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      Trouver une équipe féminine de foot près de chez moi, c'est pas gagné - BLOG

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 18 July, 2022 - 08:57 · 7 minutes

    Tout allait bien jusqu’à la pandémie du Covid et que l’on soit confinés. Pendant le confinement, j’ai invité une amie à venir pratiquer le foot en club avec moi. Elle avait pratiqué quelques années auparavant mais avait dû arrêter par manque de temps. Tout a commencé crescendo. Nous n’étions pas dans une équipe avec des filles de nos âges, nous étions avec des joueuses de 15-16 ans… alors que nous en avions 17-18. Je ne sais toujours pas pourquoi. Tout allait bien jusqu’à la pandémie du Covid et que l’on soit confinés. Pendant le confinement, j’ai invité une amie à venir pratiquer le foot en club avec moi. Elle avait pratiqué quelques années auparavant mais avait dû arrêter par manque de temps. Tout a commencé crescendo. Nous n’étions pas dans une équipe avec des filles de nos âges, nous étions avec des joueuses de 15-16 ans… alors que nous en avions 17-18. Je ne sais toujours pas pourquoi.

    FOOTBALL - Depuis mes 5 ans, je rêvais de pratiquer du foot dans un club, dans des équipes féminines , peu importe… mais cela n’était pas possible. Dans ma famille, on me disait souvent que c’était un sport de garçon. Alors, j’ai décidé d’économiser et d’aller me payer ma licence à mes 16 ans dans le club le plus proche chez moi. Je suis sortie un soir en disant: “Je pars à l’entraînement.”

    Après tant d’années de lutte, j’ai donc commencé le foot en club en octobre 2019, un peu après le début de la saison. Finalement, mes parents ne semblaient pas être contre. Je pense qu’ils avaient eu envie de me préserver des regards.

    Je suis actuellement dans un club de football masculin avec quelques équipes féminines. Ce club a ouvert sa section féminine il n’y a même pas cinq ans. C’est le seul club féminin autour de chez moi. Mais il n’a pas été difficile à trouver, car il est à vingt minutes à pied.

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    L’amour du football

    L’intégration s’est plutôt bien passée, car, lorsque je suis arrivée, je n’avais pas le niveau d’une débutante. Je m’entendais très bien avec les autres joueuses. J’ai toujours joué au foot et c’est peut-être ce qui m’a permis de m’intégrer.

    J’ai grandi avec un frère assez sportif. Nous avons deux ans d’écart et nous étions donc dans la même maternelle, la même école et le même collège. La cour était majoritairement animée par le foot, que ce soit à la récréation, à la pause du midi, ou à l’aide aux devoirs du soir. J’y ai développé mon amour pour ce sport.

    Ça devenait limite de la hagra

    Tout allait bien jusqu’à la pandémie du Covid et que l’on soit confinés. Pendant le confinement, j’ai invité une amie à venir pratiquer le foot en club avec moi. Elle avait pratiqué quelques années auparavant, mais avait dû arrêter par manque de temps. Tout a commencé crescendo. Nous n’étions pas dans une équipe avec des filles de nos âges, nous étions avec des joueuses de 15-16 ans… alors que nous en avions 17-18. Je ne sais toujours pas pourquoi.

    Les cadres connaissent leur travail mieux que nous, alors nous avons laissé couler. Nous n’aurions pas dû, car nous avons vraiment tout laissé couler: les moqueries, les insultes, etc. Les filles de l’équipe nous répétaient souvent qu’on était nulles, qu’on ne servait à rien. Elles critiquaient notre manière de jouer, imitaient les gestes techniques qu’on employait sur le terrain. Ça devenait limite de la hagra , de l’acharnement.

    En septembre, nous avons enfin intégré la bonne équipe, mais mon amie n’était plus convoquée sur les matchs, qu’ils soient importants ou non. Pourtant, les coachs nous disaient souvent qu’on avait des capacités et qu’on était capables de beaucoup de choses. On a décidé de faire les indifférentes, mais ça m’empêchait de prendre du plaisir à jouer et ça l’empêchait, elle, de s’améliorer. Et les filles de l’équipe avaient décidé de se mettre à l’écart et de former “un noyau dur” lors des entraînements ou des sorties.

