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      École publique : même dans les cités, on veut la quitter

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 3 March, 2021 - 04:00 · 8 minutes

    école

    Par Nathalie MP Meyer.

    Je vous recommande la lecture d’une enquête des plus intéressantes publiée la semaine dernière par Mediapart sous le titre « Des élèves se réfugient chez les cathos pour échapper au ghetto » . Quel ghetto ? Celui des cités, celui des quartiers dits sensibles qui font plus souvent la Une de la presse régionale pour trafics en tout genre, violence de moins en moins sporadique et délinquance au quotidien que pour les prix de grammaire de leurs élèves.

    Article surprenant, venant de l’écurie Plenel . Mais qui s’explique en fait très bien si l’on garde à l’esprit que Mediapart , vent debout contre le projet de loi sur le « séparatisme islamiste » du gouvernement , accuse ce dernier de prendre le problème par le petit bout islamophobe et sécuritaire de la lorgnette alors que le vrai problème serait à chercher du côté de la « ségrégation sociale » .

    École publique : dérives communautaires, violences, et niveau en baisse

    Procès plus militant que réaliste car de multiples rapports ont montré que l’école dite républicaine est le siège de dérives communautaires incessantes en provenance de l’islam : tel élève refuse le rouge dans les classes car cette couleur n’est pas autorisée par le Coran, tel autre ne veut pas aller à la piscine car s’il boit la tasse, cela va casser son jeûne du ramadan, etc.

    Elle est aussi le lieu d’une violence de moins en moins discrète entre élèves ou vis-à-vis des enseignants dont ces derniers ont fini par parler en masse avec le hashtag #pasdevague suite au braquage d’une de leurs collègues par un élève qui pointait sur elle une arme factice mais très convaincante. Nul besoin de tomber dans l’excès sécuritaire quand il s’agirait d’abord pour le gouvernement de remplir ses missions régaliennes avec sérieux – ce qui n’est malheureusement pas du tout le cas .

    Sans compter la dramatique baisse du niveau académique qui affecte tous les élèves depuis plus de 30 ans, indépendamment de leur catégorie sociale d’origine.

    Mais finalement, en ce qui concerne l’article susmentionné, peu importe, car il est en lui-même d’une grande richesse de témoignages qui montrent à quel point notre pachydermique secteur public de l’Éducation fait de plus en plus figure de repoussoir pour qui veut accéder à un service éducatif digne de ce nom.

    Passer de l’école publique à l’école privée

    On sait depuis longtemps que nombre de familles aisées – parmi lesquelles beaucoup voteront toujours à gauche et vous diront toujours à quel point la France s’honore d’avoir un enseignement public de l’envergure de notre mammouth – optent pour le privé ou font du moins tout pour échapper à la fatalité de la carte scolaire via le jeu des matières optionnelles et des adresses de complaisance.

    Mais de nombreux parents des quartiers défavorisés font eux aussi de plus en plus souvent le choix de l’école privée catholique située à proximité de chez eux pour éviter à leurs enfants l’enfermement communautaire et la dérive de violence qu’ils ont eux-mêmes connus il y a 20 ou 30 ans – et, comme le précisent certains, à l’époque ce n’était rien par rapport à aujourd’hui.

    Pour Khaled Baki, père de famille du quartier de La Paillade à Montpellier, il est un signe qui ne trompe pas :

    Quand j’étais à l’école primaire, le directeur habitait le quartier et sa fille Valérie était dans ma classe. Aujourd’hui, c’est fini tout ça. Les enseignants n’habitent plus le quartier et n’y inscrivent plus leurs enfants… C’est ce qui me choque le plus.

    Donc pour ses filles, la décision fut simple : le collège Saint Roch situé à quelques minutes du domicile familial pour fuir ce ghetto où il ne fait pas bon mettre en avant son goût pour l’école et ses bonnes notes.

    Laura, l’une des mamans interrogées, raconte avoir connu « tous les quartiers chauds de Toulouse » dans son enfance. Elle a même été en classe avec Abdelkader Merah, qui a été condamné à 30 ans de réclusion pour complicité des sept assassinats de son frère le terroriste islamiste Mohammed Merah :

    Il tenait déjà des propos limites… Je pense que c’est une histoire d’éducation et d’enfermement , et je veux autre chose pour mes enfants.

    Tant il est vrai que le séparatisme islamiste et la pression communautaire incessante ne sont pas une vue de l’esprit. Dans le quartier de Laura, les enfants qui fréquentent l’école privée Sainte-Germaine comme son fils sont attirés par les autres avec des formules du type « V ous êtes de la famille, venez avec nous ». Les mères redoutent par-dessus tout que ces avances qui jouent sur la corde affective n’entraînent leurs enfants dans les trafics de drogue ou la délinquance.

    De son côté, loin de se cantonner au recrutement d’enfants de familles aisées dotés d’un bulletin scolaire impeccable, l’enseignement catholique considère qu’il est dans son rôle en accueillant des élèves d’origines diverses dont les familles sont en recherche d’encadrement, de sérieux et, pourquoi pas, d’une vraie possibilité d’intégration avec à la clef toutes les promesses de l’égalité des chances ainsi que celles d’un ascenseur social qui se remettrait à fonctionner.

    Ainsi que l’explique Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique :

    Nos instances ont défini des politiques nationales destinées à privilégier la mixité sociale et le développement des formations professionnelles, pour que l’accueil de tous soit une réalité.

    Mais il n’est pas rare que ces écoles ne deviennent elles aussi les cibles des incivilités et des violences qui gangrènent les quartiers dans ou à proximité desquels elles sont situées. Les parents et enseignants interrogés par Mediapart le disent et les élèves ainsi que le personnel de l’école primaire Monseigneur Cuminal située en bas d’une tour du quartier d’Étouvie à Amiens viennent d’en faire la triste expérience :

    L’école subit quotidiennement les jets d’objets et de déchets en tout genre lancés depuis les étages au pied des classes. Des agressions du voisinage, différents trafics à proximité, des intrusions et occupations sauvages de la cour, des rodéos près de l’école participent à l’insécurité et empêchent l’école de fonctionner normalement.

    Résultat, cette annexe de quatre classes ouvertes spécialement pour apporter une solution éducative à des familles abandonnées par les pouvoirs publics se trouve en quelque sorte abandonnée elle-aussi par défaut de présence et d’action régalienne dans son quartier et sera fermée à la fin de l’année scolaire. Les élèves seront éventuellement redéployés dans d’autres locaux.

    Il eut cependant été étonnant que Mediapart ne donnât pas la parole au sociologue de service pour qu’il vienne rappeler quand même les vertus égalitaristes indiscutables du monopole étatique de l’éducation :

    Il faut déconstruire l’idée de familles libres de leurs choix. Quand on entre dans les détails, le système éducatif est d’autant plus inégalitaire là où il est le moins régulé par la force publique.

    Dans son idée, les gens des ghettos n’ont pas vraiment le choix. Ils pensent peut-être permettre à leurs enfants de s’en sortir en quittant l’école publique, mais ils sont voués à déchanter rapidement au regard des critères élitistes et financiers du privé qui, de plus, ne les considérera jamais comme faisant partie du même monde que les autres élèves. La vision marxiste, la lutte de classes.

