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      Comment le commerce russe se développe pendant le conflit ukrainien

      Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 5 November, 2022 - 04:30 · 3 minutes

    Une étude du journal américain The New York Times révèle que le commerce russe s’est renforcé en 2022 et depuis le début du conflit en février, y compris avec l’ Occident malgré les sanctions contre la Russie. Faire des politiques qui ne prennent pas en compte les réalités économiques conduit à des effets contraires à ceux désirés.

    Cette situation illlustre aussi que nous sommes désormais bien dans un monde multipolaire et que la scène internationale ne se résume plus aux décideurs occidentaux.

    Le commerce de la Russie entre diversification et exportations plus lucratives

    L’étude montre que les importations vers la Russie en provenance des pays occidentaux et même non occidentaux ont baissé en 2022. Ainsi, celles provenant d’ Allemagne vers la Russie ont baissé de 51 %, celles des Pays-Bas de 52 % et celles d’Espagne 44 %. Par contre, les importations venant de Turquie et de Chine ont respectivement augmenté de 113 % et de 24 %. À première vue, la Russie se repositionne sur des pays qui ne la sanctionnent pas.

    Néanmoins, l’évolution des exportations russes et plus précisément de leur valeur financière montre une situation différente. La valeur des exportations en direction des Pays-Bas a augmenté de 74 %, celles vers l’Allemagne de 38 %, celles vers les Pays-Bas de 74 %, celles de l’Espagne de 112 %, la Turquie de 213 %, l’Inde de 430 % et la Chine 98 %. Cela s’explique en partie par le fait que le prix élevé du pétrole et du gaz l’année dernière a gonflé la valeur de ses exportations, ce qui a aidé Moscou à compenser les pertes de revenus dues aux sanctions.

    Néanmoins, au-delà des hydrocarbures la Russie commerce toujours avec l’Europe dans d’autres secteurs clés. Ainsi, une partie de l’uranium des centrales nucléaires française provient de Russie, et le commerce de diamant de la Belgique reste aussi lié au commerce russe. Comme le rapport le New York Time :

    « La Russie reste également l’un des principaux exportateurs d’autres produits de base essentiels, allant des engrais à l’amiante et des réacteurs nucléaires au blé. Les constructeurs automobiles internationaux dépendent toujours de la Russie pour le palladium et le rhodium nécessaires à la fabrication des convertisseurs catalytiques. »

    Le résultat est que l’économie russe pour laquelle le Fonds Monétaire International prévoyait une baisse de 8,5 % en avril est désormais estimée à 3,4 % ; un chiffre qui reste inférieur aux pays européens qui sont en croissance, mais supérieur à l’Ukraine qui connaitrait une récession de plus de 30 %.

    Une reconfiguration du commerce international

    En plus de ses exportations vers l’Occident, la Russie est en train de se tourner vers le marché asiatique (Inde et Chine) pour les hydrocarbures, ce qui pourrait pousser les autres pays exportateurs de pétrole et de gaz d’en vendre davantage en Europe. Néanmoins, l’attitude des pays de l’ OPEP et plus précisément de l’Arabie montre une volonté de limiter leur production pour maintenir des prix élevés, ce qui n’arrange pas les affaires des Européens.

    Quant à la Russie, 2023 va être un test économique pour elle. Il faudra voir si sa politique de diversification des partenaires est efficace. Plus problématique pour les pays occidentaux est que les liens commerciaux entre la Russie et la Chine se développent. Pékin conforte ainsi sa force dans l’économie internationale à un moment où l’autorité de Xi Jinping se consolide.

    Dans tous les cas, la situation du commerce russe révèle à la fois la division des Européens sur la question des sanctions, mais aussi qu’isoler économiquement un pays est de plus en plus difficile dans une économie mondialisée et multipolaire. Surtout quand l’atout du pays en question est d’être une réserve de matière première.

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      Rishi Sunak décevra probablement les partisans des marchés libres

      Reason · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 28 October, 2022 - 03:15 · 5 minutes

    Par .

    Cinquante jours seulement après avoir perdu contre Liz Truss lors d’une élection à la direction du parti conservateur, Rishi Sunak se retrouve tout de même Premier ministre du Royaume-Uni.

    Le Parti conservateur avait initialement rejeté Sunak en raison de ses politiques fiscales en tant que chancelier de l’Échiquier et du rôle qu’il aurait joué dans la chute de l’ancien Premier ministre Boris Johnson. Mais après la tourmente financière qui a suivi le « mini-budget » de Truss, les députés conservateurs l’ont chassée du pouvoir, créant ainsi une nouvelle voie pour Rishi Sunak vers Downing Street.

    Dans la compétition hâtive qui a suivi, la plupart des médias conservateurs se sont rangés derrière Sunak en raison de ses avertissements, jugés prémonitoires, sur les effets financiers d’un gouvernement Truss. Johnson a alors décidé de ne pas se présenter et Penny Mordaunt, la seule autre candidate déclarée, s’est retirée après avoir lutté pour passer le seuil de nomination. Sunak a donc été couronné sans opposition lundi dans un retour des plus improbables.

    Rishi Sunak VS. Liz Truss

    Sunak avait été nommé chancelier par Johnson en février 2020 en tant que ministre des Finances plus malléable pour le Downing Street de Johnson et Dominic Cummings. Pendant les premiers stades de la pandémie, il est devenu le chancelier le plus populaire depuis 15 ans en arrosant d’argent les travailleurs attachés aux entreprises fermées par un énorme programme de furlough .

    Sa relation avec la base s’est toutefois dégradée au cours des deux années suivantes . Il a d’abord présenté des plans visant à augmenter le taux d’imposition des sociétés de 19 à 25 % pour financer les dépenses liées à la pandémie passée. Il a ensuite rompu l’engagement qu’il avait pris dans son manifeste de ne pas augmenter les impôts des particuliers en augmentant de 1,25 % chacune des taxes de sécurité sociale des employés et des employeurs britanniques. Parallèlement au gel des seuils de l’impôt sur le revenu, la charge fiscale résultant de son action devait atteindre son niveau le plus élevé depuis 70 ans .

