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      Un média 100% féminin lancé en Somalie, une grande première

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 7 July, 2022 - 14:00 · 3 minutes

    Bilan Média, un jeune média somalien, emploie uniquement des femmes et dénonce leur condition dans ce pays ultra conservateur Bilan Média, un jeune média somalien, emploie uniquement des femmes et dénonce leur condition dans ce pays ultra conservateur

    JOURNALISME - Elles sont six, ont toutes moins de 28 ans et viennent de créer le premier média 100% féminin de Somalie. Depuis trois mois, Bilan Média - Bilan signifie Beauté en somali - diffuse sur Daslan, la chaîne de radio et de télévision de Mogadiscio , et sur les réseaux sociaux des contenus pour mettre en lumière la condition des femmes dans un pays à la fois conservateur, religieux et patriarcal . Un projet qui est financé par le Programme des Nations unies pour le développement.

    Parmi les quelques sujets, on trouve une interview avec l’ancienne vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères Fawzia Yusuf Adan, un reportage sur la situation sanitaire des femmes dans un camp de déplacés, un autre sur une jeune fille devenue mère à 16 ans qui reprend sa scolarité... Des sujets complètement inhabituels dans un pays qui n’a toujours pas de loi sur les infractions sexuelles - un projet est toujours en attente depuis 2014.

    C’est dire si la condition des femmes est difficile en Somalie. Selon les Nations unies, 45% d’entre elles sont mariées avant 18 ans et 98 % subissent des mutilations génitales. En 2018, le pays était à la quatrième place d’un triste classement érigé par la fondation Thomas Reuters: celui des états les plus dangereux pour les femmes. Derrière l’Inde, l’Afghanistan et la Syrie.

    Voir une telle initiative dans un tel pays est donc une rareté qui demande beaucoup de courage. “Environ 80% de nos programmes se concentreront sur des sujets que les gens peuvent trouver scandaleux. La société doit être informée de ces histoires”, affirme à l’AFP Nasrin Mohamed Ibrahim, qui dirige Bilan Média du haut de ses 21 ans.

    “En tant que femmes, nous ressentons la même douleur”

    Elle veut accompagner un certain et léger changement de mentalités qu’elle voit s’opérer dans le pays. “De nombreuses femmes souhaitent raconter leur histoire pour demander justice”, affirme Nasrin Mohamed Dahir. Elle se remémore un cas de viol collectif et meurtre présumés d’une jeune femme à Mogadiscio, qu’elle a couvert en 2020: “Ses parents ont décidé d’en parler. J’ai moi-même interrogé son père et l’affaire est à ce jour devant les tribunaux.”

    “Nous avons récemment réalisé un reportage sur une mère célibataire de 16 ans”, raconte de son côté la plus jeune membre de l’équipe, Shukri Mohamed Abdi, 19 ans. “Elle est retournée à l’école pour poursuivre ses études et nous avons présenté les difficultés qu’elle connaît et ses ambitions pour l’avenir”.

    Une équipe entièrement composée de femmes peut aussi être un avantage pour la rédactrice en chef : “Les informations qu’on peut recueillir auprès d’une mère dont la fille a été violée peuvent ne pas être accessibles à des journalistes hommes, car cette mère nous fera davantage confiance. (...) En tant que femmes, nous ressentons la même douleur.”

    Des réactions mitigées

    Bilan Média a même reçu des réactions positives de la part de concitoyennes somaliennes. Une mère de deux enfants, Hafsa Abdulaziz, estime qu’il “y a tellement d’histoires déchirantes sur des familles brisées dont on n’entend pas parler dans les médias conventionnels” et que Bilan Média apporte “quelque chose de spécial.”

    Sans surprise, il y a bien eu quelques critiques. “Franchement, je doute des motivations de ce Bilan Média . Toutes les journalistes sont des femmes et elles ne font que des programmes (...) sur les femmes. Elles essaient peut-être de pousser les femmes à s’opposer aux hommes”, lâche ainsi Abdullahi Adan, diplômé d’université en recherche d’emploi dans la capitale somalienne.

    Mais Nasrin Mohamed Ibrahim n’en démord pas: “Nous pouvons faire tout ce que les hommes peuvent faire, ou même le faire encore mieux.”

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