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      Comment désindustrialiser notre production alimentaire ?

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 16 December, 2022 - 17:44 · 24 minutes

    Alors que la réindustrialisation est devenue une priorité des gouvernements, le secteur agro-alimentaire paraît au contraire sur-industrialisé. Contrairement à d’autres domaines où elle a bradé ses fleurons, la France compte d’ailleurs plusieurs géants mondiaux dans ce domaine, avec Danone, Bonduelle ou Lactalis. Or, cet état de fait pose désormais de nombreuses difficultés, que ce soit en matière de qualité, de santé, d’impact écologique ou de bien-être animal. Alors que de nombreuses voix prône la relocalisation plutôt que le libre-échange, il apparaît de plus en plus que la reconquête d’une souveraineté alimentaire doit s’appuyer sur un vaste mouvement de désindustrialisation. Un timide mouvement en ce sens a déjà débuté sur quelques produits, mais le processus promet d’être long.

    L’industrie agro-alimentaire traverse t-elle une mauvaise passe ? Cette année Buitoni , Kinder ou encore le géant de la glace Häagen-Dazs ont été au cœur de scandales sanitaires . Des affaires à répétition qui jettent le soupçon sur la qualité de la production des grands groupes. Plus encore, leur gestion a démontré le pouvoir acquis par cette industrie, qui semble les mettre au-dessus de tout contrôle. Avec un mouvement de reprise du contrôle de notre alimentation, ceci pose la question de la désindustrialisation de ce secteur ultra-industrialisé.

    La France est un pays de tradition agricole, et l’agro-industrie y constitue le premier secteur industriel en termes d’emplois et de chiffre d’affaires. Au point que notre pays se trouve mieux placé dans les exportations de produits transformés que de produits bruts. Il en exporte deux fois plus, contribuant à une amélioration de la balance commerciale. La France comprend notamment de grands groupes de transformation, qui représentent, de fait, une part de notre compétitivité à l’échelle internationale.

    Rang de la France dans les exportations mondiales par type de produit en 2020. Source : “LES PERFORMANCES À L’EXPORT DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES – Situation en 2020”, France Agri Mer

    Longtemps, ce modèle représentait l’avenir. Porté par les économies d’échelle et la standardisation des produits, le secteur alimentaire pouvait proposer des aliments toujours moins chers. Son développement s’accompagnait d’un vaste mouvement d’urbanisation (et donc d’éloignement vis-à-vis de la production agricole) et de diminution du temps et du budget consacré à la cuisine.

    Autant de tendances aujourd’hui bousculées par une attention portée sur la santé, et en son cœur à la qualité de l’alimentation, et à un mode de vie plus maîtrisable. Par ailleurs, la montée des préoccupations environnementales, de la thématique du bien-être animal ou encore la quête d’authenticité dans un monde de plus plus uniforme contribuent elles aussi à remettre en cause le modèle, certes toujours dominant, de l’agro-industrie. Enfin, les préoccupations autour de la souveraineté alimentaire devraient continuer de croître dans les prochaines années , étant donné le contexte de crise alimentaire mondiale, l’alimentation représentant un levier géopolitique.

    Pour clarifier un débat qui souffre des caricatures, il ne s’agit pas de remplacer un modèle par un autre, mais plutôt de revenir à un certain équilibre. Longtemps, la priorité a été donnée à une production au service de l’industrie de transformation. Ainsi, même dans le monde bio, le plus avancé sur le sujet, la transformation touche 50 % des producteurs . Cela a produit un grand déséquilibre entre les producteurs et l’industrie que les lois Egalim (2018 et 2022) ne sont toujours pas parvenues à rééquilibrer. Au point de faire naître des projets d’ Egalim 3 .

    La marche vers la désindustrialisation de l’alimentation doit s’entendre en réponse à plusieurs problématiques posées par l’intensification du modèle actuel. Tout d’abord, elle permet par la qualité de la production ou la différenciation des produits de contrer la baisse tendancielle du budget des ménages consacrés à l’alimentation, premier facteur de la détresse financière des agriculteurs. Cela ne signifie pas pour autant que toute transformation est à bannir, la transformation à la ferme étant apparue pour de nombreux producteurs comme un moyen de compléter leur revenus.

    Part des agriculteurs classés en agriculture biologique qui pratiquent la vente directe en 2016. Cité dans : Mathieu Béraud. Motivations et déterminants des producteurs en circuits courts alimentaires de proximité : Quels effets sur les pratiques de production ? : Rapport réalisé dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial ”Imaginons ensemble un projet alimentaire territorial pour le sud de la Meurthe et Moselle”. [Rapport de recherche]

    Aller vers un modèle plus artisanal

    Le premier problème de l’industrialisation de la production alimentaire est celui de la standardisation des produits. La simplification et l’efficacité des processus industriels exigent en effet de réduire la gamme des produits et d’en simplifier la fabrication. L’existence de méga-usines à échelle européenne garantit que plusieurs marchés alimentaires soient couverts par un produit quasi-unique. Or, revenir à des productions de plus petite échelle permet notamment d’envisager un retour au goût différencié et à des recettes différentes. Ainsi, ces productions ont souvent été en avance sur certaines demandes. Les produits sans gluten par exemple, qui n’intéressaient pas au départ les industriels faute d’un marché suffisant. Ou plus généralement concernant la présence d’allergènes dans les produits. Il s’agit désormais, à travers des goûts originaux, d’un véritable marqueur de différenciation vis à vis de l’industrie, privilégiant l’expérience à la consommation.

    La désindustrialisation répond aux excès du modèle actuel, déjà bien identifiés.

    Cette exigence s’inscrit dans un mouvement général de scepticisme à l’égard de la mondialisation. En parallèle de la concentration de la production, les industriels n’ont pas manqué de découper la chaîne de valeur. Diviser la production à travers le monde permet de bénéficier des avantages de chaque pays. Ceci conduit à une spécialisation des modèles agricoles, qui créent une pression forte sur la culture vivrière. Cette préoccupation s’est trouvée renforcée par le contexte de guerre et les alertes sur le risque de pénurie. La France, grande puissance agricole, a redécouvert sa vulnérabilité sur certains produits élémentaires comme la moutarde ou l’huile.

    La contrainte écologique vient également heurter la logique d’un système où un produit peut faire plusieurs milliers de kilomètres avant de se trouver dans les rayons. Ainsi une étude menée pour le Projet CECAM, conduite par le CNRS, conclut que les importations d’aliments représentent 77 % du trafic lié à la production agricole. Sans compter que les produits importés ne répondent pas aux mêmes exigences écologiques. Aussi, les échanges alimentaires sont un vrai point de fragilité des traités de libre-échange . Même au niveau européen , où l’on continue pourtant de signer des accords de libre-échange, on reconnaît que ces traités tendant à fragiliser les producteurs européens i .

