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      Le libre échange contre la destructrice idéologie étatiste

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 21 January, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Par Connor O’Keeffe.

    Après la crise financière de 2008, des appels ont retenti dans les publications de l’establishment et les bureaux exécutifs de Wall Street pour dire que nous assistions à la mort de la mondialisation. Ces appels se sont amplifiés et multipliés après le Brexit , l’élection de Donald Trump , la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, les données semblent contester ce récit. Le commerce mondial a atteint un niveau record de 28 500 milliards de dollars l’année dernière et les projections prévoient une croissance en 2023. Le rythme devrait toutefois ralentir. Cette situation s’explique moins par un problème lié à la mondialisation elle-même que par les revers historiques qu’elle a subis.

    Avant de poursuivre, il est important de définir certains termes.

    La mondialisation se produit lorsque les sociétés du monde entier commencent à interagir et à s’intégrer économiquement et politiquement. Le commerce intercontinental vécu à l’époque de la marine à voile et via la route de la soie sont les premiers exemples de mondialisation. La mondialisation a réellement pris son essor après la Seconde Guerre mondiale et a reçu un nouvel élan avec l’adoption généralisée d’Internet. Il est important de noter que dans le discours courant la mondialisation inclut à la fois les activités économiques volontaires entre les peuples de différentes nations et les activités géopolitiques involontaires des États.

    En revanche, Ian Bremmer définit le mondialisme comme une idéologie qui appelle à une libéralisation du commerce et à une intégration mondiale du haut vers le bas, soutenues par une puissance unipolaire. Les étatistes croient que les échanges commerciaux entre les personnes sont littéralement impossibles sans États ; ce n’est que lorsqu’un groupe revendique le monopole légal de la violence, puis construit des infrastructures, assure la sécurité, documente les titres de propriété et sert d’arbitre final des conflits qu’un marché peut exister. Le mondialisme est l’application de cette perspective au commerce international. Les mondialistes pensent qu’une gouvernance mondiale descendante, appliquée et sécurisée par une superpuissance unipolaire, permet la mondialisation.

    Mais, comme les étatistes à une échelle plus locale, le point de vue mondialiste est logiquement et historiquement erroné. Le commerce mondial était déjà bien engagé avant la première tentative majeure de gouvernance mondiale, la Société des Nations, en 1919. L’objectif déclaré de la Société était d’assurer la paix et la justice pour toutes les nations du monde par la sécurité collective. Elle s’est effondrée au début de la Seconde Guerre mondiale et a échoué lamentablement. Mais le mondialisme en tant qu’idéologie a trouvé sa place après la guerre. L’Europe a été dévastée. Les États-Unis et l’URSS sont alors les deux seuls pays capables d’exercer un pouvoir à l’échelle mondiale.

    Ainsi commença l’ère de mondialisation la plus rapide de l’histoire. Le commerce a explosé alors que les gens se remettaient de la guerre. Le projet mondialiste a également pris son envol avec la création des Nations Unies et de la Banque mondiale. Le mondialisme n’est limité que par les différences idéologiques entre les deux superpuissances. L’URSS voulait soutenir les révolutions tandis que les États-Unis visaient une libéralisation du commerce du haut vers le bas – ce qui a éloigné les récents alliés et plongé le monde dans la guerre froide.

    Aux États-Unis, les « néolibéraux » et les néoconservateurs ont dominé le courant politique grâce à leur mission commune d’apporter les marchés et la démocratie au monde sous la menace d’une arme et financés par les contribuables américains. Heureusement pour eux, le rythme auquel leurs interventions à l’intérieur et à l’extérieur détruisaient la société américaine était plus lent que celui des Soviétiques. L’abolition des prix et de la propriété privée a finalement conduit à l’effondrement de l’URSS au début des années 1990. Avec la défaite de leur principal adversaire, les États-Unis ont réalisé l’un des principes centraux du mondialisme, l’unipolarité.

    Dès le début, l’establishment américain s’est gavé de sa nouvelle influence planétaire. Par le biais de nouvelles organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, des accords de « libre-échange » ont été introduits. Certains font des centaines de pages alors que tout ce que le libre-échange exige vraiment, c’est une absence de politique. Les États-Unis ont fait naviguer leur marine sur les océans du monde entier en promettant de sécuriser les voies de navigation à la manière des patrouilleurs des autoroutes mondiales. Grâce à la promesse d’une sécurité militaire américaine et au financement d’organisations de gouvernance internationale, les contribuables américains ont été contraints de subventionner le commerce mondial.

    Comme le souligne Murray Rothbard dans Man, Economy, and State with Power and Market , le commerce international n’existe pas dans un marché véritablement libre. Les nations existeraient toujours mais elles seraient des poches de culture plutôt que des unités économiques. Toute restriction étatique sur le commerce entre les personnes en fonction de leur localisation est une violation de leur liberté et un coût pour la société. La plupart des économistes du marché libre le comprennent et plaident en conséquence contre les restrictions étatiques. Mais les subventions au commerce international sont également contraires au marché libre. La position correcte du marché libre est l’absence totale de politique des deux côtés. Pas de restrictions ni de subventions. Laissez les gens choisir librement avec qui ils font des affaires. Il ne devrait pas y avoir de mainmise sur l’une ou l’autre extrémité de l’échelle.

    L’intégration économique était loin d’être le seul objectif du régime américain pendant sa période unipolaire. Trop de gens avaient acquis richesse, pouvoir et statut pendant la guerre froide en faisant partie de la classe guerrière américaine. Malgré l’effondrement total de l’URSS, la dernière chose que les États-Unis voulaient faire était de déclarer la victoire et d’abandonner leur position privilégiée. Au lieu de cela, les États-Unis se sont démenés pour trouver un nouvel ennemi afin de justifier le maintien de ces privilèges. Leurs yeux se sont posés sur le Moyen-Orient où ils allaient, à terme, lancer huit guerres inutiles qui ont tué toute notion d’un « ordre international fondé sur des règles ». L’unipolarité américaine a donné raison à l’Albert Jay Nock : les gouvernements ne sont pacifiques que dans la mesure où ils sont faibles.

    Ce désir institutionnel de guerre allait semer les graines de la destruction pour le moment unipolaire des États-Unis. Alors que les États-Unis éviscéraient toute notion de défense d’un ordre fondé sur des règles par leur aventurisme au Moyen-Orient, la tension couvait en Europe de l’Est et en Asie orientale. À la grande joie des entreprises d’armement et des élites de la politique étrangère, les gouvernements russe et chinois sont redevenus les ennemis des États-Unis.

    L’invasion russe de l’Ukraine en février a été une énorme victoire pour la machine de guerre américaine mais elle a également représenté un énorme pas en arrière pour le mondialisme. Les Russes ont fait sécession de l’ordre mondial que les États-Unis avaient dirigé pendant trois décennies. La réaction de l’Occident, fondée sur des sanctions strictes et un désinvestissement économique forcé, a creusé le fossé dans le système mondial.

    Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais le rêve mondialiste d’un système singulier de gouvernance mondiale est certainement anéanti dans un avenir proche avec la rupture du bloc russo-chinois. Il y aura de la douleur parce que tant de connexions entre les nations sont contrôlées par les gouvernements ; cependant, un degré significatif de mondialisation est toujours apprécié par les consommateurs du monde entier. Les données contredisent l’idée que la mondialisation est en train de s’inverser. Elle ne fait que ralentir alors que les gouvernements tentent d’entraîner les consommateurs dans leur quête de désinvestissement de l’autre côté.

    Malgré les affirmations selon lesquelles la mondialisation est morte, le commerce international est bel et bien vivant. Mais le mouvement vers un monde interconnecté ralentit alors que l’idéologie du globalisme connaît son plus grand revers depuis des décennies. L’amalgame étatiste entre la gouvernance mondiale unipolaire et le commerce international explique d’où viennent ces affirmations et pourquoi elles sont erronées.

    Sur le web

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      Le système kafkaïen de fixation du prix de l’électricité

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 January, 2023 - 04:30 · 11 minutes

    En 1997 la France est entrée tout naturellement dans le marché européen de l’énergie via son appartenance à l’Union européenne.

    Il semble qu’on le regrette amèrement aujourd’hui du fait qu’avec la crise actuelle, le système de fixation des prix de gros de l’électricité instauré par la Commission européenne conduit à des aberrations.

    Pour l’électricité il y avait en France un système de fixation du prix aux données complètement maîtrisées. À présent, il existe un dispositif qui subordonne le prix de cette énergie à des éléments sur lesquels nous n’avons aucune prise, en l’occurrence les prix du gaz et du CO 2 . Aussi, un expert comme Loïk Le Floch-Prigent ancien président de GDF énonce sans hésiter qu’il faudrait quitter ce marché. Et Bruno Le Maire s’interroge. Sur Public Senat , en  septembre dernier, il n’a pas hésité à qualifier ce système « d’aberrant, obsolète », et il en souhaite vivement la réforme.

