsables des cheminots, contrôleurs ou conducteurs, grèves des aiguilleurs du ciel , des enseignants, des permanents du spectacle, et d’un autre côté grèves irresponsables des médecins et autres nantis et rapaces qui négligent leur devoir de soigner.

    Une grève responsable s’inscrit dans la lutte des classes, le progrès social est arraché grâce au courage des grévistes, une grève irresponsable n’est inspirée que par la cupidité insatiable de nantis ayant des revenus et des patrimoines hors du commun.

    Deux logiques inconciliables

    En fait, ce qui déstabilise sans doute madame Borne, c’est qu’elle a en tête la logique collectiviste de la santé publique alors que l’exercice de la médecine commande une logique libérale. La santé publique a fait ses preuves, elles sont devenues évidentes et accablantes depuis des décennies. La médecine libérale a progressivement disparu, elle ne peut plus s’exercer comme naguère – tant pis pour les médecins proches de la retraite mais aussi pour les médecins jeunes qui ont répondu à une vocation.

    La santé publique réglemente un prix à l’acte, la médecine libérale est honorée en fonction des personnes : le malade, le praticien.

    La santé publique est gérée comme une administration, la médecine libérale implique une relation personnelle.

    Le fossé n’a cessé de se creuser et la position dominante de la santé publique a produit tous ses effets : concentration et bureaucratie. La concentration aboutit à assimiler santé et hôpitaux publics de sorte que le médecin est devenu marginal ou intégré de force dans le complexe, en devoir d’obéir à la bureaucratie. Cette bureaucratie est ruineuse, elle multiplie les démarches et les emplois inutiles, on sait que 37 % du personnel hospitalier n’est pas soignant . De la sorte les mêmes soins sont administrés dans les cliniques privées à des coûts inférieurs d’un tiers ou d’un quart. Évidemment les partisans du secteur public dénoncent l’obsession de la rentabilité et sont prompts à relever les erreurs et les scandales et réclament la nationalisation de tout ce qui est privé – comme si les erreurs et scandales épargnaient l’hôpital public. On fait aussi allusion à la vocation de l’hôpital public de développer la recherche mais beaucoup de chercheurs et praticiens quittent la France pour aller exploiter leurs talents ailleurs (aux États-Unis en particulier).

    La concurrence est interdite dans la logique de la santé publique, elle est bénéfique dans la logique libérale, en médecine et en recherche scientifique comme ailleurs.

    Pénurie de médecins : pourquoi ?

    Une fausse lecture de la réalité relie les déserts médicaux au niveau des revenus et des avantages des médecins. La revendication pour des consultations et visites mieux payées serait-elle la réponse naturelle à la disparition des médecins « de campagne » ? Certains médecins peuvent le penser, des manifestants (naturellement apolitiques, intègres et désintéressés) ont défilé contre les grévistes avec des pancartes « money, money ». Mais il y a beaucoup à dire à ce raccourci.

    La pénurie de médecins a été organisée par la profession elle-même

    Le corporatisme et le malthusianisme des facultés de médecine ont fait des ravages. Fermer la profession est une tendance fréquente mais elle conduit à la ruine. Les études de médecine se sont peu à peu écartées de leur dimension humaine et éthique et ont formaté des générations à l’accumulation de savoirs complexes et à la récitation de mémoire.

    Les principaux syndicats de médecins ont été d’une complicité coupable avec la santé publique

    Ils ont accepté sans cesse les rémunérations imposées par la Sécurité sociale, préférant la certitude d’un revenu médiocre aux aléas de la concurrence. Lorsqu’il y a eu une ouverture vers le secteur 2 (à honoraires libres, conformément à la tradition) un grand nombre de médecins ont fait très vite ce choix, au point que le ministère et la Sécurité sociale a en quelques mois bloqué le système, obligeant les médecins du secteur 2 à passer une convention et réglementant de plus en plus les conditions du conventionnement (Optam et Optam-Co, Option Pratique Tarifaire Maîtrisée si vous ignorez ce sigle) Lorsque les Agences Régionales de Santé (ARS) ont été créées, structures typiques du jacobinisme, on a vu nombre de défenseurs de la médecine libérale se précipiter pour acquérir une parcelle de pouvoir local. Qu’on le veuille ou non, l’exercice du pouvoir est toujours un attrait dans un pays comme la France où la liberté n’est pas très honorée.