    Empreinte énergétique et empreinte carbone des principaux produits transformés en France. Source : L’empreinte énergétique
    et carbone de l’alimentation en France de la production à la consommation

    Le principe de la désindustrialisation obéit également à un intérêt sanitaire. Dans les faits, il n’est pas possible de conclure que l’industrialisation ait conduit à de plus grands risques sanitaires . Le développement des conserves et des surgelés par exemple, a permis de grandes avancées en matière de préservation des aliments qui réduisent les risques de consommer des produits avariés. En revanche, les scandales récents viennent rappeler plusieurs faits élémentaires. Tout d’abord, avec des productions à grande échelle, l’impact d’un défaut a des conséquence plus grandes. Les fréquents rappels de produits ii viennent nous le rappeler. Ensuite, la question des scandales alimentaires vient rappeler le déséquilibre croissant entre les multinationales et les pouvoirs publics. Ceci explique les accommodements accordés aux grandes marques pour communiquer sur les défauts sanitaires. Enfin, la concentration de la production ne favorise pas visiblement la conduite des contrôles. Au contraire d’une production industrielle et anonyme, de petites unités de production permettent elles un contrôle social plus affirmé par leur environnement proche

    Le cas le plus probant de ce dernier principe est celui des abattoirs . Cette étape charnière de la production de viande incarne les risques de la sur-industrialisation pour le bien-être animal. Avec 125 établissements fermés en moins de 10 ans, et 20 établissements qui représentent 50 % de la production, le secteur est toujours plus concentré. Or celui-ci est régulièrement frappé par les scandales de maltraitance et d’ hygiène , sans parler des conditions de travail désastreuses pour les employés.

    Ces problèmes sont en partie dus à des processus industrialisés, anonymisés et fondés sur le rendement, qui imposent une séparation entre le producteur et l’abattoir. En outre, pour de nombreux éleveurs, la perte de contact avec l’étape de l’abattoir constitue un déchirement, ceux-ci étant particulièrement attachés à leur bêtes. Les abattoirs mobiles constituent sans doute une réponse intéressante. Ils permettent tout à la fois de traiter de petites unités dans le respect du bien-être animal, même si leur développement reste encore timide.

    Plus profondément, l’essentiel des producteurs s’étant tourné vers une transformation locale se réjouissent du contact retrouvé avec les consommateurs, qui sont également des voisins. Ce rapprochement permet également une meilleure compréhension du processus de production et de ses contraintes. Un lien qui endigue les débats stériles souvent fondés sur une méconnaissance du secteur. En se réappropriant le cycle de production, le consommateur perçoit en effet mieux les contraintes qui lui sont inhérentes.

    Dans le contexte de crise énergétique et de risque de pénurie, des productions à plus petite échelle apparaissent aussi comme une solution.

    Enfin, dans le contexte de crise énergétique, la production de masse, très gourmande en énergie, se trouve directement menacée. Les professionnels du secteurs, confrontés aux réglementations européennes, ont d’ores et déjà tiré la sonnette d’alarme. Se profilent alors le risque de défaillances et de pénurie, au moins sur certains produits. En effet, le secteur agro-alimentaire représentait 14 % de la consommation du secteur industriel, avec une dépendance croissante au gaz.

    La désindustrialisation présente à ce titre plusieurs avantages. Tout d’abord, une production moins concentrée et reposant sur des modes de production plus variés permet plus de flexibilité, en l’absence d’investissements massifs à rentabiliser. Toutefois, les petits producteurs ne sont pas complètement à l’abri de la menace. Les plus exposés sont ceux qui n’ont pas encore atteint leur point d’équilibre, et qui risquent en outre de se trouver écartés des mécanismes de soutien public.

    La désindustrialisation, une voie déjà suivie

    Depuis les années 2000, les voies de la désindustrialisation sont donc empruntées par plusieurs catégories de producteurs. Parce que diffus et progressif, ce mouvement est pourtant mal identifié. Ainsi, certains produits, devenus familiers, sont sortis du moule industriel. Explorer le développement de ces filières permet de mieux saisir les leviers pour effectuer une désindustrialisation de ce secteur.

    L’exemple le plus flagrant de produit ayant réussi ce tournant, par le nombre de producteurs qu’elle a fait apparaître, est sans conteste la bière. À ce jour, on compte 2 394 producteurs de bière artisanale en France. Ces brasseurs proposent plus de 10.000 références , couvrant 70 % de la consommation nationale. Ce tournant a mis fin à l’hégémonie de deux grandes marques industrielles sur ce produit, les fameux « packs » de supermarchés. La boisson était notamment pénalisée par son image véhiculée par les chansons de Renaud ou la caricature de Chirac. Ainsi, le marché de la bière, en déclin constant depuis 30 ans, a retrouvé la croissance depuis 2014.

    Le renouveau de la bière artisanale doit être appréciée sous plusieurs angles. Tout d’abord, la désindustrialisation a fait renaître la subtilité du goût de ce produit, les producteurs ayant joué sur la variété des gammes. Ceci a permis de faire passer la bière d’un produit standard de grande distribution à un produit de dégustation, considéré comme plus savoureux.

    L’exemple des bières artisanales montrent le foisonnement possible d’une production qui a redressé un marché en déclin.

    Ce changement s’est accompagné d’un fort ancrage territorial, notamment dans les zones rurales. Il n’est désormais plus une région qui propose son propre houblon. Aussi, malgré une forte concurrence, le marché préserve une forte dimension artisanale : 30 % des producteurs sont des micro-brasseries, sortant en moyenne 150hl des cuves. Enfin, le regain de la dégustation est adossée à une consommation collective, et festive, notamment lors des concerts et festivals. Le regain de la consommation du produit s’est allié à un renouveau de la façon de consommer, privilégiant la bière en pression à la bouteille. Ce foisonnement de production bénéficie encore de solides perspectives. En effet, les importations de bière restent encore supérieures à nos exportations, le déficit commercial atteignant 300 M€ pour l’année 2019.

    Carte de France des brasseries artisanales – consultation au 9 juillet 2022. Source : DMB Brasserie

    De même, la production de miel a connu un fort essor ces dernières années. Ainsi, le nombre de producteurs déclarés a augmenté de 74 % entre 2015 et 2020, porté principalement par les petits apiculteurs qui alignent moins de 50 ruches. Cette montée en puissance est facilitée par l’absence de transformation et la facilité de travail de ce produit naturel, qui repose sur des normes sanitaires encore souples facilitant l’émergence de petites productions. Ainsi, plus de 85 % des producteurs qui ont moins de 150 ruches conditionnent eux-mêmes leur miel. Commercialement, 45 % de la production s’écoule en vente directe. En complément, 7 % sont dédiés à l’auto-consommation ainsi qu’aux dons. Cet essor des essaims a permis, en parallèle d’une offre standardisée, de proposer une variété de produits, reflétant les plantes pollinisées, en fonction des essences locales.

    Le développement du miel local a bénéficié de la facilité de son conditionnement, mais aussi de la mauvaise image des produits importés.

