• Co chevron_right

      [Entretien] – Rafaël Amselem : « Je refuse l’idée d’une nécessaire équivalence entre communisme et nazisme »

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 20 April, 2023 - 03:30 · 18 minutes

    Baptiste Gauthey : Bonjour Rafael Amselem. Il y a quelques jours, Olivier Babeau a publié un tweet dans lequel il compare le communisme et le nazisme en avançant que la différence essentielle entre les deux régimes serait je le cite « le nombre de morts ». Que penser de cet argument ?

    Rafaël Amselem : Le premier élément qui importe, c’est de voir les points d’accord et ceux sur lesquels nous devrions tous reconnaître une certaine forme de vérité. D’un point de vue historique et systémique, le communisme a abouti à des régimes totalitaires, criminels et radicalement violents. C’est une réalité que l’on a du mal à traiter aujourd’hui. Il suffit aussi de voir le nombre incroyable de réactions indignées qu’a suscité le tweet, relativisant parfois l’histoire violente du régime soviétique.

    En revanche, j’ai un point de désaccord fondamental avec Olivier Babeau, ou plutôt sur l’idée qu’il expose : la nécessaire équivalence entre communisme et nazisme, sur la base d’un argument comptable – l’idée qu’il suffirait de faire le décompte des morts de chaque régime pour établir celui qui, d’entre les deux, incarne le mal radical. Passons sur les éléments de forme de cette comptabilité (les résultats du Livre Noir sont, au moins pour partie, contestés ; le communisme s’est étalé sur près d’un siècle, là où le nazisme a duré une dizaine d’années) : son postulat est surtout faux sur le plan philosophique.

    L’impossibilité d’une telle équivalence est simple : le nazisme, a contrario du communisme, repose sur une ontologie raciale. Lucie Doublet, dans un excellent ouvrage ( Emmanuel Levinas et l’héritage de Karl Marx , Édition Otrante, 2021), expose la pensée du philosophe Emmanuel Levinas sur la question. Levinas a vécu le nazisme dans sa chair, en tant que juif, et en tant que prisonnier politique durant la guerre ; ce qui l’amènera évidemment à traiter du nazisme en termes philosophiques. Il sera par exemple l’un des premiers à affirmer, très tôt dans les années 1930, la violence contenue dans la doctrine de Heidegger. Lui-même proche du socialisme libertaire, il exposera aussi une critique très nourrie du marxisme et des régimes qui s’en réclamèrent par la suite.

    Levinas pense la construction de la civilisation occidentale comme l’avènement de « l’esprit des libertés ». Une grande histoire qui commence avec le judaïsme, ayant introduit la notion de pardon dans le monde ; et le pardon entretient avec la liberté un rapport fraternel, détachant notre être de l’enchaînement du passé, de nos erreurs d’hier ou d’avant-hier, inaugurant une voie de la rédemption qui s’ouvre sur un avenir radicalement indéterminé. Viennent ensuite le christianisme, mettant l’emphase sur l’au-delà et la sortie du monde terrestre, bref, en consacrant le primat de l’âme sur le corps ; le libéralisme, qui consacre les libertés politiques pour légitimer l’existence de la société politique ; le communisme, qui interroge la société libérale quant à la réalisation matérielle des libertés formelles (en d’autres termes, la société libérale déclare des droits, reste à savoir si ces droits deviennent concrets pour tous ou s’ils ne seraient pas au contraire réservés à une élite bourgeoise). Au fond, l’esprit des libertés se caractérise par un écart entre le soi et le monde, un recul vis-à-vis de l’être, une évasion de l’immanence de l’existant. La liberté consiste dans la capacité à transcender ses propres déterminations.

    Le nazisme est essentiellement une négation de l’esprit des libertés. Le nazisme est une ontologie raciale. Le nazisme pense l’humain par le primat de l’expérience corporelle ; ou, pour le dire simplement, de la race. Le nazisme est l’impossibilité métaphysique pour le sujet de s’extraire de ses caractères biologiques, dont il résulte une pensée de la violence et de l’hérédité. Il y a bien un mal du stalinisme chez Levinas. Mais jamais les doctrines socialistes et communistes ne se font l’écho d’une telle ontologie. Georges Steiner le formula de la façon suivante ( Grammaires de la création , Gallimard, 2001) : « Il semble cependant que l’extermination par les nazis de la communauté juive d’Europe soit une « singularité », non pas tant par son ampleur – le stalinisme a tué infiniment plus – que par ses motivations. Toute une catégorie de personnes humaines, les enfants compris, a alors été déclarée coupable d’être. Leur seul crime était d’exister et de prétendre vivre. » Là est la différence radicale, si ce n’est insurmontable, entre nazisme et communisme. Certes, les expériences communistes n’ont pas été étrangères à l’antisémitisme, notamment sous Staline. De même, sur le plan théorique, la critique du capital peut résulter sur des tropes antisémites (Moshe Postone, Critique du fétiche capital , Puf, 2013). Mais ces débouchés ne sont pas une fatalité a priori . Il a bien existé des phases où des juifs ont participé à l’édification du socialisme et du communisme. La métaphysique communiste ouvre cette possibilité ; à l’inverse, celle du nazisme ne permet même pas une poussière d’espoir en la matière.

    D’où vient donc cette erreur d’analyse ? À mon sens, beaucoup de libéraux se trompent lorsqu’ils fondent leur analyse du communisme et du nazisme à l’aune d’un seul et unique critère : le totalitarisme. Au fond, nazisme et communisme ne seraient que deux faces de la même pièce : le holisme, ou le collectivisme. Je rejette radicalement cette interprétation. Elle est d’évidence (excessivement) incomplète. Les valeurs nazies et communistes ne se situent pas sur le même plan. Pour le dire simplement, je mange aisément à la table d’un communiste, pas à celle d’un nazi.

    BG : En réaction, François Malaussena a publié un « thread » dans lequel il explique que s’il ne s’agit pas de réhabiliter le communisme, il ne faut pas le mettre sur le même pied d’égalité. Il écrit notamment qu’il « peut théoriquement exister un régime communiste qui ne tue personne, là ou c’est impossible pour un régime fasciste ». Est-ce juste ?

    RA : Non et plusieurs argumentaires peuvent être mobilisés pour y répondre. En premier lieu, il y a les écrits de Raymond Aron . L’État libéral, dit-il, celui de Constant ou Tocqueville, est bâti sur la séparation entre, d’une part, une sphère individuelle privée dans laquelle on s’appartient à soi, où la volonté d’autrui ne peut s’immiscer dans la conscience et les choix personnels, dont résulte l’illégitimité de l’État dans certains domaines d’intervention ; d’autre part, la sphère publique qui régule l’espace des communs. Cette distinction, qui consacre un espace de liberté individuelle, la doctrine marxiste s’y oppose frontalement. Pour Marx , dit Aron, cet État, celui de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, est une aberration : si on sépare l’homme du citoyen, si on distingue le privé du public, si, dit autrement, on déclare que certains espaces de la vie sociale sont exclus de la loupe du législateur, ce n’est pas la liberté qu’on proclame, mais l’aliénation même du prolétaire : car sa vie privée, essentiellement vécue dans le monde du travail, est imprégnée d’aliénation. Consacrer l’étanchéité entre le travailleur et le citoyen, c’est bien entériner le rapport de force qui l’oppose au capitaliste, le laisser à la merci du bourgeois. D’où cet appel à construire un régime qui confonde volontairement corps social et corps politique, société civile et administration, bref, qui abolisse la dualité entre la société civile et l’État.

    Cet appel est d’autant plus fondé que la démocratie a montré aux hommes « la vérité secrète, l’énigme résolue de toutes les constitutions parce que le peuple est l’origine, le créateur de toutes les superstructures politiques et que l’homme n’arrive à la vérité de lui-même, à la prise de conscience de cette vérité, qu’en se reconnaissant maître et possesseur de toutes les institutions dans lesquelles il s’est, à travers les siècles, aliéné ». L’homme est le producteur de ses propres conditions d’existence : voilà la vérité de la démocratie dont le marxisme se fait le prophète. En séparant sphère publique et sphère privée, citoyen et travailleur, l’État libéral refuse d’acter cette suprême vérité. Pire, cette dualité consacre une illusion religieuse : de même qu’il y a dans le christianisme une séparation entre la vie terrestre (dégradée) et la destinée céleste (supérieure), on retrouve dans l’État libéral une vie prétendument privée (dégradée) et une participation épisodique aux affaires publiques (supérieure). Vient alors le marxisme qui affirme, contre les injustices du monde, contre les rapports de domination et de pouvoir : tout est politique. Le marxisme est radicalement « le refus de tenir aucune des données de l’ordre social comme une fatalité, échappant à la maîtrise des hommes ». Mais, ce faisant, et là est le point central, le champ d’intervention étatique devient illimité. Personne ne saurait échapper au regard du législateur. Or, si l’on suit la maxime libérale selon laquelle le pouvoir tend au pouvoir et à l’arbitraire, il est inévitable qu’un régime qui consacre une légitimité politique sans borne – il n’y a plus de vie privée ! – finira par déboucher sur de terribles dérives.

