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Chez Altrad Endel, une grève pour les salaires pour compenser la flambée des prix
news.movim.eu / Mediapart · 11:57

Chez Altrad Endel, une grève pour les salaires pour compenser la flambée des prix
news.movim.eu / Mediapart · 11:57
Pourquoi les salaires montent ? Pas grâce au SMIC
ancapism.marevalo.net / Contrepoints · 04:15 · 8 minutes
Par Jack Elbaum.
En 2023, plus de la moitié des États augmenteront leur salaire minimum .
Bien que cela puisse ressembler à une recette pour un désastre, des rapports récents ont démontré que cela ne devrait pas avoir un impact significatif sur l’emploi ou les salaires. La raison en est simple : les salaires des emplois peu qualifiés ont augmenté ces derniers mois dans un contexte de forte demande de main-d’œuvre , ce qui a provoqué une pénurie de cette dernière. Ainsi, le salaire d’équilibre pour les emplois peu qualifiés – précisément les emplois qui seraient régulièrement touchés par une hausse du salaire minimum – est déjà supérieur au plancher salarial qui sera déplacé dans de nombreux cas.
Une analyse par le Wall Street Journal reposant sur de données compilées par Nathan Wilmers, professeur au MIT, a révélé que « jusqu’en septembre, les 10 % de travailleurs les plus pauvres en termes de revenus dans chaque État gagnaient des salaires horaires qui étaient en moyenne un tiers plus élevés que le salaire minimum de leur État ». Cette « marge d’un tiers était la plus élevée depuis au moins une décennie », note le journal.
Dans certains États, la différence est encore plus prononcée.
Au Minnesota, par exemple, le journal a constaté que les 10 % de salariés les moins bien rémunérés gagnent environ 40 % de plus par heure que le salaire minimum de l’État. En outre, un journal local du Michigan explique que même si le salaire minimum doit passer à 10,10 dollars de l’heure cette année, la plupart des propriétaires d’entreprises paient déjà de 1 à 4 dollars de plus pour les emplois peu qualifiés. À peine 1 % des travailleurs du Michigan gagnent le salaire minimum aujourd’hui, alors qu’ils étaient 10 % de moins il y a dix ans.
Il convient de noter que si ces gains devraient normalement être un motif de réjouissance, l’inflation récente a dépassé la croissance des salaires. Cela signifie qu’en termes réels, les salaires n’ont pas nécessairement augmenté. Il s’agit toutefois d’une question distincte qui mérite une analyse à part entière.
Ce qui est pertinent pour notre discussion, c’est que le phénomène expliqué ci-dessus démontre que les salaires ne sont pas poussés à la hausse par les augmentations du salaire minimum mais plutôt par les forces du marché, notamment l’investissement et la concurrence.
Nous pouvons voir comment cela fonctionne en considérant un scénario simplifié.
L’entreprise A est prospère et réalise des bénéfices, ce qui signifie qu’elle a gagné plus de revenus que nécessaire pour couvrir ses coûts actuels. Par conséquent, afin de développer davantage son activité, elle investira une partie de ses bénéfices dans des activités telles que la formation des travailleurs à de nouvelles compétences ou la mise en œuvre de nouvelles technologies. Ces investissements rendront probablement les travailleurs existants plus productifs, ce qui leur permettra de générer davantage de revenus pour l’entreprise qu’auparavant. La concurrence des autres entreprises pour cette main-d’œuvre de plus en plus productive crée une pression à la hausse sur les salaires.
Il ne s’agit pas d’une sorte de fantasme du marché libre mais d’une réalité empirique. Récemment, cette concurrence pour la main-d’œuvre a entraîné des augmentations de salaire pour des centaines de milliers de travailleurs dans des entreprises allant de Walmart à Costco en passant par Amazon.
Les salaires ont encore augmenté en raison de la pénurie de main-d’œuvre car de nombreuses entreprises tentent de surenchérir pour un nombre limité de travailleurs. Mais les employeurs ne sont pas seulement en concurrence les uns avec les autres ; ils sont également en concurrence avec ce qui empêche d’entrer sur le marché du travail, comme les allocations de chômage. Les entreprises doivent convaincre les travailleurs qu’elles leur apportent plus de valeur que toutes les autres solutions.