    L’intérêt pour cette production, amorcée avant le confinement, provient également de la mauvaise image associée aux produits importés de Chine. En particulier, l’ ajout de sirop au produit, désormais largement connu, a contribué à faire reculer fortement les importations. La Chine représentait ainsi 22 % des importations en 2015, et plus que 7 % quatre ans plus tard. Enfin, il faut souligner que les produits liés au miel (cire, gelée…) représentent encore une part marginale des revenus des producteurs (entre 3,5 % et 7,8 % du chiffres d’affaires selon la taille de l’exploitation), ce qui constitue un futur axe de développement.

    Le dernier marché qu’il est utile d’analyser est celui de la pâte à tartiner. Les français sont les champions de la consommation de ce produit, 300.000 pots étant consommés chaque jour. Ceci explique l’implantation de l’une des plus grandes usines du monde en Seine et Marne. Longtemps dominant, le géant italien Ferrero (fabricant du Nutella) a été victime d’une mauvaise publicité, liée à l’emploi de l’huile de palme, et à l’appétit de puissants concurrents : ses parts de marché sont passées de 85 % en 2013 à 65 % en 2019, dans un contexte de hausse globale des ventes . En effet, la moitié des consommateurs ont réduit, si ce n’est abandonné, la consommation de ce produit en raison du scandale associé.

    Le marché de la pâte à tartiner, pour le moment très concentré, suscite la gourmandise de concurrents de tout niveau.

    Or, cette ouverture à la concurrence a permis à de petites productions locales de se faire une place aux côtés des grandes marques qui cherchent également à investir ce marché. Elles ont su capitaliser sur un créneau bio, sans huile de palme, en développant également de nouvelles recettes et en utilisant des circuits alternatifs de distribution. Ce dernier cas est significatif, car les différents concurrents, tout en mettant en avant leur spécificité, ne peuvent totalement s’éloigner du goût ou de l’aspect standardisé du produit original. Le défi de ces producteurs est désormais de ne pas atteindre une échelle industrielle dans la compétition avec des mastodontes de l’agro-alimentaire qui se sont invités dans ce rayon.

    Remonter les chaînes de valeur

    Ces différents cas, qui visent à illustrer une dynamique, font ressortir des caractéristiques communes qui facilitent la désindustrialisation des productions. Tout d’abord, elles se basent sur un conditionnement simple qui facilite le transport et la conservation. La gestion d’une production de taille réduite impose en effet la possibilité d’un stockage des produits pour répondre à la demande. Le cas le plus emblématique étant celui du miel, qui n’est pas périssable. Par ailleurs, le conditionnement en petits formats permet d’envisager un prix unitaire acceptable pour le consommateur malgré un prix de revient au kilo plus élevé que celui des produits industriels. Enfin, il est indéniable que chacun des trois produits a pu bénéficier d’une image négative du produit industrialisé.

    En complément, ces produits répondent pour l’essentiel a un « achat plaisir » : il s’agit d’achats plus ou moins exceptionnels, mais associés à un plaisir de la dégustation. Ceci justifie d’accepter un prix d’achat plus élevé que la moyenne, ou bien de prendre le temps de chercher un producteur à proximité. La réussite de la coopérative « C’est qui le patron ? », qui s’est inscrite dans les circuits de la grande distribution, offre néanmoins un contre-exemple sur les produits du quotidien. Grâce à la promesse d’une juste rémunération du producteur, la marque est devenue leader sur la vente du litre de lait en dépit d’un prix légèrement supérieur à la concurrence.

    Il ne faut pas négliger les sérieux obstacles qui handicapent les petites unités de production.

    Toutefois, cette stratégie de reconquête de la souveraineté alimentaire voit son développement bridé par de sérieux obstacles. Tout d’abord, les économies d’échelle offertes par un prix de revient moins élevé permettent une compétitivité-prix immédiate. Cet avantage apparaît d’autant plus précieux dans un contexte d’inflation. En effet, les dépenses d’alimentation constituent la première variable d’ajustement face aux dépenses contraintes. Bien que la crise énergétique pourrait rendre relativement plus compétitive la production artisanale, elle risque de souffrir de son image de produits haut de gamme, voire hors de prix.

    En outre, la production en unités réduites présente une difficulté d’appariement entre l’offre et la demande. En effet, la production se trouve limitée par des capacités réduites et peut faire face à une demande très variable. Ceci réduit également la visibilité du producteur sur ses ventes, une difficulté que cherche à corriger le système d’ AMAP . Enfin, cette activité exige d’un producteur à s’engager dans une activité de commercialisation. Or ce basculement exige du temps et des compétences spécifiques. Le producteur/commerçant se retrouve ainsi face à des arbitrages constants, de temps comme de moyens consacrés à chacune de ces activités.

    Pour remédier à ces obstacles, des leviers peuvent être activés au niveau local, afin de favoriser la souveraineté alimentaire. Tout d’abord, le constat doit être fait que, hormis au travers d’associations, la production/transformation reste isolée. Le producteur se retrouve avec la charge de la commercialisation pour sa propre production. Or, regrouper des producteurs d’un même produit, sans effacer les spécificités, permet de proposer une offre plus pérenne permettant de répondre des demandes régulières, ou de grands volumes. D’autre part, la commercialisation croisée entre producteurs d’un même territoire pourrait faciliter l’accès des consommateurs aux produits et peut être source d’économies, notamment en matière de transports. Deux leviers importants pour démocratiser les productions locales et artisanales.

    Préserver la souveraineté, un enjeu pour les pouvoirs publics

    Par ailleurs, les collectivités locales ont la possibilité d’offrir un débouché aux productions locales, grâce à la restauration collective. Au delà de l’enjeu de santé publique, la démarche présente l’intérêt d’offrir une demande significative et régulière aux producteurs. La place des produits locaux reste cependant bien plus importante dans les programmes électoraux que dans les cantines. Fin 2021, ils ne représentaient que 10 % des produits consommés . L’objectif légal – 50 % de produits locaux et issus de l’agriculture biologique en 2022 – apparaît hors d’atteinte. Ceci vient rappeler que les lois fixant des objectifs ne peuvent faire l’économie de contraintes ou de crédits pour se concrétiser. En l’espèce, les élus sont peu suspects de mauvaises volontés. En revanche, ils sont confrontés à des difficultés logistiques, pour respecter les contraintes sanitaires et de la commande publique, qui impose la mise en concurrence pour les achats publics.

    Dès lors, le rôle de l’État apparaît incontournable. Tout d’abord pour mettre en relation et permettre la structuration de filières. À ce stade, les fonds alloués aux produits locaux se bornent à subventionner la formation des employés de la restauration collective publique ou à la création d’un futur label « cantine de qualité ». Une fois de plus, l’État préfère accompagner des initiatives individuelles, au lieu d’impulser un mouvement. Par exemple au travers des directions agricoles des préfectures.

    La place des produits locaux reste cependant bien plus importante dans les programmes électoraux que dans les cantines.

