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      Les armes de la transition. Le climatologue : Jean Jouzel

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 7 September, 2023 - 20:21

    Jean Jouzel est glaciologue-climatologue, pionnier dans l’étude du changement climatique. Il a été vice-président du groupe scientifique du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) lorsque ce dernier a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2007. La liste de ses responsabilités est impressionnante. Il a plus récemment rejoint le Haut Conseil pour le Climat. Jean Jouzel nous éclaire sur le rôle précis d’un climatologue dans le cadre de la transition écologique.

    Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève.

    Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy.

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      Pass ferroviaire en France : le défi de la démocratisation du rail

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 30 June, 2023 - 13:06 · 5 minutes

    Alors que l’Allemagne trace sa voie avec son Deutschland-Ticket , la France peine à développer une offre ferroviaire économique comparable, malgré l’annonce d’un futur pass par le ministre des transports Clément Beaune. Pourtant, plusieurs initiatives passées ont démontré le succès d’une telle offre.

    L’Allemagne se distingue comme le précurseur des pass ferroviaires. Dès l’été 2022, elle a lancé son 9-Euro-Ticket , permettant une circulation illimitée sur le réseau régional pour un abonnement mensuel de 9€. Cette initiative a été mise en place dans un contexte marqué par une hausse des prix de l’essence et dans le but de favoriser le transfert modal de la voiture vers le train. Dans ce cadre, l’État fédéral a alloué 2,5 milliards d’euros aux Länder pour compenser les pertes.

    L’Allemagne, pionnière des pass ferroviaires

    Cependant, malgré le succès indéniable de cette initiative avec près de 52 millions de billets vendus, son impact écologique apparaît mitigé. En effet, le 9-Euro-Ticket n’a pas atteint les objectifs escomptés en termes de réduction de l’utilisation de la voiture, le report modal restant limité. Comparé à la même période en 2019 , le nombre de trajets en train a augmenté d’environ 40 %, tandis que l’usage de la voiture n’a que légèrement diminué. La saturation des lignes touristiques allemandes témoigne de cette augmentation importante des voyages en train. Cette offre, si elle n’a pas forcément eu l’effet écologique recherché, révèle donc un potentiel de développement significatif pour les voyages touristiques en train et a permis une démocratisation des vacances.

    Graphique de l’auteur. Source des données : DE Statis

    Soucieux de poursuivre cette initiative, des négociations au sein de la coalition gouvernementale regroupant sociaux-démocrates, libéraux et verts ont abouti à la relance du pass dès le 1 er mai. Sous sa nouvelle forme, le Deutschland-Ticket se présente comme un pass national mensuel au tarif de 49€, dont le financement est partagé à parts égales entre l’État fédéral et les Länder, chacun contribuant à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Avec 10 millions d’abonnement au premier mois , ce nouveau pass apparaît déjà comme un succès commercial outre-Rhin.

    Pass France-Allemagne et Pass TER Jeunes, des offres qui ont trouvé leur public

    Les pass ferroviaires français à destination des jeunes ont également connu un large succès. Récemment, l’initiative du Pass France-Allemagne, a offert 60 000 tickets gratuits – 30 000 en France et 30 000 en Allemagne – permettant aux jeunes de 18 à 27 ans de profiter de 7 jours de voyages gratuits sur le réseau régional de l’autre pays. Le lancement de cette initiative a donné lieu à un afflux massif de demandes sur le site de réservation, qui, saturé, a délivré l’ensemble des abonnements en quelques instants.

    Une autre initiative, plus large, avait également existé au cours des étés 2020 et 2021, le Pass TER Jeunes . Cet abonnement permettait aux jeunes âgés de 18 à 27 ans de voyager de manière illimitée sur le réseau TER pour seulement 29€ par mois. L’offre avait alors rencontré un vif succès, dépassant largement les attentes. Au cours de l’été 2021, alors que la SNCF visait la vente de 10 000 pass, 70 000 avaient finalement été vendus. Toutefois, malgré le succès de cette offre, Régions de France a annoncé en 2022 l’abandon du dispositif.

    Vers des réseaux ferroviaires surchargés ?

    À l’heure de la décarbonation des transports, le transfert modal vers le ferroviaire apparaît comme une nécessité alors que le secteur des transports est celui qui dégage le plus de gaz à effet de serre : 31% des émissions françaises en 2019 . Si les comparatifs d’émissions de gaz à effet de serre divergent, tous consacrent le train comme étant de loin le transport le plus écologique. Mais, si l’intérêt environnemental du train est désormais bien connu, le prix reste la première entrave à ce mode de locomotion, selon un récent sondage Harris Interactive pour le Réseau Action Climat .

    L’instauration d’un pass, au prix unique et réduit, serait en mesure de réduire ce frein majeur. Toutefois, le succès des pass ferroviaires chez nos voisins européens a aussi mis en évidence les limites du système ferroviaire. De nombreuses gares et un grand nombre de trains sont déjà régulièrement engorgés, en particulier à la période estivale. Le développement de nouvelles offres, aux prix plus faibles, apporte un risque majeur : la saturation des infrastructures.

    Garantir le droit aux vacances

    Outre la question de l’état du réseau ferroviaire, les pass ferroviaires illustrent le besoin d’accéder à des destinations touristiques, de voyager et finalement de démocratiser les vacances. A l’heure où près de la moitié des français ne partent pas en vacances, dont la moitié pour des raisons financières , cette question revêt une importance particulière, et une politique ferroviaire ambitieuse, à l’image des billets congés annuels mis en place en 1936, apparaît pertinente.

    C’est cette voie qu’a emprunté la NUPES avec sa proposition de loi sur l’accès aux vacances. Dans une tribune publiée , les députés François Ruffin, Benjamin Lucas, Soumya Bourouaha, Arthur Delaporte, Marie-Charlotte Garin et Frédéric Maillot ont dénoncé une situation où “le porte-monnaie fait la loi”. Ils proposent donc un “ticket-climat train à prix réduit et à volonté”, avec un abonnement TER mensuel illimité au prix de 29€, soit le même tarif que l’ancien Pass TER Jeunes. En réponse, le ministre des transports a prévu de faire des annonces sur une future offre.

    Si l’idée d’un pass fait peu à peu son chemin en France, la mise en place d’offres tarifaires accessibles ne pourra faire l’impasse sur une politique d’inclusion ferroviaire. En Allemagne, les pass ferroviaires ont été critiqués en raison de la charge qu’ils représentent pour les habitants de territoires non desservis. De même, 33% des Français estiment que leur commune est mal desservie par le train, un chiffre qui monte à 64% dans les zones rurales .

    Afin que tous les Français puissent bénéficier de tarifs réduits, il serait envisageable d’inclure les autocars de la SNCF et des Régions dans un futur pass, à condition qu’un accord soit trouvé avec les Régions. A moyen terme, il sera toutefois indispensable d’initier un vaste mouvement de réouverture et de construction de lignes ferroviaires dans les régions les plus isolées.

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      Le monde écologique : un monde de quotas et de contraintes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 07:30 · 6 minutes

    La France n’a pas de pétrole, mais elle a des écolos qui ont des idées. Ils ont tellement d’idées (sur tout, et surtout des idées) qu’il ne se passe plus une semaine sans que l’un ou l’autre groupe de ces frétillants militants de l’Ascétisme Pour Autrui ne pondent une vibrante tribune en faveur de nouveaux quotas ou de nouvelles restrictions qui garantiront enfin une avancée décisive de l’humanité vers un futur aussi riant que – forcément – sobre.

    C’est ainsi qu’on retrouve des chroniques, régulières maintenant, s’étalant avec délice dans le catastrophisme médiatique dans lequel notre avenir ne tient plus qu’à un fil ; ce dernier, condition de notre survie, se résumant essentiellement à expier nos fautes par différents moyens, bizarrement mais systématiquement tous coercitifs.

    De façon répétitive donc, on retrouve dans les médias, avec une entêtante constance, un appel à nous serrer toujours plus la ceinture. Parmi ces appels, il est difficile de ne pas noter les trépignements de certains à vouloir imposer de fermes limitations énergétiques, rebaptisés pudiquement « quotas carbone » pour faire croire à un quelconque lien avec le dioxyde de carbone.

    Une fois débarrassés de leur gangue de novlangue écolo, ces appels sont tous calibrés de la même façon : quels que soient les problèmes réels ou imaginaires soulevés, il existe un coupable évident, pratique et systématique à savoir l’humanité qui, une fois soigneusement taxée, contrainte et limitée afin d’expier sa faute, pourra échapper à l’apocalypse si et seulement si elle se laisse diriger par une élite éclairée.

    « Permis carbone », « pass énergétique », « quota carbone » : les appellations changent, les titrailles s’enchaînent et chaque semaine de nouvelles propositions sont publiées rappelant que, déjà, quelques députés sont favorables à cette nouvelle bordée de restrictions sévères consistant essentiellement à imposer une limitation énergétique à chaque individu : grâce à ce procédé, chaque citoyen peut être contraint jusque dans son intimité à limiter toutes ses activités, à ne faire que ce qui est approuvé et ne plus avoir ni le droit ni le temps, ni l’énergie pour faire ce qui lui plaît.

    Dans ce monde réjouissant, finis les vols aériens ( quatre pour toute une vie suffisent ), haro sur la voiture individuelle (à plus forte raison lorsqu’elle roule au pétrole), la consommation électrique devient millimétrée et on impose bien sûr une interdiction totale de tout gaspillage (sauf pour l’État). Moyennant beaucoup de verdure, le goulag éco-conscient sera plus joli.

    Du reste, ne comptez pas non plus compenser ces restrictions par quelques douceurs gustatives : l’écologisme militant d’écrabouillement des dissidences climato-catastrogènes entend bien s’immiscer aussi dans votre nourriture, du petit-déjeuner au souper en passant par le quatre-heures à moteur (électrique et encore).

    La transition écologique passera par la bouffe, vous n’y couperez pas et il suffit pour s’en convaincre d’ éplucher les propositions de groupes de lobbies actuels (finement renommés « Instituts » pour mieux vendre leur soupe) : pour l’un de ceux-là, l’ IDDRI , il est même encore laissé trop de latitude à l’individu lorsqu’il va faire ses courses et l’imbécile continue donc d’acheter ce dont il a envie (l’insupportable égoïste) sans trop se soucier du climat, de l’environnement, de la pollution et des ours polaires.

    Pour l’IDDRI, il est manifeste que la transition écologique repose encore trop sur l’individu, ce petit mammifère pénible qui, jusqu’à présent, se passait pourtant trop bien d’eux. Il faut mettre un terme à toute cette belle liberté de reprendre deux fois des pâtes.

    Car fondamentalement, cette liberté est inégalitaire : devant les incitations (ou le tabassage fiscal) propulsant des objectifs écolos jusque dans la nourriture, les riches vont faire attention et devenir de bons petits « consom’acteurs », manger bio et sain, alors que ces sommateurs de pauvres vont continuer à manger des trucs mauvais pour la santé au motif ridicule qu’ils ne sont pas chers, les cons imbéciles.