    Laisser le choix aux parents dans l’éducation de leurs enfants, quelle horreur !

    De toute façon, il est établi depuis longtemps par les dévoués syndicalistes qui foisonnent dans l’Éducation nationale que l’idée de choix est totalement pernicieuse et contraire au principe de l’égalité. Petit exemple : l’enseignement privé organise des portes ouvertes. À les croire, c’est carrément l’horreur consumériste !

    Dans notre fonctionnement, on est obligé de s’aligner sur le privé qui fait des portes ouvertes, donc voilà, on fait des portes ouvertes sinon les parents ne peuvent pas ‘choisir’ l’école. Et donc voilà, on est dans une consommation de l’école. ( vidéo , à partir de 18′ 20″)

    C’est vrai, quoi ! Laisser le choix aux parents dans l’éducation de leurs enfants, quelle horreur ! Mais qu’on nous rende notre monopole , s’exclament en substance nos syndicalistes, cette concurrence du privé est déloyale !

    On ne s’étonnera donc pas de lire en commentaire de l’article de Mediapart l’éternelle diatribe gauchiste contre les financements publics reçu par le privé (comme si les parents du privé ne payaient pas aussi des impôts) ainsi que cette belle envolée d’idéologie complètement butée (photo ci-dessous) :

    L’école publique, l’école de la République, la seule école libre, doit être fière d’accueillir tous les élèves sans distinction.

    Les témoignages des familles, les récits de leur quotidien, leurs espoirs de réussite ? Rien de tout cela ne fait le poids face au dogme.

    La dégringolade éducative de l’Éducation nationale, la violence, le communautarisme ? Un faux problème. L’important c’est l’égalité et l’égalité, cela veut dire : tout le monde sans exception dans la même galère.

    Il n’en est que plus drôle de lire à la fin de l’article de Mediapart que l’une des élèves concernées, très à l’aise en classe de CM2 à l’école de la Sainte-Famille à Montpellier, a déjà décidé que plus tard, elle serait… notaire ! Hou la la ! À ne surtout pas dire au sociologue de service !

    Sur le web

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      Islamo-gauchisme à l’université : Frédérique Vidal ouvre la boîte de Pandore

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 17 February, 2021 - 13:00 · 7 minutes

    Par Frédéric Mas.

    En lançant une enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’université, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a provoqué l’indignation des universitaires et d’une partie de la classe politique et médiatique. Madame Vidal a ainsi annoncé sur Cnews avoir chargé le CNRS de mener une « étude scientifique » pour définir ce qui « relève de la recherche et du militantisme » .

    Elle est revenue à la charge ce mardi devant l’Assemblée nationale : va être mis en place un bilan de recherches afin de distinguer « ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ». Déradicaliser les facs en commandant un rapport ? L’ambition paraît à la fois extraordinaire dans ses buts et plutôt modeste dans ses moyens.

    Sur les bancs de la gauche radicale, qui s’est sentie visée, on s’est insurgé contre une « chasse aux sorcières » intolérable. La conférence des présidents d’université n’est pas en reste. Elle n’a pas caché son indignation, jugeant la « polémique stérile » . Elle regrette la « confusion » faite entre liberté académique et « ce qui relève d’éventuelles fautes et infractions » . Elle condamne également l’ « instrumentalisation » du CNRS.

    La gauche universitaire, elle, se moque. Les facs françaises seraient-elles aux mains de hordes de maoïstes pénétrés des idées de Khomeiny ? Tout cela tient du café du commerce et le monde éthéré de la recherche et de l’enseignement supérieur n’a de comptes à rendre qu’à lui-même, liberté académique oblige. Et puis d’abord l’islamo-gauchisme, est-ce que ça existe, en dehors des plateaux télé de Cnews et des pages de Valeurs actuelles ?

    La gauche républicaine contre l’islamo-gauchisme

    Pour certains, parler d’islamo-gauchisme, c’est faire de la politique et pas de la science. Seulement l’argument suppose que l’enseignement échappe comme par magie au débat public.

    L’expression « islamo-gauchiste » est une invention sémantique du politologue Pierre-André Taguieff pour désigner une reconfiguration particulière de la gauche de la gauche qui s’est accommodée de l’islamisme ou pire encore, qui l’instrumentalise comme critique de l’Occident et du capitalisme.

    Ce n’est pas un élément de langage de l’extrême droite, mais de la gauche républicaine. Il s’agissait pour elle de désigner une frange de la gauche radicale en rupture avec d’autres courants d’émancipations classiques. Bien entendu, comme tout ce que la gauche abandonne, comme la liberté d’expression, la laïcité ou la République, l’extrême droite s’est empressée de se réapproprier le terme.

    Pour Philippe Raynaud , la tolérance d’une partie de la gauche de la gauche vis-à-vis de l’islamisme la mettait déjà en tension vis-à-vis des courants républicains mais aussi des courants féministes et/ou favorables à la liberté des mœurs « qui perçoivent l’‘intégrisme’ musulman comme un danger (au moins) aussi grave que le conservatisme traditionnel 1 ».

    Les affinités entre les franges les plus collectivistes et réactionnaires de l’Islam et celles du gauchisme le plus nihiliste n’étaient il y a 15 ans qu’un courant mineur de la gauche. Aujourd’hui, avec l’effondrement de la gauche républicaine modérée, les rapports de force ont changé.

    La pression islamiste dans les médias et au sein des partis politiques de gauche s’est accrue, comme elle s’est accrue au sein de la société civile et des services publics. Pourquoi l’université serait-elle épargnée ? L’idéologie décoloniale et indigéniste qui en normalise le discours fait partie de l’éventail idéologique de la gauche actuelle, gauche qui a toujours prospéré dans l’enseignement public.

    Quelle frontière entre opinion et recherche ?

    Seulement Frédérique Vidal ouvre la boîte de Pandore. La frontière entre la science et la politique est sujet à débats depuis la naissance même des sciences sociales. Existe-t-il un étalon universel et faisant consensus au sein de la communauté scientifique permettant de distinguer l’opinion de la connaissance ?

    Les différentes variétés de marxisme, de théories post-modernes ou de sociologies critiques qui prospèrent dans l’enseignement supérieur s’accordent au moins pour réduire la science à des rapports de pouvoir, d’idéologie et de domination.

    Dans la discipline économique, toute pensée hétérodoxe, en particulier libérale, est proscrite. Pour qu’un Jean Tirole puisse être reconnu sur le plan mondial, il a fallu s’extraire du système universitaire français et inventer l’école capable de recruter et de former en se tenant à distance de la tambouille idéologico-politique de la gouvernance des universités comme de ses réflexes corporatistes profonds.

    Avec les Cultural Studies qui s’installent depuis maintenant une dizaine d’années en France, la frontière a totalement disparu aux yeux même de ses pseudo-chercheurs : la position de pouvoir que constitue l’enseignement doit servir de levier pour transformer la société en fonction de la critique féministe, post-coloniale, racialiste, etc. L’idéologie doit tout commander, y compris la recherche en sciences exactes.