De cette façon, nous pouvons voir que les salaires augmentent pour deux raisons qui sont souvent, mais pas toujours, liées entre elles : l’investissement qui augmente la productivité et la concurrence.
Dans la plupart des cas, ce qu’un salaire minimum tente de faire, c’est d’augmenter les salaires sans changer la dynamique sous-jacente du marché. Bien que cela puisse augmenter artificiellement les salaires pour certains – mais pas sans contreparties importantes sous la forme de pertes d’emplois – cela ne reflète pas les conditions réelles du marché.
Un cynique pourrait affirmer que le fait que certaines hausses du salaire minimum soient sans conséquence prouve que « l’augmentation du salaire minimum ne provoque pas de chômage ».
Mais ce serait une erreur. Le bon sens veut que les personnes ou les entreprises achètent moins d’un bien lorsque celui-ci devient plus cher. Cela est vrai qu’il s’agisse d’acheter des parts de pizza ou d’engager des employés. Ce que cette histoire démontre plutôt c’est la différence entre les salaires minimum contraignants et non contraignants.
Lorsque l’on parle de salaire minimum en politique, on parle presque toujours de salaire minimum contraignant. Cela signifie simplement que le salaire minimum proposé est plus élevé que le salaire d’équilibre, obligeant ainsi les employeurs à payer plus que ce qu’ils auraient payé autrement. Cela conduit les entreprises à embaucher moins de salariés, toutes choses égales par ailleurs.
Cependant, dans certains cas, le salaire minimum proposé est inférieur au salaire d’équilibre, ce qui signifie que l’entreprise allait déjà payer davantage les employés potentiels que ce que le salaire minimum imposerait. On parle alors de salaire minimum non contraignant, car le nouveau plancher salarial n’aurait aucun impact sur les incitations ou le comportement de l’employeur. Il n’aurait pas non plus d’impact sur le salaire de l’employé.
Bon nombre des augmentations du salaire minimum qui entreront en vigueur en 2023 semblent être non contraignantes : le salaire d’équilibre est déjà plus élevé que le nouveau salaire minimum. Par conséquent, nous ne verrons pas d’impact important sur l’emploi. Il est essentiel de comprendre la distinction entre les salaires minimum contraignants et non contraignants pour rester lucide à la lecture des gros titres qui expliquent que les nouvelles hausses du salaire minimum auront peu ou pas d’effet sur les principales variables économiques.
Malgré tout, ce ne sera probablement pas le cas partout. Nous savons que le coût de la vie et les salaires d’équilibre varient considérablement d’un endroit à l’autre. C’est la raison pour laquelle, comme l’a démontré une analyse de FEE l’année dernière, « un salaire minimum de 15 dollars/heure à Porto Rico est [équivalent] à un salaire horaire minimum de 68 dollars à DC. »
Nous devons garder à l’esprit qu’il n’existe pas deux juridictions identiques.
Un mythe répandu veut que ce soit les hausses du salaire minimum, et non l’évolution de l’offre et de la demande, qui entraînent une hausse des salaires. Ceux qui avancent cet argument suggèrent implicitement que le salaire minimum est en fait un outil de lutte contre la pauvreté.
Mais ce raisonnement est gravement erroné.
Le regretté économiste et professeur Walter Williams a écrit à ce sujet dans The Freeman en 2007.
Cette affirmation [que le salaire minimum est un outil de lutte contre la pauvreté] ne passe même pas le test de l’odeur. Il y a des gens misérablement pauvres au Soudan, au Bangladesh, en Éthiopie et dans de nombreux autres endroits du monde. L’un de ces économistes proposerait-il que la solution à la pauvreté mondiale soit un salaire minimum suffisamment élevé ? Que ce soit en Éthiopie ou aux États-Unis, la pauvreté n’est pas tant le résultat d’une sous-production que d’une sous-productivité.