    Rassembler les acteurs et poursuivre une vraie stratégie de souveraineté conduirait à identifier les blocages pour y apporter une réponse commune. Tandis qu’au niveau national, l’État s’engagerait à réviser les règles d’achats publics pour introduire une exception alimentaire. Pour l’heure, cette mission incombe aux collectivités locales, au travers des « Projets alimentaires territoriaux », dont le bilan serait prématuré. Toutefois, en reposant sur les ressources locales, cette démarche risque de favoriser les territoires les mieux dotés, au détriment de ceux qui en auraient sans doute le plus besoin.

    Enfin, il est possible d’effectuer un vrai travail concernant les filières pour lesquelles la couverture des besoins nationaux est la plus fragile. Les données des douanes permettent d’avoir une vue d’ensemble sur la balance commerciale alimentaire de la France. Hormis certains produits très spécifiques, difficilement substituables, le cacao ou bien le whisky écossais, certains peuvent être ciblés. Il ressort des principaux postes de déséquilibre un déficit important sur les produits nécessaires à l’industrie agroalimentaire (matières grasses, amandes douces, soja…). En complément, certains produits, bien identifiés, souffrent d’une concurrence européenne forte (tomates, avocats). Ces éléments, permettent de prioriser les productions pour lesquelles il existe une solide demande interne et des marges de souveraineté.

    Quel modèle d’alimentation pour demain?

    Dans un récent rapport , le sénateur LR Laurent Duplomb s’inquiète de la possible perte d’influence de l’agriculture française. Il note en particulier l’échec d’une stratégie de montée en gamme de la production, associée à une ouverture des frontières. Un tel calcul favorise uniquement les produits de masse issus d’une agriculture aux standards écologiques et sanitaires dégradés. Facteur aggravant, entre 10 % et un quart des produits importés ne répondent pas à nos normes et sont possiblement dangereux. Le budget alloué au contrôle sanitaire, limité à 10 M€, est trop faible pour contenir ces risques.

    La stratégie alimentaire de la compétitivité ne fonctionne pas. Il faut désormais changer de modèle.

    Ce constat oblige à recentrer la stratégie qualitative poursuivie par l’agriculture française. Il convient désormais de privilégier le bien-être de la population à une stratégie commerciale, tournée vers la rentabilité. Sans quoi, le secteur devra se calquer sur les modèles hyper-industrialisés et concentrés, comme aux États-Unis ou au Brésil. Bien qu’aucun responsable politique ne prône officiellement ce modèle, la logique de la compétitivité y mène droit. Pour conjurer ce modèle, des options fortes doivent être assumées. Tout d’abord, prendre un virage protectionniste, en se fixant un objectif minimum de souveraineté sur les produits de l’alimentation. C’est-à-dire en acceptant une approche souple du libre-échange, avec des limitations ou des tarifications ciblées, déjà existantes dans certains domaines . En complément, pour être à la fois juste et viable, cette politique implique un volet social fort. Des chèques alimentaires ponctuels ne peuvent en effet suffire à démocratiser l’accès aux produits bio et locaux.

    Or, l’alimentation reste encore un miroir des inégalités sociales. Paradoxalement, si les consommations se sont relativement uniformisées, sous l’effet de la grande distribution, les écarts se font plus subtils. Les catégories populaires sont tenues par les prix des produits . Ainsi, pour un même produit, les plus pauvres vont recourir d’avantage à des produits plus transformés ou de moins bonne qualité. Ceci contribue à expliquer leur plus forte exposition au risque d’ obésité notamment, même si ce phénomène est multifactoriel.

    Pour éviter une alimentation à deux vitesses, il faut des engagements forts sur le protectionnisme et l’accès à tous à une alimentation de qualité.

    Le risque est alors grand, sans une vision publique forte, de voir le secteur se polariser. D’une part, des produits raffinés, artisanaux, réservés aux privilégiés. D’autre part, une dépendance de l’essentiel de la population à des produits toujours plus industrialisés. Cette tendance constitue un prolongement, dans l’assiette, des inégalités de revenus dans la société. Il s’agit là d’un combat culturel, la cuisine constituant véritablement un commun de la Nation, ainsi qu’une spécificité française. Lutter contre cette tendance implique également une vraie formation au goût dans les écoles. Alors que de plus en plus de jeunes ont du mal à reconnaître des fruits ou des légumes , il faut que celle-ci dépasse les dégustations lors de la semaine dédiée , comme le réclame des chefs cuisiniers comme Thierry Marx . Pour l’heure, le bien nommé Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ne s’est pas engagé aussi loin.

    La crainte de pénurie, de retour depuis le confinement et la guerre en Ukraine, avait commencé à rendre les produits artisanaux relativement plus compétitifs, leur approvisionnement étant garanti. Toutefois, la hausse brusque des prix menace désormais les petits producteurs. Même à échelle artisanale, la transformation implique des processus très gourmands en énergie, pour des modèle encore difficilement à l’équilibre. Or l’alimentation est l’un des domaines qui concentre les hausses les plus fortes de prix, ce qui conduit à des arbitrages des consommateurs. Ceci est déjà flagrant pour la filière bio , qui a subi un violent coup d’arrêt après des années de forte croissance. Un contexte qui plaide pour une véritable Sécurité sociale alimentaire , permettant de concilier les enjeux économiques, sanitaires, sociaux et de souveraineté.

    i « L’UE vise avant tout à protéger les agriculteurs et les consommateurs européens. Ainsi, l’accord conclu avec la Nouvelle-Zélande tient compte des intérêts des producteurs de produits agricoles sensibles de l’UE: plusieurs produits laitiers, viande bovine et ovine, éthanol et maïs doux. Pour ces secteurs, l’accord n’autorisera les importations à des taux de droit zéro ou réduits en provenance de Nouvelle-Zélande que pour des quantités limitées (au moyen de contingents tarifaires). »

    ii 4945 sur l’alimentation à date de consultation [20 juillet 2022] depuis mars 2021

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      À la recherche de la souveraineté numérique de la France

      François Jolain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 04:15 · 11 minutes

    Un article de Conflits

    Pas de guerre sans ordinateur et matériel informatique. Or dans ces domaines la France est dépendante de la Chine et des États-Unis . Est-il alors possible de bâtir une souveraineté numérique, et donc politique, tout en étant dépendant des autres États ? Éléments de réponse sur l’enjeu essentiel de la souveraineté numérique.

    La souveraineté renvoie souvent à l’armement, l’énergie ou la monnaie. Mais que ferait la France sans l’électronique chinoise ou les logiciels américains ? Même en disposant de nos armes, de notre pétrole ou de notre monnaie, peut-on s’en sortir sans ordinateur, smartphone ou internet ?

    Une rapide réflexion débouche sur un non, notre pays comme le reste du monde a besoin du numérique autant que d’une armée. Alors où en sommes-nous de notre souveraineté numérique française et européenne ?