    L’évolution bureaucratique de la profession

    Une grande partie des grévistes a protesté contre cette évolution. Le temps passé aux formalités, aux comptabilités, aux délais de la Sécurité sociale et des mutuelles est devenu souvent équivalent aux temps de la consultation et de la visite. Être finalement tenu pour un petit fonctionnaire n’est pas très honorable pour des professionnels ayant fait onze ans d’études pour avoir le droit d’exercer la médecine.

    Baisse de considération

    Dans les campagnes (il faut dire maintenant « territoires ») le médecin était un notable, aux côtés du maire et du curé. On ne sait si le maire est encore honoré de la considération des habitants de la commune, mais à coup sûr le curé n’est plus là et le médecin ne bénéficie que très rarement d’une considération générale : pas assez disponible, pas assez compréhensif…

    Dégradation des relations entre médecins et patients

    Elle se manifeste surtout dans les villes et quartiers « prioritaires ». Voilà ce que la santé publique a valu aux médecins : des fonctionnaires aux ordres, comme les enseignants. La pandémie et les politiques qu’elle a inspirées aux gouvernants ont effacé le médecin généraliste du paysage de la santé.

    Libérer la médecine

    Toutes ces considérations peuvent sans doute paraître schématiques à l’excès. Mais précisément leur accumulation appelle une rupture, puisque le système actuel est pervers et perverti sur tant de points. Pour que la médecine redevienne libérale il faut changer le système et les grévistes auront peut-être dans les prochains mois la lucidité et le courage d’aller plus loin.

    Ils peuvent s’inspirer des réformes préconisées par l’un de leurs collègues, au demeurant longtemps maire dans son village des Landes, et fondateur du Cercle Frédéric Bastiat, Patrick de Casanove. Voici ce qu’il écrivait dans Contrepoints le 29 juin 2022 :

    Les ordonnances de 1945 ont sorti le risque social (santé, retraite, chômage…) du marché et l’ont mis dans le domaine public. À partir de ce moment tous les soucis de la protection sociale sont liés à sa gestion publique, plus précisément politique. Plus de responsabilité personnelle, plus de libre choix, tout le monde est obligé d’entrer dans ce système. La création de la Sécurité sociale a détruit les solidarités spontanées qui sont les solidarités culturelles, cultuelles, villageoises, professionnelles, familiales […] On entend souvent dire que la santé n’est pas une marchandise, ou qu’elle n’a pas de prix mais un coût. Ce sont des élucubrations sémantiques. L’important est de disposer d’informations fiables pour prendre de bonnes décisions. Or en économie ce sont les prix libres qui donnent ces informations. C’est grâce à eux que les soins seront disponibles et accessibles. Les tarifs administrés ne donnent des indications que sur la politique sanitaire. Le tarif peut être bas et remboursé et le soin inexistant faute de personnel ou de matériel par exemple. Cela impose la disposition de l’intégralité des revenus, le salaire complet, le libre choix de l’assureur (Sécu incluse), la liberté économique qui va au-delà de l’économie au sens contemporain.

    Un système de santé performant repose sur une société saine, prospère et une énergie abondante et bon marché. Tout est lié, la moindre intervention de l’État contre la Propriété, la Liberté dont la liberté économique, a des conséquences néfastes sur tout le pays, particulièrement sur le système de santé… et sur la santé des Français.

    Sur le web

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      Covid: La Haute autorité de santé défavorable à la réintégration des soignants non vaccinés

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 22 July, 2022 - 09:15

    Un centre de vaccination à Lille, le 27 janvier 2022 Un centre de vaccination à Lille, le 27 janvier 2022

    CORONAVIRUS - La Haute autorité de santé (HAS) s’est prononcée, ce vendredi 22 juillet, contre la réintégration des soignants non vaccinés contre le Covid-19 , en réponse à une saisine du ministère de la Santé. Son avis est crucial en plein débat sur l’opportunité de permettre aux non-vaccinés de reprendre leur activité.

    La HAS , dont les avis servent de base aux décisions de santé publique du gouvernement, se dit “favorable au maintien de l’obligation de vaccination contre [le] Covid-19 des personnels exerçant dans les établissements de santé et médico-sociaux”.

    Plus d’informations à venir...

    À voir également sur Le HuffPost : Covid-19: La réintégration des soignants non vaccinés fait polémique à l’Assemblée

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      Faut-il réintégrer les soignants non-vaccinés? "Le parlement, ce n'est pas le chantage", conclut Véran

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 13 July, 2022 - 11:20 · 2 minutes

    POLITIQUE - C’est toujours non. Mercredi 13 juillet, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a une fois de plus fermé la porte à une réintégration des soignants non vaccinés contre le Covid-19, alors que la 7e vague de la pandémie semble atteindre son pic de contaminations .