    Ces dérives sont d’autant plus palpables qu’en réalité, il y a une violence intrinsèque à la doctrine marxiste. Cette violence est d’abord consacrée par une vision singulière de l’histoire. Le marxisme est un millénarisme : le monde se meut vers une fin de l’histoire, dont le marxisme prophétise le dénouement ; fin de l’histoire d’autant plus déterminée que le marxisme prétend fonder son discours sur un plan scientifique : Marx ne ferait que découvrir, à travers le matérialisme historique, l’inévitable conclusion du mouvement historique. Au fond, sa mission consiste à hâter cette fin inéluctable.

    Cette posture pseudo-prophétique pose plusieurs difficultés. Elle consacre d’abord la supériorité du (faux) prophète. Lui seul maîtrise les dynamiques de l’histoire, et surtout, la place objective de chacun dans sa conclusion, sans qu’importe la subjectivité. La violence est contenue dans cette doctrine par l’effacement des individus qu’elle opère, d’autant plus marquée par une vision de la vie sociale tachée par la conflictualité (le prolétaire contre le bourgeois). Les vues et finalités individuelles ne sont pas signifiantes pour ce qu’elles sont, mais seulement dans leur participation à la nécessité historique ; la valeur de la subjectivité n’est comprise que dans sa place dans l’économie universelle et objective de la fin de l’histoire. Dit simplement, ce sont des moyens, non des fins ; des potentialités, non des sujets propres. Levinas affirme ainsi que cette perspective eschatologique transforme le philosophe en professionnel de l’herméneutique. Les actions individuelles n’ont pas de sens en soi, pas même celles que leur donnent les individus : elles sont englobées dans une perspective plus large, mystérieuse, que seul le philosophe adepte du matérialisme historique peut décoder. Toute vie intérieure et intime disparaît, elle se fait envahir par l’impératif de l’histoire. Levinas y voit un procédé viscéralement invasif et violent. Position d’autant plus marquée que, chez Levinas, la vie intérieure est irréductible à la vue de l’historien, elle constitue un espace de démarcation vis-à-vis de l’Être. La violence de cette pensée trouve enfin sa justification dans la téléologie marxienne : la résolution de la lutte des classes étant le moteur de l’émancipation universelle, le mal qui peut en résulter ne sert au fond qu’à faire advenir un bien encore plus grand. Il y a une logique presque sacrificielle qui imprègne le tout.

    Il nous faut encore évoquer le prolétariat. Dans le marxisme, le prolétariat constitue une masse unitaire, souffrante, qu’il nous appartient de sauver. Or, le prolétariat étant composé de millions de personnes, il ne saurait se muer en une unité homogène d’expression. Si tant est que tous les prolétaires de Russie, du Mexique, des USA, de la France observent les mêmes vues et opinions quant à leur condition, rien ne conduit à en déduire, selon un raisonnement logique, la nécessité de la révolution comme résolution. Mais admettons malgré tout que l’ensemble du prolétariat adhère au projet de l’Émancipation : il n’existe aucune façon concrète d’institutionnaliser cette unité d’expression en un organe représentatif, institutionnel, à même de traduire fidèlement la volonté de chaque travailleur. La marche de l’Émancipation ne peut être qu’à la charge d’une administration, une bureaucratie, un appareil d’État qui devrait incarner le prolétariat. Marx lui-même admettra qu’il y a un risque inhérent à ce processus : c’est que l’administration ne saurait être uniquement représentative. Elle a sa propre dynamique, ses propres organes, ses intérêts singuliers. L’appareil nécessaire pour la Justice risque ainsi de se prendre lui-même pour la Totalité. C’est une autre voie où la violence peut prospérer.

    Abordons enfin un dernier point avec François Furet . Il explique que cette nécessité historique, ce messianisme, fait que le marxisme se constitue en une nouvelle religion séculière. Il y a un sens religieux très fort, et puisqu’il y a un but plus transcendantal, une fin de l’histoire à réaliser, au fond toutes les turpitudes et les exactions peuvent être justifiées parce que le mal vise la réalisation d’un bien encore plus grand. Et c’est quelque chose dont parle Aron dans L’Opium des intellectuels , où il évoque la dispute entre Camus, Sartre et Francis Johnson. S’opposant à Camus, Francis Johnson aura des mots très clairs sur cette fin de l’histoire, sur ce grand projet émancipateur qui peut justifier certaines exactions : « Nous sommes donc à la fois contre lui [l’URSS] , puisque nous en critiquons les méthodes, et pour lui, parce que nous ignorons si la révolution authentique n’est pas une pure chimère, s’il ne faut pas justement que l’entreprise révolutionnaire passe d’abord par ces chemins-là, avant de pouvoir instituer quelque ordre social plus humain, et si les imperfections de cette entreprise ne sont pas dans le contexte actuel, tout compte fait, préférable à son anéantissement pur et simple ». Je crois que c’est assez clair.

    BG : Comment expliquer cette « passion française du communisme », pour reprendre l’expression de l’historien Marc Lazar ? D’où vient cette fascination et comment continue-t-elle à persister aujourd’hui ?

    RA : La première raison est celle d’une crise morale et spirituelle.

    Dans Le passé d’une illusion : « L ’idée d’une autre société est presque impossible à penser, personne n’avance sur le sujet dans le monde d’aujourd’hui, même l’esquisse d’un concept neuf, nous voici condamnés dans le monde où nous vivons ». Face à une société capitalistique, avec ses défauts, ses difficultés, ses turpitudes, il est extrêmement tentant (voire même nécessaire) de penser une forme d’utopie, de « sortie du monde ». Dans sa perspective eschatologique, messianique, le communisme répond admirablement à ce besoin-là.

    Je pense ensuite qu’il y a une passion purement intellectuelle. C’est Raymond Aron, à nouveau, qui l’expose dans L’Opium des intellectuels . Il affirme qu’il existe deux voies possibles pour changer le monde : la voie de la réforme et celle de la révolution. L’intellectuel, a priori , est biaisé : il a tendance à être bien plus attiré par la voie de la révolution. Car la réforme est quelque chose de très prosaïque, c’est « l’œuvre des fonctionnaires », là où dans la révolution il y a toujours quelque chose de poétique, de narratif, de ce « peuple dressé contre les exploiteurs ». Aron écrit à ce sujet : « Pour l’intellectuel qui cherche dans la politique un divertissement, un objet de foi ou un thème de spéculation, la réforme est ennuyeuse et la révolution excitante ».

    François Sureau ajoute que nous Français n’aimons pas nous confronter au réel. On dit que la France est ultralibérale, avec des normes et des dépenses publiques qui n’ont jamais été aussi explosives, des libertés publiques remises en cause dans beaucoup de domaines… Donc on aime bien l’idole conceptuelle, l’objet, le jouet théorique qui nous autorise à divaguer en belles formules, qu’elles soient adaptées au réel, ou non.

    Enfin, François Furet avance la thèse selon laquelle le communisme est une reprise du jacobinisme : l’idée que l’on peut construire par le haut la société. Marx ou les marxistes ne se diraient sans doute pas jacobins, mais dans cette idéal de confusion entre société civile et société politique, il y a quand même cette vision selon laquelle l’homme peut maîtriser l’ensemble des données propres à l’arène sociale, que l’on pourrait, en ayant les bonnes institutions, aboutir à un monde perfectionné.

    BG : L’esprit totalitaire semble prendre des formes nouvelles aujourd’hui, quelles sont-elles et comment mobiliser une argumentation libérale afin de les combattre ?

    RA : Le plus grand danger que nous sommes en train de courir, c’est le danger de la lassitude. Tant sur le plan économique, institutionnel… il y a une grande fatigue . Je ne pense pas que nous soyons au bord du grand soir (les révolutions toquent rarement à la porte avant de s’inviter à la fête) mais plutôt d’une immense lassitude. C’est un grand danger car quand on a une masse fatiguée, il est peut-être plus simple pour certains d’essayer de créer des discours homogénéisant, totalisant, qui visent à rassembler tout le monde derrière l’espérance d’une unique cause engageante. Des grands discours mobilisateurs qui réveillent les masses en faisant revenir l’attrait de l’utopie, d’une « libération idéelle » pour reprendre la formule d’Aron.

    Deuxième point, c’est que le grand danger est épistémique. Plus personne ne croit dans les vertus de la liberté. Beaucoup de doctrines constatent qu’il y a des dynamiques « raciales » si l’on prend le terme américain, qui empêchent certaines personnes à compétences et qualités égales de pouvoir s’élever dans la société. On ne croit pas non plus à la liberté en matière écologique car on explique que c’est bien le marché et la liberté qui ont provoqué l’émergence d’un problème planétaire et vital pour l’ensemble de la société humaine. Dans ce sens-là, il faudrait répondre à ces défaillances de la liberté par le plan, le retour de la verticalité, de la technocratie…

    Sur le plan des relations internationales, on assiste à un recul net et marqué des démocraties libérales, et l’on voit que ce sont des régimes irrationnels, qui se rassemblent derrière un homme, une grande doctrine, qui gagnent du terrain. On assiste également à un retour des empires qui se reforment dans le monde et menacent nos existences. Au fond, face à des régimes qui agitent l’esthétique martiale, une sorte de foi irrationnelle, eh bien les démocraties libérales semblent un peu engluées dans une forme de passivité, dans une forme de société qui préfère le loisir à l’effort, et qu’en ce sens les démocraties libérales sont des sociétés faibles, fragiles, exposées à se faire balayer dès qu’il s’agit de montrer un peu de résistance…

    Sur la question sociale encore, les libéraux ne parviennent pas à proposer une réponse doctrinale concrète et profonde sur des souffrances réelles.