    La question est pointue car les forces et faiblesses se cachent dans les détails. On commencera par diviser la dépendance au numérique en trois piliers :

    1. L’électronique que l’on fabrique ( hardware )
    2. Les logiciels qui tournent dessus ( software )
    3. Les logiciels qui tournent à travers internet pour offrir un service en ligne ( cloud )

    Dépendance hardware

    Sans hardware , pas de numérique. Le monde dématérialisé repose sur beaucoup de matériels. Nous avons d’un côté les serveurs, des ordinateurs sans écran ni clavier conçu pour s’empiler dans des datacenters. C’est dans ses serveurs qu’arrivent nos requêtes Google, nos photos de vacances ou notre épargne puisque la majorité des euros sont numériques.

    Les datacenters sont reliés entre eux par des fibres optiques tirées à travers le monde. Rien que ce domaine peut faire l’objet d’une analyse géopolitique détaillée. Les États surveillent tous les câbles qui passent par leur territoire. Des entreprises comme Facebook ou Google investissent dans ces infrastructures critiques pour accroître le nombre d’internautes et donc d’utilisateurs.

    Côté français, nous disposons d’ Alcatel , un leader dans la pose de câble sous-marin. Notre façade atlantique offre aussi un nœud de transit important entre l’Europe et l’Amérique.

    En périphérie de ce réseau de datacenters et de câbles se trouvent nos appareils : ordinateurs, smartphone, objets connectés.

    Toute cette architecture repose sur l’utilisation massive de semi-conducteurs . Ils permettent la conception de carte électronique pour piloter des écrans, aiguiller les données à travers internet, réaliser des calculs ou stocker des données.

    Historiquement les fabricants de composants électroniques étaient en Occident. Certains résistent comme ST Micro en France, Bosch en Allemagne, Ericsson en Suède, Nokia en Finlande, NXP aux Pays-Bas, Intel ou Texas Instruments aux États-Unis.

    Aujourd’hui, la majeure partie des fabricants est en Asie, précisément à Taïwan et ses alentours.

    On peut noter les Taïwanais TSMC , Foxconn , MediaTek ; les Coréens LG et Samsung ; les Japonais Toshiba , NEC , Fujitsu ; et les Chinois ZTE , Huawei ou Allwinner . Le poids de la Chine est prépondérant car même les entreprises hors Chine disposent d’une part importante de leurs usines en Chine, notamment à Shenzhen .

    Une autre complexité du hardware vient de la fragmentation des acteurs dans la réalisation des puces. Prenons l’exemple de la nouvelle puce M1 d’Apple qui équipe les nouveaux Mac :

    Concevoir à partir de rien un processeur demande des années de développement pour mettre au point des circuits électroniques fonctionnels. L’entreprise ARM a bousculé le marché en mutualisant cette phase. ARM vend uniquement des licences sur des schémas de circuit électronique pour concevoir un processeur. Ainsi, toutes les puces des tablettes, smartphones, objets connectés sont conçues sur une base ARM.

    La puce M1 est basée aussi sur ARM, une petite révolution pour un processeur d’ordinateur. Ce secteur était avant la chasse gardée d’Intel.

    Apple achète donc les licences à ARM pour concevoir ses processeurs. Ensuite il demande à TSMC de fabriquer le processeur, enfin l’ensemble du Mac est assemblé par Foxconn.

    La bataille du 5nm

    Certaines batailles se jouent à un cheveu voire à 10 millièmes de cheveux. Plus les transistors du circuit électronique sont fins, plus on peut densifier le circuit et moins il va dissiper de chaleur. Par conséquent, un processeur avec une gravure plus fine permet d’augmenter ses performances tout en consommant moins.

    La gravure en 5nm est devenue le Graal. La seule entreprise capable de fabriquer la machine est ASML aux Pays-Bas. Les seules entreprises capables de fabriquer des puces à 5nm sont le Coréen Samsung et le Taïwanais TSMC, pour quelques clients seulement comme Apple ou Huawei.

    Le hardware est un secteur de leaders écrasants, voire de monopole. Cela a commencé avec Intel sur le monopole des PC, en contrôlant toute la chaîne du développement à la commercialisation en passant par la fabrication.

    Aujourd’hui, en dehors des PC, la structure intégrée d’Intel est fragmentée. ARM a le monopole du développement. Plusieurs marques comme Qualcoom, Texas Instrument, Apple ou NXP conçoivent des puces à base ARM pour l’industrie ou leur propre usage.

    À la fin toute la fabrication se concentre sur un rayon de 500 km autour de Taïwan avec quelques entreprises, notamment TSMC.

    Vu la panoplie des acteurs et leurs interactions, la souveraineté totale sur le hardware est illusoire. Pourtant, dépendre d’une puissance étrangère pour son hardware ouvre la porte d’une surveillance de masse. Comme les composants de la taille d’un grain de riz insérés par la Chine dans les serveurs d’Amazon pour espionner les données ; ou les révélations de Snowden sur la NSA qui installe des mouchards dans le matériel CISCO exporté. Récemment les États-Unis ont interdit le matériel Huawei de leur infrastructure télécoms pour cette raison.

    Il faut donc limiter la casse pour avoir notre souveraineté. Nous disposons d’entreprises capables de concevoir de l’électronique comme Sagem, Thalès ou ST Micro. Il reste à relocaliser les usines en France.

    La dépendance aux licences ARM a poussé des industriels et chercheurs à développer une nouvelle base appelée RISC-V . Les travaux sont publiés en open source , tout le monde peut donc utiliser cette base librement. Y compris la Chine et la Russie qui ont lancé leur programme national de processeurs RISC-V pour se défaire d’Intel ou ARM.

    Dépendance software

    Pour utiliser le potentiel du hardware , il faut concevoir les logiciels qui vont tourner dessus. Il existe autant de logiciels que d’usage. À travers le monde, différentes entreprises conçoivent des jeux vidéo comme le Français Ubisoft , des logiciels d’ingénierie comme le Français Dassault System ou encore des lecteurs multimédias comme le Français VLC .

    Cependant, certains logiciels sont plus critiques que d’autres pour notre économie et notre souveraineté. Nous allons parler du système d’exploitation, Operating System (OS). Il s’agit du logiciel principal : il va gérer internet, les périphéries (clavier, souris, etc.), le stockage, l’interface graphique et le cadencement de toutes les applications installées.

    En économie, l’OS agit comme un loquet et tend vers le monopole. Les applications sont conçues pour un OS précis tel Windows. Si une entreprise choisit initialement Windows et utilise des logiciels uniquement sur Windows tels Office, SharePoint ou Access, alors l’entreprise se retrouve coincée avec Microsoft. Une fois un OS choisi et répondu, il est très coûteux d’en sortir.

    Ensuite un nouvel utilisateur va choisir l’OS avec le plus d’applications disponibles. Or les éditeurs se concentrent sur l’OS de la majorité. Ainsi plus un OS a d’utilisateurs, plus il aura d’applications, plus il aura d’utilisateurs, etc.