    Faudra-t-il ressusciter le positivisme sociologique comme idéologie étatique officielle pour distinguer clairement les rentes idéologiques qui se sont agrégées au sein des universités des chercheurs consciencieux qui travaillent tranquillement dans leur labo ? L’exercice paraît vain et peu praticable, Auguste Comte est bien mort.

    La solution libérale

    Une solution libérale pourrait orienter l’action publique pour aider à dégonfler l’extrémisme anticapitaliste, dont l’islamo-gauchisme n’est qu’un avatar, au sein de l’université.

    Elle nous est suggérée par le philosophe Robert Nozick . Beaucoup d’intellectuels sont anticapitalistes parce qu’ils estiment que le système économique ne récompense pas leurs compétences correctement. De leur point de vue, ils méritent plus que les honneurs et le statut que le marché tend à leur donner. Ils vont donc valoriser les politiques publiques et les idéologies qui vont modifier les règles du jeu économique pour leur attribuer une plus grande place en société.

    Cela peut se traduire politiquement par la monopolisation étatique de l’enseignement supérieur pour pallier une pseudo-défaillance du marché des honneurs et du prestige social.

    Privatiser l’enseignement supérieur ou au moins libéraliser l’enseignement supérieur pourrait ainsi participer à dégonfler le marché des « intellectuels radicaux » et à les renvoyer à leur véritable valeur aux yeux du reste de la société, c’est-à-dire à pratiquement rien, et cela sans attenter aux libertés universitaires. Plus ambitieux qu’un rapport du CNRS mais moins porteur électoralement parlant, pas sûr que cela séduise nos édiles…

    1. Philippe Raynaud, L’extrême gauche plurielle , Cevipof/autrement, p.50.
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      Démocratiser les grandes écoles : pourquoi ça coince ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 February, 2021 - 03:30 · 7 minutes

    grandes écoles

    Par Marie Duru-Bellat.
    Un article de The Conversation

    Alors que les élites françaises, économiques et politiques, sont volontiers critiquées pour la base très étroite de leur recrutement – 84 % d’anciens des grandes écoles parmi les dirigeants des entreprises du CAC 40, par exemple –, les grandes écoles sont l’objet, notamment depuis une vingtaine d’années, de diverses Chartes ou dispositifs qui visent à en élargir le recrutement.

    Car aujourd’hui, les deux tiers de leurs étudiants (et même presque 80 % dans les 10 % des écoles les plus sélectives) sont d’origine sociale très favorisée (cadres, chefs d’entreprise, professions libérales et intellectuelles). Ceci correspond, si on se cale sur les élèves de troisième, à des chances d’accéder à une grande école 9 à 10 fois supérieures, pour ces élèves, par rapport à ceux de milieu défavorisé.

    Ces constats interrogent : ces élites sont bien monolithiques et on peut s’interroger sur la pertinence de la formation en grande école pour nombre de ces positions de pouvoir… Mais après tout, si l’on était certain qu’accéder à une grande école ne fait que refléter le mérite, il n’y aurait là rien de choquant, dans une société qui rejette l’hérédité des positions sociales au profit d’une sélection des plus méritants, tâche qu’est censée assurer l’institution scolaire.

    Alors que le caractère très typé socialement des diplômés des grandes écoles fait soupçonner une entorse au jeu méritocratique, le rapport très fourni de l’Institut des Politiques Publiques, documente les facteurs qui viennent le contrarier, à savoir, outre l’origine sociale, le genre et l’origine géographique. Et ce alors que les diverses actions mises en place depuis les années 2000 n’empêchent pas une grande stabilité !

    Une ségrégation sociale massive

    Concernant l’impact très fort de l’origine sociale, les auteurs notent que les inégalités sociales de réussite en amont n’expliquent pas tout, environ 50 % si on se cale sur le niveau en fin de troisième. Cela dit, les scolarités jusqu’en troisième sont de moins en moins sélectives, et les filières où l’on accède au lycée le sont, elles, de plus en plus.

    Depuis 30 ans, la réelle démocratisation de l’accès au bac s’est accompagnée d’une diversification des bacs, avec notamment le bac professionnel. Cette évolution s’est faite à telle enseigne que les chances d’accéder à un bac général – porte d’accès incontournable pour une grande école – n’ont pas augmenté ces dernières années pour les enfants des milieux les plus défavorisés. Ils sont aspirés par la filière professionnelle, tandis que les probabilités d’obtenir un bac scientifique varient presque de 1 à 10 selon les milieux.

    Ces inégalités sociales de réussite sont très précoces : les chances d’obtenir un bac général ou technologique sont elles-mêmes extrêmement inégales selon le niveau scolaire à l’entrée en sixième, lui-même lié au niveau à l’entrée à l’école élémentaire.

    On ne saurait donc espérer démocratiser l’accès au sommet de l’élite scolaire – par des bourses au mérite distribuées à 18 ans par exemple – si dès le cours préparatoire des inégalités sociales de réussite s’accumulent, que l’école ne parvient pas à contrer.

    Des facteurs culturels et matériels

    Cependant, la réussite scolaire ne fait pas tout. Alors que globalement, les filles réussissent mieux leurs études secondaires, et représentent 55 % des effectifs de niveau bac + 3 à bac+5, elles ne comptent que pour seulement 42 % des effectifs des grandes écoles et 37 % des plus sélectives.

    Mais là aussi, on ne peut se contenter d’une approche globale calée sur le niveau en fin de troisième. En effet, au lycée, les choix d’options et de filières, qui anticipent les orientations dans le supérieur et la vie professionnelle, sont sexués. À ce stade, les filles n’évitent pas tant les maths que la physique et veillent à rester relativement polyvalentes, ce qui facilitera leur accès aux écoles de commerce ou à Sciences Po.

    De fait, leur sous-représentation concerne avant tout les écoles d’ingénieurs (26 %), alors que des filières comme Sciences Po Paris ou, à un degré moindre, les écoles de commerce, sont largement féminisées.

    Ici intervient d’une part le poids des stéréotypes qui connotent comme masculines ou féminines les disciplines scolaires, et qui, notamment parce qu’ils marquent inconsciemment les attentes des enseignants, canalisent très tôt le sentiment d’efficacité et les projets des élèves. D’autre part, il faut compter avec l’anticipation d’un monde du travail loin d’être mixte, où il semble plus ou moins facile de se projeter, selon son genre, dans telle ou telle profession. Seules des évolutions sociales de longue haleine peuvent ici atténuer ces freins.

    Les grandes écoles sont également très parisiennes : 30 % des étudiants de grande école ont passé leur bac à Paris ou en Île-de-France (contre 19 % des bacheliers), un chiffre qui monte à 41% dans les 10 écoles les plus sélectives. Ces inégalités sont clairement contraires à l’idéal méritocratique : peu expliquées (20 %) par les inégalités de réussite en troisième, c’est avant tout l’inégale distribution sur le territoire des classes préparatoires et des écoles qui doit être incriminée, tant on sait que l’« offre » éducative locale impacte les choix des lycéens.

    Si on ne choisit pas la région où l’on grandit, certaines familles bien informées essaient de choisir le lycée optimal et y parviennent. La moitié des effectifs des écoles les plus sélectives provient de seulement 8 % des lycées.