    En attendant de voir réformé ce marché, ou d’en sortir, les petites et moyennes entreprises souffrent. Des boulangeries, grandes consommatrices d’électricité, sont conduites à la faillite. Le Figaro du 10 janvier alerte sur le fait que la consommation électrique des industriels a diminué de 14,1 % au dernier trimestre 2022 en comparaison avec la moyenne 2018-2021. Le gouvernement ne cesse donc pas d’intervenir pour tenter de protéger tant les consommateurs privés que les  entreprises des effets de ces prix atteignant des sommets. Un article du journal Le Monde du 28 âout 2022 rappelle qu’en 10 ans, les tarifs sont passés de 120 à 190 euros et que les coûts pour livraison en 2023 culminent à près de 1100 euros le MWh, soit dix fois plus qu’il y a un an.

    Quelle est exactement la situation de la France ? Comment fonctionne le marché européen de l’électricité ?

    La situation de la France

    La France est un pays au mix énergétique particulièrement apte à fournir les prix les plus compétitifs de l’électricité :

    La France a la particularité de disposer d’un parc très important de centrales nucléaires. Sa géographie a permis la mise en œuvre de très nombreux barrage hydro-électriques. Aussi, chaque année, sa production d’électricité est-elle supérieure à sa consommation : en 2021 elle s’est élevée à 522,9 TWh, et la consommation à 456 TWH.

    Le pays est donc structurellement exportateur d’électricité. Mais dans l’année, des pointes de consommation particulièrement élevées obligent pendant quelques jours à importater l’électricité de pays voisins interconnectés par des réseaux à haute tension. En 2021, notre pays a exporté 81,0 TWh d’électricité et en a importé 44,0. Au total, cette année-là, les importations ont représenté 9,4 % des besoins du pays.

    En 2021, la production (en TW) était constituée de la façon suivante :

    • Nucléaire………………. 360,7
    • Hydraulique…………..    62,5
    • Thermique fossile…..    38,6
    • Éolien……………………    36,8
    • Solaire…………………..    14,3
    • Autres thermiques….    10,0

    Total……………………………..  522,9

    En coûts de production (par MWh), les rapports des experts citent les chiffres suivants :

    • Énergie nucléaire………. 32 à 33 euros
    • Hydraulique……………… 15 à 20 euros
    • Éolien terrestre………….. 90 euros
    • Solaire………………………. 142 euros
    • Thermique………………..  70 à 100 euros

    On en arrive ainsi à un coût pondéré de production de 46 euros/MWh. C’est bien l’estimation donnée par Loïk Le Floch-Prigent interrogé sur RMC le 7 décembre dernier :

    « Les industriels baissent leur production : je ne vois pas ce qu’il y a de réjouissant. À cause de l’augmentation du coût de l’électricité on a des entreprises qui vont devoir payer 5 à 6 fois plus que d’habitude le prix de leur électricité… Pourquoi est-ce qu’un produit que l’on fait à 50 euros se retrouve dans l’industrie à 600 euros ? »

    Autre avantage du système français : le nucléaire intervenant pour près de 70 % dans le mix énergétique et les renouvelables pour 22,5 %, les émissions de CO 2 sont limitées à 18,8 Mt seulement en 2021..

    La France est contrainte de mettre un terme aux monopoles de l’EDF et de Gaz de France :

    À partir de 1996 la destruction des monopoles publics a été menée tambour battant par la Commission européenne au nom de la politique de la concurrence de l’Union européenne.

    Il a donc été mis un terme au monopole de EDF : la loi NOME (Nouvelle organisation des marchés de l’électricité) du 7 décembre 2010 contraint la grande entreprise nationale à vendre chaque année 100 TWh d’électricité à des « fournisseurs alternatifs » qui n’en produisent pas, au prix de 42 euros le MWh. Ce mécanisme baptisé l’ ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ces nouvelles entreprises soudain apparues achètent donc à EDF de l’électricité à 42 euros pour la revendre ensuite au public ou aux entreprises en faisant concurrence à leur fournisseur, c’est-à-dire à EDF. En complément elles vont s’approvisionner sur le marché de gros européen (EPEX Spot SE ) à mesure qu’augmente leur clientèle. Elles sont une trentaine actuellement une trentaine : Total Énergie, Planète Oui, ENI, Ekwateur, Happ-e, Cdiscount Energie, etc. En 2022 le quota de 100 TWh a été revu à la hausse, passant à 120 TWh avec un prix de cession porté à 46,5 euros.

    Et ces différents fournisseurs alternatifs se sont à leur tour dotés de moyens de production, s’équipant en centrales photovoltaïques et en parcs d’éoliennes.

    Le marché européen de l’électricité

    Le marché européen de l’électricité a été créé avec pour objectif de mettre en place le même mécanisme de formation des prix de gros de l’électricité dans tous les pays européens.

    On a voulu créer un prix de gros commun quels que soient les coûts de production nationaux. Le prix de gros est donné par le coût de la dernière centrale appelée pour produire l’électricité dont le marché a besoin, une centrale qui va fonctionner au gaz. Ainsi le prix de gros de l’électricité se trouve déterminé par le prix du gaz, un prix considérablement variable dans le temps. Il y a eu le choc gazier de l’après covid, puis à partir du 24 février 2022 le choc de la guerre en Ukraine.

    Les prix du gaz naturel ont ainsi connu des variations considérables : de 17,9 euros/MWh en janvier 2021 à 103,2 en fin d’année ; puis une pointe à 272,6 euros le 22 août 2022 ; pour revenir ensuite à des prix plus normaux : 134,7 euros en fin d’année. Actuellement, les niveaux sont plus raisonnables, soit par exemple 74,3 euros le 9 janvier 2023. Et vient s’ajouter dans le coût de fonctionnement d’une centrale alimentée au gaz le prix du CO 2 émis qui va régulièrement en croissant.

    On a ainsi vu le prix de gros de l’électricité varie donc considérablement et atteint des sommets astronomiques comme indiqué ci-dessous :

    Prix spot de l’électricité : marché de gros en euro/MWh

    • décembre 2020…   49,2311
    • août 2021………….   99,1721
    • décembre 2021…. 442,888
    • mars 2022………..  540,6630
    • août 2022…………  743,8427
    • octobre 2022…….  121,6713
    • décembre 2022…. 463,4610
    • janvier 2023……… 128,08

    Les niveaux d’avant crise n’ont donc pas été atteints.

    Les entreprises ont vu ainsi les prix de l’électricité multipliés par 7 ou 8 et parfois davantage encore. Le prix de l’énergie représente près de la moitié de leur facture, les autres charges étant constituées par le coût de l’acheminement et la fiscalité, c’est-à-dire des taxes diverses et la TVA. Les contrats sont passés pour des périodes annuelles voire biannuelles et les fournisseurs ne manquent pas de prendre leurs précautions au moment où leurs clients doivent renouveler leur contrat.

    Du fait de ces variations de prix à partir du nucléaire ou des énergies renouvelables les producteurs réalisent à certains moments des profits importants et les États interviennent alors pour les taxer à partir d’un cours convenu, fixé à 180 euros. Ces superprofits sont reversés ensuite aux particuliers et aux entreprises.

    Quelle solution demain pour la France ?

    L’Europe a créé un marché unique de l’électricité au niveau européen pour faire baisser les prix et orienter les mix énergétiques des États membres vers les énergies renouvelables.

    Elle a mis fin aux monopoles : EDF en France, ENEC en Italie, EnBW en Allemagne.

    Trois bourses de marché de gros ont été créées : Nord Pool pour les pays du nord, European Energy Exchange (EEX) en Allemagne et Power Next en France.

    En 2008 les bourses allemande et française ont fusionné pour donner EPEX Spot.

    Aujourd’hui, il y a une zone de prix unique constituée par l’Allemagne, la France et l’Autriche. La CRE (Commission de régulation de l’énergie) veille au bon fonctionnement de ces marchés en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique de l’Union européenne. Sur ces marchés de gros les prix sont fixés pour des livraisons instantanées ou à terme. Le système actuel se fonde donc sur le coût de production de la dernière centrale appelée à être mise en marche pour satisfaire les besoins du marché. Il s’agit d’un coût marginal, le coût de production de la centrale venant en dernier sur la liste des centrales classées par ordre croissant de coût : en plaçant les prix de gros de l’électricité à ce niveau la Commission européenne a estimé que tous les producteurs d’électricité seraient satisfaits.

    Du fait des inconvénients résultant du fonctionnement de ce marché de gros on s’interroge, aujourd’hui sur la validité de ce système de fixation des prix de l’électricité, et on réfléchit à la façon de le réformer.

    En France plusieurs experts, dont Loïk Le Floch-Prigent sont partisans d’en sortir.

    Dans un communiqué du Groupement des Industries sans Frontières en date du 9 janvier 2023 Loïc Le Floch-Prigent nous dit :

    « Il faut casser cette spirale infernale qui va tuer l’essentiel de notre tissu d’entreprises : il nous faut revenir aux relations directes entre les producteurs et les clients avec une politique tarifaire tenant compte de l’offre et de la demande et pour cela affirmer notre position à l’égard des instances européennes. Les entreprises n’ont pas besoin d’aides, de subventions, de rustines aléatoires ».