    La propre démission de Sunak du Cabinet a ensuite contribué à précipiter l’éjection de Johnson. L’ancien chancelier avait une vidéo soignée pour sa candidature prête à être diffusée dès le départ de Boris. Les membres du parti conservateur ont senti un coup de couteau planifié et au fur et à mesure que la campagne pour la direction du parti se développait, sa politique fiscale impopulaire est devenue le principal clivage avec Truss.

    Elle s’est engagée à abandonner la hausse de l’impôt sur les sociétés proposée par Sunak et à annuler les augmentations de l’impôt sur la sécurité sociale. Sans réduction compensatoire des dépenses, Sunak a fait valoir que cela risquait de faire grimper les coûts d’emprunt du gouvernement britannique, ce qui se traduirait par une hausse des taux hypothécaires. Truss a gagné le débat mais a depuis perdu l’argument.

    Son « mini-budget » a tenu ses promesses fiscales, mais est allé beaucoup plus loin que prévu. Elle et son chancelier ont effrayé les marchés en réduisant également deux taux d’imposition sur le revenu et plusieurs taxes de moindre importance, et en subventionnant un gel des prix unitaires de l’énergie pour les ménages pendant deux années entières. Chacune de ces mesures avait des justifications microéconomiques, mais les marchés se sont emballés devant l’ampleur des emprunts supplémentaires et l’incertitude de leur répercussion sur les taux d’intérêt. Le fait que le gouvernement de Mme Truss ait refusé d’autoriser l’ Office for Budget Responsibility à établir des estimations de l’impact de ces mesures sur les déficits n’a rien arrangé.

    La livre est devenue très volatile et les coûts d’emprunt du Royaume-Uni ont grimpé en flèche, comme l’avait prédit M. Sunak, surtout après que le chancelier de M. Truss, Kwasi Kwarteng, a promis que d’autres réductions d’impôts seraient accordées. Certains fonds de pension exposés au risque de rendement des obligations ont failli faire faillite, nécessitant une intervention d’urgence de la Banque d’Angleterre. Les taux hypothécaires ont fortement augmenté. Les sondages d’opinion des conservateurs ont chuté.

    Mme Truss a fait marche arrière sur plusieurs promesses fiscales afin de rétablir la confiance du marché, alors que les députés conservateurs ont clairement indiqué qu’ils ne toléreraient aucune réduction importante des dépenses compensatoires. Les rendements obligataires sont devenus dépendants de l’évolution de la politique britannique, chutant à chaque fois qu’un signal de conservatisme fiscal était donné. Mme Truss a fini par faire marche arrière, renvoyant son chancelier et permettant à son remplaçant, Jeremy Hunt, d’ abandonner presque toutes les réductions d’impôts, à l’exception de l’inversion de la sécurité sociale, tout en ne s’engageant à appliquer la politique énergétique universelle que jusqu’en avril. Le parti s’est réapproprié la réduction du déficit.

    Sunak, Premier ministre

    Et c’est ainsi que Rishi Sunak se retrouve Premier ministre, alors qu’il n’a fait aucune promesse politique au cours de cette campagne plus récente et plus courte. Le nouveau Premier ministre est un conservateur fiscal convaincu et n’a pas peur d’augmenter les impôts pour y parvenir.

    Il rend régulièrement un hommage rhétorique aux marchés libres, mais lors de la campagne de leadership avec Truss, il a plaidé en faveur d’une politique commerciale axée sur les producteurs et d’un renforcement des lois déjà strictes du Royaume-Uni en matière d’aménagement du territoire. Ceux qui espèrent qu’il maintiendra les plans non réalisés de Truss pour des politiques de déréglementation, non fiscales et axées sur l’offre risquent d’être déçus.

    Le changement de leader sera-t-il politiquement payant ? Les conservateurs s’attendront à un coup de pouce, mais Sunak est le genre de conservateur que les chroniqueurs qui ne voteraient jamais conservateur disent respecter. Est-ce qu’un jet-setter super fortuné sera bien accueilli pendant une crise du coût de la vie à laquelle il a contribué en tant que chancelier ? Le jury n’a pas encore délibéré.

    Traduction Contrepoints

    Sur  le web

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      La zombification de l’économie européenne

      Nikola Kedhi · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 26 October, 2022 - 03:20 · 9 minutes

    Cela a pris du temps, mais l’ inflation a finalement été ajoutée au vocabulaire des fonctionnaires occidentaux. Durant la pandémie, alors que les banques centrales imprimaient de l’argent, finançaient les déficits publics, on nous disait qu’il n’y avait pas de risques inflationnistes. Ensuite, les politiciens et les « experts » ont assuré que ce serait transitoire. Quelques mois plus tard, alors que l’inflation devenait plus difficile à dissimuler, l’agression brutale de Vladimir Poutine en Ukraine devenait le seul coupable.

    Si énoncer les véritables raisons de la flambée des prix semble être prohibé du côté des politiciens, une discussion devrait enfin avoir lieu sur le sujet avec de bonnes chances de s’attaquer aux véritables causes.

    Quelques faits

    Les commandes manufacturières sur le marché intérieur allemand ont chuté de 5 % en juillet. L’indice manufacturier de la zone euro est tombé à 49,6 en août, en dessous du niveau de 50 points, indiquant une contraction. Au deuxième trimestre, en Allemagne – souvent considérée comme l’économie la plus forte de la zone euro – les salaires réels ont chuté de 4,4 %, tandis que les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 16 % en glissement annuel.

    Pendant ce temps, les mêmes politiques de gauche ont été suivies en Grande-Bretagne, même si le gouvernement est soi-disant conservateur. Le résultat est le plus haut niveau de faillites d’entreprises depuis 2008, l’inflation et le déficit budgétaire à des niveaux records et la livre à son plus bas niveau face au dollar depuis 1985.