    Las : comme il y a plus de pauvres que de riches, tout ceci va ruiner les efforts de la transition écologique bien visible, en plus d’accroître les méchantes inégalités que ces comportements différents entraînent inévitablement.

    La conclusion est sans appel : il faut dilapider l’argent public pour médiatiser et promouvoir, puis contraindre, interdire et empêcher, limiter par la loi, réguler de tous les côtés et tailler en pièces la liberté individuelle, le tout en utilisant des mots inventés de toutes pièces comme « surmarge » (qui ne ressemble pas à surprofit ou hyperprofit pour rien, bien sûr). Pour cela, on enchaînera des propositions d’une originalité folle, comme notamment des « chèques alimentations » (en plus des écochèques, des chèques carburant et autres chèques repas de mon cul sur la commode que les Français collectionnent à présent comme autant de petits tickets de rationnement).

    Bien évidemment, il faudrait, comme l’IDDRI le préconise, mettre en place un « délégué interministériel à l’alimentation » car c’est bien connu, rien de tel qu’un comité Théodule de plus dans les couloirs feutrés de notre République : il va tout changer, tant il est vrai que les milliers de Théodule précédents ont tout changé.

    On déplore néanmoins l’absence de proposition d’un Grenelle de la bouffe l’alimentation ou d’un numéro vert qui manque à cette Panoplie du Petit-Étatiste « made in China »… Gageons qu’il s’agit d’un simple oubli qui masque évidemment une vraie volonté de mettre en route ces deux colifichets obligatoires de la réponse politique française à tous les problèmes modernes.

    Notons aussi l’absence encore louable de toute proposition de passer à l’entomophagie. L’IDDRI comprend probablement que le grignotage de grillons et de vers de farine ne fait pas encore recette auprès des Français et qu’il faudra patiemment attendre encore un peu (les premières famines ?) avant ce genre de solutions. En attendant, rassurez-vous, l’élimination de la viande et son remplacement par des feuilles de salade flexitariennes restent à l’ordre du jour.

    Quotas carbone, pistage de votre alimentation jusqu’au moindre petit pois… Les signaux sont encore discrets, mais ils sont persistants, répétés et de moins en moins faibles : il faut absolument imposer l’ascétisme, les contraintes de la limitation et du jeûne alimentaire et énergétique, à tous, tout le temps.

    En réalité, on cache mal le fait que la France s’appauvrit. On cache mal que l’hystérie écologique est maintenant permanente. On cache aussi fort mal qu’il faut maintenant pousser les gens à s’habituer à des pénuries de ce qui nourrit vraiment (de la vraie viande par exemple) ou de ce qui permet de vraiment chauffer son foyer.

    À force de quotas, de mesures de coercition plus ou moins feutrées, on impose aux individus de se départir de plus en plus rapidement de tout ce qui fait le sel de la vie, à commencer par la liberté de choisir ce qu’on va mettre dans son assiette ou de prendre des douches chaudes plutôt que froides.

    Cela va très bien se passer.

    Sur le web

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      Le « Plan industriel vert » de l’UE : échec programmé d’une transition incitative de marché

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Tuesday, 11 April, 2023 - 19:56 · 17 minutes

    Sans surprises, le « Plan industriel vert » de l’Union européenne refuse toute logique de planification ou de redistribution. C’est sur une matrice incitative qu’il est fondé : une série d’entreprises seront éligibles à des fonds publics et leur accès aux financements de marché sera facilité. Outre la confiance démesurée que ce plan accorde à l’hydrogène sur le plan de l’énergie, il est d’ores et déjà critiqué pour sa carence d’investissements publics dans le domaine des transports. Il consiste en effet à déverser des sommes considérables aux géants de l’automobile pour les inciter à transiter vers la voiture électrique… sans rien prévoir pour permettre aux Européens pauvres d’acheter ce bien destiné à une clientèle aisée. Ce plan, dont les maigres effets vertueux sont facilement réversibles – dans un contexte où les logiques austéritaires reprennent de l’ampleur – n’offre aucune réponse structurelle au défi de la transition énergétique.

    En 2019, Ursula von der Leyen n’avait pas hésité à comparer le Green Deal européen au premier pas de l’homme sur la Lune . La présidente de la Commission européenne dévoilait alors l’objectif de faire de l’Europe le premier continent à atteindre la neutralité carbone. Ce Green Deal, basé sur des fondations fragiles , s’est avéré n’être qu’une énième séquence technocratique dont Bruxelles a le secret.

    Les faibles sommes injectées n’ont pas été à la hauteur de l’objectif, et sa mise en œuvre a surtout penché en faveur des secteurs privé et financier, comme en attestent le choix de subventionner des projets jugés rentables pour les investisseurs. Le maigre budget censé compenser les effets de la décarbonation pour les régions dépendantes aux énergies fossiles était un signe : le Pacte vert ne servirait pas de moteur à une transition énergétique équitable.

    Plus de trois ans ont passé, et Ursula von der Leyen relance aujourd’hui le Green Deal avec un Plan industriel vert, qui prétend faire de l’Europe une figure de proue de l’objectif « zéro émission », en attirant sur le Vieux Continent les investissements dans les technologies propres. Ironie du sort, c’est à Davos, au Forum Économique Mondial, qu’a été annoncée cette initiative, de quoi enterrer les derniers espoirs de ceux qui comptaient sur l’Europe pour adopter une véritable juridiction écologique sur le plan industriel.

    Le plan de l’UE est une réponse directe à l’Inflation Reduction Act (IRA), votée aux États-Unis. Cette dernière débloque un budget de 370 milliards de dollars dans l’optique de bâtir une économie fondée sur les énergies propres. La majorité des fonds prend la forme de crédits d’impôt, mais aussi de prêts et de subventions. Déjà inquiets de la place de la Chine dans plusieurs secteurs clés faibles en carbone, les États membres de l’UE voient maintenant cette juridiction américaine comme une menace supplémentaire pour la compétitivité de leurs entreprises. Celles-ci, contrariées par l’IRA, sont tentées tentées de mettre les voiles outre-Atlantique pour fuir la flambée des prix de l’énergie en Europe et bénéficier d’un cadre fiscal plus avantageux.

    D’ores et déjà affaiblie par les conséquences de la pandémie sur les chaines d’approvisionnement et par la crise de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine, Bruxelles a été forcée de réagir. Les autorités de l’UE élaborent les conditions d’un déblocage massif de subventions visant à favoriser les investissements européens dans les « technologies propres », à décarboner l’industrie, et à accélérer la « croissance verte ».

    Pour ce faire, la Commission européenne a proposé le Net-Zero Industrial Act , pilier du Plan industriel vert, visant à assouplir l’octroi de permis afin d’accélérer les grands projets technologiques d’énergie propre. La Commission table également sur un accès facilité aux financements, le renforcement des compétences (dont une proposition d’académies d’industries « zéro émission »), et l’ouverture du marché pour développer de nouvelles voies d’exportation pour l’industrie européenne verte, et s’assurer un accès aux matières premières.

    Pour l’heure, l’UE ne dispose pas des liquidités suffisantes pour soutenir son plan, la Commission s’emploie donc à fluidifier et à accélérer les dépenses des États membres pour financer le Plan industriel vert. En temps normal, ces aides (considérées comme des ressources de l’État versées aux grandes entreprises sous forme de subventions, d’allègements fiscaux ou de participation publique) sont limitées par les règles de concurrence de l’Union au sein du marché intérieur.

    Le faible budget censé compenser les effets de la décarbonation pour les régions dépendantes des énergies fossiles était un signe : le Pacte vert ne servirait pas de moteur à une transition énergétique équitable.

    Les États membres peuvent également puiser dans les canaux d’investissements (comme InvestEU, REPowerEU, et le Fonds européen d’innovation). Les propositions visant à créer un nouveau fonds, elles, se heurtent aux désaccords entre les États, mais aussi aux limites du budget rachitique de l’Union européenne. Plusieurs responsables de banques et d’institutions européennes en appellent à la création d’une Union des marchés de capitaux , ce qui permettrait d’ouvrir l’accès aux finances du secteur privé grâce à un marché européen des obligations. Dans ce domaine, l’UE est clairement en retard sur Washington : les prêts bancaires sont actuellement la principale source d’emprunt des entreprises par rapport aux marchés obligataires en Europe, et c’est l’inverse aux États-Unis.

    Avec l’objectif « zéro émission », le Plan tente de réconcilier « la planète avec le profit ». En réalité, il ne peut que nuire aux objectifs de décarbonation affichés par l’Europe. Il aura pour effet d’accroître des profits déjà faramineux par un apport de fonds publics – une distribution abondante de carottes, sans aucun bâton. Des multinationales comme Shell, Iberdrola ou Enel, déjà bénéficiaires de subventions record sur l’hydrogène, réclament déjà cette nouvelle enveloppe . De leur côté, la grande industrie qui subit la hausse des prix de l’énergie et fait face aux défis du « virage vert » compte également profiter du Plan pour prendre de l’avance sur ses concurrents globaux. Des géants comme le groupe sidérurgique ArcelorMittal ou le groupe chimique allemand BASF n’ont pas manqué d’enjoindre l’UE à suivre le modèle américain pour, eux aussi, recevoir davantage de fonds publics.

    En résumé, le Plan industriel vert consiste en une politique verticale de cadeaux au secteur privé ; le débat collectif visant à déterminer les besoins sociaux et écologiques du continent n’a pas même été ouvert…

    Quand les oligopoles se repeignent en vert

    Selon toute vraisemblance, le Plan industriel vert risque d’accroître le caractère monopolistique du marché du renouvelable, et d’intensifier la compétition aux technologies propres au sein des oligopoles existants. Le projet est centré sur les batteries électriques, les panneaux solaires, les éoliennes, les biocarburants, ainsi que les techniques de capture d’hydrogène et de carbone – aux côtés de techniques de stockage inefficaces, coûteuses et inapplicables à grande échelle, qui représentent un danger écologique et social, mais ont l’indéniable mérite d’accroître les profits des géants de l’énergie.

    Ce sont en effet ces derniers (dont certains spécialisés dans les énergies fossile) qui continueront à profiter des coups de pouce des États (les cinq plus grandes entreprises d’hydrocarbure ont réalisé un profit record de 134 milliards de dollars en 2022) pour amplifier le marché de l’hydrogène et de la capture du carbone… sans que rien ne les empêche de revenir sur leurs timides engagements sur le renouvelable.

    Le Plan industriel vert, politique bureaucratique construite sur une logique d’aide aux entreprises, balaye l’idée d’une discussion collective sur les besoins sociaux et écologiques. Une occasion manquée de revoir les fondements d’une authentique transition verte de l’industrie, qui aurait pu planifier la décarbonation urgente de plusieurs secteurs. Ce plan s’entête plutôt à financer l’éternel modèle énergétique de marché, centralisé et court-termiste, qui fait la part belle aux actionnaires. Les quantités d’énergie et d’eau nécessaires au transport et à la production d’hydrogène ( exemples non exhaustifs ) rendent à elles seules cette solution non viable.

