• chevron_right

      En Allemagne, la mort du pacifisme

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 24 November, 2022 - 17:27 · 29 minutes

    Marquée par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, puis par la partition de la Guerre Froide, l’Allemagne a longtemps été un pays pacifiste. En quelques mois à peine, la guerre en Ukraine a totalement rebattu les cartes. Alors que le conflit présente un risque de dégénérer en guerre nucléaire, les discours appelant à la retenue et à la diplomatie passent désormais pour un soutien à la dictature de Poutine. Les Verts, pourtant historiquement pacifistes, sont à l’avant-garde de cette évolution inquiétante, fruit de décennies de soft power américain. Article du sociologue Wolfgang Streeck, publié par la New Left Review , traduit par Alexandra Knez et édité par William Bouchardon.

    Le 17 octobre, le Chancelier fédéral Allemand Olaf Scholz a invoqué le privilège constitutionnel que lui confère l’article 65 de la Grundgesetz (la Constitution allemande) pour « définir les orientations » de la politique de son gouvernement. Les chanceliers ne le font que rarement, voire pas du tout ; la sagesse politique veut que vous soyez éliminé à la troisième tentative. Il en allait de la durée de vie des trois dernières centrales nucléaires allemandes. L’objet de ce recours au « 49.3 allemand » ? Revenir sur la fermeture prévue des centrales nucléaires d’ici la fin 2022, inscrite dans la loi en 2011 par le gouvernement d’Angela Merkel à la suite de l’accident de Fukushima et destiné à attirer les Verts dans une coalition avec son parti. Désormais au gouvernement avec le SDP (centre-gauche) et le FDP (libéraux), les Verts ont refusé de lâcher leur trophée, craignant les accidents et les déchets nucléaires, mais aussi leurs électeurs de la classe moyenne aisée. Le FDP a quant à lui demandé, compte tenu de la crise énergétique actuelle, que les trois centrales – qui représentent environ 6 % de l’approvisionnement électrique de l’Allemagne – soient maintenues en activité aussi longtemps que nécessaire, c’est-à-dire indéfiniment. Pour mettre un terme aux disputes, Scholz a transmis un ordre aux ministères concernés, déclarant officiellement que la politique du gouvernement était de maintenir les centrales en activité jusqu’à la mi-avril de l’année prochaine. Les deux partis ont plié l’échine, ce qui a permis de sauver la coalition pour le moment.

    Or, si les Verts sont vent debout contre l’énergie nucléaire, ils semblent bien moins préoccupés par l’arme atomique. Alors que la menace nucléaire dans le cadre du conflit en Ukraine est réelle, les Verts n’hésitent en effet pas à participer pleinement à la surenchère guerrière qui fait monter les tensions. Un positionnement qui leur a valu des critiques acerbes de la part de Sahra Wagenknecht, figure de la gauche allemande, qui les a récemment qualifié de « parti le plus hypocrite, le plus distant, le plus malhonnête, le plus incompétent et, à en juger par les dégâts qu’il cause, le plus dangereux que nous ayons actuellement au Bundestag ».

    Pour eux, le renversement du régime Poutine est nécessaire, afin de livrer ce dernier à la Cour Pénale Internationale de La Haye pour qu’il y soit jugé. Une perspective non seulement fantaisiste (la Russie, tout comme les Etats-Unis, n’a pas ratifié le statut de Rome, qui en est à l’origine, ndlr), mais également très risquée au vu des dommages qu’une escalade nucléaire en Ukraine causerait, et ce qu’elle signifierait pour l’avenir de l’Europe et, en l’occurrence, de l’Allemagne. À quelques exceptions près, les élites politiques allemandes, tout comme leurs médias de propagande, ignorent ou font semblant d’ignorer l’état actuel de la technologie des armes nucléaires ou le rôle attribué à l’armée allemande dans la stratégie et la tactique nucléaires des États-Unis.

    La menace nucléaire sous-estimée ?

    Or, après le tournant historique de la politique étrangère allemande (Zeitenwende) décidé par Scholz, l’Allemagne se déclare de plus en plus prête à devenir la nation phare de l’Europe. Dès lors, sa politique intérieure devient plus que jamais une question d’intérêt européen. La plupart des Allemands se représentent la guerre nucléaire comme une bataille intercontinentale entre la Russie (anciennement l’Union soviétique) et les États-Unis, avec des missiles balistiques porteurs d’ogives nucléaires traversant l’Atlantique ou le Pacifique. L’Europe pourrait être touchée ou non, mais comme le monde serait de toute façon plongé dans un abîme, il semble inutile d’envisager cette possibilité. Craignant peut-être d’être accusés de « Wehrkraftzersetzung » (subversion de la force militaire, passible de la peine de mort pendant la Seconde Guerre mondiale, ndlr), aucun des « experts en défense » allemands, soudainement très nombreux, ne semble disposé à prendre au sérieux les avertissements de Joe Biden, qui évoque un « Armageddon » en cas d’usage de l’arme nucléaire.

    Si une escalade nucléaire venait à avoir lieu, une arme de choix est une bombe nucléaire américaine appelée B61, conçue pour être larguée depuis des avions de chasse sur des installations militaires au sol. Bien qu’ils aient tous juré de se consacrer « au bien-être du peuple allemand [et] de le protéger contre tout danger », aucun membre du gouvernement allemand ne souhaite parler des possibles retombées que pourrait produire l’utilisation d’une B61 en Ukraine. Au vu du risque d’élargissement du conflit récemment posé par l’explosion d’un missile en Pologne, la question mérite pourtant d’être posée : où donc les vents porteraient-t-ils les retombées radioactives ? Combien de temps la zone entourant un champ de bataille nucléaire serait-elle inhabitable ? Combien d’enfants handicapés naîtrait-il à cet endroit et aux alentours dans les années qui suivrait une telle attaque ? Tout cela pour que la péninsule de Crimée puisse rester ou redevenir propriété de l’Ukraine…

    Il est assez remarquable que les Verts, défenseurs invétérés du « principe de précaution », n’aient toujours pas appelé à des précautions pour protéger la population allemande ou européenne contre la contamination nucléaire.

    Ce qui est en revanche clair, c’est que, comparé à une guerre nucléaire, même localisée, l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 (qui a accéléré la progression des Verts en Allemagne) apparaît tout à fait négligeable dans ses effets. Il est assez remarquable que les Verts, défenseurs invétérés du « principe de précaution », n’aient d’ailleurs toujours pas appelé à des précautions pour protéger la population allemande ou européenne contre la contamination nucléaire, par exemple en constituant des stocks de compteurs Geiger ou de comprimés d’iode. Après l’expérience du Covid-19, un tel silence est pour le moins surprenant.