    En effet, la France n’est pas dans la situation des autres pays européens pour lesquels le gaz et le  charbon interviennent à 28 % dans la production d’électricité, le mix ne faisant intervenir le gaz que pour 2,25 % seulement et le charbon pour 0,9 %, tout au plus.

    Le professeur Jacques Percebois, directeur du CREDEN à Montpellier , propose de ne plus respecter les directives européennes :

    « On pourrait faire un marché national où le prix dépendrait de notre propre mix énergétique, et limiter le marché de gros aux interconnexions ».

    Il propose éventuellement une autre solution : se baser sur une moyenne pondérée des coûts marginaux.

    Un autre expert, Nicolas Goldberg du cabinet Colombus Consulting avance l’idée qu’il faudrait imposer aux fournisseurs d’électricité des règles prudentielles pour qu’ils se couvrent à long terme et soient ainsi moins sujets aux soubresauts du marché.

    De leur côté les européanistes plaident pour que la France demeure dans le système européen mais cen le réformant : « Si on remet en cause le marché de l’électricité, on remet en cause tous les marchés européens » ( Anna Creti ).

    Sous la pression de la France Ursula van der Leyen a finalement annoncé début avril 2022 que l’Union européenne allait plancher sur une reforme structurelle de ce marché.

    Un colloque intitulé « Beyond the crisis : rethinking the design of power-markets » a été organisé par la présidente de la CRE le 15 décembre dernier à Paris à la maison de la Chimie pour tenter de trouver une solution. Mais si elle devait se faire, cette réforme demanderait beaucoup de temps, tant les processus de décision européens sont lourds et complexes.

    La France a la chance de disposer d’un mix énergétique exceptionnel permettant de produire de l’électricité à 50 euros le MWh, une production extrêmement basse en émissions de CO 2 .

    Pourquoi devrait-elle donc entrer dans un système de fixation des prix fondé sur le cours mondial du gaz naturel alors qu’elle même n’en utilise pratiquement pas pour produire de l’électricité ?

    Il est peu probable que nos gouvernants aient la volonté de cesser de nous soumettre aux hautes autorités de Bruxelles en faisant bande à part : ce n’est pas dans le tropisme européen de notre Président.

    La nécessité de réindustrialiser le pays aujourd’hui le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part, devrait nous permettre de quitter le système kafkaïen de fixation du prix de cette énergie dans lequel nous sommes enfermés sans que Bruxelles s’en émeuve : il s’agit d’une énergie vitale dont la France est capable de maitriser le coût pour le bien-être des consommateurs et le bon fonctionnement des entreprises. L’Espagne a trouvé une solution pour échapper au système européen, et il est à espérer que nos dirigeants soient assez rusés pour trouver la notre.

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      Fuite des industries européennes : non au protectionnisme

      Élodie Messéant · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 January, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    Un article de l’IREF Europe

    Pour soutenir son industrie et lutter contre l’inflation, Washington a déclenché un plan massif de subventions : l’ Inflation Reduction Act (l’IRA). Promulgué en août, il prévoit une enveloppe de 430 milliards de dollars.

    En pratique, l’IRA consiste à subventionner la production nationale (automobile électrique, batteries, énergies renouvelables) et à verser des crédits d’impôt aux industriels du monde entier pour les inciter à s’installer sur le sol américain. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, évalue les pertes pour la France à 10 milliards d’investissements et des milliers d’emplois industriels.

    Les répercussions sur l’industrie européenne sont telles que Bruxelles considère cette initiative comme une atteinte au libre-échange et envisage de conclure un accord entre les pays membres de l’UE pour permettre aux entreprises de bénéficier des mêmes avantages.

    Un exode sur fond de crise énergétique

    L’offre américaine est d’autant plus alléchante que parallèlement les industriels européens subissent les conséquences de la guerre en Ukraine.

    « Les industriels voient un signal prix qui les conduit à arrêter leurs usines, à déplacer des productions dans d’autres régions du monde » explique Jean-Pierre Clamadieu, PDG d’Engie.

    En réponse à ces signaux, la première option consiste à baisser la production – en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique tels que la chimie, la métallurgie ou le raffinage de produits pétroliers ; la seconde, à fermer purement et simplement les usines, comme dans la chimie allemande qui fait les frais d’une grande dépendance au gaz.

    Et pourquoi ne pas traverser l’Atlantique ?

    L’énergie est cinq à six fois moins chère aux États-Unis qu’en Europe. Les États-Unis sont le premier producteur mondial de pétrole et de gaz depuis 2017 ( 17 % de la production mondiale en 2020). Les réserves de gaz de schiste leur permettent de produire de grandes quantités à bas coût. Un facteur qui contribue à l’exode de l’industrie européenne, bien que la crise énergétique n’explique pas tout.

    L’industrie européenne en perte de vitesse par rapport aux États-Unis

    En réalité, il existe une autre tendance de fond.

    Entre 2019 et 2022, la part des IDE (investissements directs à l’étranger) ayant les États-Unis pour destination est passée de 20 % à 30 % – contre 50 % pour la destination Asie et seulement 13 % pour l’Europe. Un retard qui se confirme lorsque l’on examine le détail des grands secteurs technologiques, à savoir l’électronique et les semi-conducteurs, les équipements électriques, l’extraction minière et les métaux, et l’automobile.

    Entre 2016 et 2022, l’Europe n’a capté que 7 % des investissements mondiaux dans le secteur des semi-conducteurs – contre 30 % pour les USA et 63 % pour l’Asie.

    Si l’UE peine tant à attirer les investisseurs étrangers et à garder ses propres industries, c’est notamment du fait de l’environnement réglementaire et fiscal. L’adoption récente de la taxe carbone européenne en est un bon exemple. Censé lutter contre les délocalisations industrielles, ce dispositif semble pour l’instant avoir exactement l’effet inverse – en plus d’assommer les industries de nouvelles normes environnementales. Quoi qu’il en soit, cette perte d’attractivité se répercute nécessairement sur la croissance de l’UE, comme nous pouvons le voir dans le graphique ci-dessous.

    Croissance du PIB de l’UE, de la zone euro et des États-Unis de 2000 à 2022 ( The Economist )

    Les risques d’une réponse protectionniste de l’UE

    Aujourd’hui, les Européens tentent péniblement d’infléchir la position américaine.

    Les ministres des Finances français et allemand – d’ailleurs attendus à Washington en février – tentent également de convaincre leurs homologues européens d’adopter un plan visant à renforcer l’industrie de l’UE. D’ores et déjà, la Commission européenne a annoncé la création d’un fonds de souveraineté européen qui devrait assouplir les règles relatives aux aides d’État.

    Une gabegie qui représente « un financement autour de 2 % du PIB de l’Union européenne, soit environ 350 milliards d’euros » selon Thierry Breton , commissaire européen au marché intérieur. Une telle réponse à la politique américaine est d’autant plus inadaptée qu’elle risque d’entraîner une course aux subventions entre États membres – probablement au détriment des plus petits d’entre eux – et ainsi s’éloigner un peu plus de l’idéal d’un marché unique et équitable.

    Si l’UE souhaite rattraper son retard sur les États-Unis, une meilleure piste consisterait à lever les freins à l’investissement industriel, comme les droits de douane sur les importations en provenance de pays qui n’ont pas l’intention de réduire leurs émissions de carbone. Et pourquoi pas, renouer avec l’idéal d’une assemblée de nations autonomes coopérant les unes avec les autres, embrassant une véritable économie de marché, de concurrence et d’innovation.

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      La boulangerie tant en détresse que ça ?

      Jean Kircher · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January, 2023 - 03:50 · 2 minutes

    Au risque de choquer j’ai envie de dire que ce sont les imprévoyants qui subissent actuellement une explosion du coût énergie. En effet, cela fait quelques temps que le mal était attendu et la majorité de boulangers sérieux a souscrit des contrats à prix fixe pour se mettre à l’abri ! Seuls ceux qui ne voulaient pas entendre ont décliné les offres et se trouvent maintenant dans la panade.

    Il ne s’agit pas de minimiser mais la réalité c’est que le coût énergie en boulangerie se situe à 3 ou 4 % du chiffre d’affaires. Si l’augmentation réelle de l’énergie est bien de 10 % il faudra donc absorber 6 ou 7 % supplémentaires dans ses nouveaux prix de vente. Ce qui pour les vrais bons artisans produisant de la qualité n’est pas un véritable problème ! On voit un peu partout le prix de la baguette monter à 1,10 euro voire 1,30 euro sans que ça pose problème quand la qualité du pain est là !

    Plus grave a été le mois de juin 2022 quand le prix de la farine a pris 15 % voire plus !