    Il faudrait alors, si on ne veut pas supprimer les possibilités de choix d’un lycée, contrôler plus strictement le profil des lycéens mutants, et favoriser une implantation d’établissements dans les villes moyennes . C’est ce qui a été fait par les classes préparatoires privées (et aussi les classes préparatoires ouvertes aux bacheliers technologiques), mais ce sont surtout les élèves des classes moyennes qui en ont profité.

    Les inégalités géographiques traduisent aussi le fait que la mobilité a un coût pour les familles. Si les questions de logement sont essentielles, le fait que ce soit pour les écoles de commerce que les inégalités scolaires soient le moins à même d’expliquer leur sélectivité sociale rappelle que le coût des études joue un rôle non négligeable.

    D’où la nécessité de bourses, dans un contexte où les possibilités de financer en partie ses études par un job d’étudiant sont quasiment exclues en classe préparatoire aux grandes écoles et dans celles-ci mêmes.

    Intervenir tôt et jouer sur les structures

    Au total, il est clair que les mesures intervenant au niveau du lycée restent bien trop tardives puisqu’une bonne part de la carrière scolaire des élèves est déjà jouée, de même que l’image, par les élèves, de leurs propres compétences.

    On ne peut pas non plus se contenter d’agir au niveau des personnes, notamment sur les motivations ou l’information, car les carrières se jouent dans un contexte tout aussi décisif, qui rend certaines autocensures relativement rationnelles :

    • une offre de formation locale,
    • des études inégalement coûteuses,
    • un marché du travail sexué,
    • un accès à l’élite accaparé par les sortants des grandes écoles.

    Jouer sur ces éléments structurels est capital, même si on peut envisager des voies plus radicales : supprimer cette voie si française (qui polarise les stratégies des parents bien en amont du bac), et diversifier les voies d’accès à l’élite, en tout cas rendre moins inégales les perspectives professionnelles des différentes filières du supérieur.

    Tant que l’accès aux grandes écoles se fera sur la base d’une sélection scolaire biaisée dès les petites classes, tant que l’accès aux positions les plus enviables mettra en compétition des jeunes dotés par leurs familles d’atouts inégaux, aussi longtemps donc que les familles seront inégales à maints égards, les politiques publiques de démocratisation ont peu de chances d’aboutir, sans compter qu’on ne s’attend pas à ce que ceux qui parviennent actuellement à accaparer les grandes écoles et leurs débouchés militent pour ces changements…

    Marie Duru-Bellat , Professeure des universités émérite en sociologie, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      Autrefois, nous pouvions décider de l’intérêt de notre enfant

      Isa Lise · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 27 January, 2021 - 04:00 · 5 minutes

    enfant

    Par Isa Lise.

    Dans cet article, je vous propose une vision de ce que sera l’avenir si l’instruction en famille est soumise à autorisation . Je précise que chacune des situations évoquées est réelle, basée sur des expériences partagées avec moi : accord ou non du CNED réglementé. Le CNED réglementé étant la possibilité d’apprendre à domicile avec soutien de l’État et cours fournis.

    Ces conditions seraient identiques si l’instruction en famille devenait soumise à autorisation. La seule différence serait peut-être dans la possibilité ou non d’apprendre sans le CNED, son enseignement ne convenant pas à tous les enfants.

    Impossible de choisir pour mon enfant en situation de pandémie

    19 janvier 2021 : la pandémie dure depuis près d’un an. École imposée pendant un confinement, masque imposé chez les petits. Si je ne suis pas d’accord, estimant que mon enfant voit ses apprentissages perturbés par le masque ou bien estimant que le risque d’infection est trop grand, je peux exercer pleinement mon autorité parentale et choisir de ne pas l’envoyer à l’école et déclarer l’instruction en famille.

    19 septembre 2021 : la pandémie n’est pas encore derrière nous, mais désormais l’instruction en famille n’est plus une option. Elle est soumise à autorisation. Hélas, cette autorisation m’a été refusée car mon enfant ne présente pas de troubles médicaux graves, son asthme n’a pas été retenu comme tel.

    Je n’ai pas le choix. Mon autorité parentale passe après l’autorité de l’État.

    Mon enfant a failli mourir hier, pourtant je dois l’inscrire à l’école, je n’ai pas le choix

    19 janvier 2021 : mon enfant est harcelé jour après jour. Il n’en peut plus. Je peux choisir de ne pas le conduire à l’école et de l’instruire en famille.

    19 septembre 2021 : je dois demander une dispense pour « situation particulière de l’enfant » (quatrième et dernière cause d’autorisation après le problème de santé ou handicap, le sport ou art de haut niveau, et enfin, l’itinérance non choisie de la famille). Faut-il que mon enfant aille à l’école en attendant ? La loi précise que l’inspection académique a deux mois pour me répondre et qu’un silence au-delà de deux mois équivaut à accord. J’ai essayé d’obtenir un certificat médical, mais le médecin est frileux à le réaliser, la loi prévoit des sanctions en cas de faux. Or si la situation est réelle, le médecin n’est pas psychologue pour évaluer les dégâts et si l’inspection académique conclut à un retour à l’école, il craint d’être accusé…

    Tant pis, je prends le risque de le garder à la maison, il va trop mal…

    15 novembre 2021 : c’est un refus ! Mon enfant doit retourner à l’école. En l’apprenant, il a émis le souhait d’en finir…

    Impossible d’apprendre autrement

    Mon enfant est dyspraxique et à haut potentiel (en cours de diagnostic). Un grand écart difficile à comprendre par l’école. Quand il termine plus tôt, on lui propose des exercices supplémentaires qui l’ennuient car répétitifs. Il écrit mal, il est puni durant la plupart des récréations, il doit réécrire, tant pis s’il n’y parvient pas. Je croise les doigts pour un enseignant plus sympa (l’année dernière, la maitresse était à l’écoute) et j’essaie d’expliquer… Et puis j’espère enfin un diagnostic et une reconnaissance de son handicap, seul moyen pour assurer des aménagements nécessaires…

    19 janvier 2021 : mon enfant est à bout de forces, j’ai envie d’essayer une autre approche, je le déscolarise, j’en ai le droit. Je découvre alors qu’il apprend bien mieux en manipulant et par du concret. Il n’est plus un cancre qui entend des reproches tels que « tu ne t’appliques pas ! » « tu es bête ». Il devient fier de lui.

    19 septembre 2021 : mon enfant n’est pas encore reconnu handicapé (au moins un an de délai). Je demande une autorisation pour l’instruire moi-même en raison d’une « situation particulière de l’enfant », mais elle est refusée… Dans une autre académie, j’aurais peut-être eu une réponse positive ; cette réponse est une véritable loterie…

    Impossible pour l’enfant de grandir à son rythme

    19 janvier 2021 : mon bout de chou n’est toujours pas propre. Il dort chaque après-midis, se lève tard. Je peux choisir d’attendre un peu pour l’école.

    19 septembre 2021 : mon bout de chou va à l’école avec une couche. Il marche au radar. Il n’a pas le choix. C’est un enfant de la République, pas un tout petit à peine sorti de l’état de bébé.