    L’Allemagne a expérimenté un pass mensuel à 9 euros donnant accès aux transports ferroviaires sur les réseaux locaux et régionaux. Une initiative dont l’impact a été positif, en particulier auprès des revenus les plus modestes. La surcharge d’usagers a cependant mis en évidence le manque criant d’investissements publics

    Qui plus est, on estime que le recours à l’hydrogène est plus coûteux que les énergies fossiles, même sur le long terme, ce qui implique un modèle sous perfusion constante de fonds publics. Une voie qui augure des subventions massives des oligopoles de l’énergie… à l’heure où l’Union s’oriente de nouveau vers l’austérité budgétaire !

    D’autres plans européens comme Hydrogen Strategy 2030 ou REPowerEU parient sur les investissements extérieurs de l’UE pour compenser sa faible capacité de production d’hydrogène. Car le Plan industriel vert souhaite toucher de nouveaux marchés avec ses technologies propres afin d’obtenir, à terme, de l’hydrogène à faible coût (qu’importent les possibles retombées socioéconomiques locales ). Ainsi, l’Europe compte sur l’Afrique et son potentiel en hydrogène, mais s’appuie également sur l’Ukraine, comme en atteste l’annonce début février 2023 d’un partenariat stratégique sur le biométhane, l’hydrogène et d’autres gaz de synthèse . En dépit des ravages de l’invasion russe et de la nécessité de répondre aux besoins locaux en énergie (renouvelable) durant la reconstruction de l’Ukraine, l’UE flaire une opportunité de sécuriser des importations d’hydrogène en Europe.

    Des véhicules électriques, mais pour qui ?

    Les véhicules électriques, tout comme les batteries et les stations de chargement, jouent un rôle majeur dans le Plan industriel vert. On peut cependant encore une fois déplorer l’absence de tout projet social en la matière – comme le développement des transports en commun ou la subvention de la mobilité partagée, dont les effets bénéfiques en termes écologiques ne sont plus à démontrer.

    Le virage vers l’électrique porte avec lui une question sociale. En effet, l’Union européenne comme les États-Unis voient leur demande en voitures décliner. Selon l’association des constructeurs européens d’automobiles, les ventes de 2023 n’atteindront certainement pas les niveaux d’avant la pandémie . Les constructeurs s’engagent désormais à orienter leur production vers le tout-électrique (Fiat d’ici 2027, Mercedes d’ici 2030 et Volkswagen d’ici 2033) en ciblant une clientèle aisée. Les ménages aux revenus plus modestes sont eux mis de côté, et continuent à se tourner vers le marché de l’occasion.

    De fait, aux États-Unis, les aides comme le crédit à la consommation proposé par l’IRA tentent d’apporter une solution à ce problème. En Allemagne, un système de subvention similaire est accusé de négliger les ménages à bas revenus et de privilégier les consommateurs aisés. De fait, les subventions à la consommation n’offrent aucune solution structurellement viable au problème du transport, mais peut tout juste encourager une acquisition volatile de biens privés sur fonds publics. La chute de 13,2% des ventes de véhicules électriques en Allemagne, suite à la décision de réduire ses subventions de moitié , en est l’illustration. Cette même mesure a provoqué une hausse de 3,5% des ventes de véhicules à essence… Le virage vers l’électrique semble avant tout profitable aux hauts revenus, ainsi qu’à l’industrie automobile, avide de fonds publics.

    Cette transition vers l’électrique s’explique aussi par la volonté de cette industrie de « verdir » son modèle économique grâce aux deniers publics. Les constructeurs, qui sont pourtant en mesure de financer la fabrication de modèles plus vertueux avec la technologie actuelle , choisissent de faire du lobbying contre les normes d’émission de CO2 (qui d’après eux, les forcent à réduire leurs investissements vers l’électrique) et préfèrent réclamer des subventions. En attestent les 22,5 milliards d’euros de profits réalisés par Volkswagen en 2022, 13% de plus que l’année précédente, ce qui n’a pas empêché le groupe allemand de faire pression sur les États d’Europe de l’Est pour financer la construction de leurs giga-usines à batteries. Un projet en la matière est actuellement en suspens , Volkswagen comparant les avantages respectifs de l’UE et des États-Unis d’après le vote de l’IRA… Quoi qu’il en soit, en République tchèque, la perspective de voir s’installer une giga-usine a provoqué l’ire de la population locale, inquiète des conséquences sur l’environnement, l’emploi et l’économie de la région.

    Laisser le soin aux multinationales de remplacer leurs véhicules à essence par des modèles électriques, sans repenser la structure même de la mobilité individuelle, ne contribuera pas à une véritable transition écologique. En particulier quand les géants continuent de s’appuyer sur les pays d’Europe de l’Est pour produire à moindre coût. La manne publique qui est déversée aux entreprises de l’automobile constitue autant d’argent qui n’est pas investi dans les transports publics : dans de nombreux pays, certains trajets sont plus coûteux en train qu’en covoiturage.

    L’UE, qui s’appuie sur la capacité des multinationales à concevoir des technologies propres, ne prend aucune hauteur de vue sur les bénéficiaires et la finalité de cette course au « zéro émission ».

    L’été dernier, l’Allemagne a expérimenté durant trois mois un pass mensuel à 9 euros donnant accès aux transports ferroviaires sur les réseaux locaux et régionaux. Une initiative qui a démontré la popularité des infrastructures publiques, en particulier auprès des revenus les plus modestes. Toutefois, la surcharge d’usagers due au succès de cette expérience a mis en évidence le manque criant d’investissements publics – nécessaires pour étendre le réseau, améliorer la fréquence des transports et la capacité d’accueil.

    L’extractivisme et ses conséquences sont également absents du Plan industriel vert. On estime que la demande mondiale en lithium, indispensable à la fabrication des batteries électriques, sera multipliée par 40 d’ici 2040 . La ruée vers les minéraux rares risque d’amener son lot de dégâts environnementaux et de provoquer des expropriations et l’épuisement des ressources en eau, tout en creusant davantage les inégalités et en augmentant le niveau d’émissions. Le Critical Raw Materials Act, texte faisant partie du Plan industriel vert, vise lui à accroître les projets d’extraction minière dans l’UE. Ironiquement, les auteurs de ce texte ont conscience de l’opposition populaire face à un tel projet (son impopularité est même inscrite dans le texte), et choisissent d’assurer l’accaparement des ressources en dehors des frontières européennes, en faisant payer aux pays du Sud le coût écologique et social de la croissance verte du Vieux continent.

    Atténuer les risques, quoiqu’il en coûte

    Le Plan industriel vert n’introduit pas la moindre remise en question, et n’imagine aucune politique industrielle à la hauteur des enjeux sociétaux actuels : des emplois de qualité, des transports et services publics fiables, et un accès aux énergies renouvelables à prix raisonnable. Le projet tient essentiellement à atténuer les risques d’investissement des multinationales et à tirer parti du financement privé pour mettre en œuvre la décarbonation.

    Dès 2015, suite au plan Juncker de 315 milliards d’euros, la Cour des comptes européenne émettait des doutes quant à la capacité de la Commission à lever de telles sommes par garantie publique, qualifiant même d’illusoires les ambitions de l’UE en la matière. InvestEU, qui succède désormais au plan Juncker et doit aider à financer le Pacte vert et le Plan industriel vert, montre déjà des signes de faiblesse. Pour Daniela Gabor, économiste à l’université de Bristol, l’atténuation des risques n’est pas une solution pour atteindre la décarbonation à temps et à grande échelle.

    En réalité, elle découle plutôt d’une logique de rentabilité : un projet ne sera financé que s’il permet un retour rapide sur investissement. Cette approche n’implique aucune remise en question sur le type d’économie et d’industrie nécessaires à une véritable transition écologique.

    Il n’est donc pas étonnant que les actionnaires réclament les bonnes grâces de l’État pour développer des technologies propres, eux qui redoutent avant tout les faibles profits à court terme (ce qui est à craindre pour des secteurs florissants). Les fonds publics devraient toutefois être réservés à des projets d’énergies renouvelables viables et sûrs, qui eux nécessitent un capital patient et des prêts concessionnels. Le Plan industriel vert reste pourtant muet sur la question de conditionnalité. Éclaircir ce point permettrait d’identifier les bénéficiaires malhonnêtes et d’empêcher les subventions « vertes » de se retrouver dans les poches d’entreprises polluantes, qui elles peuvent facilement se financer sur les marchés.

    Le cas du PDG d’Iberdrola, José Galán , est particulièrement frappant. Ce dernier a touché une rémunération de 13,2 millions d’euros en 2021, année où le Tribunal suprême (institution au sommet du pouvoir judiciaire en Espagne) enquêtait sur sa participation à des faits de corruptions, d’atteinte à la vie privée et de fraude. Le salaire du dirigeant équivalait à 171 fois le montant du salaire moyen de ses employés (qui lui chutait de 1,3 %).

    Pour 2023, l’entreprise espagnole d’électricité Iberdrola s’attend à un bénéfice net situé entre 8 et 10 %, et ses actionnaires peuvent encore s’attendre à recevoir de juteux dividendes. Pourtant, cette année encore, la Banque européenne d’investissement a approuvé un prêt concessionnel de 150 millions d’euros à l’entreprise pour la construction de centrales d’énergies renouvelables en Italie. Iberdrola avait déjà bénéficié d’au moins 650 millions d’euros en 2021, puis de 550 millions d’euros en 2022. Les multinationales gonflées aux aides publiques qui distribuent d’énormes dividendes seront bien les véritables bénéficiaires du Plan industriel vert.

    Les États européens tentent désespérément de doper la compétitivité industrielle de l’UE à l’ère du zéro émission. Mais pour l’heure, leurs initiatives se concentrent sur de fausses solutions comme l’hydrogène à grande échelle, moyen efficace d’augmenter les profits des grandes entreprises mais aucunement de transiter vers une énergie plus propre. L’UE, qui s’appuie sur la capacité des multinationales à concevoir des technologies propres, ne prend aucune hauteur de vue sur les bénéficiaires et la finalité de cette course au « zéro émission ».

    Le Plan industriel vert ne répond à aucun des grands défis industriels européens. Il omet la question cruciale des exigences de réinvestissement, celle des limites aux rachats d’actions et versements de dividendes, qui représentent la contrepartie tant redoutée par les multinationales dopées à l’argent public. L’essentiel est ailleurs : le problème majeur reste l’incapacité à repenser en profondeur la politique industrielle de l’UE. Une telle refonte n’aura lieu qu’à condition de pouvoir discriminer entre secteurs propres et polluants, et ne sera possible que grâce à une stratégie d’investissements publics, visant une véritable transition écologique.

    Les approches technocratiques tentant de faire coexister préservation de la planète et intérêts du marché ne mènent nulle part. Seule une véritable rupture démocratique permettra l’avènement de la transition écologique et la sortie du jeu à somme nulle qui découle des logiques d’entreprise.