    Au-delà de ces réponses circonstanciées, de façon générale, il faut en revenir à un esprit de la liberté. Face à des gens qui agitent l’utopie, qui animent une forme de spiritualité, il nous faut raviver un discours de la liberté qui soit poétique, qui aille chercher dans les passions, les émotions, afin d’éveiller une conscience de la liberté. Sur la thématique des restrictions sécuritaires par exemple, le discours de l’ État de droit apparaît comme inopérant. Ce sont des arguments justes sur le fond, résolument. Mais ils ne parlent à personne car face à une angoisse sécuritaire, on ne répond pas seulement par la voie du droit et de la technique. Il est donc nécessaire de recréer une adhésion émotionnelle à la liberté. Furet à nouveau démontre bien que ce qui a fait le succès du communisme, c’est cette capacité par l’utopie à réveiller des sentiments et des passions. En tant que libéraux, il faut repenser la liberté à l’aune de certains enjeux contemporains, tout en reformulant un discours poétique, qui va demander, sans doute, de dépasser la simple maîtrise de notre base doctrinale, à travers la littérature, la poésie… Si l’on peut expliquer le succès de personnalités comme François Sureau, c’est qu’ il parle de liberté en littéraire, à travers des figures littéraires et historiques.

    • Co chevron_right

      Joseph Staline : top 10 de ses citations

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 13 March, 2023 - 03:30 · 4 minutes

    Par Jon Miltimore et par Lawrence W. Reed.

    La semaine dernière marquait le 70e anniversaire des funérailles de Joseph Staline, le dictateur marxiste qui a dirigé l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale et à l’apogée de son état de terreur.

    Staline, qui a suivi les traces sanglantes de Vladimir Lénine , a été victime d’une attaque cérébrale et est décédé à son Daach de Kuntsevo le 5 mars 1953. Il avait 74 ans. Des funérailles nationales ont eu lieu à Moscou quelques jours plus tard, le 9 mars, et, comme le veut la tradition soviétique, même les funérailles ont tourné au désastre. Lorsque des centaines de milliers de citoyens soviétiques sont venus « présenter leurs condoléances » (il est plus probable qu’ils aient eu peur d’attirer l’attention de la police d’État s’ils n’étaient pas présents ; le niveau de peur et de paranoïa en URSS était élevé, comme le montre de manière comique la bande annonce ci-dessus du film de 2017 La mort de Staline ), un mouvement de foule s’est formé, tuant des centaines de personnes, voire des milliers.

    « Les Soviétiques ont supprimé la nouvelle », a rapporté Vanity Fair des décennies plus tard.

    Ce fut une fin tragique mais appropriée au règne effroyable de Staline.

    Les historiens soviétiques estimeront plus tard que quelque 20 millions de civils sont morts sous le régime de Staline à cause de la famine, des exécutions, de la collectivisation forcée et dans les camps de travail.

    Malgré ces atrocités, l’agence Reuters a récemment publié un article sur l’héritage « mitigé » de Staline dans les pays qu’il a autrefois terrorisés.

    « Pourquoi devrais-je avoir une mauvaise opinion envers [Staline] ? », a déclaré à Reuters un habitant de Moscou identifié uniquement sous le nom d’Andrei, expliquant que le dictateur soviétique devrait être loué en raison de ses réalisations en temps de guerre.

    Les lecteurs peuvent bien sûr déterminer eux-mêmes si Staline était un héros communiste ou un tyran diabolique. Bien que nous soyons convaincus que les faits historiques parlent d’eux-mêmes, voici quelques citations (sourcées) de Staline lui-même qui pourraient aider les lecteurs à décider quel genre d’homme il était vraiment.

    1 « Les idées sont plus puissantes que les armes. Nous ne laisserions pas nos ennemis avoir des armes, pourquoi devrions-nous les laisser avoir des idées ? – cité dans Quotations for Public Speakers : A Historical, Literary, and Political Anthology de Robert G. Torricelli

    2 « La mort est la solution à tous les problèmes. Pas d’homme, pas de problème ». – New York Times , 1989

    3 « La gratitude est une maladie dont souffrent les chiens. -Cité dans Stalin’s Secret War (1981) de Nikolaï Tolstoï

    4 « Je considère qu’il est tout à fait indifférent de savoir qui, au sein du parti, votera et comment ; mais ce qui est extraordinairement important, c’est de savoir qui comptera les votes et comment ». -Propos tenus en 1923, cités dans les Mémoires de l’ancien secrétaire de Staline ( texte en russe en ligne )

    5 « L’éducation est une arme dont l’effet est déterminé par les mains qui la manient, par ceux qui doivent être frappés » – entretien avec H. G. Wells, 1934

    6 « La presse doit se développer jour après jour – c’est l’arme la plus tranchante et la plus puissante de notre parti. -Discours prononcé lors du douzième congrès du R.C.P.(B.), le 19 avril 1923.

    7 « Les communistes s’appuient sur une riche expérience historique qui enseigne que les classes obsolètes n’abandonnent pas volontairement la scène de l’histoire. – Entretien avec H. G. Wells , 1934

    8 « Un seul mort est une tragédie ; un million de morts est une statistique. » Quote investigator

    9 « Affirmer que nous voulons faire la révolution dans d’autres pays, nous immiscer dans leur vie, c’est dire des mensonges et ce que nous n’avons jamais préconisé ». -Staline dans un entretien avec Roy Howard, président de Scripps-Howard Newspapers , trois ans avant qu’il ne se mette d’accord avec Hitler pour envahir la Pologne.

    10 « La gaieté est la caractéristique la plus remarquable de l’Union soviétique » – Staline en 1935 ( cette citation , prononcée sans ironie, inspirera plus tard une exposition d’art soviétique très populaire).

    Citation bonus :

    « Il n’y a pas de famine réelle, ni de décès dus à la famine… Pour dire les choses brutalement, on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs. »

    Cette citation est souvent attribuée à tort à Staline, mais elle appartient en réalité au sympathisant de Staline Walter Duranty du New York Times , qui a prononcé ces mots en mars 1933, au plus fort de l’ holodomor ukrainien , une famine provoquée par l’homme qui a tué des millions de personnes.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      L’univers totalitaire en littérature et au cinéma (2/7)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 February, 2023 - 03:30 · 8 minutes

    Par Johan Rivalland.

    La liberté est le sujet fondamental au centre des préoccupations de Contrepoints , à travers articles, analyses, réflexions, discussions. Au-delà de l’actualité, de l’Histoire, des perspectives d’avenir, qu’en est-il de ce sujet dans la littérature, en particulier lorsqu’on pense à son opposé le plus extrême : le totalitarisme ?

    J’ai déjà eu l’occasion, ici-même, de commenter quelques grands romans d’Ayn Rand , qui trouveraient toute leur place dans cette série. Je vais donc prolonger avec d’autres réalisations, dans des registres parfois très voisins.

    Deuxième volet, aujourd’hui, avec l’évocation de trois romans (ou films) récents de fiction, plutôt ciblés adolescents mais qui peuvent aussi bien être lus ou vus par des adultes, ayant pour point commun un monde totalitaire dans lequel un personnage principal s’impose par son aptitude différente, en mesure d’en faire un rebelle en puissance.

    Hunger Games de Suzanne Collins (film par Gary Ross)

    hunger-games-44351-16x9-large De ce roman (trilogie) , que je n’ai pas lu, est inspiré un film , dont les deux premiers opus sont sortis. Un film qui parvient à suggérer la violence inhérente à certaines scènes du scénario plus que de la montrer à l’état brut. Pour un résultat très efficace : un film très prenant et captivant, qui nous plonge dans une atmosphère d’injustice et d’angoisse, faisant appel à notre sentiment de révolte sans surajouter à la violence.

    L’histoire peut faire penser à une sorte de version moderne du Prix du danger d’Yves Boisset le choix en moins. En effet, ici les protagonistes du « jeu » télévisé n’ont pas le choix. Ils sont désignés par tirage au sort.

    Chaque année, deux enfants âgés de 12 à 16 ans, un garçon et une fille, sont désignés au sein de 12 villages pour participer à un combat à mort. 24 participants au total, dont un seul vaincra et survivra. Le but est à la fois de punir ces peuples pour avoir fomenté une révolte dans le passé, assimilée à une trahison, et de contenir le peuple tout entier, à l’instar de ce qui se pratiquait chez les Romains dans l’Antiquité, avec le fameux principe « du pain, des jeux » .

    Une manière de contenir toute nouvelle tentative de révolte, en jouant sur l’endormissement du peuple (un peu à la manière des transmissions télévisées permanentes de Fahrenheit 451 , dans un autre genre), manipulé par les images et l’appel au voyeurisme, un peu à l’instar également de ce que l’on pouvait voir dans l’intéressant The Truman Show .

    Dans le tome 2, ou ici deuxième volet au cinéma, on revient dans ce monde terrifiant et inhumain où la liberté n’existe pas. Un monde totalitaire et absurde qui ressemble à une vaste comédie, où toute velléité de révolte est aussitôt durement réprimée.

