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      La taxe carbone aux frontières : une catastrophe

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 15 December, 2022 - 04:30 · 5 minutes

    Le quotidien Le Monde nous le dit.

    Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission environnement du Parlement européen se réjouit :

    L’UE est la première zone commerciale au monde à mettre un prix carbone sur ses importations. On en parle depuis plus de vingt ans. C’est un accord historique pour le climat. »

    Et Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme UE de l’Institut de l’économie pour le climat, abonde :

    « C’est le mieux qui pouvait se passer, de s’assurer que les produits importés en Europe soient soumis au même prix carbone que s’ils avaient été produits en Europe. »

    En juillet 2021, nous alertions déjà sur ce sujet en expliquant toutefois qu’elle ne serait probablement jamais mise réellement en application pour des raisons techniques (impossibilité d’avoir accès aux documents de fabrication pour déterminer le montant à taxer) et juridiques (dans les règles de l’OMC, obligation de prouver l’atteinte à l’environnement).

    Mais à supposer que l’Europe persiste envers et contre tout, a-t-on bien analysé la chose ?

    Le choix des matières premières

    Comment établir un équilibre fiscal entre imports et production locale ?

    Comme on s’y attendait, la taxe ne touchera que des matières premières. Appliquer le système à des produits finis implique une telle complexité d’évaluation que même la Commission européenne a reculé.

    Elle s’appliquera donc à l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais, l’électricité mais aussi l’hydrogène.

    Or, tous ces produits sont taxés via des systèmes incroyablement complexes, non homogènes entre pays européens et certains bénéficient d’exonérations en général temporaires lorsqu’ils sont soumis à la concurrence internationale.

    Il faudrait donc d’abord faire un inventaire complet intra-européen et évaluer la contrainte fiscale moyenne européenne qui s’exerce sur ces produits (puisque la taxe est aux frontières européennes) et mettre tous les pays au même niveau. Il est probable que ce travail ne sera pas fait de façon exhaustive et qu’on en restera au système d’imposition d’achats aux enchères de crédits carbones, les fameux quotas à polluer. Car c’est le seul système appliqué uniformément à toute l’Europe.

    Or, il existe de nombreuses autres taxes plus ou moins liées aux émissions de CO 2 .

    Par exemple, en France, la « contribution climat » qui s’applique sur l’énergie et donc se répercute aussi sur les coûts de production des matières premières concernées.

    Si on veut rétablir une « égalité de traitement » entre les imports et les productions internes sur la base du système de quotas, il faut donc soit conserver les exonérations d’achats de quotas pour les activités intensives en énergie et appliquer aussi des calculs qui en tiennent compte pour les imports, soit supprimer les exonérations et c’est ce qui semble être l’objectif de la commission européenne. Cela double carrément les prix de revient pour l’acier, le ciment, l’aluminium.

    Mais il subsiste de grosses difficultés pratiques

    Même si les calculs sont plus simples pour les matières premières, on se heurte à des difficultés pratiques.

    Une des principales est le fait qu’une partie de ces matières sont issues de procédés de recyclage : l’acier peut être fabriqué à partir de ferrailles dans un four électrique ; comme l’aluminium, le ciment peut provenir de sous-produits des hauts fourneaux sidérurgiques. Comment les différencier des produits issus de minerais au passage à la douane ? C’est probablement faisable en analysant très finement les produits mais c’est impossible à généraliser aux frontières. Et compter sur les exportateurs pour divulguer leurs procédés de fabrication… on peut toujours espérer. Or, entre matières neuves et matières recyclées, le bilan des émissions peut aller du simple au double. Et comme pour recycler on utilise des quantités énormes d’électricité, il faudrait également définir le bilan de l’électricité utilisée dans le pays exportateur…

    Il est probable qu’aucun praticien industriel n’a été consulté tant le sujet semble mal parti.

    Conséquences sur le consommateur

    Jusqu’à présent, le système de quotas d’émission n’était pas appliqué à plein sur les matières premières très intensives en émission pour des raisons de concurrence avec les produits importés. Il fallait éviter « les fuites de carbone ». (dit crûment, les délocalisations). Si la taxe aux frontières existe vraiment un jour, cela n’aura plus de justification.

    Tout économiste sérieux sait que de toutes façons faire du protectionnisme sur les matières premières est catastrophique pour la compétitivité des produits finis et que le bilan global est fortement négatif.