    Il est certain qu’une petite partie des boulangeries ne va pas passer le cap. En général il s’agit de ceux dont la qualité des pains est plutôt lamentable et dont les consommateurs vont se détacher dès qu’ils augmenteront leurs prix. Peut-être est-ce une issue fatale pour ces boulangers qui ne se sont pas remis en question en faisant de bonnes baguettes tradition et en soignant leur assortiment de produits. C’est là une loi du marché : les meilleurs survivent…

    Comme d’habitude les médias et les politiques ont largement exagéré ou pas compris le problème. C’est une habitude bien française que de ne pas être capable de comprendre les choses simples et en particulier le quotidien des Français.

    Qu’il s’agisse des retraites, de l’énergie, des vaccins, du climat ou de l’immigration on a tendance à amplifier les problèmes voire créer la panique afin de faire le buzz ou d’assister aux lamentables explications de nos politiques 2.0. Ainsi on se met à se pavaner car nous sommes soudainement devenus exportateurs d’énergie sous prétexte de réouverture de quelques centrales nucléaires.

    Le phénomène est le même pour la crise hospitalière qui subit tout simplement la même désaffection de personnel que la grande majorité de nos entreprises qui désespèrent de trouver des candidats au travail.

    Au travail ! Et stop à toutes ces lamentations quotidiennes et ce stress permanent qui installent la peur qui fait perdre tous nos repères !

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      Retraites : généraliser la capitalisation collective et provisionner

      Institut Economique Molinari · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Par Cécile Philippe et Nicolas Marques.

    Si la réforme 2023 des retraites ne tue pas toute velléité de préparer la réforme structurelle qui reste nécessaire, on pourra conclure que le jeu en valait la chandelle.

    La réforme actuelle va dans le bon sens, avec le recul de l’âge de la retraite ou l’abandon du projet gouvernemental qui visait à contrôler l’Agirc-Arrco, en l’empêchant de collecter ses cotisations. Mais elle passe à côté du vrai défi, la démographie . La baisse de la natalité rend insoutenable le financement de nos aînés par la seule répartition qui représente plus de 98 % des retraites.

    À l’origine de la répartition, en 1941 et 1945, il y avait un choix contraint par les circonstances du moment, à savoir l’érosion du capital par l’ inflation consécutive à la guerre. Pour autant les autorités savaient que la répartition a un coût élevé. Son efficacité dépend de la fécondité qui baisse structurellement. Aussi le gouvernement de la Libération a hésité à mettre en place un système mixte combinant répartition et capitalisation. Les spécialistes ne pensaient pas que le temps verrait le tout répartition gravé dans le marbre. Il était évident que le financement des retraites s’adapterait progressivement aux réalités démographiques.

    Malheureusement, les générations suivantes ont fait de la répartition un totem indéboulonnable , tout en diminuant l’âge de départ à la retraite ce qui a rendu l’édifice encore plus instable.

    La loi du 14 mars 1941 qui a introduit la répartition précisait :

    Lorsque le nombre des retraités croît avec l’élévation de l’âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs.

    C’est la raison pour laquelle, sous Vichy comme à la Libération, l’âge de départ à la retraite a été fixé à 65 ans alors que certains rêvaient d’un départ plus précoce à 60 ans.

    L’ordonnance du 19 octobre 1945 ajoute :

    L’insuffisance de la natalité entraîne un vieillissement lent et progressif de la population. Or, les retraites sont supportées par les travailleurs en activité ; la fixation d’un âge trop bas de l’ouverture du droit à la retraite ferait peser sur la population active une charge insupportable.

    Il y a bien longtemps qu’il aurai fallu épauler la répartition d’une dose de capitalisation collective pour diminuer le coût exorbitant du financement du système actuel, comme nous avons eu l’occasion de le défendre dans une étude publiée en 2019 en partenariat avec Contrepoints .

    Mais il n’est pas trop tard pour bien faire. La baisse de fécondité doit être prise en compte. Il s’agit d’un défi qui concerne toute la société française, privé comme public, jeunes comme vieux. Pour réduire ce risque systémique, il va falloir faire preuve une intelligence collective.

    Ce sera d’autant plus important que nos sociétés regorgent de risques collectifs mal appréhendés (pandémie, santé, énergie, éducation…)

    Les problèmes ne sont pas identiques dans le privé et le public

    Il faut donc les appréhender avec des méthodes différentes.

    Dans le secteur privé

    Comme l’indiquent les chiffres du Conseil d’orientation des retraites, les comptes sont quasi équilibrés voire excédentaires. C’est grâce notamment à des institutions vertueuses comme l’Agirc-Arrco . Depuis 1947 elle gère de manière paritaire les retraites des salariés sans recours à l’endettement. Cependant, le taux de rendement de la répartition s’érode avec la fécondité et les cotisations retraite ont atteint des niveaux parmi les plus élevés au sein de l’Union européenne (28 % du salaire brut vs 22 % dans l’UE).

    Par conséquent, il est urgent d’introduire – sur le modèle du fonds de pension des fonctionnaires (ERAFP) – une capitalisation collective. Elle épaulera la répartition et donnera accès à tous les salariés de France aux rendements des marchés financiers, ce qui permettra de généraliser le partage des profits par le haut. Il faudrait aussi profondément réformer la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Contrôlée par un État qui ne comprend pas le temps long, elle ne dispose pas de réserves permettant d’amortir les chocs, à l’opposé les régimes par répartition bien gérés en France (Agirc-Arrco…) ou à l’étranger (Suède, États-Unis…)

    Dans le secteur public

    S’agissant des fonctionnaires, l’État ne dispose pas de caisse de retraite puisqu’il a fermé celles des ministères en 1853 et n’a rien fait depuis.

    Il se contente d’assurer le paiement des retraites des fonctionnaires, selon l’adage « l’État est son propre assureur ». Dans les faits le budget, donc le contribuable, est garant d’un régime de retraite à prestations définies informel, sans aucun mécanisme permettant d’éviter l’envolée des coûts. Pas de points, de réserves ou provisions, de gestion paritaire permettant de responsabiliser les parties… L’État a besoin tous les ans de 57 milliards d’euros pour payer les pensions dont 33 milliards s’apparentent à une subvention d’équilibre. L’État « finance » les pensions avec des « cotisations » de 85 % du traitement indiciaire (et même 135 % pour les militaires), contre 28 % dans le privé, en raison d’une pyramide des âges particulièrement déséquilibrée (0,9 actif/retraité).

    Cette situation, qui appauvrit les contribuables comme l’État, doit évoluer.

    La meilleure piste est de provisionner progressivement des retraites des personnels publics au sein du Fonds de réserve des retraites (FRR) en commençant par les nouveaux fonctionnaires. Cette méthode est employée depuis plus d’un siècle par la Banque de France ou le Sénat. Elle permet de créer de la valeur sur les marchés et de limiter le recours aux prélèvements obligatoires pour financer les retraites.

    Ces changements structurels ne sont pas à l’ordre du jour de la réforme actuelle. Il faudrait qu’ils le soient lors de la prochaine. Souhaitons-nous que la réforme 2023 passe le plus rapidement possible et ne dissuade pas les volontés réformatrices : le défi reste à relever.

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      Inflation : les solutions de ceux qui ont créé le problème

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 7 January, 2023 - 03:30 · 4 minutes

    Surprise, surprise ! L’inflation – auparavant cantonnée aux produits financiers et à l’immobilier – leste maintenant le panier de la ménagère :

    « On va vers des hausses qu’on n’a pas connu depuis près de 40 ans », a prévenu […] Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) […] . Notre prévision actuelle, c’est entre 7 et 10 %, de manière assez rapide », a assuré le dirigeant de la FCD, organisation professionnelle qui regroupe la plupart des enseignes de la grande distribution ».

    L’origine de l’inflation est connue. Non, ce n’est pas le covid, ni l’invasion de l’Ukraine par Vlad The Bad. C’est tout simplement la création monétaire débridée qui prévaut depuis maintenant plusieurs décennies.

    Dans l’eurozone (mais aussi aux États-Unis, au Japon, en Chine et dans tous les pays développés émetteurs de grandes devises), la création monétaire a dépassé la création de produits et services.

    Depuis 2008, le PIB – la somme des produits et services échangés dans l’eurozone – stagne alors que la masse monétaire a doublé. Il s’agit donc d’un phénomène durable tant que l’excédent n’aura pas été purgé.

    Mais rassurez-vous, les mêmes autorités qui ont suscité ce problème sont à la manœuvre. Après les chèques et le bouclier tarifaire sur l’énergie , voici venir la Loi pouvoir d’achat qui sera débattue juste après les élections législatives. Si une simple loi pouvait créer du pouvoir d’achat, pourquoi personne n’y a pensé plus tôt ?

    La Loi pouvoir d’achat défie les lois économiques

    Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement, promet :

    « C’est un projet de loi très lourd avec le chèque alimentaire, avec le bouclier tarifaire, continuer à bloquer les prix, avec aussi le triplement de la prime Macron avec les dispositifs de participation, d’intéressement, le dividende salarié, c’est un très gros texte. »

    Bruno Le Maire, jamais à court d’idées géniales, exhorte tous ceux qui le peuvent à augmenter les salaires car « il faut que le travail paye bien ».