    Le scénario est de nouveau de grande qualité, avec une montée en puissance des enjeux comme de la difficulté. L’arrachement, l’écœurement, le chantage, les déchirements intérieurs, mais aussi l’espoir… On ressent au mieux l’injustice insupportable du monde totalitaire, la pression psychologique qui pèse sur les personnages, la difficulté de pouvoir être soi-même et de contenir sa rage si on veut survivre et ne pas mettre les autres en danger. Des situations qui ressemblent beaucoup à la réalité, passée comme encore présente en certains endroits de la planète, avec des scènes très dures mais si tristement réalistes.

    Un superbe film, plein d’émotion. Un très bon scénario, qui vous prend littéralement aux tripes et qui vous fait attendre toujours aussi impatiemment la suite…

    Divergente de Veronica Roth

    Divergente, de Veronica Roth C’est en allant voir Hunger games : l’embrasement au cinéma que j’ai vu la bande annonce d’un film qui sortira en mars 2014 et a retenu mon attention. Ce film est l’adaptation d‘un roman, Divergente , écrit par une jeune femme âgée de seulement 22 ans au moment de son édition, que j’ai aussitôt lu, non sans délectation.

    Le thème : une jeune fille, Béatrice, a atteint l’âge de 16 ans (décidément !) et va donc devoir passer le test d’aptitude obligatoire pour tous ceux qui atteignent cet âge. Le monde est organisé en cinq factions, qui vivent chacune sur un territoire déterminé et de manière tout à fait différente en fonction de la qualité morale de prédilection qu’elles se doivent de protéger : les Altruistes (auxquels Béatrice appartient, qui ont vocation à s’occuper du gouvernement de l’ensemble, en raison de leur absolue intégrité morale et détachement personnel à l’égard des choses, refusant toute forme d’égoïsme), les Sincères (qui blâment la duplicité), les Fraternels (qui condamnent l’agressivité), les Audacieux (qui dénoncent la lâcheté) et les Érudits (qui pointent du doigt l’ignorance).

    Cette organisation sociale est destinée à permettre un certain équilibre, chaque faction ayant son rôle, et à faire en sorte que le monde puisse évoluer dans une situation de Paix. En effet, « il y a plusieurs dizaines d’années, nos anciens ont compris que les guerres n’étaient causées ni par les idéologies politiques, ni par la religion, ni par l’appartenance ethnique, ni par le nationalisme. Mais par une faille dans la personnalité même de l’homme, par son penchant à faire le mal sous une forme ou une autre. Ils se sont donc séparés en factions dont chacune s’est donnée pour mission d’éradiquer le travers qu’elle considère comme responsable des désordres de ce monde », rappelle l’un des personnages.

    Le test d’aptitude a ainsi pour objet d’aider chacun à déterminer son choix en connaissance de cause. Ce qui conduit soit à demeurer dans sa faction et continuer de vivre avec sa famille, ce qui est le cas de la grande majorité des gens, soit à devoir renoncer à tout jamais à sa famille, dans la mesure où on appartient totalement à sa faction. Choix douloureux.

    À l’issue, une cérémonie a lieu, durant laquelle chaque participant se détermine, de manière irrévocable.

    Or, le test de Béatrice ne se déroule pas normalement. Ses résultats laissent apparaître un profil atypique, qui menace directement sa vie si cela se sait : elle ne correspond à aucun des profils de faction de manière exclusive. Elle est ce qu’on appelle une « Divergente ».

    Dès lors, les choses vont devenir compliquées. Elle est, par nature, en danger. Il va donc falloir choisir… et surtout se faire très discrète et contrôler chacun de ses gestes comme chacune de ses émotions. Dans le monde dans lequel elle évolue, c’est chose plus que difficile… Je n’en dis pas plus.

    Une histoire passionnante, menée tambour battant. Beaucoup de violence, mais aussi de suspense, de rebondissements et d’intelligence.

    Sans vous dévoiler l’histoire, ce qui m’a attiré avant même la lecture était le monde artificiel dans lequel l’action se situe. Comme toujours dans ce type de monde utopique, que ce soit dans les expériences réelles (sociétés communistes, notamment) ou romanesques ( Le passeur , Fahrenheit 451 , Le Meilleur des mondes , Anthem : (Hymne) , etc.), la conception idéaliste se heurte systématiquement aux réalités de la nature humaine. Allait-il en être de même ici ? Et comment est-il concevable de ne posséder, de manière exclusive, que les qualités de chacune de ces factions, à l’exclusion des autres ?

    La jeune romancière de 22 ans y répond avec une certaine maturité et un grand talent, à travers un roman captivant de bout en bout (en attendant le tome 2, que je lirai pour ma part sans tarder…) et dans un style simple, qui ne devrait pas rebuter les moins courageux.

    Le Passeur de Lois Lowry

    Le Passeur (Loïs Lowry) Encore un roman captivant, que l’on dévore en un rien de temps, tant il est facile à lire et passionnant.

    Bienvenue dans un monde situé entre Le Meilleur des mondes et Fahrenheit 451 , avec un petit côté Le Prisonnier , voire L’apprenti sorcier . Un monde « idéal », où l’on ne connaît ni la guerre, ni la faim, ni le chômage, ni toutes ces souffrances qui émaillent hélas notre monde. Un monde qui, à première vue, peut donc faire rêver.

    Mais un monde de relative uniformité, sans passé reconnu ( point déjà abordé au cours de notre premier volet ), un peu insipide, sans véritable contrariété, ni sentiment profond. Un monde où règne « l’Identique », construction humaine destinée à gommer toutes ces aspérités qui rendent la vie si difficile… mais aussi peut-être sans ce qui en assure le charme.

    Un monde sans livre, ou presque – juste les recueils de règles et lois essentielles qui régissent la vie en société et les conduites à tenir (là encore, cela nous rappelle quelque chose d’abordé dans notre premier volet ).

    Un monde où courtoisie, politesse et confidences publiques quotidiennes et instituées, devenues quasi mécaniques, assurent un équilibre collectif salvateur. Tandis que chaque vie est réglée, comme prédéterminée, et tient compte des aptitudes observables de chacun. Mais comme dans toute société idéale, où l’on peut se demander si tout est aussi idéal qu’il n’y paraît.

    C’est dans ce contexte que Jonas, un jeune garçon de 11 ans, va vivre une expérience unique et stimulante, mais tout à la fois très angoissante, qui a quelque chose de la souffrance christique. Je n’en dis pas plus…

    Prochain volet : Le totalitarisme ou ce qui s’y assimile, à travers quelques œuvres de la littérature ou du cinéma.

    Suzanne Collins, Hunger Games , 3 tomes, Pocket Jeunesse , octobre 2009, mai 2010, mai 2011.

    Gary Ross, Hunger Games 1 et 2 , Metropolitan Vidéo, août 2012 et courant 2014.

    Véronica Roth, Divergente, tome 1 , Nathan , novembre 2012, 435 pages.

    Lois Lowry, Le passeur , L’école des loisirs, coll. Medium , mai 1993, 288 pages.

    Article publié initialement le 20 janvier 2014


    À lire aussi sur Contrepoints : critique cinéma de Hunger Games

    • Co chevron_right

      14 signes de totalitarisme

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 29 December, 2022 - 03:50 · 3 minutes

    Par Jon Miltimore.

    Nous connaissons tous les inconvénients de Twitter , mais l’un de ses avantages est qu’il permet la découverte de personnes intéressantes.

    L’un de mes nouveaux followers préférés est Benjamin Carlson , un gourou des relations publiques et ancien rédacteur en chef de The Atlantic . Ses tweets sont parmi les meilleurs que l’on puisse trouver sur Twitter et il a manifestement une compréhension aiguë des intersections entre les médias et le gouvernement, le pouvoir et la propagande (à la fois actuels et historiques).

    L’un de ses récents tweets a attiré mon attention et j’en partage une adaptation ci-dessous.

    1. La dissidence est assimilée à la violence.
    2. Les médias sont contrôlés.
    3. Le système juridique est coopté par l’État.
    4. Le pouvoir est exercé pour étouffer la dissidence.
    5. La police d’État protège le régime, pas le peuple.
    6. Les droits – financiers, juridiques et civils – sont subordonnés à la conformité.
    7. La conformité massive des croyances et des comportements est exigée.
    8. Le pouvoir est concentré dans un cercle restreint d’institutions et d’élites.
    9. La violence semi-organisée est autorisée (dans certains cas).
    10. La propagande cible les ennemis du régime d’État.
    11. Des classes entières sont persécutées.
    12. Des actions extralégales sont tolérées contre les opposants internes au régime.
    13. Application stricte de la loi contre les classes défavorisées.
    14. Les leviers de pouvoir privés et publics sont utilisés pour imposer l’adhésion aux dogmes de l’État.

    Une liste troublante sur le totalitarisme

    La liste est un peu troublante. À tout le moins, certaines de ces techniques se déroulent sous nos yeux. Cependant, cela ne signifie certainement pas que les États-Unis sont un État totalitaire.

    Il existe de nombreuses définitions du totalitarisme et je ne crois pas que l’on puisse sérieusement affirmer que les États-Unis en sont arrivés là. Mais l’autoritarisme est certainement dans l’air et il émane plus fortement de la capitale de notre pays.

    Alors que la droite et la gauche politiques s’accusent mutuellement de nourrir des ambitions tyranniques, le philosophe Karl Popper a donné une idée du moment où un gouvernement légitime franchit la ligne et devient tyrannique.