    Et ne parlons pas de l’Italie, dont le PIB au cours de la dernière décennie de régime technocratique a diminué de 1,4 %, tandis que le ratio dette/PIB est passé de 119 % à 150,8 % et que la pression budgétaire est passée de 41,3 % à 43,5 %. De même en France, le ratio dette/PIB est de 113 % en juin de cette année

    Le dilemme des banquiers centraux

    Le resserrement des politiques monétaires va-t-il se poursuivre en Occident pour freiner l’inflation ? Ou, à cause de la crise économique aux États-Unis et dans l’UE, les gouvernements vont-ils conduire des politiques expansionnistes pour éviter une récession attendue et une crise de la dette ? Les décideurs politiques occidentaux sont confrontés à ce dilemme – qu’ils ont eux-mêmes créé.

    Les causes profondes de l’inflation

    La bureaucratie bruxelloise, et récemment le gouvernement américain, sans le dire ouvertement, suivent les principes d’une théorie économique appelée la théorie monétaire moderne. C’est l’une des causes profondes de la hausse actuelle des prix des biens de base et de l’énergie. Fondamentalement, la théorie dit que la dette et les dépenses débridées n’ont aucun effet négatif, puisqu’ un pays peut imprimer autant d’argent qu’il le souhaite – ce qui est une erreur. En général, les politiciens aiment cette théorie, car elle leur donne davantage de pouvoir, tandis que les contribuables sont ceux qui doivent en assumer les coûts.

    Une mesure révélatrice des conséquences de cette théorie dans la zone euro est la perte cumulée de pouvoir d’achat de 74 % de 1991 à 2021.

    Pour aggraver les choses, pendant la pandémie, les gouvernements ont fermé leurs économies respectives, réduisant fortement l’activité du côté de l’offre. En conséquence, la production a considérablement chuté, tandis que les banques centrales de l’UE et des États-Unis imprimaient de grandes quantités de monnaie et les injectaient sous forme de monnaie hélicoptère , dépensant des milliards de dollars en programmes d’aide – souvent inutilement. Alors que le dollar bénéficiait dans une certaine mesure de son statut de monnaie de réserve, l’euro et les autres monnaies n’avaient pas cet avantage, se nuisant à essayer de répliquer les politiques américaines.

    Il ne faut pas oublier que l’argent n’a pas de valeur en soi, mais qu’il tire sa valeur de ce qui est produit dans une économie. Cette croissance de la masse monétaire , bien supérieure à la hausse de la demande, associée à des taux d’intérêt négatifs et couplée à une augmentation massive de la dette des États européens, à la répression financière, à des niveaux élevés d’interventions sur le marché et à des réglementations excessives, a conduit à un déclin économique continu, un changement dans les incitations économiques, un nombre élevé d’ entreprises zombies , une baisse de la productivité et des impôts plus élevés.

    Les bureaucrates européens ont ainsi créé un système hybride entre le capitalisme de connivence et le socialisme doux. L’Europe est désormais accro à la dette et à l’argent bon marché, à qui la cause de la maladie est présentée comme le seul remède.

    Le cas de l’Argentine

    L’Argentine est l’un des exemples les plus significatifs de ce phénomène. En avril 2022, l’inflation annuelle était de 58 %, soit six fois plus que l’Uruguay, cinq fois plus que le Chili, quatre fois plus que le Brésil ou le Paraguay, qui sont des pays voisins avec des problèmes et des contextes similaires.

    Ce qui distingue l’Argentine , c’est la croissance de la base monétaire de 43,8 % pour cette seule année. Au cours des trois dernières années, la base monétaire a augmenté de 179,7 %, tandis qu’au cours de la dernière décennie la monnaie argentine a perdu 99 % de sa valeur par rapport au dollar.

    Le cas de la Suisse

    Pour voir l’absurdité des décisions de la zone euro, et les dangers pour les États-Unis s’ils continuent dans la même voie, il suffit de regarder la Suisse , après l’exemple argentin. L’inflation était de 3,4 % en juin, tandis que l’inflation de base était de 1,9 %. Même la Suisse ressent les conséquences de la guerre en Ukraine , elle aussi dépend des importations de gaz, d’autres actifs ou des chaînes d’approvisionnement. Mais ce que la Suisse n’a pas fait, c’est imprimer massivement de l’argent, empêchant ainsi la destruction sa monnaie et sauvant le pouvoir d’achat de ses citoyens.

    Système européen insoutenable

    L’agression brutale de Vladimir Poutine a montré que le système économique de l’Europe – basé sur une énergie bon marché en provenance de Russie, une dette élevée et les dépenses inutiles et improductives – est insoutenable et voué à l’effondrement.

    Au mieux, les « experts » et les politiciens ont été complaisants, myopes et irresponsables, sacrifiant l’innovation, la production et la souveraineté économique et énergétique de l’Europe, tout en amplifiant la dépendance vis-à-vis des adversaires géopolitiques.

    L’exemple du blé

    La hausse des coûts de production, en particulier pour la nourriture, découlerait de la guerre en Ukraine. Comme l’a noté l’économiste Daniel Lacalle, les exportations de blé de l’Ukraine et de la Russie représentaient 7,3 % de la production mondiale en 2020.

    Ensemble, en 2020, l’Ukraine et la Russie ont produit presque autant de blé que l’ensemble de l’Union européenne. Les agriculteurs européens ont produit à perte, avant et après la pandémie. Les principales raisons des coûts de production élevés sont les réglementations administratives et commerciales, les pressions écologistes et les lourdes charges fiscales.

    Si l’Europe était compétitive et disposait de modèles économiques qui incitaient à la production, les crises d’approvisionnement en provenance de Russie ou d’ailleurs ne se feraient pas sentir. Ce n’est pas que le manque d’approvisionnement de l’Est soit sans précédent. En 2010, il y a eu une baisse de 6,3 % en raison d’une sécheresse en Russie qui a réduit la production de 20 millions de tonnes métriques. Il y a eu de telles baisses dans les années 1991, 1994, 2003 et 2018.

