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      Les conséquences du vieillissement en Chine et en France

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 18 February, 2023 - 04:30 · 11 minutes

    Voici que la Chine , le pays le plus peuplé du monde s’inquiète de la baisse de sa population et de ses répercussions sur son économie et plus généralement de sa puissance.

    Sans être aussi dramatique, la situation française est néanmoins préoccupante.

    Vue d’ensemble sur la Chine et la France

    Pour la Chine, c’était pourtant prévisible depuis le lancement de la politique de l’enfant unique en 1979.

    Trente-deux ans plus tard les générations correspondantes sont rétrécies, notamment celle des jeunes actifs et chaque année c’est une génération de plus qui maigrit.

    C’était une évidence pour les démographes. Mais, pour reprendre Alfred Sauvy : « la démographie, c’est dire qu’un enfant de 9 ans en aura 10 l’année prochaine. C’est trop simple pour être intéressant, et donc ça n’intéresse personne ». J’ajouterai que quand cela intéresse les responsables, il est trop tard.

    En l’occurrence le président Xi ne semble en avoir pris vraiment conscience que lors du recensement publié en 2022, confirmé par la constatation que la population avait diminué cette année-là de 850 000 personnes.

    Quant à la France, c’est encore Alfred Sauvy qui s’en inquiétait dans les années 1930, reprenant le flambeau de lanceurs d’alarmes apparus à la fin du XIX e siècle lors des premières années où la population française a diminué. Ces derniers furent à l’origine de l’association « Alliance nationale population et avenir », créé en 1911 dont je suis administrateur et qui édite une revue et des articles à renommée internationale.

    Avant de donner plus de détails sur la Chine et la France, donnons quelques précisions sur des mécanismes en cours.

    Rappel des mécanismes démographiques

    Prenons un pays imaginaire où, depuis un siècle, le nombre d’enfants par femme est stable à 2,1 et où les générations se remplacent donc parfaitement. Supposons également que tous travaillent à 20 ans, prennent leur retraite à 60 et que l’espérance de vie soit constante. La population est stable et la composition pyramide des âges ne change pas.

    Maintenant, supposons que dans ce pays imaginaire, la fécondité tombe d’un seul coup de 2,1 à 1,2. Les vingt premières années, personne n’y prêtera attention car ce ne sera pas bloquant : la baisse de la natalité signifiera moins d’enfants donc une population scolaire en baisse et avec elle une baisse du nombre d’enseignants. Si l’on considère que le budget du pays est par ailleurs équilibré, les économies engendrées permettront un allègement de la rigueur budgétaire et de répondre à certaines revendications pour la satisfaction de tous. Donc personne ne voit le danger. Je l’ai personnellement constaté dans une réunion de démographes à Bruxelles où l’on disait : « les économies sur les enfants permettront de financer des retraites », ce qui est une absurdité à long terme.

    Durant les 40 années qui suivent la baisse de la fécondité dans notre pays imaginaire, le nombre de personnes en âge de travailler diminuera et la population active avec lui. Si la productivité est stable, cette baisse engendrera une diminution de la production et une baisse des cotisations de retraite. Plus important, certains produits et services n’étant plus produits en quantité suffisante , les retraités seront obligés d’y renoncer.

    Pour corriger la situation, le gouvernement de notre pays imaginaire pourra être tenté de relancer la production en distribuant de l’argent aux particuliers. Mais cela ne fera que générer de l’inflation. La pénurie de main-d’œuvre se faisant de plus en plus sentir au fil des ans, dans tous les domaines, 60 ans après le début de la baisse de la natalité, le pays se retrouverait dans une situation critique dont il pourrait ne pas se relever.

    Sauf immigration massive bien sûr, mais on aborde alors d’autres sujets. Bornons-nous seulement à dire qu’une population ayant peu de jeunes adultes et beaucoup de vieux, dont une partie sont dépendants, aurait du mal à encadrer et assimiler une population immigrée.

    Le vieillissement des comportements

    En plus de cet impact économique déjà dramatique, y a-t-il d’autres conséquences pour un pays du vieillissement de sa population ?

    Certains évoquent un problème psychologique : « Les États refusent toujours de voir leur population diminuer », souligne l’économiste Hippolyte d’Albis, économiste et directeur de recherches au CNRS cité par La Croix . « Quelque part, dans la psychologie collective, cela renvoie à un constat d’échec ».