    Popper a écrit :

    « Vous pouvez choisir le nom que vous voulez pour les deux types de gouvernement. Personnellement, j’appelle « démocratie » le gouvernement qui peut être supprimé sans violence et l’autre « tyrannie. »

    La citation de Popper est un rappel important : le peuple a finalement le droit de choisir son gouvernement.

    Dans son ouvrage fondamental Two Treatises of Government, John Locke a défini ce qui allait devenir la base de la philosophie fondatrice de l’Amérique, comme l’a récemment expliqué Dan Sanchez de FEE.

    « L’égalité, au sens premier du terme, non pas l’égalité des capacités ou des richesses, mais la non-soumission ;

    Les droits inaliénables, non pas aux droits du gouvernement, mais à la vie, à la liberté et à la propriété ;

    La démocratie, au sens premier du terme, non pas le simple vote majoritaire, mais la souveraineté populaire : l’idée que les gouvernements ne doivent pas être des maîtres mais des serviteurs du peuple ;

    Consentement des gouvernés : l’idée que les gouvernements ne peuvent légitimement gouverner que par le consentement des gouvernés, c’est-à-dire du peuple souverain ;

    Gouvernement limité : l’idée que le seul but et la portée appropriée d’un gouvernement légitime est uniquement de garantir les droits du peuple ;

    Droit de révolution : l’idée que tout gouvernement qui outrepasse ses limites et piétine les droits mêmes qu’il était chargé de garantir est une tyrannie, et que le peuple a le droit de résister, de modifier, voire d’abolir les gouvernements tyranniques. »

    Au fur et à mesure que l’État s’éloigne de son objectif moral, il devient de plus en plus important de comprendre les droits de l’Homme et les limites du gouvernement.

    Traduction Contrepoints

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Chine : le miroir rouge se réveille-t-il ?

      Jean-Pierre Chamoux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 3 December, 2022 - 03:40 · 4 minutes

    Lors de la parution française en avril 2021 de Red Mirror , essai assorti d’un reportage photographique original sur les rues chinoises, j’avais déjà souligné le sens profond de cet ouvrage d’un journaliste italien, Simone Pieranni, illustré par Gilles Sabrié, un photographe qui vit à Pékin .

    Ces deux auteurs décrivent par le récit et par l’image la vie des gens ordinaires qui peuplent les mégalopoles chinoises. Ce sont les mêmes qui manifestent aujourd’hui en Chine contre le fol maintien d’un confinement assassin pour les malheureux habitants de ce gigantesque pays. Leur soulèvement spontané est un refus naturel de ce que dévoilait ce petit livre publié sous une couverture rouge « à la Mao » par un éditeur de Caen qui le ressort ces jours-ci grâce à l’ actualité dramatique qui nous vient de Chine.

    Cet ouvrage, très bien traduit par Fausto Guidice, est instructif si l’on sait lire entre ses lignes.

    Ce que j’en avais dit en avril 2021 permet de comprendre ce qui secoue profondément la Chine d’aujourd’hui : la population chinoise n’en peut plus d’être parquée comme du bétail dans des conditions infernales ; elle étouffe sous une chape de plomb et elle refuse enfin l’emprisonnement généralisé qui lui est imposé sous prétexte de contenir un virus que l’on a pas su maîtriser !

    Red Mirror aborde en quatre chapitres autant de caractéristiques de la société chinoise actuelle.

    1. L’omniprésence du réseau social Wechat qui encadre et accompagne la vie quotidienne des chinois.
    2. La politique des « villes intelligentes » très denses où s’entassent des travailleurs venus des campagnes pour fournir à l’usine du monde une main-d’œuvre que l’on espérait servile.
    3. Une industrie (comme Foxcomm dont les ouvriers se révoltent ces jours-ci) qui fournit à la planète entière équipements, infrastructures et services indispensables à l’ère du numérique.
    4. Une cité collectiviste construite par une ingénierie sociale qui évoquent l’utopique prison panoptique imaginée par les frères Jeremy et Samuel Bentham (1791), cité dont le crédit social fut conçu et qui est gérée par le Parti communiste chinois .

    Rôle du « crédit social »

    Largement dévoilé par la propagande chinoise, ce système de bons et mauvais points devait assurer, dit Pieranni, non seulement la cohésion de la Chine moderne mais l’aider à dominer le monde contemporain (chap. 5) !

    Ses tenants et aboutissants se découvrent à chaque page de ce récit qui associe curieusement cette surveillance sociale à une pratique millénaire méconnue par les Occidentaux : la baojia, un encadrement communautaire des familles chinoises qui n’aurait donc été que l’antécédent médiéval du crédit social actuel (p. 144) !

    Théorisée en 1957 par Mao dans la section IV de son Petit livre rouge , la dialectique entre l’ordre et le chaos s’inscrirait donc dans le prolongement de la Chine impériale…

    On peut regretter…

    Cet ouvrage témoigne d’une belle indulgence envers les intentions et les agissements de la puissance publique chinoise qui n’a jamais hésité ni sur les moyens ni sur la brutalité nécessaires pour mâter son peuple, surtout lorsqu’il réagit aux actes suicidaires comme l’est ce confinement à outrance que l’auteur condamnerait, je suppose, très vivement s’il le relevait dans un pays occidental !

    Corrélativement, ce texte use de force litotes pour situer (et pour finalement admettre) ce crédit social qui traite les hommes comme des « chiens de Pavlov » et que l’autorité communiste tient à sa botte, au grand dam des individus conscients comme le furent les étudiants de Hong Kong qui n’ont plus désormais d’autre choix que de se soumettre ou de partir depuis que leur territoire est repris en mains par Pékin.

    Ils en ont payé le prix comme risquent aussi de le faire les foules de Shangaï ou de Wuhan qui se rebellent actuellement contre l’enfermement qu’on leur impose depuis deux ans et plus (cf. p. 134 sq. par ex.) !

    L’avenir s’écrit-il en Chine ?

    En quelques mots, si l’avenir s’écrit effectivement en Chine , comme l’annonce l’auteur, si le crédit social se poursuit effectivement dans la veine d’une tradition millénaire, il est important que les Occidentaux qui n’en sont pas conscients le découvrent avant qu’un pareil garrot leur soit imposé !

    Lu avec attention et un minimum d’esprit critique, ce petit livre devrait les dessiller : deux brèves citations suffisent pour le comprendre :

    « En Chine, le smartphone , c’est Wechat. Et Wechat sait tout sur tout le monde ! » (p.12)

    « Le crédit social […] c’est l’État qui juge tous les citoyens [car] la Chine ne veut pas seulement réglementer les personnes mais aussi l’environnement dans lequel elles vivent » ! (p. 143 )

    Deux mots sur les auteurs

    Journaliste au quotidien italien Il Manifesto créé en 1969 par des dissidents du Parti communiste italien, Simone Pieranni a vécu sept ans en Chine où il avait créé l’agence China Files . Le photographe Gilles Sabrié a illustré de grands quotidiens ( Le Monde, The Guardian, Wall Steet Journal… ) et de nombreux magazines ( Time, Geo, Spiegel, L’expresso etc.).

    Simone Pieranni : Red Mirror  L’avenir s’écrit en Chine , Traduit de l’italien et assorti d’un reportage photographique de Gilles Sabrié, C & F éditions, Caen, 2022, 184 pages.

    • Co chevron_right

      Chine : la stratégie zéro covid pourrait être le nouveau Tien An Men

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 November, 2022 - 04:30 · 4 minutes

    Partout en Chine , des protestations populaires s’élèvent contre une politique de confinements sanitaires qui étouffe le pays depuis des années. En cause, une politique « zéro covid » autoritaire initiée dès 2020 pour contenir la progression du Covid-19, qui a abouti à une paralysie sans précédent du pays, notamment suite à l’isolement forcé de la ville de Shanghai.

    Des gardes blancs pour succéder aux gardes rouges

    Au nom de la politique « zéro covid », des bataillons entiers de fonctionnaires en combinaisons blanches et en masques ont imposé aux populations les pires restrictions, les confinements les plus redoutables et se sont attirés la haine des citoyens ordinaires. Les confinements et les couvre-feux n’ont pas seulement transformé certaines grandes villes de Chine en prisons géantes. Ils ont fait plonger l’économie nationale, menaçant jusqu’à une croissance économique mondiale déjà chancelante.

    En réaction, ce sont des foules compactes qui protestent parfois violemment dans plusieurs grandes villes du pays en appelant à plus de libertés et un allégement des restrictions.

    Impossible de ne pas rapprocher ces protestations spontanées de celles qui ont fleuri partout en Occident et particulièrement en France au pire moment de la crise covid. Au sein des médias, de nombreux médecins, soignants et bureaucrates avaient dès le début de la crise pris la Chine comme exemple de politique publique adaptée en réponse à la pandémie.

    La stratégie « zéro covid », populaire parce que radicale, a séduit, inspirant les confinements et les couvre-feux les plus impitoyables, les restrictions de libertés publiques les plus exceptionnelles et les mesures les plus irrationnelles. La stigmatisation des opposants à l’autoritarisme sanitaire, démocratie oblige, fut beaucoup plus soft à Paris qu’à Pékin. Reste que la logique bureaucratique d’ingénierie sociale fut assez semblable et s’est traduite par une commune hostilité aux libertés individuelles.