    Pourtant, l’Occident se prépare à l’éventualité d’une guerre nucléaire. À la mi-octobre, l’OTAN a organisé un exercice militaire appelé « Steadfast Noon », décrit par le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) comme un « entraînement annuel aux armes nucléaires ». L’exercice a réuni soixante avions de chasse de quatorze pays et s’est déroulé au-dessus de la Belgique, de la mer du Nord et du Royaume-Uni. « Face aux menaces russes d’utiliser des armes nucléaires », explique le FAZ, « l’Alliance a activement et intentionnellement diffusé des informations sur l’exercice pour éviter tout malentendu avec Moscou, mais aussi pour démontrer son état de préparation opérationnelle ». Au cœur de l’opération se trouvaient les cinq pays qui ont conclu un « accord de participation nucléaire » avec les États-Unis : l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et la Turquie. Cet accord prévoit que certains de leurs avions de chasse transportent des bombes B61 américaines vers des cibles désignées par le Pentagone. Une centaine de B61 seraient stockés en Europe, sous la garde de troupes américaines. L’armée de l’air allemande maintient ainsi une flotte de bombardiers Tornado consacrée à la « participation nucléaire ». Mais ces avions sont considérés dépassés et vieillots. Lors des négociations pour la formation de la coalition actuellement au pouvoir Outre-Rhin, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (écologiste), a exigé que les Tornados soient remplacés dès que possible par trente-cinq bombardiers furtifs américains F35. Ceux-ci sont désormais commandés et seront probablement livrés dans environ cinq ans, pour un prix de huit milliards d’euros, au grand dam des Français qui avaient espéré obtenir une part du marché. L’entretien et les réparations devraient coûter deux ou trois fois ce montant pendant la durée de vie des avions.

    Il est important de préciser en quoi consiste « Steadfast Noon » : les pilotes apprennent à abattre les avions intercepteurs de l’ennemi et, lorsqu’ils sont suffisamment proches de la cible, à effectuer une manœuvre compliquée, le fameux lancement « par-dessus l’épaule ». S’approchant à très basse altitude, avec une bombe nucléaire attachée sous leur fuselage, les avions inversent soudainement leur direction en effectuant une boucle avant, libérant la bombe au sommet de leur ascension. La bombe continue alors dans la direction initiale de l’avion, jusqu’à ce qu’elle tombe dans une courbe balistique éradiquant ce qu’elle est censée éradiquer au bout de sa trajectoire. L’avion est alors déjà sur son chemin de retour supersonique, ayant évité la vague provoquée par l’explosion nucléaire. Terminant sur une note positive pour ses lecteurs, le FAZ a par ailleurs révélé que des « bombardiers stratégiques à longue portée B-52 » des États-Unis, « conçus pour les missiles nucléaires pouvant être largués à haute altitude », ont également participé à l’exercice.

    Les discours militaristes ont le vent en poupe

    Derrière les déclarations publiques de la coalition au pouvoir, les partis au pouvoir en Allemagne débattent en coulisses de la meilleure façon d’éviter que le peuple ne se mèle d’enjeux aussi cruciaux. Le 21 septembre, l’un des rédacteurs en chef du FAZ, Berthold Kohler, un partisan de la ligne dure, a noté que même parmi les gouvernements occidentaux « l’impensable n’est plus considéré comme impossible ». Selon lui, au lieu de se soumettre au chantage nucléaire de Poutine, les « hommes d’État » occidentaux doivent faire preuve de « plus de courage… si les Ukrainiens insistent pour libérer leur pays tout entier », une insistance qui semble aujourd’hui interdit de contester, faute de passer pour un soutien de Poutine. Tout « arrangement avec la Russie aux dépens des Ukrainiens » – sans doute inévitable lorsque s’engageront des négociations de paix – équivaudrait selon Kohler à « trahir les valeurs et les intérêts de l’Occident ». Pour rassurer ceux de ses lecteurs qui préfèrent néanmoins vivre pour leur famille plutôt que de mourir pour Sébastopol – et à qui l’on raconte que Poutine est un fou génocidaire imperméable aux arguments rationnels – Kohler rapporte qu’à Moscou, la crainte d’un « Armageddon nucléaire dans lequel la Russie et ses dirigeants brûleraient également » est suffisante pour que l’Occident soutienne à fond la vision de Zelensky concernant l’intérêt national ukrainien.

    Quelques jours après cet article, l’un des rédacteurs de Kohler, Nikolas Busse, rappelait toutefois que « le risque nucléaire augmente », soulignant que « l’armée russe dispose d’un grand arsenal d’armes nucléaires plus petites, dites tactiques, adaptées au champ de bataille ». Selon Busse, la Maison Blanche « a averti la Russie, par des voies directes, de lourdes conséquences » si elle les utilisait. Il n’est toutefois pas certain que la tentative américaine « d’accroître la pression sur Poutine » ait l’effet escompté. « L’Allemagne », poursuit l’article, « sous la protection présumée de la stratégie de Biden, s’est permis un débat étonnamment frivole sur la livraison de chars de combat à l’Ukraine », faisant référence à des chars qui permettraient à l’armée ukrainienne de pénétrer en territoire russe, outrepassant ainsi le rôle assigné aux Ukrainiens dans cette guerre par procuration des Américains contre la Russie et provoquant probablement une réponse nucléaire : « Plus que jamais, il ne faut pas s’attendre à ce que les États-Unis risquent leur peau pour les aventures solitaires de leurs alliés. Aucun président américain ne mettra le destin nucléaire de sa nation entre les mains des Européens » notait très justement le journaliste. On peut d’ailleurs ici noter que les dirigeants européens mettent en revanche pleinement le destin de leurs nations entre les mains des Américains.

    Les mises en garde de Busse correspondent à la limite de ce que l’establishment politique allemand est prêt à laisser entrevoir aux sections les plus éduquées de la société allemande sur les conséquences que l’Allemagne pourrait avoir à endurer si la guerre se poursuit. Mais cette frontière est en train de se déplacer rapidement. Une semaine à peine après l’article de Busse, Kohler exprimant également ses doutes sur la volonté des États-Unis de sacrifier New York pour Berlin et appelait en conséquence l’Allemagne à acquérir ses propres bombes nucléaires. Or, depuis 1945, une telle proposition a toujours paru en dehors des limites de la pensée politique admissible en Allemagne. Selon Kohler, l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Allemagne serait à la fois une assurance contre l’imprévisibilité de la politique intérieure américaine et de sa stratégie mondiale et une condition préalable à un leadership allemand en Europe. Disposer de la bombe permettrait en effet à Berlin d’être véritablement indépendant de la France et de renforcer ses liens avec les pays d’Europe centrale comme la Pologne.