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      Semences de betteraves enrobées d’un néonicotinoïde : retour sur deux scandales

      André Heitz · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 03:50 · 10 minutes

    Dans « Fesneau favorable à une nouvelle dérogation pour les néonicotinoïdes », la France Agricole (accès libre) rapporte que le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a déclaré le 8 décembre 2022, dans une vidéo diffusée lors de l’assemblée générale de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves (CGB) :

    « Une troisième [dérogation] est à venir, en tout cas je l’espère, et je pense qu’elle sera utile pour pouvoir déroger ( sic ) et lutter efficacement contre la jaunisse en attente de solutions alternatives »

    Une annonce qui ne mange pas de pain

    Il n’y a là rien de bien époustouflant. Du reste, on peut interpréter cela comme un vœu pieux du successeur de l’énergique Julien Denormandie.

    C’est la mise en œuvre – espérée – de l’ article L253-8 , deuxième alinéa du II, du Code rural et de la pêche maritime – qui permet des dérogations sous certaines conditions jusqu’au 1er juillet 2023 –, combiné à l’ article L253-8-3 – qui limite ces dérogations aux semences de betteraves sucrières. Admirez aux passage la fantastique technique rédactionnelle … deux articles alors qu’il suffisait d’ajouter trois mots à l’un.

    Il s’agit d’une dérogation de 120 jours, conforme au droit européen ( article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 ). Elle permet de produire et d’utiliser sous certaines conditions des semences de betteraves sucrières enrobées d’imidaclopride ou de thiaméthoxame afin de lutter contre les pucerons vecteurs de viroses (des jaunisses) qui peuvent être très impactantes sur le rendement et la rentabilité des cultures (voir ici la dérogation de 2021 ). En 2020, la jaunisse avait entraîné la destruction de 30 % de la récolte de betteraves sucrières, 60 % localement, et 280 millions d’euros de pertes .

    En l’état actuel des choses, cette dérogation est indispensable à moins de tuer la filière sucrière avec toutes ses industries connectées et d’importer sucre, éthanol et autres produits dérivés. Bien sûr on peut contester en arguant d’un hiver suffisamment froid pour éliminer les réservoirs de pucerons… et mettre le risque de se planter à la charge des producteurs.

    Premières protestations

    Et pourtant… On peut s’attendre à des remous politiques et médiatiques…

    Voilà déjà l’ancienne ministre de la Transition écologique et maintenant députée Renaissance, Barbara Pompili, monter au créneau pour défendre ce qu’elle avait obtenu de haute lutte – après avoir dû manger son chapeau et renoncer à une interdiction absolue : la limitation dans le temps de la faculté d’accorder des dérogations à 2023. « Hâte de lire ce rapport », écrit-elle ? Elle y apprendra sans doute que les « alternatives » n’apparaissent pas à la suite d’un claquement de doigts. Et sauf miracle cela ne changera pas son positionnement.

    Voilà déjà un conseiller municipal de Villiers/Marne, sans doute spécialiste de la betterave et de ses ennemis (ironie) mais « fervent défenseur de la cause environnementale », qui insulte la filière betteravière et ses acteurs…

    Voilà déjà une entité incorporée sous forme d’association, en relations mutuellement profitables avec le biobusiness, qui, sans connaître l’état actuel du dossier, annonce déjà une position dogmatique…

    Voilà déjà une journaliste…

    La « science » militante… et complotiste

    En fait, elle fait bien de nous rappeler que « Ces pesticides sont une arme de destruction massive des abeilles ».

    Mais c’est là un article de foi de la mouvance antipesticides et un puissant élément de langage d’une profession apicole qui, notamment en France, a « chargé » les néonicotinoïdes pour des « crimes » – la mortalité ou l’effondrement des colonies d’abeilles – qu’ils n’ont pas commis.

    L’interdiction de trois néonicotinoïdes dans l’Union européenne pour toutes les espèces cultivées et tous les usages sauf en milieu confiné (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame), suivie du non-renouvellement de l’autorisation d’un quatrième (le thiaclopride), a une longue histoire.

    L’une des étapes clés a été ce qu’il faut bien appeler un complot ourdi par des scientifiques. Nous l’avons décrit plus en détail dans « La condamnation d’abord ! La motivation ensuite !… Malice au Pays des Abeilles » sur le blog Imposteurs .

    Ce complot est parfaitement et irréfutablement documenté par les conspirateurs eux-mêmes dans le compte rendu d’un « atelier de travail » tenu à Orsay, à l’Université de Paris-Sud, du 28 au 30 juin 2010, et dans son annexe.

    Voici un extrait qui démontre que l’on a planifié une « science » militante au service d’une cause :

    « Il a été convenu que, sur la base des résultats de la réunion de Paris, les quatre études ( research papers ) clés seront publiées dans des revues à comité de lecture. Sur la base de ces documents, une étude sera soumise à Science (premier choix) ou Nature (deuxième choix) ; elle présentera de nouvelles analyses et conclusions dans toutes les disciplines scientifiques pour démontrer de façon aussi convaincante que possible l’impact des néonicotionoides sur les insectes, les oiseaux, les autres espèces, les fonctions des écosystèmes, et les moyens de subsistance de l’Homme. Ce papier à fort impact aura un premier auteur soigneusement choisi, un noyau d’auteurs composé de sept personnes ou moins (y compris les auteurs des quatre premiers documents), et un ensemble d’auteurs plus large pour obtenir une couverture globale et interdisciplinaire. Une quantité importante de preuves à l’appui figureront en ligne dans la partie « Supporting Online Material « . Un papier parallèle, « frère » (ce serait un document plus court de forum des politiques) pourrait être soumis simultanément à S cience pour attirer l’attention sur les implications politiques de l’autre papier et appeler à un moratoire sur l’utilisation et la vente de pesticides néonicotinoïdes. Nous essaieront de rassembler quelques grands noms du monde scientifique comme auteurs de ce document. Si nous réussissons à faire publier ces deux documents, il y aura un impact énorme, et une campagne menée par le WWF, etc. pourra être lancée immédiatement. Il sera beaucoup plus difficile pour les politiciens d’ignorer un document de recherche et un document de forum des politiques publiés dans S cience . La chose la plus urgente est d’obtenir le changement de politique nécessaire et de faire interdire ces pesticides, pas de lancer une campagne. Une base scientifique plus solide devrait se traduire par une campagne plus courte. En tout cas, cela va prendre du temps, car l’industrie chimique va jeter des millions dans un exercice de lobbying. »

    Des États membres cyniques

    L’histoire est aussi une saga sur le plan européen. On a agité tous les épouvantails possibles et imaginables. Le gouvernement français – phare de l’Union européenne, n’est-il pas ? – y a joué un rôle important.

    On a aussi pu exploiter les incertitudes et la prudence des évaluations de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA). Des affirmations telles que : « un risque pour les abeilles a été signalé ou n’a pas pu être exclu » sont en effet propices à une application – en principe prudente, en réalité démagogique – du principe de précaution .

    Mais la décision d’interdire des néonicotinoïdes a aussi pu se prendre grâce aux dérogations permettant de répondre aux « situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire ». Selon le principe « fermer la porte, mais ouvrir la fenêtre ».

    C’est là un autre scandale. En cédant à la paresse, les instances de décision ont accrédité la thèse des « néonicotinoïdes tueurs d’abeilles » et permis aux prêcheurs d’apocalypse de cibler un nouveau totem à abattre (le sulfoxaflor en France).

    En 2020 et 2021, onze États membres (Allemagne, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) avaient accordé 17 autorisations d’urgence essentiellement pour la betterave sucrière.

    Pressée par l’activisme antipesticides et sans doute animée par sa propre aversion aux produits phytosanitaires, la Commission européenne a demandé l’avis de l’EFSA sur la pertinence des dérogations. Conclusion générale publiée le 18 novembre 2021 (voir ici pour la dérogation française) :

    « Dans les 17 cas, l’EFSA a conclu que les autorisations d’urgence étaient justifiées, soit parce qu’aucune méthode ou produit alternatif – chimique ou non chimique – n’était disponible, soit parce qu’il existait un risque que l’organisme nuisible développe une résistance aux produits alternatifs disponibles. »

    Les bénéfices l’emportent sur les risques

    Les néonicotinoïdes ont été utilisés pendant longtemps dans l’Union européenne pour une large gamme d’espèces cultivées et d’insectes cibles. Ils le sont toujours dans d’autres parties du monde. Y sacrifie-t-on la faune non cible et plus particulièrement les abeilles et les autres pollinisateurs ? Bien sûr que non ! Voir ici pour le Canada.

    L’enrobage des semences de betteraves – des plantes non visitées par les abeilles car ne fleurissant pas en culture pour la production de sucre et de toute façon non mellifères – est une des utilisations les plus vertueuses.

    En témoigne par exemple le fait que les apiculteurs canadiens de l’Alberta se sont opposés à plusieurs reprises à l’interdiction des néonicotinoïdes : ils n’ont aucun souci à installer leurs ruches à proximité des champs de canola (colza) issu de semences enrobées.

    En résumé, selon le Dr Sarah Wood , professeur agrégé de pathologie vétérinaire au Western College of Veterinary Medicine de l’Université de la Saskatchewan :

    « Nous savons que plus de 95 % de notre canola est cultivé à partir de semences traitées avec un néonicotinoïde, nous savons donc que les abeilles domestiques sont exposées à de très faibles niveaux de ces insecticides lorsqu’elles pollinisent le canola.

    Dans le même temps, nous savons également que les abeilles mellifères se portent très bien sur le canola, qu’elles sont productives et qu’elles produisent beaucoup d’excellent miel de canola. »

    Les néonicotinoïdes sont bien sûr dangereux pour les abeilles. Mais ils peuvent être utilisés selon des préconisations qui éliminent les risques ou les réduisent à un niveau acceptable.

    L’enrobage des semences de betteraves fait partie des utilisations les plus vertueuses, produit des bénéfices importants et du point de vue de la protection de la faune est plus favorable que les alternatives, c’est-à-dire les traitements insecticides aériens.

    Mais gageons que cela n’empêchera pas l’activisme de remettre une pièce dans le bastringue et de faire jouer la même scie. Les faits ne sauraient faire obstacle à l’idéologie.

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      La ligne SNCF Paris-Limoges et la limite d’une éthique militante du changement

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 11 December, 2022 - 03:40 · 7 minutes

    Les grands défis de transformation du monde continuent de poser la question de savoir comment ils peuvent être relevés.

    Ceux qui ont principalement voix au chapitre de nos jours sont les militants qui nous interpellent sur les enjeux et qui influencent la prise de décisions importantes. Pourtant le militantisme, parce qu’il est principalement incantatoire et peu soucieux des conséquences de ces décisions, se révèle le plus souvent contre-productif.

    C’est ce qu’illustre les déboires de la ligne de train Paris-Limoges.