    La crainte d’un nouveau Tien An Men

    Pour un pays cornaqué par un parti communiste pétrifié à l’idée d’un nouvel événement de type Tien An Men , cela pourrait être le début d’une nouvelle ère. La nomenklatura du parti redoute depuis des décennies un destin semblable à celui de l’URSS. Après l’effondrement idéologique du communisme, c’est celui du pays qui a suivi, le tout au nom des revendications en matière de libertés publiques et d’autonomie nationale. Il faut donc à tout prix éviter un nouveau 1989 pour éviter un 1991.

    L’arrivée de Xi Jinping à la tête de l’État témoigne de cette glaciation réactionnaire, après une ère de relative ouverture à la mondialisation au début des années 2000. Le culte de la personnalité et le petit catéchisme marxiste-léniniste pourront-ils conjurer le sort et permettre à la dictature de s’en sortir ?

    La crainte bioterroriste

    Reste une grande inconnue qui intrigue tous les observateurs de la Chine contemporaine : pourquoi Pékin a-t-il choisi de durcir à l’extrême sa politique sanitaire au point de fragiliser sa croissance et même, comble du comble, risquer le désordre civil tant redouté par sa classe bureaucratique ?

    Pour l’économiste et spécialiste de géopolitique Philippa Malmgren , il y a un lien entre cette politique sanitaire radicale et le changement d’attitude de Xi en politique étrangère, devenue depuis quelques temps beaucoup plus belliqueuse et défiante à l’endroit des États-Unis.

    Aussi absurde que cela puisse sonner aux oreilles des Occidentaux, il est probable que les élites du parti pensent que Washington prépare une guerre biologique pour conserver sa suprématie mondiale et supplanter ses concurrents engagés dans la même course aux armements d’un nouveau genre. Dans ce climat de menace bioterroriste alimenté par la découverte des biolabs en Ukraine, la Chine, devenue paranoïaque, aurait donc sur-réagit face au covid et aux vaccins devenus tout à coup suspects.

    Comment Xi Jinping va-t-il réagir face à ces protestations de la base contre un autoritarisme sanitaire délirant ? Cela se traduira-t-il en véritables exigences démocratiques, ou au contraire en nouveau cycle de répressions au nom du totalitarisme communiste ? Aujourd’hui un espoir est né mais la route pour sortir de la servitude demeure longue.

    • Co chevron_right

      Xi Jinping : la Chine se réforme par la purge et la terreur

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 03:20 · 4 minutes

    Avant même d’organiser le congrès du Parti communiste chinois, le président Xi Jinping a pris soin d’organiser une série de purges, officiellement au nom de la lutte anti-corruption. Officieusement, il s’agissait surtout d’asseoir son pouvoir sur le parti en éliminant les factions concurrentes. Loin de cacher son ambition, Xi Jinping a même pris soin de mettre en scène ce coup de balai politique : Hu Jintao, son prédécesseur, s’est ainsi fait dégager en plein congrès sous l’œil des caméras.

    Les médias d’État ont pris soin de signaler que l’ancien chef d’État a été pris d’un malaise, mais personne n’est dupe, surtout pas les Chinois eux-mêmes. Le signal est fort, destiné à tous : qui s’opposera au nouveau maître du pays et à sa nouvelle politique de retour au communisme orthodoxe doit craindre pour son existence même. Le procédé est connu depuis les « procès pédagogiques » de l’ère stalinienne. On désigne un bouc émissaire au peuple pour détourner l’attention des problèmes du moment.

    Pas d’alternance politique pour la Chine

    Cette purge spectaculaire au sommet du PCC nous rappelle un trait fondamental du modèle chinois : il n’y a pas d’alternance politique au sens des démocraties occidentales contemporaines, et la compétition pour le pouvoir se traduit par des luttes violentes entre factions qui se comportent en gangs criminels les unes envers les autres. C’est un trait fondamental des régimes totalitaires.

    La purge n’y est pas un élément accidentel et contingent, mais la condition de sa « bonne santé ». Comme l’explique Hannah Arendt dans Le système totalitaire (1951) :

    « [les] opérations de sabordage telles que la grande purge ne furent pas des épisodes isolés, ni des excès provoqués par des circonstances extraordinaires, mais [elles] constitu [ent] une institution de terreur et [doivent] reparaître à intervalles réguliers – à moins que ne change la nature du régime. »

    Au moment où Arendt finit son œuvre sur le totalitarisme, la Chine maoïste entame sa révolution culturelle. Tout en demeurant prudente sur un régime qu’elle connaît mal, elle écarte l’Asie de son étude. Il faudra attendre plus d’une décennie pour comprendre que le même ressort terroriste se déploie en Chine comme en Allemagne et en Russie avant elle.

    La purge fonctionne comme une manière de réformer de l’intérieur un système politique qui n’a pas les outils politiques pour évoluer et se corriger pacifiquement.

    La démocratie face à l’administration de la vérité

    En démocratie libérale, l’élection sanctionne politiquement des gouvernants responsables devant les citoyens, les tribunaux fonctionnent en toute indépendance des désirs de l’exécutif pour sanctionner les gouvernants coupables de violation de la loi. La régulation de la compétition politique se fait par le droit, pas par la force. Ce qui rend aux yeux de Hayek la forme démocratique appréciable est à la fois sa nature pacificatrice et la possibilité de son encadrement pour protéger les droits individuels.

    À l’inverse, les régimes totalitaires sont des idéocraties, ils affirment la primauté absolue du Politique et propose d’étendre son empire, verticalement, sur toute la société et cela pour imposer une idéologie qu’il s’agit de faire triompher par la terreur.

    On n’élit pas un gouvernement chargé d’administrer la Vérité au suffrage universel. On conteste encore moins ses décisions. La structure bureaucratique inhérente au totalitarisme comme régime est par essence pétrifiée, presque cléricale, et ne peut évoluer qu’au prix de la paranoïa permanente de son leader, cette soupape de sécurité insane mais bien réelle d’une organisation par essence viciée.

    En découvrant des complots permanents, des contre-révolutions, des koulaks à exterminer, des saboteurs de l’intérieur, des fonctionnaires corrompus et autres « têtes de chiens capitalistes », le système se régénère en éliminant physiquement les coalitions politiques perdantes et autres « ennemis objectifs » tout en fortifiant le leader charismatique.

    Comme Marcel Gauchet l’explique pour l’URSS :

    « Le complot est l’envers maléfique du pouvoir de lumière qui s’incarne en Staline ; il en définit par contraste la puissance bénéfique, puissance qui triomphe dans l’écrasement de l’ennemi absolu dont les ‘chiens enragés’ que l’on élimine ne sont que des instruments dérisoires. Le retranchement de ce corps étranger qui s’était introduit jusqu’au sommet de l’État confère sa portée tangible à l’union sans faille du peuple avec son guide 1 . »

    Xi Jinping triomphe, et le PCC a définitivement enterré l’ère d’ouverture au monde entamée dans les années 1990.

    Maintenant, place au bon vieux totalitarisme et à ses ressorts barbares.

    1. Marcel Gauchet, L’avènement de la démocratie , tome 3. À l’épreuve des totalitarismes 1914-1974, Gallimard, 2010.
    • Co chevron_right

      Obliger les soignants à se faire vacciner ? Chantage et manipulation !

      Patrick de Casanove · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 7 March, 2021 - 04:45 · 8 minutes

    vacciner

    Par Patrick de Casanove.

    La peur fait délirer. Le gouvernement a réussi à créer une telle panique avec la Covid que l’affolement et l’émotionnel priment dans toute décision.

    La dernière trouvaille serait l’obligation vaccinale pour les soignants, accusés de transmettre la Covid en tant qu’infection nosocomiale.

    Revue de presse

    Dans Les Échos : « Dans les services Covid, on a 80 % de vaccinés mais ailleurs beaucoup moins. Ce n’est pas possible. C’est inacceptable. Le Covid-19 est devenu la première maladie nosocomiale à l’hôpital. Ceux qui ne veulent pas le faire maintenant, c’est par principe », relève un participant au Conseil de défense, qui souligne qu’il y a déjà plusieurs vaccins obligatoires pour les soignants (contre l’hépatite B par exemple).

    « On ne peut plus accepter que des personnels refusent la vaccination » , a lancé le Pr François Chast mardi 2 mars sur France Inter. Pour cet ancien chef de la pharmacie de l’hôpital Necker à Paris, la piqûre « fait partie des bonnes pratiques », au même titre que « le port de la charlotte, du masque ou de la blouse pendant les soins ».