    Temps de trajet et listes d’attente à rallonge

    Au début du mois d’octobre, j’ai rencontré un coach de haut niveau à la maison de quartier de ma ville. Je lui ai raconté ce qui se passait dans le club. Il était surpris et m’a dit que c’était la première fois qu’il entendait ça, et qu’on devrait songer à changer.

    Nous avions pensé à changer pour d’autres équipes féminines, mais c’est compliqué, car là où je vis il est difficile de trouver un club de foot féminin. Les détections existent, mais les clubs reprennent les mêmes joueuses. Les autres plus grands obstacles sont le temps de trajet (une heure minimum dans les alentours… ce qui est impossible pour nous, car nous ne sommes pas véhiculées), le nombre de joueuses qui essaient d’intégrer ces équipes féminines (donc la liste d’attente est assez longue), et il y a aussi le manque de temps avec les études.

    Je lui en ai parlé. Il m’a dit que le problème était que le football féminin n’était pas assez développé, du coup les clubs autour négligeaient les équipes féminines. Il a aussi dit que c’était du gâchis de nous laisser sans rien faire, qu’on était la future génération, et qu’on ne devait pas baisser les bras.

    On nous appelait “les traîtres”

    Il a décidé de prendre mon numéro, celui de mon amie et de nous coacher pour les vacances. Il nous a donc entraînées pendant les vacances de la Toussaint dans une ville non loin de la nôtre et nous a appris énormément de choses en deux semaines.

    À la rentrée, je ne sais pas comment, mais nos coachs étaient au courant qu’on était allées s’entraîner ailleurs. Ils n’ont pas manqué de le raconter aux autres filles de l’équipe. Les coachs et les filles se sont alors permis de nous appeler “les traîtres”, alors qu’on cherchait seulement à enrichir notre apprentissage. C’était la fois de trop. Le président du club a organisé une réunion avec les coachs. Ils ont arrêté de nous appeler “les traîtres”, mais pas les filles.

    Une affiche de détection au Red Star

    Début 2022, il y a eu une affiche de détection au Red Star , un club installé dans la banlieue nord de la capitale. C’est à trois heures de chez moi, mais il y a une disposition qui nous permettrait d’arriver à l’heure: un car du club vient nous chercher à notre adresse et nous dépose. Mais il est payant. C’est rare qu’il y ait des détections dans des clubs quand on est une fille et, quand il y en a, c’est une grande occasion pour toutes les passionnées de football.

    C’est un ami qui y joue qui nous a proposé de venir. Mais les conditions sont délicates. Il faut être sans club et, étant donné que nous sommes bel et bien licenciées, c’est à nos risques et périls d’y aller. Si mon club actuel apprend que je pars à une détection au cours de la saison alors que je suis licenciée, il risque de bloquer ma licence. Ce qui veut dire que je ne pourrais pas aller m’inscrire dans d’autres équipes féminines. Et le club des Red Star risque de me désinscrire de la détection. Mais nous allons y aller et tenter notre chance. Qui ne tente rien n’a rien.

    Ce billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concernent.

    À voir également sur Le HuffPost: Cette footballeuse freestyle veut encourager les filles à le pratiquer

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      L'autisme de mon petit frère n'est pas contagieux - BLOG

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 17 July, 2022 - 06:30 · 7 minutes

    Combien de fois j’ai vu Lilian faire des crises horribles, tirer les cheveux ou s’énerver dans les bras de mon papa et de ma belle-mère? Combien de fois, en voyant la douleur dans les yeux de mon frère, la souffrance de faire une crise, je me suis sentie triste et impuissante? (photo d'illustration) Combien de fois j’ai vu Lilian faire des crises horribles, tirer les cheveux ou s’énerver dans les bras de mon papa et de ma belle-mère? Combien de fois, en voyant la douleur dans les yeux de mon frère, la souffrance de faire une crise, je me suis sentie triste et impuissante? (photo d'illustration)

    HANDICAP - Quand on dit « autisme », la plupart des gens pensent à l’Asperger. C’est la forme la plus légère et la mieux connue de ce trouble . Mais il existe d’autres formes d’autisme plus sévères, moins reconnues et moins soutenues.