    La lettre est cinglante. Elle est signée par Benoît Coquart, PDG de Legrand, géant mondial de l’équipement électrique et elle est adressée à la direction de la SNCF. Dans celle-ci, M. Coquart fait part très directement de sa surprise et de son exaspération face aux changements intervenus sur la ligne entre Paris et Limoges, où l’entreprise est basée, sans aucune concertation, qui s’ajoutent aux dysfonctionnements et retards fréquents. Il s’interroge ouvertement sur la possibilité pour son entreprise de rester à Limoges. L’enjeu est de taille : avec Michelin , elle est en effet l’une des rares entreprises du CAC40 à être basée en province.

    Cette lettre est importante et pas seulement parce que Legrand est une entreprise d’habitude connue pour sa discrétion mais parce qu’elle met en lumière les limites d’un discours politique militant dominant ces dernières années.

    Le naufrage des transports en commun, désastre écologique

    C’est avéré, le système de transport en commun en France se dégrade à tous les étages.

    Dans sa lettre, le PDG de Legrand évoque les nombreux dysfonctionnements de la ligne Paris-Limoges (trains annulés, retards, modifications d’horaires sans concertation). Chacun d’entre nous peut évoquer les mêmes problèmes sur sa ligne de choix.

    À l’heure où j’écris ces lignes, la circulation est suspendue pour deux heures sur la ligne R (Paris-Montargis) suite à une panne de train. Sur cette ligne, comme sur tant d’autres, les problèmes sont récurrents . On le sait, le coût induit est considérable : outre le stress pour les voyageurs, ceux-ci sont de plus en plus amenés à partir plus tôt et donc à perdre du temps pour se prémunir contre un retard ou une annulation.

    Les problèmes des lignes de RER et de celles du métro parisien sont connus et font régulièrement la Une des journaux. Les voyageurs sont exaspérés. On n’ose même pas évoquer ceux des lignes de bus, englués dans l’immobilisme du trafic parisien qui ne doit rien aux voitures et tout aux choix municipaux.

    Et le problème n’est pas limité à Paris.

    Je fais partie de ceux qui essaient le plus possible de prendre les transports en commun. La semaine dernière en arrivant à Lyon, je voulais prendre le bus C6 qui relie la gare de Part-Dieu au campus de l’emlyon. Mon train arrive à 9 h 55 et l’application m’indique que le prochain bus est à 10 h 02.

    Parfait me dis-je ! Sauf qu’arrivé à l’arrêt, le système d’information m’indique qu’en fait le prochain bus sera à 10 h 20. L’application donne donc des informations incorrectes. Mais surtout, j’ai déjà 20 minutes de retard. Puis arrive 10 h 20 et toujours pas de bus. Le système indique « à l’approche » pendant dix bonnes minutes. Le bus arrivera finalement à 10 h 29. Alors que j’avais pris de la marge, j’arriverai donc à mon rendez-vous avec seulement une petite minute d’avance ; pas le temps de préparer. La prochaine fois ? Je prendrai un taxi bien sûr.

    Autour de moi, de telles anecdotes se multiplient. Chacun en a vécu. On pourrait en écrire des pages et des pages.

    Quand on se paie de mots

    Comment expliquer cette incurie généralisée alors qu’on sait qu’il n’y aura pas de « transition écologique » sans un réseau de transport en commun efficace ?

    C’est que nous vivons dans un monde où les paroles comptent davantage que les actes . On se paie de mots, on multiplie les slogans et les mesures symboliques, on interdit plus qu’on ne construit ou qu’on ne répare. Pourquoi ? Parce que c’est facile et que ça rapporte davantage en termes de prestige social.

    Le sociologue américain Saul Alinsky, très engagé dans la lutte pour les droits civiques à partir des années 1930, estimait il y a cinquante ans que le premier devoir de celui qui veut vraiment changer le monde est d’accepter la réalité aussi déplaisante soit-elle.

    Il écrivait :

    « En tant qu’organisateur, je pars de là où le monde est, tel qu’il est, et non tel que je le voudrais. Que nous acceptions le monde tel qu’il est n’affaiblit en rien notre désir de le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être — il est nécessaire de commencer là où le monde est si nous voulons le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être. Cela signifie travailler dans le système. »

    De façon très intéressante, on retrouve cette idée de plonger dans le réel dans la posture entrepreneuriale de l’effectuation, décrite par la chercheuse Saras Sarasvathy .

    À trente ans d’écart, le sociologue de gauche et l’entrepreneuse capitaliste disent la même chose : si vous voulez changer le monde, plongez dans la réalité, ne vous payez pas de mots et ne faites de leçon de morale à personne.

    Alinsky distinguait ainsi deux types d’activistes : ceux qui veulent se donner bonne conscience (en gros, les militants) et ceux qui veulent vraiment changer le monde (en gros, les politiques).

    On retrouve cette distinction faite il y a un siècle déjà par un autre sociologue, Max Weber , qui distinguait entre deux éthiques : l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité.

    Dans Le savant et le politique , il écrivait ainsi :

    « Il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » -, et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. »

    Or, depuis quelques années, le politique est devenu un militant.

    Les décisions se succèdent qui ignorent volontairement les conséquences de ses décisions. On ferme les centrales nucléaires au nom de l’écologie en ignorant, ou feignant d’ignorer que pour l’instant rien ne peut les remplacer, sauf peut-être du charbon qui est une catastrophe écologique . La pureté évangélique est fièrement affichée, cela semble suffire au militant, et les conséquences sont catastrophiques, ce dont il se fiche. La catastrophe énergétique que nous vivons actuellement devrait constituer une leçon de chose, au sens du principe éducatif consistant à partir d’un objet concret pour faire acquérir à l’élève une idée abstraite.

    Or le politique-militant fait tout le contraire : il part d’une idée abstraite et veut plier le réel à sa volonté.

    Il ne s’agit pas de dire que la solution aux dysfonctionnements du réseau de transport en commun est simple. C’est même tout le contraire. Aux slogans simplistes, il faut substituer un véritable investissement dans la complexité de la situation. Mais ça nécessite du travail. Ce n’est pas vendeur sur BFM. Ce n’est pas glamour et ça n’augmente pas votre compte de vertu. La transformation du monde est un travail de longue haleine sur la réalité du terrain, pas un exercice de comm.

    Nécessité de deux renversements importants

    Les errements récents illustrés par la lettre de Legrand appellent à deux renversements importants.

    Le premier, inspiré de Max Weber, est que le politique doit revenir à une éthique de responsabilité, ne prenant pas de décision sans que les conséquences de celle-ci soient étudiées avec soin.

    Le second, inspiré de Saul Alinsky et de la posture entrepreneuriale, est d’abandonner une posture idéaliste incantatoire pour un investissement sincère et concret dans la réalité complexe du monde.

    Sans ces deux renversements, les catastrophes se succéderont et les conséquences, notamment sociales et politiques, seront considérables.

    Sur le web

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      Qu’a dit Macron sur le nucléaire depuis 4 ans ?

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 2 November, 2022 - 04:15 · 18 minutes

    En 2018, le président Macron affirmait vouloir fermer 14 réacteurs nucléaires avant 2035.

    En 2022, après avoir arrêté le projet de réacteur de quatrième génération Astrid en 2019 et fermé les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim début 2020, il déclare à présent vouloir maintenant prolonger tous les réacteurs existants, en construire 6 nouveaux, et lancer les études sur 8 autres (soit 14 en tout).

    Le président dit-il tout et son contraire, navigue-t-il à vue, ou bien est-ce de la « haute politique » trop subtile pour le citoyen ?

    Extraits des cinq principaux discours du président Macron abordant le nucléaire

    1. Le 27 novembre 2018 à l’Elysée : présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie ( PPE , 14 pages)
    2. Le 8 décembre 2020 au Creusot : l’avenir du nucléaire (5 pages).
    3. Le 12 octobre 2021 à l’Élysée : présentation du plan France 2030 (23 pages).
    4. Le 10 février 2022 à Belfort : reprendre en main notre destin énergétique (10 pages).
    5. Le 22 septembre 2022 à Saint-Nazaire : inauguration d’éoliennes en mer (8 pages).

    Une synthèse plus complète des trois discours prononcés entre le 8 décembre 2020 et 10 février 2022 a été publiée sur Contrepoints le 20 février 2022.

    Quelques commentaires ont été insérés (entre parenthèses, en italique, et en gras) pour les distinguer des extraits des discours entre guillemets repris mot pour mot et sans modifier la syntaxe parfois étonnante.

    Quelques passages importants des discours du président Macron sont soulignés pour mieux comprendre les zig-zag dans le domaine nucléaire.

    La stratégie et la méthode pour la transition écologique

    Elysée, le 27 novembre 2018

    « Pour continuer à nous déplacer, à nous chauffer, à produire et à consommer dans de bonnes conditions, encore faut-il être capable de produire des énergies de substitution au pétrole, au charbon et au gaz. Et c’est cela l’objectif de cette programmation.

    L’électricité va prendre une place de plus en plus grande à mesure que nous allons cesser d’utiliser du pétrole, du charbon ou du gaz naturel. On aura besoin de plus en plus de production d’électricité.

    La montée en puissance des énergies renouvelables en France est inéluctable et est au cœur des engagements du gouvernement. Elle n’est en aucun cas liée au rythme de fermeture des centrales nucléaires dans les prochaines années. Et cessons de dire qu’il faut forcer la fermeture rapide de réacteurs nucléaires pour que les énergies renouvelables trouvent leur place, ce n’est pas vrai et ça n’est pas le cas.

    Le nucléaire nous permet aujourd’hui de bénéficier d’une énergie décarbonée et à bas coût. C’est une réalité. C’est d’ailleurs pour cela que nous allons engager un travail sur une nouvelle régulation du parc nucléaire existant. Car le dispositif actuel, qui permet aux Français d’avoir les prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe, s’arrête en 2025. Il est pourtant indispensable que les Français puissent en bénéficier au-delà, tant que les réacteurs nucléaires sont toujours en activité.

    Je n’ai pas été élu pour ma part sur un programme de sortie du nucléaire, mais sur une réduction à 50% de la part du nucléaire dans notre mix électrique. Et je tiendrai cet engagement mais en repoussant l’échéance à 2035.

    Concrètement, 14 réacteurs de 900 mégawatts seront arrêtés d’ici à 2035. Ce mouvement commencera avant l’été 2020, avec l’arrêt définitif des 2 réacteurs de Fessenheim. Restera alors à organiser la fermeture de 12 réacteurs entre 2025 et 2035. 4 à 6 réacteurs d’ici 2030, le reste entre 2030 et 2035. Et le rythme variera en fonction de l’évolution du mix énergétique dans notre propre pays et chez nos voisins européens.

    Ce scénario sera d’autant plus ambitieux que nous arriverons à faire des innovations sur le stockage d’énergie renouvelable.

    Aujourd’hui il est faux de dire qu’on peut remplacer une capacité de production d’énergie nucléaire par une capacité de production de renouvelable ; la seconde est intermittente. Par contre si nous arrivons à innover suffisamment vite, au niveau français européen et avoir des vraies technologies de stockage, nous pourrons à ce moment-là substituer beaucoup plus vite l’une par l’autre.