    Propagande de guerre

    Francfort, disait Goethe de sa ville natale, « est pleine de bizarreries ». On peut en dire de même de Berlin, ou même de l’Allemagne tout entière, aujourd’hui : ce qui semblait hier encore tabou ne l’est plus. L’opinion publique est étroitement influencée par l’alliance des partis centristes et des médias, et soutenue dans des proportions étonnantes par une censure auto-imposée de la société civile. L’Allemagne, puissance régionale de taille moyenne, apparemment gouvernée démocratiquement, est en train de se transformer en une dépendance transatlantique des grandes machines de guerre américaines que sont l’OTAN, les chefs d’état-major interarmées, le Pentagone, la NSA, la CIA et le Conseil national de sécurité. Lorsque, le 26 septembre, les deux gazoducs Nord Stream ont été touchés par une attaque sous-marine, les tenants du pouvoir ont tenté pendant quelques jours de convaincre le public allemand que l’auteur de l’attaque ne pouvait être que Poutine, dans le but de démontrer aux Allemands qu’il n’y aurait pas de retour au bon vieux temps du gaz russe bon marché. Une affirmation crédible seulement pour les plus crédules : pourquoi Poutine se serait-il volontairement privé de la possibilité, aussi minime soit-elle, d’attirer à nouveau l’Allemagne vers la dépendance énergétique, et ce dès que les Allemands auraient été incapables de payer le prix faramineux du gaz naturel liquéfié (GNL) américain ? Et s’il est vraiment le commanditaire de ce sabotage, pourquoi n’aurait-il pas fait sauter les gazoducs dans les eaux russes plutôt que dans les eaux internationales, ces dernières étant plus fortement surveillées que tout autre espace maritime à l’exception, peut-être, du golfe Persique ? Pourquoi risquer qu’un escadron de troupes de choc russes soit pris en flagrant délit de sabotage, déclenchant ainsi une confrontation directe avec plusieurs États membres de l’OTAN en vertu de l’article 5 ?

    L’Allemagne est en train de se transformer en une dépendance transatlantique des grandes machines de guerre américaines que sont l’OTAN, les chefs d’état-major interarmées, le Pentagone, la NSA, la CIA et le Conseil national de sécurité.

    En l’absence d’un « narratif » un tant soit peu crédible, l’affaire fut vite abandonnée une semaine plus tard. Deux jours après l’explosion, le reporter d’un journal local qui se trouvait à l’entrée de la mer Baltique déclarait avoir aperçu l’USS Kearsarge – un « navire d’assaut amphibie » capable de transporter jusqu’à 2 000 soldats – quitter la Baltique en direction de l’Ouest, accompagné de deux chaloupes de débarquement ; une photo de deux des trois navires a été diffusée sur Internet. Une information qui n’a suscité absolument aucune réaction. Personne dans le monde politique allemand ou dans les médias nationaux n’y a prêté attention, en particulier publiquement. À la mi-octobre, la Suède, actuellement candidate à l’adhésion à l’OTAN, a annoncé qu’elle garderait pour elle les résultats de son enquête sur l’événement ; le niveau de sécurité de ses conclusions était trop élevé « pour être partagé avec d’autres États comme l’Allemagne ». Peu de temps après, le Danemark s’est également retiré de l’enquête menée conjointement.

    Le 7 octobre, le gouvernement a dû répondre à la question d’un député Die Linke (gauche) sur ce qu’il savait des causes et des responsables des attaques sur les gazoducs. Après avoir déclaré qu’il les considérait comme des « actes de sabotage », le gouvernement a affirmé ne disposer d’aucune information, ajoutant qu’il n’en disposerait probablement pas non plus à l’avenir. En outre, « après mûre réflexion, le gouvernement fédéral est parvenu à la conclusion que des informations supplémentaires ne peuvent être fournies pour des raisons d’intérêt public ». Et ce, poursuit la réponse, parce que « les informations demandées sont soumises aux restrictions de la ‘règle du tiers’, qui concerne l’échange interne d’informations par les services de renseignement » et, par conséquent, « porte atteinte au respect du secret qui doit être protégé de telle sorte que l’intérêt supérieur de l’Etat, le Staatswohl, l’emporte sur le droit parlementaire à l’information, si bien que le droit des députés de poser des questions doit exceptionnellement passer après le respect du secret par le gouvernement fédéral ». Malgré la gravité du sabotage de Nord Stream, cette invocation du secret défense par le gouvernement allemand n’a pratiquement pas été évoquée dans les médias.

    Censure et auto-censure

    D’autres événements sinistres de ce genre se sont produits. Dans le cadre d’une procédure accélérée qui n’a duré que deux jours, le Bundestag (Parlement allemand, ndlr), s’appuyant sur les éléments de langage fournis par le ministère de la Justice aux mains du soi-disant libéral FDP, a modifié l’article 130 du code pénal qui considère comme un crime le fait « d’approuver, de nier ou de diminuer » l’Holocauste. Le 20 octobre, une heure avant minuit, un nouveau paragraphe a été adopté, caché dans un projet de loi bien plus large, pour ajouter les « crimes de guerre » à ce qui ne doit pas être approuvé, nié ou diminué. La coalition au pouvoir (SPD, Verts et libéraux) et la CDU/CSU ont voté pour l’amendement, Die Linke (gauche) et l’AfD (extrême-droite) ont voté contre. Aucun débat public n’a eu lieu. Au dire du gouvernement, l’amendement était nécessaire pour la transposition en droit allemand d’une directive de l’Union européenne visant à lutter contre le racisme. À deux exceptions près, la presse n’a pas rendu compte de ce qui n’est rien d’autre qu’un coup d’État juridique.

    Quelles conséquences aura cette modification ? Le procureur fédéral va-t-il entamer des poursuites judiciaires contre quelqu’un pour avoir comparé les crimes de guerre russes en Ukraine aux crimes de guerre américains en Irak, « minimisant » ainsi les premiers ou des seconds ? De même, le Bureau fédéral pour la protection de la Constitution pourrait bientôt commencer à placer les « minimiseurs » de « crimes de guerre » sous observation, ce qui inclurait la surveillance de leurs communications téléphoniques et électroniques. Dans un pays où presque tout le monde, le matin suivant la Machtübernahme (prise de pouvoir par les Nazis), a salué son voisin en s’écriant « Heil Hitler » plutôt que « Guten Tag », le plus grave est qu’il y aura ce qu’on appelle aux États-Unis un « effet de refroidissement ». Quel journaliste ou universitaire ayant à nourrir une famille ou souhaitant faire avancer sa carrière risquera d’être « observé » par la sécurité intérieure comme un « minimiseur » potentiel des crimes de guerre russes ?