    Quand le diagnostic de mon petit frère Lilian est tombé –8 sur une échelle de 10, je me suis sentie étrange. Je ne connaissais absolument rien à l’ autisme . Je ne savais même pas qu’il existait différents grades de « sévérité ». Même après tout ce temps, on ne s’y fait jamais vraiment. Je ne vois Lilian que cinq fois dans l’année. Il n’empêche que j’en souffre aussi, comme tout le monde autour de lui.

    Aujourd’hui, Lilian a 9 ans, mais il ne parle pas. L’âge requis pour parler est déjà passé depuis longtemps. À ce stade, cela relèverait du miracle qu’il parle un jour.

    Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide !

    Il ne comprend pas ce qui est mal

    À 9 ans, il porte toujours des couches. Parfois, il les enlève à n’importe quelle heure de la journée, ou il ne veut pas les remettre. Mes parents m’ont raconté qu’une nuit, il a fait une crise et retiré sa couche. Il était en train d’en étaler partout sur le lit et de se mettre les doigts pleins d’excréments dans la bouche. Mes parents étaient impuissants. À quoi bon lui dire qu’il ne doit pas faire ça? Il ne comprend pas que c’est mal.

    Voilà le problème: l’autisme l’empêche d’avoir une vie “normale”, de grandir “normalement”, de faire des sorties ou même d’avoir un simple échange avec nous. “Impuissance” est un mot important et qui est très représentatif de mon point de vue sur la question. Combien de fois j’ai vu Lilian faire des crises horribles, tirer les cheveux ou s’énerver dans les bras de mon papa et de ma belle-mère? Combien de fois, en voyant la douleur dans les yeux de mon frère, la souffrance de faire une crise, je me suis sentie triste et impuissante?

    Les gens ont peur de mon frère

    Quand quelqu’un est différent dans notre entourage, il est malheureusement très courant d’entendre les critiques. Les gens ne comprennent pas et ont parfois peur. Une fois, nous sommes allés faire des courses, avec ma belle-mère et mon petit frère. Il y avait beaucoup de monde dans le petit magasin et Lilian avait été calme la moitié du temps.

    En arrivant à la caisse, il a commencé à s’impatienter et a fait une crise. Il s’est mis à pleurer, il commençait à se tirer les cheveux et à vouloir partir. Nous étions à la caisse handicapé. Un monsieur derrière nous a dit: ″ Non, mais vraiment aucune éducation, qu’est-ce qu’il lui prend à se mettre à crier comme ça? ” Ma belle-mère l’a regardé et lui a dit: ″ Il est autiste.

    Voici un autre exemple de l’ignorance du regard des gens et de leur absence d’empathie. Nous étions partis en famille faire une course à Bricomarché. Mon autre frère, Arthur, avait vu une moto un peu chère en verre. Il voulait jouer avec, mais les parents la lui ont retirée des mains. Lilian a, à son tour, pris la moto. Mais la retirer n’allait pas être aussi facile. Il s’est mis à faire une crise en plein milieu du magasin. En voyant son frère pleurer, Arthur s’est mis lui aussi à pleurer. Papa les a pris avec lui pour sortir.

    Au moment où il sortait, sous les regards noirs ou terrifiés de personnes à la vie “normale”, une femme est entrée dans le magasin avec son Caddie et un chapeau rose. Elle a vu mon père avec deux enfants en train de pleurer dans les bras et elle a hurlé: “Oh mon Dieu, mais pourquoi ces enfants crient-ils? Ils sont bruyants! Faites-les taire!”

    La caissière nous a mal regardés et nous a dit: “Mais vous comprenez, les gens ont peur.” Comme si elle voulait en rajouter une couche. Ce fut vraiment la phrase de trop. Sous le coup de la colère, ma belle-mère a répondu: “Peur de quoi? Que ce soit contagieux?”

    Manque de soutien…

    Le plus difficile, c’est d’être constamment jugé par des personnes extérieures qui ne veulent surtout pas comprendre. À quoi bon? Cela ne leur apporterait rien…

    Quand je suis confrontée à ces personnes à l’esprit fermé, j’ai envie de les inviter à passer une semaine chez nous. Il y en a plein à qui ça pourrait faire du bien. Qu’ils comprennent à quel point c’est dur pour tout le monde.

    Je suis fière de mon petit frère, de qui il est, et des efforts qu’il fait, même minimes. J’essaie de me battre contre le regard des autres en restant fière. Quelque part, je suis contente de comprendre l’autisme, de savoir “le gérer”, d’être plus mature sur ce sujet-là.