    Si nous avons une intégration européenne plus forte, nous pouvons modifier là aussi cette trajectoire. La cohérence d’une stratégie européenne de transition, ce serait que tous les pays qui ont encore de nombreuses centrales à charbon les ferment ».

    (Comme l’Allemagne par exemple ?)

    « Et puis qu’ensuite on ferme plus rapidement le gaz et que tout le monde converge d’abord vers le nucléaire, puis vers le renouvelable.

    Cette stratégie dépend donc de rendez-vous sur le plan technologique, d’innovations, et de notre capacité à avoir une vraie stratégie européenne intégrée. C’est pourquoi aujourd’hui c’est un scénario de référence et la crédibilité d’ une ambition que nous devons apporter mais avec des clauses de rendez-vous réguliers pour pouvoir ajuster cette trajectoire aux réalités de notre environnement, c’est-à-dire du choix des autres pays et des innovations technologiques ».

    (Sages précautions oratoires qui permettent en 2022 de renoncer sans rougir à la décision de fermeture des 14 réacteurs nucléaires annoncés… puisque ces conditions ne sont pas au rendez-vous ! Le stockage massif d’électricité est toujours inexistant, le vent et le soleil sont toujours aussi aléatoires, et l’intégration européenne de l’électricité toujours aussi problématique avec les prix de l’électricité qui explosent).

    « C’est donc une approche pragmatique et adaptative que nous avons décidée d’adopter. Nous devons aussi prendre en compte les éléments de sécurité de nos approvisionnements. Je ne veux pas que nous nous précipitions à fermer des centrales, si c’est pour réimporter de l’énergie produite d’ailleurs, moins bien que chez nous aujourd’hui, et dépendre d’autres économies.

    Je ne veux pas que nous soyons dans une situation où parce que nous irions plus vite sur le nucléaire, nous soyons amenés à fermer plus lentement les centrales à charbon, ce qui serait ridicule en termes d’émissions ou à devoir augmenter massivement dans les années à venir le coût de l’électricité, ce qui pèserait sur les ménages comme sur nos entreprises.

    Je fixe d’emblée à EDF une règle : aucune fermeture complète des sites. Réduire la part du nucléaire, ce n’est pas pour autant renoncer au nucléaire. En l’état actuel des solutions disponibles, le nucléaire reste une piste prometteuse pour continuer à pouvoir compter sur une énergie fiable, décarbonée et à bas coût.

    L’EPR, en particulier, doit faire partie du bouquet d’options technologiques pour demain.

    Et si nous ne prenons aujourd’hui aucune décision quant à la construction de nouveaux réacteurs, parce que nous n’avons pas de besoin immédiat et parce que nous n’avons pas le recul nécessaire, en particulier sur la centrale de Flamanville, nous devons tirer profit des quelques années devant nous, pour avancer.

    Je demande donc à EDF de travailler à l’élaboration d’un programme de nouveau nucléaire, en prenant des engagements fermes sur le prix pour qu’il soit plus compétitif. Tout doit être prêt en 2021, pour que le choix qui sera proposé aux Français puisse être un choix transparent et éclairé.

    À un moment, il faut faire des choix et on ne pourra pas promettre ou s’engager sur tout et son contraire, mais il faut pouvoir traiter ce sujet ».

    (Et pourtant, tout et son contraire a été dit dans les énergies, et pas uniquement par le président Macron, ce qui a conduit à tergiverser et à ne pas engager les investissements nécessaires depuis 20 ans).

    L’avenir du nucléaire

    Le Creusot le 8 décembre 2020

    « Cet avenir de la filière nucléaire, il repose pour moi sur, au fond, trois lignes de force, trois convictions.

    La première, c’est que notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire.

    Oui, l’énergie nucléaire, quand il s’agit de produire de l’électricité non-intermittente tout en respectant et en protégeant le climat, est pertinente, pourvu que l’on progresse sur la gestion des déchets, sur la sûreté.

    L’énergie nucléaire est une énergie décarbonée, une énergie sûre.

    La deuxième conviction, la deuxième ligne de force c’est que notre avenir économique et industriel passe également par le nucléaire.

    Quand je dis que le nucléaire fait aussi partie de notre ambition économique et écologique, je veux ici souligner combien la filière nucléaire est essentielle au développement de l’ambition en matière d’hydrogène qui est portée par le Gouvernement.

    Le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique.

    Le Charles de Gaulle arrivera à la fin de sa vie en 2038. C’est pourquoi j’ai décidé que le futur porte-avions qui dotera notre pays et notre marine sera, comme le Charles de Gaulle à propulsion nucléaire.

    Par ces choix, nous confirmons la volonté de la France de préserver son autonomie stratégique, sa conviction profonde qu’on peut continuer à investir dans l’industrie en ayant une ambition écologique forte et continuer de conjuguer notre ambition industrielle civile comme notre nucléaire militaire.

    Enfin, les investissements de France Relance permettront également le projet de SMR français ».

    Présentation du Plan France 2030

    Élysée le 12 octobre 2021

    « Le premier objectif, c’est faire émerger en France, d’ici à 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des déchets ».

    Reprendre en main notre destin énergétique

    Belfort le 10 février 2022

    « Il est des choix qui engagent la nation sur le temps long, plusieurs décennies, parfois un siècle et les choix qui concernent l’énergie, l’investissement dans les infrastructures énergétiques qui permettent à nos compatriotes de vivre, se chauffer, se déplacer, produire sont de cela.

    Il n’y a pas de production industrielle stable s’il n’y a pas une énergie stable aux prix les plus compétitifs. Il n’y a pas de transition énergétique et climatique s’il n’y a pas une décarbonation de l’énergie produite, en particulier notre électricité.

    Et il est difficile de préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises quand on ne maîtrise plus cela. Nous voyons la fragilité de modèles économiques lorsque l’on est dépendant des autres pour produire son énergie.

    Mais si l’on veut prévenir ces chocs conjoncturels, alors il nous faut bâtir une stratégie au long cours, moins dépendante des cours mondiaux.

    Et si nous voulons enfin maîtriser la facture d’énergie des Français, nous avons l’obligation d’engager sans attendre des chantiers structurants et historiques pour préparer l’avenir.

    Nous devrons être en mesure de produire jusqu’à 60 % d’électricité en plus qu’aujourd’hui ».

    (Ce qui signifie produire 750 TWh puisque la France a produit 468 TWh en 2021 ).

    « Et la clé pour produire cette électricité de manière la plus décarbonée, la plus sûre, la plus souveraine est justement d’avoir une stratégie plurielle, celle que nous avons choisi sur la base de ces travaux et de développer tout à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire.

    Nous n’avons d’autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers. C’est le choix le plus pertinent d’un point de vue écologique et le plus opportun d’un point de vue économique et enfin le moins coûteux d’un point de vue financier ».

    (C’est faux ! Parmi ces deux piliers, l’un est véreux : il est aléatoire et intermittent ce qui le rend cher car il faut des moyens supplémentaires de soutien tels que stockage, centrales au gaz… Il ne peut ni répondre seul au besoin, ni être complémentaire des autres productions. L’éolien et le solaire nécessitent un coûteux renforcement du réseau d’électricité et de ruineux stockages d’électricité encore inexistants. Et le programme nucléaire prévu, bien que salutaire, sera insuffisant pour assurer la production nationale les nuits sans vents en 2050).

    « Pour augmenter la production électrique nationale d’ici 2050, il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France.

    Ce que nous avons à bâtir aujourd’hui, parce que c’est le bon moment, parce que c’est ce qu’il faut pour notre nation et parce que les conditions sont maintenant réunies, c’est la renaissance du nucléaire français.

    J’ai pris deux décisions fortes.

    La première est de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté.

    La seconde décision : nous allons lancer dès aujourd’hui un programme de nouveaux réacteurs nucléaires.

    Je souhaite que six EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels. Nous avancerons ainsi par palier ».

    (Ce louable effort tardif qui aurait dû débuter 10 ans plus tôt ne suffira pas à assurer l’avenir de la production française d’électricité en 2050 comme indiqué précédemment, car il manquera plusieurs dizaines de GW de puissance pour répondre au besoin de 750 TWh annoncés par le Président lui-même).

    « À côté de ces EPR, un appel à projets sera soutenu à hauteur d’un milliard d’euros par France 2030 et sera lancé pour faire émerger des petits réacteurs modulaires (les fameux SMR) mais aussi des réacteurs innovants permettant de fermer le cycle du combustible et de produire moins de déchets. Pour 500 millions d’euros, ce seront des projets portés par EDF NUWARD, et il y aura aussi 500 millions d’euros pour des projets ouverts sur les réacteurs innovants que j’évoquais à l’instant.

    Je suis convaincu que la France a les moyens de porter une telle révolution dans le nucléaire, avec des réacteurs en rupture. Je fixe un objectif ambitieux mais à la mesure de l’intensité de la compétition dans le secteur : construire en France un premier prototype d’ici 2030.

    Ce nouveau programme pourrait conduire à la mise en service de 25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050.

    Au sein de l’État, une direction de programme interministérielle dédiée au nouveau nucléaire sera créée pour en assurer le pilotage, coordonner les procédures administratives, s’assurer du respect des coûts et des délais des chantiers.

    EDF construira et exploitera les nouveaux EPR.

    La France fait le choix de l’industrie et de l’emploi : car nous parlons là, uniquement au sujet de l’EPR2, de 220 000 emplois préservés, poursuivis, renouvelés et de plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés. La France fait le choix aussi du pouvoir d’achat mais avec une vraie stratégie, car à terme, le nucléaire et les énergies renouvelables fourniront une énergie moins chère et à l’abri des turbulences des marchés.

    La France, Mesdames et Messieurs, fait le choix résolu de son indépendance et de sa liberté ».

    Inauguration des éoliennes en mer

    St Nazaire le 22 septembre 22

    « La France a toutes les raisons d’être confiante dans l’avenir, parce que nous avons des forces historiques : la place de notre nucléaire […].

    Le premier objectif, c’est la souveraineté, moins dépendre. Et donc toute l’énergie qu’on produit sur notre sol est bonne. Il se trouve que nous n’avons pas d’hydrocarbures fossiles et donc ce qu’on produit sur le sol, c’est le nucléaire, le renouvelable et l’énergie qu’on ne consomme pas.

    On va faire 40 % de gains et d’économies d’énergie, mais à côté de cela, nous allons massivement accroître nos besoins d’électricité parce qu’on va faire ces économies d’énergie sur les énergies fossiles, sur les comportements qu’on ne veut plus voir. Mais pour ce faire, on va avoir besoin d’ici à 2050, d’environ 40 % de plus d’électricité ».

    (C’était 60 % dans le discours de Belfort le 10 février 2022)

    « Cela veut dire que même si on fait cette sobriété, ce n’est pas une alternative, parce qu’on va passer au véhicule électrique, parce qu’on va penser au transport urbain électrique, parce qu’on va avoir une stratégie hydrogène qui, je le rappelle, n’est qu’un moyen de transport de l’énergie. Donc il faut faire l’électrolyse, c’est l’électricité. Il faut produire plus d’électricité sur notre sol. C’est les deux autres piliers de la stratégie.