C’est tout à fait vrai. Selon la logique des défenseurs du salaire minimum, il n’y a aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas, et ne pourrions pas, simplement porter le salaire minimum à 100 dollars de l’heure. Le problème, bien sûr, est que le comportement d’une entreprise est largement déterminé par l’offre, la demande et la productivité, et non par des notions abstraites de ce que les gens « méritent ».
Si nous voulons sortir les gens de la pauvreté – un objectif louable -, nous devons nous concentrer sur les moyens de les équiper pour qu’ils deviennent plus productifs et apportent donc plus de valeur à un employeur. Cela se fait principalement par l’éducation, la formation professionnelle et l’investissement dans le capital.
Les partisans et les adversaires du salaire minimum ne sont pas nécessairement en désaccord sur ce qu’est un bon résultat : moins de personnes en situation de pauvreté. Le désaccord porte sur la question de savoir si cet objectif peut être atteint par des systèmes artificiels ou s’il doit l’être par des investissements organiques et l’amélioration des compétences par l’éducation (y compris l’autoformation), tout en sachant que les salaires sont déterminés par la dynamique réelle du marché.
La seconde solution a été démontrée tant sur le plan théorique qu’empirique, mais la première est malheureusement beaucoup plus en vogue parmi les élites politiques. C’est à nous de faire en sorte que cela change.
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La classe moyenne américaine n’a plus d’intérêt à travailler
ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Yesterday - 04:00 · 4 minutes
En Europe, beaucoup pensent que le « capitalisme pur » règne aux États-Unis et que le pays n’a pas d’État-providence. Or, c’est le contraire qui est vrai. Aujourd’hui, l’État-providence et la redistribution aux États-Unis ont atteint de telles proportions que l’on peut se demander si travailler a encore un sens pour les Américains de la classe moyenne.
Une analyse des revenus aux États-Unis a montré que, par habitant, le ménage moyen du quintile inférieur (c’est-à-dire les 20 % qui gagnent le moins) reçoit plus de 10 % de plus que le ménage moyen du deuxième quintile et même 3 % de plus que le ménage moyen.
C’est l’un des résultats choquants des recherches menées par Phil Gramm, Robert Ekelund et John Early pour leur livre The Myth of American Inequality . Le membre d’une famille américaine de la classe moyenne dont les deux parents travaillent n’a finalement pas plus d’argent que le membre d’une famille dont aucun des deux parents ne travaille. Cette affirmation semble improbable mais elle est étayée par les chiffres suivants :
Même au niveau des ménages, les différences au sein des 60 % de ménages les plus pauvres (c’est-à-dire les trois quintiles inférieurs) aux États-Unis sont faibles : en tenant compte des subventions étatiques aux ménages (appelées paiements de transfert) d’une part et des paiements d’impôts d’autre part, le revenu des 20 % les plus pauvres est de 49 613 dollars par an, dans le deuxième quintile il est de 53 924 dollars et dans le quintile moyen de 65 631 dollars.
À eux seuls, les paiements de transfert de l’État aux 20 % des ménages américains les plus pauvres s’élèvent à 45 389 dollars, contre seulement 3996 dollars d’impôts payés par ce segment par an. Cela signifie que les paiements de transfert de l’État aux 20 % des ménages américains les plus pauvres sont supérieurs de 41 393 dollars aux paiements d’impôts !
Dans la classe moyenne, la situation est tout à fait différente : les ménages de la classe moyenne reçoivent, en moyenne, 17 850 dollars de transferts étatique par an, tout en payant 19 314 dollars d’impôts fédéraux, étatiques et locaux. Cela signifie que les ménages de la classe moyenne paient 1464 dollars de plus en impôts que ce qu’ils reçoivent en transferts étatiques.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, un ménage américain du quintile inférieur compte moins de personnes (1,69) qu’un ménage de la classe moyenne (2,51 personnes). En tenant compte de ces différences, une personne appartenant au quintile inférieur reçoit 3 % de plus qu’une personne appartenant à la classe moyenne après transferts et impôts.
Cela n’a pas grand-chose à voir avec le capitalisme.