    L’Union européenne n’a aucune raison de dépendre d’autres pays, encore moins de pays hostiles, alors qu’elle dispose de toutes les capacités de production. Cependant, la production a lieu là où il y a un marché libre, un non-interventionnisme, des impôts bas et un développement économique. Malheureusement, l’Europe a commencé depuis longtemps la zombification de sa propre économie.

    Maîtriser l’inflation

    De plus, si l’inflation était uniquement due à des problèmes de chaîne d’approvisionnement, et si la masse monétaire était peu modifiée, seuls les prix de certains produits augmenteraient. Or nous assistons à une augmentation de tous les prix. Les prix des produits ne peuvent monter en même temps que si la quantité de monnaie augmente plus vite que la demande. L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire . Par conséquent, pour maîtriser l’inflation, il faudrait relever les taux d’intérêt, réduire la charge fiscale sur les salaires et les produits, mettre fin à l’expansion quantitative et aux dépenses publiques inconsidérées. Mais de telles mesures auront leurs propres conséquences, et révéleront des années de mauvaises décisions.

    Malheureusement, les pays occidentaux n’ont pas la volonté politique de prendre ces mesures. La zone euro, avec ses États membres très endettés, ne relèvera jamais le taux d’intérêt de base aux niveaux nécessaires, car cela conduirait à une crise de la dette. Les actifs de la BCE par rapport au PIB restent élevés à plus de 70 %, contre 35 % aux États-Unis, alors que de nombreux pays de la zone euro ont des niveaux d’endettement supérieurs à 100 % du PIB (Italie, Pays-Bas ou France).

    Encore une fois, les problèmes causés par l’intervention de l’État seront résolus par davantage d’interventions  de l’État, ce qui augmentra les déséquilibres structurels. Le mécontentement populaire dans les pays occidentaux obligera les États à présenter des plans de sauvetage qui augmenteront les dépenses, les subventions, la dette et finalement la masse monétaire, entraînant une augmentation de l’inflation, aggravant la crise.

    L’unique voie de la croissance

    Pour l’Europe et les États-Unis,  il n’y a qu’une seule voie vers la croissance et la prospérité : un changement complet de leur conception du fonctionnement d’une économie et de la relation entre la machine bureaucratique et les individus.

    L’UE devrait se transformer en assemblée de nations autonomes coopérant les unes avec les autres, embrassant une véritable économie de marché libre, de concurrence et d’innovation, et rejetant la mentalité dirigiste et étatiste, dont il a été prouvé ad nauseam qu’elle n’apporte que souffrance et misère.

    Les États-Unis ont longtemps défendu la liberté, l’entrepreneuriat et la libre recherche du bonheur. C’est pourquoi ils ont prospéré. Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue pour y arriver. Nous n’avons qu’à suivre les modèles de réussites de personnes comme Thatcher ou Reagan. Sinon, l’Europe poursuivra son chemin vers le déclin géopolitique et économique, et les États-Unis suivront le mouvement, déplaçant l’équilibre des forces vers les adversaires de l’Occident.

    Ceci a été traduit de la version italienne publiée sur le site nicolaporro.it et dans le magazine Atlantico Quotidiano .

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      Relocalisations en Europe : les pays de l’Est grands gagnants ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 March, 2021 - 04:00 · 6 minutes

    relocalisations

    Par Nassima Ouhab-Alathamneh 1 .
    Un article de The Conversation

    Mis à l’épreuve de la pénurie de certaines productions à la suite de la crise sanitaire ayant frappé le monde depuis janvier 2020, un grand nombre de pays européens songent à relocaliser leurs entreprises stratégiques.

    Cette stratégie économique viserait à relancer la production de certaines industries, notamment médicales, afin d’anéantir les effets de dépendance vis-à-vis des entreprises opérant en dehors de l’Union européenne.

    En France, malgré les contraintes financières et logistiques de la relocalisation, l’État tente tant bien que mal de convaincre les dirigeants des sociétés à haute valeur industrielle de réimplanter leurs activités dans l’Hexagone.

    Pour cela, le gouvernement a multiplié les communications autour des nouvelles politiques économiques plus avantageuses et à propos du plan de relance de 100 milliards d’euros, dont un milliard seront utilisés pour inciter les entreprises à relocaliser à travers les « appels à projets de (re)localisation ».

    Ceci dit, la réorientation des activités vers l’Europe ne signifie pas nécessairement un retour au pays d’origine. En effet, les impôts et taxes afférentes pourraient aigrir la santé financière, particulièrement celle des moyennes entreprises. Il s’agit donc, pour les firmes, d’évaluer les risques financiers d’une éventuelle relocalisation dans le pays d’origine en fonction du coût du travail et de la pression fiscale.

    L’attractivité des PECO

    Plusieurs entreprises ont ainsi délocalisé leurs activités dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) en raison de leur proximité géographique et leurs coûts salariaux moins conséquents qu’en Europe occidentale.

    Selon la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, entre 2014 et 2018, il y a eu 253 cas de relocalisations dans les pays européens (à voir également le projet « The future of manufacturing in Europe » d’Eurofound de 2019).

    Le mouvement de relocalisation dans les PECO a débuté avant la crise de la Covid-19 et tend à s’activer après celle-ci. Le rapport de la Fondation pour l’innovation politique intitulé « Relocaliser en France avec l’Europe », paru en septembre 2020, nous donne l’exemple des entreprises le Coq Sportif, Lunii et Harry’s.

    Désormais, selon un rapport de mai 2020 de l’Institut polonais de l’économie, les PECO pourraient dégager un bénéfice de 22 milliards de dollars par an à la suite de la relocalisation de productions en provenance de la Chine. Ces entreprises tireraient d’importants profits en termes d’avantages comparatifs, de coûts de transports (chaînes d’approvisionnement et de distribution) et de salaires eu égard à la proximité des différents pays de la zone et aux disparités salariales.