    En produire plus de manière non alternative, c’est le nucléaire. Nous avons une force historique engagée. Là aussi, il ne faut pas regarder sur le court terme. C’est une aventure industrielle de la France qui commence après-guerre. On a des difficultés conjoncturelles, c’est vrai.

    Certains pays ont totalement arrêté le nucléaire. Nous, on a fait le choix de ne jamais l’arrêter. On a fait le choix de réduire la dépendance dans les lois qui ont été passées en 2012-2015. Puis on a décalé cet objectif dès 2018 et on a conforté cette stratégie à partir de 2021-2022.

    Mais nous avons donc la capacité, à aller maintenant vers un plan massif d’investissement : aucune fermeture de réacteurs , sauf raisons de sûreté, lancement d’un programme inédit de construction de 6 puis 8 tranches, nationalisation d’EDF ».

    (Serait-il inconvenant de rappeler que le président a laissé fermer les deux réacteurs de Fessenheim en parfait état de fonctionnement en 2020 ?).

    « C’est un déploiement, à marche forcée, d’une stratégie nucléaire qui doit nous permettre de planifier sur les territoires, en fonction des concertations parce que tout ça suppose de l’acceptabilité, de planifier l’innovation technologique parce qu’on sait qu’on a le modèle standard EPR qu’on est enfin en train d’industrialiser. On a aussi les modèles SMR qu’on veut pouvoir déployer en parallèle de cette stratégie. Et puis surtout, un immense plan de recrutement, de formation, d’entretien des compétences.

    La réalité, c’est que l’erreur pendant des années, on n’a pas réinvesti sur les compétences de la filière et on a arrêté de produire ».

    (Malgré les alertes de l’OPECST et du Parlement publiées depuis 30 ans. Les rapports de l’OPECST de 1991 , de 1998 , de 2011 , jusqu’à juillet 2021 alertaient le gouvernement (sourd et aveugle ?) sur la nécessité d’anticiper le renouvellement du parc nucléaire français, pour ne pas subir « l’effet falaise ». Ils mettaient en garde aussi contre les conséquences industrielles d’une interruption prolongée de la construction de réacteurs nucléaires et l’absence de visibilité sur la politique énergétique du pays)

    « Quand on a voulu repartir, on avait des trous de compétences dans la filière ».

    (C’est pour cette raison qu’il faut avoir une vision lointaine et anticiper pour éviter d’en arriver là !)

    « La production d’électricité, ça fonctionne et c’est accepté quand il y a un partage de la valeur. On l’évoquait tout à l’heure en parlant des communes qui abritent des activités nucléaires. Soyons simples, il y a un vrai retour pour ces communes qui a aidé à l’acceptabilité.

    Voilà en quelques mots comment on va accélérer les choses : planification, la loi qui va sanctuariser les choses et permettre de raccourcir des délais.

    C’est la même approche qu’on va adopter ensuite dans la foulée sur le nucléaire où notre volonté de pouvoir accélérer et simplifier ces projets en permettant plus de procédures uniques, en allant beaucoup plus vite. J’ai annoncé une première tranche en 2035 pour le nucléaire. Ce que je souhaite, c’est qu’on aille beaucoup plus vite. Et je pense que là aussi, on peut aller beaucoup plus vite si on simplifie les choses. On sera dans la même logique sur le nucléaire, avec un texte de loi qui nous permettra d’avancer, d’adapter les procédures existantes en matière d’urbanisme pour favoriser le développement des premiers sites identifiés, et surtout en lançant dès maintenant aussi le programme pour ne pas perdre de temps et avoir une vraie planification. D’un mot, je terminerais en disant que tout ça n’a de sens que si ça s’inscrit dans des logiques de filières.

    Ce que je veux ici faire passer comme message, c’est qu’au cœur justement de cette stratégie nationale bas-carbone et de l’APE, il y aura le déploiement de ces filières qui sont vraiment des filières industrielles qui vont permettre de créer de l’emploi.

    Nous avons une stratégie, nous avons des capacités, nous avons des atouts. Il faut juste se mettre en capacité collective de coopérer, d’avoir ce cap, de savoir le décliner et de le mettre en œuvre avec méthode et ambition ».

    (Avec cette volonté et cette nouvelle stratégie, souhaitons à la France de réussir à redresser la barre).

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      ZFE : des sanctions automatiques et un objectif crapuleux

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 1 November, 2022 - 08:30 · 6 minutes

    Comme je le mentionnais dans un précédent billet écrit il y a seulement quelques mois, tout se met en place pour (enfin !) ostraciser un peu plus les pauvres hors des villes.

    Oui, vous avez bien lu : avec l’implantation de ces Zones à Faibles Émissions , les voitures dites polluantes seront interdites ♩ ce qui garantira ♪ enfin des villes propres ♫ à l’atmosphère respirable ♬ puisque c’est, du reste, le but affiché très officiellement.

    Bien évidemment, par faible émission, on n’entend pas faible émission d’âneries ce qui garantirait la disparition d’un paquet d’écologistes boboïdes de ces mêmes centres-villes, mais bien faible émission de dioxyde de carbone qui, comme chacun le sait , est un abominable polluant sans lequel le climat serait hypothétiquement plus froid et la Terre certainement sans vie.

    Et pour s’assurer que ces zones seront bien respectées, on apprend – par le truchement d’un de ces comités ministériels froufroutant – la mise en place d’un système de contrôle sanction automatisé contre les véhicules ne répondant pas aux normes ubuesques des agglomérations concernées par le dispositif, d’ici au second semestre 2024.

    Autrement dit, si votre véhicule n’a pas sa petite vignette truc-bidule et son petit contrôle machin-chouette à jour, si son constructeur ne peut pas garantir que son moteur n’est pas finement syntonisé avec Gaïa pour une parfaite harmonie de déplacement éco-conscient, alors vous allez vous prendre prune sur prune – ce qui, à 750 euros pièce, risque de vite calmer les ardeurs des artisans, professions libérales, livreurs et autres taxis un peu foufous qui se risqueraient encore à venir travailler dans ces Zones devenues de Faible Intérêt Économique.

    Bien évidemment, pour « accompagner » cette pluie drue de coups de massue écolo-punitifs, le gouvernement fait mine d’aider les particuliers à transitionner , ce nouveau mot à la mode qui permet indistinctement de changer d’opinion politique, de sexe ou maintenant de moteur de voiture : des aides de plusieurs milliers d’euros d’argent gratuit en provenance directe de la poche des autres sont donc prévues pour aider à l’acquisition rapide de voitures électriques afin d’inciter même les gueux pauvres à se tourner vers ces engins.

    Tout ceci se déroule gentiment alors que le pays, on le rappelle, est actuellement au milieu d’une crise énergétique notable dans laquelle tout semble avoir été fait pour que nos centrales nucléaires ne soient pas remises rapidement en fonction. Nous comptons actuellement un nombre record de réacteurs à l’arrêt , c’est aussi ballot que fortuit – puisqu’on vous le dit – et quoi qu’il en soit, cela n’aide certainement pas à améliorer les perspectives du passage à un tout-électrique de plus en plus grotesque et chimérique.

    Grotesque parce que la voiture électrique n’est absolument pas adaptée à la plupart des usages qui sont actuellement faits de ce moyen de transport économique, pratique et efficace lorsqu’il est équipé d’un moteur thermique. Muni de batteries, c’est en réalité rapidement l’enfer comme en témoignent des douzaines d’expériences de terrain et des reportages réalistes.

    Concrètement, ces voitures électriques sont une version vitaminée des voiturettes de golf, c’est-à-dire pratiques pour des petites distances, des terrains adaptés et des petites courses, et à peu près rien au-delà sans débourser à la fois des sommes folles et disposer d’un temps de rentier pour les recharges à rallonge à chaque déplacement un peu conséquent.

    Chimérique aussi puisque les lois de la physique étant ce qu’elles sont, ni les densités des batteries actuelles, ni les réseaux électriques couramment déployés, ni les puissances de production à disposition ne permettent, en rien, la montée en charge à de millions de véhicules tétant goulûment à la grille à chaque occasion possible.

    Ces ZFE sont en réalité l’illustration parfaite de l’aberration complète de cette transition à marche forcée vers le tout-électrique.

    Ces véhicules sont en réalité deux à trois fois plus polluants à la production et au recyclage (quand il existe) de leur équivalent thermique tant l’extraction, la transformation et l’ utilisation des terres rares nécessaires aux batteries impactent négativement l’environnement (pour rappel, il faut faire évaporer environ un million de litres d’eau pour récupérer une tonne de lithium). Et là, on parle d’une pollution des sols et de l’air autrement plus corrosive et gênante que ce CO2 sans lequel nous serions tous très concrètement morts.

    Pire, la vente forcenée de ces véhicules, poussée artificiellement et à grands frais, va provoquer une casse sociale sans précédent : non seulement le nombre d’opérateurs à la construction sur une voiture électrique est bien plus faible que pour une voiture thermique ce qui signifie, à terme, d’énormes licenciements chez les constructeurs automobiles, mais en plus l’essentiel de la valeur ajoutée d’un véhicule électrique est maintenant situé en Chine, ce qui accroît encore notre dépendance à ce pays et ajoute à la désindustrialisation française.

    Avec la mise en place de ces ZFE et des sanctions qui vont les entourer, on est dans l’application d’une décision dogmatique et dénuée de toute nuance, de tout rapport avec la réalité et qui ne va provoquer aucun des effets souhaitables attendus, et tous les effets indésirables prévisibles.

    Or, quand on observe ce qui s’est passé depuis le premier mandat de Macron, aucun doute n’est permis : l’objectif réel n’est pas celui annoncé.

    La lutte contre une hypothétique pollution n’est qu’un prétexte : la transition énergétique, dans l’un des pays les plus vertueux au monde en matière de pollution, est une fadaise que seuls peuvent gober des post-adolescents catastrophistes et paralysés par des peurs millénaristes artificielles, suffisamment endoctrinés et débiles pour se coller des membres à des toiles de maître ou venir s’étaler mollement au milieu d’autoroutes fréquentées.

    Le fait que ce moyen de transport soit à ce point si peu pratique, si décalé face aux attentes réelles des consommateurs et des capacités fonctionnelles auxquelles nous pouvons prétendre avec les technologies modernes n’est pas un hasard : c’est précisément pour bien marquer socialement les gueux, ces foules puantes et vrombissantes qui roulent en diesel, de l’élite éclairée qui se déplace parcimonieusement dans des véhicules silencieux qui n’émettent aucune fumée.

    Oui, le fait d’opposer riches aux pauvres n’est pas un effet pervers malencontreux de ces mesures, c’est un effet primaire recherché, c’est un diviser pour mieux régner basé sur le mépris le plus pur.

    Le pouvoir actuel a perdu tout pied avec la réalité et avec le peuple qu’il prétend représenter tout en lui crachant à la figure. Et pour le moment, trop nombreux sont ceux qui prennent ceci pour de la pluie.