    Sachant que l’injection est potentiellement efficace pour limiter les contaminations, « si cette prévention n’est pas faite, elle devient une faute professionnelle », a-t-il asséné…

    Dans Ouest-France : « Jeudi soir, le Premier ministre Jean Castex les a appelés « solennellement » à se faire vacciner « très rapidement » , pour permettre le retour d’une « vie sociale apaisée » dans ces établissements et un assouplissement « du droit de visite pour les familles ». »

    Et aussi : « Plus largement, avec environ 30 % de soignants vaccinés, « clairement, ça ne suffit pas », a insisté Olivier Véran, qui enverra vendredi une lettre à l’ensemble des professionnels de santé pour les inciter très fortement à se faire vacciner. »

    Et le Huffingtonpost ajoute : « Je vous le demande pour vous-même, votre entourage, les Français. » Dans une missive publiée ce vendredi 5 mars dans l’après-midi sur son compte Twitter, le ministre de la Santé Olivier Véran incite l’ensemble des soignants à aller se faire vacciner contre le covid-19. »

    Émotionnel, chantage, culpabilisation, manipulation

    L’émotionnel, c’est la peur du soignant contaminant. Ce qui est d’autant plus paniquant que le soignant est une personne qui rassure, prend soin, et qui guérit autant que faire se peut. Cela peut passer pour une trahison et un manque d’éthique professionnelle.

    Il y a aussi du chantage à la reprise de la vie normale pour les personnes en établissement, et à la sanction professionnelle pour le soignant.

    Également de la culpabilisation : le soignant se voit chargé du fardeau de la responsabilité d’infections nosocomiales, donc de décès, et de la prolongation des mesures coercitives.

    En vérité le gouvernement fuit ses responsabilités et fait porter par d’autres le poids de ses manques. Si l’épidémie continue ce n’est pas de la faute du gouvernement qui fait le job. C’est celle des personnes qui ne respectent pas les gestes barrière et des soignants qui ne sont pas vaccinés. Ce sont des boucs émissaires.

    Il s’agit d’une manipulation. Elle consiste à faire passer un doute pour une certitude. Le vaccin est décrit comme « potentiellement efficace pour limiter les contaminations ». « Potentiellement » signifie « d’une façon qui est plausible ou possible ». C’est reconnaître que l’effet troupeau , s’il est espéré, n’est pas avéré.

    La HAS reconnaît que cette protection collective n’est pas certaine . Elle ne fait pas partie des objectifs vaccinaux.

    « Les premiers objectifs du programme de vaccination contre le Sars-Cov-2 seront de réduire la morbi-mortalité attribuable à la maladie (hospitalisations, admissions en soins intensifs et décès) et de maintenir les activités essentielles du pays, particulièrement celles du système de santé pendant l’épidémie. Pour que la stratégie vaccinale vise le contrôle de l’épidémie, il est nécessaire d’attendre que les études établissent la preuve que les vaccins ont une efficacité possible sur la transmission du virus.. » .

    Le Conseil d’État en prend d’ailleurs acte : « L’administration fait néanmoins valoir, d’une part, l’existence d’études récentes invitant à la prudence quant à l’absence de contagiosité des personnes vaccinées, d’autre part, l’incertitude scientifique sur l’immunité conférée par la vaccination en cours à l’égard des variants du virus » .

    Se faire vacciner ou non : retour au sang froid, au bon sens et aux faits

    Petit rappel sur les infections nosocomiales

    Le pionnier dans la découverte et le traitement des maladies nosocomiales, Ignace Philippe Semmelweis , a établi en 1847 le socle de leur prévention. C’est la désinfection et le lavage des mains.

    Toutes ne peuvent être évitées mais il est possible de les réduire fortement. La prévention concerne à la fois les soignants, les patients et les visiteurs. Ce sont les soignants qui sont au cœur de la polémique aujourd’hui. Regardons les recommandations qui les concernent, ainsi que l’explique le Docteur Sandra Fournier , de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Direction de l’organisation Médicale et des relations avec les Universités, AP-HP :

    « Les infections nosocomiales ne sont pas toutes évitables mais le respect par tous de règles simples d’hygiène permet de diminuer le risque.

    Les membres du personnel

    • se désinfectent les mains à l’aide de solutions hydroalcooliques avant et après chaque soin,
    • portent des gants en cas de contact avec du sang ou tout autre produit d’origine humaine
    • nettoient et désinfectent le matériel et les surfaces entre chaque patient. »

    Quand elle existe, la vaccination ne figure pas parmi les préconisations systématiques de prévention des maladies nosocomiales. La vaccination contre l’hépatite B est obligatoire pour les professionnels de santé, mais c’est pour protéger… le soignant, d’une maladie autrement plus grave que la Covid.

    La protection des personnes à risque est essentielle. Si un soignant est vacciné mais ne respecte pas les gestes barrière il peut transmettre la maladie. S’il n’est pas vacciné et les respecte, il ne la transmettra pas.

    Si la personne fragile est vaccinée et que le soignant ne l’est pas, elle sera certainement protégée. Si elle n’est pas vaccinée et que le soignant l’est, sa protection est bien plus incertaine.

    En tout état de cause, être vacciné ne dispense pas le professionnel d’appliquer les protocoles de prévention sus-cités. C’est plutôt sur ce terrain là qu’il faut creuser, si la volonté est réellement de diminuer les maladies nosocomiales et pas de culpabiliser les soignants.

    « Toute insuffisance dans l’organisation des soins crée de nouvelles portes d’entrée potentielles d’infection.
    Cinq types d’erreur sont particulièrement lourdes de conséquences :

    • hygiène des mains défectueuse
    • désinfection insuffisante
    • asepsie insuffisante
    • stérilisation inefficace
    • antibiothérapie aveugle. »

    D’abord ne pas nuire

    Le bon sens consiste à faire de la médecine, donc à regarder les indications vaccinales. Cela permet d’apprécier la balance bénéfice/risque. « Le port de la charlotte, du masque ou de la blouse pendant les soins », le lavage des mains n’ont jamais porté tort à personne. Mais aucun vaccin n’est anodin. Leurs effets secondaires existent.

    La maladie est très peu mortelle et il existe des traitement précoces, non validés, mais efficaces. Beaucoup de personnes n’ont aucun risque de décéder de la maladie. Pour elles le risque vaccinal est plus important que son bénéfice.

    La profession de soignant comprend implicitement l’acceptation de risques pour sa vie. Il n’est cependant pas éthique d’imposer un risque vaccinal certain, même faible, à des personnes pour qui le risque vital lié à la maladie est nul. Surtout si c’est pour, peut-être, éviter un risque « potentiel » à des personnes fragiles.

    Cette prise de risque ne peut être que librement consentie. Ces personnes fragiles peuvent être protégées bien plus efficacement par d’autres moyens qui ne portent tort à personne : respecter les préconisations pour éviter les infections nosocomiales, les gestes barrière, vacciner celles qui le souhaitent, traiter précocement en cas d’infection .

    Se faire vacciner ou la liberté de disposer de sa personne

    Cela comprend son corps, son esprit, son libre arbitre. Le libre arbitre permet de dire Non. Ce Non doit être respecté. Nul, pas même l’État, ne peut imposer à autrui une action qui pourrait altérer son intégrité physique ou psychique. Nul, pas même l’État, ne peut détruire le libre arbitre de quelqu’un.

    « Personnalité, Liberté, Propriété, — voilà l’homme. » Frédéric Bastiat, La Loi (1848).

    Toute atteinte à la personne lui nie son humanité, la chosifie.

    L’atteinte à la liberté de quelques-uns détruit celle de tous.

    « Quand ils ont détruit le libre arbitre des restaurateurs, je n’ai pas protesté, je ne suis pas restaurateur,
    Quand ils ont détruit le libre arbitre des sportifs, je n’ai pas protesté, je ne suis pas sportif,
    Quand ils ont détruit le libre arbitre des soignants, je n’ai pas protesté, je ne suis pas soignant,
    Quand ils ont détruit mon libre arbitre, il n’y avait plus personne pour protester. » (inspiré par le poème de Martin Niemöller à Dachau).

    L’État totalitaire

    La société que les politiciens ont créée depuis des années est une société infantilisante. Avec gestion de la Covid l’infantilisation atteint des sommets. Les individus sont considérés comme des enfants irresponsables, incapables de prendre une bonne décision. Il sont de plus présentés comme caractériels et capricieux, opposants par principe, des « Gaulois réfractaires ».

    De même que les enfants sont sous la responsabilité de leurs parents, les Français, ces grands gamins, doivent être sous la tutelle de l’État . Au prétexte de la Covid, l’État dispose de leur personne, aliène leur propriété, détruit leur liberté.

    C’est du totalitarisme.

    Le propre du totalitarisme est de régner par la peur. Gouverner la France par la peur c’est la trahir. Honte à ceux qui gouvernent par la peur.

    • Co chevron_right

      Face à la résurgence du tout collectif, revenir aux leçons de Jean-François Revel

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 22 February, 2021 - 04:35 · 9 minutes

    collectif

    Par Matthieu Creson.
    Un article de l’Iref-Europe

    La crise du Covid-19 aura remis au premier plan de nos sociétés les valeurs du tout collectif. Le 15 octobre 2020, Emmanuel Macron déclarait ainsi :

    On s’était progressivement habitués à être une société d’individus libres, nous sommes une nation de citoyens solidaires.

    Remarquons ici deux choses : la substitution du mot citoyen au mot individu ; l’opposition apparente entre liberté et solidarité.

    La crise du Covid nous aura conduits à porter à nouveau aux nues les valeurs de la seule collectivité

    Depuis la conférence prononcée en 1819 par Benjamin Constant, « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes », on sait pourtant que l’individu moderne, s’il est en effet un citoyen, ne se réduit pourtant nullement à celui-ci : sa liberté ne réside en effet pas uniquement dans la possibilité pour lui de participer aux débats de la Cité, mais dans son aptitude à s’affranchir des grands desseins collectifs pour exercer son autonomie propre et se rendre ainsi le plus possible maître de sa propre existence.