    Les limites du politiquement correct se rétrécissent rapidement, et de manière effrayante. Comme pour la destruction des gazoducs, les tabous les plus tenaces concernent le rôle des États-Unis, tant dans l’histoire du conflit que dans son actualité.

    À d’autres égards également, les limites du politiquement correct se rétrécissent rapidement, et de manière effrayante. Comme pour la destruction des gazoducs, les tabous les plus tenaces concernent le rôle des États-Unis, tant dans l’histoire du conflit que dans son actualité. Dans le discours public autorisé, la guerre ukrainienne est entièrement décontextualisée : tous les citoyens loyaux sont censés l’appeler « la guerre d’agression de Poutine », elle n’a pas d’histoire en dehors du « narratif » d’une décennie de rumination d’un dictateur fou du Kremlin pour trouver la meilleure façon d’exterminer le peuple ukrainien, tout ceci rendue possible par la stupidité, combinée à la cupidité, des Allemands qui ont succombé à son gaz bon marché. Comme je l’ai découvert lors d’une interview que j’avais donnée à l’édition en ligne d’un hebdomadaire allemand de centre-droit, Cicero, qui a été coupée sans me consulter, certains faits historiques ne semblent pas avoir droit de cité : le rejet américain de la « maison européenne commune » proposée par Gorbatchev, la destruction par les parlementaires américains du projet de « partenariat pour la paix » de Clinton avec la Russie, ou encore le rejet, pas plus tard qu’en 2010, de la proposition de Poutine d’une zone de libre-échange européenne « de Lisbonne à Vladivostok ». Autant de tentatives de dépasser l’hostilité héritée de la Guerre froide pour ouvrir une nouvelle ère de coopération entre Russie et Occident. De même, il semble interdit de rappeler que les États-Unis ont, durant la première moitié des années 1990, décidé que la frontière de l’Europe post-communiste devait être identique à la frontière occidentale de la Russie post-communiste, qui serait également la frontière orientale de l’OTAN, à l’Ouest de laquelle il ne devait y avoir aucune restriction sur le stationnement de troupes et de systèmes d’armes. Il en va de même pour les vastes débats stratégiques américains concernant les manières possibles de pousser la Russie a viser trop haut pour la déstabiliser, tels que documentés dans les rapports publics de la RAND Corporation (think tank militariste, ndlr).

    Parmi d’autres exemples, citons notamment le programme d’armement sans précédent des États-Unis pendant la « guerre contre le terrorisme » qui s’est accompagné de la résiliation unilatérale de tous les accords de contrôle des armements encore en vigueur avec l’ancienne Union soviétique et les pressions américaines incessantes exercées sur l’Allemagne depuis l’invention de la fracturation hydraulique pour qu’elle remplace le gaz naturel russe par du gaz de schiste américain, d’où la décision américaine, bien avant la guerre, de mettre fin à Nord Stream 2 de quelque manière que ce soit. Citons aussi les négociations de paix qui ont précédé la guerre, y compris les accords de Minsk entre l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine, qui se sont effondrés sous la pression de l’administration Obama et de son envoyé spécial pour les relations américano-ukrainiennes, le vice-président de l’époque Joe Biden, et coïncidant avec une radicalisation du nationalisme ukrainien. Et surtout n’oublions pas le lien entre les stratégies européennes et sud-est asiatiques de Biden, notamment les préparatifs américains de guerre contre la Chine.

    Un aperçu de ces intentions a été fourni par l’amiral Michael Gilday, chef des opérations navales américaines, qui, lors d’une audition devant le Congrès le 20 octobre, a fait savoir que les États-Unis devaient être prêts « pour un créneau 2022 ou potentiellement 2023 » à une guerre avec la Chine au sujet de Taïwan. Malgré l’obsession pour les États-Unis du grand public allemand, le fait qu’il soit de notoriété publique outre-Atlantique que la guerre ukrainienne est au fond une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie lui échappe complètement. Les voix de Niall Ferguson (grand historien britannique, ndlr) ou de Jeffrey Sachs (économiste américain reconnu, ndlr) mettant en garde contre la surenchère nucléaire passent inaperçues ; le premier écrivant dans Bloomberg un article intitulé « Comment la Seconde Guerre froide pourrait se transformer en Troisième Guerre mondiale », qu’aucun éditeur allemand soucieux du Staatswohl n’aurait accepté.

    Les écologistes, anciens pacifistes devenus pro-guerre

    Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, toute tentative de replacer la guerre en Ukraine dans le contexte d’une réorganisation du système étatique mondial apparu depuis la fin de l’Union soviétique et du projet américain de « nouvel ordre mondial » défendu par George Bush père est suspecte. Ceux qui osent le faire courent le risque d’être qualifiés de « Poutineversteher » (Poutinophile) et d’être invités dans l’un des talk-shows quotidiens de la télévision publique, pour un pseudo-équilibre face à une armada de va-t-en-guerre bien-pensants qui leur crient dessus. Au début de la guerre, le 28 avril, Jürgen Habermas, philosophe de cour des Verts, a publié un long article dans le Süddeutsche Zeitung , sous le long titre de « Tonalité criarde, chantage moral : Sur la bataille d’opinions entre les anciens pacifistes, un public choqué et un chancelier prudent après l’attaque de l’Ukraine ». Il s’y opposait au moralisme exalté et au bellicisme qui s’emparait de ses partisans, exprimant prudemment son soutien à ce qui, à l’époque, semblait être une réticence de la part du chancelier à s’engager tête baissée dans la guerre en Ukraine. Pour avoir simplement appelé au calme et à la retenue, Habermas a été férocement attaqué au sein de son propre camp, celui des écolos et progressistes pro-européens, et est resté silencieux depuis.