    Interrogé à la sortie du Conseil des ministres sur cette demande des députés de l’opposition, qui donnent ces jours-ci du fil à retordre à la majorité sur le projet de loi de veille sanitaire , l’ex-ministre de la Santé a coupé court, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article .

    “Je ne crois pas que le parlementarisme passe par du chantage. Ce n’est pas ’tu me donnes ça et je te donne ça, surtout quand ça n’a rien à voir”, a-t-il affirmé, refusant ainsi tout “deal” pour faire accepter les mesures sanitaires. “Et je rappelle l’intérêt de la vaccination des soignants, c’est de faire en sorte que, lorsque vous soignez quelqu’un de fragile, vous ne prenez pas le risque de le contaminer avec le Covid”, a conclu le porte-parole du gouvernement.

    La situation des soignants suspendus est un cheval de bataille des oppositions - notamment du RN et de LFI - depuis l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale à l’automne 2021.

    0,4% de l’ensemble des professionnels

    Mardi 12 juillet, le ministre de la Santé, François Braun avait annoncé une nouvelle saisine imminente de la Haute autorité de santé (HAS) et du Conseil national d’éthique (CCNE) sur ce “sujet épineux” des soignants non vaccinés. “Je me suis engagé à saisir dans les jours qui viennent les autorités de santé sur cette question particulière”, a-t-il indiqué au Sénat lors d’une audition sur le projet de loi “de veille et de sécurité sanitaire”, précisant ensuite que la requête serait adressée à la HAS et à la CCNE “cette fin de semaine”.

    Assurant vouloir “suivre l’avis des scientifiques”, François Braun a ajouté qu’il demanderait à la HAS et au CCNE de répondre à la saisine “le plus rapidement possible”. Il entend ensuite réunir “très rapidement” les syndicats de soignants “pour leur présenter ces avis et discuter des suites à donner”, souhaitant “avoir une discussion transparente avec eux, (afin) que chacun prenne ses responsabilités, non pas sur des idées, mais des arguments scientifiques précis”.

    Sur “ce sujet épineux”, le ministre a répété devant les sénateurs de la commission des Lois que la sanction touchait “environ 12.000″ personnes, qui “ne sont pas que des soignants”, soit ”à peu près 0,4% de l’ensemble des professionnels de santé”. Une estimation complétée par un chiffre attribué à la Fédération hospitalière de France (FHF): “sur 263.000 infirmières de service public hospitalier, moins de 500 sont concernées par cette suspension”.

    Olivier Véran a complété ces chiffres avec des données du ministère de la Santé qui concerne uniquement les soignants: il a évoqué 600 infirmières sur les 240.000 salariées à l’hôpital, environ 75 médecins et pharmaciens sur les 85.000 à l’hôpital et une centaine d’infirmières en Ehpad, soit “une pour 70 établissements”

    À voir également sur Le HuffPost : Limiter l’accès aux urgences? À Cherbourg, c’est déjà fait

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      Covid-19: La réintégration des soignants non vaccinés fait polémique à l'Assemblée

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 12 July, 2022 - 09:22 · 2 minutes

    LFI et le RN demandent le retour des soignants non vaccinés à l'hôpital. LFI et le RN demandent le retour des soignants non vaccinés à l'hôpital.

    POLITIQUE - Après la motion de censure, c’est le premier grand défi du gouvernement d’Élisabeth Borne. Les discussions autour du projet de loi de veille sanitaire ont débuté ce lundi 11 juillet à l’Assemblée. Ce texte doit fixer la manière dont la France et son système de santé vont s’organiser pour faire face aux prochaines flambées de la pandémie de Covid .

    Et c’est peu dire que ce premier examen de texte a agité l’hémicycle et ses nouveaux occupants. Alors qu’ils entérinaient la fin de l’état d’urgence sanitaire , les députés de la majorité (relative) et de l’opposition se sont en effet longuement invectivés, après le refus préalable d’une motion de rejet déposée par le groupe LFI et soutenue et votée par l’ensemble de la Nupes et le RN.

    Et au cours d’une séance qui était présidée par le RN Sébastien Chenu, c’est la rapporteuse LREM du texte qui a dû hausser le ton face à cette gronde. “Vous pouvez crier plus fort, les Français savent et nous le disent tous les jours: cela fait deux ans que le gouvernement gère très très bien cette crise”, a-t-elle notamment lancé sous les cris outrés d’une partie de l’hémicycle.