    Microsoft a su parfaitement orchestrer cette stratégie, quitte à flirter avec l’illégalité. Ses pratiques douteuses lui ont permis d’accaparer un marché et des royalties à vie. En soi, l’amende record de deux milliards de dollars pour l’UE ou les poursuites antitrust américaines valaient bien la peine de se passer de la légalité pour acquérir les premiers utilisateurs.

    En politique, l’OS permet d’espionner son utilisateur. Le point de vue omniscient de Microsoft sur les entreprises du monde entier est utilisé par la NSA comme arme économique et politique.

    Encore une fois, l’ open source vient à la rescousse de la souveraineté. Dans le software , l’ open source est la norme. Par exemple, Android de Google repose sur Linux.

    Pour concevoir son système d’exploitation national, il ne faut donc pas tout réécrire. La Chine et la Russie conçoivent leur OS national à partir de Linux. La gendarmerie française utilise Linux comme OS principal depuis 2008.

    Pour finir dans le software , les virus informatiques sont devenus de véritables armes. Le virus Stuxnet conçu par les États-Unis et Israël a permis de saboter le programme nucléaire iranien. De même pour la Russie qui a plongé l’Ukraine dans le noir en déployant un virus sur le réseau électrique . Un simple logiciel peut mettre à terre un site industriel tel un missile.

    Pour Israël ses virus sont même devenus une ressource d’échange diplomatique. Beaucoup de pays arabes, comme le Maroc, l’Arabie Saoudite ou les Émirats ont régularisé leur relation avec Israël pour avoir accès au virus israélien Pegasus capable de hacker n’importe quel smartphone pour transformer l’appareil en mouchard contre son propriétaire.

    Comme les armes, les États sont dans une course pour mettre au point leurs virus et contrer ceux des autres.

    Dépendance cloud

    Le dernier pilier pour la souveraineté numérique repose sur le cloud . On image d’abord les services en lignes qui aspirent nos données vers les serveurs américains ou chinois, comme le font Facebook ou Tiktok.

    Cela est déjà un vaste problème mais ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Dans le cloud actuel, un site français hébergé en France peut se retrouver malgré tout sous la loi américaine. Comment est-ce possible ?

    Il est très coûteux d’avoir ses propres datacenters. Cette activité est une véritable industrie qui nécessite des savoir-faire et des capitaux.

    Aussi les datacenters sont gérés par des acteurs spécialisés qui louent leurs serveurs aux entreprises. OVH est par exemple le leader français dans ce domaine.

    Pour déployer un site web, je ne vais pas allumer un serveur dans ma cave. Non, je me connecte sur OVH, je peux commander un serveur chez OVH, aussi simplement que commander une pizza. Une fois le serveur prêt, je reçois un lien pour téléverser le site sur le serveur pour le publier.

    Une seule entreprise se retrouve donc à héberger des millions de sites de milliers d’entreprises. À ce jour, les plus gros hébergeurs sont américains avec AWS d’Amazon, GCP de Google et Azur de Microsft.

    La concurrence française existe, on peut citer OVH, Scaleway ou Outscale de Dassault. Il n’y a donc pas de barrières techniques à notre souveraineté mais davantage un manque de volonté. Les grandes entreprises tout comme les startups préfèrent encore signer avec Amazon que Scaleway pour le prestige.

    CloudWatt et Numergy sont dans un bateau. Qui tombe à l’eau ?

    Par suite des révélations de Snowden sur la NSA, Dassault presse le pas au gouvernement pour lancer un programme de cloud souverain. Après des réflexions intenses entre énarques, le projet Andromède apparaît. L’État décide de ne rien investir sur le leader actuel OVH mais plutôt de lui créer deux concurrents.

    D’un côté CloudWatt confié à Orange et Thales, de l’autre Numergy avec SFR et Bull. Quant à Dassault, le groupe a senti l’échec et préférera lancer son propre cloud Outscale.

    Dassault a eu le nez creux, Andromède fut un échec total après 285 millions d’euros investis . Outscale, lui, se porte bien.

    Bien évidemment, pour profiter de l’hégémonie des entreprises américaines dans l’hébergement cloud , la maison blanche a ratifié le Cloud Act en 2018, qui impose qu’un datacenter géré par une firme américaine reste sous la loi américaine y compris en dehors du territoire.

    Ainsi les datacenters européens de Google, Amazon ou Microsoft sont sous la loi américaine et l’espionnage de la NSA . Devant une telle ingérence, il est choquant de voir l’État français signer un contrat avec Microsoft pour stocker les données de santé des Français .

    Conclusion

    La souveraineté numérique regroupe plusieurs facettes.

    Si avoir une souveraineté totale semble impossible, il est envisageable d’avoir une souveraineté sur les logiciels et le cloud au moins pour les acteurs critiques du pays. Nous disposons de suffisamment d’entreprises et de développeurs pour disposer de nos propres OS et cloud .

    La souveraineté hardware est plus compliquée. Nous partons avec du retard dans un domaine très complexe. Mais les enjeux justifient les efforts. Nous ne pouvons plus compter uniquement sur un approvisionnement asiatique. Que se passerait-il si plus un seul disque dur ou processeur n’arrive en France suite à une invasion de Taïwan par la Chine ?

    Sur le web

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      Le grand déballage explosif de l’ancien patron d’EDF face aux députés - Le Point

      eyome · Wednesday, 14 December, 2022 - 21:36 · 5 minutes

    Il a dirigé l’entreprise de 2009 à 2014, à cet instant critique où la politique d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, décidée par Bruxelles à la fin des années 1990, est pleinement entrée en application. Écarté de son poste par François Hollande au profit de Jean-Bernard Levy, alors jugé plus en phase avec les projets de décroissance nucléaire du gouvernement, Henri Proglio a lâché la bride devant les députés ce 13 décembre, accusant ouvertement Bruxelles et « les gouvernements successifs » d’avoir délibérément saccagé, depuis 2010, le système électrique français.

    Lorsqu’il prend la tête de l’entreprise publique « au début du XXIe siècle », raconte-t-il, « EDF est exportateur d’énergie, a les prix les moins chers d’Europe (deux fois et demie moins chers que l’Allemagne) et un contrat de service public qui fait référence dans le monde, et donne à la France un atout formidable en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Il n’y avait plus qu’à tout détruire : c’est chose faite ! »

    L’« obsession allemande » : détruire EDF

    Le ton est calme, accablé par le constat, mais les mots sont grinçants, et pendant près de deux heures, les balles sifflent. Contre l’Europe, d’abord, accusée d’avoir délibérément ruiné, sous la pression de l’Allemagne, le potentiel français. « L’Allemagne a choisi l’industrie comme axe majeur de son économie, puis a tenté l’energiewende [la transition énergétique allemande, axée sur la sortie du nucléaire et le développement des renouvelables, NDLR]. Cela s’est terminé par un désastre absolu, les énergéticiens allemands étaient ruinés, totalement vulnérables », détaille l’ancien patron d’EDF. « Comment voulez-vous que ce pays accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? L’obsession allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi. »

    Avec la complicité de l’Europe, accuse-t-il, qui « a pris comme axe idéologique unique la concurrence »… Et celle des gouvernements français. Proglio cible les responsables politiques en rafale. La loi Nome, votée en 2010, qui imposait à EDF de subventionner ses concurrents en leur vendant à prix cassé un quart de son électricité ? « Une mesure inique, destinée à casser EDF et prise sous la pression bruxello-allemande », dénonce-t-il. « Ça a très bien fonctionné, les concurrents d’EDF sont devenus riches. » Pas les Français : pour compenser les pertes, EDF a augmenté ses tarifs, révèle-t-il. Des propos qui font écho à ceux de son prédécesseur à la tête d’EDF (de 2004 à 2009) Pierre Gadonneix, auditionné une semaine plus tôt par la même commission, qui avait dénoncé « une monstruosité », en grande partie responsable de la lente dégradation d’un parc nucléaire français privé d’investissements, et de toute perspective.