    Ceux qui auraient pu espérer que la voix encore potentiellement influente de Habermas contribue aux efforts de plus en plus désespérés pour empêcher la politique allemande de défendre coûte que coûte sur une victoire totale de l’Ukraine sur la Russie se sont rabattus sur le leader du groupe parlementaire SPD, Rolf Mützenich, un ancien professeur d’université en relations internationales. Mützenich est devenu une figure détestée de la nouvelle coalition de guerre, à l’intérieur comme à l’extérieur du gouvernement, qui tente de le présenter comme une relique d’avant la « Zeitenwende », lorsque les gens croyaient encore que la paix pouvait être possible sans recourir à la destruction militaire de n’importe quel empire maléfique pouvant se mettre en travers du chemin de l’« Occident ». Dans un article récent publié à l’occasion du trentième anniversaire de la mort du chancelier Willy Brandt (dont le mandat avait été marqué par l’Ostpolitik, un rapprochement avec la RDA et l’URSS, ndlr), glissé dans un bulletin d’information social-démocrate, M. Mützenich mettait en garde contre l’imminence de la « fin du tabou nucléaire » et affirmait que « la diplomatie ne doit pas être limitée par la rigueur idéologique ou l’enseignement moral. Nous devons reconnaître que des hommes comme Vladimir Poutine, Xi Jinping, Viktor Orbán, Recep Tayyip Erdoğan, Mohammed bin Salman, Bashar al-Assad et bien d’autres encore influenceront le destin de leur pays, de leur voisinage et du monde pendant plus longtemps que nous ne le souhaiterions ». Il sera intéressant de voir combien de temps les partisans de Mützenich, dont beaucoup de jeunes députés SPD nouvellement élus, parviendront à le maintenir à son poste.

    Ce qui est tout à fait étonnant, c’est le nombre de va-t-en-guerre qui sont sortis de leur niche ces derniers mois en Allemagne. Certains se présentent comme des « experts » de l’Europe de l’Est, de la politique internationale et de l’armée et estiment qu’il est de leur devoir d’aider le public à nier la réalité proche d’explosions nucléaires sur le territoire européen. D’autres sont des citoyens ordinaires qui prennent soudain plaisir à suivre les combats de chars sur Internet et à soutenir « notre » camp. Certains des plus belliqueux appartenaient autrefois à la gauche au sens large; aujourd’hui, ils sont plus ou moins alignés sur le parti des Verts et, en cela, très bien représentés par Annalena Baerbock, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères. Combinaison étrange de Jeanne d’Arc et d’Hillary Clinton, Baerbock est l’un des nombreux « Global Young Leaders » sélectionnés par le Forum économique mondial. Venant d’un parti supposé être pacifiste, Baerbock est pourtant totalement alignée sur les États-Unis, de loin l’État le plus enclin à la violence dans le monde contemporain. Pour comprendre cela, il peut être utile de se rappeler que ceux de sa génération n’ont jamais connu la guerre, pas plus que leurs parents. En ce qui concerne les Verts, on peut également supposer que les hommes les plus âgés ont évité le service militaire en tant qu’objecteurs de conscience jusqu’à sa suspension, notamment du fait de leur pression électorale. En outre, aucune génération précédente n’a autant grandi sous l’influence du soft power américain, de la musique pop au cinéma et à la mode, en passant par une succession de mouvements sociaux et de modes culturelles. Tous ces phénomènes ont été promptement et avidement copiés en Allemagne, comblant ainsi le vide causé par l’absence de toute contribution culturelle originale de la part de cette classe d’âge remarquablement épigone (une absence que l’on appelle par euphémisme le cosmopolitisme).

    L’influence du soft power américain

    En y regardant de plus près, l’américanisme culturel, y compris son expansionnisme idéaliste, s’articule autour de la promesse d’un individualisme libertaire qui, en Europe, contrairement aux États-Unis, est ressenti comme incompatible avec le nationalisme, ce dernier se trouvant être l’anathème de la gauche verte. Il ne reste donc comme seule possibilité d’identification collective qu’un vague « occidentalisme », compris à tort comme un universalisme fondé sur des « valeurs ». En réalité, il ne s’agit que d’un américanisme déployé à grande échelle qui nie les réalités peu enviables de la société américaine. L’occidentalisme est inévitablement moraliste ; il ne peut vivre qu’en hostilité avec un non-occidentalisme autrement moral, et donc immoral à ses yeux, qu’il ne peut laisser vivre et doit donc détruire. En adoptant l’occidentalisme, cette sorte de nouvelle gauche peut pour une fois espérer être non seulement du bon côté mais aussi du côté gagnant : celui de la puissance militaire américaine.

    L’occidentalisme équivaut à l’internationalisation, sous un leadership américain, des guerres culturelles qui se déroulent aux Etats-Unis.

    En outre, l’occidentalisme équivaut à l’internationalisation, sous un leadership américain, des guerres culturelles qui se déroulent aux Etats-Unis. Dans l’esprit occidentalisé, Poutine et Xi Jinping, Trump et Liz Truss, Bolsonaro et Meloni, Orbán et Kaczyński sont tous les mêmes, tous des « fascistes ». L’histoire riche et complexe de chaque pays se retrouve soumise aux humeurs de la vie individualiste et déracinée de l’anomie capitaliste tardive : il y a à nouveau une chance de se battre, et même de mourir pour, au minimum, les « valeurs » communes de l’humanité. Enfin se présente à nouveau une opportunité d’héroïsme qui semblait à jamais disparue dans l’Europe occidentale d’après-guerre et postcoloniale. Ce qui rend cet idéalisme encore plus attrayant, c’est que les combats et les morts peuvent être délégués à des intermédiaires, des êtres humains aujourd’hui (les soldats et civils ukrainiens), bientôt peut-être des algorithmes. Pour l’instant, on ne vous demande pas grand-chose, juste de réclamer que votre gouvernement envoie des armes lourdes aux Ukrainiens – dont le nationalisme ardent aurait, il y a quelques mois encore, répugné les cosmopolites écolos – tout en célébrant leur volonté à sacrifier leur vie, non seulement pour la reconquête de la Crimée par leur pays, mais aussi pour l’occidentalisme lui-même.

    Bien sûr, pour rallier les gens ordinaires à la cause, il faut concevoir des « narratifs » efficaces pour les convaincre que le pacifisme est soit une trahison, soit une maladie mentale. Il faut également faire croire aux gens que, contrairement à ce que disent les défaitistes pour saper le moral des Occidentaux, la guerre nucléaire n’est pas une menace : soit le fou russe s’avérera ne pas être assez fou pour donner suite à ses délires, soit, s’il ne le fait pas, les dégâts resteront locaux, limités à un pays dont les habitants, comme leur président nous rassure tous les soirs à la télévision, n’ont pas peur de mourir pour leur patrie ou, comme le dit Ursula von der Leyen, pour « la famille européenne » – laquelle, le moment venu, les accueillera tous frais payés.

    • Co chevron_right

      La pulsion totalitaire des Verts

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 21 November, 2022 - 04:15 · 10 minutes

    L’écologie politique contient les germes du totalitarisme le plus effrayant, tout comme le fascisme et le communisme auxquels elle emprunte certaines méthodes dans sa mise en œuvre et la propagande de ses concepts.