    En comparant le coût horaire du travail entre l’Europe occidentale et les PECO, on constate d’importantes disparités allant de 5,30 euros en Roumanie à 44,70 euros au Danemark (cf. Figure 1).

    relocalisations Figure 1 : Coût horaire moyen du travail dans l’Union européenne en 2018. Statista , CC BY-SA

    Il en est de même pour la pression fiscale. Selon les statistiques de 2020 de l’Institut économique Molinari, les charges et les impôts supportés par l’employeur représentent plus de la moitié du salaire en France (54,68 %) contre 10 % pour la Bulgarie par exemple.

    Les coûts d’investissement quant à eux pourraient être amortis en améliorant la qualité et l’authenticité des produits, d’autant plus que la base industrielle rapportée au PIB est plus grande dans ces pays.

    En effet, d’après le dernier rapport de 2020 de la Fondation pour l’innovation politique, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée au sein des PECO est plus importante que dans les autres pays de l’Europe occidentale, hormis l’Allemagne (25,4 %) et l’Autriche (22,1 %). Elle s’élève à 29,7 % en République tchèque et 25 % en Pologne, contre seulement 13,6 % en France et entre 15 % et 19 % en Espagne, aux Pays-Bas et en Italie.

    Accélération de la relocalisation depuis la crise

    Plusieurs entreprises européennes, comme le fabricant allemand d’électroménager Bosch, sont aujourd’hui implantées en Pologne en raison des avantages concurrentiels et financiers que ce pays offre aux investisseurs. Une relocalisation qui remonte à avant la crise sanitaire, mais qui s’accélère depuis le début de celle-ci, notamment la partie logistique (centres d’appel, « click and collect », etc).

    En 2019, les investissements directs étrangers (IDE) représentaient 40 % du PIB polonais . Ces derniers provenaient majoritairement de l’Allemagne (19 %), de la France et des États-Unis (près de 11 % chacun).

    De même pour la Roumanie où maintes entreprises européennes se partagent le marché. Parmi elles figure le fabricant italien d’appareils électroménagers De’Longhi qui a rapatrié en 2020 sa production de Chine en créant une deuxième usine , après avoir racheté l’usine Nokia de la ville de Jucu en 2012. De’Longhi a ainsi créé plus de 1000 emplois locaux et a investi 30 millions d’euros.

    La Pologne suscite également l’intérêt d’entreprises américaines souhaitant s’implanter en Europe. C’est notamment le cas des géants de l’informatique Google et Microsoft. En juin dernier, Google a annoncé qu’il investirait jusqu’à deux milliards de dollars dans un centre de données dans le pays afin de traiter les services dans le cloud , suivant ainsi Microsoft qui a communiqué un mois plus tôt sa volonté d’investir un milliard de dollars pour un centre de données à très grande échelle, dans le but de développer et de transformer les compétences numériques en Europe.

    Le frein des enjeux technologiques

    Toutefois, des enjeux technologiques pourraient freiner ce mouvement de relocalisation vers les PECO. En effet, le savoir-faire et la flexibilité de la main-d’œuvre étrangère sont plus prégnants en Asie qu’en Europe de l’Est.

    Beaucoup de technologies de pointe, en électronique notamment, restent peu maîtrisées en Europe, à l’instar du hardware (matériel) informatique. L’essentiel du matériel disponible sur le Vieux Continent est aujourd’hui soit importé, soit fabriqué à l’étranger par une entreprise européenne.

    De ce fait, certains secteurs d’activité sont difficilement relocalisables, à cause du manque de main-d’œuvre qualifiée – malgré la présence d’un capital humain non négligeable – et l’automatisation des processus et de la production par les entreprises relocalisées qui demeurent insuffisants.

    Cet écart montre que, dans les PECO, les autorités publiques doivent encore repenser leur modèle économique en améliorant notamment les formations qualifiantes de la main-d’œuvre locale et en investissant davantage dans la recherche et le développement (R&D).

    À ce propos, selon le rapport du World Economic Forum (WEF) sur la compétitivité mondiale de 2018, les dépenses en R&D sont relativement faibles dans les PECO (1 %) par rapport aux pays de l’Europe occidentale (2,3 % en moyenne), comme la France (2,9 %), l’Allemagne ou l’Autriche (3,1 % chacun).

    Le basculement du travail en distanciel dans de nombreux domaines comme la finance, la vente et l’informatique pourrait recentrer les avantages comparatifs au profit de l’Europe occidentale. C’est à ce prix d’ailleurs que cette zone pourrait tirer profit de l’accélération du mouvement de relocalisation.

    Sur le web The Conversation

    1. Enseignante en économie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières.
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      Europe de l’Est : croissance et plein emploi grâce à la liberté économique

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 7 February, 2021 - 04:40 · 7 minutes

    Europe de l

    Par Aymeric Belaud.
    Un article de l’Iref-Europe

    Les anciens pays d’Europe de l’Est, appelés « démocraties populaires » sous le communisme, connaissent un développement économique grandissant et une amélioration des conditions de vie de leur population. C’est un véritable boom.

    L’un des exemples les plus marquants est celui de la République Tchèque. En effet, les Tchèques deviennent plus riches que les Espagnols et les Italiens . Quelle est la recette de cette réussite ? La réponse est simple, c’est le libéralisme économique.

    Plus de liberté économique en Europe de l’Est

    Ayant connu le totalitarisme communiste, les pays de l’Est se sont empressés de rendre leur pays et leur économie plus libres. Dès la chute du mur , certains États se sont réformés en profondeur. Ce fut le cas dès 1995 de la République Tchèque et de l’Estonie qui figurent maintenant parmi les pays les plus libres d’Europe.

    L’indice de liberté économique, créé en 1995 par l’Heritage Foundation et le Wall Street Journal , est un excellent outil permettant de mesurer la liberté laissée aux acteurs économiques. Il prend en compte 12 indicateurs, allant du niveau de dépense publique au respect de la propriété privée en passant par la santé fiscale ou encore l’efficacité de la justice.