    Projet de loi : retour à la réalité

    À l’heure actuelle, près de 40 amendements de suppression de l’article 21 de la loi visant à « renforcer les valeurs de la République » . Cependant, le ministre de l’Éducation, la rapporteure et bien d’autres n’en démordent pas : l’instruction en famille doit être soumise à autorisation. Peu importe que la loi encadrant l’instruction en famille est déjà posée et stricte : déclarations, contrôles, fortes amendes si non respect, possible contrôle à l’improviste et injonction de scolarisation.

    Aucune réalité ne justifie ce choix. La liberté des parents et l’intérêt de l’enfant passent après ceux de l’État. L’autorité parentale passe après celle de l’État, faisant mentir l’article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme :

    Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leur enfant.

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      Une génération sacrifiée : la Covid-19 sur la vie des étudiants

      Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 21 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    étudiants

    Par Alexandre Massaux.
    Un article de l’ Iref-Europe

    Dès le début de la pandémie, nous avons attiré l’attention sur les risques du confinement pour la situation économique et la santé de la population, particulièrement celle qui se trouve dans une position précaire. Malheureusement les effets néfastes sont en train de se concrétiser. Parmi les victimes, la jeunesse et les étudiants.

    Les effets psychologiquement désastreux du confinement sur les étudiants

    Selon une étude publiée en septembre 2020 par l’Observatoire de la vie étudiante et portant sur le premier confinement, 31 % des étudiants ont présenté des signes de détresse psychologique dans cette période. Nervosité (34 % des étudiants), tristesse et abattement (28 % souvent ou en permanence), découragement (16 % souvent ou en permanence) en étaient les symptômes les plus visibles.

    Trois catégories d’étudiants sont particulièrement touchées : ceux qui ont des problèmes d’argent (46 % contre 24 % de ceux qui n’en ont pas), les étrangers (43 % contre 29 % chez les étudiants français) et les filles (36 % contre 25 % des garçons).

    La grande vulnérabilité mentale des étudiants en difficulté financière montre qu’opposer l’économie à la santé a été un non-sens. Comme le met en avant un rapport parlementaire du 16 décembre 2020, « Pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse », 46 % des étudiants exerçaient en 2016 une activité rémunérée parallèlement à leurs études.

    Le rapport met en évidence l’impact négatif du confinement sur ces emplois : 38 % des étudiants ont été obligés de l’abandonner, 21 % ont travaillé moins et seulement 15 % ont travaillé davantage. Bien évidemment, la plupart des étudiants qui travaillent le font par nécessité, très souvent dans les secteurs les plus touchés par les restrictions, restauration et commerce. On se doute que ce sont eux dont l’état psychologique est le plus en danger.

    Décrochages dans les études supérieures et dans le recrutement

    Cette situation affecte aussi le parcours des étudiants. Selon un sondage Ipsos pour le syndicat étudiant Fage , 84 % d’entre eux considèrent que le confinement a provoqué un décrochage dans leurs études. Ce phénomène ne touche pas que la France. Selon la Fédération des Étudiants francophones de Belgique , 60 % des étudiants se disent être en décrochage et 10 % envisagent d’arrêter leurs études. En outre, le confinement a freiné, voire bloqué, leur entrée sur le marché de l’emploi.

    Comme le montre le sondage Ipsos : « Près de 4 jeunes sur 10 actuellement à la recherche d’un emploi étaient engagés dans un processus de recrutement au moment du confinement, processus qui a été annulé ou suspendu (36 %). »

    Le plus inquiétant peut-être est que ces données ne concernent que le premier confinement. Il faut craindre que la situation ait empiré depuis. On n’ose envisager les risques que ferait courir un troisième confinement…

    La volonté du gouvernement d’offrir un « chèque de santé mentale » , permettant « aux étudiants de ne pas avoir à avancer l’argent des consultations de psychologues en ville » , revient à s’attaquer aux symptômes plutôt qu’à la cause du problème. Envoyer les jeunes se faire soigner psychologiquement aux frais de l’État (et donc du contribuable), ne peut être une solution satisfaisante.

    Mieux vaut prévenir que guérir : en l’occurrence, il s’agirait de laisser davantage de libertés aux jeunes qui sont moins sujets à développer des symptômes graves et de renforcer les mesures ciblées sur les populations vulnérables au virus. Plus généralement, il faudrait rouvrir les universités et les écoles, sous réserves de précautions élémentaires.

    Sur le web

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      La liberté d’instruction disparaîtra avec la loi sur les séparatismes

      Isa Lise · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 20 January, 2021 - 04:20 · 5 minutes

    vie des Français Macron

    Par Isa Lise.

    Après la liberté d’instruction, combien d’autres libertés parentales ou individuelles pourraient être remises en question ?

    La communauté sans école sous le choc

    Le 2 octobre, le président de la République a annoncé un projet de loi sur les séparatismes . Au nom de la lutte contre le radicalisme, il entend soumettre l’instruction en famille à autorisation, en réalité l’interdire car les seuls cas évoqués sont ceux du CNED règlementé :

    • Enfants handicapés ou présentant un problème de santé suffisamment grave
    • Sport ou pratique artistique de haut niveau (à prouver)
    • Itinérance non choisie de la famille
    • Éloignement géographique conséquent d’un établissement scolaire

    Pour les familles sans école, c’est un choc terrible.

    Certains ont choisi une vie alternative, à l’écoute de tous les besoins de leur enfant (pas de réveil précoce, pas de sieste imposée ou au contraire supprimée, pas de pipi sur commande, etc.), souvent une vie écologique. Leur mode de vie est remis en question. Leurs opinions ne semblent avoir aucune valeur.

    La liberté naturelle consiste dans le droit de faire tout ce qui ne nuit pas au droit d’autrui. Nicolas de Condorcet

    La devise de la France est « Liberté, égalité, fraternité. Notre Constitution, la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen affirment le droit à la liberté.

    Article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme :

    « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leur enfant ».

    À quel moment les parents ont-ils perdu ce droit ?

    Le gouvernement affirme qu’il s’agit de lutter contre la radicalisation pour justifier ce choix. Mais aucun chiffre ne permet de l’étayer.

    Le conseil d’État a invité à ajouter une situation supplémentaire au projet de loi devenu « loi confortant le respect des valeurs de la République » :

    « L’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. » (extrait de l’article 21)

    Un choix pour l’enfant, pas contre la République

    La défenseure des droits a pointé des « risques d’atteintes aux libertés », estimant qu’il n’y avait pas lieu de soumettre ainsi l’instruction en famille à autorisation, la loi étant déjà stricte : contrôles, risque d’amende très élevée en cas de non respect, injonction de scolarisation si défaut d’instruction.

    De plus, le gouvernement a reconnu à plusieurs reprises que très peu de familles étaient concernées par un risque de radicalisation !

    Les exemples cités concernent certaines écoles, pas les familles sans école. Les écoles clandestines sont interdites par la loi.

    Alors pourquoi vouloir limiter ainsi ?

    La vie humaine n’est point une lutte où des rivaux se disputent des prix ; c’est un voyage que des frères font en commun… Nicolas de Condorcet

    La souffrance s’ajoute au choc pour un grand nombre de familles sans école.