    Mais c’est bien pire dans le cas de la taxe carbone puisque cela peut conduire à doubler le coût de fabrication de certaines matières premières issues directement des minerais. Ces matières peuvent être produites à partir de matières recyclées mais comme leur usage est en croissance le volume de déchets n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins. En gros, on peut avoir 50 % de recyclés dans la production totale.

    En fait, la taxe condamne arithmétiquement quasiment les hauts fourneaux, les électrolyseurs d’aluminium et les fabrications de clinker en Europe. Et si les contrôles aux frontières étaient efficaces pour différencier matières recyclée ou neuves, ce serait encore pire : ils condamneraient 50 % des volumes de produits finis européens contenant de l’acier ou de l’aluminium, ceux qui auraient été produits à partir des matières « neuves » devenues inaccessibles en prix.

    Il y a un précédent

    Sur un sujet très différent, l’Europe s’était déjà tiré une balle dans le pied.

    Il s’agit de la réglementation sur les produits chimiques, « REACH » où les contraintes sont très fortes sur les matières premières et très faibles sur les produits finis, ce qui conduit également à des délocalisations.

    Les industriels qui veulent encore produire en Europe sont bien téméraires.

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      La taxe carbone aux frontières : une erreur protectionniste

      Élodie Messéant · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 25 November, 2022 - 03:50 · 4 minutes

    Un article de l’IREF France

    Nul doute que la guerre en Ukraine met à l’épreuve l’ambition des membres de la COP27 pour réduire leur impact carbone. En particulier celle de l’Union européenne (UE), qui dépend fortement des énergies fossiles. C’est ainsi que le projet de taxe carbone aux frontières a émergé au sein de la Commission européenne l’année dernière. Voté par le Parlement européen en juin, le texte est entré en phase de négociation.

    Ce dispositif s’accompagne d’une suppression, en 2032, de la gratuité des quotas carbone pour de nombreux industriels européens – quotas considérés par certains comme des « droits à polluer ». En pratique, la taxe carbone aux frontières s’applique aux importations de l’ Union européenne dans cinq secteurs d’activité : électricité, ciment, engrais, acier et aluminium.

    L’objectif est double. Tout d’abord, réduire l’importation de produits carbonés – ce que l’UE dénonce comme une « fuite carbone » – et ainsi, respecter l’ Accord de Paris pour 2030. Ensuite, lutter contre les délocalisations des industriels européens vers des pays où les coûts de production sont plus faibles et la réglementation plus souple en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

    La bureaucratie européenne assomme l’industrie…

    Rappelons que les industries européennes sont déjà soumises au système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet serre (SEQE), instauré en 2005. Contrairement à la taxe qui consiste à imposer un prix au carbone, le « marché du carbone » fixe une limite d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser – avec des amendes de 100 euros par tonne de CO 2 excédentaire. En 2020, ce commerce juteux aurait rapporté près de 19,6 milliards d’euros de bénéfices à l’UE.

    Face à la menace bureaucratique de la taxe carbone aux frontières, des entreprises envisagent déjà de relocaliser leur production . En effet, les importateurs de marchandises devront acheter des certificats dont le prix serait indexé sur celui du CO 2 dans le marché du carbone. Les pays exportateurs, quant à eux, devront transmettre les données sur leurs émissions aux importateurs. Autrement, une procédure spécifique sera nécessaire pour appliquer les valeurs par défaut au secteur concerné… Difficile de ne pas craindre qu’un monstre bureaucratique, complexe et imprévisible, soit en train de s’installer.

    … et détériore le pouvoir d’achat au nom de l’écologie

    Certes, la taxe carbone aux frontières aura peut-être pour effet d’augmenter les profits de quelques industries européennes puisque leurs concurrents étrangers paieront désormais une taxe semblable à la leur. Mais en majorant le coût des produits importés (biens de consommation, automobiles, machines), elle ne profitera nullement aux consommateurs. Une telle taxe risque plutôt de renforcer la spirale inflationniste et d’impacter négativement le pouvoir d’achat des Européens. Comme toujours, ce n’est pas tant la concurrence étrangère mais les consommateurs finaux qui payent le prix du protectionnisme.