Le principe du mérite est réduit à néant parce qu’il n’est guère payant de travailler. Les Américains de la classe moyenne travaillent beaucoup plus d’heures que ceux des quintiles inférieurs, mais ne voient aucune récompense pour leur dur labeur. L’ensemble du système de redistribution engloutit d’énormes quantités d’argent et ne peut être compris qu’à moitié par les statisticiens.
Rien qu’aux États-Unis, il existe 100 programmes fédéraux qui distribuent chacun plus de 100 millions de dollars par an, auxquels s’ajoutent d’innombrables programmes au niveau des États et des collectivités locales.
Comme nous l’avons vu dans les chiffres ci-dessus, le résultat absurde est que le ménage typique de la classe moyenne reçoit presque autant en transferts étatiques qu’il paie d’impôts.
Bien entendu, la bureaucratie qui gère ce système engloutit des sommes considérables. De nombreux Américains de la classe moyenne sentent que quelque chose ne va pas dans ce système. Il est en grande partie financé par les 20 % des personnes les plus riches dont le revenu moyen par ménage est de 295 904 dollars mais qui paient près de 107 000 dollars d’impôts.
Cela réfute la croyance populaire selon laquelle les plus hauts revenus américains s’en tirent à bon compte lorsqu’il s’agit de payer des impôts. Non : plus d’un dollar sur trois gagné par ces ménages finit dans les caisses de l’État. Et les 20 % de ménages les mieux rémunérés paient plus de 60 % de l’ensemble des impôts. Si l’on considère uniquement l’impôt fédéral sur le revenu, les 20 % les plus riches paient 83 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu !
Le système escroque donc les hauts revenus et décourage la classe moyenne en supprimant toute incitation financière à travailler. Et l’aspect le plus absurde de tout cela est peut-être qu’il ne contribue en rien à la lutte contre la pauvreté car depuis le début de la guerre contre la pauvreté aux États-Unis au milieu des années 1960, avec des programmes étatiques qui n’ont cessé de croître en taille et en portée, le taux de pauvreté est resté pratiquement le même, avec de légères fluctuations. Au cours des deux décennies qui ont précédé le début de la guerre contre la pauvreté, le taux de pauvreté aux États-Unis n’a cessé de diminuer, passant de 32,1 à 14,7 %.
Les seules personnes qui profitent du système actuel sont les politiciens qui prennent d’abord de l’argent aux ménages américains et qui promettent ensuite, lors des élections, de le redonner à leur propre clientèle.
Rainer Zitelmann est historien et sociologue. Son nouveau livre In Defense Of Capitalism sera publié en mars.
Camaïeu: la justice ordonne le maintien de la mutuelle des ex-salariés
news.movim.eu / Mediapart · 3 days ago - 11:50
La valeur travail a perdu de sa valeur
ancapism.marevalo.net / Contrepoints · 3 days ago - 03:50 · 12 minutes
Par la rédaction de la Nouvelle Lettre.
Depuis quelques semaines la valeur travail est souvent évoquée.
La réforme des retraites est l’occasion pour les uns de se demander si les Français ne devraient pas travailler plus longtemps, pour les autres de déplorer de prolonger une vie de travail pénible et sans joie : être enfin heureux sans travailler. On s’étonne du refus apparent des jeunes de se mettre au travail : préférer la précarité, les allocations éventuelles plutôt que d’accepter des offres d’emploi toujours considérés comme trop mal payés et pas assez dignes. Et de façon générale, l’arbitrage d’une grande partie des Français, même de condition modeste, est en faveur des loisirs plutôt qu’aux heures supplémentaires : les RTT , la semaine de 35 heures, les ponts sont les bienvenus, même si les loisirs coûtent cher : alors pourquoi ne pas gagner plus en travaillant moins ?
Paradoxalement c’est celui qui est considéré comme le fondateur de la science économique qui a égaré les générations suivantes sur la nature de la valeur travail. Dans la Richesse des Nations (1776) Adam Smith propose trois définitions différentes de la valeur travail.
Le travail incorporé
La valeur d’un produit se mesure au nombre d’heures de travail qu’il a nécessité.
Le travail épargné
La valeur d’un produit se mesure au nombre d’heures de travail épargnées. Je suis prêt à acheter un produit parce que son coût est inférieur à la peine qu’il me faudrait pour le produire moi-même.