    Ne devrions-nous pas nous soutenir au lieu de créer des amalgames qui ne correspondent nullement à la réalité ?

    En effet, si certaines familles ont fait ce choix de longue date, pour d’autres, c’est une souffrance de leur enfant qui les amenés sur ce chemin : harcèlement, phobie, système inadapté (précocité, difficultés d’apprentissage, autisme, etc.).

    On pourrait penser qu’au moins ces familles auraient la possibilité de permettre à leur enfant d’apprendre ailleurs qu’à l’école. Rien de moins certain ! En effet, la situation particulière sera évaluée par des tiers. Sur quels critères jugeront-ils ? À l’heure actuelle, le CNED règlementé peut être accordé pour des enfants en phobie scolaire et pourtant, nombreux sont ceux qui n’obtiennent pas cet accord.

    La possible interdiction d’apprendre autrement

    De plus, quelle instruction pour ces enfants qui obtiendraient l’autorisation ? Auront-ils la possibilité d’apprendre autrement ou bien devront-ils être inscrits au CNED qui est une stricte reproduction de l’enseignement à l’école, un système qui est souvent à l’origine de la déscolarisation…

    Les familles sans école sont un grand laboratoire d’explorations . Elles peuvent apporter à la communauté éducative par la pratique de pédagogies alternatives , elles l’ont déjà fait, explorant des chemins oubliés ou de nouveaux chemins.

    Des enfants en danger

    Comment les urgences seront-elles traitées ? Aujourd’hui, si un enfant parle de mourir car il n’en peut plus d’aller à l’école (harcèlement, phobie ou profil particulier), son parent peut le déscolariser en urgence. Si la loi est votée, il devra attendre différentes évaluations, que sa situation soit jugée suffisamment particulière…

    Depuis cette loi, des centaines de familles m’ont écrit leur désarroi et les cauchemars de certains enfants qui ont vécu des moments difficiles, qui commencent seulement à se reconstruire. À plusieurs reprises, on m’a même parlé de volonté de mourir…

    Des élus s’engagent

    Difficile de rester confiant face à une volonté d’acier qui refuse d’entendre les multiples témoignages et de reconnaitre la liberté essentielle ancrée dans notre République. L’espoir réside dans les élus qui s’engagent à nos côtés, conscients que cette liberté essentielle amoindrie risque fort d’être le jeu d’un État totalitaire par la suite. En effet, une fois l’autorisation inscrite dans la loi, il serait très facile pour une tyrannie de s’installer ainsi en manipulant les esprits enfantins.

    Si la volonté gouvernementale n’en est pas là, on peut légitimement s’inquiéter de la perte de cette liberté fondamentale et se demander quelle autre initiative parentale pourrait ensuite être remise en question ?

    Isa Lise est l’auteure de Faire l’école à la maison et L’école à la maison- Des pistes pour apprendre autrement . Elle est également la créatrice du Monde de Mei et Noé

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      Supprimer l’école à la maison est techniquement impossible

      Jean-Baptiste Noé · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 17 October, 2020 - 03:40 · 4 minutes

    école à la maison

    Par Jean-Baptiste Noé.

    La décision d’interdire l’école à la maison est une atteinte profonde à la liberté éducative et aux droits des parents d’instruire leurs enfants. C’est une mesure inutile pour lutter contre l’islamisation des jeunes puisque, jusqu’à présent, 100% des terroristes sont passés par l’école publique. Mais c’est aussi une mesure impossible à appliquer compte tenu de son coût et des besoins humains qu’elle nécessite.

    L’école à la maison aurait-elle plus de succès que l’on croit ?

    L’État a toujours dissimulé le nombre d’ enfants scolarisés à domicile pour camoufler la défiance des parents à l’égard de l’Éducation nationale. On ne pouvait accéder à ses données qu’en croisant plusieurs rapports et en recoupant les remontées d’association.

    Voilà qu’Emmanuel Macron, tout affairé à la lutte contre le séparatisme , a annoncé que 50 000 enfants étaient scolarisés à domicile, ce chiffre étant de 35 000 il y a cinq ans. C’est un terrible désaveu de l’école républicaine et laïque qui n’est plus capable d’instruire correctement les enfants.

    La plupart des parents qui choisissent l’école à la maison le font pour des raisons de commodités organisationnelles et pour permettre à leurs enfants de recevoir une instruction de qualité.

    Interdire l’école à la maison , c’est donc intégrer en septembre 2021 50 000 enfants supplémentaires dans l’école d’État. C’est techniquement impossible, car jamais le ministère ne pourra en supporter le coût financier et répondre aux besoins humains que cela suppose.

    Les classes ayant en moyenne 30 élèves, 50 000 élèves en plus à l’école représentent près de 1600 classes à créer. Soit autant d’instituteurs à embaucher. Ne connaissant pas l’âge de ces élèves il n’est pas possible de savoir lesquels iront à l’école et lesquels iront au collège.

    S’ils vont au collège, il faudra recruter encore plus de professeurs, en langues, en mathématiques, en physique, etc. des disciplines où la pénurie est forte. Confrontée au double phénomène d’un accroissement des démissions et d’une absence de candidats aux concours, l’Éducation nationale n’est plus en mesure de mettre les professeurs nécessaires en face des élèves. Lui ajouter 50 000 élèves à la rentrée prochaine, c’est accroître encore davantage une machine qui est déjà très fortement sous tension.

    Impossible de créer les classes nécessaires

    Une centaine d’établissements scolaires correspond à 1600 classes, étant bien entendu que les élèves scolarisés à domicile ne sont pas répartis de façon égale sur le territoire. Toujours est-il que pour les intégrer dans le système national d’éducation il va falloir créer de nouveaux établissements.

    Donc, trouver des terrains à bâtir et investir dans de nouvelles écoles. Recruter des chefs d’établissement, des administratifs, du personnel d’entretien, des surveillants, etc. Le coût d’investissement est colossal et ne pourra jamais être mobilisé d’ici septembre 2021. Quand bien même l’État disposerait des moyens financiers, il n’aura jamais le temps de construire ces établissements d’ici la rentrée prochaine.

    À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement. Le coût moyen d’un élève du primaire est de 6200 euros annuel, celui d’un collégien de 8600 euros. Intégrer 50 000 élèves dans l’école publique représente donc une dépense annuelle de près de 4 milliards d’euros. Jamais l’État ne trouvera l’argent nécessaire pour supporter et l’investissement et le fonctionnement généré par une telle décision.

    Souvenons-nous d’une promesse de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron : le dédoublement des classes de ZEP pour passer de 26 à 13 élèves par classe. Outre que cette mesure est inutile sur le plan pédagogique elle était impossible à réaliser sur le plan technique : dédoubler les classes signifie multiplier leur nombre par deux, donc d’instituteurs et d’établissements. Cette mesure n’a jamais été appliquée. Jean-Michel Blanquer a fait quelques dédoublements en Seine-Saint-Denis, pour donner le change et faire croire à son application, et tout s’est arrêté.

    Il en ira de même pour cette mesure. Les parents qui instruisent leurs enfants à la maison font réaliser d’importantes économies à la collectivité nationale : ils payent pour un service qu’ils ne consomment pas.