    L’écologie sur la pente glissante de l’inquisition

    Certes, il n’existe pas (encore) un dictateur écologiste démoniaque mû par la haine des Hommes. Mais un enchaînement d’actes anodins peut favoriser l’apparition d’une machine meurtrière.

    Dans l’esprit d’Hitler existait une profonde confusion entre les communistes et les Juifs (le « judéo-bolchevisme ») qui, à ses yeux, représentait la quintessence du mal.

    Aujourd’hui, chez certains écologistes radicaux, une confusion existe entre la mondialisation industrielle et les capitalistes (le mondialo-capitalisme) qui serait à l’origine du réchauffement climatique et de la destruction de la planète.

    Leurs « actions non violentes » de plus en plus violentes exercent en réalité des violences passives en limitant des libertés fondamentales, dont celles de circuler.

    Les Européens goberont-ils encore longtemps les mensonges de ces « maîtres en écologie » qui sévissent maintenant au plus haut niveau pour établir les lois ?

    Une écologie politique dogmatique abuse les Français en voulant leur faire croire qu’ils pourront vivre de vent et de soleil. Sa volonté d’imposer rapidement des règles contraignantes et de formater la pensée pour atteindre le nirvana écologique rêvé se heurte aux réalités physiques, économiques et humaines.

    Ignorant délibérément la relation étroite entre l’énergie et les progrès socio-économiques, certains écologistes catastrophistes préconisent un retour à la pauvreté et à la misère durable par la culpabilisation et par la force.

    Leur credo repose sur la décroissance qui passe par la réduction de la consommation d’énergie. Leur idéal obscurantiste vise l’organisation autoritaire de privations et de contraintes sévères touchant l’habitat, les transports et au final les libertés individuelles.

    Abusée par une propagande écologiste qui les berce d’illusions, ces militants vivent dans le déni des réalités physiques . Leur discours catastrophiste est un étalage d’accusations gratuites et de lamentations.

    Ces activistes écologistes d’ Extinction Rebellion , de Greenpeace ou des Amis de la Terre, rêvent d’enrôler la jeunesse (lycéens et étudiants) dans leur combat. Ils vénèrent « l’exemple » de Greta Thunberg en brandissant des pancartes sur la menace du capitalisme pour la santé de la planète !

    Cet endoctrinement, qui rappelle d’effroyables souvenirs (l’embrigadement des jeunesses hitlériennes), est inquiétant. Ce travail d’influence insidieux a pour objectif de culpabiliser les adultes « irresponsables ».

    Il est urgent que la raison revienne car ces questions environnementales sont suffisamment sérieuses pour éviter de les polluer avec des peurs irrationnelles.

    « Le pire ennemi de la vérité n’est pas le mensonge, ce sont les croyances » . (Friedrich Nietzsche)

    Une politique écologiste suicidaire ?

    Ces chevaliers blancs autoproclamés « sauveurs de la planète » pourraient conduire le Parlement à adopter une politique énergétique suicidaire pour notre pays sous la pression physique et l’intimidation d’une partie endoctrinée de la population.

    Ainsi, à l’heure où la compétitivité de la France est devenue vitale dans une économie mondialisée, il reste à espérer que les élus de la nation dépasseront les clivages politiques et les considérations partisanes déclinistes pour orienter l’avenir des Français vers la richesse et leur éviter un effondrement social.

    Ne pas le faire serait pire qu’une erreur, ce serait une faute devant les générations futures.

    Un nouvel obscurantisme vert

    Une nouvelle forme pernicieuse d’obscurantisme vert s’insinue dans les esprits au nom d’une valeur supérieure qui serait la Nature ou Gaïa.

    Dans ce monde idéalisé, les mensonges et la propagande submergent les arguments techniques et économiques. Ces méthodes s’inspirent d’idéologies despotiques aux couleurs variées (brune, noire, rouge,..) recyclées aujourd’hui dans la couleur verte .

    Cette écologie coercitive masque ses intentions à la fois sous des concepts séduisants et lénifiants (le monde vivra d’amour et d’eau fraîche) et en brandissant des épouvantails diabolisant les transports (avions, voitures…), l’industrie, les insecticides…

    En s’appuyant sur des dogmes partisans, ces apprentis sorciers dénués de toute compétence technique tentent d’influencer les lois dans des domaines industriels et économiques sans seulement entrevoir les graves conséquences sur le niveau de vie, le confort et la sécurité des Français.

    Avec l’aide des grands médias, ces nouveaux gourous verts abreuvent les Français, y compris des enfants , d’arguments séduisants mais faux comme : « la croissance et l’emploi en France vont revenir en développant les énergies renouvelables ».

    Mais c’est le contraire qui se produit et se produira.

    Lorsqu’un bateleur médiatique (élu ou non) se pose en défenseur de la planète au nom de l’écologie, il est persuadé de se trouver du côté des bons et des gentils. Tout ce qu’il promet va dans le sens d’une humanité plus solidaire, propre, autonome, responsable et juste. Les vérités premières qu’il assène deviennent une évidence. Ne pas les suivre relèverait de l’imbécilité et de l’égoïsme.

    Cette caste d’activistes et « d’experts » parfois autoproclamés justifie doctement cet assassinat de la pensée rationnelle au nom de l’écologie en érigeant ses certitudes en dogme « irréfutable » et en s’arrogeant le droit de définir le Bien et le Mal.

    Écologie et religion

    Des écologistes et des religieux empruntent parfois des chemins parallèles, avec les mêmes discours, en utilisant de plus en plus des méthodes violentes pour faire triompher leurs causes.

    L’écologie et la spiritualité, porteuses du meilleur et du pire, s’occupent respectivement de la protection de la nature et de l’âme. Ces deux forces remettent en cause la démocratie. Cette dernière laisse le dernier mot aux Hommes alors que les deux premières privilégient les valeurs naturelles et spirituelles considérées comme supérieures aux lois humaines. Elles s’opposent donc aux démocraties qui privilégient la liberté individuelle.

    S’il existe une possibilité de détruire le Mal (aujourd’hui la civilisation occidentale), alors seuls les détenteurs du Bien (les militants écologistes) peuvent agir pour sauver la planète et l’humanité. Il faudrait être fou ou pervers pour s’y opposer.

    Mais pour ces militants écologistes, sauver la planète et l’humanité implique la suppression de la liberté individuelle !

    Les prophètes violents sont communs entre l’écologie et les religions. L’écologie s’est appropriée le Bien et le Mal de telle sorte qu’après le marxisme une nouvelle idéologie apparaît : l’écologisme.