    L’Estonie se retrouve comme l’un des pays les plus libres en Europe, et même dans le monde avec une 10e position en 2020 dans ce classement . La République Tchèque est 23e, devant l’Allemagne 27e. La France, elle, est 64e…, loin derrière la Roumanie 38e, et la Pologne 46e.

    Il y a un réel effort de libéralisation de l’économie à l’est de l’Europe. Et quand on compare les indices de liberté économique, on découvre aisément que les pays de l’Est ont une dynamique dépassant celle de certains pays de l’Ouest, même de l’Allemagne.

    Dans le prochain tableau, comme pour les suivants, apparaissent en rouge les deux plus mauvais classements, et en vert les deux meilleurs.

    Indice de liberté économique et ses évolutions europe de l Source : https://www.heritage.org/index/heatmap

    Si certaines nations se sont ouvertes plus tôt à des réformes libérales à la sortie des années communistes, comme l’Estonie et la République Tchèque qui sont les pays de l’Est les plus libres, d’autres accélèrent le mouvement depuis une petite dizaine d’années.

    C’est notamment le cas de la Pologne et de la Roumanie, qui sont passées devant la France dans le classement et se rapprochent de l’Allemagne. Ce sont les deux pays qui ont enregistré la plus forte libéralisation de l’économie entre 2009 et 2020.

    L’opposition à ces réformes est mineure en Estonie et en République tchèque où les partis politiques, de gauche, de droite ou même populistes, ont quasiment tous inséré dans leur programme des éléments libéraux.

    Car les réformes ont permis une amélioration du niveau de vie de l’ensemble de la population, et elles portent aujourd’hui leurs fruits avec des résultats excellents.

    … pour plus de croissance et moins de chômage

    La liberté favorise une croissance économique et une chute du chômage. Sur le tableau suivant, on voit que la croissance des pays qui se libèrent économiquement augmente.

    Taux de croissance du PIB réel et son évolution par rapport à l’évolution de l’indice de liberté économique europe de l Sources : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:%C3%89volution_du_PIB_r%C3%A9el,_2009-2019_FP2020.png ; https://www.heritage.org/index/heatmap

    Mis à part la Hongrie, les pays où les acteurs économiques ne subissent pas le poids de l’État bénéficient d’une forte croissance, qui ferait pâlir toute l’Europe de l’Ouest et du Sud. La Roumanie et la Pologne, avec une évolution de l’indice de liberté de plus de 6 points sur les dix dernières années, connaissent une croissance moyenne de plus de 3 % par an sur la même période.

    Bons résultats aussi en ce qui concerne le chômage, dont le taux est relativement bas dans les pays de l’Est, par rapport aux pays du sud de l’Europe.

    Comparaison entre le taux de chômage et l’indice de liberté économique PNG - 11.3 ko Sources : https://fr.countryeconomy.com/marche-du-travail/chomage ; https://www.heritage.org/index/heatmap

    La République Tchèque cartonne avec un taux de chômage à 2 % ! Le plein emploi est une réalité également en Pologne, avec moins de 3 % de chômage. L’Espagne, l’Italie et la France, pays les moins libres de ce classement, sont ceux qui comptent un nombre massif de chômeurs.

    La Hongrie pourrait à première vue faire figure d’OVNI, avec un indice de liberté faible, qui stagne depuis 10 ans (-0,4), mais un chômage très bas et une croissance proche de 5 % en 2019.

    Un examen détaillé des indicateurs de l’indice de liberté économique nous fournit l’explication : liberté commerciale très importante (86,4) tout comme la liberté des investissements (80,0), et niveau de taxation assez faible (noté 79,9, soit un très bon score). À l’inverse, en France, ces mêmes indicateurs sont respectivement à 81,4, 75,0 et 48,8 (soit très proche de l’enfer fiscal !).

    C’est l’indicateur du niveau de taxation qui influe de façon importante sur les résultats économiques de la Hongrie. Celle-ci a supprimé l’impôt sur la fortune et institué un impôt sur le revenu à taux unique, 16 %. L’impôt sur les sociétés y est aussi très bas, avec deux taux à 10 et 19 %. Résultat : pas d’effet de seuil et des entreprises qui peuvent prospérer.

    Cette fiscalité permet à la Hongrie d’atteindre de très bons résultats en termes de croissance et de chômage. Pour autant, elle est le pays de l’Est affligé de la plus forte dette, alors que les pays plus libres ont une dette plus basse.

    Les économies les plus libres ont les États les mieux gérés

    La liberté économique permet aussi d’avoir un État bien géré, et donc peu endetté. Les pays de l’Est l’ont bien compris et leur endettement est faible par rapport à celui de la France, de l’Italie ou de l’Espagne.

    Dans le tableau suivant, on observe que les deux pays ayant le taux d’endettement le plus bas sont aussi les deux pays ayant l’indice de liberté économique le plus élevé, et inversement que les pays les plus endettés sont aussi ceux où la liberté économique est la plus basse.

    Comparaison entre la dette publique et l’indice de liberté économique Comparaison entre la dette publique et l Source : https://www.touteleurope.eu/actualite/la-dette-publique-des-etats-de-l-union-europeenne.html ; https://www.heritage.org/index/heatmap

    Une gestion de la COVID-19 difficile à évaluer

    En cette période de crise pandémique, les pays ont adopté des stratégies différentes. Mi-janvier, l’Estonie était l’un des pays d’Europe imposant le moins de restrictions . Avec seulement le masque obligatoire et des limitations dans les commerces, les seules fermetures d’établissements sportifs et culturels concentrées dans la région de la capitale, Tallinn.

    Et le pays s’en sort bien avec 321 morts par million de personnes depuis le début de la crise ce qui le classe parmi les très bons élèves. En revanche, la situation est plus détériorée en République Tchèque (1509 morts/million de personnes) et en Hongrie (1245) malgré des mesures strictes (couvre-feu en Tchéquie, confinement partiel en Hongrie). La Pologne confinée obtient de meilleurs résultats (989 morts/million d’habitants) même si les mesures sanitaires annexes sont moins strictes qu’en Tchéquie et Hongrie.