    De leur côté, les recherches américaines en psychologie génétique montrent que la capacité créatrice des individus tend d’abord à croître avec l’âge, et passé un certain seuil, à décliner. Empiriquement, nous pouvons constater que la jeunesse est plus encline à l’ouverture d’esprit, à de nouvelles expériences et à différents chemins de pensées que leurs aînés. Elle sera aussi plus encline à innover, à remettre en cause les systèmes existants et à casser les codes. C’est bien dans leurs jeunes années que Steve Jobs , Bill Gates , Mark Zuckerberg ou Jeff Bezos ont imaginé les produits et services qui allaient leur permettre de bâtir leurs empires.

    Politiquement, le vieillissement pousse à la stabilité. Par exemple, en 2007, les électeurs âgés ont très majoritairement voté pour Nicolas Sarkozy à l’opposé de la majorité des plus jeunes qui a choisi son adversaire socialiste censé être plus réformateur, voire révolutionnaire, fantasme bien français malgré les exemples catastrophiques donnés par l’histoire.

    Le contraste entre ces deux groupes d’âge se retrouve à toutes les élections présidentielles depuis 1965. Sur l’ensemble de la période, les seniors forment un groupe politiquement assez homogène, caractérisé par son conservatisme politique, ce qui n’est pas forcément un défaut à mon avis.

    Le pire me semble être la prise de pouvoir par les jeunes à une époque où ils sont nombreux, puis se cramponner ensuite au pouvoir avec le vieillissement de la population, faisant durer « la révolution » pendant des dizaines d’années, dans la dictature et la répression générale. Le cas extrême et celui de Cuba, mais l’URSS, l’Iran et bien d’autres en sont une bonne illustration. Les régimes vieillissent aussi !

    Plus de données sur vieillissement en France

    En France, entre 2006 et 2014, le nombre d’enfants par femme était environ de deux, donc proche du seuil de renouvellement des générations. Depuis, il a baissé et s’établissait à 1,8 en 2022. (Source Insee). Voici la conséquence sur le nombre d’actifs :

    Impact des hypothèses de fécondité sur l’évolution projetée de la population active.

    Source : Les conséquences macroéconomiques du vieillissement démographique

    Selon l’Insee, la population active devrait commencer à diminuer à partir de 2040 après avoir crû légèrement jusque-là, pour arriver à 29,2 millions en 2070. D’ici 2070, si la population totale augmentait légèrement, avec une augmentation du nombre de vieux compensant la diminution du nombre de jeunes.

    Il n’y aurait pas pour autant d’allégement à court terme.

    Si l’éducation nationale s’attend à perdre 500 000 élèves (sur 12 millions aujourd’hui) entre 2022 et 2027, son budget devrait néanmoins augmenter du fait des revalorisations salariales demandées et partiellement acceptées les salaires d’une partie des enseignants se rapprochant du SMIC !

    Une autre conséquence de la baisse de la natalité concerne le financement des retraites et l’équilibre des comptes sociaux. Selon l’Insee, le nombre d’actifs cotisants pour chaque retraité était de 2,6 en 1990, de 2,02 en 2004 et s’établit à 1,67 aujourd’hui, malgré les réformes qui ont freiné cette baisse. La réforme en débat aujourd’hui vise à retarder l’âge de départ : des cotisants en plus, des bénéficiaires en moins, soit quatre ans de gagnés si l’on passe de 60 de 64 ans (je passe sur les différentes atténuations projetées, qui diminueront ce « gain »).

    Personnellement, j’estime le problème mal posé : ce n’est pas une question de cotisations et de pensions, mais de maintien de la population active pour pouvoir alimenter l’ensemble des Français, retraités ou non, en biens et services, comme démontré dans l’article signalé plus haut.

    Le problème bien plus aigu dans le reste de l’Europe qu’en France, comme indiqué par le CERMF .

    Plus de données sur la situation chinoise

    La population chinoise a diminué de 850 000 personnes en 2022, du jamais vu depuis les grandes famines résultant de la folie révolutionnaire maoïste. Selon les projections les plus pessimistes, elle pourrait n’avoir que 587 millions d’habitants en 2100, soit moins de la moitié qu’aujourd’hui.