    Dorénavant, des juges condamnent même des États au nom du climat, comme hier d’autres l’ont fait au nom de Dieu, du prolétariat ou de la race.

    L’émergence des dérives sectaires et violentes ( véganisme , antispécisme , attaque de centrales nucléaires…) n’est pas due au hasard.

    Si les démocraties n’y prennent pas garde, elles pourraient être balayées par ces nouvelles forces qui conduiront à de nouveaux totalitarismes et des désastres catastrophiques.

    Ces idéologies aux relents nauséabonds peuvent se targuer de beaux succès catastrophiques dans l’Histoire du monde. Les chemises brunes, noires, les foulards rouges, verts et autres cols Mao sont autant de signes extérieurs de tyrannies ayant réussi brillamment, avant d’imploser devant les réalités économiques et physiques.

    Pour le moment, l’écologie politique s’appuie sur des médias complaisants pour faire croire à sa légitimité. Mais son inconsistance se dévoilera un jour dans le monde réel. Sa volonté tyrannique se consumera alors sur le bûcher des réalités. Mais quand ?

    Lorsque les supercheries se révèleront, il sera bien tard et le mal sera fait, et probablement pour longtemps.

    Alors, assis sur un monde en ruines, une jeunesse soucieuse regardera à terre les folles illusions d’un monde effondré, car reposant sur du vent et du soleil, en se demandant benoîtement : « comment avons-nous pu en arriver là ? »

    Une dictature verte en gestation ?

    Les assassins de la liberté ont besoin de formulations creuses et grandiloquentes (« il faut sauver la planète ») qui émeuvent et rassemblent sous la bannière d’une écologie sympathique. Le pouvoir dictatorial s’impose ensuite. Les réfractaires « pollueurs » (par exemple des propriétaires de grosses voitures, de bateaux, ou d’avions) sont désignés à la vindicte médiatique et populaire.

    Quelques siècles de pratiques de ces méthodes détestables ne permettent pas toujours de discerner ces agissements pernicieux qui contrôlent la pensée. Ils ont l’apparence d’un déroulement logique et rationnel alors qu’ils ne sont constitués que de syllogismes et de juxtapositions d’idées fausses martelées systématiquement.

    Généralement, le peuple berné par la duplicité de ces manœuvres s’en aperçoit trop tard.

    Le retour de l’obscurantisme

    À l’opposé du siècle des Lumières et de son culte de la technique et du progrès, le XXI e siècle naissant affiche désormais sa défiance envers la technique et chacune de ses avancées. Elle scrute ses inconvénients pour la planète.

    Au nom du dieu Nature, ce siècle marque le retour de la culpabilité de l’Homme, néfaste par essence à son environnement. Sa nécessaire contrition est liée au mythe d’une future apocalypse dont il serait responsable.

    L’écologie politique brandit à la fois le spectre de la fin du monde et les délices d’un paradis perdu en manipulant les peurs.

    La véritable écologie , c’est-à-dire la protection de l’environnement et l’arrêt du gaspillage des ressources, est une science qui fait appel à la technique, l’industrie, l’économie, ainsi qu’à la recherche.

    Mais la politisation de l’écologie doit être redoutée car elle fait de la protection de la planète un projet prioritaire de société.

    L’écologie politique ne doit pas être un fondement des relations sociales car les écologistes ne cherchent pas à résoudre les problèmes humains, sociaux ou économiques. Ils veulent avant tout créer une icône supérieure à l’Homme : la planète. Cette idole sacrée déciderait au-dessus de toute autorité humaine du bien et du mal.

    Il ne s’agit donc plus d’un projet républicain mais d’une idéologie religieuse fondée sur un arbitraire au nom de la sainte quête du développement éco-durable où les véritables scientifiques sont mis au pilori comme falsificateurs aux ordres des industriels.

    La défiance du progrès

    L’écologie moderne se méfie de la civilisation et de l’industrie. Elle préfère un repli sur elle-même dans lequel l’auto-consommation, le retour à la nature primitive, à la frugalité et la « sobriété » deviennent des buts.

    Ceux qui s’imaginent encore que l’écologie permettra d’aller vers un monde meilleur sont les dupes de l’histoire. Cette idéologie s’organise pour imposer une réduction du niveau de vie de l’humanité par la contrainte en détruisant le principal facteur de développement social et de compétitivité de toute économie : une énergie bon marché, en particulier l’électricité.

    Aujourd’hui, l’écologie politique recherche le pouvoir pour faire de bonnes affaires financières. Elle veut obtenir le soutien financier des États et des industriels honnis, c’est-à-dire de tous les contribuables et consommateurs, ces vilains pollueurs.

    Dans cette optique, elle a besoin d’un système autoritaire qui lui permettra d’imposer sa vision pour, selon elle, « le bien de la planète ».

    Des méthodes sournoises

    Les écologistes politiques utilisent des méthodes sournoises aux relents dictatoriaux pour s’imposer au peuple récalcitrant. Pour imprégner les esprits ils déploient une propagande médiatique tous azimuts afin de radicaliser, fanatiser, discréditer, jeter l’anathème, supprimer et interdire , toujours et encore au nom de la planète.

    En poussant le raisonnement jusqu’au bout, le meilleur moyen de diminuer l’empreinte écologique de l’homme sur Terre est de l’exterminer pour le transformer en humus qui nourrira la Nature.

    Finalement, se suicider serait bon pour la planète. Un bon humain, pour un « véritable écologiste », serait donc un humain mort.

    Ainsi, sous sa vision écologique « ambitieuse » et idéaliste, le gentil écologiste Nicolas Hulot , comme dans la chanson de Jacques Dutronc, « a l’air sympa et attirant, mais, mais, mais… faites attention », c’est un dangereux bouffon !

    Attention… l’écologie politique est dangereuse pour la démocratie et la liberté !

    • Co chevron_right

      Écoterrorisme : se dirige t-on vers des années de plomb ?

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 7 November, 2022 - 04:30 · 6 minutes

    Alors que la France connaît une flambée des prix de l’énergie et une ruée vers le chauffage au bois, le Sénat a cette semaine voté et enrichi le projet de loi sur les énergies renouvelables .

    La France paie l’impréparation de sa politique d’infrastructures et en particulier de sa politique énergétique ; mais pas seulement car les causes sont multiples et encore débattues. De l’inflation globale provoquée par les banques centrales au conflit ukrainien, une des causes les plus éludées est sans doute la pensée écologiste qui ramène l’Occident 75 ans en arrière sur le plan social et le maintien dans une économie de guerre teintée de malthusianisme .

    Comme dans le débat sur les retraites, les gesticulations autour du climat resteront stériles tant qu’elles ne sortiront pas du cadre mortifère de l’étatisme, un cadre source d’inflation et de misère mais qui ne suffirait plus.