    Les stratégies Covid varient donc d’un pays à l’autre en Europe centrale et de l’Est, rendant les comparaisons hasardeuses.

    En revanche, un consensus établit que le libéralisme permet un meilleur développement économique. Les années 2020 et 2021 vont ralentir cette expansion.

    Mais quand tout sera revenu à la normale, il est probable que d’ici 20 à 30 ans, les anciens pays communistes seront des puissances économiques régionales et des places d’échanges incontournables. Les pays du sud de l’Europe, dont la France fait partie, peuvent encore revenir dans le jeu.

    Mais pour cela, il faudrait avoir le courage de réformer en profondeur, de lutter contre l’endettement public et de libérer les forces vives de l’excès de réglementations, d’impôts et charges.

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      Pourquoi est-il urgent de s’inquiéter du solde négatif de notre balance commerciale ? (2)

      news.movim.eu / Contrepoints · Tuesday, 3 March, 2020 - 04:00 · 9 minutes

    balance commerciale

    Par Claude Sicard.
    Un article d’Entrepreneurs pour la France

    Nous avons, dans un article précédent , décrit par quel processus des pays qui avaient une balance commerciale déficitaire sont parvenus à redresser la barre de leur commerce extérieur, et nous avons vu que, chaque fois, ce résultat provenait du développement simultané, et relativement rapide, de un ou deux secteurs de l’économie, de secteurs anciens qui se sont restructurés et sont devenus très compétitifs, ou bien de secteurs nouveaux pour lesquels les acteurs ont su trouver une stratégie de croissance pertinente.

    Et dans le cas de très grands pays, il s’est agi de trois, voire quatre secteurs, comme cela a été le cas pour l’Allemagne. Quand la balance commerciale d’un pays se redresse, ce n’est jamais parce que tous les secteurs de l’économie, soudain, se seraient mis en marche et seraient devenus plus exportateurs, mais parce qu’un, deux, voire trois secteurs sont devenus très dynamiques, des secteurs représentant un pourcentage significatif du PIB du pays.

    C’est du moins l’enseignement que l’on peut tirer des cas que nous avons examinés dans l’article précédent. Nous allons donc voir ici, ce qu’il en est dans le cas de la France, un pays qui ne parvient pas à redresser sa balance commerciale.

    Le déficit de notre balance commerciale s’est élevé à 58,9 milliards d’euros en 2019, et du fait qu’il se trouve en très léger repli par rapport à l’année précédente, les commentaires laudatifs fusent de tous côtés. On vante ainsi les mérites de la « Team France export » d’Édouard Philippe, et le Quai d’Orsay triomphe, nous disant : « Selon les tendances des trois premiers trimestres 2019, la croissance des exportations françaises de biens serait, en 2019, supérieure à celle des exportations allemandes, britanniques, italiennes, néerlandaises et espagnoles ».

    Faut-il réellement crier victoire aussi vite ?

    Nous allons voir quelle est la situation réelle de notre pays en matière de forces susceptibles d’amener plus ou moins rapidement une amélioration notable de la balance du commerce extérieur. Tout d’abord devons-nous constater que nos exportations par rapport au PIB sont tout à fait insuffisantes, comme le montre le tableau ci-dessous où la France est comparée aux quatre pays pris en exemple dans notre article précédent, des pays qui, précisément, sont parvenus à redresser la barre de leur commerce extérieur dans des délais relativement raisonnables :

    Exportations, en pour cent du PIB
    France 31,3 %
    Allemagne 47,4 %
    Danemark 55,6 %
    Suisse 66,1 %
    Pays Bas 84,3 %

    Il faut examiner, ensuite, la situation dans laquelle se trouve ce que les Hollandais ont nommé des top sectors c’est-à-dire des secteurs stratégiques pour le redressement de la balance commerciale du pays. Ils sont au nombre de quatre :

    – Industrie automobile
    – Agro-alimentaire
    – Construction aéronautique
    – Secteur du luxe

    Industrie automobile

    Le secteur de la construction automobile tient une place importante dans la vie économique du pays, employant 211 000 personnes, dont 126 000 chez les constructeurs, 66 000 chez les équipementiers, et 19 000 chez les carrossiers. Le chiffre d’affaires du secteur est évalué à 155 milliards d’euros, dont 47 milliards à l’exportation.

    Malheureusement, l’activité de ce secteur décline depuis quelques années : la production est passée de 3,5 millions de véhicules en 2000 à 2 millions en 2018, et l’on peut craindre que les évolutions technologiques en cours qui vont amener des bouleversements tout à fait considérables dans les toutes prochaines années fragilisent encore un peu plus ce secteur.

    La balance commerciale de ce top sector est d’ailleurs devenue négative, la France important plus de véhicules à présent qu’elle n’en exporte : le déficit commercial a été de 8,2 milliards d’euros en 2017, et de 12,4 milliards en 2018. Ce secteur est donc très loin d’avoir la même importance qu’en Allemagne, l’industrie automobile allemande étant environ quatre fois plus puissante que la nôtre. En Allemagne, elle représente 4,0 % du PIB, alors qu’en France il s’agit d’environ 1 % seulement.

    Dans la production européenne, la France est passée de 13,1 % en 2000, à 6,7 % maintenant ; au plan mondial, elle est devenue un petit producteur, face à la Chine qui produit 28 millions de véhicules par an et aux États-Unis qui en sont à un peu plus de 12 millions.

    L’agro-alimentaire

    Ce secteur tient, traditionnellement, une place très importante dans l’économie du pays, la France étant un pays agricole et la gastronomie française ayant une réputation mondiale. Le chiffre d’affaires de ce secteur était évalué à 176 milliards d’euros en 2018, dont 44 milliards réalisés à l’exportation, soit 26 %. Et il s’agirait d’un effectif d’un peu plus de 400 000 personnes, chiffre probablement exagéré car on ne sait pas exactement comment les acteurs de la branche établissent leurs comptes.