    Résumons : l’inflation crée un problème de pouvoir d’achat. Il suffit de bloquer les prix et d’augmenter les salaires pour que le problème soit résolu. Et qui sait mieux que personne ce qui doit être bloqué et qui doit être augmenté ? Le gouvernement, bien sûr !

    Un conseiller bien intentionné devrait mettre sous le nez de M. Le Maire une information de l’INSEE concernant l’augmentation des prix à la production.

    Évolution de l’indice des prix à la production

    Déjà plus de 30 % de hausse sans même que les salaires aient augmenté. Que se passera-t-il si on y ajoute une augmentation de salaire ? Les prix vont-ils baisser ? Les manuels d’économie – même ceux agréés par le Mammouth – indiquent que non.

    Mais il me vient une idée à moi aussi, misérable vermisseau ne revendiquant pas l’omniscience, pour résorber cet épineux problème de pouvoir d’achat et que le travail utile soit bien payé.

    Le monopole public détruit le pouvoir d’achat

    Aujourd’hui, le salaire versé à un employé comprend la rémunération de son travail proprement dit et ses assurances sociales (retraite, chômage, sécurité sociale). Le décompte est à peu près le suivant :

    • Salaire brut………………………………………………………………………. 100 euros
    • Salaire net…………………………………………………………………………   77 euros
      après règlement par le salarié de sa part de charges sociales
    • Salaire acquitté par l’employeur…………………………………………. 133 euros
      après règlement de sa part de charges sociales

    Pour 77 euros de pouvoir d’achat payé à son salarié, l’employeur dépense donc environ 133 euros.
    56 euros partent dans les caisses du merveilleux système d’assurances sociales que le monde entier nous envie mais que personne ne copie.

    Ces assurances sociales sont le monopole de l’État qui devrait appliquer à lui-même ses propres préconisations : blocage des primes. Ce serait un bon ballon d’oxygène puisque nous parlons d’une somme représentant 73 % du salaire net. Évidemment, ce blocage devrait s’assortir d’économies pour assurer des prestations de qualité équivalente. Il faut donc « en même temps » aller plus loin « quoi qu’il en coûte ».

    Imaginez M. Bruno Le Maire déclarant :

    « A près avoir bien analysé la question du pouvoir d’achat, nous pensons qu’il existe un énorme gisement inexploité. Nous allons nous attaquer aux problèmes de la fraude sociale, de l’absentéisme dans les caisses d’assurance maladie, de l’efficacité de l’ANPE… Nous allons introduire une dose de capitalisation dans les retraites afin que chaque salarié puisse profiter des dividendes . Nous allons ouvrir à la concurrence le monopole public des assurances sociales. C’est un projet de loi très lourd, mais il faut que le travail paye bien. »

    Mais vous rêvez, vous n’êtes qu’un vermisseau ignare ! Heureusement la Nupes (Nouvelle Union des Prédateurs Économiques Syndiqués) bloquera ces élucubrations ultra-néo-turbo-libérales. Le salut des masses réside toujours dans le monopole public, pas dans la liberté et l’initiative des individus. Ces derniers sont trop bornés. Ils ne sont bons qu’à élire l’élite omnisciente qui les dirige vers un avenir radieux.

    Article publié initialement le 27 mai 2022

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      « Bouclier tarifaire » et autres largesses du gouvernement : qui va payer ?

      Pierre Allemand · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 6 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    Le gouvernement doit chaque année résoudre un problème récurrent : le budget.

    Il consiste à faire correspondre une liste de dépenses prévues, ordinairement classées dans l’ordre des ministères qui les présentent à l’approbation des parlementaires, avec une liste d’impôts et de taxes. Les gouvernements n’ont en effet aucun autre moyen que ces deux instruments pour se procurer de l’argent.

    Depuis plus de 40 ans néanmoins, devant la difficulté d’équilibrer ses comptes, le gouvernement a fait appel au crédit. Comme chacun le sait, celui-ci est un moyen de régler les urgences en empruntant provisoirement sur le marché financier pour rembourser dès que possible. Le problème c’est que le provisoire est progressivement devenu définitif, et que la partie des dépenses non couverte par les recettes est finalement devenue monstrueuse.

    Bouclier tarifaire : France-Trésor, le machin magique

    Actuellement, une agence spécialisée appelée France-Trésor emprunte à 10 ans pour rembourser les emprunts antérieurs qui arrivent à échéance.

    L’opération, qui est par ailleurs un classique de l’escroquerie financière, s’appelle la cavalerie bancaire . Elle est punie par la loi si elle est pratiquée par des personnes physiques ou morales. Elle est cependant largement pratiquée par certains gouvernements qui n’arrivent pas à ne pas dépenser plus que ce que les impôts et taxes leur rapportent.

    France-Trésor se livre donc à un exercice qu’on appelle « faire rouler la dette », c’est-à-dire que ses agents remboursent le principal de la dette arrivant à échéance avec de l’argent provenant d’une nouvelle dette. L’opération est plutôt rentable si les taux d’intérêt sont négatifs ou nuls. Elle ne l’est pas si ceux-ci (re)deviennent positifs.

    Le « bouclier tarifaire » ne protège personne.

    Devant l’augmentation vertigineuse du prix de l’énergie, le gouvernement français a décidé de payer une partie du prix à la place du consommateur français pour sa consommation d’électricité, de gaz et de carburant. Il appelle cette opération le « bouclier tarifaire », voulant donner par le choix de ce mot l’impression que les Français sont protégés par ce dispositif. Il a annoncé que le coût de l’opération avait déjà été de 24 milliards pour environ une année.

    24 milliards, ce n’est pas rien. Cela représente 360 euros par Français, pas loin de 1000 euros par famille. Comme le gouvernement n’a pas un kopek pour payer ça, il doit emprunter, actuellement donc à  environ 2 % sur 10 ans. En conséquence, il doit payer 24 x 2 % = 480 millions par an, soit 4,8 milliards sur 10 ans et rembourser le principal (24 milliards) à l’échéance. Le « bouclier » s’ajoute donc simplement à la dette publique dont le service est payé par le contribuable. Cela revient simplement pour le contribuable à décaler de quelques années le paiement de l’électricité ou du gaz qu’il consomme, en payant en plus les intérêts. Enfin, pas tout à fait : il paye aussi au passage une partie du prix de l’énergie consommée par d’autres. Et le gouvernement reçoit les remerciements des consommateurs pour sa générosité…

    La dette publique : le danger est réel

    Ce petit geste de monsieur Macron aidé de madame Borne, destiné à éviter la colère de certains consommateurs qui pourraient imiter les Gilets jaunes qui leur font si peur, est donc créateur d’un alourdissement de la dette publique de 480 millions d’euros par an. La particularité de cet alourdissement est d’être éternel , c’est-à-dire qu’il ne s’arrêtera jamais dans les conditions financières actuelles. Pour y mettre fin, il faudrait que le gouvernement dispose de 24 milliards d’euros qu’il ne possède pas, et qu’il les rembourse à son créancier.

    Mais il est important de noter que cette charge s’ajoute à une multitude d’autres charges éternelles elles aussi, conséquences de dépenses nouvelles engendrées pendant la période dite du « quoi qu’il en coûte », et des dépenses de toutes sortes crées et acceptées par les députés depuis que l’on a décidé de dépenser systématiquement plus que ce que les impôts et taxes rapportaient, c’est-à-dire depuis l’année 1978. Le cumul de ces excès de dépenses sur les recettes représente la bagatelle de 2902 milliards d’euros à fin mars 2022 soit environ 43 000 euros par Français. Avec un taux d’intérêt de 2%, ce montant représente une dépense de 58 milliards par an uniquement pour le paiement des intérêts. Mais à cela, s’ajoute ce que, bizarrement, négligent ou ignorent de nombreux commentateurs : le remboursement du principal qui, s’il s’effectue sur 20 ans par exemple, sera d’environ 145 milliards par an.

    L’énormité de ces chiffres conduit certains à penser que cette dette ne sera jamais remboursée. La question qui se pose est cependant : quelles seront les conséquences de cette défection ?

    Bouclier tarifaire : le risque sciemment ignoré

    L’extinction de la dette publique, même décrétée et actée soudainement et sans crise, supposition qui demande un optimisme à mon avis démesuré, conduit à un nouveau problème de taille qui est le suivant.

    En cas d’effacement soudain de la dette, ( « Monsieur le créancier, je déclare ne plus rien vous devoir à partir d’aujourd’hui » ) on peut être sûr que les créanciers floués n’accepteront évidemment pas de recommencer immédiatement à prêter. Si plus personne ne veut prêter, les ressources du gouvernement se trouveront brutalement amputées du montant du trou habituel du budget appelé innocemment déficit à financer qui est d’environ 154 milliards pour l’année 2022.