    Comme toute religion, la religion écologiste se fonde sur son apocalypse. L’urgence de celle-ci crée une dépression bien connue chez les plus jeunes, l’éco-anxiété, poussant à la stérilisation voire au suicide dans certains cas . Cette urgence crée également ses fanatiques, telles que les ridicules opérations d’ agitprop dans des musées par des adolescents en manque de sensations fortes.

    Depuis peu, ce qui relève de la dernière version du communisme prend un nouveau visage, bien moins risible et bien plus violent.

    Manifestations de Sainte-Soline

    Ce nouveau visage s’est incarné ces derniers jours dans une petite bourgade des Deux-Sèvres de moins de 400 habitants.

    À quelques kilomètres de Niort, la commune de Sainte-Soline est l’objet depuis plusieurs semaines d’une lutte entre agriculteurs et militants écologistes au sujet d’ un projet de méga-bassine , ouvrage de stockage d’eau destiné à permettre aux agriculteurs d’anticiper les sécheresses estivales. Sur les 16 réserves élaborées par quelques 400 agriculteurs et validées en 2018, c’est celle située sur le bassin de la Sèvre et du Mignon qui suscite depuis septembre l’indignation de plusieurs organisations écologistes et de défense du patrimoine archéologique ainsi que de géographes et d’hydrogéologues.

    Une indignation légitime à la hauteur du débat scientifique sur un sujet ayant un impact sur les nappes phréatiques mais qui s’est rapidement vue déborder le week-end du 28 octobre par une manifestation pourtant interdite face au risque de ZAD et réunissant plusieurs milliers de personnes. Cette manifestation s’est soldée par de violents heurts et une soixantaine de gendarmes blessés.

    On compte parmi les participants à cette manifestation près de 400 Black blocs , activistes d’ultragauche, ainsi que d’anciens manifestants de Notre-Dame-Des-Landes , lieu de guérilla durant près de 4 ans entre 2014 et 2018.

    Depuis les manifestations du week-end de la Toussaint, on voit apparaître une convergence avec des manifestants anticapitalistes et altermondialistes d’Attac, du NPA ou encore d’ Oxfam .

    L’ultragauche à la manœuvre

    Cette convergence n’est pas une nouveauté et illustre parfaitement les véritables intentions des factieux.

    Le 23 septembre, cette violence a frappé l’aéroport du Bourget . Le Terminal 1 du premier aéroport d’affaires d’Europe a été bloqué par des militants d’Attac et d’ Extinction Rebellion afin de dénoncer « les ultra-riches ».

    Après les attaques contre des terrains de golf ou la vague estivale de dégonflage de pneus de SUV , l’escalade de la violence écologiste n’est rien d’autre que la mutation de la violence socialiste.

    Cette violence a valu plusieurs passes d’armes, y compris au sein même d’EELV.

    Une extrême gauche en voie de radicalisation

    La première passe d’armes aura été entre le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et Jean-Luc Mélenchon . Le premier évoquera la montée d’un « écoterrorisme » lorsque le second accusera le ministre de « dérapage » avant d’en faire un lui-même en parlant d’un ministre faisant frapper des députés et qui les aurait menacés d’envoyer le RAID et le GIGN.

    Mais c’est la seconde passe d’armes qui nous intéressera le plus : elle oppose les deux finalistes de la primaire écologiste Yannick Jadot , dont le véhicule a été affublé du sympathique « crevure », et Sandrine Rousseau , incarnant le visage institutionnel de la radicalisation écologiste en défendant bec et ongles les factieux au nom d’un écologisme dit « de combat » et justifiant les actes de groupuscules d’ultragauche dont de nombreux membres sont par ailleurs fichés S.

    Si, comme l’évoquait le criminologue Alain Bauer sur CNews, le terrorisme n’a pas de définition consensuelle , les propos du ministre de l’Intérieur reflètent une certaine réalité.

    Une nouvelle Action Directe

    De José Bové à Notre-Dame-Des-Landes en passant par le barrage de Sivens , les Français sont désormais familiers de l’activisme vert.

    Cet activisme s’est radicalisé à mesure que l’écologisme s’est mue en religion avec sa divinité, ses blasphèmes, ses sacrifices (médiatiques), son apocalypse et surtout ses commandements au quotidien rappelant l’orthopraxie de certains cultes.

    Cette mutation en religion a provoqué ses dépressifs et ses fanatiques par définition radicalisés. Pour autant, la religiosité de l’écologisme était une évidence pour quiconque se souvient qu’il n’est rien d’autre qu’ un nouveau socialisme .

    L’Occident moderne est habitué à se battre contre ces menaces ayant toutes pour centre névralgique le collectivisme. Le socialisme a contribué à tuer la spiritualité avant d’y substituer l’État et l’écologisme n’y fait pas exception.

    De fait, l’évolution violente du mouvement écologiste peut se comparer à celui du mouvement socialiste. Les ZAD ne sont pas sans rappeler les événements de la Commune de Paris et l’idée d’un écoterrorisme dénoncé par Beauvau n’est pas une simple vue de l’esprit à vocation polémique.

    Pour nous en convaincre, l’expert en sécurité Éric Delbecque nous propose lui-même de filer la comparaison avec le socialisme et en particulier celui des années de plomb, époque de la bande à Bader, des Brigades rouges et d’Action Directe à l’origine de l’assassinat du PDG de la Régie Renault Georges Besse à quelques pas de son domicile le 17 novembre 1986.

    Il n’est donc pas idiot d’évoquer une escalade de la mouvance écologiste passant de l’atteinte à la propriété à l’atteinte directe aux personnes.

    Face à cette violence, qui en rappelle d’autres tout aussi actuelles, il existe deux solutions à utiliser de concert.

    La première consiste à révéler, à chaque instant, la supercherie de l’écologisme dans l’attente de son effondrement comme le communisme avant lui.

    La seconde dépend des pouvoirs publics et est bien plus incertaine lorsqu’on voit les résultats de Notre-Dame-Des-Landes : montrer que la violence est stérile et n’aboutira pas.

    Or, si on peut saluer Gérald Darmanin pour avoir mis des mots sur les maux, il y a fort à parier que l’inflexion sera l’œuvre du chef de l’État lui-même. Au nom de la tranquillité civile, Emmanuel Macron écornera un peu plus une des principales institutions dont il est le garant : l’autorité de l’État. Une autorité faible avec la délinquance et forte avec les Français du quotidien et qui sortira donc, ne nous y trompons pas, encore plus affaiblie de ces violences.