    Attendons donc les mois à venir et voyons comment le ministère de Grenelle va se dépatouiller de cette idée qui ne pourra pas aller plus loin que le papier.

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      Rentrée scolaire 2020 : que reste-t-il de « l’école d’après » ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 19 September, 2020 - 03:20 · 7 minutes

    rentrée

    Par Jean-François Cerisier 1 .
    Un article de The Conversation

    Malgré le contexte exceptionnel de la pandémie de Covid-19, le 1 er septembre 2020 fut somme toute un jour de rentrée scolaire presque ordinaire en France . Tous les élèves et leurs enseignants ou presque se sont retrouvés en présentiel. Aussi légitimes que soient les réticences et les craintes de certains, c’était une bonne nouvelle avec le secret espoir d’un retour durable à la normale, c’est-à-dire à la situation antérieure.

    Quelques jours plus tard, un rebond de la pandémie s’annonce. Sans véritablement parvenir à un consensus, les spécialistes discutent son ampleur et sa durée probables dont on comprend qu’elles dépendront de facteurs impossibles à maîtriser comme les comportements individuels et la date de disponibilité d’un vaccin.

    Selon les données publiées par l’Unesco , plus de 826 millions d’élèves sont concernés par une fermeture totale des établissements scolaires de leur pays et 450 millions par une fermeture partielle. Au Pérou par exemple, l’un des pays les plus touchés par la pandémie avec plus de 30 000 morts pour une population de 32 millions d’habitants (deux fois plus de morts qu’en France en proportion), les établissements scolaires ont été fermés le 12 mars et le sont encore, alors que l’année scolaire débute en mars pour se terminer à la fin décembre.

    En France, dix jours après la rentrée des classes, le porte-parole du gouvernement annonçait la fermeture de 32 établissements scolaires et de 524 classes, nombre faible au regard des 61 510 établissements publics et privés mais qui va croissant. Par ailleurs et sans qu’il soit possible de les comptabiliser précisément, un nombre conséquent d’élèves restent à la maison soit après un test positif au coronavirus, soit dans l’attente du résultat d’un test, soit par choix.

    C’est ainsi qu’en Seine-Saint-Denis, 4000 élèves manquaient à l’appel à la rentrée. Sur le terrain, seuls les masques, le gel hydroalcoolique, la logistique de circulation et l’affichage des mesures barrière rappellent la pandémie et le risque latent qui pèse sur l’école pour les semaines, les mois et peut-être les années à venir.

    Rentrée : mobilisation enseignante

    Le discours de l’État, maintes fois réitéré, se veut rassurant. Ainsi l’école serait-elle prête ! Prête à accueillir tous les élèves en présentiel et prête à activer l’un des deux scénarios de continuité pédagogique affichés par le ministère en fonction de l’importance des besoins. Le dispositif « ma classe à la maison » opéré par le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) est réactivé. Des enseignants et leurs élèves, placés en « quatorzaine » font de nouveau l’expérience de la « continuité pédagogique ».

    Avec le confinement, le premier plan de continuité pédagogique avait été lancé avec un succès mitigé que soulignent les premières études disponibles. Il fallait s’y attendre ! L’étude Talis , réalisée en 2018 par l’OCDE et publiée très récemment souligne :

    • le déficit de compétences des enseignants français dans la mobilisation des techniques numériques ;
    • le peu de communication des enseignants avec les parents ;
    • le faible recours à des modalités de travail collaboratives ;
    • les résistances au changement du système éducatif.

    Quatre problèmes dont l’importance s’est confirmée durant le confinement qui a produit un puissant effet de loupe pour observer les forces et les faiblesses du système éducatif mais aussi les opportunités et les menaces qui se présentent à lui. Même s’il faudra encore du temps pour que les différentes recherches universitaires puissent fournir des analyses solides, approfondies et suffisamment distanciées de l’urgence de la situation, tous les observateurs attentifs ont pu noter une série d’éléments qui font largement écho aux quatre points soulevés par l’OCDE.

    Le premier concerne l’évolution des pratiques pédagogiques. L’imprévisibilité de l’extension de la pandémie et donc des mesures sanitaires n’avait pu masquer l’impréparation de l’ensemble des institutions éducatives, en particulier en ce qui concerne la formation des enseignants à l’ingénierie pédagogique dont on sait que les principes, méthodes et outils (numériques ou pas) sont déterminants pour l’efficacité pédagogique et éducative.

    Nul doute pourtant que la mobilisation considérable des enseignants et de l’ensemble des services de l’Éducation nationale aura limité l’impact du confinement. Si le recours aux techniques numériques s’est avéré essentiel pour maintenir la médiation pédagogique, il s’est heurté à des défauts d’équipement et de connectivité mais plus encore à cette difficulté de déployer une ingénierie technopédagogique adaptée, susceptible de minorer les effets des déterminants sociaux sur les réussites scolaires.

    Graphique conçu à partir des données de l’étude Talis 2018 de l’OCDE. Stat Link , Author provided

    Le deuxième point, relatif à la place des parents à l’école, dont l’étude Talis montre qu’elle est plus faible en France que dans tous les autres pays de l’OCDE excepté la Belgique, a été radicalement questionné durant le confinement. Par nécessité et avec des modalités diverses, les parents ont été réintégrés dans la relation pédagogique. Ceux qui l’ont pu ont aidé leurs enfants en lien avec les enseignants et beaucoup ont découvert la nature et l’étendue du rôle des enseignants qu’ils ignoraient.

    Le troisième point concerne l’organisation collaborative du travail des enseignants et de l’ensemble des acteurs de l’éducation, parent pauvre des méthodes de travail françaises selon l’étude Talis. Là encore, le confinement a bouleversé la donne et l’on a vu s’activer ou de créer de nombreux collectifs.

    Aptitude au changement

    Pour autant, ce régime de bricolage généralisé, même s’il a suscité beaucoup d’initiatives originales et permis bien des apprentissages techniques et pédagogiques, n’a pu garantir l’accès efficace et équitable à l’éducation au cœur du projet républicain. Il révèle les faiblesses déjà identifiées avant la pandémie et dont on a pu observer les effets délétères. Il fait également apparaître des opportunités pour transformer le système éducatif.

    Là, la quatrième difficulté pointée par l’étude Talis a de quoi inquiéter. Le système éducatif français est peu enclin au changement. Beaucoup a pourtant été dit sur la société d’après Covid. L’espoir d’une école de l’après a fait bruisser les réseaux sociaux pendant des semaines. Aujourd’hui, le virus circule toujours et la rentrée est morose. Tout le monde a compris que le retour à l’École d’avant était compromis « jusqu’à nouvel ordre ».

    Deux questions se posent alors avec acuité. La première s’inscrit dans le présent. Au-delà du mantra gouvernemental, le système éducatif est-il véritablement prêt ? La deuxième nous invite à nous projeter dans le futur. L’école de demain adviendra-t-elle ? À la première, la réponse est malheureusement négative. Il y a bien eu une réaction technique : un effort d’équipement, un meilleur dimensionnement des plates-formes de services et de ressources mais elle ne saurait suffire à elle seule.