    Jean-Marc Ayrault dépeint en « Ubu roi »

    À la tribune, les membres de la commission, qui ont entamé leurs travaux fin octobre, se lancent des regards en biais. « Ça tranche avec l’audition précédente », commente l’un d’eux, par SMS. Plus tôt dans la journée, les députés avaient en effet entendu Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la Transition écologique, qui a répondu aux questions dans une solide langue de bois administrative. « Dix ans en poste : il n’a rien vu, rien anticipé, a enterré tous les rapports », tacle un député. Proglio, lui, se lâche…, raconte avoir assisté « à la recherche pathétique d’un accord électoral avec un parti antinucléaire » (EELV) qui a conduit, pendant la campagne de 2012, « à la fermeture annoncée de 28 réacteurs ». Seule la centrale de Fessenheim sera fermée. Il raconte comment « une théorie absurde » lui a été « imposée à l’époque par les pouvoirs publics : la théorie de la décroissance électrique. Il était de bon ton d’accepter l’idée de considérer que la consommation d’électricité allait diminuer en France », s’étonne-t-il, quand tous les indicateurs montraient précisément l’inverse. « N’importe quel artisan boulanger aurait eu plus de bon sens », attaque-t-il.

    À la place, Henri Proglio a eu Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et Premier ministre sous la présidence de François Hollande, qui s’était proclamé « chef de file de la filière nucléaire française. Il organisait des réunions à Matignon pour distribuer les rôles, comme Ubu roi ! » Le détail de ces rencontres, organisées dans le huis clos du pouvoir, est confondant. « Il y avait onze ministres, onze directeurs de cabinet, vingt patrons de l’administration et les patrons d’Engie, d’Alstom, d’Areva et moi. Et le Premier ministre répartissait le développement du nouveau nucléaire à l’international ! Un jour, le roi de Jordanie est venu à Paris, il voulait qu’on lui livre un réacteur de 900 mégawatts. Le Premier ministre dit : la Jordanie, c’est qui ? Moi je dis : c’est Gérard [Mestrallet, président d’Engie, NDLR]. » À Jean-Marc Ayrault qui s’étonne de ce « cadeau » consenti par EDF, Proglio fait remarquer, pince-sans-rire : « En Jordanie, il n’y a pas d’eau pour refroidir et pas d’argent pour payer, alors je préfère que ce soit Gérard. »

    L’ignorance des données scientifiques et des enjeux industriels par la classe politique sourd de chaque intervention. « D’où vient l’objectif de réduire la part de nucléaire à 50 % du mix électrique ? » demande le président (LR) de la commission, Raphaël Schellenberger. « Pourquoi ce chiffre ? » Réponse de Proglio, lapidaire : « C’est complètement au doigt mouillé. Totalement ! Personne n’a jamais estimé autrement que comme ça. On n’a d’ailleurs jamais su d’où viendraient les autres 50 %. » Des énergies renouvelables, peut-être ? « Les Allemands ont investi plus de 500 milliards dans les énergies renouvelables, on en voit l’efficacité. »

    Quand Henri Proglio révèle le teneur d’une conversation qu’il aura, au cours de son mandat, avec la chancelière allemande Angela Merkel, certains députés regardent leurs chaussures. « Elle m’a dit qu’elle croyait totalement au nucléaire. Mais elle devait bâtir un accord de coalition avec les Verts conservateurs. Elle me l’a dit : elle a lâché le nucléaire pour des raisons politiques ! » Et de conclure par ces propos amers, dans un silence presque gêné : « L’Allemagne est consciente de ses propres enjeux et de ses propres intérêts. » Contre « le sacrifice d’EDF », la France, elle, « n’a rien négocié ».

    #politique #souveraineté #énergie, #Fr, #France

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      Défaillance de l’éducation au Maroc : les causes

      Ihssane El Omri · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 7 December, 2022 - 03:30 · 6 minutes

    Avant de parler de l’ éducation en tant que secteur public ou domaine relevant des responsabilités de l’État, il est incontournable d’évoquer sa dimension spirituelle. Elle est la voie de la vertu, le pouvoir de l’être humain d’agir sur sa vie et décider librement ce qu’il envisage pour son avenir. La gestion du secteur est attribuée exclusivement à l’État tandis que la responsabilité à assumer est partagée entre celui-ci, les parents, les élèves et les enseignants.

    L’État est appelé à assurer une offre inclusive en qualité et en quantité, à savoir des équipements suffisants répondant aux normes de qualité, des infrastructures facilitant l’accès à l’offre pédagogique, un personnel bien formé et psychiquement équilibré et surtout des curricula en adéquation avec la demande des élèves, renouvelables et aptes à suivre l’évolution du progrès technique.

    L’importance de l’éducation

    L’éducation est un secteur public parmi les plus sensibles. Sa performance se répercute sur le pays tout entier et notamment sur ses relations étrangères.

    En effet, l’éducation est liée directement au capital humain, qui n’est que le stock de compétences, de connaissances, de qualifications et d’expériences qu’un individu acquiert et accumule durant son parcours cognitif, pour l’employer dans le processus de production des richesses et du développement de son pays. L’augmentation de la productivité de l’individu est issue de l’augmentation de ce stock de ses acquisitions, ce qui a été approuvé par plusieurs études empiriques ayant démontré qu’une seule année d’études de plus engendre une hausse de la productivité des agents. Ainsi, il a été communément admis dans la littérature économique ancienne et récente que l’investissement dans le capital humain est indispensable à la croissance économique mais n’est à lui seul pas suffisant. Volonté, stabilité politique, compétences des dirigeants et souveraineté : toutes ces conditions doivent être combinées.

    Dictature et éducation sont deux éléments contradictoires qui ne riment pas et jamais, sauf quelques exemples de dictatures à compter sur le bout des doigts qui ont réussi à être l’exception en maintenant la dichotomie entre l’éducatif et le politique. Entre ces deux éléments réside un conflit d’intérêt sanglant et permanent : l’éducation cherche à éclairer les esprits, diffuser le savoir et atteindre les vérités, ce qui menace l’existence du tyran dont le règne se fonde sur des sujets ignorants, gouvernés selon une politique d’institutionnalisation de l’ignorance et de l’abrutissement.