    L’esprit de “mépris et de division” du gouvernement attaqué par l’extrême droite

    En présence du nouveau ministre de la Santé, François Braun , un sujet a particulièrement électrisé les débats: celui de la réintégration des soignants non vaccinés. Le médecin responsable de la “mission flash” sur les urgences a ainsi été hué par les députés du Rassemblement national lorsqu’il a expliqué que le retour de ces personnels n’était “pas à l’ordre du jour” du fait de la septième vague qui déferle actuellement.

    Le député RN du Loiret, Thomas Ménagé, a répondu en demandant la réintégration des soignants, regrettant qu’ils aient été “jetés comme des malpropres” et reprochant au gouvernement un “esprit de mépris et de division”.

    L’élu LFI Éric Coquerel a quant à lui déploré que les amendements portant sur cette réintégration aient été jugés irrecevables par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet , et qu’ils ne puissent de fait pas être discutés dans l’hémicycle.

    De la même manière, la question de l’instauration d’un pass sanitaire aux frontières et qui s’appliquerait aussi pour les trajets entre l’hexagone et les territoires d’Outre-mer a beaucoup fait parler. Après une journée marquée par une petite manifestation comprenant l’ex-FN Florian Philippot et le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan contre ce certificat, le sujet sera de retour sur la table ce mardi à l’occasion de l’examen de l’article du projet de loi concernant cette disposition.

    À voir également sur le HuffPost : Pourquoi la vaccination des plus de 60 n’a rien de superflu

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      Ces hommages d'Élisabeth Borne aux soignants et militaires n'ont pas reçu le même accueil

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 6 July, 2022 - 15:45 · 2 minutes

    (Photo des membres du parlement applausissant à l'hommage aux militaires tombés au combat le 6 juillet 2022. Par REUTERS/Benoit Tessier) (Photo des membres du parlement applausissant à l'hommage aux militaires tombés au combat le 6 juillet 2022. Par REUTERS/Benoit Tessier)

    POLITIQUE - Deux hommages, deux ambiances. En quête de compromis dans un Parlement fragmenté, Élisabeth Borne a dévoilé ce mercredi 6 juillet ses priorités lors de sa déclaration de politique générale , sans engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale , où la coalition de gauche de la Nupes a déposé une motion de censure .

    Et même si elle est restée imperturbable face aux réactions de son auditoire, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exercice n’a pas été de tout repos avec le chahut des oppositions . Et c’est lors de son hommage aux soignants que les voix se sont le plus élevées face à la Première ministre.

    Alors qu’elle soulignait le travail des personnels de santé lors de la crise du Covid-19 , souhaitant leur rendre hommage, les applaudissements nourris de la majorité ont été brouillés par des claquements de pupitres et des “hypocrite!” qui ont fusé du côté de la coalition de gauche Nupes. “Pas de telles manifestations dans l’hémicycle !”, a lancé Yaël Braun-Pivet depuis le perchoir.

    Une réaction particulièrement véhémente, alors que le système de santé est en péril et que les soignants appellent depuis des mois à des mesures fortes pour améliorer leurs conditions de travail. Et ce d’autant plus face à l’été qui s’annonce tendu dans les urgences et le regain de l’épidémie de Covid.

    Unanimité pour les armées

    La seule fois de son discours où Élisabeth Borne a provoqué l’unanimité de l’Assemblée, c’est lorqu’elle a rendu hommage aux armées. Tous les élus se sont alors levés pour applaudir.

    “Sur terre, dans les airs, sur les mers, dans le cyberespace: partout et dans tous les milieux, nos armées se battent pour notre liberté, parfois au péril de leur vie”, a-t-elle salué.

    Elle a par ailleurs, à cette occasion, annoncé la présentation prochaine d’une nouvelle loi de programmation militaire et son souhait d’accroître la réserve. “Nous renforcerons le lien armée-nation”, a-t-elle prromis.

    À voir également sur Le HuffPost: “Oui, il faudra travailler un peu plus longtemps”, Élisabeth Borne annonce la réforme des retraites à l’Assemblée

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      C'est l'éthique et non le calcul politique qui sauvera les soignants et notre système de santé -

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 5 July, 2022 - 09:21 · 5 minutes

    Plus de 120 services d'urgence sont fermés la nuit par manque de personnel. Par exemple, à Toulouse, un médecin travaillant dans un hôpital doit s'occuper de plus de 90 patients. Toulouse. France. 7 juin 2022. Plus de 120 services d'urgence sont fermés la nuit par manque de personnel. Par exemple, à Toulouse, un médecin travaillant dans un hôpital doit s'occuper de plus de 90 patients. Toulouse. France. 7 juin 2022.