Le travail échangé
La valeur d’un produit se mesure à l’appréciation par chacun de ce qu’il gagne et de ce qu’il perd en achetant le travail de l’autre.
On peut facilement observer l’incohérence entre les trois propositions.
Malheureusement c’est la première des trois qui sera retenue, d’abord par David Ricardo , ensuite par son disciple direct Karl Marx dont on a pu dire qu’il était le dernier des classiques.
Cette définition ignore totalement le contenu personnel et psychologique de la valeur, elle implique une économie sans échange, un travail mesuré en unités d’heures passées quels que soient l’intérêt et le besoin du produit fabriqué et quel que soit le travailleur. Marx se réfèrera à une heure de travail « socialement utile » toujours mal payée par un employeur qui détient les machines (outils de production, capital de l’entreprise) et donne au salarié une rémunération juste suffisante pour sa survie et sa reproduction. La différence entre prix d’un produit et rémunération minimale du salarié est le profit. Le salarié avait donné une valeur économique nouvelle, cette plus value est désormais confisquée dans la poche du capitaliste.
L’échange et le marché n’apparaissent qu’avec la deuxième définition.
Ici il y a déjà une appréciation subjective, un choix personnel : ai-je intérêt à produire ce bien ou à l’acheter ? Je compare ce qu’il faudrait que je travaille pour me le procurer et ce que me facture en heures de travail celui à qui je l’achète. Mais le calcul de la valeur des heures de travail est encore à la base de la décision du travailleur. Il est certain toutefois que cette conception est déjà plus proche de la pensée profonde d’Adam Smith, qui a consacré son premier chapitre de La Richesse des Nations à la « division du travail ». Le travail partagé est toujours plus efficace que le travail totalement effectué par une simple personne : faire fabriquer une épingle par un seul opérateur conduit à un nombre d’épingles ridiculement faible à la fin de la journée de travail. Au contraire mettons dix opérateurs, dont chacun assurera une partie de la fabrication, et on pourra avoir plusieurs centaines d’épingles par jour.
Cependant, seule la troisième définition correspond à la vraie pensée d’Adam Smith.
Pour cela il faut remonter à un ouvrage écrit 17 ans plus tôt : la Théorie des sentiments moraux . Dans cet ouvrage Adam Smith explique comment fonctionne réellement l’économie. Elle repose sur l’échange, né lui-même de la diversité des besoins et de leur subjectivité. Personne n’est autosuffisant : nul ne peut se contenter de son propre travail. Pour satisfaire ses propres besoins, l’individu est obligé de chercher à satisfaire le besoin de quelqu’un d’autre. Comprendre ce dont les autres ont besoin, se mettre à leur service : voilà un exercice quotidien, une recherche permanente. C’est ce qu’on appelle l’empathie : se mettre à la place des autres. Dans ces conditions, la valeur du travail n’est autre que la valeur du service rendu à l’autre et les deux parties à l’échange sont gagnantes parce qu’elles n’ont pas la même appréciation de ce qu’elles donnent et de ce qu’elles reçoivent. L’économie est donc échange, l’économie est service de la communauté, et il n’y a rien de plus extraverti que le marché, contrairement à ce que Ricardo et Marx vont enseigner en voyant partout des signes de rente, c’est-à-dire de gain sans travail : rente des propriétaires fonciers chez Ricardo, rente des propriétaires de capital chez Marx.
Avec le Manifeste Communiste (rédigé surtout par Engels), les marxistes vont voir dans la valeur travail l’illustration d’une exploitation permanente dont sont victimes les travailleurs salariés.
En effet, les travailleurs ne peuvent se révolter contre la spoliation dont ils sont victimes. Le conflit entre capitalistes et prolétaires va se généraliser. Les classes intermédiaires vont progressivement disparaître, et venir grossir les rangs des exploités. Les paysans quittent la terre pour aller dans l’industrie, les artisans ne peuvent résister à la concurrence déloyale des grandes compagnies. Il faut que l’ordre soit maintenu et trois institutions de la société contemporaine vont s’en charger : l’État, toujours du côté des forts, la religion qui fait accepter la servitude volontaire, la famille qui éduque les enfants à la soumission et la hiérarchie.