    Les régimes politiques autoritaires cherchent à contrôler le système éducatif du pays, ils choisissent de le noyer dans la fragilité et la défaillance pour assurer leur survie et pérennité. À cet égard ils emploient un arsenal de programmes éducatifs faibles en qualité et forts en quantité dans l’intention d’anéantir l’esprit critique chez l’étudiant. Le régime conçoit une machine à produire des sujets ignorants, obéissants et privés de valeurs et de principes dont la mission est de produire, se reproduire et ne rien opposer.

    Au Maroc, la défaillance du système éducatif ne remonte pas à hier.

    Le système a été la cible de nombreuses politiques réformatrices qui n’ont pas atteint des résultats significatifs hormis l’augmentation du nombre des étudiants inscrits dans les écoles après l’accession au trône de Mohammed VI. La qualité du système est médiocre, il conçoit des chômeurs incapables de s’insérer dans le marché du travail et des jeunes « obsolètes » ne poursuivant ni leurs études ni des formations professionnelles.

    La question qu’on ne cesse de se poser est de savoir où réside exactement le problème ?

    Sans aucun doute, la volonté du régime est un problème de poids qui nous a permis d’expliquer cette défaillance du système éducatif marocain pendant longtemps. Mais il apparaît que ce n’est pas le facteur explicatif unique.

    La question de souveraineté

    La question de souveraineté est un facteur à introduire dans l’équation.

    Ce problème s’est étalé même sur les sujets régaliens de l’État marocain qui en est conscient et responsable. L’éducation en fait parti. Le Maroc est impliqué depuis des années dans des affaires étrangères qui dépassent ses capacités et son potentiel, il est in fine un pays qui n’a pas encore connu un vrai développement, se positionnant au 123e rang sur 190 pays en termes de développement humain, derrière ses voisins maghrébins et même les pays qui éprouvent d’immenses problèmes de stabilité politique et économique, l’Irak et la Libye notamment. Mais il joue avec des pays incroyablement développés par rapport à son stade de développement, ou si l’on peut dire, il s’adapte en fonction des intérêts de ces pays et le bien-être de leur population, lui qui privilégie les intérêts de ses élites et même de ses pays amis par rapport à ceux de ses citoyens. Sans doute, la souveraineté des États sur leur territoire est fondamentale, mais en l’absence de souveraineté sur les sujets régaliens : santé, éducation et sécurité alimentaire, principalement, cette souveraineté se trouve elle-même en danger.

    La souveraineté du Maroc est mise en question depuis fort longtemps. Même après son indépendance en 1956 le pays s’est trouvé impuissant à la restaurer, sans parler des Marocains qui considèrent que cette indépendance concerne l’État et non pas le peuple qui se trouve encore soumis à la fois aux forces étrangères et locales.

    L’imposition du protectorat français en 1912 relève de l’absence de souveraineté, l’imposition du plan d’ajustement structurel en 1983 est le résultat de cette absence aussi. Après 1912, l’État français a généralisé une transcription de son propre système éducatif laïc, reprenant le paradigme pédagogique français dans le but de former des profils particuliers au service de la colonisation française et de modifier l’idéologie de la société marocaine particulièrement musulmane et conservatrice. Alors qu’auparavant, le système éducatif marocain faisait partie d’un système général d’éducation islamique et traditionnel.

    En 1983, la Banque bondiale et le Fond monétaire international ont imposé au Maroc de se désengager de l’investissement massif dans les secteurs publics, notamment l’éducation ; la prédiction et l’accompagnement des mesures apportées par le PAS relèvent des deux institutions financières internationales qui interviennent désormais dans la gestion des fonctions régaliennes de l’État.

    La dette est le point commun entre les deux événements ci-dessus. Le Maroc dont les besoins dépassent largement ses ressources et ses avoirs a bel et bien mordu à l’hameçon, celui de l’endettement. À l’époque précoloniale, les sultans n’arrivaient pas à assurer la prise en charge de leurs besoins et ceux de leur armée ; à cet effet, le recours massif à l’emprunt étranger a aplani la voie de pénétration européenne. Id est , à l’ère postcoloniale, l’État s’engage dans des réformes massives pour rétablir sa souveraineté, dont le financement s’est assuré par des emprunts étrangers. Il s’est retrouvé finalement insolvable, et la souveraineté mise en question.

    Et si nous admettons, comme Abdellah Laraoui, que l’État marocain a cessé d’exister dès 1880 , à qui appartient la souveraineté marocaine ?

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      SCAF : victoire française, vigilance dans la durée et vision stratégique de long terme

      eyome · Monday, 5 December, 2022 - 22:04

    La Tribune qui taille l'Allemagne, parle de son état profond, de ses trahisons passées, prévoit des trahisons futures et félicite Dassault pour sa persévérance.... C'est quoi ce bordel ? 😬 Et notre "modèle allemand ?" Et notre couple ?

    Ils, ils... Ils disent même qu'il faut prévoir un plan B na...na..national ! 😬😨😱

    Si l'Allemagne sera tentée, par une pente naturelle constatée si souvent dans son Histoire contemporaine, de reprendre « en finassant » ce qu'elle a actuellement concédé, la position de la France, elle, tient bien moins de « l'engagement » (pour reprendre l'expression du ministre dans la lettre du 26 novembre) que de l'apaisement : qu'a-t-elle fait quand l'Allemagne a déchiré les accords spatiaux de 2008 ? Rien. Qu'a-t-elle dit au moment de la rupture du projet d'avion de patrouille maritime ou de l'abandon du Tigre ? Rien. L'apaisement conduit à la défaite. Vous voulez le SCAF ? Alors préparez l'avion spatial...

    😳

    #France, #Politique, #Fr, #Rafale, #Souveraineté

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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Monday, 5 July, 2021 - 15:20

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    Catherine Morin Desailly, pasionaria de la souveraineté numérique
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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Thursday, 25 March, 2021 - 09:36

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    Bâtir notre souveraineté alimentaire en protéines végétales
    • Bâtir notre souveraineté alimentaire en protéines végétales

      Le plan protéines végétales vise à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers, à permettre aux éleveurs d’améliorer leur autonomie pour l’alimentation de leurs animaux, et à encourager les Français à augmenter leur consommation de protéines végétales, pour répondre aux nouvelles recommandations nutritionnelles. Le plan protéines végétales vise à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers, à permettre aux éleveurs d’améliorer leur autonomie pour l’alimentation de leurs animaux, et à encourager les Français à augmenter leur consommation de protéines végétales, pour répondre aux nouvelles recommandations nutritionnelles.

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      Zoom avec Ernest Tigori : Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme

      eyome · Tuesday, 29 December, 2020 - 20:48

    Zoom avec Ernest Tigori : Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme

    Interview très intéressante.

    Impossible de trouver ce point de vu dans nos médias, mis à part des méchants tout désignés.

    #France, #Politique, #Fr, #souveraineté, #Responsabilité