    Sachant que le total des dépenses prévues de la France était pour 2022 de 523 milliards , le problème à résoudre sera : où rogner sur des dépenses de 523 milliards, sachant que les ressources auraient baissé de 154 milliards, soit presque 30 % du total ? Le problème apparait tellement dépourvu de solution qu’on peut être certain que le gouvernement ne se mettra jamais volontairement dans une telle situation.

    Cependant, on peut aussi redouter que la crise finisse bien par éclater un jour ou l’autre, probablement parce qu’une agence de notation rétrogradera sérieusement la note de la France. Ce jour-là, les taux d’emprunt remonteront brusquement et le gouvernement risque de n’être plus en mesure de faire fonctionner son administration parce qu’il ne pourra plus assurer le salaire de ses fonctionnaires. Et ceux-ci se trouveront évidemment dans la rue. On regrettera alors que leur nombre soit si élevé…

    L’humain est ainsi fait qu’il s’habitue aux risques qui grandissent sans bruit, et il les ignore. Au lieu de nous bassiner en permanence avec des risques hypothétiques climatiques ou maritimes, les médias seraient mieux avisés de nous mettre en garde contre les risques réels et immédiats comme celui décrit plus haut…

    Un article publié initialement le 22 septembre 2022 .

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      Comment le SMIC crée de l’inflation et du chômage

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 5 January, 2023 - 03:30 · 14 minutes

    Certes, la vaccination et la sécurité font les Unes de la campagne électorale . Mais le pouvoir d’achat est également objet de débats, de programmes et de promesses des candidats déclarés ou putatifs. L’idée d’une hausse des salaires généralisée imposée à tous les employeurs est désormais banale, une hausse du SMIC ou un niveau de salaire garanti à toute personne active (2000 euros par exemple), l’accroissement substantiel des traitements des enseignants et soignants, la participation obligatoire des salariés aux profits ou au capital des entreprises et enfin (sans doute mesure la plus originale) le chèque inflation .

    Des arguments bien connus

    Cette belle unanimité au sein de la classe politique, majorité et opposition confondues, mais aussi dans le monde des partenaires sociaux (syndical et patronal) repose sur des arguments bien connus.

    Je rappelle ceux qui sont avancés le plus fréquemment.

    Relance économique

    C’est l’ argument keynésien classique consistant à augmenter le pouvoir d’achat afin de garnir les carnets de commandes des entreprises, donc favoriser l’investissement et l’emploi. Le niveau d’activité d’une économie nationale dépend du dynamisme de la demande globale.

    Réduction des inégalités

    Trop de salariés vivent en dessous du seuil de pauvreté, certaines personnes sont discriminées, comme les femmes, les étudiants, les seniors.

    Tiers système

    Entre capitalisme et socialisme, chercher à désamorcer la lutte des classes en associant capital et travail à travers la participation aux profits, au capital, à la décision.

    Certes, mon propos n’est pas de nier l’opportunité d’accroître les salaires ni la nécessité de remettre en marche l’ascenseur social, ni l’intérêt de la participation. Mais je conteste qu’il doive s’agir de mesures globales et imposées par l’État. Je soutiens, comme de nombreux économistes du monde entier, qu’une hausse globale des salaires et des revenus conduit inévitablement à l’inflation et au chômage.

    Je pourrais sans doute m’en tenir au raisonnement très classique des monétaristes : une émission inconsidérée de la masse monétaire n’a aucun effet réel sur la production, elle ne fait qu’augmenter le niveau général des prix.

    Je pourrais aussi faire référence à la célèbre courbe de Phillips dont les glissements démontrent la corrélation statistique entre taux d’inflation et taux de chômage : accepter et a fortiori provoquer l’inflation c’est créer plus de chômage.

    Mais je préfère rappeler la logique qui mène du décret public à la catastrophe. Le décret c’est la décision politique de financer une hausse des salaires et des revenus dans l’espoir d’augmenter le pouvoir d’achat et de créer des emplois. La catastrophe inévitable c’est le chômage massif et la perte du pouvoir d’achat, surtout pour les plus démunis.

    Il s’agit bien d’un rappel, je n’invente rien, je m’en remets aux idées et aux travaux d’économistes célèbres, par exemple Jacques Rueff, Hayek et Becker.

    Jacques Rueff : distribution de faux droits

    Dans la logique de l’échange, chaque personne reçoit en contrepartie de ce qu’elle donne.

    Augmenter les salaires est légitime quand le travail effectué a déjà apporté ou va apporter une contrepartie réelle, quand il a ajouté une valeur au produit. Cette valeur est marchande : c’est le prix pratiqué sur le marché en fonction de la demande des clients qui la mesurent. Jacques Rueff l’appelle « prix d’équilibre ». Le salarié est payé par l’employeur, qui est payé par le client. Le salaire est donc la rémunération du service rendu par celui qui a apporté son travail.

    Il est possible d’anticiper une valeur future : la contrepartie n’existe pas encore mais le marché s’annonce favorable, donc on peut imaginer un crédit et verser immédiatement un supplément de salaire qui sera compensé ex post par un supplément de recettes pour l’employeur.

    Mais qu’en est-il quand la hausse des salaires est décrétée par décision publique, et a fortiori quand l’État s’engage à financer cette hausse et à l’inscrire dans les finances publiques ? La politique de relance fait abstraction du marché car elle ignore si les clients accepteront le coût des produits proposés, compte tenu de leurs besoins et de leurs moyens.

    La monnaie est un instrument précieux des échanges, elle permet d’éviter les difficultés du troc, échange instantané de deux produits, précaire dans le temps et dans l’espace. Avoir de la monnaie c’est détenir un droit sur toutes les personnes qui composent la communauté de paiement.

    C’est, dirait-on aujourd’hui, un « passe économique ». S’il est délivré à des gens qui n’ont rien produit, ce passe est un faux droit : totalement ou partiellement il n’a pas été compensé par un apport productif antérieur et il ne le sera jamais. Le lien entre l’apport productif et sa rémunération est rompu.

    Très vite le mérite, l’ardeur au travail et l’apport productif disparaissent dans le pays, la croissance ne sera plus au rendez-vous et si dans un premier temps l’impression est celle d’un pouvoir d’achat accru puisque la manne étatique (versée directement  ou imposée par décret aux employeurs) est largement distribuée il s’ensuit très vite un déséquilibre entre droits distribués et contreparties réelles. Les biens et services que l’on peut se procurer avec les faux droits se font rares, les prix sur le marché libre grimpent rapidement, amputant lourdement le pouvoir d’achat dont disposaient les personnes aidées par la distribution de faux droits.

    Distribuer des chèques inflation pour compenser l’inflation c’est évidemment proposer une monnaie de singe, c’est le type même de faux droit. Ceux qui disposent de revenus indexés ou de patrimoines solides peuvent maintenir leur pouvoir d’achat, ceux qui veulent spéculer sur l’accélération de l’inflation réaliseront des profits. Ceux qui sont dans la pauvreté n’auront aucune défense.

    Hayek : mal-investissement, gaspillage de l’épargne

    La politique de relance par la dépense publique, elle-même financée par le déficit budgétaire et la dette croissante, fait de l’État le « stratège » de la croissance. On prête aux gouvernants la capacité de prévoir l’avenir et d’anticiper les besoins de la communauté nationale à long terme, tandis que le marché serait myope, ne prenant en compte que l’offre et la demande à court terme. « Gouverner c’est prévoir » (Mendès France).

    Cette idée est à la fois utopique et fallacieuse.

    Utopique car la visée principale de la plupart des politiciens est la prochaine échéance électorale, il faut y figurer avec des promesses qui ne seront jamais tenues.

    Fallacieuse car la planification globale, sous sa forme soviétique ou dans sa version « indicative », a toujours et partout échoué. Fallacieuse aussi parce que le marché prend en compte les anticipations des entrepreneurs dont le succès dépend essentiellement d’innovations qui reposent sur leur capacité d’anticiper la façon de mieux satisfaire les besoins de la communauté. L’art d’entreprendre ( entrepreneurship ) est de repérer avant tout autre les besoins du futur, il est stimulé par la concurrence et rémunéré par le profit.

    Hayek a expliqué les crises économiques par les erreurs d’investissement commises par l’intervention de l’État. Les signaux du marché , prix et profits, sont faussés ou occultés : par sa politique l’État fixe ou influence les coûts de production, y compris les taux d’intérêt. Deviennent artificiellement rentables des projets sans avenir tandis que les financements manquent aux entreprises innovantes.

    L’épargne disponible et les crédits bancaires sont gaspillés. Le mal-investissement dénoncé par Hayek a pris en France une importance spectaculaire et aggravée depuis au moins une décennie. Alors que l’on croyait être libéré du Commissariat au Plan depuis sa suppression en 2006, on l’a ressuscité sous forme de France Stratégie en 2013 et finalement François Bayrou est devenu Haut-Commissaire en 2020.

    Mais le plus important est incontestablement le sort réservé à l’épargne populaire, puisque tous les sommes accumulées sur les livrets A sont versées à la Caisse des Dépôts et Consignations , la plus forte puissance financière de France.