    Faut-il donc croire que la crise du Covid-19 nous fera revenir plus de 200 ans en arrière en nous conduisant à ne plus pouvoir penser l’être humain autrement que comme simple atome social et politique ?

    Quant à la solidarité , celle-ci présuppose au contraire la liberté des individus : ne méritent vraiment d’être qualifiés de solidaires que les comportements d’individus décidant librement de s’entraider, de se porter mutuellement assistance lorsque les circonstances l’imposent.

    Nous voyons donc que la crise du Covid-19 s’est accompagnée d’un retour à l’exaltation des valeurs collectivistes au détriment des valeurs individuelles . Elle nous aura ainsi fait oublier la grande leçon qui avait tout d’abord semblé devoir s’imposer à nous après plus de 2500 ans d’histoire de l’Occident : à savoir que la civilisation que nous avons bâtie au fil des siècles, assise sur la démocratie, la science moderne et le capitalisme, avait peut-être principalement pour but la libération de l’individu.

    Les totalitarismes, les collectivismes du XXe siècle avaient justement tenté de contrecarrer cette aspiration de l’individu à l’autonomie personnelle, pour la remplacer par un mortifère désir de soumission envers le seul pouvoir politique. Les totalitarismes ayant été à jamais discrédités et balayés par l’histoire du XXe siècle, on avait cru que l’individu allait enfin pouvoir s’épanouir durablement dans une société qui le laisserait être libre de ses propres choix et acteur de sa propre destinée.

    Eh bien voilà que la survenue d’une crise sanitaire, certes grave, voilà maintenant un an, semble avoir remis en cause cet héritage essentiel qui est pourtant à la base même de notre civilisation moderne.

    « Il incombe à la politique de débarrasser l’homme de la politique »

    Cette leçon sur le sens de notre civilisation, Jean-François Revel (1924-2006) l’a rappelée dans plusieurs de ses écrits. On peut par exemple lire dans sa préface à la traduction française du livre de Dinesh D’Souza What’s so great about America – Pourquoi il faut aimer l’Amérique en français (Paris, Grasset, 2003) :

    Outre le développement économique, scientifique et démocratique, ce qui caractérise la civilisation moderne, c’est la libération de l’individu. (page 17)

    Dans Le Regain démocratique (Paris, Fayard, 1992), Revel va même jusqu’à écrire :

    Il incombe à la politique de débarrasser l’homme de la politique, ou, pour mieux dire, de lui apprendre à se déterminer par lui-même au lieu d’être déterminé par la collectivité. (pages 473-474)

    Cette dernière phrase de Revel, étonnante de perspicacité sur les conditions du bon fonctionnement de la démocratie libérale, aucun commentateur n’oserait aujourd’hui l’écrire, tant la crise du Covid nous aura conduits à porter à nouveau aux nues les valeurs de la seule collectivité.

    Ainsi les professionnels de la politique semblent-ils avoir renoué avec leurs rêves ancestraux de définir et de mettre en œuvre un programme régissant le fonctionnement de l’ensemble de la société, société dans laquelle l’individu n’a plus d’autre raison d’être que de se conformer, bon gré mal gré, au rôle social qui lui est imparti par le pouvoir politique.

    Nos dirigeants et collectifs médico-sanitaires – ces derniers ayant été omniprésents dans les médias depuis presque un an – nous proposent ainsi un nouvel idéal hygiéniste , à la réalisation duquel les individus sont tenus d’œuvrer collectivement. Entendons-nous bien : par sa gravité, la crise actuelle doit certainement nous conduire à modifier rationnellement, pour une durée déterminée, certains de nos comportements individuels habituels.

    Reste qu’elle ne devrait pas permettre aux inconditionnels surmédiatisés du tout-sanitaire d’imposer aussi facilement à la société tout entière leur nouvel idéal de santé publique, pour bien intentionné qu’il se voulût. Car rappelons-nous que vouloir à tout prix faire advenir le Bien peut aussi finir par causer beaucoup de mal.

    Ils veulent confisquer notre liberté, notre autonomie de jugement et notre capacité à nous montrer responsables

    Nous touchons ici sans doute à l’une des clefs de l’extraordinaire soumission du politique au médical de par le monde depuis le début de la crise sanitaire : ne pouvant sans doute concevoir qu’il soit possible de faire de la politique sans proposer d’idéaux collectifs, nombre de dirigeants en exercice s’en sont alors remis à une certaine classe médico-sanitaire, qui semble avoir décidé quasiment à elle seule du sort de nos sociétés : confinements, couvre-feux, fermetures de commerces déclarés non essentiels , des restaurants, des théâtres, des cinémas, des musées, autant de mesures prises pour lutter contre la crise sanitaire, « quoi qu’il en coûte » .

    Il fallait en effet écouter les médecins , mais il fallait aussi à l’évidence donner davantage la parole aux autres acteurs de la société civile (économistes, entrepreneurs, innovateurs, commerçants, travailleurs, etc.), et ne pas laisser certains professionnels de la santé confisquer notre liberté, notre autonomie de jugement et notre capacité à savoir nous montrer responsables en tant qu’individus .

    La soumission du politique au médical durant la crise du Covid s’explique ainsi peut-être en partie par une certaine incapacité que nous avions déjà depuis longtemps à accepter l’idée que la société ne doit plus s’attacher à dicter à l’individu la conduite que celui-ci devrait adopter.

    Ici encore, relisons Revel dans Le Regain démocratique :

    C’est une erreur de reprocher à la société libérale de ne plus proposer d’idéal. C’est justement là sa noblesse, et même son but. L’individu a besoin que la société lui propose un idéal lorsqu’il est incapable de s’en proposer un à lui-même. Ce n’est alors pas un adulte, ce n’est même pas un adolescent. (pages 473-474)

    Les politiques n’ont pas à proposer un idéal collectif, sanitaire ou autre, aux individus : ils doivent pouvoir leur garantir le respect de leurs droits fondamentaux afin qu’ils soient en mesure de réaliser leur propre idéal.

    En d’autres termes, il ne devrait y avoir d’idéaux dans une société moderne que ceux que les individus se proposent à eux-mêmes d’accomplir : la tendance persistante des États à l’infantilisation des individus vient précisément de ce fait qu’il leur est toujours difficile d’accepter une fois pour toutes que seuls les individus sont fondés à tenter de mettre en œuvre les idéaux qu’ils se sont forgés.

    Il appartiendrait donc plutôt aux politiques en temps de crise comme celle que nous vivons d’émettre des recommandations et de garantir le libre accès des personnes à l’information, à toute l’information, et non pas uniquement à celle qui relève d’un certain politiquement ou sanitairement correct, qu’il est de bon ton de véhiculer dans la société.

    « C’est la démocratie qui permet à l’homme libre de naître, mais c’est l’homme libre qui permet à la démocratie de durer »

    La crise sanitaire actuelle ne doit pas non plus nous amener à occulter le caractère déterminant de l’éducation de l’individu, dans le sens d’accès à l’indépendance intellectuelle et culturelle.

    C’est encore ce que nous rappelle Revel dans le même passage déjà cité du Regain démocratique :

    La condition du bon fonctionnement de la démocratie et de sa solidité, c’est cette accession du citoyen à l’autonomie personnelle, autrement dit à la culture comprise comme capacité de se conduire tout seul… »

    Certes, en écrivant ces lignes en 1992, Revel l’exemple d’une pandémie sous les yeux. Reste que la vraie question est de savoir si, au nom de la lutte légitime contre une épidémie aux conséquences indéniables, nous devons accepter d’abdiquer aussi facilement en tant qu’individus nos aspirations et notre autonomie personnelles pour nous fondre dans une nouvelle masse guidée par une sphère politico-médicale qui entend œuvrer au nom d’un même idéal collectif.

    Tranchant sur les propos couramment colportés par cette dernière concernant les vertus supposées de l’idéal collectif du tout médical et du sanitairement correct, cette autre citation de Revel semble ainsi retrouver toute sa pertinence dans le contexte mondial actuel :

    Ce sont les politiques professionnels qui veulent nous faire croire que seul le collectif importe, parce qu’ils redoutent de perdre leur champ d’action. C’est quand les sociétés s’enfoncent dans les tempêtes et les utopies que l’homme retombe au rang d’atome impersonnel, balloté par des forces qui le noient dans l’uniformité, l’écrasent et décident de son destin à sa place.

    Mais quoi de plus ennuyeux que ces grands mélodrames de l’abrutissement grégaire ? Où voit-on davantage les hommes se ressembler entre eux et psalmodier plus de sottises identiques, inventées par d’autres ?

    Il n’est pas de démocratie durable sans autonomie culturelle des individus, de chacun des individus. C’est la démocratie qui permet à l’homme libre de naître, mais c’est l’homme libre qui permet à la démocratie de durer. (pages 474-475)

    Pour légitime qu’elle puisse donc paraître, la focalisation depuis près d’un an sur la seule santé collective comme nouvel horizon social ne doit donc pas pour autant nous conduire à oublier que notre civilisation se définit avant tout par la place centrale accordée à la liberté et à l’autonomie des individus, lesquelles conditionnent ni plus ni moins la bonne marche de nos démocraties libérales.

    Sur le web