    Le plus difficile, c’est d’être constamment jugé par des personnes extérieures qui ne veulent surtout pas comprendre. À quoi bon  Cela ne leur apporterait rien…

    … même des médecins

    Mon frère va à l’IME (l’institut médico-éducatif), qui reçoit des personnes en déficience mentale ou physique. Il y va en taxi chaque jour, sauf les mercredis. Ce fut une horreur pour avoir une place. Il manque énormément de places en IME, et le temps d’attente est long. “Bah, désolée Madame, mais vous allez devoir attendre.” Attendre combien de temps  Attendre quoi? Un miracle? Que quelque chose de grave arrive? Venez vivre à la maison le temps d’attendre, on verra si vous allez tenir.

    Ils osent sortir aux familles d’attendre alors que selon le site faire-face.fr (un site d’information sur le handicap), il manquerait entre 30.000 et 47.000 places dans les IME pour que tous ceux qui en ont besoin aient des réponses adaptées.

    Depuis qu’il va à l’IME, Lilian a l’air d’aller bien. En tout cas, il a l’air de beaucoup s’amuser là-bas. Il fait du cheval, il mange des plats différents de ce qu’il mange à la maison. Il y a deux éducateurs avec lui. C’est dur de se dire qu’il faut deux personnes pour gérer mon frère.

    Il y a aussi les fameux: “Non, mais vous comprenez, nous ne pouvons rien faire en ce moment, car c’est la semaine de repos et nous avons besoin de vacances.” Alors que nous, nous ne sommes quasiment pas partis en vacances depuis huit ans. Vous pensez que l’autisme va s’arrêter pour nous laisser avoir des vacances? On est privés de vacances et de toutes sorties, et vous osez nous dire ce genre de trucs?

    Et si c’était vous?

    Il faudrait vraiment que la prise en charge puisse être respectée là où on l’attend le plus. Dans les établissements prévus pour ça, mais aussi dans les établissements scolaires. Le problème, c’est qu’il manque beaucoup d’assistantes de vie scolaire (AVS), que c’est un métier vraiment peu connu, et pourtant très utile et demandé. Tous les enfants ont le droit à l’éducation, même avec leur handicap.

    Évidemment, tout n’est pas à jeter. Il y a beaucoup de personnes compréhensives qui acceptent la différence, et qui s’en occupent ou compatissent. Déjà ça, ça apporte beaucoup. Je suis reconnaissante de ces personnes qui prennent la parole pour nous, qui nous comprennent et qui acceptent.

    Malheureusement, la majorité des personnes réagissent comme décrit plus haut. Elles ont peur de l’autisme et ne veulent ni comprendre ni accepter la différence. À ces gens, je pose une question: comment réagiriez-vous si c’était quelqu’un de votre famille proche? Votre frère? Votre sœur?

    Ce billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concernent.

    À voir également sur Le HuffPost: “Hors Normes”, un film juste sur l’autisme

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      Je suis gay, banlieusard et fier - BLOG

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 25 June, 2022 - 07:00 · 9 minutes

    On m’a toujours fait sentir que j’étais différent et, surtout, on a toujours voulu me faire On m’a toujours fait sentir que j’étais différent et, surtout, on a toujours voulu me faire "comprendre" ma sexualité. J’ai utilisé le terme "comprendre", mais je ne pense même pas qu’il soit vraiment adapté: l’idée pour eux était plutôt de me briser , de m’ostraciser plutôt que de m’aider dans la découverte de moi-même. (photo d'illustration)

    LGBT - Je vis dans la banlieue sud de Paris, j’ai toujours vécu ici. C’est tout bête, mais, en banlieue , c’est la loi du plus fort. Très tôt, les garçons rugissent un maximum pour montrer qui est le plus puissant, le plus saillant. Au collège, il y avait beaucoup de bagarres , de règlements de comptes auxquels je ne participais pas. Mais même quand tu ne t’en mêles pas, c’est toi qu’on vient chercher.