    Source Ined : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/278/version.imprimable.chine.fr.pdf

    Cette baisse intervient malgré l’assouplissement de la politique de limitation des naissances ces dernières années, qui a relevé la limite de un à trois enfants par famille .. Les raisons principales de la baisse semblent être le coût du logement et celui de l’éducation privée qu’il faut donner aux enfants en plus de l’éducation publique.

    En 2019, l’ONU pensait encore que la Chine n’atteindrait son pic de population qu’en 2031-2032. Mais depuis, le taux de fécondité s’est écroulé à 1,15 enfant par femme en 2021.

    « Le déclin et le vieillissement de la population auront un impact profond sur l’économie chinoise, d’aujourd’hui à 2100 », prévient Xiujian Peng , chercheuse spécialiste de la démographie chinoise à l’Université du Victoria (Australie) citée par La Tribune .

    Selon les projections de son équipe, sans réforme du système de retraite, le paiement des pensions pourrait représenter 20 % du PIB en 2100 – contre 4 % en 2020 et 14 % en France, chiffre élevé en Occident. De toute façon la production chinoise va baisser à productivité constante (voir plus bas la question de la productivité), et sera de plus en plus tournée vers la consommation des personnes âgées ce qui va peser directement sur la puissance économique du pays ; à très long terme sur sa puissance militaire aussi, mais en attendant, nous allons traverser une passe dangereuse d’autant qu’il faudra distraire la population des difficultés économiques.

    Avec un taux de fécondité aussi bas, le vieillissement est rapide : en 2010, les séniors ne représentaient que 8,9 % de la population, mais pourraient être 27,5 % de la population en 2050, d’après l’ONU. On n’ose pas faire de prévision pour 2100 !

    Sur un plan purement mathématique, on pourrait dire que les retournements de la politique sanitaire chinoise depuis que le président Xi a pris connaissance du recensement avaient un but caché. Tout se passe comme si avoir choisi des vaccins locaux moins efficaces que les vaccins occidentaux, puis un brusque déconfinement, avait comme objectif une forte mortalité des plus âgés afin d’alléger ce fardeau démographique !

    Quelles solutions ?

    On pense bien sûr tout d’abord à une politique nataliste et je renvoie pour cela à un débat récent qui expose notamment les mesures chinoises, après avoir bien sûr rappelé qu’aucun pays n’y est arrivé et que l’effet ne s’en ressent que progressivement de 20 à 60 ans après.

    L’immigration constitue une autre solution. C’est le choix fait par l’Allemagne qui s’apprête à adopter la politique d’immigration la plus accueillante d’Europe .

    Si en France, la question de l’immigration reste source de polémiques, notre pays accueille chaque année un flux régulier de populations immigrées, le plus souvent jeunes, qui viennent augmenter la population active du pays, donc les cotisations et surtout la production. Des chantiers aux banques en passant par l’hôpital, leur absence serait catastrophique.

    Pour la Chine, l’immigration n’est pas une solution car il faudrait des centaines de millions de personnes pour rétablir la pyramide des âges. Une telle réserve n’existe qu’en Afrique subsaharienne, et je ne vois pas le président Xi décidé de la déverser massivement en Chine !

    La productivité

    C’est mathématiquement une solution mais son augmentation ne se décrète pas. La Chine a d’énormes ambitions en la matière, mais elle va à mon avis subir au contraire une dégradation ou une moindre croissance de la sienne du fait de la « maoïsation » du régime.

    En France, la productivité augmente moins vite que dans le reste de l’Occident, notamment du fait de la dégradation de l’enseignement public.

    Enfin la productivité est en partie liée à la jeunesse de la population : revoir le passage sur ce sujet du débat déjà signalé.

    En conclusion

    À part quelques exceptions comme le général De Gaulle qui a brillamment redressé la France lors de son second règne de 69 à 79 ans, le tonus d’un pays est largement lié à sa jeunesse.

    On pourrait dire que la jeunesse dure jusqu’à 62 ans dans notre législation actuelle, et jusqu’à 64 ou 67 ans dans de nombreux pays européens. Mais le temps ne coule que dans un sens, et s’il manque des jeunes aujourd’hui, il manquera des adultes d’âge mûr demain, et on se trouvera avec une forte proportion de personnes âgées à soigner et servir, au détriment de l’ensemble de la population.

    Et à celui de la puissance économique et militaire, nécessaire non pas par orgueil national, mais du fait de la situation géopolitique !