    La Caisse a ses filiales chargées notamment de l’équipement du territoire et du logement social, mais en 2012 a été créée la Banque Publique d’Investissement dont le capital est partagé entre la Caisse et l’État et dont la mission est de financer les PME présentées par les régions et qui ont un label « France relance » qui n’a pas seulement pour vocation de créer des start-ups mais aussi de sauver des entreprises jugées « stratégiques » en détresse. Comme si cet arsenal de mal-investissement n’existait pas notre ministre de l’Économie Bruno Le Maire a exhorté les Français à mieux utiliser leur argent et à favoriser la sortie de crise.

    Faute d’investissements pour satisfaire les vrais besoins de la communauté, les produits nécessaires sont soit absents, ce qui provoque la hausse de tous les prix (dont le contrôle est illusoire et qui accentue la pénurie), soit achetés à l’étranger, ce qui détruit la production nationale et supprime des emplois (et la propagande pour le « patriotisme économique » est inefficace même avec des mesures protectionnistes).

    La thèse du mal-investissement s’intègre tout naturellement dans l’effondrement social que produit l’inflation. L’histoire est sans appel : toutes les sociétés ont péri dans l’inflation, qu’il s’agisse entre autres de l’Empire romain, de l’Ancien Régime, de l’Allemagne des années 1930. La raison en est que l’inflation est mensonge, spéculation, corruption : la confiance disparaît, le contrat n’a plus de valeur, tout est permis, tout se dégrade. On peut se demander comment de telles évidences n’apparaissent pas à ceux qui prônent l’inflation, destructrice de vérité et de responsabilité.

    Gary Becker : gaspillage du capital

    Gary Becker est à juste titre considéré comme l’un des théoriciens du capital humain.

    L’expression n’est pas très heureuse car beaucoup d’intellectuels anticapitalistes, par exemple Bourdieu, lui reproche de faire de l’Homme une marchandise. On investit dans l’Homme comme dans une machine. Becker a dit tout autre chose et sans doute l’inverse : ce sont les qualités personnelles qui permettent à l’être humain de progresser sans cesse et ces qualités ne sont pas décidées par l’employeur ni par l’État, elles sont le fruit d’une démarche elle aussi personnelle pouvant être facilitée par l’éducation, le savoir et l’expérience, et qui peut se poursuivre tout au long de la vie.

    En quoi la hausse artificielle des salaires ou des revenus peut-elle agir sur le capital humain ? Gary Becker a étudié la question à propos du SMIC , dont il était un adversaire résolu. Le SMIC a pour effet d’amener les salariés à stopper leur propre investissement en capital humain, jusqu’à refuser ce que les employeurs leur proposent en ce sens. C’est qu’íls ne voient qu’un avantage financier mineur et qu’ils considéraient le SMIC comme un droit social qui devrait leur être garanti sans effort de leur part. En revanche la perspective de changer d’emploi, de travailler autrement, ne leur est pas souvent agréable.

    Le point de vue de Becker doit aussi être compris à la lumière de ce qu’il pensait de l’élément à son sens le plus important du capital humain : la famille, qui a été un autre aspect de son œuvre scientifique.

    C’est au sein de la famille que l’éducation se forme, et le désir d’épanouissement personnel naît de l’exemple des parents et des proches, et va durablement marquer l’être humain : faire mieux, vivre mieux, développer ses capacités, avoir l’esprit de service, l’esprit d’équipe. Sans doute l’école a-t-elle aussi un rôle décisif, et il est certain qu’il y a une corrélation entre le nombre d’années de scolarisation et le niveau de salaires.

    Mais on se rappelle la formule de Jules Ferry : « l’école instruit des enfants éduqués par leurs parents ». Ainsi le capital humain est-il affaire personnelle, incluant le milieu familial et l’expérience vécue, bien plus qu’un droit social. Or, le SMIC dans la plupart des pays apparaît surtout comme un droit social, il devient une affaire collective, syndicale et politique, plutôt qu’une culture des capacités et un épanouissement de la personnalité.

    Le résultat de cette erreur est la sous-qualification de très nombreux salariés et elle est d’autant plus accentuée que le niveau de SMIC est très élevé. De nombreux pays n’ont jamais connu le SMIC, et leur population, comme celle de la Suisse , n’en veut pas. D’autres pays ont un SMIC tout à fait symbolique (la plupart des États américains). D’autres y sont venus très tardivement, et à l’initiative de la classe politique : c’est le cas de l’Allemagne.

    D’autres enfin le remettent en cause : c’est le cas de l’Italie. Mais en France l’histoire du SMIC s’est inscrite dans le schéma syndical et politique au point que parmi les pays de l’OCDE le niveau de SMIC est le plus proche de celui du salaire médian. Gary Becker avait fait un article expliquant le niveau de chômage élevé dans certains pays européens comme le résultat du SMIC, débouchant sur la sous-qualification du personnel.

    L’une des conséquences de la sous-qualification est la perte de compétitivité des entreprises. Une autre est la recherche de la robotisation.

    Mais voici la plus grave : ce sont les salariés les moins qualifiés qui sont les premiers candidats au chômage en cas de réduction des effectifs, en cas de recherche de nouvel emploi. Ainsi le surcroît de droits sociaux signifie moins de protection pour une masse de salariés. D’ailleurs ouvrir de nouveaux droits sociaux ou accroître leur niveau actuel c’est ramener la dignité d’un être humain à son niveau de rémunération plutôt qu’à ses qualités, son mérite, son comportement. C’est un volet de l’économisme marxiste. À ce jeu un pays très politisé et très syndicalisé les rémunérations peuvent être totalement artificielles, nées de privilèges voire de corruptions (« le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument » Lord Acton ).

    Ainsi, contrairement à ce que professe la pensée unique le « progrès social » ne consiste pas à augmenter sans cesse et globalement et par décret le niveau des salaires ou des revenus, et en particulier le niveau minimum.

    La cohérence du système libéral, par opposition au système collectiviste, c’est que les trois questions systémiques sont résolues par le « plébiscite quotidien du marché » pour reprendre Hayek :

    • que produire ? (révélation des préférences)
    • comment produire ? (choix et organisation des facteurs de production)
    • pour qui produire ? (répartition des revenus)

    Il s’agit donc d’un système décentralisé, fondé sur des décisions individuelles coordonnées par l’échange libre. Par opposition le système collectiviste repose sur le plan impératif qui confie la réponse aux trois questions à une autorité politique centrale (« la démocratie politique garantit la démocratie économique » disait Georges Marchais). Il va de soi qu’il n’y a pas de tiers système contrairement à ce que la classe politique croit dans beaucoup de pays, dont la France marquée par l’étatisme jacobin.

    L’élite française se croit autorisée à décréter ce qui est bon pour le peuple, qui en conçoit finalement rejet de la classe politique. Les Français seraient-ils condamnés à choisir entre le virus du despotisme et le virus du populisme ? Nous le saurons bientôt, mais un vaccin libéral serait le bienvenu.

    Un article publié initialement le 1 décembre 2021 .

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      Les Français et la maladie du « Toujours Plus »

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 3 January, 2023 - 04:30 · 9 minutes

    L’année 2022 s’achève et on s’interroge avec inquiétude sur ce que nous réserve la nouvelle année. Toutes les économies européennes sont très fortement affectées par les répercussions de la guerre menée par les Russes en Ukraine et le FMI vient d’abaisser de 2,5 % à 2 % ses prévisions pour la croissance mondiale . Il révèle dans sa dernière note que « le ralentissement le plus marqué interviendra dans la zone euro ».

    En France les handicaps pour surmonter les difficultés qui se profilent ne manquent pas : le secteur industriel amoindri ne représentant plus que 10 % du PIB fait de la France le pays le plus désindustrialisé d’Europe Grèce mise à part ; la dette structurelle toujours croissante est supérieure au PIB ; le taux de chômage est le plus élevé d’Europe ; les dépenses publiques sont en proportion du PIB beaucoup plus importantes que partout ailleurs.

    Nos dirigeants n’ont donc pas devant eux une page blanche.

    Et il existe de surcroît un élément sous-jacent jamais évoqué qui est une donnée sur laquelle les dirigeants n’ont aucune prise : la sociologie du peuple français.

    Le rôle de la sociologie en matière économique

    La sociologie joue un rôle extrêmement important dans les processus et les phénomènes économiques.

    Dans La grande transformation , Karl Polanyi , un économiste anthropologue austro-hongrois dont les travaux sont très appréciés par les économistes de l’École de Toulouse énonce qu’il ne peut y avoir de relations économiques sans relations sociales.

    Dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme , paru en 1905, Max Weber avait expliqué que la différence profonde de performances économiques entre les pays du nord de l’Europe et les pays du sud tient au fait que les uns sont protestants alors que les autres sont catholiques. Selon lui, c’est l’éthique protestante qui a fait le succès du capitalisme : chez les protestants on accumule pour investir et non pas pour consommer. La France fait partie de ce que certains experts à Bruxelles appellent malicieusement les « pays du club Med ». Nos dirigeants se voient contraints de faire avec cette donnée qui est par nature inchangeable. Max Weber a fait le constat que lorsque dans un pays il y a une partie protestante et une autre catholique c’est toujours la partie protestante qui est la plus prospère.