    Les autres voulaient savoir

    Je ne me suis jamais vraiment posé de questions sur ma sexualité . Et ces questionnements ne sont même pas apparus naturellement: ce sont les autres enfants qui les ont provoqués. Depuis tout petit, j’ai toujours senti cette fracture entre eux et moi: là où les garçons préféraient les ballons et les filles, moi je préférais traîner avec elles et jouer aux Barbies. Mais cette préférence m’a coûté beaucoup de choses…

    Je ne pense pas que mon expérience soit propre à la banlieue. Lorsqu’on est une personne LGBTQIA+, on fait souvent face au rejet et à la violence, que l’on habite en ville ou en campagne.

    On m’a toujours fait sentir que j’étais différent et, surtout, on a toujours voulu me faire “comprendre” ma sexualité. J’ai utilisé le terme “comprendre”, mais je ne pense même pas qu’il soit vraiment adapté: l’idée pour eux était plutôt de me briser , de m’ostraciser plutôt que de m’aider dans la découverte de moi-même.

    D’abord, les insultes

    Je ne me rappelle pas quand le réel “harcèlement” a commencé. Je me rappelle juste de comment: à mon entrée en sixième, un groupe de garçons de ma classe ne faisaient que m’insulter de “PD”. S’il n’y avait eu qu’eux… Parce que non, ça ne s’arrêtait pas à ma classe. Dans la cour, on venait me voir pour me poser des questions très indiscrètes. “Tu es transsexuel?” ; ” Tu veux être une fille?”; “T’es une pédale.”

    J’avais un style plutôt banal. J’aimais m’habiller en couleur avec de l’orange, du rouge, du vert, mais mon look rentrait plutôt dans les “codes”. En revanche, j’avais quelque chose qui me démarquait des autres et qui m’a trahi: j’étais efféminé et je traînais avec des filles. C’était uniquement sur ces critères que je recevais des critiques.

    Les humiliations

    Je me rappelle même qu’une surveillante du collège s’était mise à m’embêter. Lorsque je mangeais, elle s’invitait à ma table avec mes copines pour me poser ce même genre de questions: ” Et pourquoi tu traînes qu’avec des filles?” ; “Fais comme les autres garçons, va jouer au foot.” Je me souviens encore du frisson de gêne et le sentiment d’humiliation que je ressentais.

    C’est dans ces moments-là que tu ressens au plus profond de toi que tu n’es pas comme les autres, et que tu as en plus l’impression que c’est une erreur, qu’il y a quelque chose à changer. Le contrôle de soi devient alors primordial: ne pas paraître trop efféminé, essayer de parler avec une voix un peu plus grave, décroiser les jambes en public… Tant de choses que j’ai dû faire pour paraître “normal” aux yeux des gens et pour qu’ils arrêtent de mettre en lumière cette différence qui me faisait tant souffrir.

    Les coups

    J’aurais aimé que ça s’arrête aux mots, mais j’ai également eu le droit aux menaces de mort au téléphone, aux coups de pied dans mon sac… Je me rappelle même qu’un jour, en sortant du collège un mercredi midi (ce qui est l’équivalent d’une heure de pointe dans les transports en termes de monde), deux garçons plus jeunes que moi sont venus avec une barre de fer pour me frapper. Sans aucune raison, ils m’ont plaqué contre le mur devant tout le monde et m’ont frappé les jambes avec  cela a duré quelques secondes, mais suffisantes pour que je me sente humilié. Je me rappelle rigoler pendant qu’ils me frappaient pour faire semblant que je maîtrisais la situation et qu’ils étaient mes amis, alors qu’intérieurement je criais à l’aide.

    De manière générale, les critiques venaient de tout le monde. Donc le mal que je recevais, je me l’infligeais, notamment avec la mutilation. Je me suis mutilé du milieu de la quatrième à la troisième environ: au tout début, c’était quelques petits traits, puis après je finissais avec le bras en sang. Je me rappelle encore de la sensation de brûlure lorsque je prenais ma douche.

    Préserver ma famille

    Ma famille n’était au courant de rien, du moins ils en savaient le moins possible. J’ai toujours voulu les protéger: j’imagine même que s’ils lisent ce texte, ils hallucineront de savoir que je leur ai caché tant de choses. Oui, ils savent que je me faisais un peu embêter, mais rien de grave. Je ne leur racontais rien de mes agressions et tentais à chaque fois de rentrer du collège avec le sourire, pour ne pas les inquiéter.

    Cette période fut vraiment compliquée, mais plus j’avançais dans les années, plus les gens s’habituaient à ma présence et les remarques s’atténuaient peu à peu, sans disparaître complètement.