    Ce pays est foutu.

    Sur le web

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      Politique monétaire : dépasser le fantasme de la neutralité

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 17 October, 2022 - 07:26 · 10 minutes

    Dans leur dernier ouvrage, La dette, une solution face à la crise planétaire ? (Éditions de l’Aube – Fondation Jean-Jaurès ), Michael Vincent et Dorian Simon reviennent sur certains grands mécanismes économiques (création monétaire, régulation bancaire, collatéralisation des dettes…) afin de comprendre les marges de manoeuvres dont disposent les États pour réorienter leurs politiques budgétaires. À l’inverse des ritournelles néolibérales, prêtes à refermer la parenthèse du « quoiqu’il en coûte » au nom de la rigueur, les auteurs démontrent combien les dettes publiques sont les rouages indispensables des marchés financiers, en quête d’actifs sûrs. De quoi relativiser les chiffres qui pleuvent par milliards dans les déclarations ministérielles et transformer les dépenses conjoncturelles en dépenses structurelles. C’est à ce prix que pourra se préparer un avenir écologique. Extraits.

    Pourquoi prétendre à une politique monétaire neutre alors que les marchés ne le sont pas : ils consacrent la logique extractive, de domination, de compétition et de recherche du profit à court terme au détriment de la prospérité. Ce sont ces marchés qui soutiennent les hydrocarbures, faisant fi des limites du vivant et des ressources, faisant fi des inégalités, faisant fi des régimes politiques et des motivations, ou de l’usage de ces profits. La guerre lancée par Poutine début 2022 nous en offre une illustration macabre.

    (…) Puisque la monnaie est un moyen, pas une fin, puisque c’est un outil, de plus en plus utilisé pour tenter de sortir des crises avec plus ou moins de succès par ailleurs, pourquoi ne pas orienter la politique monétaire, voire la monnaie elle-même, vers l’une des plus grosses crises qui nous menacent : la crise climatique ? La stabilité financière, ou celle des prix, l’économie en général ne sont que peu de chose face au défi climatique et aux risques imbriqués, qui vont évidemment peser lourdement. Surtout, si la monnaie peut faire beaucoup pour financer la transition écologique afin d’anticiper ces crises, elle ne pourra pas grand-chose pour jouer les pompiers lorsque la trajectoire climatique aura atteint le point irréversible du non-retour. Et si la monnaie doit réellement être « neutre », nous proposons qu’elle s’attelle à atteindre avant tout la neutralité carbone.

    « Et si la monnaie doit réellement être « neutre », nous proposons qu’elle s’attelle à atteindre avant tout la neutralité carbone. »

    La démocratisation de la politique monétaire est aussi une piste pertinente. Que diraient les citoyens s’ils étaient consultés? C’est notamment l’objectif d’une initiative menée par les ONGs en 2021 sous le nom de la Banque citoyenne européenne, une sorte de convention citoyenne de la politique monétaire organisée en phases de dialogues et d’ateliers avec des experts de tous bords, dont des institutionnels, puis de consultations et d’élaboration de propositions pour la monnaie. Sans détailler ici toutes les propositions auxquelles nous renvoyons à la sagacité du lecteur curieux d’en savoir plus , il est intéressant d’observer que les propositions émises par les citoyens ont toutes en commun les deux fils rouges suivants : la non-neutralité de la monnaie, qui est un outil qu’il faut mettre au profit d’une fin démocratiquement décidée ; et l’urgence climatique, alimentée par le business as usual , qui nécessite de financer la transition, en orientant les flux financiers ou en ajoutant au mandat de la BCE un principe de non-nuisance, par exemple par l’instauration d’une interdiction de financer toute activité polluante ou écocide.

    Une nouvelle donne monétaire ?

    Est-ce que la nouvelle donne monétaire est transitoire ou bien permanente ? La question se pose puisque la FED a déjà commencé ce que l’on appelle le « tapering », c’est-à-dire la fermeture du robinet du rachat de dettes. La BCE également, qui, si elle respecte ses annonces à l’heure où nous rédigeons ce livre, devrait stopper les rachats à l’heure où vous le lirez. Des signes montrent que la fenêtre d’opportunités pourrait se refermer face à l’inflation. C’est vrai, les taux montent et la France emprunte à des taux un peu moins farfelus que les taux négatifs, mais des taux pas inintéressants pour autant. Et comme souvent en finance, il faut regarder les choses de manière relative : le taux réel, c’est-à-dire la différence entre les taux d’emprunt et l’inflation, est par la force des choses très compétitif, encore plus que lorsque l’inflation était basse ! Cette normalisation des taux n’est pas forcément négative : elle va aussi dégonfler un peu la bulle des marchés puisqu’il existe une dualité entre le prix des actifs et le marché du travail, et forcer le capital à s’investir plutôt qu’à se placer est indispensable pour améliorer les conditions des travailleurs.

    Cela ne doit pas empêcher de regarder le problème inflationniste pour ce qu’il est : il est avant tout dû aux pressions géopolitiques et énergétiques. La montée des prix est expliquée en majeure partie par le coût de l’énergie carbonée. Autant de raisons de penser économie circulaire et locale, et transition énergétique, pour la contenir comme il se doit. Pour se prémunir de la montée des prix, il faut enclencher une transition écologique et de justice sociale, avec en tête une politique énergétique ambitieuse et renouvelable ainsi qu’un investissement massif dans la recherche et l’innovation, et ce avant que ces coûts primaires ne s’étendent durablement cela a déjà démarré à l’alimentation, aux biens et aux services, tous tributaires de la montée des prix de l’énergie et des tensions géopolitiques.

    Si la remontée des taux se matérialise au point de ne plus être tenable, il faudra enfin regarder en face les effets des dépenses de rattrapage des dernières années, et du côté de celles et ceux qui en ont profité. Les chiffres de l’augmentation des patrimoines des plus riches, des records de dividendes, des salaires des grands patrons et des bénéfices du CAC 40 donnent de bons indices, et appellent à la mise en place d’une justice fiscale. Dans le cas contraire, le coût de cette dette reviendrait, une fois encore, à permettre aux plus riches et aux plus puissants de s’enrichir, tout en socialisant les pertes. À l’aune également du défi climatique et de la corrélation directe entre niveau de revenu et empreinte carbone, il n’est pas seulement question de justice fiscale et sociale, mais aussi de justice climatique.

    « Pour se prémunir de la montée des prix, il faut enclencher une transition écologique et de justice sociale, avec en tête une politique énergétique ambitieuse. »

    Il reste encore aujourd’hui une opportunité importante aux États de la zone euro notamment, et pour la France en particulier, pour emprunter et anticiper l’avenir. Le besoin structurel de safe assets [ndlr : « actifs sûrs », parmi lesquels figurent les titres de dette publique]pour le marché reste bien réel. Cette opportunité a déjà été partiellement exploitée pour financer la politique du « quoi qu’il en coûte », mais elle ne doit pas nous empêcher de penser à la qualité des dépenses sous-jacentes. Si elle a permis de compenser les pertes liées à la conjoncture sanitaire, ou les hausses de prix du pétrole, elle n’a en rien aidé à préparer l’avenir face aux défis, notamment climatiques et sociaux, au risque de les amplifier plus tard puisqu’en se plaçant en porte-à-faux avec les limites planétaires et climatiques. Il faut dépasser la réaction et entrer dans l’anticipation, pour ne pas gâcher cette opportunité budgétaire unique.

    Définanciariser la monnaie

    Il est enfin nécessaire de repenser la monnaie pour sortir de ce cercle risqué, sinon vicieux, de manière structurelle, et aussi pour pouvoir mieux réglementer le shadow banking et l’intermédiation pour définanciariser la monnaie. Il est évident que, si nous ne le faisons pas, la finance, comme la nature, ayant horreur du vide, l’industrie regardera d’elle-même les alternatives au safe asset pour l’intermédiation via la blockchain , risquant alors de priver les États des marges qu’ils ont aujourd’hui. Mais un tel démantèlement ne se fera pas en un jour, il n’y a d’ailleurs malheureusement que peu d’appétit apparent pour sortir de ce statu quo néolibéral ; mais s’il doit s’enclencher c’est bien dans cet ordre-là. Si nous ne sommes pas fondamentalement contre l’idée d’une annulation partielle de la dette, ou contre l’idée d’une monnaie libre de dette , nous alertons en revanche sur les risques de ces « options » tant que la monnaie reste autant financiarisée, et tant que la tuyauterie de la finance, de l’intermédiation, du shadow banking , de l’eurodollar, de la collatéralisation, fonctionnera ainsi. En effet, dans le système actuel, ces options vont conduire à chahuter la stabilité financière, et nous savons très bien qu’aux mêmes maux seront opposées les mêmes solutions : c’est-à-dire le « quoi qu’il en coûte » du pompier, qui va une fois encore nous enfermer dans la spirale que nous ne connaissons que trop bien depuis plusieurs décennies : des crises qui augmentent en fréquence et en intensité, et des dépenses de rattrapages plutôt que structurelles, qui font le lit de la prochaine.

    Nous encourageons donc plutôt les gouvernements à profiter au maximum des marges de manœuvre budgétaires offertes par la conjonction de la suspension des règles budgétaires et de la dette attractive, pour pouvoir ensuite enclencher cette définanciarisation, cette nécessaire relocalisation de nos économies, de la prise en compte des limites planétaires, y compris dans la monnaie. Reconnaître que la neutralité de la monnaie n’existe pas, puisque la politique monétaire a été utilisée à escient pour maintenir les marchés et le statu quo. À l’occasion de la pandémie, beaucoup, certains même avant, se sont demandés si leur métier avait du sens. Si leurs entreprises créent des solutions pour répondre à des problèmes, ou si elles créent des solutions parce qu’il y a des entreprises à faire tourner ? Pour la monnaie, c’est la même chose : il faut y remettre du sens.

    « Une refondation de notre système monétaire ne passera que par une refondation de notre modèle de société. »

    La pénurie de safe assets n’est que le symptôme d’une défaillance globale des institutions. Notre crise est une crise de confiance. La confiance en la monnaie n’est que le côté pile de la confiance envers la politique. Une refondation de notre système monétaire ne passera que par une refondation de notre modèle de société. Mais après tout, peut-être que la solution est à l’intérieur du problème. La financiarisation de la monnaie est peut-être l’opportunité de démocratiser la création monétaire, autrefois monopole des États, puis des banques, maintenant accessible à des non-banks . La tâche qui nous incombe est de repenser notre architecture monétaire, afin de financer les activités non rentables, mais socialement utiles et responsables face aux limites de la Terre et du vivant. Sortir à terme du « tout finance » car il y a des investissements indispensables pour notre survie et une trajectoire climatique soutenable qui ne seront jamais « rentables » au sens de l’Ancien Monde. La plomberie financière actuelle nous en offre la possibilité, il ne nous reste qu’à en redéfinir les contours en fonction des contraintes de notre époque.