    Au-delà de cette spécificité culturelle il existe en France un syndicalisme d’opposition qui est la conséquence, selon de nombreux auteurs, de la loi de Waldeck Rousseau du 21 mars 1884 qui a donné une base légale aux syndicats mais les a écartés des sages sentiers de l’administration des choses.

    En Allemagne et dans les pays scandinaves les syndicats et le parti socialiste collaborent. Il y a même un système de cogestion des entreprises chez notre voisin allemand. Dans les pays scandinaves, les conflits se règlent par le dialogue. C’est aussi le cas de la Suisse où depuis l’accord conclu en 1937 instituant « La Paix du travail », il n’y a plus jamais de grèves.

    Dans le cas de la France, il faut se rapporter à la Charte d’Amiens de 1906 qui a fondé le syndicalisme français : elle valorise l’expropriation capitaliste et la lutte des classes avec comme moyen d’action la grève générale. Ainsi, en France, l’inconscient prolétarien est révolutionnaire. Cette Charte a constitué jusqu’ici l’ADN du syndicalisme français. Aussi, les conflits entre les syndicats et le patronat n’ont-ils  pas cessé d’agiter la société. Il est impossible de les énumérer tous ici mais on ne peut manquer de rappeler l’épisode du Front populaire de 1936 qui a abouti à la semaine de 40 heures et des congés payés : dans toute la France des usines furent occupées et le drapeau rouge flottait sur bon nombre d’entre elles.

    Avec ces innombrables luttes contre le pouvoir et le patronat les Français ont obtenu des avantages sociaux importants inscrits dans la législation du pays. Le Code du travail français est ainsi très volumineux et particulièrement rigide et nuit au bon fonctionnement des entreprises.

    Les pays scandinaves et la Suisse sont pris comme exemples de pays où l’économie est dynamique et prospère :

    Population active

    • France……………….. 45,9 %
    • Pays scandinaves… 50 % – 55 %
    • Suisse………………… 57 %

    Durée de vie active

    • France……………….. 35,6
    • Pays scandinaves… 41
    • Suisse………………… 42,4

    Heures de travail par an

    • France……………….. 1402
    • Pays scandinaves… 1662
    • Suisse………………… 1831

    Durée hebdomadaire du travail

    • France……………….. 35
    • Pays scandinaves… 37 – 38
    • Suisse………………… 45 – 50

    Jours de grève

    • France……………….. 1000
    • Pays scandinaves…    114
    • Suisse…………………        1

    On voit comment s’est organisé le pays pour faire fonctionner sa machine économique par comparaison avec les pays scandinaves et la Suisse.

    Dans le cas de la France :

    • taux de population active anormalement bas ;
    • durée de vie active plus courte ;
    • nombre d’heures travaillées par an inférieur ;
    • propension à recourir à la grève particulièrement élevée.

    Il manque à la France au moins 4 millions de personnes au travail sachant que les chômeurs sensés rechercher activement un emploi sont comptabilisés dans la population active.

    En France, ceux qui ne sont pas au travail sont portés par la communauté nationale et vivent de subsides fournis par la population active. Fin octobre 2022 Pôle Emploi comptait 6 198 310 inscrits toutes catégories confondues (A, B, C, D et E), dont 3 091 900 inscrits en catégorie A.

    Il en résulte des performances économiques très inférieures à celles des pays scandinaves et de la Suisse. Paradoxalement, le pays se situe au 24e rang seulement du classement des nations du World Hapiness Report de l’ONU de l’année 2019, entre le Mexique et le Chili alors que les pays pris ici en exemple sont tous en tête du classement.

    Finlande

    • PIB/capita………….. 53 654 dollars
    • Dette/PIB……………   72,4 %
    • Dép. Soc/PIB………. 54,9 %
    • World Happiness….  N° 1

    Suède

    • PIB/capita………….. 61 028 dollars
    • Dette/PIB…………… 42,0 %
    • Dép. Soc/PIB………. 50,2 %
    • World Happiness…. N° 7

    Danemark

    • PIB/capita………….. 68 007 dollars
    • Dette/PIB…………… 33,2 %
    • Dép. Soc/PIB………. 51,0 %
    • World Happiness…. N° 2

    Norvège

    • PIB/capita…………..  89,154 dollars
    • Dette/PIB……………  36,2 %
    • Dép. Soc/PIB……….  18,0 %
    • World Happiness….  N° 3

    Suisse

    • PIB/capita…………..  91 991 dollars
    • Dette/PIB……………  42,4 %
    • Dép. Soc/PIB……….  17,5 %
    • World Happiness….  N° 6

    France

    • PIB/capita…………..  43 659 dollars
    • Dette/PIB……………  113,5 %
    • Dép. Soc/PIB……….  59,2 %
    • World Happiness…. N° 24

    Quand la France va-t-elle pouvoir se réformer ?

    Ces données conduisent à conclure que la France a un immense besoin de se réformer mais ses dirigeants sont très loin de s’atteler à la tâche.

    Les dépenses publiques sont à un niveau très supérieur, en proportion du PIB, à ce qu’elles sont partout ailleurs (51,9 % du PIB contre 34,9 % pour la moyenne OCDE ).

    Les hôpitaux publics sont fortement déficitaires, leur dette s’élève à 30 milliards d’euros.

    Le COR prévoit que le déficit des caisses de retraite va s’élever dans les prochaines années à 0,5 voire 0,8 point de PIB.

    Le pays a perdu près de la moitié de son secteur industriel qui ne représente plus que 10 % du PIB alors qu’il devrait se situer au moins à 18 %.

    De toutes parts, la population réclame davantage de médecins et d’infirmières, davantage de juges, de policiers et de gardiens de prison, davantage de postiers, etc.

    Les revendications pour l’augmentation du pouvoir d’achat sont permanentes. Les 35 heures instaurées par Martine Aubry ont fait partout des dégâts considérables et aucun autre pays n’a adopté une telle mesure.

    Les Français ne parviennent pas à réaliser que le PIB par habitant est bien inférieur à celui des voisins du nord et veulent faire fonctionner la machine économique avec des ratios inférieurs des éléments clés intervenant dans le processus de création de richesse à ce qu’ils sont dans les pays où les PIB par tête sont élevés.

    Cette maladie du « toujours plus » qui affecte les Français avait été déjà dénoncée en 1982 par le journaliste et essayiste François de Closets dans Toujours plus . Ce livre a eu à l’époque beaucoup de succès. François Mitterrand l’avait qualifié « d’ouvrage salutaire ».

    François de Closets écrivait :

    « Les Français se proclament tous défavorisés, réclamant plus d’argent, mais aussi plus de droits, d’avantages, de loisirs, et de garanties ».

    En 2006, il est revenu à la charge avec Plus encore !

    Il serait bon que nos dirigeants veuillent bien s’en inspirer.

    Cet esprit revendicatif s’était traduit par ce bouleversement extraordinaire qu’a été la Révolution de 1789 qui a aboli la royauté et accompagnée des cruautés et des massacres qui ont marqué cette période. Cette grande révolution s’est inscrite dans le roman national : elle est une date clé de l’histoire de France. Elle est louée aux jeunes générations, à l’école, comme un élément positif et on utilise donc la grève voire l’organisation de mouvements populaires violents pour s’opposer au pouvoir. Le marxisme est venu se greffer sur ce fond culturel. Vladimir Lénine avait parlé de « révolution permanente » et cette idéologie a eu beaucoup de succès en France. Les évènements de Mai 68 en ont été une illustration parfaite, mettant à mal une fois de plus l’idée même d’autorité. Plus récemment le mouvement des Gilets jaunes a beaucoup agité le pays.

    Les pouvoirs publics doivent donc faire avec cette donnée de la sociologie française. Alain Duhamel a analysé la psychologie politique des Français dans Les pathologies politiques françaises dont il dit « qu’elles incitent le pouvoir à avancer en crabe ».

    Il s’agit donc bien d’avancer mais avec précaution. Le premier pas consisterait à expliquer avec franchise aux Français où nous en sommes plutôt que de dissimuler en permanence la situation du pays.

    Un récent sondage Harris Interactive indique que six Français sur dix sont pessimistes sur l’avenir du pays, mais on ne leur a jamais expliqué quels étaient les défis à relever. Ils ne comprennent pas pourquoi le pays va mal et se dressent contre les dirigeants. Ils doivent pourtant comprendre les raisons pour lesquelles ils doivent faire des efforts et faire preuve de civisme. Nous n’en sommes hélas pas là pour l’instant. Dès qu’une occasion propice se présente, on déclenche une grève avant même de négocier et la direction de l’entreprise prise au piège doit céder. Une fois de plus, la SNCF vient d’en faire l’expérience, au moment où la population a le plus besoin de se déplacer.