    SOIGNANTS - Face à la crise de “mal être” des personnels de santé, le CCNE, dans un communiqué du 29 juin 2022 , nous invite à repenser l’ensemble de notre système de santé pour permettre aux soignants de retrouver le sens de leur travail et aux patients de pouvoir bénéficier d’un accès égal à des soins de qualité. Dans cette perspective, le CCNE réaffirme la nécessité “d’imprégner l’ensemble du système de santé des valeurs et principes éthiques que sont l’équité, la justice sociale, le respect des patients et l’attention portée à la qualité de vie au travail pour les soignants ”. Il s’agit dès lors de repenser le lien fort entre éthique et politique, ici de santé publique, afin de sortir du cercle économique du calcul efficace, “techniquement rationnel et humainement insensé” comme l’a si bien évoqué Paul Ricœur .

    Apathie morale des gouvernements économico-techniques

    Les soignants, en particulier de l’hôpital public, ne comprennent plus que les administrations hospitalières et les décideurs politiques restent aveugles à leurs revendications proprement éthiques, centrées sur les valeurs du soin qui fondent leur profession : équité, attention et sollicitude, hospitalité.  Le sentiment d’injustice, dans le lieu même de leur travail, que les politiques publiques rationnelles suscitent, entretient l’insécurité des soignants livrés à la mécanique sociale de l’économique. Plus, cette insatisfaction naît de la perte de sens de leur travail dans l’apologie du quantifiable. Cette double insatisfaction conduit les soignants à abandonner leur poste, par dépit ou désespoir. Pour corriger ces errances comptables, une autre politique doit s’inventer. Mieux, le politique, comme sphère séparée de l’économique et du rationnel technique, doit pouvoir retrouver le sens de l’action raisonnable, s’attachant à renouer avec l’intention éthique qui anime toute société démocratique. Dès lors, face à l’apathie morale de nos femmes et hommes politiques, persuadés que seules des solutions techniques sauront résoudre les problèmes posés  par l’effondrement du système de santé, un retour aux valeurs éthiques de nos démocraties s’impose de toute urgence.

    Revendications morales et obligations

    Ce retour aux valeurs éthiques n’indique pourtant pas qu’il faille imposer au politique des principes moraux abstraits comme conceptions générales du bien ou du juste. Il s’agit de défendre la possibilité d’une expérimentation éthique propre à la démocratie, tenant compte des situations concrètes vécues par les acteurs sociaux. Plutôt que de se référer à des valeurs « en soi », des buts abstraits inatteignables – le Bien de tous –  les espaces démocratiques de délibération doivent permettre le partage de valeurs sur lesquelles il puisse exister un certain consensus . La démocratie – ici la démocratie sanitaire – est alors comprise, avec Dewey, comme tâche à accomplir, prenant en compte l’expérience de chacun dans les lieux de travail et de vie, permettant une interaction continue avec  les autres membres de notre société, en faisant appel à l’intelligence de chacun pour construire une communauté communicante et attentive aux attentes de toutes et tous. C’est dans ce contexte d’une démocratie en train de se faire, toujours fragile et incertaine, que les liens pourront se nouer entre tous les acteurs, à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté soignante.

    C’est aussi dans ce sens qu’il faudra comprendre comment les revendications morales soulevées par les soignants et les patients – un juste soin pour le patient pour un moindre coût pour la « société –, entraînent, après examen soucieux,  une obligation réelle de la part des administrateurs hospitaliers et de la part de tous les décideurs politiques, d’entendre ces voix et de rendre possible la mise en pratique de ces revendications morales par des politiques publiques dignes de ce nom.

    Le pouvoir aux sans voix

    Se joue alors une lutte pour relier ces revendications aux obligations. Il ne suffira pas d’entendre « le cri des blessés » de William James mais d’admettre que les voix des soignants et des patients devront être écoutées certes, mais également mises à égalité avec les voix tonitruantes des décideurs politiques. En d’autres termes, cette lutte morale devra restaurer le pouvoir aux sans voix, à la manière d’ Hannah Arendt : « Le pouvoir correspond à l’aptitude de l’homme à agir, et à agir de façon concertée. Le pouvoir n’est jamais une propriété individuelle; il appartient à un groupe et continue de lui appartenir aussi longtemps que ce groupe n’est pas divisé. Lorsque nous déclarons que quelqu’un est “au pouvoir”, nous entendons par là qu’il a reçu d’un certain nombre de personnes le pouvoir d’agir en leur nom. ».