Dans une version rajeunie au XX e siècle, de nombreux économistes socialistes ou communistes vont essayer de démontrer que l’échange n’est jamais égal.
Il y a d’abord l’échange entre les entreprises de taille faible ou moyenne et les grandes entreprises capitalistes. Les grandes entreprises peuvent produire moins cher parce qu’elles produisent en plus grande quantité, donc elles amortissent les coûts fixes sur un plus grand nombre de produits fabriqués (Piero Sraffa). L’échange peut être aussi inégal à cause de l’asymétrie d’information : le vendeur en sait plus sur son produit que l’acheteur, la vraie concurrence (d’après cette théorie) exigerait l’atomicité (uniquement des entreprises de faible taille dont aucune ne pourrait imposer ses conditions), l’homogénéité (les produits rigoureusement semblables), la fluidité (libre entrée et libre sortie du marché), la parfaite transparence (tous les prix et coûts sont connus de tous), la libre circulation des facteurs de production (travail et capital).
Les néoclassiques ont ainsi multiplié les hypothèses selon lesquelles l’échange est inégal.
Pour ces néo-classiques, tantôt socialistes (Joan Robinson) tantôt conservateurs (Friedman) les marchés parfaits n’existent pas, puisque l’échange est inégal. Seuls les économistes dits Autrichiens insistent sur la subjectivité des choix , à cause de la différence d’appréciation que peuvent avoir les échangistes selon le temps considéré (il y a des heures plus longues que d’autres !) et le savoir accumulé (l’expérience affine l’échange). Il ne s’agit donc pas d’une pression politique d’une communauté sur une autre mais d’une infinie diversité d’opinions et de besoins.
Les prévisions des néoclassiques concernant la disparition des grandes firmes, voire même du capitalisme, ne se sont pas vérifiées, du moins tant que la classe politique n’a pas réussi à protéger et subventionner les produits ou les entreprises, créant ainsi des cryptomarchés, et ce qu’on appelle le capitalisme de connivence ( crony capitalism ), alliance entre le monde des affaires et la classe politique.
La lutte des classes ramène la valeur du produit à celle de ses deux composantes, appelées encore facteurs de production : travail et capital.
Mais dans les années 1960 le progrès de la comptabilité et de l’analyse économique a permis de découvrir qu’il existait sans doute autre chose que ces deux facteurs. On s’est aperçu en effet que la même dotation en capital ou en travail pouvait déboucher dans des entreprises différentes sur des résultats très différents aussi. On a alors pensé à un « facteur résiduel ». La chose a pris de l’importance quand le facteur résiduel mesuré parvenait dans certaines branches ou entreprises à expliquer la moitié de la valeur du produit.
En réalité Ricardo ne s’était pas trompé seulement sur la rente mais aussi sur le capital. Pour lui, et à la différence de Jean-Baptiste Say , le capitaliste apporte son investissement et c’est ce qui seul importe. Parce qu’il était financier mais pas entrepreneur (à la différence du Français dont la famille avait une fabrique à Lyon) il n’avait pas perçu le rôle décisif joué par le chef d’entreprise. Certes à son époque la plupart des entreprises étaient créées par des personnes qui apportaient un investissement, un capital financier, souvent une fortune personnelle. Mais Jean-Baptiste Say avait eu le souci de distinguer l’investisseur et l’entrepreneur, même si les deux jouaient parfois le même rôle. L’investisseur peut être un financier, un épargnant, un prêteur : il attend un revenu sous forme d’intérêt, dont le taux est prévu par contrat, par contraste l’entrepreneur va être rémunéré, mais par un profit.
C’est sans doute l’économiste de l’école autrichienne Israël Kirzner qui a le mieux saisi la nature et l’importance de « l’art d’entreprendre » ( entrepreneurship ).
Et voilà une source de valeur qui ne doit rien ni au travail ni au capital mais qui fixe le succès ou l’échec d’une entreprise.
En quoi consiste donc cet art ?