    Au-delà du protectionnisme, l’UE ne cesse de ruiner les citoyens européens au nom de l’écologie. Nous pouvons citer la fin de vente des véhicules thermiques neufs dès 2035, l’ European Green Deal et son obligation de consacrer au moins un quart des terres au bio, ou encore le plan Repower EU qui prévoit une consommation d’énergie réduite de 13 % d’ici 2030. Certaines de ces politiques ont été expérimentées dans des pays comme le Sri-Lanka ou les Pays-Bas , avec des conséquences désastreuses pour les populations.

    Une politique nocive pour la compétitivité de l’UE

    Alors que son objectif était de devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » en 2000, l’UE s’éloigne de son projet européen originel – à savoir lever les barrières qui s’opposent à l’exercice de nos libertés et à la prospérité. Malheureusement, les avertissements de Margaret Thatcher, ancienne Première ministre britannique, ou de Vàclav Klaus, ancien président tchèque, se sont révélés prophétiques. L’UE est désormais semblable à un supra-État avec sa bureaucratie, ses lois et ses règlements… au détriment de l’innovation et de la concurrence.

    Aujourd’hui, nous en payons le prix. Si les entreprises affichant les plus fortes capitalisations sont en très grande majorité américaines, ce n’est pas le fruit du hasard. Lorsque l’on regarde de plus près, la tendance est plutôt inquiétante : la part d’entreprises européennes se réduit au profit des entreprises américaines et asiatiques . C’est ainsi que les GAFAM sont devenus les cibles préférées des bureaucrates européens avides de taxes et de contraintes réglementaires.

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    Au début du XXI e siècle, 41 des cent plus grandes entreprises étaient européennes. Aujourd’hui, elles ne sont plus que quinze.

    En définitive, la taxe carbone aux frontières s’inscrit dans la continuité des politiques écologistes qui détériorent le pouvoir d’achat des consommateurs – déjà soumis à des taux d’inflation inédits au sein de l’UE – et assomme l’industrie européenne de nouvelles normes. Ni le protectionnisme ni la planification écologique ne protègent la planète. Seule une accélération de la recherche et des innovations dans le domaine énergétique y parviendra.

    Sur le web

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      Climat: Coup de théâtre sur un texte européen majeur pour réduire les émissions de CO2

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 8 June, 2022 - 12:58 · 2 minutes

    Le Parlement a décidé de rejeter un texte-clé sur la réforme du marché européen du carbone. Le Parlement a décidé de rejeter un texte-clé sur la réforme du marché européen du carbone.

    ENVIRONNEMENT - Un coup de frein pour les politiques climatiques européennes. À la surprise générale, ce mercredi 8 juin, les eurodéputés ont voté une série d’amendements qui mettent à mal l’ambition d’une fiscalité carbone aux frontières de l’UE .

    Après le vote de ces amendements, les eurodéputés ont rejeté en séance plénière la réforme du marché européen du carbone, jugée pas assez ambitieuse par les Verts et la gauche. Ce vote va entraîner une renégociation du texte en commission parlementaire.

    Pilier du plan climat de l’UE , l e texte prévoit l’élargissement du marché d’échange des quotas d’émissions de CO2, mais aussi la suppression des quotas gratuits aux industriels européens en échange d’une taxe carbone aux frontières de l’UE. Il a été rejeté à la surprise générale par 340 voix contre (265 pour, 34 abstentions), les eurodéputés Verts et de gauche fustigeant les propositions du PPE (droite) et de Renew (centriste et libéraux) sur le calendrier et les objectifs.

    Selon l’eurodéputée Tilly Metz, le PPE serait parvenu, avec ses amendements soutenus par l’extrême droite, à “abaisser considérablement l’ambition climatique” du texte, le vidant de sa substance et rendant ainsi les objectifs climatique de l’UE plus difficiles à tenir, en donnant par exemple aux industries les plus émettrices de CO2 des droits à polluer gratuitement jusqu’en 2034 - et non plus 2032 comme cela était prévu dans le texte initial.

    Cependant, comme l’indique l’eurodéputée de la France insoumise Manon Aubry, une coalition menée par les élus verts et socialistes a obtenu un renvoi en Commission du texte suite à son détricotage.

    “Honte aux libéraux qui se sont alliés à l’extrême-droite pour satisfaire les lobbies”, dénonce la députée européenne sur Twitter.

    Dans l’autre camp, c’est la situation inverse, puisque le PPE et Renew accusent les écologistes et les socialistes d’avoir voté contre le texte.

    À voir également sur Le HuffPost: Élisabeth Borne face au défi d’une “planification écologique” encore floue