    Face à l’apathie morale de nos femmes et hommes politiques, persuadés que seules des solutions techniques sauront résoudre les problèmes posés  par l’effondrement du système de santé, un retour aux valeurs éthiques de nos démocraties s’impose de toute urgence.

    Quand les travailleurs du soin de l’hôpital public forment ce groupe que l’on espère non divisé – ce qui ne va pourtant pas de soi – le pouvoir d’agir qu’ils exercent en soignant toutes et tous de toutes conditions vise précisément à proclamer le caractère raisonnable de leurs revendications morales  face à la cécité morale des gouvernants rationnels. Ainsi, plus qu’une boussole comme évoqué par le CCNE , l’éthique est au cœur même de nos démocraties , dont les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité forment la triade fondatrice.

    À voir également sur Le HuffPost: Ces soignants en ont marre du bla-bla face à la crise de l’hôpital

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      Après la mission flash sur les urgences, Elisabeth Borne "retient toutes les propositions"

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 1 July, 2022 - 16:16 · 2 minutes

    Elisabeth Borne a dit retenir Elisabeth Borne a dit retenir "toutes les propositions" de la "mission flash" confiée au patron de Samu-Urgences de France, pour soulager les services d'urgences engorger et ainsi "faciliter la gestion de cette période estivale à haut risque".

    HÔPITAL PUBLIC - Le gouvernement “retient bien toutes les propositions” de la “mission flash” sur les urgences , qui préconisait 41 mesures pour désengorger les hôpitaux cet été, a indiqué ce vendredi 1er juillet la Première ministre Élisabeth Borne.

    En visite au centre hospitalier de Pontoise (Val-d’Oise), Élisabeth Borne a développé “les solutions concrètes et immédiates retenues par le gouvernement pour la période estivale”. Pour la Première ministre “ces propositions constituent une boîte à outils qui sera mise à disposition des territoires pour décliner localement les bonnes réponses pour les Français”.

    Parmi ces “réponses de court terme”, la cheffe du gouvernement a confirmé un “complément de rémunération” pour le travail de nuit, avec “un doublement des majorations pour les personnels soignants” et une hausse de 50% pour les gardes des médecins.

    Une manière de “reconnaître les conditions difficiles du travail de nuit”, mais qui sera d’abord “expérimentée pendant trois mois” avant une éventuelle pérennisation. Les médecins libéraux auront eux aussi droit à “une majoration de 15 euros des consultations s’ils accueillent quelqu’un qui ne fait pas partie de leur patientèle”, pour les “inciter à prendre des personnes en soins non programmés”, a ajouté Élisabeth Borne.

    “Trois axes” présentés par la Première ministre

    Pour surmonter un été ”à haut risque” dans les services d’urgences, la Première ministre a donc listé trois axes principaux pour répondre le plus rapidement possible aux besoins des services d’urgences . Le premier consiste à “améliorer l’orientation et l’information des patients, avoir le réflexe du 15 ( le numéro du Samu ) et non pas venir systématiquement aux urgences”. Pour Borne, il est “impossible que l’hôpital puisse faire face à tous les besoins de soins des Français”.

    Le deuxième axe doit permettre de “mobiliser tous les professionnels de santé, encourager les médecins à accueillir (avec une majoration de 15 euros des consultations) des personnes en soins non programmés et non dans leur patientèle. Permettre aux maisons médicales de garde d’être ouvertes le samedi matin. Faciliter les démarches pour les médecins retraités, pour qu’ils puissent se mobiliser plus facilement et favoriser la télémédecine”.

    Enfin, un dernier axe devrait permettre l’expérimentation ”à l’hôpital d’un complément de rémunération (un doublement de majoration) du personnel soignant pour les gardes”, a détaillé Élisabeth Borne. Cette dernière a précisé que cette “boite à outils” devra être “déclinée territoire par territoire,” avec “les ARS en lien avec les préfets”.

    Toutefois, le filtrage généralisé des urgences par le Samu n’a cependant pas été explicitement mentionné. Cette mesure figure pourtant parmi les propositions phares de la “mission flash” pilotée par le Dr François Braun, président de l’association Samu-Urgences de France, qui a remis jeudi ses 41 recommandations à Matignon.

    À voir également sur le HuffPost : Ces soignants en ont marre du “bla-bla” face à la crise de l’hôpital