Précisément à observer les signaux du marché, à observer les déséquilibres actuels, qui se traduisent par des variations de prix (pénuries ou excédents) ou de profits (innovations ou saturations dans le marché). L’art d’entreprendre n’exige pas nécessairement de produire du nouveau mais à comprendre qu’il y a quelque chose à faire pour mieux cerner et mieux servir les besoins : parfois déplacer le lieu de l’offre (le chaland est davantage en manque ici que là), le mode de présentation, etc. En un mot : « être en avance d’une idée ». C’est la seule façon d’assurer le profit à long terme de l’entreprise : le premier innovateur réalise des profits qui vont vite disparaître puisque les concurrents vont vite apparaître sur le créneau, il faut donc lancer autre chose pour assurer la pérennité du succès. L’entrepreneur n’est donc pas un être d’exception, c’est celui qui a une bonne idée . Ce n’est pas un superman (comme le laissait penser Schumpeter) c’est un business man , celui qui flaire les bonnes affaires, c’est-à-dire qui est en phase avec les besoins de la communauté. On en revient bien à la bonne définition d’Adam Smith : l’échange révèle la valeur. La valeur ne vient pas du travail. C’est l’échange qui donne sa valeur au travail.
Le travaillisme a été au départ une version à peine édulcorée du socialisme. Le labour party est apparu en Angleterre au début du XX e siècle comme une volonté d’introduire les syndicats dans la vie publique britannique. On ne peut pas soutenir que le travaillisme français ait le même objectif. Certes en France les syndicats ont le désir de participer à la vie publique – ils en donnent la preuve chaque jour. Mais le travaillisme français s’inscrit souvent dans la logique de la lutte des classes. Unir capital et travail dans la paix sociale.
Comme tout ce qui se passe dans notre pays ce travaillisme est né étatiste. Cela signifie que ce sont les gouvernements qui ont décidé que les entreprises françaises devaient s’organiser pour unir le capital et le travail. L’exemple le plus clair est celui des lois Debré qui ont introduit la participation. Mais au lieu de laisser chaque entreprise libre ou non d’instaurer la participation, et libre ou non d’en définir les modalités, tout a été réglementé. On a mélangé des dispositions concernant les retraites avec d’autres qui amorcent une cogestion de l’entreprise. Cet empirisme n’a aucun sens et d’ailleurs n’a pas empêché de s’accompagner d’un syndicalisme de moins en moins « participatif » et de plus en plus politisé et radical. Le « droit du travail », contraire du droit au travail (c’est-à-dire la liberté de chercher un emploi) est changé sans cesse et toujours dans le même sens.
Aujourd’hui le travaillisme se voudrait encouragement à travailler davantage : sage intention ! Mais comment y parvenir avec les lois Auroux, la semaine Aubry, avec la redistribution massive et arbitraire qui fait que sont pénalisés ceux qui travaillent ? Nous entendons de beaux discours sur la joie et la dignité que peut apporter le travail, mais pourquoi subventionner des entreprises publiques où personne ne travaille sérieusement tandis que les salariés du secteur privé paient des impôts et taxes sur l’argent qu’ils ont gagné par leur travail ?
La jeunesse elle-même est éduquée dans la voie du non-travail. Pas question de classement ni de contrôle, cela pénalise les enfants et n’est pas conforme à l’égalitarisme. Dans ces conditions c’est la position sociale des parents qui garantit une situation passable mais qui malgré tout exigera chaque semaine un week-end prolongé, du jeudi soir au lundi matin. Pourquoi plus de médecin généraliste, pourquoi les déserts médicaux ? Pourquoi tant de jeunes talents qui s’expatrient ? Pourquoi le record européen des jeunes chômeurs ?
En France le travaillisme est un déguisement politique. Restaurer le travail exige une rupture avec l’État providence, avec le droit du travail, avec les retraites par répartition, avec les dérives éducatives, avec les monopoles et privilèges publics. Pour restaurer le travail il faut reconduire beaucoup de Français sur le chemin de la responsabilité personnelle. Les libéraux connaissent le chemin : libre entreprise et libre échange, privatisations et concurrence.
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