    Le déclic au lycée

    Au lycée, c’était assez différent. Pour une fois, je n’étais pas vraiment le centre de l’attention, et cela m’a vraiment permis de me découvrir et de pouvoir m’assumer par la suite. J’ai fait mon coming-out lorsque j’étais en première, les gens ont plutôt bien réagi. À vrai dire, ils s’en doutaient tous un peu. J’avais peur que certaines personnes ne comprennent pas, mais, après tout, c’était ma sexualité et ça ne regardait que moi.

    Je pensais en avoir fini avec les remarques jusqu’à ce qu’un groupe de garçons au lycée m’aient dans le viseur. Dans les couloirs, j’avais le droit à “Haron, pète-moi le cul”, ou à des regards déplacés…

    À la fin du lycée, j’ai commencé à me maquiller et à m’habiller plus en corrélation avec ma personne. Pas au point d’aller au lycée avec de faux cils et du rouge à lèvres, mais j’aimais bien me faire un beau teint avec du gloss, du mascara et les sourcils. Côté vêtements, rien de vraiment choquant, mais je suis passé du sac à dos au tote bag. Sur tout mon lycée, on devait être deux ou trois garçons à en porter un. Tout le reste des garçons était en sac à dos. Mais, moi, j’étais plus à l’aise, j’étais plus moi-même. Je n’avais plus l’impression de mentir aux gens sur qui j’étais comme je le faisais avant, avec mon “contrôle social”. Oui, c’était un nouveau souffle pour moi de m’assumer.

    D’autres ont vécu pire

    Je connais d’autres personnes LGBTQIA+ de ma ville qui ont eu plus de mal à se faire une place, et qui ont vécu une expérience pire que la mienne. Je connais un garçon qui se faisait harceler pour les mêmes raisons que moi, mais ce n’était pas pareil: c’était plus violent, plus frontal. Les gens l’embêtaient vraiment, car, à ma différence, lui a assumé son homosexualité très jeune.

    Là où moi je pouvais démentir en affirmant que j’étais comme eux, lui assumait et revendiquait clairement sa différence. J’étais plutôt bien entouré, j’avais des copines qui me défendaient parfois, et j’avais un moins gros caractère que lui. Je ne répondais pas et ne me défendais pas pour qu’on évite au maximum d’appuyer là où ça fait mal. Lui, il était moins entouré et se défendait, il était donc plus facile à atteindre pour les autres. Je ne le connaissais pas et je ne le voyais pas souvent, mais je me disais toujours en le voyant que, finalement, ce que je vivais n’était pas si horrible que ça.

    En banlieue ou ailleurs, c’est pareil

    Je ne pense pas que mon expérience soit propre à la banlieue. Lorsqu’on est une personne LGBTQIA+, on fait souvent face au rejet et à la violence, que l’on habite en ville ou en campagne. Après, il est évident que certains facteurs entrent en compte lorsque l’on vit en banlieue: le milieu social, la précarité, la délinquance… J’ai eu la chance, malgré mon expérience, d’avoir assez bien réussi mon intégration sociale. Même si j’avais le droit aux remarques, je restais assez “neutre” (notamment, car j’exerçais un contrôle de moi-même assez impressionnant).

    Mais, la banlieue, c’est mon chez-moi, et je sais comment ça fonctionne. Donc, malgré la peur, je l’aime ma banlieue, et sans elle je ne serai pas la personne que je suis aujourd’hui. C’est avec tout ce que j’ai pu vivre pendant mon enfance, ici en banlieue, que j’ai pu me forger mon caractère et ma force d’esprit. Je sais que beaucoup de personnes la voient comme un “ghetto” ou comme quelque chose de dangereux, mais, moi, elle me rassure.

    C’est ici que j’ai vécu, c’est ici que j’ai grandi et, pour ces raisons, j’ai presque envie de lui dire que je ne lui en veux pas. La banlieue, c’est aussi une richesse, celle de croiser des personnes de différentes origines, de différents milieux sociaux cohabitant ensemble. Je me sens banlieusard et j’en suis fier.

    Ce billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concernent.

    À voir également sur Le HuffPost: À Tbilissi, une marche des Fiertés annulée après avoir été attaquée par des opposants conservateurs