    Malheureusement, la concurrence des Allemands et des Hollandais a mis à mal ces dernières années le secteur de l’agro-alimentaire français, et il a perdu ainsi un peu plus de 20 000 emplois en 10 ans. Aussi, un économiste comme Alexandre Mirlicourtis du cabinet Xerfi parle-t-il d’une véritable Berezina ! Une déroute donc pour l’un des points forts de notre économie.

    Le secteur est composé d’un trop grand nombre de petites, voire de très petites PME, et il y a donc un urgent besoin de le restructurer et de le moderniser : 76 % des entreprises ont moins de 10 salariés. Mais il y a, aussi, plusieurs très grands groupes (Danone, Lactalis, Ricard…) qui sont des firmes multinationales : mais en se développant mondialement, ces firmes réalisent une partie de leur production à l’étranger.

    Le 26 février 2018 le comité exécutif du Conseil national de l’Industrie, le CNI, a validé le programme du comité stratégique de la filière agro-alimentaire présidé par le président de l’ANIA, et l’on va centrer l’action sur le maillon faible de la filière : son industrialisation. Des efforts particuliers vont être faits pour renforcer la R&D qui ne représente que seulement 1,3 % du chiffre d’affaires de la branche.

    Ce secteur qui était jusqu’à une période récente l’un des points forts de l’économie, est donc à présent à la peine. Les exportations qui s’élevaient à 58,7 milliards d’euros en 2016 ont chuté à 44 milliards en 2018. Ces chiffres sont à comparer à ceux des deux pays européens qui devancent maintenant la France en matière d’exportations dans l’agroalimentaire, l’Allemagne avec 72 milliards d’euros, et la Hollande avec 60 milliards d’euros.

    Le secteur aéronautique et spatial

    La France a été l’un des pionniers dans l’aéronautique, et avec Airbus et Dassault elle dispose d’un secteur de construction aéronautique extrêmement dynamique. Ce secteur emploie aujourd’hui 350 000 personnes (constructeurs et sous-traitants) et a un chiffre d’affaires de 65,4 milliards d’euros (GIFAS), dont 44 milliards à l’exportation.

    Mais du fait de l’articulation des fabrications entre les pays membres d’Airbus (France, Allemagne, Royaume-Uni et Espagne) ce secteur est structurellement fortement générateur d’importations : en 2018 les importations se sont élevées à 38,3 milliards d’euros, en sorte que le solde excédentaire de ce secteur ne s’est monté qu’à 27,8 milliards d’euros. La contribution nette de ce secteur d’activité au commerce extérieur du pays est donc relativement modeste, alors que par nature, puisqu’il s’agit d’activités de haute technologie et de marchés en croissance, on pourrait le considérer comme pouvant être l’un de nos meilleurs top sectors dans les années à venir.

    Le secteur du luxe

    Le secteur du luxe est aujourd’hui le joyau de l’industrie française. Les experts de la branche nous disent qu’il s’agit de 165 000 emplois, avec un chiffre d’affaires de 90 milliards d’euros dont 85 % réalisés à l’exportation, soit 76,5 milliards d’euros. C’est le fleuron national de notre industrie, et le journaliste économique Jean-Marc Sylvestre nous dit dans un article sur Atlantico : « la France qui s’est cherchée une activité dominante pendant un demi-siècle l’a trouvée dans l’industrie du luxe ».

    Dans ce secteur, les Français dominent le marché mondial : LVMH (Bernard Arnault) est le numéro un mondial, Kering (François Pinault) est numéro deux, et les groupes français détiennent 130 marques de prestige sur les 270 mondiales recensées aujourd’hui. Dans les dix premiers groupes mondiaux figurent aussi Hermès et l’Oréal. Il s’agit donc pour l’économie française d’une carte maîtresse, notamment en matière de commerce extérieur.

    Quelles perspectives pour un retour à l’équilibre de notre balance commerciale ?

    Sur les quatre top sectors sur lesquels on pourrait normalement compter pour redresser le solde de notre commerce extérieur, on voit donc que deux sont défaillants, et le troisième, l’industrie aéronautique, qui est effectivement un secteur très dynamique est, par nature, générateur de fortes importations pour ses fabrications.
    Ainsi, la manière dont est structuré le groupe Airbus limite beaucoup les capacités de ce secteur à réduire le déficit de notre commerce extérieur.

    Il reste donc le secteur de l’industrie du luxe, qui se révèle être contre toute attente le pilier le plus solide et le plus florissant de l’industrie française. Mais à lui seul il est tout à fait insuffisant pour combler le défi commercial du pays : une augmentation de 5 % à 6 % chaque année de ses exportations, ce qui est le rythme actuel, amène 5 milliards d’exportations de plus, ce qui est peu de chose face à un déficit de notre commerce extérieur s’élevant à une soixantaine de milliards d’euros par an. Nous avons montré que dans le cas d’un grand pays comme la France il faut plus d’un top sector pour redresser la balance commerciale du pays : or, nous n’en disposons que d’un seulement.

    On aurait pu envisager, éventuellement, d’ajouter à ces quatre top sectors identifiés ci-dessus, l’industrie pharmaceutique, avec cette multinationale très connue qu’est Sanofi. Mais bien que dynamique, ce secteur ne représente que 55 milliards de chiffre d’affaires annuel, dont 25 se réalisent à l’exportation. L’industrie française du médicament vient en quatrième position seulement en Europe, derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie, et 8 % à 10 % d’augmentation des exportations de ce secteur, chaque année, n’amènent, pour autant qu’elles se réalisent, que 2 à 3 milliards de mieux pour réduire notre déficit commercial.

    On voit donc qu’il n’y a aucune chance que notre déficit commercial puisse vraiment se réduire beaucoup dans les toutes prochaines années. L’analyse des mécanismes qui ont permis à d’autres pays de redresser leur commerce extérieur débouche sur un diagnostic sévère à porter sur l’état de santé de notre économie : la France est en panne de top sectors.

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