    La formation des enseignants, celle des élèves auxquels manquent souvent les compétences nécessaires pour étudier à distance et en autonomie, la réorganisation des relations avec les familles, l’ouverture au travail collectif et intercatégoriel de l’ensemble des acteurs de l’éducation ne se décrètent pas.

    La réponse à la deuxième question reste ouverte. Il est toutefois clair que les changements importants, parfois structurels et souvent culturels dont l’École a besoin exigent l’élaboration d’un nouveau contrat social et éducatif, fruit d’une démarche participative et délibérative. Les états généraux du numérique éducatif pourraient apporter des éclairages précieux à ce processus. Reste à espérer qu’ils puissent jouer ce rôle et laisser s’exprimer les retours d’expériences critiques autant que les propositions enthousiastes.

    Sur le web The Conversation

    1. Jean-François Cerisier est un adhérent de The Conversation , professeur de sciences de l’information et de la communication, Université de Poitiers.
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      Brevet, bac : relancer le système… à l’identique ?

      Nelly Guet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 5 April, 2020 - 03:35 · 5 minutes

    bac

    Par Nelly Guet.

    Contrôle continu

    Première grande annonce : le brevet et le baccalauréat ne donneront pas lieu à des épreuves reportées ultérieurement mais ils seront obtenus en fonction des résultats  du contrôle continu – des moyennes trimestrielles, donc – sur les trois trimestres de l’année scolaire 2019/2020.

    Seule exception : les épreuves orales de français, en classe de première, se dérouleront au début du mois de juillet.

    La fin de l’année scolaire est maintenue

    Deuxième grande annonce : la reprise des cours au 4 mai n’est qu’une hypothèse car l’on ignore à ce jour si  l’épidémie sera enrayée ou s’il faudra prévoir des semaines supplémentaires de  confinement.

    D’ores et déjà, la fin d’année scolaire est annoncée au 4 juillet avec obligation d’assiduité jusqu’à cette date, sous peine de ne pas obtenir les diplômes tant convoités.

    Pour les connaisseurs du fonctionnement interne des établissements scolaires, il est permis de douter de l’efficacité d’une telle menace… sans même imaginer une  période de canicule semblable à celle de 2019 avec des températures avoisinant 45°C dans certains départements.

    Les résultats obtenus pendant le confinement ne seront pas pris en compte

    La troisième annonce est de la plus grande importance. Dans un souci de justice sociale et afin de ne léser aucun élève, les résultats obtenus pendant la période de  confinement ne seront pas pris en compte. La messe est dite.

    Au lieu de s’emparer des conséquences bénéfiques de ce confinement sur les  pratiques pédagogiques découvertes par élèves, professeurs, et même parents, on les déclare non évaluables, car ne respectant pas le principe d’égalité de traitement de tous les élèves.

    C’est ignorer le principe très vivace qui perdure dans l’esprit de tous : seules les  activités -cours, exercices, travaux pratiques, ateliers… – donnant lieu à une  évaluation deviennent crédibles. Tout ce qui n’est pas évalué perd immédiatement de sa valeur.

    Uniformité du système éducatif

    Il eût été possible d’apporter à chacun, là où il se trouve, une aide personnalisée. Encore faudrait-il renoncer à vanter les mérites d’une organisation homogène en cette période de confinement (plus homogène que nos voisins, nous dit-on !) – et avoir opté dans le système éducatif français pour une évaluation des compétences, répertoriées dès 2005, dans ce qui fut nommé un « socle » et émanait en fait de recommandations européennes, vite rognées puis ignorées.

    Car il ne s’agit pas d’évaluer des tâches disparates définies au gré de l’interprétation des programmes par des professeurs jouissant d’une certaine liberté pédagogique, mais bien plutôt de se fier à un référentiel permettant l’acquisition de compétences à des rythmes variés.

    Ce confinement représente pourtant une opportunité inespérée pour passer de la notion de programmes dictés par l’inspection générale à celle de projets  pluridisciplinaires faisant même au besoin intervenir des partenaires extérieurs.

    Nulle nécessité de respecter le calendrier des vacances scolaires ! Tout bon professeur ayant mérité une pause est capable de définir, en concertation avec chaque élève, un plan de travail pour les deux semaines de vacances à la maison. À croire que l’on estime, en haut lieu, que les élèves ne peuvent travailler que si les professeurs sont en ligne.

    Toujours dans un souci de justice – comme si nos pratiques habituelles pouvaient prétendre l’être – des commissions d’harmonisation des notes, présidées par des  inspecteurs généraux, veilleront à ce que des calculs subtils sur les notes attribuées par tel ou tel établissement, sur ses taux de réussite aux examens, etc. etc. nous assurent de la prise en compte de l’hétérogénéité de la notation des professeurs selon l’établissement dans lequel ils enseignent.

    Le commentaire d’une journaliste d’un grand quotidien laissait même entendre aux parents et élèves inquiets qu’il y aurait cette année le même taux de réussite que les années passées !

    Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale en 1968/1969, sur le conseil d’André de Peretti et de quelques autres, avait mis fin à ce qui s’appelait la « composition trimestrielle » .

    Cette réforme de l’évaluation devait permettre, dans l’esprit de ses auteurs, de mieux prendre en compte l’ensemble du travail fourni sur un trimestre et la progression de l’élève. Elle a été dévoyée et a donné lieu à ce qui est devenu la sacro-sainte « moyenne trimestrielle », parfois scrupuleusement calculée par des professeurs de philosophie, de lettres… à la décimale près !

    Cette absurdité ressurgit en 2020, au moment même où une catastrophe mondiale aurait pu au moins permettre de transformer en profondeur les pratiques  pédagogiques obsolètes en cours dans le système éducatif français.

    Évaluer, comme disait mon ami André de Peretti c’est faire ressortir la valeur. N’y avait-il pas en cette période de confinement, où chacun est amené à travailler dans des conditions tout à fait nouvelles, parfois seul, parfois bien entouré par des parents
    bienveillants et instruits, parfois démuni de toute connexion Internet, des moyens adéquats pour combler les manques et permettre à chacun de parfaire ses  connaissances, ses compétences, à son rythme ?

    Il va sans dire que ce n’était pas réalisable dès la première semaine, mais s’il en reste cinq, voire sept ou huit, n’est-il pas envisageable que les budgets de fonctionnement attribués par les conseils départementaux et régionaux aux établissements scolaires – et non complètement utilisés actuellement – soient affectés en partie à cette nouvelle  mission : mettre à pied d’égalité les élèves dépourvus des outils technologiques, au lieu de leur proposer des sessions de rattrapage à la reprise des cours ?

    Les parents actuellement en télétravail ont le devoir de formuler de nouvelles exigences. La crise économique est inévitable mais elle sera moins dramatique si les jeunes générations disposent des compétences scientifiques, technologiques,  devenues indispensables y compris dans le monde des arts et des humanités.

    La mise en œuvre revient aux enseignants ouverts à un débat interdisciplinaire, soucieux de favoriser également chez leurs élèves l’acquisition des « compétences transversales », à l’heure du numérique, de la robotisation, et bientôt de l’intelligence artificielle qui modifient profondément le monde du travail et les
    relations humaines.